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Publication du rapport d’enquête M20A0160 – Sarah Anne

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Notes d’allocution – M20A0160 (Sarah Anne)

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Introduction – Kathy Fox

Le 25 mai 2020 peu après minuit, le bateau de pêche communément appelé Sarah Anne a quitté St. Lawrence, à Terre-Neuve-et-Labrador, avec à son bord 4 personnes pour pêcher le crabe des neiges dans la baie Placentia. Plus tard dans la soirée, à 19 h 45, heure locale, on a signalé le retard du bateau, et des ressources de recherche et de sauvetage ont été dépêchées. Il n’y avait aucun survivant, et le bateau n’a jamais été retrouvé.

Aujourd’hui, en plus d’expliquer les circonstances qui ont mené à cet événement, le Bureau de la sécurité des transports du Canada publie une recommandation. Plus précisément, le Bureau recommande que le ministère des Pêches et des Océans exige que tout navire canadien utilisé pour la pêche commerciale des ressources marines ait une immatriculation à jour et exacte auprès de Transports Canada.

Je vous en parlerai plus en détail. Mais avant de le faire, je cède la parole à Clifford Harvey qui vous présentera les conclusions de l’enquête.

L’événement – Cliff Harvey

La pêche commerciale continue d’être l’une des professions les plus dangereuses du pays. Chaque année, une moyenne de 11 morts surviennent en lien avec la pêche commerciale. La cause la plus fréquente des morts est l’entrée dans l’eau de façon inattendue, généralement à la suite d’une chute par-dessus bord ou du chavirement du navire. Le BST se préoccupe depuis longtemps de la sécurité de la pêche commerciale, un enjeu qui figure sur la Liste de surveillance du BST depuis plus de 10 ans.

Lors de l’événement à l’étude, le bateau est parti peu après minuit et a été vu pour la dernière fois vers 10 h 30. Aucun appel de détresse n’a été reçu et rien n’indiquait qu’il y avait un problème jusqu’à ce que le bateau soit en retard, à 19 h 45. Il n’y a eu aucun survivant. Les 4 membres d’équipage ont été retrouvés par la suite dans leurs vêtements de travail sans équipement de sauvetage.

L’absence d’équipement de sauvetage et de signaux de détresse est une indication que le bateau a chaviré soudainement. Tous les membres d’équipage seraient donc entrés dans l’eau de façon inattendue avant même d’avoir eu l’occasion d’enfiler un gilet de sauvetage, un vêtement de flottaison individuel ou une combinaison d’immersion, de déployer le radeau de sauvetage ou de lancer un appel de détresse. Privés des pièces essentielles de l’équipement de sauvetage, l’équipage est resté dans l’eau froide, probablement sans assistance, et s’est noyé. La température de l’eau au moment de l’événement était de 4 degrés Celsius. L’entrée dans l’eau froide peut provoquer une réaction initiale de choc dû à l’eau froide. Le port d’une combinaison d’immersion, d’un vêtement de flottaison individuel – ou VFI – ou d’un gilet de sauvetage peut prévenir la noyade pendant le choc initial dû à l’eau froide.

De plus, le voyage du Sarah Anne n’était pas activement surveillé et le bateau n’était pas équipé d’un système de surveillance des navires ou d’un système d’identification automatique. Lorsqu’il a été vu pour la dernière fois à 10 h 30, le Sarah Anne se trouvait à l’intérieur de la zone desservie par les Services de trafic maritime de la baie Placentia. L’absence de surveillance active, conjuguée à l’absence d’un signal de détresse, a retardé de plusieurs heures l’intervention des ressources de recherche et de sauvetage, ce qui a considérablement réduit les chances de survie de l’équipage.

Ces facteurs ne sont que trop fréquents dans les accidents de pêche. L’absence de dispositifs d’alerte de détresse et l’omission de porter un VFI sur les petits bateaux de pêche ont contribué à 20 événements et 42 morts entre 2010 et 2020.

L’enquête a également porté sur la stabilité du bateau. Il s’agit de la capacité d’un bateau à se redresser après avoir été gîté par des forces externes telles que le vent, les vagues ou les opérations du bateau. Une évaluation officielle de la stabilité documente cet élément essentiel de la navigabilité et donne des directives aux exploitants de navires sur les limites d’exploitation sécuritaire. Le Sarah Anne n’avait pas fait l’objet d’une évaluation officielle de la stabilité, et aucun renseignement n’était disponible à ce sujet.

Pour étudier le rôle que la stabilité a pu jouer dans l’événement sans avoir accès au bateau ou aux renseignements sur sa stabilité, le BST a créé un modèle du Sarah Anne à partir d’un navire-jumeau et a effectué une analyse de la stabilité. L’analyse a montré que le Sarah Anne était probablement exploité en dehors de ses limites de stabilité et que la stabilité du bateau se serait détériorée au fil du voyage. Sans une évaluation officielle de la stabilité, l’équipage a pris des décisions d’exploitation sans connaître les limites d’exploitation sécuritaire réelles du bateau. Cela peut avoir eu une incidence négative sur la stabilité du bateau et l’avoir fait chavirer et couler.

L’absence d’une évaluation officielle de la stabilité dans le cas du Sarah Anne n’est pas un cas isolé. En fait, la grande majorité des navires de pêche existants ne sont pas tenus, par la réglementation, de s’y soumettre. Le BST continue de constater que les facteurs de stabilité contribuent grandement à de nombreux accidents de bateaux de pêche.

Je vais maintenant céder la parole à Kathy Fox, qui parlera de la recommandation du BST.

Recommandation – Kathy Fox

La sécurité des navires de pêche est réglementée par Transports Canada, tandis que l’activité de pêche commerciale est réglementée par le ministère des Pêches et des Océans, ou MPO. Les navires de pêche sont tenus par la réglementation d’être immatriculés auprès des deux ministères fédéraux pour pouvoir être exploités.

Cette enquête a révélé que rien qu’à Terre-Neuve-et-Labrador, il y a 4000 navires de pêche de plus qui sont immatriculés auprès du MPO qu’auprès de Transports Canada. Cela signifie que le MPO délivrait des permis d’exploitation des ressources marines sans vérifier si le navire était correctement immatriculé auprès de Transports Canada. Le Bureau a conclu que, puisque le MPO fait partie du gouvernement du Canada, la délivrance d’un permis peut donner aux pêcheurs l’impression qu’ils ont satisfait à toutes les exigences gouvernementales.

L’immatriculation des navires permet à Transports Canada d’assurer une surveillance de la sécurité et de donner des directives sur la sécurité aux propriétaires de navires. De plus, des données d’immatriculation à jour signifient que des renseignements précis, comme la taille du navire, sa couleur, son propriétaire et d’autres caractéristiques, sont à la disposition des autorités de recherche et de sauvetage, des organismes de réglementation en matière de sécurité et d’autres organisations du système de sécurité maritime.

Étant donné que les pêcheurs ont des contacts plus fréquents avec le gouvernement du Canada par l’entremise du MPO, une étape clé pour rehausser la sécurité de la pêche commerciale sera de miser sur cette relation pour promouvoir la conformité réglementaire avec les exigences de sécurité de Transports Canada. Une immatriculation à jour et exacte auprès de Transports Canada est la première étape de la surveillance de la sécurité des navires de pêche commerciale. Par conséquent, le Bureau recommande que le ministère des Pêches et des Océans exige que tout navire canadien utilisé pour la pêche commerciale des ressources marines ait une immatriculation à jour et exacte auprès de Transports Canada.

Cette dernière recommandation vise à conduire à une meilleure coordination entre les deux principaux ministères fédéraux qui interagissent avec ce secteur important. Leurs efforts combinés peuvent permettre d’accroître la connaissance et le respect des exigences de sécurité parmi tous les pêcheurs commerciaux.

Conclusion – Kathy Fox

Chaque année, les mêmes lacunes de sécurité dans l’industrie de la pêche commerciale continuent de mettre en danger la vie de milliers de pêcheurs canadiens.

En 2012, le BST a publié une étude approfondie sur les causes des accidents mortels mettant en cause des navires de pêche. L’enquête a fait ressortir un certain nombre de facteurs systémiques qui doivent être abordés, notamment : les modifications apportées aux navires et leurs répercussions sur la stabilité; l’absence ou la non-utilisation de dispositifs de sauvetage comme les VFI, les combinaisons d’immersion et les appareils de signalement d’urgence; les pratiques de travail non sécuritaires; et la surveillance réglementaire inadéquate.

Nous voici 10 ans plus tard en train de parler de bon nombre des mêmes problèmes.

Au-delà de l’immatriculation des navires et de l’évaluation de leur stabilité, il est essentiel que les propriétaires équipent leurs navires de l’équipement de sauvetage adéquat pour survivre à un chavirement soudain. Une radiobalise de localisation des sinistres (ou RLS) à dégagement libre, correctement enregistrée et fonctionnelle, augmentera la probabilité qu’un appel de détresse soit envoyé et soit reçu par les ressources de recherche et de sauvetage. L’installation d’un radeau de sauvetage qui se déploie automatiquement augmentera les chances que le radeau de sauvetage soit à la disposition de l’équipage.

Il existe des mesures que les pêcheurs eux-mêmes peuvent prendre pour augmenter leur capacité de survie. Il s’agit : 1) de faire savoir aux « gens » qu’ils ont besoin d’aide; et 2) de survivre jusqu’à l’arrivée des secours. Les membres d’équipage à bord des navires de pêche peuvent augmenter considérablement leurs chances de survie en portant une radiobalise individuelle de repérage, ou PLB, pour signaler qu’ils ont besoin d’aide pour sortir de l’eau dès que possible et en portant un VFI pour rester à flot jusqu’à l’arrivée des secours.

La sécurité est une responsabilité partagée. Les organismes de réglementation, les propriétaires de navires et les pêcheurs doivent tous s’approprier la sécurité afin de réduire les accidents et les pertes de vie évitables.

Merci.