Rapport d’enquête sur une question de sécurité du transport (SII)
Incursions sur piste
entre les pistes parallèles à l’aéroport international
Lester B. Pearson de Toronto (Ontario)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
La présente enquête a examiné 27 incursions sur piste qui se sont produites de juin 2012 à novembre 2017 sur les 2 pistes parallèles rapprochées (« le complexe sud »), à l'aéroport international Lester B. Pearson de Toronto (CYYZ) (Ontario). Ces 27 incursions étudiées ne sont pas les seules qui ont eu lieu à CYYZ durant cette période. Cependant, leur nombre et leurs similarités ont soulevé des préoccupations et ont mené le BST à les examiner de plus près dans leur ensemble pour déterminer leurs causes et facteurs contributifs sous-jacents systémiques, et évaluer l'importance du risque qu'elles présentent.
Toutes ces incursions se sont produites sur la piste intérieure (piste 06L/24R) après que les équipages de conduite eurent atterri sur la piste extérieure (piste 06R/24L), eurent reçu l'instruction du contrôle de la circulation aérienne (ATC) d'attendre à l'écart de la piste 06L/24R et, malgré leur intention d'arrêter, eurent raté les repères visuels indiquant les points d'attente avant piste.
Plusieurs caractéristiques de configuration des voies de circulation entre les pistes d'atterrissage sont inhabituelles comparativement à celles d'autres aérodromes en Amérique du Nord et ailleurs dans le monde. L'écart entre ces pistes (305 m [1000 pieds]) est relativement faible, et les voies de sortie rapide (RET) permettent d'accéder directement à la piste adjacente, sans passer par une autre surface de transition. Les points d'attente avant piste sont aménagés immédiatement après une courbe à 65° et sont plus éloignés de la piste intérieure protégée que dans d'autres aéroports.
Les compagnies aériennes régionales qui sont basées aux États-Unis et qui exploitent des avions à réaction régionaux sont en cause dans un nombre disproportionné de ces incursions, tant au niveau quantitatif que comparatif au taux d'incursions par atterrissage. Cela s'explique sans doute par le fait que les équipages de conduite étrangers sont inaccoutumés à la configuration exceptionnelle de la voie de circulation entre les pistes parallèles à CYYZ, et par la vitesse plus élevée à laquelle ces types d'aéronefs plus petits approchent souvent des points d'attente avant piste.
C'est pour ces raisons que certains équipages de conduite n'ont pas anticipé l'emplacement du point d'arrêt de chaque RET et, par conséquent, qu'ils n'étaient pas attentifs à l'environnement extérieur de l'aéronef au moment voulu pour détecter les repères visuels indiquant les points d'attente avant piste.
La plupart des équipages de conduite étaient au courant des zones du complexe sud qui posent un risque accru d'incursion sur piste; les cartes d'aérodrome qui leur sont fournies indiquent ces zones comme étant des points chauds. Or, ces indications, associées aux lacunes des exigences des exploitants en matière d'exposé avant roulage, n'attiraient pas l'attention des équipages sur des stratégies pouvant atténuer les risques d'incursion. Les équipages ont plutôt suivi leurs façons de procéder habituelles après avoir dégagé la piste d'atterrissage, et ont effectué leurs vérifications après atterrissage. L'exécution de ces tâches les a distraits au moment où il ne leur restait que peu de temps pour distinguer les repères visuels leur dictant d'arrêter, et a contribué à ce que ces derniers passent inaperçus.
Dans les événements étudiés, l'ATC a vite reconnu les incursions et pris des mesures adéquates qui ont soit incité les aéronefs à s'immobiliser, soit réduit la gravité des conséquences. Ainsi, la plupart des aéronefs n'ont pas atteint la surface de la piste intérieure. Des 3 aéronefs qui ont atteint cette surface, 2 y sont parvenus à une intersection se situant au-delà du point où un aéronef en partance présentait un risque de collision. Dans le 3e cas, l'ATC a annulé l'autorisation de décollage de l'aéronef en partance avant que celui-ci n'amorce sa course au décollage.
Dans un autre événement, l'ATC a commandé à l'aéronef en imminence d'incursion de s'immobiliser avant qu'il n'eût atteint la surface de la piste, puis a immédiatement commandé à l'aéronef en partance d'interrompre le décollage. L'équipage de conduite de l'aéronef en partance n'a pas compris qu'il lui fallait interrompre le décollage, car la phraséologie employée ne lui était pas familière, et qu'elle n'était pas répétée; par conséquent, on a poursuivi le départ. L'aéronef en imminence d'incursion s'est immobilisé avant d'atteindre la surface de la piste, et l'aéronef en partance a survolé l'intersection sans incident.
Les lignes directrices internationales sur la prévention des incursions sur piste recommandent de mettre en œuvre des stratégies de gestion ou d'atténuation de ce risque une fois que les zones présentant un danger d'incursion ont été déterminées. Ces stratégies doivent comprendre des campagnes d'information, des aides visuelles additionnelles, des routes de rechange ou, en dernier recours, la construction de nouvelles voies de circulation.
Depuis 2012, on a organisé diverses campagnes d'information et publié des avis. De plus, les aides visuelles ont fait l'objet d'améliorations graduelles, mais importantes. Ces stratégies ont probablement entraîné des réductions périodiques, mais non permanentes, de la fréquence des incursions.
Une révision des procédures après atterrissage des équipages de conduite pourrait accroître la vigilance et réduire la distraction, mais, vraisemblablement, ces révisions n'empêcheront pas les équipages de conduite d'anticiper que les repères visuels se situeront dans des endroits communs ni ne les inciteront à réduire leur vitesse de roulage afin qu'ils disposent de plus de temps pour identifier les repères visuels.
Toutes les stratégies applicables que recommandent les lignes directrices internationales ont été mises en œuvre au complexe sud, sauf une : modifier l'aménagement des voies de circulation. Un changement de cette ampleur pourrait être nécessaire pour : accroître la distance et le temps de roulage entre les points d'attente avant piste; réduire les vitesses de roulage des aéronefs qui approchent des points d'attente à l'écart; et prévenir l'accès direct aux pistes adjacentes depuis les RET. Les modifications possibles aux aménagements qui pourraient corriger ces facteurs comprennent l'insertion entre les pistes d'une voie de circulation leur étant parallèle, comme on en trouve dans plusieurs aérodromes aux pistes parallèles, et le déplacement des aides visuelles à des endroits standards.
1.0 Renseignements de base
1.1 Objectif
1.1.1 Qu'est qu'une enquête sur une question de sécurité?
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a pour mission de promouvoir la sécurité des transports. Il enquête sur les événements pour déterminer leurs causes et facteurs contributifs, cerne les manquements à la sécurité et fait des recommandations qui visent à atténuer ou à éliminer ces manquements.
Quand plusieurs événements aux caractéristiques communes se produisent dans des circonstances similaires, cela pourrait indiquer que leurs causes ou facteurs contributifs sous-jacents sont de nature systémique. Ces événements peuvent faire l'objet d'une seule enquête plutôt que plusieurs enquêtes distinctes.
La Politique de classification des événements du BST désigne ce type d'enquête comme étant une enquête sur une question de sécurité (SII) qui est lancée lorsqu'une évaluation du BST détermine l'existence d'une question de sécurité importante de nature systémique.
1.1.2 Incursions sur piste
L'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) définit une incursion sur piste comme suit : « Toute situation se produisant sur un aérodrome, qui correspond à la présence inopportune d'un aéronef, d'un véhicule ou d'une personne dans l'aire protégée d'une surface destinée à l'atterrissage et au décollage d'aéronefsNote de bas de page 1 ».
L'OACI utilise un système de classification de la gravité qui comprend 5 catégories (tableau 1).
Catégorie de gravité | Description* |
---|---|
A | Incident grave dans lequel une collision est évitée de justesse. |
B | Incident dans lequel la séparation diminue avec un risque marqué de collision, qui peut exiger une manœuvre immédiate de correction ou d'évitement pour parer à une collision. |
C | Incident caractérisé par le fait que le temps et/ou la distance permettent amplement de parer à une collision. |
D | Incident qui entre dans la définition d'une incursion sur piste tel que la présence non autorisée d'un véhicule, d'une personne ou d'un aéronef sur l'aire protégée d'une surface réservée à l'atterrissage et au décollage d'aéronefs, mais qui ne porte pas immédiatement atteinte à la sécurité. |
E | Renseignements insuffisants ou constatation non concluante ou conflictuelle qui empêchent d'évaluer la gravité. |
* Voir les définitions d'« incident » et d'« incident grave », de l'OACI à l'annexe 13 à la Convention relative à l'aviation civile internationale.
1.1.3 Liste de surveillance du BST
Le risque de collision sur les pistes restera sur la Liste de surveillance du BST jusqu'à ce que :
- l'on constate une baisse soutenue de la fréquence des incursions sur piste et notamment des cas les plus graves;
- Transports Canada et tous les secteurs de l'aviation poursuivent leur collaboration en vue d'élaborer des solutions sur mesure pour remédier aux dangers relevés aux aéroports canadiens (p. ex., l'amélioration des procédures de contrôle aérien, les systèmes de surveillance et d'avertissement, la conception des pistes et des voies de circulation, les aides visuelles relatives aux positions d'attente ainsi que les procédures et la formation à l'intention des équipages de conduite);
- des solutions techniques modernes sont adoptées, comme des aides électroniques à la conscience situationnelle dans le poste de pilotage, et des avertissements directs aux pilotes, comme des feux indicateurs de l'état des pistes.
La Liste de surveillance énumère les principaux enjeux de sécurité qu'il faut s'employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr. Le BST publie cette liste pour attirer l'attention de l'industrie et des organismes de réglementation sur les problèmes qui nécessitent une intervention immédiate.
Le risque de collisions dues aux incursions sur piste figure sur la Liste de surveillance 2018. Depuis l'inscription de cet enjeu sur la Liste de surveillance en 2010, le BST a mené 10 enquêtesNote de bas de page 2. Même si aucun accident n'est survenu récemment au Canada en raison d'une incursion sur piste, les conséquences d'une telle collision pourraient être catastrophiques.
De 2013 à 2017, NAV CANADA a enregistré en moyenne 445 incursions sur piste par année (figure 1). Durant cette période, le taux d'incursions par mouvement d'aéronef a graduellement augmenté de 6,6 à 7,8 incursions par 100 000 arrivées et départs.
Si la majorité de ces incursions pose peu ou pas de risque, on a dénombré 21 événements très graves (catégorie B) au cours de chacune des 2 dernières années (figure 2). Ces événements auraient pu entraîner une collision avec un aéronef, des dommages, des blessures et des pertes de vie.
Les incursions sur piste constituent un problème d'envergure mondiale. Le Global Runway Safety Action Plan 2017 de l'OACI indique que [traduction] « même si on a signalé très peu d'accidents liés aux incursions sur piste de 2008 à 2016, le nombre d'incursions sur piste demeure élevé »Note de bas de page 3.
Pour atténuer les facteurs qui peuvent entraîner des incursions sur piste, les intervenants de l'industrie ont apporté des améliorations graduelles aux politiques, aux procédures, aux technologies et aux infrastructures. C'est ainsi qu'on trouve de plus en plus souvent au Canada des aides à la conscience situationnelle dans le poste de pilotage, comme les organiseurs électroniques de poste de pilotage avec cartes mobiles. Malgré les mesures prises, on a enregistré une hausse de 18 % de la fréquence globale des incursions sur piste de 2013 à 2017.
Le Bureau craint que la fréquence des incursions sur piste au Canada et le risque de collision persistent jusqu'à ce que des mécanismes de défense efficaces soient conçus dans le but d'y remédier et mis en œuvre dans les aéroports, les aéronefs, les véhicules et les installations pour le contrôle aérien partout au Canada.
Transports Canada (TC) et tous les secteurs de l'aviation doivent poursuivre leur collaboration en vue d'élaborer des solutions sur mesure pour remédier aux dangers relevés aux aéroports canadiens. Ces solutions pourraient viser l'amélioration des procédures de contrôle aérien (ATC); des systèmes de surveillance et d'avertissement; de l'aménagement des pistes et des voies de circulation; des aides visuelles relatives aux positions d'attente; ainsi que des procédures et de la formation à l'intention des équipages de conduite.
Cet enjeu demeurera sur la Liste de surveillance du BST tant que l'on n'aura pas constaté une baisse soutenue de la fréquence des incursions sur piste et notamment des cas les plus graves.
1.2 Portée
En mai 2017, le BST a déterminé que la fréquence élevée d'incursions entre les 2 pistes parallèles du complexe sud à l'aéroport international Lester B. Pearson de Toronto (CYYZ) (Ontario) était une source d'inquiétude. Le BST a lancé la présente enquête pour déterminer les facteurs qui ont mené à ces incursions et pour analyser les dispositifs d'aide actuels, ainsi que de nouveaux dispositifs potentiels pour prévenir ces événements.
L'enquête n'a visé que les aéronefs qui ont atterri sur la piste extérieure, qui l'ont dégagée par l'une des voies de sortie rapide (RET), et qui n'ont pas attendu à l'écart de la piste intérieure au point d'attente désigné. On a jugé que ces incursions posaient le plus grand risque de collision entre aéronefs. On a analysé les données de juin 2012 à novembre 2017Note de bas de page 4. Les incursions sur piste par autre chose qu'un aéronef et celles survenues dans d'autres parties de l'aérodrome ont été exclues.
Le présent rapport vise le secteur de l'aviation en général, et tout particulièrement les parties qui mènent leurs activités à CYYZ.
1.3 Contexte
1.3.1 Études précédentes
1.3.1.1 Enquête de l'Autorité aéroportuaire du Grand Toronto en 2012
En mars 2012, après une incursion sur pisteNote de bas de page 5 survenue en novembre 2011, l'Autorité aéroportuaire du Grand Toronto (GTAA) a rédigé un rapport d'enquête dans le cadre de son système de gestion de la sécurité (SGS)Note de bas de page 6. Cette enquête comprenait une analyse des causes profondes d'un ensemble d'incursions sur piste au complexe sud à CYYZ, par des aéronefs exploités par des compagnies aériennes régionales établies aux États-Unis.
Le rapport de la GTAA a cerné plusieurs facteurs causals liés à des incohérences entre les lignes directrices canadiennes, étasuniennes et internationales, notamment des différences entre les marques au sol et les panneaux de signalisation recommandés, et la distance de décalage recommandée entre les points d'attente avant piste et le bord de la piste. Le rapport a également déterminé que l'absence d'une voie de circulation médiane entre les pistes d'atterrissage parallèles présente dans la plupart des aérodromes dont les pistes sont aménagées de façon semblable aux États-Unis augmente la probabilité d'incursions.
Ce rapport comprenait plusieurs recommandations, dont la modification du balisage, des panneaux de signalisation et des marques pour accroître la perceptibilité de ces dispositifs d'aide, et des changements aux cartes d'aérodrome pour aviser les équipages de conduite de ce danger.
1.3.1.2 Enquête de NAV CANADA sur la sécurité des opérations en 2012
Après l'incursion sur piste de novembre 2011 et un incident similaireNote de bas de page 7 en décembre 2011, NAV CANADA a mené sa propre enquête de sécurité portant sur cet enjeu. Son rapport d'enquête sur la sécurité des opérationsNote de bas de page 8, publié en juin 2012, examinait l'historique des incursions sur piste au complexe sud à CYYZ depuis la mise en service des pistes parallèles.
Ce rapport signalait 40 événements qui eurent lieu du 1er septembre 2002 au 13 janvier 2012 et dont les descriptions correspondaient à l'une de 5 catégories [traduction] :
- Aéronef qui omet d'attendre à l'écart de la piste intérieure après avoir atterri sur la piste extérieure (incursion sur la piste intérieure).
- Aéronef qui omet de dégager promptement la piste d'atterrissage extérieure à cause de congestion possible entre les 2 pistes (piste extérieure bloquée); et
- ATC qui omet de protéger la zone protégée de piste de la piste intérieure, après l'atterrissage d'un aéronef sur la piste extérieure (piste intérieure non protégée).
[…]- « Complexe sud - autre » : ne satisfont pas aux critères décrits, mais visent les opérations sur les pistes 24/06.
- « Circulation sur la piste intérieure sans autorisation » : Malgré une seule occurrence, on a établi cette catégorie distincte parce que l'événement en question ne correspondait pas à la définition d'« incursion sur la piste intérieure ». Néanmoins, l'événement a mené au même résultat (c.-à-d. qu'un aéronef a traversé la piste au moment où un autre effectuait sa course au décollage)Note de bas de page 9.
La moitié des 40 événements se classait dans la 1ère catégorie (incursion sur la piste intérieure). De ces 20 événements, 14 mettaient en cause des transporteurs régionaux des É.‑U.; 3, des transporteurs régionaux canadiens; et 3, de grands transporteurs basés aux États-Unis. Le rapport d'enquête formulait de nombreux constats pointant vers l'organisme de réglementation, les exploitants aériens, l'exploitant de l'aéroport ou NAV CANADA.
Le rapport soulignait que le manuel intitulé Normes relatives aux aérodromes et pratiques recommandéesNote de bas de page 10 (TP 312) de TC recommande que les points d'attente avant piste fréquemment utilisés soient situés à 115 m (377 pieds) de l'axe de piste (ce qui n'est pas l'emplacement habituel des lignes d'attente aux États-Unis). Le rapport soulignait aussi que les lignes directrices permettent un balisage lumineux et des panneaux de signalisation différents de ceux utilisés aux États-Unis. Le rapport mentionnait que les exploitants aériens n'étaient pas familiers avec l'utilisation des barres d'arrêt dans de bonnes conditions météorologiques et ne disposaient d'aucune procédure pour passer en revue les points chaudsNote de bas de page 11 durant les exposés ni d'outils pour se rappeler les instructions d'attente à l'écart. NAV CANADA a aussi constaté l'inefficacité des alertes de radar sol et l'insuffisance des avertissements indiqués sur les cartes d'aérodrome et diffusés par le service automatique d'information de région terminale (ATIS)Note de bas de page 12.
En ce qui concerne la GTAA, NAV CANADA a constaté que certains repères visuels, notamment les marques et les panneaux de signalisation éclairés, quoique conformes au manuel TP 312, avaient été des facteurs dans ces événements. L'agence a également constaté que [traduction] :
L'aménagement des voies de sortie rapide a été retenu comme facteur contributif aux incursions sur la piste 06L/24R. Ces voies de sortie rapide comprennent une section rectiligne à un angle oblique par rapport aux 2 pistes, suivi d'une courbe qui place l'aéronef perpendiculaire à la piste. Ainsi, un aéronef qui dégage la piste sud n'est pas aligné avec les balises lumineuses et marques d'attente à l'écart tant qu'il n'a pas négocié cette courbe; l'aéronef se trouve alors très près de la barre d'arrêt. Les équipages de conduite qui n'anticipent pas l'emplacement de la ligne d'arrêt n'auront peut-être pas le temps d'immobiliser leur aéronef à partir du moment où ils les apercevront.
La GTAA a déterminé que l'angle oblique pourrait être problématique, car il compliquerait la tâche du pilote de repérer les feux de protection de piste et les barres d'arrêt à partir de la voie de sortie de la piste extérieure. Par conséquent, la GTAA a réorienté les feux de protection de piste afin qu'ils soient plus visibles à partir de la sortie de la piste extérieure; toutefois, les positions des barres d'arrêt n'ont pas été modifiées. De plus, l'angle oblique pourrait également mener un avion à attendre à l'écart de la piste intérieure dans une position non perpendiculaire à la piste, ce qui pourrait accroître la difficulté des pilotes à observer le trafic au départ sur la piste intérieureNote de bas de page 13.
1.3.1.3 Changements apportés en raison d'études précédentes
À la suite des constatations de sa propre enquête et de celle de NAV CANADA, la GTAA a dressé un plan d'action pour aborder les enjeux de sécurité relevés. Conformément à ce plan, on a entrepris plusieurs améliorations physiques et administratives qui visaient à atténuer les risques. Ces travaux, exécutés en 2012 et 2013, comprenaient entre autres :
- L'amélioration des marques axiales de voie de circulation;
- L'amélioration des marques de point d'attente avant piste se prolongeant jusque dans les accotements de voie de circulation;
- Des marques de panneau peint d'attente obligatoire;
- La réorientation des feux de protection de piste;
- L'ajout aux cartes d'aérodrome d'une page réservée aux points chauds du complexe sud;
- La diffusion à tous les transporteurs concernés d'avis sur le danger des incursions dans cette zone;
- Des améliorations aux protocoles d'enquête interne sur les incursions;
- Le perfectionnement continu de l'équipe locale de sécurité des pistes (LRST)Note de bas de page 14, avec la participation de tierces parties.
Parallèlement, NAV CANADA a entrepris la modernisation de son radar sol et des alertes et alarmes connexes. Quoiqu'elles ne faisaient pas spécialement suite aux incursions sur piste au complexe sud, on voyait ces améliorations comme un moyen efficace de s'employer à résoudre les risques propres à l'ATC et identifiés par NAV CANADA.
Au cours des 20 mois suivant la mise en œuvre de ces changements cumulatifs en 2013, le nombre d'incursions sur piste au complexe sud a diminué; or, cette baisse n'avait rien de permanent, et leur nombre a recommencé à augmenter en 2015.
1.4 Incursions étudiées dans la présente enquête
On a recueilli des données du Système d'information sur la sécurité aérienne (SISA) du BST, du Système de compte rendu quotidien des événements de l'Aviation civile (SCRQEAC) de TC, du système de rapports d'événements d'aviation (AOR) de NAV CANADA, et des dossiers de SGS de plusieurs exploitants aériens pour la période examinée par cette enquête (du 12 juin 2012 au 12 novembre 2017). Cette période a été choisie afin d'englober tous les événements pertinents qui se sont produits entre la date de la dernière incursion analysée par les 2 enquêtes externes précédentes, et la publication du présent rapport d'enquête. On a déterminé que, pendant cette période, il y a eu en tout 107 incursions sur piste à CYYZ. De ce nombre, 27 sont survenues entre les pistes parallèles du complexe sud. La présente enquête sur des questions de sécurité se penche sur ces 27 événements (tableau 2).
Date | Jour ou nuit | Intersection | Type d'aéronef | Pays de l'exploitant |
---|---|---|---|---|
2012-06-12 | Jour | D4 | B737-700 | Canada |
2012-07-12 | Jour | Indéterminé* | B737-800 | É.-U. |
2012-07 | Indéterminé | D4 | CRJ-100/200 | É.-U. |
2012-08 | Nuit | D3 | CRJ-900 | É.-U. |
2012-11-27 | Nuit | D2 | CRJ-100/200 | É.-U. |
2012-11-29 | Nuit | D4 | DHC-8-400 | Canada |
2012-12-19 | Nuit | D4 | A320 | É.-U. |
2013-03-27 | Jour | D4 | CRJ-700 | É.-U. |
2013-04-02 | Jour | D6 | CRJ-900 | É.-U. |
2013-06-03 | Jour | D4 | CRJ-100/200 | É.-U. |
2013-06 | Indéterminé | D4 | CRJ-100/200 | É.-U. |
2013-07-25 | Jour | D6 | B767-300 | Canada |
2013-09-02 | Jour | D6 | CRJ-700 | É.-U. |
2013-12-13 | Nuit | D5 | CRJ-900 | Canada |
2014-07 | Indéterminé | D4 | CRJ-100/200 | É.-U. |
2015-07 | Indéterminé | D4 | CRJ-900 | É.-U. |
2015-08-02 | Jour | D4 | CRJ-900 | É.-U. |
2015-12-04 | Nuit | D4 | ERJ-145 | É.-U. |
2016-05-09 | Jour | D6 | CRJ-900 | É.-U. |
2016-06-13 | Jour | D5 | CRJ-900 | É.-U. |
2016-08-16 | Jour | D4 | CRJ-900 | É.-U. |
2017-03-22 | Jour | D3 | CRJ-700 | É.-U. |
2017-04-20 | Jour | D3 | ERJ-145 | É.-U. |
2017-06-20 | Jour | D4 | ERJ-170 | É.-U. |
2017-08-08 | Jour | D4 | ERJ-175 | É.-U. |
2017-08-14 | Jour | D6 | ERJ-170 | É.-U. |
2017-11-17 | Nuit | D6 | B767-300 | Canada |
* Certains détails particuliers d'événements individuels n'ont pas été consignés durant la première enquête de ces événements; ils demeurent indéterminés et n'ont pu être confirmés a posteriori.
1.41 Données disponibles et points communs
La quantité des renseignements disponibles sur les 27 événements variait considérablement. Certains événements n'avaient pas été signalés au BST dès leur survenue. D'autres avaient été signalés par l'entremise d'autres systèmes, mais non consignés dans la base de données du BST, car on avait considéré leur signalement comme non obligatoire. Certains événements qui ont été signalés et consignés contenaient peu de données, car on les avait d'abord évalués comme étant des événements de catégorie 5Note de bas de page 15.
Depuis le 2 août 2015, date d'un événement mettant en cause un CRJ-900, on recueille beaucoup plus de renseignements sur chaque événement. Ainsi, la SII avait amplement de renseignements sur les 11 événements qui se sont produits après cette date, et des renseignements sommaires ou en quantité variable sur les 16 qui sont survenus avant.
Une analyse des données disponibles a permis de déterminer les points communs de tous les événements.
1.4.1.1 Renseignements établis à propos de tous les événements
Un examen de tous les renseignements disponibles sur les 27 événements a permis de cerner les points communs suivants :
- La plupart des exploitants aériens (20) en cause étaient des transporteurs régionaux basés aux États-Unis.
- La plupart des aéronefs en cause étaient des avions à réaction régionaux :
- Seize d'entre eux étaient des aéronefs Bombardier CRJ 100/200/700/900;
- Cinq étaient des aéronefs Embraer ERJ 170/175Note de bas de page 16 ou ERJ 135/145.
- La plupart des événements (16) se sont produits durant les heures de clarté.
- La plupart des incursions (14) se sont produites à la RET D4.
1.4.1.2 Renseignements établis à propos des 11 plus récents événements
Les renseignements sur les 11 plus récents événements à l'étude étaient plus complets et provenaient d'enregistrements radar et audio du contrôle de la circulation aérienne, d'entrevues avec le personnel et, dans certains cas, d'enregistreurs de conversations de poste de pilotage et de données de vol.
Sauf indication contraire, le reste du présent rapport porte sur ces 11 plus récents événements.
Un examen de ce sous-ensemble de renseignements a permis de déterminer que la plupart des 11 événements, sinon tous, avaient en commun les facteurs suivants :
- La plupart des événements mettaient en cause des avions à réaction régionaux basés aux États-Unis. Dans 10 des 11 événements, un transporteur régional basé aux États-Unis exploitant des avions à réaction régionaux (comme des CRJ et des ERJ) était en cause.
- La visibilité était bonne. Dans tous les cas, la visibilité au moment de l'événement était égale ou supérieure à 15 milles terrestres.
- Des instructions d'attendre à l'écart ont été données et répétées. Dans chaque cas, durant la course à l'atterrissage, l'équipage de conduite en cause a reçu l'instruction claire de l'ATC d'attendre à l'écart de la piste intérieure, et a relu correctement l'instruction.
- Les équipages de conduite savaient qu'ils approchaient d'une piste et qu'ils devaient s'arrêter. Dans tous les cas, les 2 membres d'équipage de conduite savaient très bien sur quelle voie de sortie ils étaient et que l'aéronef approchait d'une piste en service et devait être immobilisé.
- Un ou les 2 membres d'équipage ont été brièvement distraits. Dans 10 des 11 cas, au moins 1 des membres d'équipage de conduite a été quelque peu distrait par l'achèvement des tâches ou des listes de vérification après atterrissage au moment d'approcher le point d'attente avant piste. Le plus souvent, le premier officier entreprenait les tâches après atterrissage une fois que l'aéronef était à l'écart de la piste d'atterrissage.
- Les équipages de conduite n'ont pas reconnu le point d'attente avant piste. Dans 10 des 11 cas, les équipages de conduite ont indiqué qu'ils avaient franchi une ligne peinte, mais croyaient qu'il s'agissait du point d'attente avant piste pour dégager la piste d'atterrissage. Aucun équipage de conduite qui a franchi la ligne ne croyait qu'il avait reçu l'autorisation de franchir la piste.
- Les feux de barre d'arrêt étaient allumés. L'état des feux de barre d'arrêt s'est affiché comme une ligne rouge visible dans les enregistrements vidéo du radar sol. Ces enregistrements montraient que dans tous les cas, les feux étaient allumés.
- Aucun équipage ne se souvenait d'avoir vu des feux de barre d'arrêt allumés. Quoique ces feux étaient allumés dans tous les cas, aucun équipage de conduite ne se souvenait d'avoir vu les feux de barre d'arrêt; la plupart des équipages ne savaient pas que des feux de barre d'arrêt étaient présents à ces endroits.Note de bas de page 17
- Après que les aéronefs eurent franchi la ligne d'arrêt, l'ATC leur a ordonné de s'arrêter. Dans 9 des 11 cas, l'ATC a intimé aux aéronefs à risque d'incursion de s'arrêter. Dans les 2 autres cas, les contrôleurs ont considéré que l'aéronef en partance ne représentait plus un danger, et aucune instruction de s'arrêter n'a été émise.
- L'alarme de dépassement de la barre d'arrêt a sonné dans la tour. Dans 10 des 11 cas, l'alarme de dépassement de la barre d'arrêt a sonné dans la tour. Dans l'autre cas, l'aéronef n'a pas suffisamment dépassé la ligne pour déclencher l'alarme.
- La plupart des aéronefs se sont arrêtés avant de s'engager sur la surface de la piste. Dans 8 des 11 cas, l'aéronef qui roulait au sol et qui avait fait incursion sur la zone protégée de piste s'est arrêté après qu'il en eut reçu l'instruction de l'ATC, et avant que le nez de l'aéronef ne franchisse la surface principale de la piste.
Un examen des 11 événements a également révélé quelques incidents rares, mais significatifs :
- Certains aéronefs se sont engagés sur la surface de la piste. Dans 3 cas, l'aéronef qui roulait au sol s'est engagé sur la surface de la piste avant de s'arrêter : 2 fois à l'intersection de la RET D4, et 1 fois à la RET D3.
- Un aéronef en partance a été intimé d'interrompre son décollage. L'aéronef, qui accélérait en franchissant 80 nœuds, a reçu l'instruction de l'ATC d'interrompre sa course. L'équipage de conduite n'a pas suivi l'instruction de l'ATC.
- L'autorisation de décoller de 1 aéronef en partance a été annulée. L'équipage de conduite, qui avait déjà reçu l'autorisation de décoller, a reçu l'instruction de s'arrêter avant qu'il n'ait lancé sa course au décollage.
- Un aéronef à l'arrivée a dû interrompre son approche. L'aéronef était en approche finale de la piste intérieure (piste 24R) lorsqu'un aéronef, qui avait atterri sur la piste 24L, a fait une incursion sur la piste 24R. L'ATC a intimé l'aéronef à l'arrivée d'effectuer une manœuvre en baïonnette vers la piste 24L, mais l'équipage de conduite a choisi de remettre les gaz.
1.5 Aérodrome
CYYZ compte 5 pistes : 2 qui sont orientées dans l'axe nord-sud, et 3, dans l'axe est-ouest. On privilégie les pistes parallèles orientées dans l'axe est-ouest, soit la piste 05/23, située du côté nord de l'aéroport, et les pistes 06L/24R et 06R/24L, situées du côté sud. Les 2 pistes du côté sud ainsi que les voies de circulation contiguës forment le complexe sud (figure 3).
Les pistes du complexe sud ont un entraxe de 305 m (1000 pieds) et chacune est desservie par plusieurs RET. Ces dernières, construites à angle aigu plutôt que droit, permettent aux aéronefs qui atterrissent de dégager la piste à des vitesses plus élevées, ce qui réduit le temps d'occupation de la piste.
Certifiée en 2002, la piste 06L/24R a été aménagée conformément aux exigences établies dans l'édition du manuel TP 312 en vigueur à l'époque (4e édition, 1er mars 1993). Le TP 312 a été considérablement remanié en 2015 et publié de nouveau en 5e édition. Conformément à la Circulaire d'information no 302-018 de TC sur les droits acquis dans les aéroports en vertu de l'article 302.07 du Règlement de l'aviation canadien, la piste 06L/24R doit respecter uniquement les normes établies dans la 4e édition, à moins que des modifications majeures ne soient requises, dont la reconstruction de la piste ou le remplacement des systèmes d'éclairageNote de bas de page 18.
1.5.1 Grande capacité opérationnelle
Durant les périodes de volume de trafic élevé, l'utilisation des 3 pistes orientées dans l'axe est-ouest est dite « exploitation à 3 pistes ». Les pistes 05/23 et 06R/24L servent aux arrivées, tandis que les pistes 05/23 et 06L/24R servent aux départs. Les aéronefs qui atterrissent sur la piste 06R/24L doivent la dégager par l'une des RET (D1 à D7) et attendre à l'écart de la piste intérieure (06L/24R) (figure 4).
1.5.2 Géométrie des voies de sortie rapide
Chaque RET entre les pistes parallèles compte 2 points d'attente avant piste : un qui désigne la zone protégée de la piste 06R/24L (habituellement la piste d'atterrissage), et un qui désigne la zone protégée de la piste 06L/24R (habituellement la piste de décollage). Chacun des points est indiqué par un balisage lumineux, des panneaux de signalisation et des marques (figure 5).
1.5.2.1 Courbe initiale et section rectiligne
Les RET qui servent à dégager la piste 06R/24L sont à angle de 25° par rapport à la piste. Les aéronefs doivent y négocier une courbe à 65° avant de croiser la piste parallèle adjacente à un angle de 90°. Comme les aéronefs peuvent suivre des courbes moins fortes à des vitesses plus élevées, l'angle aigu et le large rayon de la courbe initiale devraient, en théorie, permettre des vitesses initiales de sortie jusqu'à 50 nœuds.
La courbe initiale sur la RET est suivie d'une section rectiligne dont l'intention est de permettre à l'aéronef réduire sa vitesse. Cette section mesure environ 219 m (720 pieds) de long sur les RET D1, D2, D3, D4 et D5, et 134 m (440 pieds) sur la RET D6. La RET D7 est rarement utilisée.
La 4e édition du manuel TP 312 comprenait la recommandation suivante :
Il est recommandé qu'une voie de sortie rapide comporte après la courbe de dégagement, une section rectiligne d'une longueur suffisante pour permettre aux avions qui dégagent la piste de s'immobiliser complètement avant toute intersection avec une autre voie de circulationNote de bas de page 19.
Quoique le TP 312 ne spécifie pas de distance considérée comme suffisante, le Manuel de conception des aérodromes de l'OACI recommande un minimum de 75 m (246 pieds) pour ce type de RETNote de bas de page 20.
1.5.2.2 Accès direct après la seconde courbe
Une courbe à 65° d'un rayon de 72 m (238 pieds) suit la section rectiligne de chaque RET. Sur chaque RET, sauf la D7, le point d'attente avant piste pour la piste 06L/24R suit immédiatement cette courbe.
La distance totale entre le point d'attente avant piste de la piste de dégagement (piste 06R/24L) et le point d'attente avant piste de la piste adjacente (piste 06L/24R) est de 130 m (427 pieds) sur les RET D1, D2, D3, D4 et D5. Elle n'est que de 70 m (230 pieds) sur la RET D6 (figure 6).
Ni le TP 312 ni l'annexe 14 de l'OACI à la Convention relative à l'aviation civile internationaleNote de bas de page 21 ne comprennent de restrictions ou de recommandations sur la distance minimale entre les points d'attente avant piste sur les RET. De plus, ni l'un ni l'autre de ces documents n'établit de restriction interdisant un accès direct d'une piste à une autre sans d'abord emprunter une voie de circulation médiane ou de transition. En revanche, un document comparable publié par la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis comprend la directive suivante [traduction] : « Une voie de sortie rapide (c.-à-d. une RET) ne peut déboucher sur une autre pisteNote de bas de page 22. »
Dans la version de novembre 2017 de son plan d'action européen pour la prévention des incursions sur piste, l'Organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne (EUROCONTROL)Note de bas de page 23 fait une recommandation semblable [traduction] : « Une voie d'accès rapide devrait déboucher sur une voie de circulation parallèle et ne jamais aboutir directement sur une autre piste en service (qui sert aux décollages et atterrissagesNote de bas de page 24). »
1.5.2.3 Distance entre le point d'attente avant piste et la piste
Les RET D1, D2, D3, D4 et D5 comprennent des points d'attente avant piste pour protéger la piste 06L/24R. Ces points sont établis à une distance de 115 m (377 pieds) de l'axe de piste. Le point d'attente avant piste de la RET D6 est plus éloigné que les autres (140 m [459 pieds]); sur la RET D7, qui est rarement utilisée, il est encore plus éloigné (154 m [505 pieds]).
Le point d'attente avant piste de la RET D6 a été établi à 140 m (459 pieds) afin que les aéronefs ne fassent pas obstacle au radiophare d'alignement de descente servant des systèmes d'atterrissage aux instruments des catégories II et III à la piste 06L.
La 4e édition du manuel TP 312, qui décrivait les normes de conception de piste en vigueur à l'époque de la certification de la piste 06L/24R, comprenait à la fois des normes minimales et des recommandations. La norme exigeait que le point d'attente avant piste se trouve à au moins 90 m (295 pieds) de l'axe de piste; toutefois, d'après la recommandation :
Lorsque l'intersection d'une voie de circulation et d'une piste se trouve à un autre endroit qu'au seuil de piste et que des aéronefs restent en attente dans le but de croiser une piste de façon régulière ou fréquente, la distance comprise entre les points d'attente de circulation et l'axe de la piste ne sera pas inférieure à la distance correspondante spécifiée au Tableau 3-3Note de bas de page 25.
La distance minimale stipulée au tableau 3-3 cité ci-dessus était de 115 m (377 pieds) pour le type d'exploitation d'aéronefs à CYYZ.
La 5e édition du manuel TP 312 ayant été adaptée pour ne comprendre que des normes, la recommandation de 115 m (377 pieds) ainsi que toutes les autres recommandations ont été supprimées. La plus récente norme exige un minimum de 90 m (295 pieds)Note de bas de page 26, et l'annexe 14 de l'OACI réitère cette normeNote de bas de page 27.
La norme aux É.-U. exigeNote de bas de page 28 un minimum de 280 pieds (85 m); pour les pistes qui desservent uniquement les aéronefs à fuselage étroit et plus petits, cette distance minimale est de 250 pieds (76 m) (figure 7).
Selon l'aménagement actuel des voies de circulation, 3 des 11 aéronefs ont atteint la surface de piste (tableau 3, colonne 4). Le BST a recalculé les distances d'arrêt de ces aéronefs en supposant que les points d'attente étaient situés à 90 m plutôt qu'à 115 m (distance actuelle), et en supposant que les équipages de conduite n'ont pas vu les points d'attente à 90 m. À partir de ces suppositions, 6 des 11 aéronefs auraient atteint la surface de piste (tableau 3, colonne 5). Ainsi, les aéronefs ayant fait une incursion et qui avaient reçu de l'ATC l'instruction d'arrêter se sont, en fait, immobilisés plus loin de la surface de la piste qu'ils ne l'auraient fait si les points d'attente avant piste s'étaient trouvés à 90 m.
Date | RET | Surface de piste | Distance réelle du bord de piste (pieds) et points d'attente avant piste aux emplacements actuels (à 115 m ou 140 m) | Distance prévue du bord de piste (pieds) avec points d'attente avant piste déplacés à 90 m | Gravité estimée* |
---|---|---|---|---|---|
2015-08-02 | D4 | Non | 160 | 78 | B |
2015-12-04 | D4 | Oui | –20 | −102 | C |
2016-05-09 | D6 | Non | 150 | −14 | C |
2016-06-13 | D5 | Non | 135 | 53 | B |
2016-08-16 | D4 | Non | 200 | 118 | C |
2017-03-22 | D3 | Oui | −80 | −162 | B |
2017-04-20 | D3 | Non | 30 | −52 | B |
2017-06-20 | D4 | Oui | 0 | −82 | C |
2017-08-08 | D4 | Non | 170 | 88 | C |
2017-08-14 | D6 | Non | 340 | 176 | C |
2017-11-17 | D6 | Non | 160 | –4 | C |
* Ces estimations du BST sont basées sur le système de classification de la gravité de l'OACI (voir la section 1.1.2).
1.5.3 Balisage lumineux
Toutes les RET entre les pistes parallèles et leurs points d'attente avant piste connexes sont munies de balises lumineuses identiques. Ce système d'éclairage est plus complexe que les systèmes utilisés sur les pistes habituelles, car la piste 06L/24R est certifiée pour les opérations de catégorie III par mauvais temps. L'éclairage à chaque point d'attente avant piste consiste en : feux de protection de piste hors-sol; feux de barre d'arrêt encastrés; feux de barre d'arrêt supplémentaires hors-sol; et feux axiaux de voie de circulation (figure 8). Ces feux servent à attirer l'attention vers les points d'attente avant piste.
1.5.3.1 Feux de protection de piste hors-sol
Chaque point d'attente avant piste est muni d'un jeu de feux de protection de piste hors-sol. Aussi appelés « wigwags », ces feux, situés de chaque côté de la voie de circulation, consistent en un boîtier surélevé contenant une paire de feux jaunes à clignotement alternatif unidirectionnels. Depuis que des modifications ont été apportées aux environs de la piste en 2012 et 2013, ces feux de protection de piste sont orientés vers une position sur la RET où les équipages de conduite peuvent les apercevoir depuis la section rectiligne de la sortie.
1.5.3.2 Feux de barre d'arrêt
Chaque point d'attente avant piste est muni de feux de barre d'arrêt encastrés, soit des feux rouges unidirectionnels espacés également en travers de la voie de circulation et encastrés dans la piste. Des feux de barre d'arrêt supplémentaires, soit des paires de feux rouges hors-sol, sont installés aux 2 extrémités. L'espacement, l'ouverture du faisceau, l'orientation directionnelle et l'intensité des feux de barre d'arrêt satisfont aux spécifications établies dans la 4e édition du TP 312Note de bas de page 29.
1.5.3.2.1 Espacement
Les feux de barre d'arrêt encastrés sont espacés de 3 m (10 pieds) les uns des autres en travers de la voie de circulation, juste devant les marques de point d'attente avant piste. À l'époque de leur installation initiale, la norme dans la 4e édition du TP 312 exigeait un espacement de 3 m (10 pieds) exactementNote de bas de page 30; toutefois, dans la 5e édition, cette exigence impose désormais que « Les barres d'arrêt consistent en des feux espacés régulièrement à des intervalles ne dépassant pas 3 m en travers du point d'attente avant pisteNote de bas de page 31 ».
Les changements apportés à l'annexe 14 de l'OACI, qui ont d'abord été apportés en 2013 et conservés dans les éditions subséquentes, reflètent eux aussi cette révision. La version courante de l'annexe 14 stipule que :
Les barres d'arrêt seront composées de feux [...] espacés uniformément d'au plus 3 m, placés transversalement à la voie de circulation [...].
Note.—Au besoin, pour accroître la visibilité d'une barre d'arrêt existante, on installe des feux supplémentaires disposés de manière uniformeNote de bas de page 32.
Certains aéroports dans d'autres pays se sont ajustés aux lignes directrices plus récentes et ont installé des feux de barre d'arrêt à intervalles de 1,5 m (5 pieds). Ces lignes directrices offrent des avantages en matière de sécurité [traduction] : « Il a été démontré qu'un espacement de 1,5 m (5 pieds), de concert avec l'utilisation accrue des filaments DEL [diode électroluminescente], accroît énormément la visibilité des barres d'arrêt dans toutes les conditions de luminositéNote de bas de page 33 » (figure 9 et figure 10).
1.5.3.2.2 Ouverture et orientation des faisceaux
D'après la 4e édition du TP 312, le faisceau principal des feux de barre d'arrêt encastrés doit générer une intensité moyenne minimale de 200 candelas (cd), avec une ouverture de faisceau d'au moins 10° à l'horizontale, de part et d'autre du centreNote de bas de page 34. De plus, on stipule que « Dans les courbes, les feux doivent avoir une convergence de 15,75 degrés par rapport à la tangente de la courbeNote de bas de page 35 ». Or, à CYYZ, le faisceau des feux des barres d'arrêt sur les RET D1 à D7 est orienté parallèlement à l'axe de la voie de circulation, puisque ces barres se trouvent dans une section rectiligne, juste au-delà d'une courbe. La 4e édition du TP 312 ne contient aucune ligne directrice précise quant à l'orientation des feux dans cette position.
La 5e édition du TP contient des lignes directrices à jour pour ce type d'installation; elle spécifie que ces feux de barre d'arrêt encastrés doivent généralement être
orientés parallèlement à l'axe de la voie de circulation. Par contre, dans certains cas, il peut s'avérer nécessaire de les orienter en angle en tenant compte de la configuration du site, afin de faciliter leur visibilité à partir des aéronefs; c'est le cas lorsqu'ils se trouvent dans une courbe par exempleNote de bas de page 36.
Le manuel indique en plus que l'angle d'orientation des feux devrait être le même que celui des feux de protection de piste encastrésNote de bas de page 37 qui sont normalement installés dans des endroits similaires et à des fins similaires. Ces feux encastrés doivent être orientés de manière à éclairer la voie de circulation en aval sur 60 à 90 m (197 à 295 pieds) (figure 11).
Comme ces feux sont à angle par rapport à la voie de circulation, le feu de barre d'arrêt encastré le plus proche de l'intérieur de la courbe (qui est orienté parallèlement à la voie de circulation) serait le premier feu de barre d'arrêt que l'équipage de conduite d'un aéronef en approche apercevrait. Dans sa position actuelle, si ce feu est allumé à son intensité minimale, les limitations angulaires existantes permettraient aux équipages de voir ce faisceau lumineux principal seulement en deçà de 73 m (240 pieds) de la barre d'arrêt. Le faisceau principal des 3 feux de barre d'arrêt encastrés extérieurs serait invisible aux aéronefs en tous points sur l'axe de la voie de circulation (figure 12).
1.5.3.2.3 Intensité
La figure 13 illustre les exigences de la 4e édition du TP 312 relatives à l'intensité des feux de barre d'arrêt.
Dans le cadre de la présente enquête, on a examiné et photographié les feux de barre d'arrêt encastrés à différentes occasions (figure 14). On a remarqué que l'on pouvait distinguer à l'œil nu des variations dans le flux lumineux des feux individuels; souvent, les niveaux d'intensité étaient différents parmi des feux d'une même barre d'arrêt. On a de plus observé qu'il arrivait que les feux d'une barre d'arrêt ne soient pas tous du même modèle.
Il a été déterminé que des feux de 2 fabricants distincts étaient utilisés de façon interchangeable et qu'ils étaient souvent mélangés dans une même barre d'arrêt. Ces 2 modèles de feux satisfaisaient aux spécifications minimales du TP 312; pourtant, l'intensité moyenne minimale du faisceau principal des modèles était de 417 cd et 247 cd, respectivement, et l'ouverture de leur faisceau était de 48° et 20° respectivement.
Les exigences d'intensité lumineuse du TP 312 sont similaires à celles de l'annexe 14 de l'OACI; toutefois, l'OACI recommande des intensités supérieures dans certaines installations :
Recommandation.— Lorsque les barres d'arrêt sont spécifiées comme éléments d'un système perfectionné de guidage et de contrôle des mouvements à la surface et qu'il faut, du point de vue de l'exploitation, assurer des intensités supérieures pour permettre le maintien d'une certaine vitesse des mouvements au sol par très faible visibilité ou par jour clair, il est recommandé que l'intensité de la lumière rouge et les ouvertures de faisceau des feux soient conformes aux spécifications de l'Appendice 2, Figure A2-17, A2-18 ou A2-19.
Note.—On ne devrait utiliser des feux de barre d'arrêt à haute intensité qu'en cas de nécessité absolue et après une étude spécifiqueNote de bas de page 38.
La figure A2-17 dont il est question ci-dessus spécifie une intensité de faisceau principal de 1800 cdNote de bas de page 39.
Les exigences de la FAA relatives aux feux de barre d'arrêt divergent elles aussi de celles du TP 312. Cet organisme de réglementation exige que l'intensité moyenne minimale de faisceau principal soit de 300 cd, avec une ouverture de faisceau de 48°Note de bas de page 40.
1.5.3.2.4 Feux de barre d'arrêt supplémentaires hors-sol
Outre les feux de barre d'arrêt encastrés, la voie de circulation est flanquée de part et d'autre d'une paire de feux de barre d'arrêt unidirectionnels hors-sol. Ces feux rouges supplémentaires sont installés près des feux de protection de piste (pour un total de 4 feux) (figure 8 et figure 15).
À l'origine, ces feux ont été installés conformément à la norme établie dans la 4e édition du TP 312, qui exigeait que « [ces feux] auront les mêmes caractéristiques que les autres feux de la barre d'arrêt mais doivent être visibles des aéronefs qui s'en approchent jusqu'au moment où ils atteignent la barre d'arrêtNote de bas de page 41. »
Pour satisfaire à cette norme, les feux unidirectionnels étaient orientés vers un point compatible avec la position approximative d'un aéronef arrêté au point d'attente avant piste, soit à environ 3 m (10 pieds) de cette position. Ainsi, la paire de feux située le plus près de l'intérieur de la courbe de la RET n'était visible aux aéronefs en approche que lorsqu'ils étaient presque sortis de la courbe de 65°, juste avant le point d'attente avant piste.
Dans la 5e édition du TP 312, la norme sur l'angle d'orientation de ces feux a changé; désormais : « Les feux de barre d'arrêt supplémentaires sont orientés vers l'axe de la voie de circulation, à une distance comprise entre 37 et 52 m du point d'attente avant pisteNote de bas de page 42. »
1.5.3.2.5 Maintenance et inspection
La GTAA inspecte régulièrement l'ensemble du balisage lumineux d'aérodrome et fait les réparations nécessaires. Des inspections générales ont lieu chaque jour, et des inspections plus rigoureuses des pistes de cheminement par faible visibilité ont lieu par rotation hebdomadaire. Les installations au complet sont inspectées chaque mois.
Durant l'examen des feux, les enquêteurs du BST ont noté qu'à quelques occasions, des feux de barre d'arrêt étaient partiellement occultés par de la végétation, étaient munis d'une lentille de différente couleur ou avaient des ampoules individuelles défectueuses. Il n'était pas possible de déterminer ni la cause de ces anomalies ni à quand elles remontaient (figure 16).
1.5.4 Marques et panneaux de signalisation
Les points d'attente avant piste sont mis en évidence par des panneaux de signalisation et des marques au sol. Ces éléments servent de repères visuels de position et de proximité de la piste pour les équipages de conduite. Depuis les changements apportés en 2013 pour améliorer leur perceptibilité, chaque point d'attente avant piste entre les pistes parallèles, qui désigne le point où l'on doit attendre à l'écart de la piste 06L/24R, comprend les marques et les panneaux de signalisation suivants :
- marques axiales de voie de circulation améliorées;
- marques de point d'attente avant piste (souvent appelées « lignes d'attente »);
- marques de panneau d'instructions obligatoires, installées en 2013;
- panneaux d'identification de piste.
Les panneaux d'instructions obligatoires sont de grandes marques rouges au sol désignant le numéro de la piste devant (figure 17).
Les marques axiales de voie de circulation et de point d'attente avant piste améliorées sont peintes sur fond noir pour en accroître la perceptibilité.
Les panneaux d'identification de piste, qui étaient auparavant éclairés par des points à fibre optique individuels, ont été remplacés en 2013 par un éclairage interne par souci de cohérence avec les panneaux d'identification éclairés aux États-Unis. Ces 2 méthodes d'éclairage sont acceptables, conformément au TP 312.
1.5.4.1 Changements apportés en 2017
Durant la présente enquête, le BST a noté quelques manquements potentiels à la sécurité relativement aux marques; ces manquements ont été communiqués directement à la GTAA et ont été abordés durant des réunions de l'équipe locale de sécurité des pistes. Au terme de ces discussions, la GTAA a apporté quelques changements pour corriger ces lacunes et atténuer le risque persistant d'incursion sur piste.
Au cours d'entrevues avec des équipages de conduite, plusieurs équipages ont indiqué n'avoir aperçu qu'une seule des 2 marques de point d'attente avant piste (lignes d'attente) sur les voies de circulation entre les pistes parallèles. Ainsi, de concert avec l'équipe locale de sécurité des pistes, la GTAA a décidé d'ajouter des panneaux d'instructions obligatoires à ces points de sortie. Le but de ces panneaux d'instructions était d'accroître la perceptibilité des premières marques que les aéronefs franchissent lorsqu'ils dégagent la piste 06R/24L, et d'indiquer aux équipages de conduite que le groupe suivant de marques forme la ligne d'arrêt obligatoire. Des panneaux d'instructions obligatoires ont été graduellement ajoutés à toutes les sorties, d'octobre à décembre 2017. Ceux de la RET D6 ont été ajoutés en octobre.
On a également noté que quelques équipages de conduite ignoraient la proximité de leur aéronef du bord de piste une fois qu'ils avaient franchi le point d'attente avant piste. Les marques latérales de piste aident les équipages de conduite à reconnaître la transition d'une voie de circulation à une piste. Il s'agit d'une bande de peinture blanche de 90 cm de large qui s'étend sur toute la longueur de la piste, de chaque côté de celle-ci.
Ni la 4e édition du TP 312 ni les normes précédentes ou courantes de l'OACINote de bas de page 43 n'indiquent si ces lignes doivent être continues, discontinues, ou hachurées aux intersections. Sur la piste 06L/24R, ces lignes sont hachurées, ou discontinues, à chaque intersection. La 5e édition du TP 312 a corrigé ce manque de prescription et précise que ces lignes doivent être hachurées. À l'opposé, les lignes directrices actuelles de la FAANote de bas de page 44 stipulent que ces lignes doivent être continues.
Toujours de concert avec l'équipe locale de sécurité des pistes, la GTAA a déterminé qu'étant donné la marge de manœuvre qu'accordait la 4e édition du TP 312, une bande continue constituerait un meilleur repère visuel de transition à la surface de la piste. Par conséquent, en octobre 2017, les marques latérales de piste discontinues sur la piste 06L/24R ont été remplies pour former des marques continues.
Quoique ces 2 améliorations avaient été achevées sur la RET D6 avant novembre 2017, une autre incursion sur piste s'est produite à cet endroit peu de temps après, le 17 novembreNote de bas de page 45.
1.5.5 Examen de l'utilisation des sorties
En octobre 2017, avec l'aide de la GTAA, les enquêteurs ont examiné des données de radar sol enregistrées de 2015 à 2017 pour déterminer la fréquence d'utilisation de chaque RET durant les périodes où les 2 pistes du complexe sud étaient en service.
Durant la période en question, il y a eu 81 172 atterrissages sur la piste extérieure, chacun suivi d'un dégagement par l'une des RET (tableau 4). De ce nombre, 24 760 atterrissages ont eu lieu sur la piste 06R, et 56 412, sur la piste 24L. La RET D4 a été la plus fréquemment utilisée.
Voie de sortie rapide | Nombre de mouvements | Pourcentage de mouvements | Nombre d'incursions | Pourcentage d'incursions |
---|---|---|---|---|
D4 | 39 986 | 46 % | 14 | 52 % |
D2 | 15 357 | 19 % | 1 | 4 % |
D3 | 14 466 | 18 % | 3 | 11 % |
D5 | 5701 | 7 % | 2 | 7 % |
D1 | 4368 | 5 % | 0 | 0 % |
D6 | 4053 | 5 % | 6 | 22 % |
D7 | 241 | 0,3 % | 0 | 0 % |
Les enquêteurs ont déterminé que la fréquence de dégagement pour l'ensemble de la période d'enquête (2012 à 2017) était semblable à celle de la période examinée (2015 à 2017). Quoique la RET D6 ne représentait que 5 % du trafic ayant dégagé la piste durant la période d'examen, 6 des 27 incursions (22 %) examinées dans la présente enquête sont survenues à cet endroit.
Récemment, la FAA a publié une alerte à la sécurité à l'intention des exploitants aériens. Elle y décrit son analyse des données de radar de surveillance sol enregistrées de 2014 à 2016 et y conclut que la plupart du temps, les incursions sur piste les plus graves se produisent dans les 2 premiers tiers de la longueur de pisteNote de bas de page 46.
Sur la piste 06L/24R, le point de traversée le plus fréquemment utilisé (RET D4) se trouve légèrement au-delà des 2 premiers tiers de la piste. Or, les intersections des RET D1, D2 et D3 se trouvent en deçà des 2 tiers des pistes respectives qu'elles croisent et représentent à l'heure actuelle 42 % du trafic de franchissement.
1.5.6 Comparaison avec d'autres aéroports
Les enquêteurs ont comparé les caractéristiques du complexe sud à CYYZ avec d'autres aéroports très achalandés dans le monde qui ont des pistes parallèles rapprochées. Le BST a examiné 130 aéroports à l'échelle mondiale, dont les 100 principaux aéroports internationaux et les 60 principaux aéroports aux États-Unis, par volume de passagersNote de bas de page 47. L'aérodrome à CYYZ présentait plusieurs caractéristiques inhabituelles comparativement aux aérodromes de ces autres aéroports, entre autres :
- l'absence de voie de circulation parallèle entre les pistes;
- une plus grande distance des points d'attente avant piste;
- l'emplacement des points d'attente immédiatement après une courbe.
1.5.6.1 Prévalence des voies de circulation parallèles
Des 130 aéroports examinés, seuls 12 (dont CYYZ) avaient des pistes parallèles sans voie de circulation parallèle entre elles. Dans 8 des 12 aéroports, la distance entre les pistes était inférieure à 305 m (1000 pieds), ce qui compliquait l'aménagement d'une voie de circulation médiane. Outre CYYZ, seulement 3 autres aéroports comprenaient des pistes espacées de 305 m (1000 pieds) ou plus. CYYZ était le seul aéroport au Canada ou aux États-Unis avec des pistes parallèles espacées de 305 m (1000 pieds) ou plus, mais sans voie de circulation médiane.
1.5.6.2 Distance du point d'attente avant piste
La distance entre le point d'attente avant piste (ou ligne d'attente) et l'axe de piste varie d'un aéroport à l'autre aux États-Unis et à l'échelle internationale, mais elle est rarement supérieure à 90 m (295 pieds) à son point le plus rapproché. Dans la plupart des aéroports aux États-Unis, ces points sont à 76 m (250 pieds) ou à 85 m (280 pieds); dans la plupart des autres aéroports internationaux, ces points sont habituellement à 90 m (295 pieds), conformément à leurs documents d'orientation respectifs. De tous les aéroports recensés, celui de Toronto était le seul à avoir des points d'attente avant piste sur des RET à 115 m (377 pieds) ou plus des axes de piste.
1.5.6.3 Point d'attente avant piste après une courbe
Dans d'autres aérodromes dans le monde, les RET situées entre 2 pistes parallèles sont généralement aménagées selon l'un de 2 agencements. Soit il y a une voie de circulation parallèle entre les pistes, et les RET aboutissent à la voie de circulation (figure 18), soit il n'y a aucune voie de circulation parallèle, et les RET sont relativement droites avant d'arrêter à l'écart de la piste adjacente (figure 19).
Outre CYYZ, on n'a relevé que 3 autres aéroports dans le monde ayant des RET qui comprenaient une courbe serrée juste avant le point d'attente avant piste : l'aéroport de Séoul Gimpo (Kimpo) (RKSS), en Corée du Sud; l'aéroport Sapporo/New Chitose (RJCC), au Japon; et l'aéroport international Chicago Midway (KMDW), en Illinois, aux États-Unis. De ces 3 aéroports, seul KMDW se trouve en Amérique du Nord, et cet aménagement n'existe qu'à une seule intersection (figure 20).
1.5.7 Autres options d'atténuation
D'après le Manuel sur la prévention des incursions sur piste de l'OACI :
Lorsque les points chauds ont été identifiés, il faut appliquer des stratégies visant à éliminer les risques et, quand ce n'est pas immédiatement possible, il faut s'efforcer de les gérer et de les atténuer. Ces stratégies peuvent inclure :
- des campagnes de sensibilisation ;
- l'implantation de systèmes d'aide visuels supplémentaires (panneaux de guidage, marques et balisage lumineux) ;
- la modification des itinéraires de circulation à la surface ;
- la construction de nouvelles voies de circulation ;
- l'élimination des angles morts de la tour de contrôleNote de bas de page 48.
Divers organismesNote de bas de page 49 ont mené, en 2013 et en 2017, des campagnes d'information fondées sur ces consignes à propos des risques d'incursions entre les pistes parallèles à CYYZ. Toutefois, on n'a pu déterminer avec exactitude leur efficacité. Outre ces campagnes, on a continuellement augmenté le nombre d'aides visuelles, comme décrit précédemment. On a déterminé que la dernière stratégie de la liste, l'élimination des angles morts de la tour de contrôle, ne s'appliquait pas aux événements à l'étude, et que les autres stratégies, la modification des itinéraires de circulation et la construction de nouvelles voies de circulation; n'ont pas encore été mises en œuvre.
1.5.7.1 Autres aides visuelles
Plusieurs options pour améliorer les aides visuelles ont déjà été débattues et mises en œuvre. Elles comprennent les améliorations apportées en 2013 ainsi que l'ajout en 2017 de panneaux de signalisation obligatoires aux sorties de la piste 06R/24L et les marques latérales de piste continues.
L'équipe locale de sécurité des pistes examine les 2 dernières options : l'installation de feux de protection de piste encastrés clignotants et l'inclusion de feux d'état de la piste; cependant, au moment de la publication du présent rapport, il n'existait aucun plan définitif de mise en œuvre.
1.5.7.1.1 Feux de protection de piste encastrés clignotants
On emploie souvent des feux de protection de piste encastrés aux points d'attente avant piste, là où les barres d'arrêt ne sont pas requises selon les exigences d'approches de catégorie II ou III. Ces feux, dont l'installation et l'espacement sont habituellement similaires à ceux des barres d'arrêt, comprennent des feux jaunes ou ambre clignotants plutôt que des feux rouges fixes.
D'après la 4e édition du TP 312, l'intensité et l'ouverture du faisceau principal d'un feu de protection de piste encastré doivent être identiques à celles des feux de barre d'arrêt encastrés, soit 200 cd et 20°. Or, ces exigences ont considérablement changé dans la 5e édition, qui exige désormais 1000 cd et 48°.
La 4e édition du TP 312 comprenait une norme interdisant la coimplantation des feux de protection de piste encastrés avec des barres d'arrêtNote de bas de page 50, mais cette norme ne figure pas dans la 5e édition. Cette dernière interdit toutefois le fonctionnement simultané des 2 systèmes de balisage lumineuxNote de bas de page 51.
1.5.7.1.2 Feux d'état de la piste
Les feux d'état de la piste (RWSL)Note de bas de page 52 consistent en un système de balisage lumineux entièrement automatique. Les pilotes peuvent s'y fier pour savoir quand ils peuvent s'engager sur une piste, la traverser ou l'utiliser pour le décollage en toute sécurité (figure 21). À l'heure actuelle, ce système de balisage est en fonction dans au moins 17 aéroports aux États-Unis, 3 en Asie et 1 en Europe.
La 5e édition du TP 312 décrit les RWSL ainsi :
Note 1 : Les feux d'état de la piste consistent en un système automatique pouvant être installé conjointement avec des marques de voie de circulation élargies, des barres d'arrêt ou des feux de protection de piste. Ce système fonctionne indépendamment de tout autre indicateur visuel et avertit directement le pilote en cas de risque d'incursion sur piste droit devant. Il existe trois systèmes de base : les feux d'entrée de piste (REL), les feux d'attente de décollage (THL) et les feux d'intersection de pistes (RIL). Chaque système peut être installé seul, mais il est préférable d'installer les systèmes de sorte qu'ils se complètent les uns les autres.
Note 2 : Le système de surveillance de surface signale la présence d'aéronefs et de véhicules sur ou près de la surface de l'aérodrome au processeur des feux d'état de la piste afin de déterminer s'il est nécessaire d'activer ou de désactiver les REL, THL et RINote de bas de page 53.
Les feux d'entrée de piste (REL) forment une rangée simple de feux rouges encastrés située longitudinalement entre la ligne d'attente à l'écart et l'axe de piste, à côté de l'axe de la voie de circulation (figure 22).
Les feux de décollage et d'attente (THL) forment 2 rangées de feux rouges encastrés dans la surface de la piste situées longitudinalement de part et d'autre de l'axe de piste sur une distance d'au moins 450 m (1476 pieds) près du début de la piste.
Les feux d'intersection de piste (RIL) forment 2 rangées de feux rouges encastrés dans la surface de la piste situées longitudinalement de part et d'autre de l'axe de piste sur une distance de 900 m (2953 pieds) en amont d'une intersection de piste.
Chaque système de balisage qui fait partie du système RWSL est entièrement automatisé, et ses feux s'allument sans intervention du personnel ATC en fonction des données transmises par le système perfectionné de guidage et de contrôle de la circulation de surface (A-SMGCS)Note de bas de page 54. Ce système fournit des avertissements directs aux équipages de conduite (ou à d'autres véhicules au sol) sans communication du personnel ATC.
Le système RWSL sert à réduire la probabilité et la gravité d'incursions sur piste en général. Pour prévenir le type particulier d'incursion à l'étude, ce système fonctionnerait ainsi : Lorsqu'un aéronef en partance sur la piste 24R ou 06L atteint une vitesse sol de 30 nœuds, ou lorsqu'un aéronef à l'arrivée sur la même piste se trouve en deçà de 1 mille marin (nm) du seuil de piste, tous les REL associés à cette piste s'allumeraient entre les lignes d'attente à l'écart et l'axe de piste. Ces feux indiqueraient aux véhicules ou aux aéronefs qui roulent au sol de s'arrêter, ou de s'immobiliser s'ils ont déjà reçu l'autorisation de s'engager sur la piste.
Si un aéronef ou un véhicule s'avance dans la zone au-delà du point d'attente avant piste, les THL s'allument et indiquent à l'aéronef en partance qu'une incursion a lieu et qu'il doit soit s'arrêter, soit interrompre sa course au décollage, s'il en a déjà reçu l'autorisation.
1.5.7.2 Voie de circulation périphérique
L'OACI recommande une autre méthode pour prévenir ou réduire les incursions sur piste : construire une voie de circulation périphérique pour réduire la fréquence des traversées de piste :
De nombreux aérodromes sont dotés de plus d'une piste, notamment d'une paire de pistes parallèles (deux pistes d'un même côté de l'aérogare), ce qui crée un problème difficile, un aéronef étant obligé de traverser une piste soit à l'arrivée, soit au départ. Avec une telle configuration, l'objectif de sécurité est d'éviter les traversées de piste ou à tout le moins, en tenir le nombre au minimum. La construction d'une « voie de circulation périphérique » permet d'atteindre cet objectif de sécurité. Il s'agit d'une voie qui contourne l'extrémité d'une piste, ce qui permet à un aéronef à l'arrivée (quand les atterrissages se font sur la piste extérieure d'une paire) de se rendre jusqu'à l'aérogare ou à un aéronef en partance (quand les décollages se font sur la piste extérieure d'une paire) de se rendre à la piste sans en franchir une autre ou sans être en conflit avec un aéronef en partance ou en approcheNote de bas de page 55.
Quoiqu'une voie de circulation périphérique réduirait les traversées de piste, et par conséquent les incursions sur piste, son installation pourrait être difficile aux complexes de pistes qui sont déjà en service, étant donné les restrictions géographiques actuelles.
1.5.7.3 Voies de circulation parallèles
Comme mentionné précédemment, de nombreux aéroports dans le monde ont construit des voies de circulation parallèles entre leurs pistes parallèles rapprochées. Ainsi, la RET ne débouche pas sur piste adjacente, comme le décrit l'European Action Plan for the Prevention of Runway Incursions d'EUROCONTROLNote de bas de page 56. La voie de circulation parallèle donne aux équipages de conduite plus de temps et de distance après avoir dégagé la piste pour achever les tâches après atterrissage, et pour porter leur attention à l'extérieur de l'aéronef.
Parmi ses pratiques exemplaires pour prévenir les incursions aux intersections de pistes, EUROCONTROL a également relevé le point suivant [traduction] :
Les aérodromes où se sont produits de graves incidents d'incursion sur piste ont souvent choisi de modifier l'alignement des voies de circulation qui peuvent servir de points d'entrée à une intersection de piste, en mettant en place un important changement de direction un peu en amont d'une intersection de pisteNote de bas de page 57.
La courbe depuis une voie de circulation parallèle à une voie de circulation qui croise et traverse la piste adjacente est habituellement de 90°; le rayon est donc inférieur à ce que l'on trouve normalement sur une RET et exige une réduction de la vitesse de roulage.
En outre, la distance parcourue sur la voie de circulation parallèle décale le point d'intersection d'avec la piste plus loin en aval sur la piste de décollage. Traverser la piste plus près de son extrémité peut réduire la probabilité d'une collision avec un aéronef en partance, puisque celui-ci aura probablement déjà pris son envol ou, s'il est toujours au sol au moment de l'incursion, aura plus de distance pour interrompre son décollage.
1.5.7.4 Effets sur la capacité de trafic
En août 2014, la GTAA a examiné différentes solutions opérationnelles et conceptuelles qui visaient à atténuer les incursions sur piste (du type qui fait l'objet du présent rapport) et à évaluer les conséquences de ces solutions de rechange sur la capacité de trafic ou sur les retards à l'arrivée et au départ.
Les solutions à l'étude étaient les suivantesNote de bas de page 58 :
- Cesser d'utiliser les RET D2 et D4 et n'utiliser que les RET D et D6.
- Cesser d'utiliser les RET D2, D4 et D6 et n'utiliser que la RET D.
- Cesser d'utiliser les RET D1, D3 et D5 et n'utiliser que la RET D7.
- Confirmer qu'un aéronef qui a atterri sur la piste 24L s'est immobilisé sur la RET avant d'autoriser un autre aéronef à décoller de la piste 24R.
- Attendre qu'un aéronef qui a atterri sur la piste 24L ait traversé la piste 24R avant d'autoriser un autre aéronef à décoller de la piste 24R.
- Inverser les opérations de manière à ce que les aéronefs décollent depuis la piste extérieure et atterrissent sur la piste intérieure.
- Construire une nouvelle voie de circulation qui relie la RET D4 à la RET D6 et retirer les points d'intersection des RET D2 et D4.
On a expérimenté les solutions ci-dessus au moyen du modèle de simulation en accélérée Airport and Airspace Simulation Model (SIMMOD) de la FAA.
Les 3 premières solutions, dans lesquelles on cesse d'utiliser diverses RET, ont entraîné une réduction de 6 à 8 % de la capacité horaire (mouvements d'aéronefs par heure). Cette réduction était surtout attribuable à des temps d'occupation de piste plus longs et à la réduction à 1 seul point de croisement.
Les 2 solutions suivantes, dans lesquelles l'ATC confirme que les aéronefs à l'arrivée se sont immobilisés sur la RET ou ont franchi la piste intérieure avant d'autoriser un autre aéronef de décoller, ont eu le plus grand impact sur la capacité : une réduction approximative de 19 à 24 %. Cette réduction était attribuable à l'impératif d'augmenter la séparation entre aéronefs à l'arrivée pour faciliter les départs entre les arrivées, et de retarder les départs jusqu'à ce que les aéronefs qui atterrissent se soient immobilisés.
La solution qui consistait à effectuer les départs sur la piste extérieure a entraîné une réduction de 9 % de la capacité, étant donné qu'il fallait augmenter la séparation entre aéronefs à l'arrivée pour permettre aux aéronefs au départ de croiser la piste d'arrivée à son seuil. De plus, cette solution imposait que les aéronefs croisent régulièrement le signal d'alignement de descente tandis que des aéronefs étaient en approche finale, et cela soulevait des inquiétudes.
La dernière solution, soit la construction d'une voie de circulation parallèle, a eu le plus faible impact sur la capacité (réduction de 3 %). La simulation a été réalisée avec une voie de circulation parallèle qui aboutissait à un seul point d'intersection, à l'extrémité de la piste; cet unique point était la source de la réduction de capacité.
1.6 Contrôle de la circulation aérienne
1.6.1 Généralités
La tour de contrôle de NAV CANADA à CYYZ se trouve plus ou moins au centre de l'aérodrome et offre une vue de l'aire de manœuvre au complet. Comme l'aérodrome dans son ensemble est très grand, certaines parties de l'aire de manœuvre sont relativement éloignées de la tour. Les distances entre les RET du complexe sud et la tour varient de 0,8 nm à 1,4 nm.
1.6.2 Utilisation des pistes pour les départs et les arrivées
L'aérodrome compte 3 pistes parallèles dans l'axe est‑ouest, et 2 dans l'axe nord‑sud. Étant donné la capacité opérationnelle accrue que permettent 3 pistes plutôt que 2, l'exploitation est‑ouest est privilégiée durant les périodes de pointe. Même durant les périodes de plus faible densité où 2 pistes suffiraient, l'option est‑ouest est tout de même privilégiée, car elle offre une capacité opérationnelle supérieure aux pistes nord-sud, des minima d'approche moins restrictifs (à cause des vents dominants) et des trajets de roulage plus courts. Lorsque 2 pistes suffisent pour les opérations est‑ouest, on opte pour les pistes 05/23 et 06L/24R.
Durant les périodes de pointe, lorsque les 3 pistes parallèles sont en service (communément appelée l'exploitation à 3 pistes), la procédure normale au complexe sud consiste à utiliser la piste extérieure (06R/24L) pour les atterrissages, et la piste intérieure (06L/24R), pour les décollages. La solution de rechange obligerait les aéronefs au départ à croiser la piste d'arrivée et son signal d'alignement de descente tandis que d'autres aéronefs seraient en course finale pour atterrir.
On a déterminé que la séparation additionnelle requise pour mettre cette solution de rechange en pratique entraînerait, comme mentionné précédemment, une réduction de 9 % des mouvements horaires comparativement à la procédure courante.
1.6.3 Postes de contrôle
Lorsque la tour de contrôle est exploitée à capacité maximale, la charge de travail et les responsabilités sont réparties entre plusieurs postes (figure 23), entre autres :
- contrôleur tour nord;
- contrôleur tour sud;
- contrôleur de surveillance sud;
- contrôleur sol nord;
- contrôleur sol centre;
- contrôleur sol sud;
- contrôleur des autorisations;
- surveillant de tour.
Le contrôleur tour sud est responsable des opérations sur les pistes parallèles du complexe sud, des approches à ces pistes et des départs depuis celles-ci.
Il arrive que l'on combine les postes durant les périodes creuses; toutefois, lorsque les 2 pistes du complexe sud sont utilisées en même temps, les postes de contrôleur tour sud et de contrôleur de surveillance sud sont toujours occupés individuellement.
1.6.3.1 Contrôleur de surveillance sud
Le contrôleur de surveillance sud collabore étroitement avec le contrôleur tour sud; il a plusieurs priorités, notammentNote de bas de page 59 :
- écouter et vérifier les instructions d'attendre à l'écart émises par le contrôleur tour;
- écouter et vérifier les relectures d'instructions d'attendre à l'écart par les équipages de conduite;
- s'assurer que les barres d'arrêt sont allumées, et les éteindre temporairement une fois que l'autorisation de franchir une piste a été transmise;
- observer les aéronefs qui approchent du point d'attente à l'écart et surveiller leur vitesse pour évaluer la probabilité qu'ils s'arrêtent;
- aviser immédiatement le contrôleur tour de toute incursion réelle ou potentielle.
Le contrôleur de surveillance épaule le contrôleur tour sud, et les 2 surveillent attentivement les aéronefs qui reçoivent l'instruction d'attendre à l'écart de la piste intérieure. Durant cette surveillance, ces contrôleurs observent la vitesse des aéronefs qui approchent du point d'attente avant piste, car elle peut être l'une des premières indications de l'intention de l'équipage de conduite de s'arrêter. Quand il note qu'un aéronef roule trop vite, le contrôleur de surveillance informe le contrôleur tour et une instruction d'arrêt préventif sera émise. On peut supposer que ces instructions anticipées préviennent souvent des incursions.
Il n'y a aucune façon de recenser le nombre d'incursions ainsi prévenues, mais plusieurs contrôleurs tour ont déclaré estimer que des incidents de la sorte ont lieu plusieurs fois par semaine. Cela dit, l'efficacité du contrôleur de surveillance pourrait minorer le nombre d'équipages de conduite effectif qui ratent les repères visuels des points d'attente avant piste et qui seraient à risque d'une incursion sur piste sans l'intervention du contrôleur.
1.6.4 Systèmes
Chaque poste de contrôle dans la tour comprend divers outils ou systèmes pour surveiller et contrôler les aéronefs et communiquer avec eux et les véhicules au sol, notamment des radars sol ou des systèmes de surveillance sol, des radios de communication et des panneaux de commande du balisage lumineux d'aérodrome.
1.6.4.1 Système perfectionné de guidage et de contrôle de la circulation de surface
La tour de contrôle de CYYZ est munie d'un radar sol (A-SMGCS) qui fournit aux contrôleurs un affichage en temps réel de la circulation d'aéronefs et d'autres véhicules sur les aires de manœuvre de l'aérodrome. Ce système reçoit les données de radars et d'antennes de multilatération. Chaque poste de contrôle dans la tour comprend son propre écran A-SMGCS.
1.6.4.1.1 Système de surveillance des incursions sur piste et d'alerte de conflit
Le système de surveillance des incursions sur piste et d'alerte de conflit (RIMCAS) est un sous-système du A-SMGCS. Le logiciel RIMCAS surveille la circulation d'aéronefs et de véhicules sur l'aire de mouvement de l'aérodrome et d'aéronefs dans l'espace aérien environnant pour détecter les conflits potentiels et alerter les contrôleurs de la circulation aérienneNote de bas de page 60.
La principale fonction du logiciel RIMCAS est de surveiller les incursions sur piste. Lorsqu'un aéronef doit décoller d'une piste désignée en service ou y atterrir, le logiciel évalue les positions des cibles radar et, selon des paramètres configurables, cerne les incursions sur cette piste. Lorsqu'il détecte un danger, le logiciel envoie un message d'alerte au contrôleur de la circulation aérienne et identifie les cibles, leurs positions et la gravité du dangerNote de bas de page 61.
Il y a 2 niveaux d'alerte. L'alerte de niveau 1 est visuelle : elle s'affiche à l'écran A‑SMGCS pour alerter le contrôleur de la circulation aérienne de l'existence d'une situation dangereuse. L'alerte de niveau 2 est visuelle et sonore : une alerte s'affiche à l'écran A‑SMGCS, et une alarme retentit dans la tour pour indiquer que le danger est critique et qu'une incursion peut être imminente.
Seuls les contrôleurs de la circulation aérienne entendent les alarmes et voient les alertes générées par le logiciel RIMCAS leur indiquant de transmettre de nouvelles instructions aux aéronefs ou aux véhicules qui sont en danger. Ce logiciel n'avertit pas directement les équipages de conduite à bord d'aéronefs.
Le logiciel RIMCAS peut lancer de fausses alertes, dues généralement à une erreur d'évaluation logicielle. La prévalence de ces fausses alertes n'est pas automatiquement consignée. Leur fréquence peut varier de quelques fois par mois à quelques fois par semaine, d'après les dires des contrôleurs rencontrés en entrevue durant l'enquête.
1.6.4.1.2 Détection des dépassements de barre d'arrêt
La détection des dépassements de barre d'arrêt est une autre fonction RIMCAS. Lorsqu'elle est activée, cette fonction évalue les positions des aéronefs et véhicules. Elle génère une alerte de niveau 2 (visuelle et sonore) pour les contrôleurs lorsqu'un véhicule ou un aéronef traverse une barre d'arrêt illuminée pour s'engager sur une pisteNote de bas de page 62. Cette alerte est réactive plutôt que prédictive; elle ne se déclenche que lorsqu'un aéronef franchit une barre d'arrêt.
Le signal sonore qui retentit lorsqu'un dépassement de barre d'arrêt déclenche une alerte de niveau 2 est identique à celui déclenché par la fonction de surveillance d'incursion sur piste.
En 2011, afin de réduire les incursions sur piste, EUROCONTROL a recommandé de modifier ces signaux sonores pour qu'ils soient plus distinctifs [traduction] :
Lorsqu'il est faisable d'ajouter des systèmes d'alarme, p. ex. à un système avancé de guidage et de contrôle de la circulation de surface (A-SMGCS), il faudrait, dans la mesure du possible, inclure des avertissements verbaux et non seulement sonoresNote de bas de page 63.
La tour de contrôle à l'aéroport Schiphol d'Amsterdam (EHAM), aux Pays-Bas, exploitée par Luchtverkeersleiding Nederland, a déjà commencé à employer ce type d'avertissement verbal dans son système d'alerte d'incursions sur piste.
1.6.4.1.3 Paramètres réglables
Les écrans d'affichage A-SMGCS à chacun des postes de contrôle sont personnalisables selon les préférences des utilisateurs. Les paramètres d'affichage comprennent l'échelle, l'orientation et plusieurs options pour sélectionner diverses alertes et alarmes.
On peut régler les alertes de surveillance d'incursion sur piste du système pour ne fonctionner que sur les pistes qui sont désignées en service. Ce réglage prévient les fausses alertes que pourraient déclencher les aéronefs ou véhicules qui roulent sur des pistes qui ne servent pas aux décollages et atterrissages.
On peut désactiver la fonction de surveillance de dépassement de barre d'arrêt à chaque écran pour prévenir l'affichage de fausses alertes et alarmes sur les écrans des contrôleurs qui surveillent les zones n'exigeant pas cette protection.
Un contrôleur peut sauvegarder ses réglages par défaut dans son profil utilisateur pour qu'ils s'appliquent à tous les postes qu'il pourrait occuper. À la tour de contrôle à CYYZ, aucune consigne n'exigeait que les alertes de dépassement de barre d'arrêt soient activées (ON) par défaut. D'ailleurs, on a constaté que ces alertes étaient définies par défaut à OFF (désactivé) dans le profil utilisateur de plusieurs contrôleurs. Ainsi, dans 6 des 11 événements examinés qui se sont produits d'août 2015 à novembre 2017, l'alerte visuelle ne s'est pas affichée à l'écran A-SMGCS du contrôleur de la tour sud.
Toutefois, pourvu que la fonction de dépassement de barre d'arrêt soit activée sur au moins 1 écran d'affichage A-SMGCS dans la tour, l'alarme sonnera dans toute la tour. Durant l'enquête, on a déterminé que dans chacun des 11 cas à l'étude, la fonction de dépassement de barre d'arrêt était activée sur au moins 1 écran d'affichage, et l'alarme a bel et bien sonné dans tous les cas. Dans 2 de ces événements, il s'agissait de la première indication au contrôleur de l'existence d'une incursion.
En mars 2017, lorsque la gestion de la tour de contrôle à CYYZ s'est rendu compte de la variété des réglages par défaut employés par les utilisateurs, une directive d'exploitation a été émise par voie de note de service. Cette directive exigeait que la fonction de surveillance de dépassement de barre d'arrêt soit définie par défaut à ON (activé) à tous les écrans A-SMGCS.
1.6.4.2 Commande du balisage lumineux
Les contrôleurs de la circulation aérienne commandent le balisage lumineux de l'aérodrome au moyen d'un système de commande à écran tactile. Le Manuel des services de la circulation aérienne (MATS)Note de bas de page 64 de NAV CANADA contient les lignes directrices et exigences d'utilisation du balisage lumineux et de sélection des niveaux d'intensité, auxquelles s'ajoutent celles du Toronto Control Tower Unit Operations Manual et de directives d'exploitations connexes.
Les feux de barres d'arrêt de certaines sorties peuvent être allumés et éteints individuellement, manuellement ou au moyen d'une fonction de mise en marche et d'arrêt différés. Cette fonction les éteint à la suite d'une autorisation de traverser une piste, et les rallume automatiquement par la suite. Le contrôleur de surveillance doit s'assurer que les barres d'arrêt entre les pistes parallèles sont toujours allumées et qu'elles sont éteintes uniquement lorsque le trafic est autorisé à traverser la piste intérieure.
Le niveau d'intensité des feux de barre d'arrêt est réglable de 1 à 5, le niveau 5 étant le plus élevé. En vertu du manuel TP 312, le réglage par défaut de jour, par bonne visibilité, est le niveau 3Note de bas de page 65. Toutefois, les contrôleurs de CYYZ sélectionnent habituellement le niveau 5. Aucune ligne directrice officielle n'oblige à régler ou à vérifier ce niveau d'intensité, et le système ne règle pas automatiquement l'intensité au niveau 5 par défaut.
L'intensité du balisage lumineux de l'aérodrome n'étant pas consignée, on n'a pu établir le réglage d'intensité des feux de barres d'arrêt durant chacune des incursions sur piste à l'étude. Toutefois, les enquêteurs du BST ont pu observer, lors d'une occasion où ils étaient sur place aux RET du complexe sud, que l'intensité des feux de barres d'arrêt n'était pas maximale.
1.6.5 Communication
Les contrôleurs de la circulation aérienne à la tour de contrôle de CYYZ appliquent les lignes directrices sur les communications et la phraséologie établies dans le MATS de NAV CANADA.
Lorsque les 2 pistes parallèles du complexe sud sont en service, et que le contrôleur sud et le contrôleur de surveillance sud sont en poste, ces derniers utilisent pour communiquer un casque d'écoute et les boutons de microphone qui sont connectés à des postes émetteur-récepteur haute puissance qui syntonisent la fréquence de la tour sud. C'est habituellement le contrôleur sud qui effectue les transmissions; le contrôleur de surveillance sud peut également émettre sur cette fréquence, au besoin (p. ex., en cas d'urgence), quoique, selon les données empiriques, cette mesure n'a pas été nécessaire à ce jour.
Quand un aéronef atterrit sur la piste 24L ou 06R et qu'il est en phase de course à l'atterrissage, le contrôleur sud émet à l'équipage de conduite l'instruction d'attendre à l'écart de la piste parallèle adjacente pertinente (24R ou 06L). Le contrôleur doit obtenir une relecture des instructions d'attendre à l'écart de la piste, et les équipages de conduite considèrent cette relecture comme une pratique exemplaireNote de bas de page 66.
Dans toutes les incursions étudiées par la présente enquête, l'ATC avait émis l'instruction d'attendre à l'écart, et les équipages de conduite en cause l'avaient relue sans faute.
1.6.5.1 Phraséologie essentielle à la sécurité
En cas d'incursion grave, un contrôleur peut décider que la marche à suivre la plus sécuritaire est d'émettre à un aéronef en partance l'instruction d'interrompre son décollage ou d'émettre à un aéronef en approche l'instruction de remettre les gaz. Ces instructions, notamment celle d'interrompre le décollage, ne sont pas courantes, et ne sont émises qu'en dernier recours. Les lignes directrices du MATS stipulent que :
L'interruption du décollage est une procédure d'urgence utilisée dans des situations où la continuation du décollage présenterait un grand danger pour l'aéronef. La décision d'un contrôleur d'interrompre le décollage est une mesure extrême utilisée uniquement lorsqu'il n'y a aucune solution de rechange possibleNote de bas de page 67.
Dans l'un des cas à l'étude, le contrôleur sud a observé l'incursion d'un aéronef sur la piste intérieure à la RET D4 et a ordonné à un Boeing 787 d'interrompre sa course au décollage sur cette piste. L'instruction d'interrompre le décollage a été émise en utilisant la phraséologie standard « abort takeoff » [interrompez le décollage] spécifiée dans le Manuel d'exploitation du contrôle de la circulation aérienne (MANOPS ATC)Note de bas de page 68Note de bas de page 69.
L'équipage de conduite du Boeing 787 n'a pas reconnu l'instruction et a poursuivi le décollage. D'après l'expérience de cet équipage de conduite, l'instruction d'interrompre le décollage de l'ATC était toujours répétée et comprenait le mot « immédiatement ».
Les lignes directrices dans le MANOPS ATC à l'époque de l'événement (et semblables dans le MATS actuel) indiquaient aux contrôleurs d'annuler toute autorisation de décollage émise précédemment, si nécessaire. En plus de recommander aux contrôleurs d'indiquer, si approprié, la raison d'annuler l'autorisation de décollage, le manuel MANOPS ATC spécifie la phraséologie à utiliser dans ces circonstances [caractères gras et italiques dans l'original] :
337.1
Si les circonstances le demandent, annulez une autorisation de décollage qui a été émise et, lorsque propice, informez l'aéronef des raisons. […]
337.1 Phraséologie :
Si une autorisation de décollage doit être annulée :
A. avant que l'aéronef se mette à rouler sur la piste—AUTORISATION DE DÉCOLLAGE ANNULÉE.
B. après que l'aéronef ait commencé à rouler sur la piste—INTERROMPEZ LE DÉCOLLAGENote de bas de page 70.
On lit dans le MANOPS ATC que l'expression « je répète » signifie « [j]e répète pour être plus clair ou pour insisterNote de bas de page 71 », et que le terme « immédiatement » doit être utilisé « uniquement lorsqu'une intervention immédiate est nécessaire pour des raisons de sécuritéNote de bas de page 72 ». Toutefois, ce manuel ne recommandait pas spécifiquement d'utiliser cette phraséologie pour insister sur une instruction d'interrompre le décollage. Le MATS reprend l'ensemble de ces lignes directrices.
Pareillement, le manuel Procédures pour les services de navigation aérienne — Gestion du trafic aérien (PANS-ATM) de l'OACI indique que la bonne phraséologie pour annuler une autorisation de décollage est [caractères italiques dans l'original] « MAINTENEZ POSITION, ANNULEZ DÉCOLLAGE, JE RÉPÈTE ANNULEZ DÉCOLLAGE (raisons) »Note de bas de page 73.
Si un aéronef a déjà amorcé sa course au décollage, la phraséologie à utiliser, d'après le manuel PANS-ATM, est « ARRÊTEZ IMMÉDIATEMENT [(répéter l'indicatif d'appel de l'aéronef) ARRÊTEZ IMMÉDIATEMENT]Note de bas de page 74Note de bas de page 75 ».
Le Manuel sur la prévention des incursions sur pisteNote de bas de page 76 de l'OACI recommande d'utiliser la même phraséologie dans la même situation que celle spécifiée dans le manuel PANS-ATM.
1.6.5.2 Autres événements de méconnaissance des instructions essentielles du contrôle de la circulation aérienne
Il y a eu d'autres cas récemment, en Ontario, où les équipages de conduite n'ont pas respecté les instructions ATC parce qu'ils ne les ont pas entendues ou reconnues. Deux rapports d'enquête du BSTNote de bas de page 77 publiés en 2013 ont constaté cette lacune.
Lors de l'événement décrit dans le rapport d'enquête aéronautique A13O0049, l'équipage de conduite d'un aéronef en partance a reçu l'instruction d'interrompre son décollage parce que 2 balayeuses de piste travaillaient près de l'extrémité de départ de la piste. L'instruction a été donnée avec la phraséologie spécifiée au paragraphe 337.1 du MANOPS ATC (« [indicatif d'appel de l'aéronef] interrompez le décollage »). L'instruction n'a pas été répétée, le terme « immédiatement » n'a pas été prononcé, et la raison de l'instruction d'interrompre le décollage n'a pas été indiquée.
L'équipage de conduite se trouvait dans une phase du vol à charge de travail élevée et n'a pas prêté attention à l'instruction, jusqu'à ce qu'il aperçoive les véhicules qui occupaient la piste. Neuf secondes s'étaient écoulées entre l'émission de l'instruction d'interrompre le décollage et l'amorce de la manœuvre par l'équipage de conduite. Parmi les faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs de cet événement, le rapport d'enquête du BST a établi le fait suivant :
Le contrôle de la circulation aérienne a donné l'instruction d'interrompre le décollage au même moment où se produisaient d'autres perceptions sensorielles et n'a pas suffi à déclencher un changement du modèle mental qu'avait l'équipage de la situation ou de son attente d'un décollage sans incident; c'est ainsi que l'instruction d'interruption est passée inaperçue au départ. En conséquence, l'interruption du décollage n'a été amorcée que 9 secondes après que l'instruction a été transmiseNote de bas de page 78.
Le rapport d'enquête aéronautique A13O0045 décrit un événement où un aéronef en courte finale vers la piste 24R à CYYZ a reçu à 2 reprises l'instruction de remettre les gaz et de faire un circuit après qu'un véhicule d'entretien laissé sans surveillance se fut engagé sur le seuil de piste. Les conditions visuelles étaient telles que l'équipage de conduite n'a pas vu le véhicule. Les 2 instructions ont été inefficaces, car la première a été noyée par une annonce automatisée simultanée dans le poste de pilotage, et la seconde a été tronquée de sorte que l'indicatif d'appel n'a pas été transmis au complet. Le rapport d'enquête sur cet incident comprenait les faits établis suivants quant aux causes et aux facteurs contributifs :
Bien que l'équipage ait entendu un message concernant « un circuit », il n'a pas interprété cette instruction comme lui étant destinée étant donné l'absence d'autre indice corroborant, par exemple le contact visuel avec un obstacle. Ainsi, la communication était insuffisante pour contraindre l'équipage de conduite à remettre en question son modèle mental de la situation ou ses attentes d'un atterrissage sans incidentNote de bas de page 79.
1.6.5.3 Service automatique d'information de région terminale
D'après le Manuel d'information aéronautique de Transports Canada (AIM de TC) :
L'ATIS est un service qui assure la diffusion continue de renseignements enregistrés aux aéronefs à l'arrivée et au départ, sur une fréquence discrète VHF [très haute fréquence] ou UHF [onde décimétrique]. Son usage permet aux contrôleurs [...] d'être plus efficaces et de réduire l'encombrement des fréquences en rendant automatique la transmission répétitive de renseignements essentiels mais d'usageNote de bas de page 80.
Lorsque les 2 pistes parallèles du complexe sud à CYYZ sont en service, le message ATIS transmet aux équipages de conduite les renseignements suivants :
- opérations sur pistes très achalandéesNote de bas de page 81 en vigueur;
- les équipages de conduite devraient réduire au minimum les temps d'occupation de piste et être attentifs aux autorisations de traverser la piste;
- la relecture de toutes les instructions d'attendre à l'écart des pistes est requise.
Ce message vise en partie à avertir les équipages de conduite du risque d'incursion sur la piste intérieure.
Lors des événements étudiés dans la présente enquête, la plupart des équipages de conduite des vols en rapprochement en cause ont reçu ce message en format numérique plutôt que par radio, et plusieurs n'y ont pas vu d'avertissement d'incursion sur piste. Dans certains cas, les équipages rencontrés en entrevue après une incursion ont indiqué qu'on se souciait de dégager rapidement la piste d'atterrissage, comme le conseillait le message ATIS, et qu'on voulait s'assurer d'avoir bien passé le point d'attente de la sortie.
1.6.5.4 Déclaration et enregistrement
Tous les aéronefs en cause étaient munis d'enregistreurs de données de vol (FDR) et d'enregistreurs de conversations de poste de pilotage (CVR). Toutefois, les données FDR ont été récupérées dans seulement 6 des 11 événements, et les données CVR dans 3 événements seulement.
Les types d'appareils à bord des aéronefs en cause écrasent les données CVR au bout de 2 heures lorsqu'ils demeurent sous tension, et écrasent les données FDR après quelque 25 heures.
Le Règlement sur le Bureau de la sécurité des transports stipule que « [l]e propriétaire, l'utilisateur, le commandant de bord, tout membre d'équipage d'un aéronef ainsi que toute personne dispensant des services de circulation aérienne qui constatent personnellement un accident aéronautique qui résulte directement de l'exploitation de l'aéronef, en font rapportNote de bas de page 82 » au BST « dès que possible et par le moyen le plus rapide à sa dispositionNote de bas de page 83 ».
Pour ce qui est du personnel des services de la circulation aérienne, NAV CANADA tient à jour un document interne intitulé Procédures de rapport d'événement d'aviation. Ce document a été rédigé pour être une source unique d'information sur les procédures à suivre pour signaler les événements d'aviation. Il comprend la remarque suivante :
Nota : Le BST est habituellement informé de tous les événements à signaler par un courriel automatique lorsqu'un AOR [rapport d'événement d'aviation] est déposé. Dans le cas d'accidents ou d'événements à grande visibilité, le gestionnaire de quart doit communiquer avec le BST par téléphoneNote de bas de page 84.
Pour plusieurs des incursions sur piste étudiées dans la présente enquête, les gestionnaires de quart ne les ont pas évaluées de prime abord comme étant à grande visibilité; par conséquent, ils n'ont pas appelé le BST. Chacun de ces retards de signalement a entraîné la perte de données critiques, plus particulièrement, les enregistrements de données CVR.
1.7 Opérations aériennes
1.7.1 Type d'aéronef et d'exploitant
La plupart des aéronefs en cause dans les événements à l'étude (20 de 27, soit 74 %) étaient des avions à réaction exploités par des transporteurs régionaux basés aux États-Unis. L'enquête a cherché à déterminer si leur prédominance témoignait d'un volume de trafic plus élevé, ou s'il y avait surreprésentation d'avions à réaction régionaux basés aux États-Unis.
En octobre 2017, avec l'aide de la GTAA, les enquêteurs ont examiné des données de surveillance sol enregistrées durant 81 172 arrivées sur la piste 06R/24L, de janvier 2015 à octobre 2017. On a analysé ces données pour déterminer la fréquence d'utilisation des sorties par type d'exploitant et les vitesses courantes de roulage de chaque type d'aéronef qui approchaient de la ligne d'attente à l'écart.
1.7.1.1 Fréquence
L'examen des données enregistrées durant la période désignée visait précisément l'utilisation de la piste 06R/24L et des RET connexes. On a déterminé que :
- Les aéronefs canadiens et étrangers à moyen et à large fuselage desservant les principales routes représentaient 49 091 mouvements d'aéronefs, soit 60,4 % du total.
- Les transporteurs régionaux canadiens représentaient 24 950 mouvements d'aéronefs, soit 30,7 % du total.
- Les transporteurs régionaux américains représentaient 7131 mouvements d'aéronefs, soit 8,8 % du total.
Bien que les transporteurs régionaux basés aux États-Unis comptaient pour seulement 8,8 % du trafic, ils étaient en cause dans 74 % des incursions à l'étude.
1.7.1.2 Vitesse de roulage
Pour chaque mouvement d'aéronef consigné dans ce sous-ensemble de données, on a mesuré la vitesse de roulage moyenne sur la RET à un endroit entre les 2 points d'attente avant piste; on a déterminé que :
- La vitesse médiane de tous les aéronefs était de 8 m par seconde (15,6 nœuds) (tableau 5); cependant, les vitesses médianes par type d'aéronef étaient les suivantes :
- large fuselage (B777 ou similaire) : 7 m par seconde (13,6 nœuds);
- fuselage étroit (B737 ou similaire) : 8 m par seconde (15,6 nœuds);
- avion à réaction régional (CRJ ou similaire) : 9 m par seconde (17,5 nœuds).
- Il n'y avait aucune différence appréciable entre les vitesses d'aéronefs de transporteurs basés au Canada par rapport à ceux de transporteurs basés aux États-Unis, de ligne principale ou régionaux, qui exploitaient des aéronefs de type similaire.
- On a comparé ces vitesses aux vitesses consignées des 11 aéronefs du sous-ensemble de données qui représentent les plus récents cas d'incursion étudiés par la présente enquête.
Date | Type d'aéronef | Vitesse moyenne entre les points d'attente avant piste (nœuds) | Vitesse par rapport à la vitesse moyenne, par type d'aéronef (nœuds) | Temps de roulage entre les points d'attente avant piste (secondes) |
---|---|---|---|---|
2015-08-02 | CRJ-900 | 17,9 | +0,4 | 13,5 |
2015-12-04 | ERJ-145 | 15,0 | –2,5 | 17,0 |
2016-05-09 | CRJ-900 | 18,0 | +0,5 | 7,5 |
2016-06-13 | CRJ-900 | 14,5 | –3,0 | 16,5 |
2016-08-16 | CRJ-900 | 25,5 | +8,0 | 11,0 |
2017-03-22 | CRJ-700 | 21,0 | +3,5 | 12,0 |
2017-04-22 | ERJ-145 | 17,0 | –0,5 | 16,0 |
2017-06-20 | EMB-170 | 22,0 | +4,5 | 16,0 |
2017-08-08 | EMB-175 | 23,5 | +6,0 | 11,0 |
2017-08-14 | EMB-170 | 22,0 | +4,5 | 6,2 |
2017-11-17 | B767-300 | 14,0 | +0,4 | 10,0 |
La vitesse de roulage médiane des 10 avions à réaction régionaux en cause dans une incursion sur piste était de 18 nœuds, soit presque la vitesse médiane de ce type d'aéronef dans l'échantillon plus grand. De même, la vitesse du B767-300 correspondait à la vitesse médiane des types d'aéronefs plus grands.
1.7.1.3 Expérience des équipages de conduite et connaissance de CYYZ
Puisque la majorité des incursions mettait en cause des transporteurs régionaux basés aux États-Unis, on a jugé que l'expérience des équipages de conduite leur connaissance de CYYZ pouvaient être des facteurs. Toutefois, l'expérience des équipages de conduite rencontrés en entrevue depuis 2015 à la suite de leur incursion (mettant en cause des transporteurs régionaux basés aux États-Unis) était très variée, tant au chapitre du nombre total d'heures de vol que sur leurs types d'aéronefs respectifs. Ainsi, étant donné cette grande diversité, le niveau d'expérience des équipages de conduite n'a pas été retenu comme facteur.
Il y avait toutefois une grande variabilité parmi les équipages de conduite relativement à leur connaissance de CYYZ. Plusieurs équipages de conduite de transporteurs américains connaissaient bien CYYZ pour y avoir effectué des manœuvres de nombreuses fois. D'autres, cependant, ne connaissaient pas CYYZ, ou du moins les manœuvres sur les pistes parallèles du complexe sud. Dans un cas, un des membres d'équipage de conduite effectuait un premier vol de formation préparatoire au vol de ligne lorsque l'incursion sur piste s'est produite. Néanmoins, même les équipages de conduite de transporteurs américains qui visitaient CYYZ le plus fréquemment auraient vraisemblablement été moins familiers avec cet aéroport que les équipages de conduite de transporteurs régionaux canadiens. On a ainsi déterminé que la familiarité avec CYYZ avait probablement été un facteur dans ces incursions.
1.7.1.4 Champ de vision
Toujours afin de déterminer pourquoi les avions à réaction régionaux plus petits sont en cause dans des incursions sur piste plus souvent que les aéronefs plus grands, l'enquête a examiné le champ de vision depuis l'intérieur du type d'aéronef le plus courant (CRJ) et les obstructions potentielles à ce champ.
Dans tous les aéronefs, l'écran anti-éblouissement ou la structure de l'aéronef voile une partie de la visibilité vers l'avant. La distance devant l'aéronef qui est ainsi voilée varie par type d'aéronef, ainsi que parmi les types, selon le centre de gravité de l'aéronef et l'extension de l'amortisseur oléopneumatique avant.
Pareillement, la hauteur depuis laquelle les pilotes aperçoivent les marques au sol peut influer sur la distance à laquelle elles entrent dans leur champ de vision. Cette hauteur s'appelle le point de référence visuelle calculé (figure 24) et elle varie tout comme la distance devant l'aéronef voilée par l'écran anti-éblouissement ou la structure de l'aéronef.
Les points de référence visuelle calculés des types d'aéronefs qui ont fait les incursions sur piste à l'étude sont indiqués au tableau 6.
Type d'aéronef | Point de référence visuelle calculé* | Distance voilée |
---|---|---|
Bombardier CRJ Series | 2,9 m (9,5 pieds) | 7,2 m (23,8 pieds) |
Embraer ERJ 135/145 | 3,1 m (10,0 pieds) | 6,8 m (22,3 pieds) |
Embraer ERJ 170/175 | 3,9 m (12,9 pieds) | 11,7 m (38,4 pieds) |
Boeing 737 Series | 3,7 m (12,4 pieds) | 11,5 m (37,6 pieds) |
Boeing 767 Series | 5,5 m (18,2 pieds) | 12,1 m (39,8 pieds) |
Airbus 320 Series | 4,6 m (15,0 pieds) | 10,1 m (33,3 pieds) |
* Ces mesures sont approximatives et peuvent varier en fonction du modèle exact d'aéronef, de son centre de gravité et de l'extension de l'amortisseur oléopneumatique avant.
1.7.2 Mesures pour prévenir les incursions sur piste
Les avionneursNote de bas de page 85 et les organismes de réglementation, y compris l'OACINote de bas de page 86 et la FAANote de bas de page 87, ont pris des moyens pour documenter les pratiques exemplaires visant à prévenir les incursions sur piste.
Un examen de ces documents a révélé que de nombreuses incursions sur piste attribuées à une erreur du pilote proviennent d'une perte de conscience situationnelle par l'équipage de conduite. L'examen a aussi mis en évidence la nécessité d'établir des procédures et pratiques justifiant l'importance de considérer le roulage au sol comme une phase de vol. Par conséquent, les pratiques exemplaires réclament des procédures d'utilisation normalisées (SOP) qui encouragent les équipages de conduite à accorder autant d'attention à la planification et à l'exécution de la phase de roulage au sol qu'à d'autres phases de vol. Selon une circulaire d'information de la FAA sur ce sujet [traduction] :
Un accroissement du trafic et l'expansion de nombreux aéroports entraînent des aménagements complexes de pistes et de voies de circulation. Cette complexité accrue complique les manœuvres au sol aux aérodromes, et accroît le potentiel d'incursions sur piste par rapport au passé. Pour améliorer la sécurité et l'efficacité, il faut restreindre l'exposition aux dangers et aux risques en réduisant au minimum la charge de travail des équipages de conduite durant les opérations de roulage au sol. Cela serait possible grâce à des SOP qui portent l'attention de l'équipage de conduite sur les tâches essentielles lorsque l'aéronef est en mouvement. Chaque exploitant devrait entreprendre l'élaboration et l'établissement en bonne et due forme d'une formation sur des procédures d'exploitation sûres lors du roulage au solNote de bas de page 88.
Les techniques recommandées pour assurer la conscience situationnelle des équipages de conduite durant le roulage au sol comprennent, entre autresNote de bas de page 89 :
- effectuer un exposé exhaustif sur le trajet de roulage prévu, y compris une révision des intersections et points de croisement de piste complexes prévus;
- effectuer les tâches de poste de pilotage à l'extérieur de la phase d'approche à la piste;
- effectuer la liste de vérification après l'atterrissage, seulement une fois que les 2 pilotes ont bien compris l'autorisation de circuler jusqu'à la porte ou après que l'aéronef aura atteint la position d'attente sur la bretelle de dégagement.
La recommandation de reporter les vérifications après atterrissage est d'autant plus importante lorsque le trajet de roulage comprend la traversée d'une piste en service. La circulaire de la FAA ajoute [traduction] :
Après l'atterrissage, s'abstenir de toute tâche ou communication non essentielle, tant que l'aéronef n'aura pas dégagé (du côté intérieur [aérogare]) toutes les pistes, conformément aux procédures de poste de pilotage stérile (p. ex., changer de fréquence radio et régler les volets, les compensateurs et les aérofreinsNote de bas de page 90).
La géométrie des aérodromes en général, et les pistes parallèles rapprochées en particulier, est reconnue comme facteur contribuant à une perte de conscience situationnelle chez les équipages de conduite qui font des incursions sur piste. D'après l'OACI :
2.6.1 Une conception complexe ou inadéquate de l'aérodrome peut grandement augmenter la probabilité d'une incursion sur piste. De nombreuses études ont démontré que la fréquence des incursions est liée au nombre de pistes qui doivent être traversées et aux caractéristiques du plan de l'aérodrome.
2.6.2 Les éléments les plus courants dans ce domaine sont notamment [...] [l']espacement insuffisant des pistes parallèles […]Note de bas de page 91.
La circulaire d'information de la FAA qui demande des SOP spécifiques pour prévenir les incursions sur piste insiste également sur une vigilance accrue lors du roulage au sol entre des pistes parallèles. La circulaire comprend la mise en garde suivante [traduction; caractères gras dans l'original] : « ATTENTION : Soyez plus attentif lorsque vous roulez entre des pistes parallèles en service »Note de bas de page 92.
1.7.3 Pratiques exemplaires pour des exposés efficaces
Les exposés sont un outil essentiel afin que les équipages maintiennent leur conscience situationnelle. Ils sont une occasion d'assimiler des informations opérationnelles pertinentes et de prévoir leur incidence sur l'exploitation de l'aéronef; ils sont donc une mesure préventive efficace contre les menaces et les erreurs.
On a cerné plusieurs pratiques exemplaires pour accroître l'efficacité des exposés de l'équipage en général, et pour prévenir les incursions sur piste en particulier. Une note d'information sur les opérations aériennesNote de bas de page 93 d'Airbus Industrie comprend des lignes directrices générales sur la tenue d'exposés efficaces. La note souligne que les exposés efficaces sont un outil important qui appuie les SOP, faisant en sorte que les équipages de conduite ont les mêmes attentes par rapport à ce qui doit se passer et peuvent prévoir des conditions ou événements inhabituels. La note d'information comprend des pratiques exemplaires, dontNote de bas de page 94 :
- les exposés devraient avoir lieu durant une période de charge de travail réduite;
- les exposés devraient être interactifs;
- les exposés devraient porter sur ce qui est différent ce jour-là;
- les exposés devraient toujours être exhaustifs, peu importe la familiarité des membres d'équipage avec un endroit particulier ou entre eux.
En ce qui concerne le trajet de roulage à l'arrivée, la note d'information souligne que le roulage au sol [traduction] « devrait être considéré comme une phase de vol critique et faire l'objet d'un exposé minutieux […] qui tient tout particulièrement compte de la traversée possible de pistes en service […]Note de bas de page 95 ».
Dans sa circulaire d'information qui recommande aux exploitants de développer des SOP spécifiques pour prévenir les incursions sur piste, la FAA souligne qu'un exposé devrait comprendre un examen du plan de l'aéroport, des points chauds et de leurs descriptions textuellesNote de bas de page 96. En outre, cette circulaire recommande des SOP qui exigent des équipages de conduite qu'on décrive comment on compte atténuer les menaces d'incursion sur piste [traduction] :
L'équipage de conduite devrait déterminer le moment et l'endroit appropriés pour effectuer les listes de vérification de l'aéronef et les communications avec la compagnie, de manière à libérer le pilote qui ne fait pas rouler l'aéronef pour qu'il puisse participer à la coordination verbale avec le pilote qui fait rouler l'aéronef au solNote de bas de page 97.
1.7.4 Gestion des menaces et des erreurs
Le modèle de gestion des menaces et des erreurs est un cadre conceptuel qui peut servir à décrire comment les équipages de conduite gèrent les situations qui augmentent les risques associés à un vol donné, et à diagnostiquer l'évolution des situations après un événement. Le modèle comprend les menaces, les erreurs et les états indésirables de l'aéronef. Il décrit également les mesures préventives qui se sont révélées efficaces dans la gestion de telles situationsNote de bas de page 98.
1.7.4.1 Menaces
Conditions auxquelles l'équipage ne peut rien et qui augmentent le risque. Elles peuvent comprendre les conditions environnementales, par exemple des conditions météorologiques défavorables, une contamination de la piste ou des autorisations ATC difficiles. Si les menaces sont déterminées et gérées de près, elles peuvent n'avoir que peu de conséquences. Cependant, les équipages font souvent des erreurs devant les menaces, ce qui peut générer un état indésirable de l'aéronef.
1.7.4.2 Erreurs
Actions ou inactions de la part d'un équipage, qui mènent à des écarts par rapport aux attentes de l'organisation ou de l'équipage. Ces écarts peuvent inclure :
- des erreurs de pilotage, telles que l'utilisation incorrecte des dispositifs d'automatisation;
- des erreurs de procédure (p. ex., effectuer des listes de vérification de mémoire ou omettre des exposés);
- des erreurs de communication (p. ex., des annonces manquées ou une mauvaise relecture des communications ATC).
Les erreurs peuvent résulter de la mauvaise gestion d'une menace ou peuvent se produire spontanément. La clé pour bien gérer les erreurs consiste à les détecter et à y réagir.
1.7.4.3 État indésirable de l'aéronef
Un aéronef est dans un état indésirable lorsqu'il se trouve dans une situation de risque accru, le plus souvent en raison de la mauvaise gestion d'une menace ou d'une erreur. Ces états comprennent entre autres :
- les problèmes de pilotage (p. ex., un écart d'altitude ou de vitesse);
- des problèmes de manœuvre au sol;
- des cas de mauvaise configuration de l'aéronef (p. ex., le réglage incorrect des dispositifs d'automatisation ou une configuration tardive pour l'atterrissage).
1.7.4.4 Mesures préventives pour contrer les menaces et les erreurs
Plusieurs mesures préventives sont reconnues comme étant efficaces pour cerner et gérer les menaces et les erreurs en ce qui concerne :
- la planification (exposés standards, énonciation des intentions, affectation de la charge de travail, gestion des urgences);
- l'exécution (supervision/contre-vérification, gestion de la charge de travail, gestion des dispositifs d'automatisation);
- la supervision ou l'examen (évaluation/modification des intentions, questions, assertivité).
Les compétences nécessaires pour une mise en œuvre concluante de ces mesures préventives constituent le fondement de la plus récente formation sur la gestion des ressources de l'équipage.
1.7.4.5 Examen des exposés d'approche
Dans le sous-ensemble des 11 incursions les plus récentes, chacun des équipages de conduite avait fait un exposé de l'approche qu'il s'attendait à effectuer; or, étant donné l'absence de données CVR dans la plupart des cas (8 des 11 incursions), on n'a pu déterminer avec certitude les détails particuliers de chaque exposé.
Les procédures d'utilisation normalisées (SOP) de chaque compagnie aérienne contiennent les éléments obligatoires qui doivent faire partie des exposés d'approche des équipages de conduite (figure 25). Un exposé sur le trajet de roulage fait habituellement partie de l'exposé d'approche, et comprend un examen des points chauds de l'aérodrome.
Figure 25. Exemple de lignes directrices d'un exposé d'approche dans les procédures d'utilisation normalisées
EXPOSÉ D'APPROCHE
Documentation
- Message ATIS
- Avis aux navigants (NOTAM)
- Notices de cartes Jeppesen
Carte d'approche
- Conditions météorologiques et vents
- Restrictions de vitesse anémométrique ou d'altitude
- Approche désignée et carte d'approche (numéro de carte, date et notes)
- Renseignements sur la piste (altitude de zone de poser [TDZE], balisage, longueur)
- Aides à la navigation (fréquence et identification)
- Minima d'approche
- Réglages de l'altitude minimum de descente (MDA) et de l'altitude de décision (DH)
- Repère d'approche finale/altitude
- Trajectoire en rapprochement
- Altitude d'approche initiale
- Plan d'approche interrompue
Relief, plan de circulation au sol
- Considérations relatives au relief
- Exposé sur le trajet de roulage (points chauds)
Pages spéciales
- Pages Jeppesen 10-7
- Pages Jeppesen 19-XX (s'il y a lieu)
Les exposés durant les 11 incursions à l'étude ont généralement suivi les SOP, mais dans certains cas, aucun exposé sur le trajet de roulage après atterrissage n'a eu lieu. Dans les cas où cet exposé a eu lieu, la partie qui portait sur les points chauds s'est limitée à reconnaître l'existence d'une menace.
1.7.6 Indication des points chauds sur les cartes d'aérodrome
Tous les équipages de conduite en question se servaient de cartes d'approche Jeppesen. La carte d'aérodrome Jeppesen pour CYYZ (Jeppesen CYYZ 10-9) montre le plan de l'aéroport, y compris les voies de circulation et l'emplacement des points chauds (annexe A). Les points chauds sont indiqués en magenta sur une carte en noir et blanc.
La carte Jeppesen indique toutes les RET entre les pistes parallèles du complexe sud comme étant des points chauds et fournit une description de chacun. Par exemple, la description du point chaud no 1 est la suivante [traduction] : « En dégageant la piste 24L sur la voie de circulation D4, les aéronefs n'arrêtent pas à l'écart de la piste 06L/24R et font une incursion sur pisteNote de bas de page 99 ».
La carte Jeppesen comprend également, parmi plusieurs autres notes, la mise en garde suivante [traduction; soulignement dans l'original] :
ATTENTION : Soyez attentifs aux autorisations de traverser la piste06L/24R. Tenez-vous prêt à attendre à l'écart de la piste 06L/24R. La relecture de toutes les instructions d'attendre à l'écart des pistes est requiseNote de bas de page 100.
Plusieurs équipages de conduite en cause dans les 11 incursions à l'étude ont affirmé que, bien qu'aucun exposé avant roulage exhaustif n'ait été fait, ils avaient néanmoins pris connaissance des indications de points chauds et étaient au courant de ces dangers.
1.7.7 Listes de vérification après atterrissage
Dans 10 des 11 cas d'incursion sur piste, au moins 1 des membres d'équipage de conduite effectuait d'autres tâches liées au vol, par exemple les séquences opérationnelles ou les listes de vérification après atterrissage, pendant que l'aéronef se trouvait sur la RET. Dans tous ces cas, le commandant de bord dirigeait l'aéronef, et le premier officier effectuait ces tâches (figure 26). Dans certains cas, le commandant de bord a ordonné que ces tâches soient faites; dans d'autres cas, le premier officier les a entreprises de son propre chef.
Figure 26. Liste de vérification après atterrissage typique
VÉRIFICATION APRÈS ATTERRISSAGE
- Groupe auxiliaire de bord........... au besoin F/O [premier officier]
- Transpondeur/radar.................. au besoin/OFF F/O
- Volets.................................... rentrés F/O
- Feux et feux à éclat................. au besoin F/O
- Capteurs chauffés ................... OFF F/O
- Compensateurs........................ zéro et 7,0 F/O
On a examiné les SOP des exploitants après chaque incursion. Dans chaque cas, les procédures stipulaient que l'aéronef doit être à l'écart de la piste en service avant l'exécution des listes de vérification après atterrissage. Certaines SOP stipulaient que le commandant de bord ordonne cette tâche, tandis que d'autres exigeaient que l'aéronef soit à l'écart de la piste en service avant que le premier officier effectue la liste de vérification. Aucune des SOP examinées n'exigeait que l'aéronef soit d'abord immobilisé ou à l'écart de toute piste en service.
Si les SOP varient quant au moment d'effectuer cette liste de vérification après atterrissage, la plupart d'entre elles comprenaient une note ou une instruction selon laquelle les 2 membres d'équipage de conduite doivent garder la tête haute (c.-à-d. porter leur attention vers l'extérieur de l'aéronef) lorsqu'ils approchent de points chauds ou de points d'intersection. Cette instruction était courante dans les procédures normales de roulage au sol ou dans la section avant décollage. Son but était de prévenir toute incursion sur piste durant le roulage vers la piste, pendant que le premier officier a la tête penchée sur les listes de vérification avant décollage.
1.7.8 Effet des modèles mentaux sur les attentes et l'attention
Les modèles mentaux sont essentiels pour réagir efficacement dans des environnements dynamiques où chaque seconde compte, car ils réduisent le recours à des évaluations chronophages et permettent d'agir rapidement. Par contre, ils peuvent également entraîner des erreurs de perception de l'information.
Dans les situations opérationnelles, on se fie à l'expérience et aux connaissances pour rapidement catégoriser la situation et choisir la marche à suivre appropriéeNote de bas de page 101. Ainsi, dans les situations souvent répétées, l'attention et les attentes sont souvent le fruit du modèle mental que l'on a de la situation, étant donné que l'expérience antérieure détermine quelle information est importante et l'évolution de la situation.
Toutefois, la capacité d'attention et de traitement de l'information de l'humain est limitée. S'il peut transférer rapidement son attention d'une source d'information à une autre, l'humain ne peut toutefois être pleinement attentif qu'à une seule source d'information à la fois. Ces limites de l'attention obligent les pilotes à s'ajuster en fonction de la situation.
Lorsque les pilotes sont attentifs aux repères visuels depuis leur environnement opérationnel, leur modèle mental de la situation et leurs attentes du milieu ont une forte influence sur leur attention sélectiveNote de bas de page 102. Autrement dit, les pilotes anticiperont ce qui, selon eux, sera des éléments d'information importants, ainsi que les endroits où les repères visuels devraient normalement se situer.
1.7.9 Biais de confirmation
Une fois leur modèle mental d'une situation établi, les individus ont a tendance à chercher des éléments qui appuient ou confirment leur interprétation et à minimiser ou négliger l'importance de l'information qui semble la contredire. On appelle cette tendance le biais de confirmation.
Ce biais peut amener une personne à ne pas remettre en question sa première interprétation et à ne pas la modifier avec de nouveaux renseignements. Il peut aussi amener la personne à trier sur le volet les renseignements qui appuient son état de conscience actuel et à rejeter ceux qui contredisent ses attentesNote de bas de page 103Note de bas de page 104. Souvent, on entend ce que l'on s'attend à entendre, et voit ce que l'on s'attend à voir.
1.7.10 Systèmes électroniques d'avertissement de bord
Il y a de plus en plus d'outils de poste de pilotage pour renforcer la conscience situationnelle au sol dans les environnements aéroportuaires. Ces outils servent en partie à aider à prévenir les incursions sur piste, étant donné qu'une forte proportion d'incursions découlent d'une conscience situationnelle inexacte.
Certains de ces systèmes sont intégrés aux systèmes d'affichage et d'alerte de bord, comme l'On-Board Airport Navigation System (OANS) de Thales, ou les systèmes de Honeywell, Runway Awareness and Advisory System (RAAS) et SmartRunway. D'autres sont intégrés dans les applications de l'organiseur électronique de poste de pilotage (OEPP), comme Foreflight ou Flightdeck Pro de Jeppesen.
Les outils RAAS et SmartRunway sont des logiciels d'appoint du système d'avertissement de proximité du sol amélioré (EGPWS) déjà installé à bord de nombreux aéronefs. Ces outils utilisent les données stockées dans la base de l'EGPWS et sont couplés au système mondial de positionnement pour navigation satellite (GPS) et d'autres systèmes de bord pour déterminer la position de l'aéronef à la surface. Ils comprennent plusieurs avis, dont une alerte visuelle et verbale lorsque l'aéronef approche d'une piste. Par contre, ils ne détectent pas les conflits et n'offrent aucun renseignement sur d'autres aéronefs.
L'écran du système OANS dans le poste de pilotage améliore la conscience situationnelle des équipages de conduite. Il affiche en temps réel la position de l'aéronef, superposée sur un plan de l'aéroport. Comme l'outil RAAS, le système OANS avise l'équipage de conduite lorsque l'aéronef approche d'une piste en affichant un message clignotant qui identifie la piste. Les systèmes OANS et RAAS/SmartRunway émettent leurs avis à des moments prédéfinis et à des distances prédéterminées de la surface de piste, plutôt qu'aux points d'attente avant piste proprement dits.
Foreflight, Flightdeck Pro ainsi que d'autres applications OEPP sont similaires au système OANS en ce sens qu'elles offrent une représentation visuelle en temps réel de la position de l'aéronef à l'aéroport; toutefois, elles ne fournissent aucun avis ou avertissement explicite de proximité de l'aéronef avec la piste.
Aucun des aéronefs en cause dans les incursions étudiées dans la présente enquête n'était muni d'un système aéroportuaire de connaissance situationnelle assisté par RAAS, OANS ou OEPP.
1.7.11 Bulletins de sécurité
Au terme des études et enquêtes réalisées par NAV CANADA et la GTAA en 2012, on a mené une campagne de sécurité pour sensibiliser les parties concernées aux incursions sur piste et réduire leur récurrence. La Regional Airline Association des États-Unis a distribué un avis à ses membres, et la plupart des compagnies aériennes membres, y compris, notamment, celles qui étaient déjà en cause dans des incursions sur piste à CYYZ, ont distribué des bulletins de sécurité à leurs membres d'équipage de conduite. La majorité de ces bulletins a été distribuée en 2013.
De 2013 à 2017 et au cours de la présente enquête, la plupart des exploitants d'aéronefs qui avaient été en cause dans des incursions ont réagi à ces incidents, notamment en rappelant ce risque à leurs équipages de conduite par des notes de service, des bulletins ou d'autres mesures intérimaires.
En août 2017, après la 12e incursion sur piste consécutive par des transporteurs régionaux américains, le BST a publié un avis de sécuritéNote de bas de page 105 pour raviver la prise de conscience envers ce problème récurrent et pour inciter les transporteurs de même type à agir. Cet avis de sécurité a été diffusé à grande échelle, mais visait directement les transporteurs régionaux américains qui exploitent des vols à CYYZ.
2.0 Analyse
Toutes les incursions sur piste étudiées dans la présente enquête se sont produites après que les équipages de conduite en cause eurent atterri sur la piste 06R/24L, eurent reçu l'instruction du contrôle de la circulation aérienne (ATC) d'attendre à l'écart de la piste 06L/24R et, malgré leur intention d'arrêter, eurent raté les repères visuels indiquant les emplacements respectifs des points d'attente avant piste. Pour avoir traversé les points d'attente de la piste 06L/24R, les équipages de conduite ont raté la signalisation hors-sol; les barres d'arrêt hors-sol; les feux de protection de piste; les panneaux peints d'attente obligatoire; le balisage axial de voie de circulation amélioré; les marques de point d'attente avant piste amélioré; et les feux des barres d'arrêt de cette piste.
L'analyse portera sur : les causes et facteurs contributifs expliquant pourquoi les équipages de conduite n'ont pas détecté les points d'attente avant piste; l'efficacité des dispositifs de protection contre le risque du complexe sud de l'aéroport international Lester B. Pearson de Toronto (CYYZ); les stratégies potentielles pour atténuer les risques tenaces d'incursion sur piste en réduisant leur probabilité ou la gravité de leurs conséquences.
Les facteurs sont divisés en 3 types : ceux qui sont liés à l'aérodrome, ceux qui concernent l'ATC et ceux qui concernent les opérations aériennes.
2.1 Aérodrome
2.1.1 Voies de sortie rapide
Durant les périodes de volume de trafic élevé à CYYZ, le recours à l'exploitation à 3 pistes permet de maximiser la capacité opérationnelle horaire, soit les mouvements d'aéronefs par heure. Pour atteindre cette capacité, toutes les pistes sont munies de voies de sortie rapide (RET), qui permettent aux aéronefs de dégager les pistes d'atterrissage à des vitesses plus élevées et ainsi réduire les temps d'occupation de piste.
Dans leur aménagement actuel, les 2 pistes parallèles rapprochées du complexe sud sont directement reliées par les RET qui dégagent la piste extérieure. Comme seulement 305 m (1000 pieds) séparent ces pistes parallèles, les RET sont relativement courtes.
Pour la plupart des RET couramment utilisées, la distance entre les points d'attente avant piste est d'environ 130 m (427 pieds); cette distance diminue à 70 m (230 pieds) sur la RET D6. Cette partie de chaque RET comprend une section qui sert à faciliter une réduction de vitesse de l'aéronef une fois qu'il a dégagé la piste, tandis que le grand rayon de courbure de ces voies permet des vitesses relativement élevées. Donc, quoique les aéronefs sont en pleine réduction de vitesse lorsqu'ils traversent cette zone, leurs vitesses de roulage sont normalement plus élevées que les vitesses de roulage d'aéronefs qui approchent d'autres points d'attente avant piste à d'autres endroits à CYYZ.
Roulant à la vitesse moyenne enregistrée pour tous les types d'aéronefs sur les RET, un aéronef mettrait normalement 16 secondes pour franchir la distance entre les points d'attente avant piste, ou 9 secondes dans le cas de la RET D6. Les aéronefs qui roulent plus vite que la vitesse moyenne mettraient encore moins de temps pour franchir cette distance, comme ce fut le cas dans plusieurs incursions étudiées dans la présente enquête, et dans le cas des avions à réaction régionaux en général.
Si les voies de circulation ne sont pas aménagées de manière à limiter la vitesse à laquelle les aéronefs approchent d'un point d'attente avant piste, il y a un risque que les aéronefs approchent trop vite. Les équipages de conduite ont alors moins de temps pour identifier d'importants repères visuels, et l'ATC, pour intervenir avant qu'un aéronef fasse une incursion sur la surface d'une piste.
De plus, la courte distance entre les lignes d'attente et la pratique courante d'effectuer les listes de vérification après atterrissage dès que l'aéronef a dégagé la piste, les équipages de conduite sont souvent occupés par d'autres tâches pendant qu'ils roulent entre ces lignes. Bien que cette période puisse normalement suffire aux équipages de conduite pour identifier les repères visuels, elle risque d'être insuffisante s'ils consacrent une partie de ce temps à accomplir d'autres tâches.
Dans les événements à l'étude, la courte distance entre les points d'attente avant piste sur les RET qui relient les pistes parallèles, ainsi que les vitesses de roulage supérieures aux vitesses typiques, a écourté le temps dont les équipages de conduite disposaient pour identifier les repères visuels des points d'attente avant piste respectifs, tout en achevant les tâches après atterrissage.
2.1.2 Feux de barre d'arrêt
Les feux de barre d'arrêt sont l'un des repères visuels les plus visibles pour les équipages de conduite qui approchent d'un point d'attente avant piste. Ce balisage comprend une série de feux rouges encastrés dans la chaussée et 2 paires de feux de barre d'arrêt hors-sol de part et d'autre de la barre.
Les 2 ensembles de feux étaient orientés conformément aux lignes directrices du 4e édition du manuel Aérodromes – Normes et pratiques recommandées (TP 312) de Transports Canada, qui était en vigueur lorsque la piste a été certifiée. Ces lignes directrices exigeaient que les feux encastrés soient orientés parallèlement à l'axe de la voie de circulation, et ont permis aux feux hors-sol d'être orientés vers le point probable d'immobilisation des aéronefs.
À cause de cet aménagement, ni les feux encastrés ni les feux hors-sol de barre d'arrêt à chacun des points d'attente avant piste n'étaient orientés vers les aéronefs qui approchaient depuis la courbe de la voie de circulation. Par conséquent, la plupart des feux n'étaient visibles que lorsque les aéronefs avaient presque atteint la ligne d'arrêt, ce qui laissait peu de temps aux équipages de conduite pour identifier le repère visuel.
La 5e édition du TP 312 contient des lignes directrices plus précises sur l'orientation des 2 ensembles de feux. Si les changements contenus dans ces lignes directrices actualisées étaient mises en œuvre au complexe sud de CYYZ, les feux de barre d'arrêt seraient plus visibles pour les aéronefs qui se dirigent vers ces feux.
Outre l'orientation des feux de barre d'arrêt, les enquêteurs ont noté que leur intensité était parfois inégale. Cette variabilité était attribuable à l'utilisation de différents appareils d'éclairage de fabricants et de spécifications différents. Dans quelques cas, des feux étaient occultés ou ne fonctionnaient pas. On n'a pu déterminer si cette anomalie a influé directement sur un événement particulier. Toutefois, si les feux de barre d'arrêt encastrés servant à attirer l'attention sur le point d'attente avant piste ont une intensité et une ouverture de faisceau différentes, ou s'ils sont occultés ou ne fonctionnent pas, il y a un risque qu'ils soient inefficaces pour indiquer aux équipages de conduite de s'arrêter.
Aucun des équipages de conduite des aéronefs en cause dans les incursions à l'étude ne se souvenait d'avoir vu les feux de barre d'arrêt encastrés ou reconnu l'emplacement du point d'attente avant piste. L'intensité des feux de barre d'arrêt encastrés était insuffisante pour attirer l'attention des équipages de conduite qui approchaient des points d'attente avant piste, ce qui explique pourquoi les équipages ne les ont pas reconnus.
2.1.3 Marques et panneaux de signalisation
Durant la présente enquête, l'Autorité aéroportuaire du Grand Toronto (GTAA), en consultation avec l'équipe locale de sécurité des pistes (LRST), a apporté 2 changements importants aux marques peintes à CYYZ dans le cadre d'efforts soutenus pour corriger le problème des incursions.
Plusieurs équipages de conduite rencontrés en entrevue ont affirmé avoir eu de la difficulté à distinguer la transition de la voie de circulation à la piste. Ils ont indiqué de plus qu'ils n'avaient aperçu qu'une seule des 2 marques de point d'attente avant piste (lignes d'attente) lorsqu'ils roulaient sur la RET.
On a donc ajouté des panneaux d'instructions obligatoires aux points d'attente avant piste aux sorties de la piste 06R/24L, et des marques latérales de piste continues sur la piste 06L/24R.
Il est probable que l'ajout de panneaux d'instructions obligatoires accroîtront la perceptibilité des positions d'attente, et par conséquent, mieux attirer l'attention des équipages de conduite vers la présence de la 1ère ligne qui sera croisée durant la transition de l'atterrissage à l'attente à l'écart. Si les équipages de conduite sont mieux capables d'identifier les 2 points d'attente avant piste, cela pourrait réduire la fréquence des franchissements de la seconde ligne d'arrêt lorsque les équipages de conduite la confondent pour la première.
Les marques latérales de piste ajoutent un repère visuel à la transition des voies de circulation à la piste. Ce repère pourrait empêcher les équipages de conduite qui ont déjà traversé le point d'attente avant piste de s'engager sur la surface de piste.
Ces modifications ont été apportées sur la RET D6 avant octobre 2017. Pourtant, 2 autres incursions sur pisteNote de bas de page 106 se sont produites depuis à cet endroit. Pareillement aux incursions survenues après les améliorations à la perceptibilité apportées en 2013, les incursions survenues après les améliorations de 2017 laissent croire que des mesures de ce type sont probablement insuffisantes pour atténuer le risque d'incursions sur piste de façon notable.
2.1.4 Point d'attente avant piste suivant une courbe
On a comparé l'aménagement du complexe sud à celui d'autres aéroports très achalandés dans le monde qui ont des pistes parallèles rapprochées reliées par des RET.
Les autres aéroports sans voie de circulation parallèle médiane sont généralement aménagés selon l'une de 2 dispositions. Aux aéroports où l'écart entre les pistes parallèles excède 305 m (1000 pieds) et où la voie de circulation comprend une courbe, la courbe est normalement suivie d'une section rectiligne qui précède la ligne d'attente à l'écart. Aux aéroports où les pistes parallèles sont espacées de 305 m (1000 pieds) ou moins, aucune courbe prononcée ne précède habituellement la ligne d'attente à l'écart sur les RET. À CYYZ, les points d'attente avant piste sur les RET suivent immédiatement une courbe de 65°, ce qui est un aménagement inhabituel.
Les seuls autres aéroports très achalandés dont les aérodromes étaient aménagés de façon similaire étaient : l'aéroport de Séoul Gimpo (Kimpo) (RKSS), en Corée du Sud, qui est beaucoup moins achalandé sur le plan opérationnel que CYYZ; et l'aéroport Sapporo/New Chitose (RJCC), au Japon, qui est muni de feux d'état de la piste (RWSL). Une seule sortie à l'aéroport international Chicago Midway (KMDW), en Illinois, aux États-Unis, est également aménagée de façon similaire.
2.1.5 Distance du point d'attente avant piste
Normalement, aux aéroports au Canada, aux États-Unis et ailleurs dans le monde, les points d'attente avant piste sont aménagés à la distance minimale de l'axe de piste prescrite par la norme applicable. Au Canada et internationalement, cette distance minimale est de 90 m (295 pieds). Aux États-Unis, selon les types d'aéronefs qui utilisent la piste, la distance minimale est de 85 m (280 pieds) ou, pour les aéronefs à fuselage étroit ou plus petits, de 76 m (250 pieds).
À CYYZ, les RET couramment utilisées (D1, D2, D3, D4 et D5) comprennent des points d'attente avant piste pour protéger la piste 06L/24R. Ces points sont aménagés à une distance de 115 m (377 pieds) de l'axe de piste, et de 140 m (459 pieds) sur la RET D6. Ces positions ont été conçues conformément à la 4e édition du TP 312, qui recommande une distance de 115 m (377 pieds) aux endroits où les traversées de piste sont fréquentes.
Sur les RET, les points d'attente avant piste suivent immédiatement une courbe de 65°. La distance de chacun de ces points de la piste qu'il protège est supérieure à celle exigée par les lignes directrices en vigueur ou à celle que l'on trouve couramment dans d'autres aéroports très achalandés. Les équipages de conduite d'aéronefs à l'arrivée peuvent ne pas être familiers avec l'aménagement des voies de circulation et la distance des points d'attente avant piste. Les équipages respectifs des aéronefs qui ont fait une incursion s'attendaient à ce que le point d'attente avant piste se trouve à un endroit différent.
Cette position inhabituelle peut nuire à la reconnaissance des repères visuels connexes par les équipages de conduite. Lorsque les équipages de conduite cherchent les repères visuels aux environs de la piste, leur attention sélective est influencée par leur modèle mental de la situation et par ce qu'ils s'attendent à voir dans cet environnementNote de bas de page 107. Anticipant ce qui, selon eux, sera des éléments d'information importants, et les endroits où les repères visuels devraient normalement se situer, les équipages de conduite chercheront une ligne d'attente là où ils s'attendent à la trouver.
Si les points d'attente avant piste ne sont pas aménagés aux mêmes distances que ceux d'autres aéroports, il y a un risque accru que les équipages de conduite ne reconnaissent pas les repères visuels qui indiquent ces points d'attente, car ils s'attendent à ce que ces points se trouvent aux emplacements auxquels les équipages sont habitués.
Les points d'attente avant piste de la RET D6 sont les plus éloignés des pistes qu'ils protègent, et la distance entre leurs points d'attente d'entrée et de sortie est la plus courte, ce qui contribue à la fréquence plus élevée d'incursions à cette intersection.
2.1.6 Points de croisement fréquemment utilisés
La Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis a déterminé qu'une proportion très élevée des incursions sur piste les plus graves se produit dans les 2 premiers tiers de la longueur de piste. C'est probablement parce que les aéronefs au départ sont habituellement toujours au sol ou ont tout juste pris leur envol, alors que les aéronefs qui atterrissent en sont toujours à l'étape haute vitesse de leur course à l'atterrissage.
Sur le complexe sud à CYYZ, les RET D1, D2 et D3 croisent la piste dans les 2 premiers tiers de sa longueur. Ces 3 sorties représentent environ 42 % du trafic qui traverse la piste. La RET D4, qui à elle seule représente 46 % des croisements, se trouve tout juste au-delà des 2 premiers tiers de la piste.
Si les points d'intersection les plus fréquemment utilisés se trouvent là où les aéronefs au départ sont normalement en train de rouler au sol ou volent à basse altitude, et qu'un aéronef fait incursion sur la piste de décollage, il y a un plus grand risque de collision.
2.1.7 Accès direct
Des 130 aéroports très achalandés étudiés, CYYZ est le seul aéroport recensé au Canada ou aux États-Unis où les RET débouchent sur une piste adjacente, et où les pistes sont espacées de 305 m (1000 pieds) ou plus. Quoique certains des aéroports recensés aux États-Unis aient des RET débouchant sur une piste adjacente, toutes les pistes parallèles à ces aéroports sont espacées de moins de 305 m (1000 pieds). Étant donné cet espacement rapproché, il est plus difficile d'incorporer une voie de circulation parallèle médiane.
Ni la publication TP 312 ni l'annexe 14 de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) ne contient de restrictions interdisant les caractéristiques de configuration d'accès direct du complexe sud. Toutefois, la circulaire d'information de la FAA sur la conception des aéroportsNote de bas de page 108 et la version de novembre 2017 du Plan d'action européen pour la prévention des incursions sur pisteNote de bas de page 109 de l'Organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne (EUROCONTROL) déconseillent fortement cet aménagement.
Les RET donnent un accès direct à la piste adjacente plutôt qu'à une autre surface de transition. Occupés par les tâches après atterrissage, les équipages de conduite d'aéronefs à l'arrivée ont raté les repères visuels qui indiquaient le point d'attente avant piste; c'est ainsi qu'ils ont fait une incursion sur la piste intérieure et posé un risque de collision avec des aéronefs au départ.
2.1.8 Options d'atténuation
Les avionneursNote de bas de page 110 et les organismes de réglementation, y compris l'OACINote de bas de page 111 et la FAANote de bas de page 112, ont pris des moyens pour mettre par écrit les pratiques exemplaires visant à prévenir les incursions sur piste. Un examen de ces documents a mis en évidence que pour réduire les incursions, il est important d'adopter une approche systémique visant à éliminer les dangers lorsque c'est possible, ou autrement, à les atténuer.
Le Manuel sur la prévention des incursions sur piste de l'OACI recommande, une fois les zones dangereuses cernées, la mise en œuvre des stratégies pour gérer ou atténuer les risques. Ces stratégies doivent comprendre des campagnes d'information; des aides visuelles additionnelles; des acheminements différents; ou, en dernier recours, la construction de nouvelles voies de circulation.
2.1.8.1 Campagnes d'information
Au cours de la période à l'étude dans la présente enquête, des exploitants individuels, des syndicats de pilotes, des associations de compagnies aériennes, le BST et la GTAA ont distribué plusieurs bulletins, ou avis de sécurité, pour mieux faire connaître les risques d'incursion sur piste au complexe sud à CYYZ.
Ces bulletins visaient principalement à identifier la menace et recommandaient que chacun fasse preuve de vigilance accrue. Ce type de campagne d'information peut avoir un effet à court terme. La réduction périodique des incursions qui a suivi la publication de ces messages laisse croire qu'elle a été plutôt efficace dans ce cas.
Son principal désavantage, toutefois, est que son efficacité s'estompe avec le temps. Si la réduction périodique de la fréquence d'incursions observée à la suite de campagnes était en partie attribuable à leur effet, on pourrait aussi dire que leur effet s'estompe et explique en partie les hausses subséquentes ou le retour aux fréquences précédentes.
Il y a d'autres limites à l'efficacité de ces bulletins. Il se peut qu'un grand nombre d'exploitants individuels ne les reçoivent pas ou que leur publication n'est pas assez régulière pour servir de rappel. De plus, outre l'incitation à la prudence, ils ne recommandent généralement pas de stratégie particulière pour atténuer la menace.
2.1.8.2 Perceptibilité accrue
Les feux de barre d'arrêt étaient allumés au moment de chacune des incursions, mais les équipages de conduite des aéronefs qui se dirigeaient vers ces feux ne les ont pas remarqués. On a relevé des problèmes d'orientation et d'occultation des feux et d'inégalité d'intensités d'éclairage; or, ces problèmes ne pouvaient être, à eux seuls, symptomatiques de la fréquence à laquelle les équipages de conduite n'ont jamais vu ces feux.
Les repères visuels qui sont positionnés à des endroits où les équipages de conduite ne les attendent pas doivent être beaucoup plus évidents pour attirer leur attention et la détourner des tâches qui les occupent. Comme le montrent ces événements, si les repères visuels destinés à indiquer aux équipages de conduite la présence de positions d'attente dans des endroits inhabituels ne sont pas suffisamment tranchants pour modifier le modèle mental que se fait l'équipage de conduite de la situation, il y a un risque continu que ces repères passent inaperçus.
Les organisations hors du Canada ont différentes exigences d'intensité et d'ouverture des faisceaux des feux de barre d'arrêt. La FAA recommande des feux à ouverture de faisceau beaucoup plus large (48° au lieu de 20°, tel que prescrit par Transports Canada) et à intensité légèrement plus élevée (300 candelas [cd] au lieu de 200 cd) que Transports Canada. Les normes de l'OACI sont similaires à celles de Transports Canada; toutefois, l'OACI recommande d'accroître l'intensité de ces feux à 1800 cd s'ils font partie d'un système perfectionné de guidage et de contrôle de la circulation de surface (A-SMGCS) ou s'ils sont allumés sous un soleil éclatant dans les zones à risque élevé.
Pour accroître la perceptibilité des barres d'arrêt, l'OACI recommande d'augmenter considérablement l'intensité de leurs feux par jour clair. De plus, il est maintenant possible de réduire l'espacement latéral des feux sous l'espacement initial de 3 m (10 pieds). Un essai d'une barre d'arrêt aux feux espacés de 1,5 m (5 pieds) et munie des diodes électroluminescentes (DEL) a [traduction] « démontré [qu'elle] accroît énormément la visibilité des barres d'arrêt dans toutes les conditions de luminositéNote de bas de page 113. »
Une autre solution possible a été évoquée durant les réunions avec l'équipe locale de sécurité des pistes (LRST) : installer des feux de protection de piste encastrés aux points d'attente avant piste pour accroître leur perceptibilité. Ces feux seraient installés au même endroit que les feux de barre d'arrêt, mais ce seraient des feux jaunes clignotants alternants plutôt que rouges seulement.
En général, l'avantage d'un feu rouge par rapport à un feu jaune est que le rouge est reconnu d'emblée comme signal d'arrêt. Dans les incursions à l'étude, le problème n'est pas que les équipages de conduite ne savaient pas qu'ils devaient s'arrêter, mais bien qu'ils n'ont jamais vu les feux. Dans de tels cas, un ensemble de feux clignotants, surtout d'une intensité de 1000 cd et d'une ouverture de faisceau de 48°, serait probablement plus visible que des feux rouges fixes de 200 cd et de 20° d'ouverture de faisceau.
Des doutes concernant le délaissement des barres d'arrêt pour des feux de protection de piste encastrés restent encore à dissiper : leur compatibilité avec les alarmes ATC de dépassement des barres d'arrêt en place et leur utilisation dans des conditions d'approche de catégorie II et III.
2.1.8.3 Feux d'état de la piste
Les feux d'état de la piste (RWSL) satisfont entièrement à une stratégie d'atténuation déjà proposée dans la Liste de surveillance du BST : le recours à de nouveaux dispositifs d'aide technologiques qui réduisent la fréquence d'incursions sur piste graves par des avertissements automatisés transmis directement aux pilotes. Ces feux sont déjà installés à plusieurs aéroports aux États-Unis et à certains aéroports ailleurs dans le monde.
Les principaux avantages des RWSL sont qu'ils fonctionnent automatiquement et qu'ils avertissent directement les équipages de conduite sans intervention des contrôleurs. En outre, ces avertissements peuvent être transmis sans communication radio, ce qui pourrait être un avantage essentiel lorsque l'encombrement des fréquences en limiterait l'utilisation.
Les RWSL comprennent en général 3 composants : les feux d'entrée de piste (REL), les feux d'intersection de pistes (RIL) et les feux de décollage et d'attente (THL). On a examiné les caractéristiques opérationnelles de ces composants pour déterminer si elles auraient été des mesures d'atténuation efficaces dans les cas à l'étude, si ces feux avaient été en place.
On a déterminé que les RIL n'auraient pas été une défense efficace, comme aucune des incursions à l'étude ne s'est produite à une intersection entre 2 pistes.
Selon leur agencement exact, il est probable que les THL se seraient allumés dans 5 des 11 événements pour alerter les équipages de conduite d'aéronefs au départ d'une incursion par un autre aéronef. L'ATC a considéré qu'une interruption ou une annulation de l'autorisation de décollage était nécessaire dans seulement 2 de ces 5 cas. Comme 3 aéronefs dans les autres cas ont décollé en toute sécurité sans aucun avertissement, on n'a pu déterminer s'il aurait été plus indiqué d'interrompre ces décollages.
L'examen des REL a montré qu'ils se seraient allumés dans 9 des 11 événements. Les REL encastrés dans l'axe de voie de circulation se seraient illuminés en rouge à l'approche de l'aéronef circulant au sol vers la barre d'arrêt. Comme ces feux rouges se trouvent le long de l'axe de voie de circulation et sont alignés entre un point juste avant le point d'attente avant piste et la surface de la piste, ils sont visibles longtemps. Bien qu'il soit possible que les équipages de conduite aient pu apercevoir ces feux, on n'a pu le déterminer avec certitude, puisqu'ils ont raté les autres repères visuels.
Le fonctionnement automatique des REL est essentiel dans d'autres situations. Ils s'allument sans intervention du contrôleur, par exemple lorsqu'un contrôleur oublie un aéronef ou émet une autorisation inappropriée. Ils s'allument également si un équipage de conduite est momentanément confus ou s'il n'est pas conscient de la proximité de son aéronef avec une piste en service où des manœuvres sont en cours.
Contrairement à une perceptibilité accrue, l'activation automatique des REL n'aurait pas nécessairement été un moyen d'atténuation efficace dans l'un ou l'autre des événements à l'étude. Dans chacun de ces cas, l'équipage de conduite savait qu'il approchait d'une piste et qu'il devait s'arrêter. Les contrôleurs étaient eux aussi conscients des mouvements de l'aéronef et avaient allumé les barres d'arrêt; émis des instructions d'attendre à l'écart; reçu les relectures correctes; et surveillaient la conformité aux instructions.
2.1.8.4 Déplacement de la position d'attente
Les équipages de conduite peuvent avoir de la difficulté à reconnaître les repères visuels de points d'attente avant piste qui sont installés dans des endroits inhabituels; par conséquent, le déplacement de ces points aux emplacements courants pourrait être, à première vue, la correction la plus indiquée.
Le déplacement des points d'attente avant piste de l'axe de piste à une position se rapprochant de celle d'autres aéroports réduirait probablement la fréquence des incursions, car les lignes d'attente se trouveraient alors là où les équipages de conduite s'attendent à les voir. Toutefois, cette réduction de la fréquence n'assurerait pas nécessairement une réduction générale des risques.
Le rapprochement de chacune des lignes d'attente de la piste qu'elles protègent les déplaceraient de leur position actuelle immédiatement après la courbe de 65° à un endroit en aval de la courte section rectiligne de la voie de circulation. Ce changement réduirait la proximité inédite de la ligne d'attente avec la courbe, et cet emplacement serait plus conforme à l'aménagement d'autres aéroports. De plus, cette solution augmenterait la distance de roulage, et les équipages de conduite auraient plus de temps pour remarquer les repères visuels qui indiquent le point d'attente avant piste.
Si les points d'attente avant piste étaient déplacés à un endroit en aval de la courte section rectiligne de la voie de circulation, les feux installés à chacun de ces endroits (y compris les feux de barre d'arrêt encastrés et hors-sol et les feux de protection de piste hors-sol) pourraient être réorientés de façon parfaitement parallèle à la voie de circulation plutôt que les faire converger vers l'intérieur du coin, comme c'est le cas actuellement. Là aussi, cette orientation correspondrait à ce qui se fait dans la plupart des autres aéroports.
Toutefois, quand un aéronef avance au-delà de la ligne d'attente et se rapproche de la piste, l'ATC dispose de moins de temps pour réagir et ordonner à l'équipage de conduite en imminence d'incursion de s'arrêter. Cela constitue le seul désavantage du rapprochement des points d'attente avant piste de la surface de piste. La plus grande proximité à la piste et, par conséquent, aux aéronefs au départ, pourrait accroître la gravité des incursions.
Des aéronefs se sont avancés au point de faire incursion sur la surface de piste dans seulement 3 des 11 plus récentes incursions à l'étude. Supposons que les autres variables demeurent les mêmes et que les équipages de conduite n'aperçoivent pas les lignes d'attente : si les lignes d'attente avaient été déplacées, et si les aéronefs qui ont fait incursion avaient dépassé ces lignes sur la même distance que dans les cas à l'étude, 6 aéronefs auraient franchi le bord de piste.
Si on continue de laisser les RET déboucher sur des pistes adjacentes et que l'on rapproche les points d'attente avant piste de leur piste de décollage respective, on pourrait dénoter une réduction de la fréquence des incursions sur piste. Par contre, leur gravité, si elles se produisent durant la phase d'une course au décollage, pourrait décupler.
2.1.8.5 Voie de circulation parallèle
Comme le montrent les événements à l'étude, si les équipages de conduite qui dégagent la piste d'atterrissage par une RET n'ont pas suffisamment de distance de roulage pour accomplir les tâches après atterrissage avant d'atteindre le point d'attente avant piste, et si l'aménagement de la voie de circulation ne leur permet pas de réduire leur vitesse en approchant de ces points, il y a un risque continu que les équipages de conduite qui effectuent ces tâches et ne réduisent pas leur vitesse fassent incursion sur la piste intérieure.
On peut recommander des changements à chaque exploitant et, par de la formation et des bulletins, mieux informer les pilotes sur les procédures d'utilisation normalisées (SOP) et la nécessité d'être vigilants. Or, ces mesures pourraient ne pas atteindre tous les exploitants et pilotes qui desservent ou desserviront CYYZ. Bien que ces changements puissent améliorer les exposés, modifier les habitudes établies et conscientiser les équipages de conduite, il est peu probable que les pilotes partout dans le monde changent de façon immuable leurs attentes relativement à l'aménagement des aéroports.
Réorienter les feux de barre d'arrêt, s'assurer qu'ils fonctionnent uniformément, réduire leur espacement, les remplacer par des feux de protection de piste encastrés clignotants, et peut-être incorporer des REL sont autant de mesures qui devraient accroître la perceptibilité générale. Néanmoins, la récurrence des incursions après les améliorations de 2013 et de 2017 à la perceptibilité des repères visuels aux points d'attente avant piste laisse croire que si ces points demeurent aux mêmes endroits, et si les équipages de conduite ne sont pas préparés à porter leur attention à l'extérieur immédiatement après avoir dégagé la piste, ils seront toujours à risque de rater les repères visuels, même si ces derniers font l'objet d'autres améliorations pour être plus visibles.
La présente enquête a permis de cerner plusieurs facteurs causals, contributifs et de risque qui sont directement liés à la géométrie de l'aérodrome : la courte distance entre les points d'attente avant piste sur les RET; l'accès direct des RET à la piste adjacente; la vitesse à laquelle les aéronefs approchent de la ligne d'attente; la distance inhabituelle des points d'attente avant piste; et l'emplacement des points d'intersection de piste habituels (figure 27). L'augmentation de la perceptibilité ou des modifications aux SOP des exploitants ne changeront rien à ces facteurs, sauf peut-être aux vitesses de roulage.
Comme il est mentionné précédemment, l'étude des 130 aéroports les plus achalandés (par volume de passagers) montre que CYYZ est le seul aéroport en Amérique du Nord avec des pistes parallèles espacées de 305 m (1000 pieds) ou plus, mais sans voie de circulation parallèle médiane. L'ajout d'une voie de circulation parallèle n'est pas l'unique solution au risque d'incursion, mais elle atténuerait la plupart des facteurs causals et contributifs et des risques cernés dans la présente enquête.
S'il y avait une voie de circulation parallèle, les aéronefs qui dégagent la piste par une RET emprunteraient une surface de transition parallèle à la piste d'atterrissage et y circuleraient avant de virer sur 90° pour attendre à l'écart de la piste de décollage. On pourrait ainsi considérablement augmenter la distance entre les sorties et les points d'attente avant piste, ce qui accorderait plus de temps à l'équipage de conduite pour effectuer les tâches après atterrissage, si l'on continue à effectuer ces tâches à ce moment.
Avec une surface de circulation additionnelle, les aéronefs n'auraient plus à passer directement de la RET à la piste adjacente, ce qui accorderait aux équipages de conduite plus de temps pour réduire leur vitesse en approchant des points d'attente avant piste. Les courbes à 90° à rayon plus court devraient elles aussi être négociées à plus petite vitesse. Aussi, on rétablirait les points d'attente avant piste à leur distance habituelle de 90 m, et on pourrait aménager les points d'intersection plus près de l'extrémité de la piste (figure 28).
2.2 Contrôle de la circulation aérienne
2.2.1 Généralités
Toutes les incursions étudiées au cours de la présente enquête étaient attribuables à l'inaction des équipages de conduite et à des facteurs sous-jacents causals et contributifs qui ont mené à ces inactions, plutôt qu'aux actions ou inactions des contrôleurs de la circulation aérienne.
Dans ces événements, l'ATC a été la dernière barrière de protection pour réduire la gravité des incursions sur piste, et a généralement rempli efficacement ce rôle. Grâce à une surveillance visuelle et aux alertes du système de surveillance des incursions sur piste et d'alerte de conflit (RIMCAS), les contrôleurs ont détecté chacune des incursions qui se dessinaient. Dans l'appréhension d'une incursion, les aéronefs à risque ont rapidement reçu l'instruction de s'arrêter. La rapidité de ces interventions a empêché la plupart des aéronefs d'atteindre la surface de piste.
Malgré l'absence d'un lien direct entre l'ATC et les causes de ces incursions, l'enquête a permis de cerner plusieurs risques qui pourraient contribuer à de futures incursions ou réduire l'efficacité des dispositifs d'aide en place pour atténuer la probabilité d'une collision.
2.2.2 Service automatique d'information de région terminale
Les messages du service automatique d'information de région terminale (ATIS) permettent aux contrôleurs d'être plus efficaces et de réduire l'encombrement des fréquences en rendant automatique la transmission répétitive de renseignements essentiels mais d'usage. En plus d'autres renseignements, les messages ATIS comprennent des détails sur les dangers cernés que les équipages de conduite devraient connaître. Durant l'exploitation à 3 pistes, le message ATIS standard avise les équipages de conduite que des opérations sur pistes très achalandées sont en cours, de réduire au minimum les temps d'occupation de piste et d'être attentifs aux instructions de traversée de piste.
La partie de ce message qui vise à informer des dangers d'incursion connus entre les pistes parallèles comprend les mises en garde suivantes [traduction] : « Soyez attentifs aux instructions de traversée de piste » et « Obligation de relire toute instruction d'attendre à l'écart ». Ces formulations laissent croire que le danger réside dans une écoute distraite des instructions de traversée par les équipages de conduite. En fait, le danger est que les équipages de conduite ne reconnaissent pas le point d'attente avant piste et qu'ils fassent incursion sur la piste intérieure. La plupart des équipages de conduite rencontrés en entrevue après une incursion ne se souvenaient pas du message ATIS; ceux qui s'en souvenaient ont affirmé qu'ils ne l'avaient pas interprété comme un avertissement et n'avaient pas modifié leurs plans.
Si la mise en garde d'un message ATIS contre le risque d'une incursion sur la piste intérieure n'indique pas clairement le danger, il y a un risque que le recours à ce dispositif soit inefficace, car les équipages de conduite demeureront inconscients de ce danger.
2.2.3 Système de surveillance des incursions sur piste et d'alerte de conflit
Chaque poste de contrôle dans la tour comprend son propre écran A-SMGCS qui affiche la circulation au sol et les alertes de la fonction RIMCAS.
2.2.3.1 Fausses alertes
Lorsque le logiciel RIMCAS fait une erreur de détection de cibles, la fonction de surveillance des incursions de ce système génère de fausses alertes. Diverses raisons peuvent expliquer ces erreurs de détection, y compris la réflexion du signal radar sur le relief ou des précipitations ou encore des erreurs de propagation par trajets multiples des signaux. Lorsque ces erreurs causent trop de fausses alertes, les contrôleurs désactivent momentanément le logiciel RIMCAS.
Au fil des ans, NAV CANADA a tenté à maintes reprises de réduire la fréquence des fausses alertes par l'amélioration du système de surveillance de surface et, récemment, par l'ajout de la multilatération et d'un nouveau logiciel; pourtant, les fausses alertes persistent. Personne ne connaît avec précision la prévalence des fausses alertes, car elles ne font l'objet d'aucun suivi particulier.
Étant donné que les fausses alertes déclenchées par le logiciel RIMCAS sont plutôt courantes, les contrôleurs pourraient remettre en question leur validité tant qu'ils n'auront pas validé la source visuellement ou à l'écran. Si les fausses alertes du système RIMCAS sont trop fréquentes, il y a un risque que l'on n'en tienne pas compte ou que des mesures correctives ne soient pas prises à temps.
2.2.3.2 Réglages par défaut
Chaque contrôleur peut personnaliser les réglages par défaut des alertes RIMCAS qui seront actives au poste qu'il occupe. La fonction de surveillance des incursions sur piste est propre à la piste qui est en service et sous surveillance; on doit la modifier selon le type d'exploitation en vigueur. On peut désactiver cette fonction, et on le fait à l'occasion, si les fausses alertes deviennent importunes.
Au moment des événements à l'étude, les contrôleurs n'avaient reçu aucune directive leur indiquant de régler les réglages par défaut de manière à recevoir les alertes de la fonction de surveillance des incursions sur piste. Étant donné les diverses configurations possibles de pistes en service, aucun réglage par défaut standard ne pourrait garantir que l'on a choisi le réglage le plus sûr.
On peut sélectionner la fonction d'alerte de dépassement de barre d'arrêt séparément de la fonction de surveillance des incursions sur piste. Cette fonction ne s'applique pas à une piste particulière, et quand on la sélectionne (ON), on surveille toutes les barres d'arrêt de l'aérodrome. Le signal sonore de dépassement de barre d'arrêt retentit seulement quand un aéronef croise une barre d'arrêt illuminée. Il est peu probable qu'une telle alerte soit fausse et il n'y aurait donc pas lieu de la désactiver. Le franchissement d'une barre d'arrêt est toujours grave.
L'alerte de dépassement de barre d'arrêt a été la première indication d'une incursion sur piste dans 2 des 11 cas à l'étude. Dans tous les autres cas, le signal sonore a retenti au même moment où le contrôleur a constaté l'incursion ou peu de temps après.
Dans 6 des 11 cas examinés, la fonction d'alerte de dépassement de barre d'arrêt était désactivée au poste contrôleur tour sud au moment de l'incursion, en raison du réglage par défaut sauvegardé dans le profil du contrôleur. Toutefois, dans chacun des 11 cas examinés, le signal sonore a retenti comme prévu parce que le système d'alerte avait été activé (ON) à d'autres postes dans la tour.
Néanmoins, si les réglages paramétrables par l'utilisateur des systèmes d'alerte de dépassement de barre d'arrêt ne sont pas à ON (activé) par défaut, il y a un risque que les alertes soient désactivées au moment d'une incursion et qu'elles n'alertent pas les contrôleurs de cette situation critique.
Lorsque la direction de la tour de contrôle à CYYZ a appris que le réglage était à OFF (désactivé) par défaut, elle a émis une directive d'exploitation, en mars 2017, exigeant que la fonction d'alerte de dépassement de barre d'arrêt soit activée (ON) par défaut dans le profil enregistré de chaque contrôleur.
2.2.4 Alertes sonores
Une alarme retentit en cas d'alerte de surveillance d'incursion sur piste de niveau 2 ou de dépassement de barre d'arrêt; le signal sonore est identique dans les 2 cas. Chaque alerte a sa propre représentation visuelle à l'écran A-SMGCS. C'est la seule façon dont un contrôleur peut distinguer avec certitude la nature de l'alarme.
La nécessité de distinguer ces alertes a été abordée précédemment, et au moins 1 aéroport en Europe utilise déjà des alarmes verbales pour différencier leurs sources.
Comme les fausses alertes d'incursion sur piste sont relativement courantes, les contrôleurs pourraient ne pas réagir promptement à des alarmes sonores impossibles à distinguer sans vérification. Toutefois, la fonction de dépassement de barre d'arrêt n'a pas tendance à générer de fausses alertes. Par conséquent, si le signal sonore des alertes de dépassement était très différent de celui des alertes d'incursion potentiellement fausses, les contrôleurs pourraient plus facilement cerner la source du conflit et ainsi, émettre plus rapidement des instructions d'atténuation.
Si les contrôleurs sont alertés de différentes situations critiques par le même signal sonore, il y a un risque que ces alertes n'attirent pas l'attention des contrôleurs sur la menace précise qu'elles indiquent.
2.2.5 Commandes du balisage lumineux
Les enquêteurs du BST ont noté que dans 1 cas, on n'avait pas réglé l'intensité des feux de barres d'arrêt à leur valeur maximale. Comme l'intensité du balisage lumineux n'est pas consignée, on n'a pu établir le réglage d'intensité des feux durant chacune des incursions.
Conformément au Manuel des services de la circulation aérienne (MATS), les contrôleurs règlent en général l'intensité du balisage lumineux de l'aérodrome en fonction du degré de visibilité diurne et des conditions météorologiques; il se peut que les feux de barre d'arrêt aient été réglés au même niveau que celui du reste du balisage lumineux. Il n'existe à l'heure actuelle aucune ligne directrice ni procédure exigeant que les feux de barre d'arrêt soient réglés à leur intensité maximale.
S'il n'existe aucune procédure dictant que les réglages paramétrables par l'utilisateur des feux de barre d'arrêt soient réglés par défaut à pleine intensité, il y a un risque que l'intensité de ces feux soit trop faible pour attirer l'attention des équipages de conduite.
2.2.6 Phraséologie des transmissions urgentes essentielles à la sécurité
Les contrôleurs de la circulation aérienne n'émettent pas souvent d'instructions urgentes essentielles à la sécurité. De telles instructions comprennent notamment l'annulation d'une autorisation de décollage ou les instructions d'interrompre un décollage, de remettre les gaz et de faire un circuit ou de s'immobiliser (lorsque l'aéronef est au sol).
Dans 1 des événements à l'étude, l'ATC a indiqué à un aéronef en partance d'interrompre son décollage à cause d'une incursion sur piste. L'instruction ne contenait que l'indicatif d'appel suivi de [traduction] « interrompez le décollage » et le contrôleur l'a prononcée avec le même timbre de voix qu'il utilisait pour toutes les transmissions. Cette phraséologie ne correspondait pas à ce que l'équipage de conduite avait l'habitude d'entendre, et l'équipage n'a pas compris que cette transmission lui était destinée ni n'a pris note de son contenu. Par conséquent, il a poursuivi le décollage.
Le BST a enquêté par le passé sur des événements où les équipages de conduite en cause n'avaient pas obéi aux instructions d'interrompre le décollage ou de remettre les gaz. Dans ces événements, la phraséologie employée n'était pas suffisamment captivante pour capter l'attention des équipages de conduite et s'assurer qu'ils reconnaissent l'importance de l'instruction durant une phase de vol à charge de travail élevée.
Dans l'instruction d'interruption mentionnée ci-dessus, ainsi que dans des cas précédents sur lesquels le BST a enquêté, la phraséologie employée par le contrôleur était conforme aux lignes directrices de NAV CANADA, dans la version courante du MATS comme dans le Manuel d'exploitation du contrôle de la circulation aérienne (MANOPS ATC) précédent.
Les lignes directrices internationales sur l'émission de telles instructions sont différentes de celles de NAV CANADA. Dans les Procédures pour les services de navigation aérienne – Gestion du trafic aérien (PANS-ATM) de l'OACI, la phraséologie pour annuler une autorisation de décollage exige que les contrôleurs répètent l'instruction en la précédant normalement par « je répète »), et qu'ils répètent les mots « arrêtez immédiatement! » si l'aéronef a déjà amorcé sa course au décollage.
Les procédures ATC au Canada n'exigent pas spécialement d'utiliser ces techniques pour annuler une autorisation de décollage. Quoique le manuel MANOPS ATC précise généralement qu'il est possible de répéter une instruction pour insister sur son importance, et permet l'utilisation du terme « immédiatement » pour des raisons de sécurité, ces techniques ne sont pas absolument nécessaires pour annuler une autorisation de décollage, interrompre un décollage, ou ordonner une remise des gaz.
Durant les phases de décollage et d'atterrissage d'un vol, la charge de travail de l'équipage de conduite est lourde. Durant ces périodes, les personnes se concentrent principalement sur les tâches les plus critiques; par conséquent, elles filtreront ou ignoreront les informations sensorielles qui semblent moins pertinentes ou moins importantes. Si les transmissions ATC exigeant une intervention immédiate de l'équipage de conduite ne sont pas suffisamment éloquentes pour attirer l'attention lorsque la charge de travail est lourde, il y a un risque que ces transmissions ne soient pas entendues et que l'on n'y réagisse pas.
2.2.7 Signalement des événements
Le BST a pu récupérer les données d'enregistreur de données de vol de seulement 6 des événements, et les données d'enregistreur de conversations de poste de pilotage de seulement 3 des 11 plus récents événements à l'étude. Le reste a été perdu, parce que le BST n'a pas été avisé des événements avant que les données enregistrées ne soient écrasées.
D'après la procédure de rapport d'événement de NAV CANADA, le gestionnaire de quart doit immédiatement communiquer avec le BST après un accident ou un événement à grande visibilité; or, il n'y a aucune ligne directrice sur ce qui constitue un événement à grande visibilité. Étant donné ces directives limitées, les gestionnaires de quart respectifs dans les cas où il y a eu perte de données avaient évalué ces événements comme n'étant pas suffisamment graves pour justifier un signalement immédiat.
Si les procédures inter-organisationnelles sur la notification immédiate en cas d'événement ou d'incident grave ne sont pas claires et précises, il y a un risque continue que le BST ne soit pas informé d'un incident à temps pour récupérer les enregistrements de bord. S'ensuit alors une perte de renseignements potentiellement utiles pour évaluer des manquements à la sécurité.
2.3 Opérations aériennes
Dans toutes les incursions à l'étude, les équipages de conduite avaient reçu l'instruction d'attendre à l'écart, avaient relu l'instruction correctement, comprenaient la nécessité d'arrêter et comprenaient qu'ils approchaient d'une piste en service. Or, malgré ces facteurs, ils n'ont pas reconnu les repères visuels qui identifiaient le point d'attente avant piste et ont fait une incursion sur piste.
La présente section décrit les facteurs sous-jacents qui ont conduit les équipages de conduite à rater ces repères visuels, entre autres : leur méconnaissance et leur prénotion de la configuration inhabituelle des voies de circulation; le degré de pertinence des exposés d'approche; le moment des vérifications après atterrissage; la vitesse de roulage de l'aéronef en approche de la ligne d'attente; d'autres moyens préventifs disponibles.
2.3.1 Anticipations de caractéristiques communes des voies de circulation
Comme précisé à la section 1.5, les points d'attente avant piste de chaque RET entre les pistes parallèles se trouvent immédiatement en aval d'une courbe et à une distance de 115 m ou de 140 m de l'axe de la piste qu'ils protègent. Comparativement aux configurations d'autres aéroports très achalandés en Amérique du Nord, ces courbes sont très rares, et les distances sont tout à fait uniques. Ainsi, les positions d'attente sont situées à des endroits que les équipages de conduite n'avaient pas prévus.
L'attention est une ressource limitée et les équipages de conduite détermineront souvent d'expérience les éléments à prioriser. Par rapport à la conscience situationnelle, comme les équipages de conduite s'attendaient à ce que le point d'arrêt se trouve plus loin, ils n'ont pas porté leurs ressources attentionnelles à l'extérieur de l'aéronef au bon moment pour apercevoir les marques de ligne d'arrêt et autres repères visuels à temps pour s'arrêter.
Autrement dit, les points d'attente avant piste, situés en aval de la courbe de leur voie de circulation et plus loin de la piste que dans la majorité des cas, se trouvent à un endroit où les équipages de conduite ne s'attendaient pas à devoir arrêter. Par conséquent, les équipages n'ont pas porté leur attention à l'extérieur au bon moment pour identifier les positions d'attente. Souvent, les équipages de conduite ne se rappelaient pas du tout avoir vu les repères visuels.
Le modèle mental que se fait un équipage de conduite de son environnement opérationnel influe sur la façon dont il interprète et explique l'information qu'il perçoit. On a tendance à accorder plus de valeur à l'information qui correspond au modèle mental que l'on s'est fait (ce qui s'appelle le biais de confirmation), et à écarter l'information qui n'y correspond pas. Dans les événements à l'étude, les équipages qui se rappelaient avoir vu les repères visuels du point d'attente avant piste n'y ont pas prêté attention, car ils les ont confondus avec des repères indiquant le point de dégagement de piste.
Étant donné ce biais de confirmation, les membres d'équipage de conduite qui ont porté leur attention à l'extérieur de l'aéronef en approchant du point d'attente avant piste fixaient sans doute un endroit plus loin sur la voie de circulation où se trouve habituellement ce point. Par conséquent, ils n'ont probablement pas tenu compte des repères visuels plus proches, qui ne correspondaient pas à leur modèle mental.
Les attentes quant à l'emplacement des points d'attente avant piste changent à mesure que les équipages de conduite se familiarisent avec les RET à CYYZ. Quoique les événements à l'étude n'aient pas mis en cause que des équipages de conduite qui ne connaissaient pas bien cet aéroport, les équipages de conduite basés aux États-Unis sont surreprésentés dans le nombre d'incursions comparativement à leurs homologues canadiens, probablement parce qu'ils sont moins familiers avec l'emplacement inhabituel des points d'attente avant piste sur les RET du complexe sud à CYYZ.
2.3.2 Exposés d'approche
Tous les équipages de conduite en cause dans les événements à l'étude ont fait des exposés d'approche, conformément aux SOP de leurs compagnies respectives. En général, ces exposés ne couvrent que les éléments expressément établis dans les SOP. Certains équipages de conduite ont noté la présence de points chauds sur le trajet de roulage, mais pas tous.
2.3.2.1 Cartes d'aérodrome
Dans le cadre de leurs exposés d'approche, les équipages de conduite consultent normalement la carte d'aérodrome de CYYZ. Cette carte comprend des détails sur l'aménagement de l'aéroport et des voies de circulation ainsi que des renseignements connexes, comme des mises en garde et les points chauds d'incursion sur piste.
La carte indique l'emplacement exact de chaque point chaud et informe les équipages de conduite que, par le passé, des aéronefs ont omis d'attendre à l'écart de la piste 06L/24R tel que requis et ont fait une incursion sur celle-ci. Cette information pourrait améliorer la conscience situationnelle et bien qu'elle soit vraie, elle n'offre aucune directive pour aider les équipages de conduite à éviter cette menace, par exemple en indiquant précisément l'emplacement inhabituel des points d'attente avant piste juste après une courbe, ou encore leur distance inhabituelle de la piste. Il est probable que les dangers liés à ces facteurs n'aient pas été parfaitement compris quand on a rédigé les descriptions de ces points chauds.
La carte d'aérodrome comprend également une mise en garde qui indique aux équipages de conduite d'être attentifs aux autorisations de traversée de piste et d'être prêts à attendre à l'écart de la piste 06L/24R. Cette mise en garde semble vouloir aider les équipages de conduite à éviter les incursions, mais elle ne porte pas sur le principal problème. Les incursions sur piste à CYYZ, récentes et plus anciennes, ne se sont pas produites parce que les équipages de conduite ont raté des autorisations de traversée ou n'étaient pas au courant qu'il leur fallait attendre à l'écart.
Pour bien cerner les mesures nécessaires afin d'éviter une incursion sur piste, les équipages de conduite ont besoin de savoir plus que des incursions sur piste ont eu lieu à un endroit particulier. S'ils ne comprennent pas pourquoi les incursions antérieures se sont produites, ils auront de la difficulté à prévoir les mesures spécifiques qu'ils devraient prendre pour éviter d'en commettre une.
Les cartes d'aérodrome fournies aux équipages de conduite pour les aider à planifier leur arrivée à CYYZ indiquent la présence de points chauds d'incursion sur piste et comprennent des mises en garde générales à propos de ce type de problème. Or, l'information sur ces cartes est insuffisante pour bien expliquer les risques ou pour aider les équipages de conduite à prendre des mesures d'atténuation efficaces.
2.3.2.2 Procédures d'utilisation normalisées sur les exposés avant roulage
Les exposés sont un outil essentiel qui aide les équipages de conduite à maintenir leur conscience situationnelle. Ils donnent l'occasion d'assimiler de l'information opérationnelle pertinente et de prévoir son incidence sur l'exploitation de l'aéronef; ils sont donc un outil de gestion efficace contre les menaces et les erreurs.
Les pratiques exemplaires pour prévenir les incursions sur piste avaient pour objet de cerner des méthodes pour accroître la probabilité que les 2 membres d'équipage de conduite prévoient les endroits dangereux durant la phase de roulage. En particulier, on a recommandé que les équipages de conduite fassent un exposé interactif exhaustif qui porte sur les différences par rapport aux vols précédents. L'exposé devrait aborder la phase de roulage en détail, y compris les points d'intersection de piste nécessaires et points chauds, et comprendre une discussion sur le moment d'effectuer les listes de vérification et autres tâches non essentielles de poste de pilotage.
Si les exposés sur la phase de roulage ne sont pas exhaustifs, il y a un risque que les équipages de conduite ne soient pas au courant de dangers connus ou prévisibles que pourrait comprendre cette phase. Ce manque de sensibilisation, accompagné d'un manque de planification de mesures d'atténuation, pourrait mener à une incursion sur piste ou à une collision.
Dans les incursions à l'étude, les équipages de conduite ont effectué des exposés d'approche qui étaient généralement conformes aux lignes directrices des SOP de leur compagnie aérienne; de plus, ces SOP comprenaient souvent un rappel de faire un exposé sur le trajet de roulage, y compris les points chauds applicables. Toutefois, dans certains cas, l'exposé des équipages de conduite n'a pas inclus le trajet de roulage. Dans les cas où il y a eu un exposé avant roulage, la partie de l'exposé qui portait sur les points chauds s'est limitée à reconnaître l'existence d'une menace, mais ne comprenait ni planification ni discussion d'une stratégie d'atténuation.
Les lignes directrices publiées par la FAA en 2012 indiquaient aux exploitants de développer des SOP spécifiques pour prévenir les incursions sur piste. La circulaire d'information de la FAA soulignait qu'un exposé exhaustif sur la phase de roulage devrait comprendre un examen du plan de l'aéroport, y compris les points chauds et leurs descriptions textuelles. En outre, cette circulaire recommande des SOP qui exigent des équipages de conduite qu'ils décrivent comment ils atténueront les menaces d'incursion sur piste : en faisant un exposé sur le moment d'exécution des listes de vérification et des communications, de manière à ce que ni l'un ni l'autre des membres d'équipage de conduite ne soit distrait ou n'ait la tête baissée en approchant d'une piste en service.
Dans les cas examinés par la présente enquête, les SOP des exploitants comprenaient des lignes directrices sur l'exposé d'approche qui encourageaient les équipages de conduite à cerner diverses situations dangereuses, mais qui n'exigeaient pas qu'ils discutent de façons de les gérer. Par conséquent, quoique certains équipages étaient au courant des points chauds dangereux à CYYZ et ont fait des exposés sur ce sujet, ils n'ont rien changé à leurs habitudes établies.
Si les exposés d'approche qui attirent l'attention sur des dangers connus ne comprennent pas d'options pour les atténuer, il y a un risque continu que les équipages de conduite soient désorganisés devant ces dangers.
2.3.3 Tâches après atterrissage
Puisque les exposés d'approche qui ont eu lieu n'ont décrit aucune modification aux procédures normales après l'atterrissage, les équipages de conduite ont, dans la plupart des cas, maintenu leur pratique habituelle de vérifier les séquences opérationnelles et d'achever les listes de vérification après atterrissage dès qu'ils eurent dégagé la piste. Ces tâches ont détourné l'attention de l'un des membres d'équipage, et parfois des 2, de la tâche cruciale de repérer le point d'attente avant piste.
Toutes les compagnies aériennes en cause avaient en place des procédures semblables, stipulant d'attendre que l'aéronef soit à l'écart de la piste en service avant d'exécuter les listes de vérification après atterrissage. Il y avait quelques variations quant à savoir si le premier officier pouvait effectuer ces listes de son propre chef ou s'il devait attendre l'ordre du commandant de bord; dans tous les cas, toutefois, on a effectué ces listes immédiatement après que l'aéronef a dégagé la piste.
Lorsqu'un membre d'équipage de conduite effectue la liste de vérification après atterrissage, son champ de vision est orienté vers la console centrale, le tableau de bord et le panneau supérieur (c.-à-d. à l'intérieur du poste de pilotage). Si un des membres d'équipage de conduite n'est pas concentré sur la tâche de roulage tandis que l'aéronef approche d'une piste en service, il y a moins de chances que l'on perçoive les repères visuels du point d'attente avant piste, ce qui accroît le risque d'incursion sur piste.
Les lignes directrices publiées par la FAA en 2012 recommandaient la tenue d'un exposé avant roulage exhaustif pour prévenir les incursions et, afin de maintenir la conscience situationnelle, l'exécution des tâches après atterrissage seulement une fois que l'aéronef a dégagé toutes les pistes et qu'il se trouve du côté aérogare du complexe de pistes. Au moment de la publication du présent rapport, aucun des exploitants en cause dans les événements à l'étude n'avait ajouté l'une ou l'autre de ces recommandations dans ses SOP.
Si les SOP indiquent aux équipages de conduite d'effectuer les listes de vérification après atterrissage avant que l'aéronef se soit immobilisé ou ait dégagé toutes les pistes, il y a un risque que ces tâches distraient les équipages de leurs responsabilités plus essentielles à la sécurité.
Bien que les SOP aient pu causer cette distraction, elles exigeaient souvent que les 2 membres d'équipage de conduite gardent la tête haute en approchant de points chauds ou d'intersections. Dans certains cas, le commandant de bord devait expressément s'assurer que le premier officier garde la tête haute à ces moments; or, d'après la même directive, il devait également donner l'ordre au premier officier de commencer les vérifications après atterrissage, tâche qui oblige ce dernier à baisser la tête.
Ni les SOP qui exigeaient que les vérifications après atterrissage aient lieu après que l'aéronef a dégagé la piste, ni celles qui exigeaient que les 2 membres d'équipage de conduite gardent la tête haute en approchant de points chauds, ne tenaient compte du fait que les voies de circulation pour dégager la piste débouchaient sur la piste adjacente. Ainsi, les équipages de conduite devaient, à leur discrétion, suivre l'une ou l'autre des SOP, et ceux qui avaient choisi d'effectuer les vérifications après atterrissage ont fait une incursion sur piste.
2.3.4 Vitesse de roulage des aéronefs et champ de vision
La vitesse de roulage des aéronefs qui approchent des points d'attente avant piste peut considérablement écourter le délai de perception des équipages de conduite des repères visuels qui identifient ces points.
Un examen des aéronefs qui approchent de points d'attente avant piste sur les RET a révélé que la vitesse de roulage est généralement inversement proportionnelle à la taille de l'aéronef : plus l'aéronef est gros, plus il approche lentement. On n'a pu déterminer la raison précise de cette différence; toutefois, il est probable que les équipages de conduite reconnaissent que l'élan d'aéronefs plus gros exige une plus grande distance d'arrêt, et ils réduisent par conséquent la vitesse de roulage.
La présente enquête a établi que les avions à réaction régionaux plus petits représentaient environ 39,5 % du trafic qui atterrit sur la piste 06R/24L et qui attend à l'écart de la piste 06L/24R; or, ces aéronefs représentent 77,8 % des incursions étudiées.
Il y a surreprésentation des avions à réaction régionaux dans le nombre d'incursions, probablement parce qu'ils approchent des points d'attente avant piste à plus grande vitesse. Cela s'est avéré durant les incursions et comparativement aux aéronefs plus gros en général. Cette vitesse plus élevée a écourté le délai pour identifier les repères visuels nécessaires.
Le point de référence visuelle calculé des aéronefs des séries CRJ et ERJ 135/145 est plus bas que celui d'autres aéronefs courants comme le Boeing 737; cependant, sur ces aéronefs plus petits, l'écran anti-éblouissement ou la structure de l'aéronef voilent moins le champ de vision. Dans le cas d'avions à réaction régionaux plus grands (ERJ 170), le point de référence visuelle et la distance voilée sont similaires à ceux du Boeing 737.
Quoique la hauteur depuis laquelle on aperçoit les marques au sol peut influer sur la distance de perception initiale, on n'a pu déterminer si cela a été un facteur dans les incursions.
2.3.5 Autres dispositifs d'aide disponibles
2.3.5.1 Systèmes électroniques d'avertissement de bord
Plusieurs incursions sur piste se produisent par un équipage de conduite qui ignore sa proximité à la piste ou que la piste qu'il traverse est en service.
Les systèmes électroniques d'avertissement de bord, comme le système On-Board Airport Navigation System (OANS) de Thales, le Runway Awareness and Advisory System de Honeywell ou d'autres applications pour organiseur électronique de poste de pilotage portable (OEPP), améliorent la conscience situationnelle. Ils pourraient sans doute atténuer cette cause profonde courante des incursions typiques en informant les équipages de conduite de leur position exacte et de leur proximité à la surface de piste.
Si l'on considère les systèmes électroniques d'avertissement de bord comme des moyens directs pour atténuer les types d'incursions à l'étude, ceux qui génèrent des avertissements auraient pu contribué à une réduction de la gravité des incursions en alertant les équipages de conduite qu'ils approchaient d'une piste.
Ces systèmes affichent ou déclenchent une alarme lorsque l'aéronef approche d'une piste à une position prédéterminée à une certaine vitesse. Ces systèmes n'auraient pas nécessairement généré d'alerte aux points d'attente avant piste ou en amont de ceux-ci. Par contre, des alertes auraient peut-être permis aux équipages de conduite en cause d'immobiliser leur aéronef avant ou sans l'intervention de l'ATC.
Le système OANS et les applications OEPP génèrent une représentation visuelle de l'aéronef sur le plan de l'aéroport, ce qui accroît la conscience situationnelle des équipages de conduite relativement à la position de leur aéronef sur la voie de circulation. Cependant, l'utilité de ces outils aurait probablement été limitée dans ces incursions.
Dans chacune des incursions à l'étude, les équipages de conduite savaient très bien sur quelle voie de circulation ils roulaient et qu'ils approchaient d'une piste en service. Une aide additionnelle leur rappelant cette information, surtout si elle exige de porter momentanément l'attention visuelle à l'intérieur du poste de pilotage au moment où elle est entièrement requise à l'extérieur, n'aurait probablement pas accru la probabilité que les équipages identifient les repères visuels du point d'attente avant piste.
3.0 Faits établis
3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
3.1.1 Aérodrome
- La courte distance entre les points d'attente avant piste sur les voies de sortie rapide (RET) qui relient les pistes parallèles, ainsi que des vitesses de roulage supérieures aux vitesses typiques, a écourté le temps dont disposaient les équipages de conduite pour identifier les repères visuels des points d'attente avant piste respectifs, tout en achevant les tâches après atterrissage.
- Ni les feux encastrés ni les feux hors-sol de barre d'arrêt à chacun des points d'attente avant piste n'étaient orientés vers les aéronefs qui approchaient depuis la courbe de la voie de circulation. Par conséquent, la plupart des feux n'étaient visibles que lorsque les aéronefs avaient presque atteint la ligne d'arrêt, ce qui laissait peu de temps aux équipages de conduite pour identifier le repère visuel.
- L'intensité des feux de barre d'arrêt encastrés était insuffisante pour attirer l'attention des équipages de conduite qui approchaient des points d'attente avant piste, ce qui explique pourquoi les équipages ne les ont pas reconnus.
- Sur les RET, les points d'attente avant piste suivent immédiatement une courbe de 65°. La distance de chacun de ces points de la piste qu'il protège est supérieure à celle exigée par les lignes directrices en vigueur ou à celle que l'on trouve couramment dans d'autres aéroports très achalandés. Les équipages de conduite d'aéronefs à l'arrivée peuvent ne pas être familiers avec l'aménagement des voies de circulation et la distance des points d'attente avant piste. Les équipages respectifs des aéronefs qui ont fait une incursion s'attendaient à ce que le point d'attente avant piste se trouve à un endroit différent.
- Les RET donnent un accès direct à la piste adjacente plutôt qu'à une autre surface de transition. Occupés par les tâches après atterrissage, les équipages de conduite d'aéronefs à l'arrivée ont raté les repères visuels qui indiquaient le point d'attente avant piste; c'est ainsi qu'ils ont fait une incursion sur la piste intérieure et posé un risque de collision avec des aéronefs au départ.
- Les points d'attente avant piste de la RET D6 sont les plus éloignés des pistes qu'ils protègent, et la distance entre leurs points d'attente d'entrée et de sortie est la plus courte, ce qui contribue à la fréquence plus élevée d'incursions à cette intersection.
3.1.2 Opérations aériennes
- Dans toutes les incursions à l'étude, les équipages de conduite avaient reçu l'instruction d'attendre à l'écart, avaient relu l'instruction correctement, comprenaient la nécessité d'arrêter et comprenaient qu'ils approchaient d'une piste en service. Or, malgré ces facteurs, ils n'ont pas reconnu les repères visuels qui identifiaient le point d'attente avant piste et ont fait une incursion sur piste.
- Les cartes d'aérodrome fournies aux équipages de conduite pour les aider à planifier leur arrivée à CYYZ indiquent la présence de points chauds d'incursion sur piste et comprennent des mises en garde générales à propos de ce type de problème. Or, l'information sur ces cartes est insuffisante pour bien expliquer les risques ou pour aider les équipages de conduite à prendre des mesures d'atténuation efficaces.
- Les procédures d'utilisation normalisées (SOP) des exploitants comprenaient des lignes directrices sur l'exposé d'approche qui encourageaient les équipages de conduite à cerner diverses situations dangereuses, mais qui n'exigeaient pas qu'ils discutent de façons de les gérer. Par conséquent, quoique certains équipages étaient au courant des points chauds dangereux à CYYZ et ont fait des exposés sur ce sujet, ils n'ont rien changé à leurs habitudes établies.
- Puisque les exposés d'approche qui ont eu lieu n'ont décrit aucune modification aux procédures normales après l'atterrissage, les équipages de conduite ont, dans la plupart des cas, maintenu leur pratique habituelle de vérifier les séquences opérationnelles et d'achever les listes de vérification après atterrissage dès qu'ils eurent dégagé la piste. Ces tâches ont détourné l'attention de l'un des membres d'équipage, et parfois des 2, de la tâche cruciale de repérer le point d'attente avant piste.
- Ni les SOP qui exigeaient que les vérifications après atterrissage aient lieu après que l'aéronef a dégagé la piste, ni celles qui exigeaient que les 2 membres d'équipage de conduite gardent la tête haute en approchant de points chauds, ne tenaient compte du fait que les voies de circulation pour dégager la piste débouchaient sur la piste adjacente. Ainsi, les équipages de conduite devaient, à leur discrétion, suivre l'une ou l'autre des SOP, et ceux qui avaient choisi d'effectuer les vérifications après atterrissage ont fait une incursion sur piste.
- Les points d'attente avant piste, situés en aval de la courbe de leur voie de circulation et plus loin de la piste que dans la majorité des cas, se trouvent à un endroit où les équipages de conduite ne s'attendaient pas à devoir arrêter. Par conséquent, les équipages n'ont pas porté leur attention à l'extérieur au bon moment pour identifier les positions d'attente.
- Les membres d'équipage de conduite qui ont porté leur attention à l'extérieur de l'aéronef en approchant du point d'attente avant piste fixaient sans doute un endroit plus loin sur la voie de circulation où se trouve habituellement ce point. Par conséquent, ils n'ont probablement pas tenu compte des repères visuels plus proches, qui ne correspondaient pas à leur modèle mental.
- Les équipages de conduite basés aux États-Unis sont surreprésentés dans le nombre d'incursions comparativement à leurs homologues canadiens, probablement parce qu'ils sont moins familiers avec l'emplacement inhabituel des points d'attente avant piste sur les RET du complexe sud à CYYZ.
- Il y a surreprésentation des avions à réaction régionaux dans le nombre d'incursions, probablement parce qu'ils approchent des points d'attente avant piste à plus grande vitesse. Cela s'est avéré durant les incursions et comparativement aux aéronefs plus gros en général. Cette vitesse plus élevée a écourté le délai pour identifier les repères visuels nécessaires.
3.2 Faits établis quant aux risques
3.2.1 Aérodrome
- Si les points d'attente avant piste ne sont pas aménagés aux mêmes distances que ceux d'autres aéroports, il y a un risque accru que les équipages de conduite ne reconnaissent pas les repères visuels qui indiquent ces points d'attente, car ils s'attendent à ce que ces points se trouvent aux emplacements auxquels les équipages sont habitués.
- Si les repères visuels qui destinés à indiquer aux équipages de conduite la présence de positions d'attente dans des endroits inhabituels ne sont pas suffisamment tranchants pour modifier le modèle mental que se fait l'équipage de conduite de la situation, il y a un risque continu que ces repères passent inaperçus.
- Si les feux de barre d'arrêt encastrés servant à attirer l'attention sur le point d'attente avant piste ont une intensité et une ouverture de faisceau différentes, ou s'ils sont occultés ou ne fonctionnent pas, il y a un risque qu'ils soient inefficaces pour indiquer aux équipages de conduite de s'arrêter.
- Si les voies de circulation ne sont pas aménagées de manière à limiter la vitesse à laquelle les aéronefs approchent d'un point d'attente avant piste, il y a un risque que les aéronefs approchent trop vite. Les équipages de conduite ont alors moins de temps pour identifier d'importants repères visuels, et le contrôle de la circulation aérienne pour intervenir avant qu'un aéronef fasse une incursion sur la surface d'une piste.
- Si les points d'intersection les plus fréquemment utilisés se trouvent là où les aéronefs au départ sont normalement en train de rouler au sol ou volent à basse altitude, et qu'un aéronef fait incursion sur la piste de décollage, il y a un plus grand risque de collision.
- La récurrence des incursions après les améliorations de 2013 et de 2017 à la perceptibilité des repères visuels aux points d'attente avant piste laisse croire que si ces points demeurent aux mêmes endroits, et si les équipages de conduite ne sont pas préparés à porter leur attention à l'extérieur immédiatement après avoir dégagé la piste, ils seront toujours à risque de rater les repères visuels, même si ces derniers font l'objet d'autres améliorations pour être plus visibles.
- Si on continue de laisser les RET déboucher sur des pistes adjacentes et que l'on rapproche les points d'attente avant piste de leur piste de décollage respective, on pourrait dénoter une réduction de la fréquence des incursions sur piste. Par contre, leur gravité, si elles se produisent durant la phase d'une course au décollage, pourrait décupler.
- Si les équipages de conduite qui dégagent la piste d'atterrissage par une RET n'ont pas suffisamment de distance de roulage pour accomplir les tâches après atterrissage avant d'atteindre le point d'attente avant piste, et si l'aménagement de la voie de circulation ne leur permet pas de réduire leur vitesse en approchant de ces points, il y a un risque continu que les équipages de conduite qui effectuent ces tâches et ne réduisent pas leur vitesse fassent incursion sur la piste intérieure.
3.2.2 Contrôle de la circulation aérienne
- Si les transmissions du contrôle de la circulation aérienne exigeant une intervention immédiate de la part de l'équipage de conduite ne sont pas suffisamment éloquentes pour attirer l'attention lorsque la charge de travail est lourde, il y a un risque que ces instructions ne soient pas entendues et que l'on n'y réagisse pas.
- Si les fausses alertes du système de surveillance des incursions sur piste et d'alerte de conflit (RIMCAS) sont trop fréquentes, il y a un risque que l'on n'en tienne pas compte ou que des mesures correctives ne soient pas prises à temps.
- Si les contrôleurs sont alertés de différentes situations critiques par le même signal sonore, il y a un risque que ces alertes n'attirent pas l'attention des contrôleurs sur la menace précise qu'elles indiquent.
- Si les réglages paramétrables par l'utilisateur des systèmes d'alerte de dépassement de barre d'arrêt ne sont pas à ON (activé) par défaut, il y a un risque que les alertes soient désactivées au moment d'une incursion et qu'elles n'alertent pas les contrôleurs de cette situation critique.
- S'il n'existe aucune procédure dictant que les réglages paramétrables par l'utilisateur des feux de barre d'arrêt soient réglés par défaut à pleine intensité, il y a un risque que l'intensité de ces feux soit trop faible pour attirer l'attention des équipages de conduite.
- Si les procédures inter-organisationnelles sur la notification immédiate en cas d'événement ou d'incident grave ne sont pas claires et précises, il y a un risque continue que le BST ne soit pas informé d'un incident à temps pour récupérer les enregistrements de bord. S'ensuit alors une perte de renseignements potentiellement utiles pour évaluer des manquements à la sécurité.
- Si la mise en garde d'un message du service automatique d'information de région terminale (ATIS) contre le risque d'une incursion sur la piste intérieure n'indique pas clairement le danger, il y a un risque que le recours à ce dispositif soit inefficace, car les équipages de conduite demeureront inconscients de ce danger.
3.2.3 Opérations aériennes
- Si les exposés d'approche qui attirent l'attention sur des dangers connus ne comprennent pas d'options pour les atténuer, il y a un risque continu que les équipages de conduite soient désorganisés devant ces dangers.
- Si les exposés sur la phase de roulage ne sont pas exhaustifs, il y a un risque que les équipages de conduite ne soient pas au courant de dangers connus ou prévisibles que pourrait comprendre cette phase. Ce manque de sensibilisation, accompagné d'un manque de planification de mesures d'atténuation, pourrait mener à une incursion sur piste ou à une collision.
- Si les SOP indiquent aux équipages de conduite d'effectuer les listes de vérification après atterrissage avant que l'aéronef se soit immobilisé ou ait dégagé toutes les pistes, il y a un risque que ces tâches distraient les équipages de leurs responsabilités plus essentielles à la sécurité.
4.0 Mesures de sécurité
4.1 Mesures de sécurité prises
Depuis la 1re incursion à l'étude, toutes les parties concernées prennent des mesures de sécurité. Le présent rapport fait état de ces mesures.
4.2 Mesures de sécurité requises
4.2.1 Phraséologie à utiliser dans les situations essentielles à la sécurité
Au cours des 5 dernières années, le BST a enquêté sur 3 événements survenus en OntarioNote de bas de page 114 (dont l'une des incursions abordée dans le présent rapport) où les équipages de conduite n'ont pas reconnu les instructions des contrôleurs de la circulation aérienne (ATC) relatives à un conflit, ou n'y ont pas réagi.
Lorsque les contrôleurs de la circulation aérienne reconnaissent un conflit entre des aéronefs ou des véhicules (p. ex., lorsqu'un aéronef s'engage sur une piste pendant la course au décollage d'un autre aéronef), ils doivent émettre des instructions rapidement pour le résoudre. Ces instructions doivent être reconnues et comprises par les destinataires visés pour que les mesures les plus sécuritaires soient mises en œuvre. Si ces mesures ne sont pas prises, il y a un risque que le conflit se termine en collision.
À l'heure actuelle, les directives données aux contrôleurs de la circulation aérienne du Canada sur la phraséologie à utiliser dans les situations essentielles à la sécurité diffèrent des directives internationales. En effet, elles n'exigent pas l'utilisation d'expressions qui attirent l'attention (p. ex., le mot « immédiatement ») ou la répétition des instructions. Sans employer des mots ayant cet effet, les instructions risquent d'être trop banales pour attirer l'attention des destinataires visés. De plus, comme la phraséologie pourrait être différente de celle à laquelle s'attendent équipages de conduite, les instructions risquent de ne pas être immédiatement comprises, surtout pendant les périodes où la charge de travail est élevée. En raison de ces 2 facteurs, les équipages de conduite pourraient ne pas réagir aux instructions, ce qui fait croître les risques de collision.
Par conséquent, le Bureau recommande que :
NAV CANADA modifie ses directives sur la phraséologie, afin que les transmissions essentielles à la sécurité visant à éliminer les conflits perçus, comme les instructions d'interruption de décollage ou de remise des gaz, soient suffisamment captivantes pour attirer l'attention des équipages de conduite, surtout lorsque leur charge de travail est élevée.
Recommandation A18-04 du BST
4.2.2 Séquence des procédures après atterrissage
Une fois qu'un aéronef s'est posé sur une piste et a terminé sa course à l'atterrissage, l'équipage de conduite doit accomplir une série de tâches après atterrissage. Comme on l'indique dans la présente enquête, pendant les opérations normales, la plupart des équipages de conduite entament ces tâches lorsque l'aéronef a dégagé la piste d'atterrissage, conformément aux procédures d'utilisation normalisées (SOP) de leur exploitant. Ces tâches (ou listes de vérification) sont habituellement brèves et n'occupent l'attention de l'un ou des 2 membres de l'équipage de conduite que brièvement.
Aux aéroports où des pistes parallèles sont rapprochées, un aéronef qui se pose sur la piste extérieure la quitte habituellement par une voie de sortie rapide qui, parfois, se termine directement à la piste intérieure. Dans la plupart des cas, l'ATC demande aux équipages de conduite de demeurer à l'écart de cette piste, car elle est utilisée par un aéronef qui atterrit ou décolle. Dans de tels cas, il est essentiel que les équipages de conduite portent leur attention sur établir les repères visuels nécessaires pour identifier le point d'attente avant piste immédiatement après avoir quitté la piste d'atterrissage, dans le but d'éviter de faire incursion sur l'autre piste active.
Les SOP de la plupart des exploitants exigent d'effectuer les vérifications après atterrissage tout de suite après avoir dégagé la piste d'atterrissage. Toutefois, comme la présente enquête le démontre, si les équipages de conduite effectuent ces SOP aux aéroports où des pistes parallèles sont rapprochées, il se pourrait qu'ils concentrent leur attention à l'intérieur du poste de pilotage à un moment où ils doivent plutôt porter leur attention et leur regard vers l'extérieur. Les équipages de conduite peuvent rater les repères visuels et faire incursion sur la piste active en raison de cette distraction, ce qui crée un risque élevé de collision.
En 2012, la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis a transmis des directives aux exploitants pour les aider à élaborer et mettre en œuvre des SOP pour prévenir les incursions sur piste. Bien que ces directives stipulent de commencer les tâches après atterrissage non essentielles (p. ex., relever les volets et ajuster les compensateurs) seulement lorsque l'aéronef a dégagé toutes les pistes actives, elles ne proposent aucune modification conséquente visant les SOP après atterrissage. Aucun des exploitants en cause dans les événements à l'étude n'avait apporté de modifications à ses SOP après atterrissage pour régler cette question.
Par conséquent, le Bureau recommande que :
le ministère des Transports travaille avec les exploitants pour modifier leurs procédures d'utilisation normalisées, afin que les vérifications après atterrissage ne soient effectuées que lorsque l'aéronef a dégagé les 2 pistes actives en situation de pistes parallèles rapprochées utilisées simultanément, au lieu d'être effectuées dès la piste d'atterrissage dégagée, comme c'est le cas à l'heure actuelle.
Recommandation A18-05 du BST
Le Bureau recommande aussi que :
la Federal Aviation Administration des États-Unis travaille avec les exploitants pour modifier les procédures d'utilisation normalisées, afin que les vérifications après atterrissage ne soient effectuées que lorsque l'aéronef a dégagé les 2 pistes actives en situation de pistes parallèles rapprochées utilisées simultanément, au lieu d'être effectuées dès la piste d'atterrissage dégagée, comme c'est le cas à l'heure actuelle.
Recommandation A18-06 du BST
4.2.3 Conception et perceptibilité des voies de circulation
À l'aéroport international Lester B. Pearson de Toronto (CYYZ), plusieurs caractéristiques de configuration des voies de circulation entre les pistes d'atterrissage parallèles rapprochées sont inhabituelles comparativement à celles d'autres aérodromes en Amérique du Nord et ailleurs dans le monde. La distance entre ces pistes est relativement faible, et les voies de sortie rapide permettent d'accéder directement à la piste adjacente, sans passer par une autre surface de transition. Les points d'attente avant piste sont aménagés immédiatement après une courbe à 65° et sont plus éloignés de la piste intérieure protégée que dans d'autres aéroports.
Ces caractéristiques exceptionnelles et la courte distance entre les pistes posent des défis considérables pour les équipages de conduite. Lorsqu'ils quittent la piste d'atterrissage, les équipages de conduite s'affairent habituellement à d'autres tâches. Comme ils utilisent une voie de sortie rapide, l'aéronef circule habituellement à une vitesse supérieure aux vitesses de roulage normales. Leur méconnaissance de ces caractéristiques exceptionnelles, le temps et la distance limités dont ils disposent et les distractions causées par leurs autres tâches réduisent la capacité des équipages de conduite à repérer les points d'attente avant piste. Comme les événements faisant l'objet de la présente enquête le démontrent, si ces positions ne sont pas repérées, un aéronef pourrait faire incursion sur l'autre piste active et entrer en collision avec un autre aéronef.
Les directives internationales recommandent différentes stratégies pour éliminer les incursions sur piste. Toutes les stratégies applicables ont été mises en œuvre au complexe sud de CYYZ, à l'exception de la modification de l'aménagement des voies de circulation.
Un changement de cette ampleur pourrait être nécessaire pour accroître la distance et le temps de roulage entre les points d'attente avant piste; réduire les vitesses de roulage des aéronefs qui approchent des points d'attente; prévenir l'accès direct aux pistes adjacentes à partir des voies de sortie rapide; replacer les aides visuelles à des endroits standards. Les modifications possibles aux aménagements qui pourraient corriger ces facteurs comprennent l'insertion entre les pistes d'une voie de circulation leur étant parallèle, comme on en trouve dans plusieurs autres aérodromes aux pistes parallèles.
Il est toutefois reconnu qu'un changement de cette ampleur ne peut se faire du jour au lendemain. Entre-temps, il faudrait peut-être mettre en œuvre des stratégies de prévention des incursions plus simples ou améliorer les stratégies actuelles. Bien que des efforts considérables aient été déployés au cours des dernières années pour améliorer la perceptibilité des points d'attente avant piste, d'autres options sont toujours possibles, dont la modification du genre, de la quantité et de l'intensité du balisage lumineux aux points d'attente avant piste. Ces options pourraient accroître les chances que les équipages de conduite aperçoivent les repères et immobilisent leur aéronef avant qu'une incursion sur piste se produise.
Par conséquent, le Bureau recommande que :
l'Autorité aéroportuaire du Grand Toronto apporte des modifications physiques à l'aménagement des voies de circulation pour atténuer les risques d'incursion entre les pistes parallèles et, en attendant que ces modifications soient apportées, mette en œuvre d'autres améliorations pour accroître la perceptibilité des points d'attente avant piste.
Recommandation A18-07 du BST
Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cette question de sécurité. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le 28 novembre 2018. Le rapport a été officiellement publié le 31 janvier 2019.
Annexes
Annexe A – Cartes d’aérodrome Jeppesen pour CYYZ
Annexe B – Glossaire
- AIM de TC
- Manuel d'information aéronautique de Transports Canada
- AOR
- rapport d'événement d'aviation
- ARIWS
- système autonome d'avertissement d'incursion sur piste
- A-SMGCS
- système perfectionné de guidage et de contrôle de la circulation de surface
- ATC
- contrôle de la circulation aérienne
- ATIS
- service automatique d'information de région terminale
- AVOL
- niveau opérationnel de visibilité d'aérodrome
- BST
- Bureau de la sécurité des transports du Canada
- cd
- candela
- CVR
- enregistreur de conversations de poste de pilotage
- CYYZ
- aéroport international Lester B. Pearson de Toronto
- DEL
- diode électroluminescente
- DH
- hauteur de décision
- EGPWS
- système d'avertissement de proximité du sol amélioré
- EHAM
- aéroport Schiphol d'Amsterdam
- EUROCONTROL
- Organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne
- FAA
- Federal Aviation Administration
- FDR
- enregistreur de données de vol
- GPS
- système mondial de positionnement pour navigation satellite
- GTAA
- Autorité aéroportuaire du Grand Toronto
- KIAH
- aéroport intercontinental/Houston George Bush
- KMDW
- aéroport intercontinental Midway de Chicago
- KPHX
- aéroport intercontinental Sky Harbor de Phoenix
- LRST
- équipe locale de sécurité des pistes
- MANOPS ATC
- Manuel d'exploitation du contrôle de la circulation aérienne
- MATS
- Manuel des services de la circulation aérienne
- MDA
- altitude minimale de descente
- nm
- mille marin
- NOTAM
- avis aux navigants
- OACI
- Organisation de l'aviation civile internationale
- OANS
- On-Board Navigation System
- OEPP
- organiseur électronique de poste de pilotage
- PANS-ATM
- Procédures pour les services de navigation aérienne – Gestion du trafic aérien
- RAAS
- Runway Awareness and Advisory System
- REL
- feux d'entrée de piste
- RET
- voie de sortie rapide
- RIL
- feux d'intersection de pistes
- RIMCAS
- système de surveillance des incursions sur piste et d'alerte de conflit
- RJCC
- aéroport de Sapporo/New Chitose
- RKSS
- aéroport Gimpo (Kimpo) de Séoul
- ROT
- temps d'occupation de piste
- RWSL
- feux d'état de la piste
- SCRQEAC
- système de compte rendu quotidien des événements de l'Aviation civile
- SGS
- système de gestion de la sécurité
- SII
- enquête sur une question de sécurité
- SIMMOD
- Airport and Airspace Simulation Model
- SISA
- système d'information sur la sécurité aérienne
- SOP
- procédures d'utilisation normalisées
- TC
- Transports Canada
- TDZE
- altitude de la zone de poser
- THL
- feux de décollage et d'attente
- TP 312
- Aérodromes – Normes et pratiques recommandées de Transports Canada
- UHF
- onde décimétrique
- VHF
- très haute fréquence