Rapport d’enquête sur une question de sécurité du transport (SII)
Incursions sur piste
entre les pistes parallèles à l’aéroport international
Lester B. Pearson de Toronto (Ontario)
L'événement
La présente enquête a examiné 27 incursions sur piste qui se sont produites de juin 2012 à novembre 2017 sur les 2 pistes parallèles rapprochées (« le complexe sud »), à l'aéroport international Lester B. Pearson de Toronto (CYYZ) (Ontario). Ces 27 incursions étudiées ne sont pas les seules qui ont eu lieu à CYYZ durant cette période. Cependant, leur nombre et leurs similarités ont soulevé des préoccupations et ont mené le BST à les examiner de plus près dans leur ensemble pour déterminer leurs causes et facteurs contributifs sous-jacents systémiques, et évaluer l'importance du risque qu'elles présentent.
Toutes ces incursions se sont produites sur la piste intérieure (piste 06L/24R) après que les équipages de conduite eurent atterri sur la piste extérieure (piste 06R/24L), eurent reçu l'instruction du contrôle de la circulation aérienne (ATC) d'attendre à l'écart de la piste 06L/24R et, malgré leur intention d'arrêter, eurent raté les repères visuels indiquant les points d'attente avant piste.
Plusieurs caractéristiques de configuration des voies de circulation entre les pistes d'atterrissage sont inhabituelles comparativement à celles d'autres aérodromes en Amérique du Nord et ailleurs dans le monde. L'écart entre ces pistes (305 m [1000 pieds]) est relativement faible, et les voies de sortie rapide (RET) permettent d'accéder directement à la piste adjacente, sans passer par une autre surface de transition. Les points d'attente avant piste sont aménagés immédiatement après une courbe à 65° et sont plus éloignés de la piste intérieure protégée que dans d'autres aéroports.
Les compagnies aériennes régionales qui sont basées aux États-Unis et qui exploitent des avions à réaction régionaux sont en cause dans un nombre disproportionné de ces incursions, tant au niveau quantitatif que comparatif au taux d'incursions par atterrissage. Cela s'explique sans doute par le fait que les équipages de conduite étrangers sont inaccoutumés à la configuration exceptionnelle de la voie de circulation entre les pistes parallèles à CYYZ, et par la vitesse plus élevée à laquelle ces types d'aéronefs plus petits approchent souvent des points d'attente avant piste.
C'est pour ces raisons que certains équipages de conduite n'ont pas anticipé l'emplacement du point d'arrêt de chaque RET et, par conséquent, qu'ils n'étaient pas attentifs à l'environnement extérieur de l'aéronef au moment voulu pour détecter les repères visuels indiquant les points d'attente avant piste.
La plupart des équipages de conduite étaient au courant des zones du complexe sud qui posent un risque accru d'incursion sur piste; les cartes d'aérodrome qui leur sont fournies indiquent ces zones comme étant des points chauds. Or, ces indications, associées aux lacunes des exigences des exploitants en matière d'exposé avant roulage, n'attiraient pas l'attention des équipages sur des stratégies pouvant atténuer les risques d'incursion. Les équipages ont plutôt suivi leurs façons de procéder habituelles après avoir dégagé la piste d'atterrissage, et ont effectué leurs vérifications après atterrissage. L'exécution de ces tâches les a distraits au moment où il ne leur restait que peu de temps pour distinguer les repères visuels leur dictant d'arrêter, et a contribué à ce que ces derniers passent inaperçus.
Dans les événements étudiés, l'ATC a vite reconnu les incursions et pris des mesures adéquates qui ont soit incité les aéronefs à s'immobiliser, soit réduit la gravité des conséquences. Ainsi, la plupart des aéronefs n'ont pas atteint la surface de la piste intérieure. Des 3 aéronefs qui ont atteint cette surface, 2 y sont parvenus à une intersection se situant au-delà du point où un aéronef en partance présentait un risque de collision. Dans le 3e cas, l'ATC a annulé l'autorisation de décollage de l'aéronef en partance avant que celui-ci n'amorce sa course au décollage.
Dans un autre événement, l'ATC a commandé à l'aéronef en imminence d'incursion de s'immobiliser avant qu'il n'eût atteint la surface de la piste, puis a immédiatement commandé à l'aéronef en partance d'interrompre le décollage. L'équipage de conduite de l'aéronef en partance n'a pas compris qu'il lui fallait interrompre le décollage, car la phraséologie employée ne lui était pas familière, et qu'elle n'était pas répétée; par conséquent, on a poursuivi le départ. L'aéronef en imminence d'incursion s'est immobilisé avant d'atteindre la surface de la piste, et l'aéronef en partance a survolé l'intersection sans incident.
Les lignes directrices internationales sur la prévention des incursions sur piste recommandent de mettre en œuvre des stratégies de gestion ou d'atténuation de ce risque une fois que les zones présentant un danger d'incursion ont été déterminées. Ces stratégies doivent comprendre des campagnes d'information, des aides visuelles additionnelles, des routes de rechange ou, en dernier recours, la construction de nouvelles voies de circulation.
Depuis 2012, on a organisé diverses campagnes d'information et publié des avis. De plus, les aides visuelles ont fait l'objet d'améliorations graduelles, mais importantes. Ces stratégies ont probablement entraîné des réductions périodiques, mais non permanentes, de la fréquence des incursions.
Une révision des procédures après atterrissage des équipages de conduite pourrait accroître la vigilance et réduire la distraction, mais, vraisemblablement, ces révisions n'empêcheront pas les équipages de conduite d'anticiper que les repères visuels se situeront dans des endroits communs ni ne les inciteront à réduire leur vitesse de roulage afin qu'ils disposent de plus de temps pour identifier les repères visuels.
Toutes les stratégies applicables que recommandent les lignes directrices internationales ont été mises en œuvre au complexe sud, sauf une : modifier l'aménagement des voies de circulation. Un changement de cette ampleur pourrait être nécessaire pour : accroître la distance et le temps de roulage entre les points d'attente avant piste; réduire les vitesses de roulage des aéronefs qui approchent des points d'attente à l'écart; et prévenir l'accès direct aux pistes adjacentes depuis les RET. Les modifications possibles aux aménagements qui pourraient corriger ces facteurs comprennent l'insertion entre les pistes d'une voie de circulation leur étant parallèle, comme on en trouve dans plusieurs aérodromes aux pistes parallèles, et le déplacement des aides visuelles à des endroits standards.
Communications en matière de sécurité
Recommandations
Recommandation A18-04 du BST: NAV CANADA modifie ses directives sur la phraséologie, afin que les transmissions essentielles à la sécurité visant à éliminer les conflits perçus, comme les instructions d'interruption de décollage ou de remise des gaz, soient suffisamment captivantes pour attirer l'attention des équipages de conduite, surtout lorsque leur charge de travail est élevée.
Recommandation A18-05 du BST: le ministère des Transports travaille avec les exploitants pour modifier leurs procédures d'utilisation normalisées, afin que les vérifications après atterrissage ne soient effectuées que lorsque l'aéronef a dégagé les 2 pistes actives en situation de pistes parallèles rapprochées utilisées simultanément, au lieu d'être effectuées dès la piste d'atterrissage dégagée, comme c'est le cas à l'heure actuelle.
Recommandation A18-06 du BST: la Federal Aviation Administration des États-Unis travaille avec les exploitants pour modifier les procédures d'utilisation normalisées, afin que les vérifications après atterrissage ne soient effectuées que lorsque l'aéronef a dégagé les 2 pistes actives en situation de pistes parallèles rapprochées utilisées simultanément, au lieu d'être effectuées dès la piste d'atterrissage dégagée, comme c'est le cas à l'heure actuelle.
Recommandation A18-07 du BST: l'Autorité aéroportuaire du Grand Toronto apporte des modifications physiques à l'aménagement des voies de circulation pour atténuer les risques d'incursion entre les pistes parallèles et, en attendant que ces modifications soient apportées, mette en œuvre d'autres améliorations pour accroître la perceptibilité des points d'attente avant piste.
Ressources pour les médias
Communiqué de presse
Le BST émet quatre recommandations afin d’améliorer la sécurité des pistes à l’aéroport le plus achalandé du Canada
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Document d'information
Discours
Mot d'ouverture : Publication du rapport d’enquête A17O0038
Kathy Fox, présidente du BST
Ewan Tasker, gestionnaire, Opérations régionales de l’Ontario
Video
Informations d'enquête
Enquêteur désigné
Ewan Tasker possède plus de 20 ans d'expérience en aviation civile. Il s'est joint au BST en 2008 et occupe maintenant le poste d’enquêteur principal régional à Richmond Hill (Ontario). Depuis qu'il s’est joint au BST, il a été l'enquêteur désigné pour plus de 250 événements, dont 11 enquêtes majeures.
Avant de faire partie du BST, M. Tasker a fait du pilotage commercial en Amérique du Nord et du Sud, a accumulé plus de 7000 heures de vol et a obtenu des licences de pilote de ligne de 3 organismes de réglementation différents. Au cours de sa carrière qui l'a menée du sol jusque dans les airs, il a occupé tous les postes, de bagagiste à chef pilote. M. Tasker est également contrôleur de la circulation aérienne titulaire d'un permis de Transports Canada.
Voir des images en haute résolution sur la page Flickr du BST.
Catégorie de l’enquête
Cette enquête est une enquête de catégorie 1. Également appelées enquêtes sur une question de sécurité, les enquêtes de catégorie 1 sont des études d’une série d’événements ayant des caractéristiques communes et qui, avec le temps, ont établi un fil conducteur. Ces enquêtes, qui peuvent donner lieu à des recommandations, se concluent généralement en 730 jours. Pour de plus amples renseignements, consultez la Politique de classification des événements.Processus d'enquête du BST
Une enquête du BST se déroule en 3 étapes :
- L'étape du travail sur le terrain : une équipe d'enquêteurs examine le lieu de l'événement et l'épave, interviewe les témoins et recueille toute l'information pertinente.
- L'étape d'examen et d'analyse : le BST examine toute la documentation liée au dossier, effectue des tests en laboratoire sur des composantes de l'épave, établit la chronologie des événements et identifie toute lacune en matière de sécurité. Lorsque le BST soupçonne ou constate des lacunes en matière de sécurité, il en informe sans tarder les organismes concernés sans attendre la parution du rapport final.
- L'étape de production du rapport : une version confidentielle du rapport est approuvée par le Bureau et envoyée aux personnes et organismes qui sont directement touchés par le rapport. Ceux-ci ont l'occasion de contester ou de corriger l'information qu'ils jugent erronée. Le Bureau tient compte de toutes les observations fournies avant d'approuver la version définitive du rapport, qui est ensuite publiée.
Vous trouverez de plus amples détails à la page sur le Déroulement des enquêtes.
Le BST est un organisme indépendant qui mène des enquêtes sur des événements de transport aérien, ferroviaire, maritime et pipelinier. Son seul but est de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n'est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales.