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Rapport d’enquête sur la sécurité du transport ferroviaire R21M0002

Déraillement de train en voie principale
Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
Train de marchandises M30631-25
Point milliaire 8,04, subdivision de Pelletier
Gare d’Albertine (Nouveau-Brunswick)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 26 janvier 2021, vers 20 h 30, heure normale de l’Atlantique, le train de marchandises M30631-25 de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada circulait vers l’est à 46 mi/h dans la subdivision de Pelletier lorsqu’un freinage d’urgence provenant de la conduite générale s’est déclenché. On a retrouvé, par la suite, 22 wagons déraillés près de la gare d’Albertine, à environ 8 milles au sud-ouest d’Edmundston, au Nouveau-Brunswick (au point milliaire 8 de la subdivision de Pelletier). Huit wagons ayant déraillé transportaient des marchandises dangereuses. Il n’y a eu aucun incendie ni rejet de marchandises dangereuses. Aucune blessure n’a été signalée.

1.0 Renseignements de base

1.1 L’événement

Le 26 janvier 2021, le train M30631-25 de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le CN) a quitté la gare de triage Joffre à Lévis (Québec) en direction d’Edmundston (Nouveau-Brunswick). Vers 20 h 30Note de bas de page 1, alors que le train circulait vers l’est à 46 mi/h dans la subdivision de Pelletier, un freinage d’urgence provenant de la conduite générale s’est déclenché près de la gare d’Albertine, à environ 8 milles au sud-ouest d’Edmundston (figure 1). Après une inspection par le chef de train, on a constaté que 22 wagons avaient déraillé. Huit wagons ayant déraillé transportaient des marchandises dangereusesNote de bas de page 2. Il n’y a eu aucun incendie ni rejet de marchandises dangereuses. Aucune blessure n’a été signalée.

Figure 1. Carte montrant le lieu de l’événement (Source : Google Maps, avec annotations du BST)
Carte montrant le lieu de l’événement (Source : Google Maps, avec annotations du BST)

Le train était composé de 3 locomotives de tête (CN 2937, CN 8000 et CN 2512), de 2 locomotives en traction répartie (CN 2163 et CN 2247) qui occupaient les 126e et 127e positions du train, et de 171 wagons chargés de marchandises mixtes. Le train était d’une longueur de 11 786 pieds et pesait 17 787 tonnes courtes.

L’équipe de train était composée de 1 mécanicien de locomotive et de 1 chef de train. Les 2 membres de l’équipe étaient qualifiés pour leur poste respectif, satisfaisaient aux exigences en matière de condition physique et de repos et connaissaient bien la subdivision.

Au moment de l’événement, le ciel était dégagé et la température ambiante était d’environ −7 °C.

1.2 Examen des lieux

Vingt-deux wagons (de la 40e à la 61e position du train) ont déraillé en accordéon (figure 2), ce qui a détruit la voie sous les wagons. Le wagon qui occupait la 40e position du train, CN 405766Note de bas de page 3, a été le premier wagon à dérailler.

Figure 2. Photo aérienne des wagons déraillés; vue vers l’ouest (Source : Organisation des mesures d’urgence du Nouveau-Brunswick)
Photo aérienne des wagons déraillés; vue vers l’ouest (Source : Organisation des mesures d’urgence du Nouveau-Brunswick)

Le 39e wagon, IC 21013Note de bas de page 4, était toujours sur la voie. Ses essieux, bogies et poutres-freins ont subi des dommages minimes. La clavette d’attelage servant à retenir l’attelage dans l’ensemble de tractionNote de bas de page 5 à l’avant du wagon (bout A) avait rompu, laissant 3 petits fragments (figure 3) dans l’étrier d’attelage.

Figure 3. Trois petits fragments de la clavette d’attelage du bout A du wagon IC 21013 (Source : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada)
Trois petits fragments de la clavette d’attelage du bout A du wagon IC 21013 (Source : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada)

Il n’y a pas eu d’usure ni de dommages majeurs à l’étrier d’attelage ou à la longrine centrale. L’attelageNote de bas de page 6 est tombé et a été récupéré sur la voie près du wagon suivant, CN 405766. L’attelage ne présentait aucune usure excessive. Or, on pouvait observer des marques récentes de l’impact sur sa surface. L’appareil de choc en bout de wagon s’est avéré en bon état et fonctionnait normalement.

Trois fragments de la clavette d’attelage du bout A qui s’est rompue, ainsi que la clavette d’attelage de l’extrémité arrière (bout B) du wagon IC 21013, ont été récupérés sur les lieux de l’événement et envoyés au Laboratoire d’ingénierie du BST pour un examen plus approfondi.

1.3 Intervention à la suite de l’événement

Plusieurs organismes sont intervenus dans le cadre de cet événement, notamment le service d’incendie local, le CN, la Gendarmerie royale du Canada, l’Organisation des mesures d’urgence du Nouveau-Brunswick et Transports Canada.

Lors de l’intervention, les 8 wagons déraillés contenant des marchandises dangereuses ont été vidés; on a transféré le contenu des 3 wagons chargés et brûlé les résidus restants des 8 wagons à la torche. Au cours de ce processus, les résidents se trouvant dans un rayon de 700 mètres du lieu de l’événement ont eu le choix d’évacuer ou de rester dans leur résidence par mesure de précautionNote de bas de page 7. Un ménage a choisi d’évacuer.

La route 120 a été fermée au public pendant environ 5 jours pendant que les équipes restauraient la voie.

1.4 Renseignements consignés

La locomotive de tête était munie d’un consignateur d’événements et d’une caméra orientée vers l’avant. L’examen des données de l’équipement n’a pas révélé d’anomalies relatives à la voie ou à la conduite du train.

1.5 Renseignements sur la subdivision

La subdivision de Pelletier s’étend du point milliaire 0,0 à Edmundston au point milliaire 86,9 à St-André Jonction (Québec), où elle rejoint la subdivision de Montmagny du CN. Dans le secteur où le déraillement s’est produit, la voie est entretenue comme une voie de catégorie 3 selon le Règlement concernant la sécurité de la voie approuvé par Transports Canada et la vitesse maximale est de 55 mi/h.

Les mouvements des trains sont contrôlés par le système de commande centralisée de la circulation, tel qu’autorisé par le Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada, et supervisés par un contrôleur de la circulation ferroviaire situé à Edmonton (Alberta).

1.6 Ensembles de traction de wagons

Les wagons sont équipés à chaque extrémité d’un ensemble de traction (figure 4). L’ensemble de traction peut être soit un appareil de traction standard, qui absorbe les impacts par des moyens mécaniques, soit, comme dans le cas présent, par un appareil de choc en bout de wagon, qui absorbe les impacts par un système hydraulique. Les composants de l’ensemble de traction des appareils de choc en bout de wagon ont généralement une plus grande amplitude de mouvement qu’un dispositif mécanique traditionnel. Cette plus grande élasticité permet d’amortir les impacts, mais elle crée également plus de jeu dans les attelages du train.

Lorsqu’un train est en mouvement, les forces qui s’exercent dans le trainNote de bas de page 8 sont réparties dans le train au moyen de ces ensembles de traction. Ces forces sont d’abord appliquées à la mâchoire d’attelage et sont transmises par d’autres composants de l’ensemble de traction, y compris la clavette d’attelage, dans l’appareil de traction, ce qui les amortit. En général, la mâchoire d’attelage est le composant le plus faible de l’ensemble de traction et est conçue pour être le premier composant à céder s’il y a des forces de traction ou de compression excessives. Une mâchoire d’attelage en service est censée supporter jusqu’à 250 kipsNote de bas de page 9 avant de se rompreNote de bas de page 10. La mâchoire d’attelage du bout A du wagon IC 21013 ne s’est pas rompue lors de cet événement.

Figure 4. Schéma de l’ensemble de traction d’un appareil de choc en bout de wagon (Source : BST)
Schéma de l’ensemble de traction d’un appareil de choc en bout de wagon (Source : BST)
  1. Mâchoire
  2. Attelage
  3. Plaque d’usure du berceau d’attelage
  4. Étrier d’attelage
  5. Clavette d’attelage
  6. Pièces de retenue
  7. Appareil de choc en bout de wagon
  8. Longrine centrale

Dans l’ensemble de traction, la plaque d’usure du berceau d’attelage aide à ce que l’attelage reste en place et à la bonne hauteur. Cette plaque d’usure en acier ou en polymère est fixée à l’étrier d’attelage ou au pylône de choc et le bras d’attelage repose dessus. Les mouvements normaux de l’attelage peuvent user la plaque, ce qui a pour effet d’abaisser et d’incliner l’attelage, et d’exercer des pressions supplémentaires sur la clavette d’attelage. Dans l’événement à l’étude, la plaque d’usure du berceau d’attelage du bout A du wagon IC 21013 était en place et ne présentait aucun signe d’usure excessive.

Les clavettes d’attelage des appareils de choc en bout de wagon sont des pièces solides en métal forgé conçues pour retenir l’attelage dans l’étrier d’attelage de l’ensemble de traction. Elles restent généralement en service pendant de nombreuses années et ne sont remplacées que lorsqu’elles sont usées au-delà des limites fixées (voir la section 1.10) ou lorsqu’elles présentent un défaut critique.

1.7 Effet de la longueur et du poids du train sur les forces exercées dans le train

L’exploitation des trains a changé au cours des 25 dernières années. Les locomotives plus récentes ont une capacité de freinage dynamique et des systèmes de gestion de l’énergie améliorés. Ces locomotives, lorsqu’elles sont réparties au milieu ou à la fin des trains, ainsi que l’amélioration des méthodes de formation et de conduite des trains, ont facilité l’exploitation de trains plus longs et plus lourds. Avant le milieu des années 1990, un train de marchandises mixtes en voie principale mesurait environ 5000 pieds et pesait de 6000 à 7000 tonnes courtes, en moyenne. Dans l’environnement d’exploitation actuel, les trains à chargement mixte du CN mesurent 8900 pieds en moyenne, mais souvent plus de 12 000 pieds, et peuvent peser jusqu’à 18 000 tonnes courtes. Les trains longs et lourds peuvent générer d’importantes forces de compression et de traction en raison du jeu des attelages. Les wagons munis d’appareils de choc en bout de wagon contribuent aux forces qui s’exercent dans le train en raison de la plus grande amplitude de mouvement de leurs composants. Le CN fait appel à des méthodes de formation des trains et à des locomotives en traction répartie munies de technologies plus récentes pour atténuer les forces qui s’exercent dans les trains.

1.8 Simulation de la conduite du train

Le BST a demandé à ce qu’une simulation de la conduite du train à l’étude soit effectuée afin de déterminer s’il y a eu des problèmes de conduite ou de formation du train, ou des forces excessives exercées dans le train avant le déraillement.

Aucun problème relatif à la conduite du train n’a été découvert au moyen de la simulation.

Des efforts de traction d’environ 85 kips ont été observés à l’emplacement du wagon IC 21013 au moment de la séparation du train. Cette force est bien en deçà des limites attendues des paramètres d’exploitation des trains et d’utilisation des composants de l’ensemble de traction.

1.9 Examen en laboratoire

1.9.1 Examen des fragments récupérés de la clavette d’attelage rompue du bout A

Le laboratoire du BST a examiné les fragments de la clavette d’attelage rompue du bout A qui a été récupérée du wagon IC 21013. Étant donné la petite taille des fragments, l’examen a porté sur le plus gros fragment, qui a été retrouvé logé dans l’étrier d’attelage.

La clavette d’attelage rompue a été initialement conçue vers 2006 et fabriquée environ 4 ans avant l’événement. Un examen métallurgique du fragment a déterminé que sa microstructure et sa composition chimique répondaient aux spécifications des matériaux indiquées dans les dessins techniques du fabricantNote de bas de page 11. Il n’y avait aucun signe d’anomalie métallurgique.

Le fragment examiné présentait une déformation plastique importante. En raison de la petite taille du fragment et de l’étendue des dommages subis, le mode de défaillance de la clavette d’attelage n’a pas pu être déterminé.

1.9.2 Examen des autres clavettes d’attelage

Un examen visuel de la clavette d’attelage du bout B du wagon IC 21013 a permis de relever des fissures et des signes de déformation plastique. Pour mieux comprendre le mécanisme de défaillance, le BST a recueilli 9 autres clavettes d’attelage fissurées, dont le type et la date de conception étaient comparables à ceux de la clavette à l’étude, qui avaient été déclarées défectueuses par le CN dans le cadre d’un programme d’inspection préventive. La clavette d’attelage du bout B et ces 9 autres clavettes d’attelage ont été examinées, soumises à des tests de dureté et inspectées visuellement.

Les tests de dureté utilisant la méthode Brinell ont confirmé que la dureté du matériau des 10 clavettes d’attelage était conforme aux exigencesNote de bas de page 12.

Les 10 clavettes d’attelage ont été mesurées et se sont avérées conformes aux spécifications du dessin. Lors d’une inspection visuelle, il a été constaté que les 10 clavettes avaient au moins une fissure située à l’un des rayons intérieurs (figure 5). Huit clavettes d’attelage présentaient des fissures aux deux rayons intérieurs. Dans tous les cas, les fissures traversaient l’épaisseur de la clavette d’attelage et provenaient des rayons intérieurs des clavettes (figure 6).

Figure 5. Photo de l’une des clavettes d’attelage examinées démontrant l’emplacement des fissures aux rayons intérieurs (Source : BST)
Photo de l’une des clavettes d’attelage examinées démontrant l’emplacement des fissures aux rayons intérieurs (Source : BST)
Figure 6. Photo d’une fissure au rayon intérieur (Source : TSB)
Photo d’une fissure au rayon intérieur (Source : TSB)

L’examen en laboratoire a permis de déterminer que les fissures provenant de l’un ou des deux rayons étaient causées par la fatigue. Compte tenu de l’angle prononcé des rayons intérieurs, il y aurait une pression résiduelle plus élevée dans ces zones. De plus, toutes les clavettes d’attelage examinées présentaient une importante déformation plastique.

Afin d’examiner les fissures plus en détail, 3 des clavettes d’attelage ont été sectionnées et ouvertes près de l’extrémité de la fissure. Les tests métallurgiques de ces clavettes d’attelage ont indiqué que la microstructure correspondait à la composition du matériau spécifiée sur le dessin technique pertinent. D’après la fractographie réalisée sur ces 3 mêmes clavettes d’attelage, il y avait des ondulations de fatigue sur les surfaces de rupture, ce qui concorde avec la propagation de fissures de fatigue.

1.10 Exigences relatives à l’inspection en service des clavettes d’attelage

Il n’y a pas d’intervalle prescrit pour l’inspection des clavettes d’attelage installées sur les wagons munis d’appareils de choc en bout de wagon. Compte tenu du fait que ces appareils de choc comprennent des pièces de fixation pour qu’ils restent en place, les clavettes d’attelage ne sont pas facilement accessibles à des fins d’inspection sur le terrain. Par conséquent, elles ne sont inspectées que lorsque des travaux sont effectués sur l’ensemble de traction.

Les appareils de choc en bout de wagon sont utilisés dans le secteur ferroviaire depuis les années 1950 et sont en service un peu partout depuis les années 1990. En janvier 2020, l’Association of American Railroads (AAR) a modifié la règle 59, Cushioned Underframe Devices(châssis à appareil de choc), du Field Manual of the AAR Interchange Rules. La tolérance en matière d’usure des clavettes d’attelage est passée de 5/16 à ¼ de pouce. En outre, cette modification exigeait que les clavettes d’attelage fissurées relevées à tout moment soient remplacées.

1.11 Rapports de laboratoire du BST

Le BST a produit le rapport de laboratoire suivant dans le cadre de la présente enquête :

2.0 Analyse

Ni les gestes posés par l’équipe du train ni l’état de la voie n’ont contribué à l’événement. L’analyse portera sur l’analyse métallurgique de la clavette d’attelage rompue et les forces exercées dans le train.

2.1 Événement

En roulant vers l’est dans la subdivision de Pelletier, le train M30631-25 de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le CN) a déraillé. Des marques récentes de l’impact sur l’attelage qui était tombé de l’extrémité avant (bout A) du wagon IC 21013 indiquent que le wagon qui occupait la 40e position du train, CN 405766, a heurté l’attelage, ce qui a entraîné le déraillement. Les freins d’urgence ont été serrés lorsque le boyau de frein entre le 39e et le 40e wagon s’est détaché pendant le déraillement.

Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

Le train a déraillé lorsque le wagon CN 405766 a heurté un attelage qui était tombé de l’extrémité avant du wagon précédent, IC 21013. L’attelage est tombé après que la clavette qui le retenait en place s’est rompue en service.

Les composants de l’ensemble de traction du bout A du wagon IC 21013, y compris la plaque d’usure du berceau d’attelage, ne présentaient aucun signe d’usure excessive ni de dommages majeurs, ce qui indique qu’elles n’ont probablement pas contribué à la défaillance de la clavette d’attelage.

2.2 Examen des composants défectueux

Le mode de défaillance de la clavette d’attelage du bout A du wagon IC 21013 n’a pu être déterminé en raison de la petite taille des fragments et de l’étendue des dommages subis. L’examen en laboratoire de la clavette d’attelage du bout B du wagon IC 21013 et de 9 autres clavettes d’attelage fissurées, dont le type et la date de conception étaient comparables à ceux de la clavette à l’étude, et ayant été déclarées défectueuses par le CN, a permis de déterminer que les fissures identifiées aux rayons intérieurs de toutes les clavettes d’attelage étaient attribuables à la fatigue. De plus, après le déraillement, les inspections par le CN ont permis de déterminer que 408 wagons avaient des clavettes d’attelage défectueuses sur les 604 wagons inspectés.

La déformation plastique observée dans les clavettes d’attelage donne à penser que leur limite d’élasticité n’était pas suffisante pour résister aux contraintes de charge appliquées pendant le service. Le chargement au-delà de la limite de compressionNote de bas de page 13 entraîne des contraintes résiduelles de traction localisées près des rayons lorsque la charge de compression est enlevée. Ces contraintes favorisent la propagation progressive des fissures chaque fois que la clavette d’attelage est soumise à une charge, puis n’y est plus soumise. Étant donné que le matériau était conforme aux spécifications et que la pièce a subi une déformation plastique, il est probable que le matériau ou la géométrie de la pièce présentaient des limites de conception, y compris, un rayon incorrect provoquant l’augmentation de la tension localisée.

Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

La clavette d’attelage rompue présentait des fissures de fatigue aux rayons intérieurs, qui sont probablement apparues au cours des 4 années de service avant le déraillement.

Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

Il est probable que la conception de la clavette d’attelage spécifique utilisée dans l’appareil de choc en bout du wagon dans l’événement à l’étude, y compris les spécifications concernant le matériau, la géométrie et/ou les dimensions, a conduit à l’apparition et à la propagation des fissures de fatigue.

2.3 Clavettes d’attelage en service

Lorsque les wagons sont munis d’appareils de choc en bout de wagon, le mouvement longitudinal supplémentaire que permettent ces appareils augmente le jeu dans les attelages, ce qui contribue à accroître les forces qui s’exercent dans le train. Les mesures d’atténuation comme l’utilisation de locomotives en traction répartie, le freinage dynamique et les méthodes de formation des trains permettent aux compagnies de chemin de fer de contrôler les forces qui s’exercent dans le train. Toutefois, l’exploitation de trains plus longs et plus lourds sans mesures d’atténuation adéquates peut augmenter les forces qui s’exercent dans le train et, par conséquent, le risque de défaillance des composants.

La clavette d’attelage constitue un composant essentiel, car elle maintient l’attelage en place. La défaillance d’une clavette en service peut entraîner un déraillement, comme l’a montré l’événement à l’étude. En général, les défaillances d’une clavette d’attelage en service sont peu probables pendant l’exploitation normale des trains, car la mâchoire d’attelage est conçue pour être le premier composant à céder s’il y a des forces de traction ou de compression excessives. Une clavette dont l’intégrité structurale est compromise peut rompre en service si elle est soumise à des forces qui s’exercent dans le train.

Les clavettes d’attelage devraient répondre aux exigences de leur environnement d’exploitation. Afin de s’assurer que les clavettes d’attelage restent en état de fonctionnement, il pourrait être nécessaire d’évaluer périodiquement leur aptitude au service. En janvier 2020, l’Association of American Railroads (AAR) a modifié la tolérance en matière d’usure des clavettes d’attelage, qui est passée de 5/16 à ¼ de pouce et a précisé que les clavettes d’attelage fissurées relevées à tout moment devaient être remplacées. Il n’y a pas d’intervalle prescrit pour l’inspection des clavettes d’attelage.

Fait établi quant aux risques

Si la conception des composants critiques, comme les clavettes d’attelage, n’est pas réévaluée en fonction des conditions d’exploitation ferroviaire changeantes, et si leur fréquence d’inspection n’est pas ajustée en conséquence, ces composants pourraient rompre en service, ce qui augmente le risque de déraillement.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.

  1. Le train a déraillé lorsque le wagon CN 405766 a heurté un attelage qui était tombé de l’extrémité avant du wagon précédent, IC 21013. L’attelage est tombé après que la clavette qui le retenait en place s’est rompue en service.
  2. La clavette d’attelage rompue présentait des fissures de fatigue aux rayons intérieurs, qui sont probablement apparues au cours des 4 années de service avant le déraillement.
  3. Il est probable que la conception de la clavette d’attelage spécifique utilisée dans l’appareil de choc en bout de wagon dans l’événement à l’étude, y compris les spécifications concernant le matériau, la géométrie et/ou les dimensions, a conduit à l’apparition et à la propagation des fissures de fatigue.

3.2 Faits établis quant aux risques

Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements. 

  1. Si la conception des composants critiques, comme les clavettes d’attelage, n’est pas réévaluée en fonction des conditions d’exploitation ferroviaire changeantes, et si leur fréquence d’inspection n’est pas ajustée en conséquence, ces composants pourraient rompre en service, ce qui augmente le risque de déraillement.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures de sécurité prises

4.1.1 Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

Après l’événement, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le CN) a entrepris un programme proactif d’inspection des clavettes d’attelage pour les wagons ayant le même fabricant, le même modèle d’appareil de traction et la même période de fabrication que le wagon dans l’événement à l’étude. Parmi les 604 wagons inspectés, 408 avaient une clavette d’attelage défectueuse.

4.1.2 Fabricant des composants

Le fabricant des composants a modifié la géométrie de la clavette d’attelage en augmentant le rayon dans la zone où la fissuration s’était produite afin de réduire les contraintes et d’améliorer la performance. Les nouvelles clavettes font actuellement l’objet d’essais de service.

Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .