Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A23W0040

Collision avec le relief
Gouvernement du Canada, Gendarmerie royale du Canada
Pilatus Aircraft Ltd. PC-12/47E, C-GMPX
Aéroport international Erik Nielsen de Whitehorse (Yukon)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu. Les pronoms et les titres de poste masculins peuvent être utilisés pour désigner tous les genres afin de respecter la Loi sur le Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports (L.C. 1989, ch. 3).

Table des matières

    Résumé

    À 11 h 34, heure normale des Rocheuses, le 17 avril 2023, l’aéronef Pilatus Aircraft Ltd. PC-12/47E (immatriculation C-GMPX, numéro de série 1017) exploité par le gouvernement du Canada, Gendarmerie royale du Canada, a quitté l’aéroport international de Whitehorse/Erik Nielsen (CYXY) (Yukon) pour un vol selon les règles de vol aux instruments à destination de l’aéroport de Yellowknife (CYZF) (Territoires du Nord-Ouest). Le pilote était le seul occupant de l’aéronef. Peu après que l’aéronef a décollé de la piste 32L, son avertisseur de décrochage s’est activé, déclenchant un avertissement sonore « STALL » et l’activation du vibreur de manche. Le pilote a informé le contrôleur tour de son intention de revenir pour atterrir. À 11 h 38, alors que le pilote manœuvrait visuellement pour atterrir sur la piste 32L, l’aéronef est entré en collision avec le relief à environ 520 pieds à l’ouest-sud-ouest du centre du seuil décalé, dans une assiette inclinée à droite. L’aéronef a ensuite heurté un tas de résidus de fraisage avec son aile gauche, a basculé sur son côté gauche et a glissé sur environ 130 pieds avant de s’immobiliser sur une route de service de l’aéroport. Grièvement blessé, le pilote est sorti de l’aéronef par l’issue de secours avec l’aide du personnel de sauvetage et lutte contre les incendies d’aéronefs, qui est arrivé dans les minutes qui ont suivi l’accident. Un signal de radiobalise de repérage d’urgence a été reçu par le système de recherche et de sauvetage par satellite. L’aéronef a été détruit; aucun incendie ne s’est déclaré après l’impact.

    1.0 Renseignements de base

    1.1 Déroulement du vol

    À 8 h 15Les heures sont exprimées en heure avancée des Rocheuses (temps universel coordonné moins 7 heures). le 17 avril 2023, l’aéronef Pilatus Aircraft Ltd. (Pilatus) PC-12/47E exploité par le gouvernement du Canada, Gendarmerie royale du Canada (GRC), Sous-direction du service de l’air, a quitté l’aéroport de Yellowknife (CYZF) (Territoires du Nord-Ouest) pour un vol selon les règles de vol aux instruments (IFR) à destination de l’aéroport international de Whitehorse/Erik Nielsen (CYXY) (Yukon).

    Le pilote et 3 membres de la GRC, qui étaient transportés vers CYXY, se trouvaient à bord de l’aéronefDans le présent rapport, le masculin est utilisé comme genre neutre, sans aucune discrimination.. Le vol s’est déroulé sans incident et l’aéronef à l’étude s’est posé à CYXY à 10 h 44. À ce moment-là, la température à CYXY était tout juste sous le point de congélation, les vents soufflaient du nord légèrement (5 nœuds), la visibilité verticale était de 1600 pieds au-dessus du sol (AGL) et la visibilité horizontale était de 2 milles terrestres (SM) dans de la neige légère.

    Le pilote a stationné l’aéronef au hangar de la GRC, et les passagers ont débarqué. Peu après le stationnement de l’aéronef, le véhicule avitailleur a commencé à embarquer le carburant demandé (160 L par côté). Pendant l’avitaillement, le pilote, aidé du pilote de la base CYXY de la GRC, a balayé les ailes de l’aéronef pour les déneiger.

    Une fois l’avitaillement terminé, le pilote a démarré l’aéronef et s’est préparé pour le vol IFR de retour vers CYZF pour lequel il allait être seul à bord. Le pilote a reçu le service automatique d’information de région terminale (ATIS), qui signalait une température de −1 °C, un point de rosée de −2 °C, des vents du nord-ouest à 4 nœuds, une visibilité verticale de 1100 pieds AGL et une visibilité horizontale de 1 ½ SM.

    À 11 h 34, l’aéronef a été autorisé à décoller de la piste 32L et a entamé sa course au décollage droit devant le seuil décaléUn seuil décalé est un « [s]euil qui n’est pas situé à l’extrémité de la piste. » (Source : Organisation de l’aviation civile internationale, Annexe 14 à la Convention relative à l’aviation civile internationale, Aérodromes, Volume I—Conception et exploitation technique des aérodromes, neuvième édition (juillet 2022), section 1.1 : Définitions, p. 1-11.) Bien que la zone du seuil décalé (la partie de la piste située derrière le seuil décalé) ne puisse pas être utilisée pour les atterrissages, cette zone peut toujours être utilisée pour les décollages ou le roulage dans les deux sens, ou encore pour les atterrissages dans la direction opposée., qui était adjacent à l’intersection de la voie de circulation Echo et de la piste 32L.

    L’aéronef a pris les airs à un point de la piste situé à environ 3400 pieds du seuil décalé. Peu après le décollage, l’avertissement sonore continu « STALL », ainsi que le vibreur de manche (communément appelé le vibreur), se sont activés. À ce moment-là, il restait environ 4700 pieds de piste. Craignant que le pousseur du manche de l’aéronef (communément appelé le pousseur) ne s’enclenche alors que l’appareil se trouvait à une très faible hauteur au-dessus du sol, le pilote a appuyé sur le commutateur PUSHER INTR (pusher interrupt [interruption du pousseur]) et l’a maintenu enfoncé durant le reste du vol à l’étudeIl est question du commutateur PUSHER INTR à la section 1.6.3.1 Généralités.. Alors qu’il restait environ 3775 pieds de piste, le pilote a réduit brièvement la puissance au ralenti de vol et a envisagé d’interrompre le décollage et d’atterrir droit devant.

    À ce moment-là, la vitesse calibrée en nœuds (KCAS) de l’aéronef était de 120 nœuds et son altitude, de 40 pieds AGL. Environ 2 secondes après la réduction de puissance, le pilote a remis les gaz et a poursuivi le décollage, après avoir estimé que la piste restante était insuffisante pour atterrir droit devant. Le pilote a alors rentré les voletsLe bord de fuite de chaque aile est doté d’un volet d’une seule pièce de type Fowler qui est actionné électriquement. Les volets peuvent être réglés à 1 des 4 positions préréglées : 0°, 15°, 30° ou 40°. Au décollage, les volets étaient réglés à 15°, comme il est indiqué dans le manuel d’utilisation du pilote (POH) du Pilatus PC-12/47E.(Source : Pilatus Aircraft Ltd., no de rapport 02277, Pilot’s Operating Handbook and EASA Approved Airplane Flight Manual, révision 23 [14 octobre 2022], section 4.8.1 : Before Departure, p. 4-17.) et le train d’atterrissage.

    Le pilote savait que l’avertissement sonore de décrochage pouvait être mis en sourdine en tirant sur certains disjoncteurs, mais il ne savait pas sur quels disjoncteurs tirer. Le pilote a donc préféré se concentrer sur le pilotage et ignorer l’avertissement sonore de décrochage plutôt que de tenter de localiser les disjoncteurs à actionner pour le désactiver. L’avertissement sonore de décrochage et le vibreur ont persisté pendant le reste du vol.

    Le pilote, qui avait choisi de rester sous les nuages, a alors tenté de communiquer au contrôle de la circulation aérienne (ATC) son intention de revenir immédiatement à la piste; toutefois, en raison de l’encombrement de la fréquence radio, la transmission n’a pas été reçue.

    Le pilote a entamé un virage à gauche de 180° pour revenir à la piste 14R et y atterrir. Le pilote a ensuite communiqué son intention d’atterrir à l’ATC, sans préciser sur quelle piste. Le contrôleur tour, qui ne pouvait pas voir l’aéronef en raison de la faible visibilité à ce moment-là, a autorisé le pilote à effectuer une approche vent arrière droit sur la piste 32L.

    À ce moment-là, le pilote s’est rappelé que la direction du circuit à vue publié était un circuit à droite pour la piste 32; cependant, puisque l’aéronef s’était déjà engagé dans le virage à gauche, le pilote a choisi de poursuivre le virage. Le pilote, dont l’attention était concentrée sur le demi-tour vers la piste 14R, n’a pas répondu à la dernière communication du contrôleur tour.

    Alors qu’il tentait d’aligner l’aéronef sur la piste 14R, celui-ci est passé à peu près à mi-chemin entre la piste et la tour de contrôle, à une hauteur d’environ 450 pieds AGL (figure 1).

    Environ 4000 pieds après le seuil de la piste 14R, l’aéronef s’est aligné au-dessus de la piste, à une hauteur d’environ 350 pieds AGL. À ce moment-là, le pilote a déterminé que l’aéronef était trop haut pour atterrir de façon sécuritaire dans cette direction. En même temps, le pilote était de plus en plus préoccupé par l’avertissement sonore de décrochage qui retentissait continuellement, et il a commencé à croire qu’il y avait peut-être un problème grave avec l’aéronef.

    Figure 1. Carte montrant la trajectoire de vol de l’aéronef à l’étude, avec un gros plan du lieu de l’impact et l’emplacement final du fuselage principal en médaillon (Source de l’image principale et de l’image en médaillon : Google Earth, avec annotations du BST)
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    Figure 1. Carte montrant la trajectoire de vol de l’aéronef à l’étude, avec un gros plan du lieu de l’impact et l’emplacement final du fuselage principal en médaillon (Source de l’image principale et de l’image en médaillon : Google Earth, avec annotations du BST)

    Après une brève période où il a survolé directement la piste, le pilote a modifié sa trajectoire d’environ 20° vers la droite en prévision d’un virage à gauche de 180° pour l’approche finale vers la piste 32L. Pendant que l’aéronef franchissait par le travers, à 1300 pieds à l’ouest, le seuil décalé de la piste 32L , le pilote a sorti le train d’atterrissage. Deux secondes plus tard, tandis que l’aéronef se trouvait à 170 pieds AGL et que le couple moteur était de 0,9 lb/po2, l’alarme de proximité du sol « Pull up » s’est activée. Le couple moteur a alors augmenté, et l’aéronef a brièvement été mis en palier.

    Pendant ce temps, l’aéronef a atteint sa vitesse la plus basse, soit environ 93 KCAS, alors qu’il se trouvait à une hauteur d’environ 200 pieds AGL. Le pilote a alors entamé un virage à gauche, avec des angles d’inclinaison allant de 5° à 20°, afin de positionner l’aéronef pour l’approche finale vers la piste 32L. Pendant le virage et sur un cap vers l’est, l’aéronef a traversé le prolongement de l’axe longitudinal de la piste 32L, à environ 0,4 mille marin (NM) du seuil de piste.

    Après avoir franchi le prolongement de l’axe longitudinal, le pilote a augmenté l’angle d’inclinaison du virage à gauche pour tenter de ramener l’aéronef vers le prolongement de l’axe et d’intercepter l’approche finale vers la piste 32L.

    L’aéronef, maintenant piloté à vue et suivant un cap vers l’ouest, a traversé la piste 32L à un angle d’environ 75°, à quelque 600 pieds au-delà du seuil et 800 pieds avant le seuil décalé. Comme l’aéronef franchissait l’axe longitudinal, sa hauteur était d’environ 100 pieds AGL et sa vitesse anémométrique, de 96 KCAS. L’aéronef a ensuite entamé un virage en descente à droite, les angles d’inclinaison atteignant des valeurs supérieures à 45°.

    À 11 h 38 min 16 s, l’aile droite de l’aéronef a heurté le sol à environ 520 pieds à l’ouest-sud-ouest du milieu du seuil décalé de la piste 32L. Quelques instants plus tard, l’aile gauche a percuté un tas de résidus de fraisage gelésLes résidus de fraisage, aussi appelés agrégats, sont des morceaux de pierre ou de béton recyclés et concassés qui peuvent être transformés et utilisés dans de nouveaux projets de construction. Dans l’événement à l’étude, le tas était constitué de résidus de fraisage d’asphalte., ce qui a provoqué la séparation de l’aile gauche de l’aéronef. L’aéronef a roulé sur son côté gauche et a glissé sur environ 130 pieds avant de s’immobiliser sur une route de service de l’aéroport, à environ 210 pieds au nord du point de contact initial et 480 pieds à l’ouest du milieu du seuil décalé.

    Le pilote de l’aéronef à l’étude a été grièvement blessé, mais a été en mesure de sortir de l’aéronef par l’issue de secours sur l’aileL’issue de secours sur l’aile [traduction] « est située sur l’aile droite et mesure 2 pieds 2 pouces (0,68 m) de haut sur 1 pied 6 pouces (0,49 m) de large. Cette issue comporte une fenêtre et peut être rapidement ouverte de l'intérieur ou de l'extérieur en cas de besoin ». (Source : Pilatus Aircraft Ltd., no de rapport 02277, Pilot’s Operating Handbook and EASA Approved Airplane Flight Manual, révision 23 [14 octobre 2022], section 7-8 : Doors, Windows, and Exits, p. 7-8-2.) avec l’aide du personnel de sauvetage et lutte contre les incendies d’aéronefs, qui était arrivé sur les lieux quelques minutes après l’accident.

    1.2 Personnes blessées

    Le pilote portait la ceinture de sécurité à 4 points installée, qui consistait en une ceinture sous-abdominale et une ceinture-baudrier, mais il a été blessé à la tête lors de la séquence d’impact. Le pilote a été hospitalisé pour que l’on puisse évaluer ses blessures, puis a reçu son congé de l’hôpital le lendemain.

    Tableau 1. Personnes blessées

    Gravité des blessures

    Membres d’équipage

    Passagers

    Personnes ne se trouvant pas à bord de l’aéronef

    Total selon la gravité des blessures

    Mortelles

    0

    0

    Graves

    1

    1

    Légères

    0

    0

    Total des personnes blessées

    1

    1

    1.3 Dommages à l’aéronef

    L’aéronef a été détruit par l’impact avec le relief, le contact ultérieur avec un tas de résidus de fraisage et le basculement.

    1.4 Autres dommages

    L’accident est survenu à l’ouest de la piste 32L, loin de toute zone bâtie.

    L’écrasement a provoqué un déversement incontrôlé d’environ 1000 L de carburant. Les efforts de nettoyage ont été coordonnés par le ministère de la Voirie et des Travaux publics du gouvernement du Yukon, Direction du transport aérien.

    1.5 Renseignements sur le personnel

    Tableau 2. Renseignements sur le personnel

    Licence de pilote

    Licence de pilote de ligne

    Date d’expiration du certificat médical

    1er juin 2023

    Heures totales de vol

    8700

    Heures de vol sur type

    3000

    Heures de vol au cours des 24 heures précédant l’événement

    2,6

    Heures de vol au cours des 7 jours précédant l’événement

    10,1

    Heures de vol au cours des 30 jours précédant l’événement

    18,7

    Heures de vol au cours des 90 jours précédant l’événement

    72,9

    Heures de vol sur type au cours des 90 jours précédant l‘événement

    72,9

    Heures de service avant l’événement

    4,5

    Heures hors service avant la période de travail

    48

    Le pilote de l’aéronef à l’étude détenait une licence canadienne de pilote de ligne – avion avec annotation pour aéronef terrestre monomoteur ou multimoteur ainsi qu’une qualification de vol aux instruments du groupe 1. Le pilote était également titulaire d’un certificat médical de catégorie 1 qui était valide jusqu’au 1er juin 2023.

    Le pilote s’est joint à la GRC en novembre 2015 en tant que gestionnaire de la base et pilote de Pilatus PC-12 à la base CYZF de la GRC. Le pilote avait suivi pour la dernière fois une formation périodique annuelle, composée d’une formation au sol, d’un entraînement sur simulateur et d’une vérification de compétence pilote, en mars 2023.

    Le pilote de l’aéronef à l’étude avait volé jusqu’à CYXY 9 fois depuis qu’il s’était joint à la GRC. Les 9 vols avaient été effectués en IFR et consistaient en des arrivées et des départs aux instruments. Le pilote de l’aéronef à l’étude n’avait jamais volé selon les règles de vol à vue (VFR) à CYXY.

    Selon l’examen des horaires de travail et de repos du pilote, rien n’indique que la fatigue a nui à la performance du pilote.

    1.6 Renseignements sur l’aéronef

    1.6.1 Généralités

    Le Pilatus PC-12/47E est un aéronef monomoteur turbopropulseur pressurisé qui possède une aile basse, un empennage en TLe stabilisateur horizontal est monté au sommet du stabilisateur vertical. Cette conception est communément appelée « empennage en T ». et un train d’atterrissage escamotable. L’aéronef à l’étude a été fabriqué en 2008 et a été acquis par la GRC cette année-là. Au moment de l’accident, l’aéronef était configuré avec 4 sièges passagers dans la cabine.

    Tableau 3. Renseignements sur l’aéronef

    Constructeur

    Pilatus Aircraft Ltd.

    Type, modèle et immatriculation

    PC-12/47E, C-GMPX

    Année de construction

    2008

    Numéro de série

    1017

    Date d’émission du certificat de navigabilité / permis de vol

    11 décembre 2008

    Total d’heures de vol cellule

    11 908,3 heures

    Type de moteur (nombre)

    Pratt & Whitney Canada PT6A-67P (1)

    Type d’hélice (nombre)

    Hartzell HC-E4A-3D (1)

    Masse maximale autorisée au décollage

    10 450 lb (4740 kg)

    Type(s) de carburant recommandé(s)

    Jet A, Jet A1, Jet B, JP-4

    Type de carburant utilisé

    Jet A

    Aucune anomalie non corrigée n’était consignée au moment de l’événement à l’étude, et la masse et le centre de gravité de l’aéronef se trouvaient dans les limites prescrites.

    1.6.2 Avionique

    L’aéronef était muni d’un système d’avionique intégré Honeywell Primus Apex, qui est un système de poste de pilotage à écrans électroniquesUn poste de pilotage à écrans électroniques est doté de panneaux d’affichage électroniques plutôt que d’indicateurs mécaniques. intégré. Le système se compose de 2 écrans principaux de vol (PFD) et de 2 écrans multifonctions. Les PFD comprennent le système de vision synthétique SmartView, qui offre des affichages avancés tels que le relief en 3 dimensions, le guidage en approche, une alarme de proximité du sol et des indicateurs de piste visuels. Les écrans multifonctions offrent la planification graphique du vol avec navigation interactive, des cartes numériques, le réglage radio et des affichages synoptiques de l’aéronef (c.-à-d. des diagrammes de systèmes actifs).

    Le système de gestion des vols prend en charge les approches de précision et de non-précision, le système de renforcement à couverture étendue (WAAS)Le système de renforcement à couverture étendue (WAAS) est une aide à la navigation aérienne mise au point par la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis pour améliorer le GPS (système de positionnement mondial). et une gamme complète d’approches de navigation de surface (RNAV).

    1.6.3 Système d’avertisseur de décrochage et de pousseur de manche

    1.6.3.1 Généralités

    Le Pilatus PC-12/47E est muni d’un système d’avertissement de décrochage (avertisseur sonore et vibreur) et d’un pousseur de manche. Cette conception a été mise en œuvre parce que le PC-12 ne pouvait pas, à l’origine, satisfaire à toutes les exigences en matière de certification de décrochage énoncées dans la partie 23 du Federal Aviation Regulations (FAR) des États-Unis.

    En particulier, lors d’un décrochage avec moteur, l’aéronef ne présentait pas d’avertissement de décrochage, ne piquait pas et présentait un enfoncement de l’aile supérieur à 15°. Par conséquent, l’avertisseur de décrochage et le pousseur ont été mis en œuvre pour empêcher l’aéronef d’atteindre un décrochage aérodynamiquePilatus Owners and Pilots Association, PC-12 Stall Protection System, à l’adresse https://pilatusowners.org/wp-content/uploads/2014/06/04fall.pdf (dernière consultation le 4 mars 2025).. Le premier avertit les pilotes de l’imminence d’un décrochage afin qu’ils puissent corriger un angle d’attaque élevé, et le second intervient pour que les pilotes puissent empêcher un décrochage en poussant le système de gouverne de profondeur vers l’avant, réduisant ainsi l’angle d’attaque.

    Le manuel d’utilisation du pilote (POH) du PC-12/47E décrit ainsi l’avertisseur de décrochage et le pousseur [traduction] :

    L’avion est muni d’un système de vibreur et de pousseur de manche pour améliorer le comportement de l’aéronef dans le régime de vol à basse vitesse en empêchant l’avion d’entrer par inadvertance en état de décrochage. Le système de vibreur et de pousseur de manche contient deux capteurs d’angle d’attaqueLe POH de Pilatus emploie les termes « sensor » [capteur] et « transmitter » [transmetteur] pour désigner le système de détection d’angle d’attaque dans son ensemble, et non pas seulement la girouette ou le résolveur. Dans le présent rapport, l’expression « transmetteur d’angle d’attaque » est employée., deux calculateurs, un vibreur de manche unique et un pousseur de manche unique. Les deux calculateurs sont reliés de façon à ce que chacun d’eux puisse, indépendamment, fournir un avertissement de décrochage (vibreur de manche et avertissement de décrochage [avertissement sonore continu « STALL » diffusé sur le système d’intercommunication et avertissement visuel « STALL » sur le PFD]), mais les deux calculateurs sont nécessaires pour actionner le pousseur de manche.

    […]

    Le pousseur de manche, le vibreur, les avertissements visuels et sonores de décrochage du système d’alerte de vol (FAS)[Le système d’alerte de vol (FAS) envoie des messages [traduction] « …sur le PFD du pilote pour l’avertir d’une condition qui nécessite une action immédiate de sa part. Les messages du FAS sont directement liés à l’utilisation de l’aéronef. Tous les messages du FAS sont accompagnés d’un message vocal; ils ne peuvent être supprimés que par la correction de la condition de l’aéronef ». (Source: Pilatus Aircraft Ltd., no de rapport 02277, Pilot’s Operating Handbook and EASA Approved Airplane Flight Manual, révision 23 [14 octobre 2022], section 3.1.2 : Flight Alerting System, p. 3-2.)] sont désactivés au sol […] Le pousseur de manche est inhibé durant 5 secondes après le décollage. Le vibreur et l’avertisseur de décrochage sont opérationnels immédiatement après le décollageIbid., section 7-21 : Stall Warning / Stick Pusher System, p. 7-21-1.,Au moment de l’envol, le commutateur de référence air-sol détecte que l’aéronef est en vol..

    Les calculateurs du pousseur de manche reçoivent des données d’entrée des girouettes d’angle d’attaque, du couple moteur, de la position des volets, des réglages du système de protection contre le givre et de la fonction d’auto-essai. À partir de ces données, les calculateurs du pousseur de manche calculent un angle d’attaque défini pour l’activation de l’avertisseur de décrochage (vibreur et avertissements sonores et visuels) et pour l’activation et la désactivation du pousseur. Les renseignements fournis par les calculateurs sont envoyés à l’unité avionique modulaire et servent à afficher l’avertissement de basse vitesse à côté du ruban de vitesse anémométrique.

    L’activation du vibreur désactive le pilote automatique, si ce dernier est activé, afin de donner plein contrôle au système de pousseur; cependant, l’activation du vibreur ne change pas la façon dont l’aéronef réagit aux manipulations des commandes de vol. Par conséquent, l’aéronef peut toujours être piloté, sans trop de difficulté, lorsque le vibreur est activé.

    Chaque poignée extérieure de volant est équipée d’un commutateur PUSHER INTR (figure 2) qui, tant qu’il demeure enfoncé, permet au pilote de désactiver rapidement le pousseur et de déplacer librement les gouvernes de profondeur à partir du poste de pilotage à l’aide du manche.

    Le fait d’appuyer sur le commutateur PUSHER INTR n’éteint pas les autres fonctions de l’avertisseur de décrochage. Par conséquent, si 1 des transmetteurs d’angle d’attaque détecte un décrochage, l’avertissement sonore de décrochage et le vibreur s’activent, que le commutateur PUSHER INTR soit enfoncé ou non. 

    Figure 2. Volant de gauche du poste de pilotage, avec un gros plan en médaillon montrant le commutateur PUSHER INTR (Source : Pilatus Aircraft Ltd., no de rapport 02277, Pilot’s Operating Handbook and EASA Approved Airplane Flight Manual, révision 23 [14 octobre 2022], section 7-21 : Stall Warning / Stick Pusher System, Figure 7-21-1 : Stall Warning/Stick Pusher System [feuille 3 de 3], p. 7-21-7, avec annotations du BST)
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    Le système de pousseur doit être testé avant chaque décollagePilatus Aircraft Ltd., no de rapport 02277, Pilot’s Operating Handbook and EASA Approved Airplane Flight Manual, révision 23 (14 octobre 2022), section 7-21 : Stall Warning / Stick Pusher System, p. 7-21-2. à l’aide de la fonction d’auto-essai du système. Pour ce faire, il faut appuyer sur le bouton-poussoir STICK PUSHER, lequel est situé dans la section SYSTEM TEST du tableau plafond, et le maintenir enfoncé. Le système effectue un auto-essai qui teste le calculateur du pousseur de manche; il vérifie également le fonctionnement de la servocommande du pousseur, la fonction d’interruption, le vibreur et les alertes du système. L’auto-essai ne vérifie pas la validité des données d’entrée provenant des transmetteurs d’angle d’attaque.

    1.6.3.2 Fonctionnement du système de détection d’angle d’attaque

    Le système de détection d’angle d’attaque utilise des girouettes mobiles chauffées électriquement sur des sondes, situées sur chaque aile, qui s’étendent vers l’avant à partir du bord d’attaque (figure 3). Selon le POH, pendant l’inspection pré-vol, les pilotes doivent vérifier les deux sondes d’angle d’attaque pour s’assurer [traduction] qu’elles se « déplacent librementIbid., section 4.3 : Preflight Inspection, p. 4-5 et 4-7.. »

    Figure 3. Système de détection d’angle d’attaque, avec un gros plan de la girouette et de la sonde en médaillon (Source : Pilatus Aircraft Ltd., no de document 02300, PC-12/47E Aircraft Maintenance Manual, numéro 01, révision 30, figure 1 : AOA Transmitter – Removal/Installation, p. 5, avec annotations du BST)
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    La girouette d’angle d’attaque se déplace en fonction de l’écoulement relatif de l’air, et son déplacement est transmis au calculateur du pousseur de manche par l’intermédiaire d’une petite courroie en acier inoxydable (d’environ 4 mm de largeur sur 432 mm de longueur et 0,05 mm d’épaisseur) montée sur un jeu de poulies (figure 4). La courroie forme une boucle et s’enroule autour d’une poulie à l’extrémité avant (sonde) du jeu de poulies, où la courroie est fixée au moyen d’une vis. Les 2 extrémités de la courroie s’enroulent autour d’une 2e poulie à l’extrémité arrière (résolveur) du jeu de poulies, se chevauchent et sont également fixées à l’aide d’une vis.

    Dans cette configuration, la courroie présente donc un trou à chacune de ses extrémités (pour la vis qui fixe ces 2 extrémités de la courroie à l’extrémité arrière du jeu de poulies), ainsi qu’un 3e trou à peu près au milieu de sa longueur (où l’autre vis fixe la courroie à l’extrémité avant du jeu). Sur une extrémité de la courroie, le trou est rond, tandis que sur l’autre, il est ovale. Pour faciliter la compréhension, les termes « courroie supérieure » et « courroie inférieure » sont employés pour décrire, respectivement, la partie de la courroie située au-dessus des 2 poulies et la partie de la courroie située en dessous d’elles.

    Figure 4. Schéma de l’ensemble général du système de détection d’angle d’attaque (Source : BST)
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    Les girouettes sont montées sur des roulements de précision qui tournent pour aligner la girouette sur le vent relatif. Cette rotation est transférée de la poulie avant à la poulie arrière, ce qui génère un signal que le calculateur du pousseur de manche interprète comme étant un angle d’attaque. Lorsque l’angle d’attaque augmente, la rotation de la poulie avant applique une force de traction sur la courroie supérieure. Inversement, lorsque l’angle d’attaque est réduit, une charge de traction est transmise à la courroie inférieure. La poulie arrière est équipée d’un ensemble de contrepoids qui contribue à amortir les réactions du système causées par de petites oscillations et perturbations de l’écoulement d’air.

    Si la courroie inférieure devait être sectionnée ou détachée de l’une ou l’autre des poulies, la rotation de la girouette ne serait pas transmise au résolveur et les forces de traction d’alignement sur la courroie seraient perdues. L’angle de rotation libre du contrepoids (sous l’effet des forces gravitationnelles) est supérieur à sa plage d’angles de rotation nominale lorsque la courroie est intacte. Par conséquent, si la courroie inférieure était rompue ou se détachait, quelle que soit l’assiette en vol, les forces gravitationnelles entraîneraient la rotation et la chute du contrepoids au fond du résolveur.

    Cette rotation extrême ferait en sorte que le résolveur générerait un signal d’angle d’attaque en régime de décrochage. La figure 5 illustre ce mouvement. Dans le système de contrôle des défaillances du Pilatus PC-12, il n’y a pas de contrôle de la continuité des courroies, et il n’y a pas non plus d’enregistrement dans les enregistreurs de données ou dans tout autre système de l’aéronef qui indiquerait quel transmetteur d’angle d’attaque pourrait signaler un décrochage aux calculateurs d’angle d’attaque.

    Figure 5. Déplacement typique de la girouette d’angle d’attaque et de la courroie dans l’écoulement relatif de l’air pendant un vol normal et une montée normale, ainsi que pendant une rupture de la courroie (Source : BST)
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    Si l’une des girouettes d’angle d’attaque détecte un angle d’attaque qui, d’après les calculs du calculateur, s’approche d’une condition de décrochage (de 5 à 10 nœuds avant l’activation du pousseur), elle déclenche l’avertissement sonore continu « STALL » de l’aéronef et active le vibreurIbid., section 7-21 : Stall Warning / Stick Pusher System, p. 7-21-3.. Selon Pilatus, le volume de l’avertissement sonore de décrochage est préréglé à ⅓ du volume maximal, et le volume ne peut pas être réglé sur le panneau de sélection-écoute parce que l’avertissement est toujours présent sur 2 sorties non commutées qui vont aux casques d’écoute (il ne se fera pas entendre sur les haut-parleurs)Pilatus Aircraft Ltd., TSB Query Response Document (A23W0040), version 03 (26 février 2024), p. 3 de 15..

    Une indication « STALL » s’affichera également sur les PFD. L’avertissement sonore de décrochage et le vibreur restent actifs jusqu’à ce que le calculateur du pousseur de manche détecte que l’angle d’attaque est passé en dessous de la valeur seuil calculée. Si le second transmetteur d’angle d’attaque détecte également un angle d’attaque excessif, le pousseur s’activera pour [traduction] « provoquer un abaissement contrôlé du nez de l’avion avant l’apparition du décrochage aérodynamique physiquePilatus Aircraft Ltd., courriel de Pilatus Aircraft Ltd. à un enquêteur du BST (19 avril 2023).. »

    Pilatus a indiqué qu’au cours du processus de certification, le mode de défaillance [traduction] « avertissement de décrochage intempestif » a été classifié comme étant « mineur », car il concernait une « indication trompeuse, sans toutefois entraîner de réduction importante de la marge de sécuritéPilatus Aircraft Ltd., TSB Query Response Document (A23W0040), version 03 (26 février 2024), p. 10 de 15.. »

    1.6.3.3 Procédures d’urgence
    1.6.3.3.1 Généralités

    Le POH fournit aux pilotes des lignes directrices à suivre pour composer avec des anomalies qui peuvent survenir; il met en évidence le principe bien établi de la gestion des priorités : piloter, naviguer, communiquer. En cas de situation anormale ou d’indication de défaillance, Pilatus recommande aux pilotes de suivre le processus de travail « PPAA » [traduction] :

    P

    P

    A

     

     

     

    A

     

    Puissance

    Performance

    Analyse

     

     

     

    Action

    Vérifiez le réglage du régime moteur par rapport au régime réel

    Vérifiez la vitesse, la trajectoire de vol et la configuration de l’aéronef

    Analysez la situation dans le laps de temps disponible en utilisant toutes sortes d’autres indications pour vérifier l’indice initial (p. ex. contre-vérification du message du CAS [système d’alerte de l’équipage] avec d’autres paramètres ou indications de système, vérification du tableau des disjoncteurs pour connaître le statut des disjoncteurs liés au CAS)

    Actions immédiates et ultérieures guidées par la discipline aéronautique et suivant les procédures de la liste de vérificationPilatus Aircraft Ltd., no de rapport 02277, Pilot’s Operating Handbook and EASA Approved Airplane Flight Manual, révision 23 (14 octobre 2022), section 3.1 : General, p. 3-1.

    Certaines des procédures en situation d’urgence figurant dans le POH comprennent une liste d’indications visant à aider le pilote à déterminer la situation et la procédure qu’il convient de suivre. Par exemple, la procédure en situation d’urgence « FUEL PUMP FAILURE » [PANNE DE LA POMPE CARBURANT] donne les indications suivantes [traduction] :

    3.16.7  PANNE DE LA POMPE CARBURANT

     Indication :

    • Une ou plusieurs pompes carburant fonctionnent pendant plus de 10 s avec le carburant équilibré et aucun avertissement de basse pression carburant, ou
    • Les deux pompes carburant fonctionnent pendant plus de 10 s avec une différence de 2 segments ou plus entre la pompe de gauche et la pompe de droite et aucun avertissement de basse pression carburant, ou
    • Les pompes carburant ne fonctionnent pas et l’avertissement PUMP est allumé en vert, ou
    • Il y a un avertissement de basse pression carburant et les pompes carburant ne fonctionnent pasIbid., section 3.16.7 : Fuel Pump Failure, p. 3-65..
    1.6.3.3.2 Fonctionnement par inadvertance du pousseur/vibreur

    La section 3.13 du POH contient une procédure en situation d’urgence intitulée « Inadvertent Pusher/Shaker Operation » [Fonctionnement par inadvertance du pousseur/vibreur], qui est également divisée en 2 sections. La 1re est la section 3.13.1 « Pusher » [Pousseur] et la 2e, la section 3.13.2 « Shaker » [Vibreur]. Cette dernière section contient la procédure à suivre en cas de déclenchement par inadvertance du vibreur, qui est la suivante [traduction] :

    Indication :      Fonctionnement intempestif du vibreur.

    1.           AOA [angle d’attaque]

    2.           IAS [vitesse indiquée]

    Si le vibreur continue de fonctionner :

    3.           Disjoncteur STALL WARN 1

                 (Bus essentiel LK3)

    4.           Disjoncteur STALL WARN 2

                  (Bus principal RH3)

    AVERTISSEMENT

    L’AÉRONEF N’EST PAS PROTÉGÉ CONTRE LE DÉCROCHAGEIbid., section 3.13.2 : Shaker, p. 3-42..

     

    Diminuer

    Augmenter

     

    Tirer 

     

    Tirer 

     

     Le disjoncteur STALL WARN 1 est situé sur le tableau disjoncteurs avant gauche, à peu près à côté du siège du pilote de gauche (figures 6 et 7). Le disjoncteur STALL WARN 2 est situé du côté opposé du poste de pilotage, sur le tableau disjoncteurs avant droit, à l’extérieur du siège du pilote de droite (figures 6 et 8). Les disjoncteurs STALL WARN ne sont pas munis d’une bagueLes bagues des disjoncteurs, qui sont souvent de couleurs différentes, facilitent l’identification visuelle des disjoncteurs.. Selon Pilatus, les disjoncteurs sont regroupés en fonction de leur bus électrique associé et, pour veiller à la séparation physique des bus, ils sont placés sur des tableaux disjoncteurs individuelsPilatus Aircraft Ltd., courriel de Pilatus Aircraft Ltd. à un enquêteur du BST (28 mars 2024)..

    Le pilote dans l’événement à l’étude ne savait pas que la liste de vérification relative au fonctionnement par inadvertance du vibreur s’appliquerait à cette situation d’urgence, et il n’y a eu aucune tentative de consulter la section sur les procédures en situation d’urgence dans le manuel de référence rapide.

    Figure 6. Aménagement du poste de pilotage montrant l’emplacement des tableaux disjoncteurs et des disjoncteurs STALL WARN (Source : Pilatus Aircraft Ltd., no de rapport 02277, Pilot’s Operating Handbook and EASA Approved Airplane Flight Manual, révision 23 [14 octobre 2022], section 7-13 : Electrical, p. 7-13-10, avec annotations du BST)
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    Contrairement à la procédure en situation d’urgence relative à la défaillance de la pompe carburant, les 2 procédures en situation d’urgence décrites dans la section 3.13 du POH ne font référence à aucune autre indication, comme un avertissement sonore de décrochage ou une indication visuelle de décrochage sur le PFD. De plus, les procédures ne présentent aucune source possible ou explication de la situation d’urgence.

    1.6.4 Système de surveillance et d’avertissement

    Le PC-12 est équipé d’un système de surveillance et d’avertissement (Monitor Warning System, ou MWS) qui émet des avertissements, des mises en garde et des alertes sonores à l’intention de l’équipage en cas de certaines défaillances, fonctions ou conditionsFlight Safety International, Pilatus PC-12 NG Pilot Training Guide, Pilot Initial, révision 0.2 (avril 2022), p. 5-4.. Certaines situations, comme une condition de décrochage, nécessitent l’intervention immédiate du pilote. C’est pourquoi ces systèmes utilisent des annonces vocales qui ne peuvent être annulées qu’en corrigeant la condition de l’aéronef.

    Lorsque l’aéronef est en vol, il existe une hiérarchie d’avertissements sonores qui établit l’ordre de priorité des avertissements sonores. En général, certaines alertes sonores sont supprimées par d’autres alertes sonores ayant un niveau de priorité plus élevée, jusqu’à ce que celles-ci soient désactivées. Une fois que l’alerte sonore ayant un niveau de priorité plus élevée est désactivée, l’alerte sonore suivante ayant un niveau de priorité plus élevée est activée.

    L’avertissement sonore « STALL » a le plus haut niveau de priorité et supprime toutes les autres alertes sonores du MWS. Selon le POH, lorsque le système détecte un décrochage, l’avertissement sonore « STALL » est continu et ne peut pas être mis en sourdine en appuyant sur le voyant d’alarme principalPilatus Aircraft Ltd., no de rapport 02277, Pilot’s Operating Handbook and EASA Approved Airplane Flight Manual, révision 23 (14 octobre 2022), section 7-31 : Primus Apex – Monitor Warning System (MWS), p. 7-31-3.. L’avionneur précise également que lorsque l’avertissement sonore de décrochage est déclenché, il commande simultanément le vibreur. Par conséquent, l’avertissement sonore « STALL » est généré conjointement avec une commande du vibreurPilatus Aircraft Ltd., TSB Query Response Document (A23W0040), version 03 (26 février 2024), p. 3 de 15..

    Selon le POH, le commutateur AURAL WARN INHIBIT (situé sur la paroi latérale arrière gauche, généralement à côté et derrière le siège du pilote) peut être réglé à la position INHIBIT pour mettre en sourdine les avertissements [traduction] « sonores répétitifs défaillants » contrôlés par le MWSPilatus Aircraft Ltd., no de rapport 02277, Pilot’s Operating Handbook and EASA Approved Airplane Flight Manual, révision 23 (14 octobre 2022), section 7-31 : Primus Apex – Monitor Warning System (MWS), p. 7-31-4.. Bien que cela ne soit pas précisé dans le POH, le système d’avertissement sonore de décrochage peut également être mis en sourdine. Selon Pilatus, il serait rare que les pilotes de PC-12 aient une raison d’utiliser le commutateur AURAL WARN INHIBITPilatus Aircraft Ltd., TSB Query Response Document (A23W0040), version 03 (26 février 2024), p. 2 de 15..

    Dans les opérations aériennes normales, le commutateur doit être réglé à la position ON, ce qui est confirmé à l’étape de la préparation du poste de pilotage dans la liste de vérification normale à suivre pendant l’inspection pré-volPilatus Aircraft Ltd., no de rapport 02277, Pilot’s Operating Handbook and EASA Approved Airplane Flight Manual, révision 23 (14 octobre 2022), section 4.3.8 : Cockpit, p. 4-8.. Le POH n’indique pas de scénario particulier où le commutateur AURAL WARN INHIBIT pourrait être utile au pilote lorsque l’aéronef est en vol.

    L’aéronef émet également des alarmes de proximité du sol (le système d’avertissement et d’alarme d’impact [TAWS] et le système d’avertissement de proximité du sol amélioré [EGPWS]) et des alarmes de trafic (le système d’avis de circulation [TAS] et le système d’avertissement de trafic et d’évitement d’abordage [TCAS]). Dans la hiérarchie des avertissements sonores, les alarmes de proximité du sol ont préséance sur les alarmes de trafic. Les alarmes de proximité du sol et de trafic sont transmises directement au panneau de sélection-écoute et sont donc audibles en même temps que les alertes sonores de la fonction de surveillance et d’avertissement (l’une recouvrant l’autre)Ibid., section 7-31 : Primus Apex – Monitor Warning System (MWS), p. 7-31-4.. Le commutateur AURAL WARN INHIBIT ne met pas en sourdine les alarmes de proximité du sol ou de circulation, car elles sont générées par leurs appareils respectifs et introduites directement dans le système audio.

    1.7 Renseignements météorologiques

    À 11 h 38, un message d’observation météorologique spéciale d’aérodrome (SPECI) pour CYXY a été émis et indiquait ce qui suit :

    • vents du 360° vrai, à 3 nœuds;
    • visibilité de 1 ½ SM dans de la faible neige;
    • visibilité verticale de 800 pieds AGL;
    • température de −1 °C et point de rosée de −1 °C;
    • calage altimétrique de 29,58 pouces de mercure.
    • Les remarques indiquaient que la neige était responsable des 8 octasL’octa est une unité de mesure exprimant l’étendue de la couverture nuageuse, 1 octa correspondant à un huitième du ciel. de ciel couvert.

    La prévision d’aérodrome pour CYXY, émise à 11 h 05 et valide de 11 h à 23 h, indiquait les conditions suivantes :

    • vents du 340° vrai à 5 nœuds;
    • visibilité supérieure à 6 SM dans de la neige légère;
    • une couche de nuages épars à partir de 1500 pieds AGL et ciel couvert à partir de 3000 pieds AGL;
    • temporairement, entre 11 h et 15 h, une visibilité de 1 ½ SM dans de la neige faible avec une visibilité verticale de 1000 pieds AGL.

    Au moment de l’événement à l’étude, les conditions météorologiques réelles correspondaient aux conditions météorologiques signalées dans le message d’observation météorologique spéciale d’aérodrome émis à 11 h 38.

    1.8 Aides à la navigation

    Sans objet.

    1.9 Communications

    Sans objet.

    1.10 Renseignements sur l’aérodrome

    CYXY est situé à l’ouest de Whitehorse, à une altitude de 2317 pieds au-dessus du niveau de la mer et sur un plateau assez plat, de quelque 225 pieds d’élévation, qui longe plus ou moins le fleuve Yukon. À l’est de l’aéroport, le relief s’abaisse d’abord, puis commence à s’élever du côté est du fleuve Yukon. Immédiatement à l’ouest de l’aéroport, le relief commence à s’élever.

    L’aéroport, qui est situé en terrain montagneux et est entouré d’une zone de contrôle de catégorie D d’un rayon de 5 milles marins allant de la surface à jusqu’à 5300 pieds au-dessus du niveau de la mer, est desservi par une tour de contrôle de NAV CANADA, tous les jours de 7 h à 21 h. CYXY a 3 pistes asphaltées (pistes 14R/32L, 14L/32R et 02/20). Des approches aux instruments de précision sont disponibles pour les pistes 14R et 32 L.

    La piste 32L a une largeur de 150 pieds et une longueur de 9500 pieds, y compris un seuil décalé de 1402 pieds. La longueur totale de 9500 pieds est disponible pour le décollage si le pilote remonte jusqu’au seuil de la piste 32L. Pour les atterrissages ou les décollages qui commencent au seuil décalé (à côté de l’intersection de la piste et de la voie de circulation Echo), une longueur de piste de 8098 pieds est disponible. Le jour de l’événement, des atterrissages et des décollages étaient effectués sur la piste 32 L.

    En vertu du paragraphe 602.96(3) du Règlement de l’aviation canadien (RAC)Transports Canada, DORS/96-433, Règlement de l’aviation canadien, paragraphe 602.96(3)., lorsqu’un aéronef est exploité à proximité d’un aérodrome, tous les virages doivent normalement être effectués à gauche à l’intérieur du circuit de circulation de l’aérodrome, à moins que des virages à droite ne soient précisés dans le Supplément de vol – Canada. Le Supplément de vol – Canada indique des circuits à droite pour les pistes 32L et 32R de CYXY.

    Un tas de résidus de fraisage se trouvait à environ 500 pieds de l’axe longitudinal de la piste 32L. Le document Aérodromes – Normes et pratiques recommandées (TP 312), publié par Transports Canada (TC), exige que les obstacles situés sur une piste de précision se trouvent à plus de 400 pieds (122 m) de l’axe longitudinal de la pisteTransports Canada, TP 312F, Aérodromes - Normes et pratiques recommandées, 5e édition, modification 1 (en vigueur le 15 janvier 2020), section 4.2 : Zone dégagée d’obstacles de précision (POFZ), figure 4-7 : Zone dégagée d’obstacles de précision, p. 78 de 319..

    1.11 Enregistreurs de bord

    L’aéronef n’était pas équipé d’un enregistreur de données de vol ni d’un enregistreur de conversations de poste de pilotage. La réglementation en vigueur n’exigeait ni l’un ni l’autre. L’aéronef était muni d’équipements qui ont fourni des renseignements utiles sur le vol à l’étude (tableau 4).

    Tableau 4. Équipements ayant fourni des renseignements dans le cadre de l’enquête

    Équipement

    Renseignements obtenus

    SKYTRAC Systems Limited (SKYTRAC) ISAT-100 (système de suivi des vols basé sur le GPS)

    Données de position

    Honeywell Primus Apex Integrated Avionics System (poste de pilotage intégré)

    Trajectoire de vol de l’aéronef, paramètres du moteur, commandes, renseignements sur l’accélération, journaux des alertes et des avertissements de l’aéronef.

    EGPWS Honeywell Mark VI

    Trajectoire de vol et renseignements sur les avertissements

    Les données de l’EGPWS ont révélé que celui-ci s’était activé à plusieurs reprises en raison d’un taux de descente excessif, de la proximité du relief, de la perte d’altitude et de l’angle d’inclinaison. Par exemple, pendant le demi-tour initial, l’angle d’inclinaison de l’aéronef a atteint un maximum de 66° d’inclinaison à gauche, ce qui a activé l’avertissement sonore « Bank Angle, Bank AngleLorsque le pilote automatique n’est pas activé, cette alerte indique des angles de roulis dépassant ±15° à ±50° entre 10 et 210 pieds AGL et ±50° au-dessus de 210 pieds AGL. » [Angle d’inclinaison, angle d’inclinaison]. Quelques instants plus tard, un taux de descente élevé a déclenché l’avertissement « Don't Sink, Don't Sink » [Ne pas descendre, ne pas descendreCet avertissement indique une perte d’altitude importante après le décollage ou une remise des gaz à basse altitude avec un train d’atterrissage ou des volets qui ne sont pas en configuration d’atterrissage.], suivi de l’avertissement « Caution Terrain, Caution Terrain » [Avertissement de relief, avertissement reliefCet avertissement signale un taux de descente excessif (l’enveloppe d’avertissement est fondée sur la hauteur radioaltimétrique et le taux de descente de l’aéronef).].

    Au cours des dernières secondes du vol à l’étude, les avertissements suivants de l’EGPWS se sont activés au moins une fois [traduction] :

    • « Don’t Sink, Don’t Sink » [Ne pas descendre, ne pas descendre]
    • « Terrain, Terrain » [Relief, reliefCet avertissement indique un rapprochement excessif du relief (avec une enveloppe d’avertissement fondée sur la hauteur radioaltimétrique et la rapidité à laquelle la hauteur radioaltimétrique diminue, ce qui est appelé la vitesse de rapprochement).]
    • « Pull Up, Pull Up » [Remonter, remonterCette alerte indique aussi un rapprochement excessif du sol (avec une enveloppe d’avertissement fondée sur la hauteur radioaltimétrique et la vitesse de rapprochement).]
    • « Bank Angle, Bank Angle » [Angle d’inclinaison, angle d’inclinaison]

    Le pilote n’a pas remarqué ces avertissements de l’EGPWS.

    1.12 Renseignements sur l’épave et sur l’impact

    1.12.1 Généralités

    L’enquête a permis de déterminer que l’aéronef avait d’abord touché le sol avec l’aile droite basse, dans de la boue peu profonde sur un sol par ailleurs gelé, lorsque le pilote tentait de positionner l’aéronef en vue d’un atterrissage sur la piste 32L. L’aéronef a alors fort probablement rebondi et repris une assiette presque horizontale, puis, l’aile gauche a heurté le tas de résidus de fraisage d’asphalte peu après. Cet impact a fait en sorte que l’aile gauche s’est séparée du fuselage (figure 9). L’aéronef a alors basculé sur le côté gauche et a glissé dans cette assiette sur une distance d’environ 130 pieds sur le sol, qui était principalement une route de service en terre compactée.

    Figure 7. Sillon laissé par l’épave de l’aéronef à l’étude, quelques minutes après l’accident (Source : Gendarmerie royale du Canada)
    Image

    L’aile droite de l’aéronef s’est rompue à l’emplanture et également à peu près à mi-chemin entre l’emplanture et le bout de l’aile. L’aile droite a été retrouvée couchée en travers du ventre de l’aéronef et sur le sol à côté (figure 10). Durant l’examen de l’épave sur place, il a été déterminé que les volets étaient en position relevée (c.-à-d., à 0°) au moment de l’impact.

    Figure 8. Gros plan de l’épave principale, pris quelques jours après l’événement à l’étude (Source : Gendarmerie royale du Canada)
    Image

    Le fuselage principal est resté pratiquement intact. Les pales de l’hélice étaient tordues et pliées d’une façon cohérente avec un moteur développant de la puissance au moment de l’impact.

    Le train d’atterrissage était sorti au moment de l’impact. Sous l’effet de forces verticales ascendantes, l’ensemble du train d’atterrissage principal droit avait perforé le dessus de l’aile droite. La roue avant avait été repoussée dans le logement du train avant par des forces de choc horizontales.

    1.12.2 Examen des transmetteurs d’angle d’attaque

    Étant donné que l’avertisseur de décrochage s’était activé peu après le décollage, les enquêteurs ont cherché à mieux comprendre le rôle potentiel que les transmetteurs d’angle d’attaque avaient pu jouer dans cet événement. Par conséquent, les 2 transmetteurs d’angle d’attaque (tableau 5) ont été retirés de l’épave et envoyés d’abord au Laboratoire d’ingénierie du BST à Ottawa (Ontario) pour y être examinés, puis au fabricant, Collins Aerospace (Collins), pour faire l’objet d’un examen plus détaillé.

    Table 5. Détails des transmetteurs d’angle d’attaque de l’événement à l’étude, envoyés pour examen

    Composant

    Numéro de la pièce

    Numéro de série

    Année d’installation

    Courroies remplacées

    Date de mise en service de la courroie

    Heures de vol depuis le remplacement de la courroie

    Transmetteur d’angle d’attaque gauche

    Collins Aerospace 0012AC11

    1373

    2011

    2013 et 2016

    Décembre 2016

    4090,5

    Transmetteur d’angle d’attaque droit

    Collins Aerospace

    0012AC12

    1985

    2017

    2019

    Décembre 2020

    1235,6

    *La courroie du transmetteur d’angle d’attaque droit avait été remplacée en 2019; cependant, elle n’avait été remise en service qu’en décembre 2020.

    Lorsque les transmetteurs d’angle d’attaque ont été retirés de l’épave, on a constaté que la courroie en acier inoxydable du transmetteur d’angle d’attaque gauche et celle du transmetteur d’angle d’attaque droit s’étaient toutes deux rompues dans le sens de la largeur à 2 endroits : près du trou central et près des trous de l’extrémité de la courroie qui se chevauchaient. Les détails des dommages constatés sur les courroies sont résumés dans le tableau 6.

    Tableau 6. Dommages constatés lors de l’examen macroscopique des courroies des transmetteurs d’angle d’attaque

    Composant

    Emplacement des dommages

    Observation

    Courroie du transmetteur d’angle d’attaque gauche

    Trou proche du centre (côté sonde)

    • Des fissures de fatigue ont été observées sur 85 % de cette surface de rupture.

    • Des fractures de surcharge ont également été observées sur la surface de rupture, où la surface de rupture prenait fin à chaque bord latéral de la courroie. On estime que 15 % (environ) de la surface de rupture était due à la surcharge.

    • Il se peut que les fissures de fatigue se soient formées dans des zones de micro-piqûres.

    Près du trou d’extrémité ovale (côté résolveur)

    • Toute la surface de rupture présentait des signes de surcharge.

    Courroie du transmetteur d’angle d’attaque droit

    Trou proche du centre (côté sonde)

    • Des dommages thermiques considérables ont été observés, ainsi que des indications claires d’arcs électriques et de brûlures ultérieures.

    Près du trou d’extrémité ovale (côté résolveur)

    • Toute la surface de rupture présentait des signes de surcharge.

    1.12.2.1 Conception de la courroie

    Les courroies utilisées dans les transmetteurs d’angle d’attaque de l’aéronef à l’étude avaient été fabriquées à l’aide d’un procédé de gravure humide. Le procédé de gravure humide consiste à utiliser des agents de gravure chimiques (souvent acides) pour créer des composants précis à partir de matériaux en feuilles. Ce procédé, qui est de nature chimique et non mécanique, laisse un bord fini lisse et n’altère pas les caractéristiques inhérentes de résistance et de fatigue du matériau. Il peut toutefois causer des piqûres en surface si le contrôle du procédé est inadéquat.

    En raison des défaillances des courroies, les tests effectués après l’événement ont consisté à faire tourner manuellement les contrepoids jusqu’à leurs positions maximale et minimale et à enregistrer les sorties électriques correspondantes.

    Selon Collins, lorsque le transmetteur d’angle d’attaque (numéro de pièce 0012AC11/0012AC12) a été conçu pour le PC-12, les spécifications prévoyaient une durée de vie de 15 000 heures de fonctionnement. Une prévision de fiabilité effectuée par Collins a estimé à 2500 heures de vol le temps moyen avant défaillance en service du transmetteur d'angle d'attaque. Selon Pilatus, le temps moyen avant défaillance du transmetteur d'angle d'attaque du PC-12 obtenu historiquement est d'environ 5500 heures de volPilatus Aircraft Ltd., TSB Query Response Document (A23W0040), version 03 (26 février 2024), p. 10 de 15..

    La courroie du capteur est répertoriée par Collins comme un composant remplaçable [traduction] « selon l’état ». Tel qu’il est conçu, le transmetteur d’angle d’attaque n’est assorti d’aucune exigence d’entretien à bord de l’aéronef une fois installé, et il n’est retiré qu’en cas de défaillance, auquel cas il est retourné à Collins. Au moment de l’événement à l’étude, la courroie du transmetteur d’angle d’attaque gauche avait atteint 4090 heures de vol, tandis que la courroie du transmetteur d’angle d’attaque droit en comptait 1235 heures.

    Une nouvelle conception de transmetteur d’angle d’attaque (numéro de pièce 0012AC13/0012AC14) a été achevée en septembre 2022 et est devenue disponible en mai 2023. Pilatus ne prévoit pas actuellement de publier de bulletin de service ou de lettre de service en rapport avec ce nouveau transmetteur d’angle d’attaque. Selon Pilatus, les changements apportés à la conception visaient principalement à remédier à la faible fiabilité du composant causée par les modes de défaillance prédominants, soit un élément chauffant défaillant et des aubes qui collent. Les modifications de conception visant à remédier à ces modes de défaillance ont été initialement intégrées dans la version pour PC-21 du transmetteur d'angle d'attaque, mais également dans la version pour PC-12 en raison de leur similitudeIbid., p. 11 de 15..

    L’un des changements apportés à la conception a été de délaisser le procédé de fabrication par gravure humide. Ce changement avait pour but de réduire les piqûres sur la courroie après une exposition prolongée à l’atmosphère. On prévoit que cette modification de conception augmentera la durée de vie de la courroie et diminuera le taux de défaillance. Les modes de défaillance ne changeront pas.

    Selon Collins, les nouveaux transmetteurs d’angle d’attaque seront mis à niveau au cours des réparations effectuées au fil de l’attrition normale des courroies.

    1.12.2.2 Examen de la courroie

    L’examen des transmetteurs d’angle d’attaque effectué après l’accident, en partie par Collins, a révélé qu’au moment de la défaillance, la courroie inférieure du transmetteur d’angle d’attaque gauche présentait des fissures de fatigue sur environ 85 % de la section transversale. Les 15 % restants de la section transversale, près des bords de la courroie, n’auraient probablement pas pu résister à une force supérieure à 1,5 livre (0,7 kg). L’enquête a donc permis de conclure qu’il est très probable qu’une rupture par fatigue se soit produite sur la courroie du transmetteur d’angle d’attaque gauche. Il est probable que la fatigue ait pris naissance dans l’une des zones de piqûres de surface laissées par le procédé de gravure humide et se soit propagée avec le temps, affaiblissant la courroie du transmetteur d’angle d’attaque gauche.

    À un moment donné, avant que l’aéronef n’atteigne sa vitesse de rotation (VR) et ne se cabre pour le décollage, la courroie s’est rompue, ce qui a entraîné la rotation intempestive du contrepoids du résolveur jusqu’à la position maximale. Cette rotation du contrepoids du résolveur a provoqué l’activation du vibreur et de l’avertissement sonore de décrochage. Dans cet état, le contrepoids du résolveur d’angle d’attaque ne retournait pas à une position normale, même si l’aéronef sortait de la montée et entrait en palier. Cela a fait en sorte que le vibreur et l’avertissement sonore de décrochage ont persisté.

    Lors de la collision subséquente de l’aéronef avec le relief, il est fort probable que la partie restante (supérieure) de la courroie du transmetteur d’angle d’attaque gauche se soit rompue en raison de la surcharge causée par l’impact. On a noté que la courroie du transmetteur d’angle d’attaque droit s’était rompue sous l’effet d’une surcharge, ce qui est cohérent avec les dommages causés par la collision avec le relief.

    De même, pour qu’un arc électrique se produise, il fallait que la courroie soit en état de rupture et sous tension. Cela n’aurait pu se produire qu’après l’impact, car la courroie ne présentait aucun signe de fatigue et s’était rompue uniquement sous l’effet d’une surcharge.

    Les enquêteurs ont envisagé la possibilité que les transmetteurs d’angle d’attaque aient été endommagés par inadvertance lors du dégivrage mécanique effectué avant le décollage du vol à l’étude. Pour éviter une rotation excessive des girouettes d’angle d’attaque, qui aurait pour effet de soumettre la courroie à des contraintes excessives au cours de procédés tels que le dégivrage, les girouettes sont munies de butées. Les dommages constatés sur les transmetteurs d’angle d’attaque étaient cohérents avec une rupture par fatigue, ce qui rend peu probable un scénario où une force externe aurait été à l’origine de la rupture de la courroie inférieure gauche.

    1.13 Renseignements médicaux et pathologiques

    Selon l’information obtenue au cours de l’enquête, rien n’indique que des facteurs médicaux ont nui à la performance du pilote.

    1.14 Incendie

    Rien n’indique la présence d’un incendie soit avant ou après l’événement.

    1.15 Questions relatives à la survie des occupants

    1.15.1 Généralités

    Pendant et après la collision de l’aéronef avec le relief, le fuselage et le poste de pilotage sont restés en grande partie intacts. Cela a contribué à la probabilité de survie de l’accident, tout comme l’accès à la sortie de secours et la ceinture de sécurité à 4 points que portait le pilote (comme l’exige le règlementTransports Canada, DORS/96-433, Règlement de l’aviation canadien, paragraphe 605.27(3).), cette ceinture étant composée d’une ceinture sous-abdominale réglable et d’une ceinture-baudrier à enrouleur à inertie dotée de deux sangles. Il est probable que la ceinture-baudrier ait réduit la gravité des blessures du pilote.

    1.15.2 Radiobalise de repérage d’urgence

    L’aéronef à l’étude était muni d’une radiobalise de repérage d’urgence (ELT) Kannad de 406 MHz. L’ELT s’est déclenchée au moment de l’impact et a transmis un signal de détresse qui a été capté par le système de recherche et sauvetage assisté par satellite Cospas-Sarsat. Peu après l’événement, des membres du personnel de sauvetage et lutte contre les incendies d’aéronefs ont éteint l’ELT.

    1.16 Essais et recherche

    1.16.1 Rapports de laboratoire du BST

    Le BST a produit les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

    • LP068/2023 – NVM Recovery – Various [Récupération de la mémoire non volatile – Divers]
    • LP115/2023 – Analysis of Angle of Attack System [Analyse du système de détection d’angle d’attaque]
    • LP120/2023 – Fractographic Analysis of Angle of Attack Ribbons [Analyse fractographique des rubans d’angle d’attaque]
    • LP071/2023 – Aircraft Animation and Performance Analysis [Animation de l’aéronef et analyse de la performance]

    1.16.2 Analyse de la performances

    Pour faciliter l’enquête, une analyse de la performance a été effectuée au Laboratoire du BST à l’aide de données recueillies de diverses sources à bord de l’aéronef et du système de surveillance dépendante automatique en mode diffusion (ADS-B) de NAV CANADA. Les renseignements recueillis ont permis de reconstituer une bonne partie du vol à l’étude.

    1.16.2.1 Évaluation du décrochage aérodynamique

    Après avoir changé de cap vers la droite et être passé au sud de l’aérodrome, l’aéronef a amorcé un virage à gauche pour tenter de s’aligner en vue d’atterrir sur la piste 32L. Le segment initial du virage à gauche (qui s’est déroulé de 11 h 37 min 15 s à 11 h 37 min 29 s) comportait une augmentation progressive de l’angle d’inclinaison jusqu’à environ 27°, tandis que la vitesse anémométrique chutait à 93 KCAS et que la hauteur de l’aéronef diminuait jusqu’à aussi peu que 190 pieds AGL.

    Pendant ce segment, la marge de décrochage calculée de l’aéronef a chuté jusqu’à environ 0,5 nœud. Dans le segment suivant du virage à gauche (de 11 h 37 min 29 s à 11 h 38 min 1 s), l’angle d’inclinaison a augmenté et a atteint une valeur maximale d’environ 47°. Cependant, la hauteur et la marge de décrochage de l’aéronef étaient toutes deux plus élevées que dans le segment précédent, atteignant leurs valeurs approximatives les plus basses à 238 pieds AGL et 14 nœuds, respectivement.

    Le dernier segment du virage et la collision subséquente avec le relief (de 11 h 38 min 01 s à 11 h 38 min 15 s) sont caractérisés par un changement rapide de l’angle d’inclinaison de l’aéronef, d’environ 35° à gauche à environ 46° à droite, commençant à une hauteur d’environ 185 pieds AGL, et par une chute de la vitesse anémométrique de l’aéronef au-dessous de la vitesse de décrochage (avec la marge de décrochage la plus basse à environ -10 nœuds), causant un décrochage aérodynamique, suivi d’une collision de l’aéronef avec le relief.

    Étant donné que les données du POH relatives à la performance de décrochagePilatus Aircraft Ltd., no de rapport 02277, Pilot’s Operating Handbook and EASA Approved Airplane Flight Manual, révision 23 (14 octobre 2022), section 5-3 : Performance Data for MSN 1576 - 1942 with a 5-bladed Propeller, Figure 5-3-2 : Stall Speeds KIAS - Flight Idle Power (metric units), p. 5-3-2. sont fondées sur le régime de ralenti de volLe POH de Pilatus définit le régime de ralenti de vol comme [traduction] « [l]e régime nécessaire pour faire tourner un moteur, en vol, à la vitesse la plus basse qui assurera un fonctionnement satisfaisant du moteur et des systèmes ainsi que des caractéristiques de maniabilité de l’avion ». (Source : Ibid., section 1 : General, p. 1-14.), les vitesses de décrochage calculées par les enquêteurs sont elles aussi fondées sur le régime de ralenti de vol. Par conséquent, les marges de décrochage de l’aéronef auraient été plus importantes avec les moteurs en marche, comme ça a été le cas lors de cet événement. L’analyse de la performance a permis de déterminer qu’il est probable que l’aéronef a décroché pendant le virage final et qu’il est en état de décrochage jusqu’à l’impact.

    1.17 Renseignements sur les organismes et sur la gestion

    1.17.1 Généralités

    La Sous-direction du service de l’air de la GRC (la Sous-direction) a été établie en 1937. Selon le site Web de la GRC,

    Le Service de l’air de la GRC offre un soutien opérationnel direct dans les domaines techniques et spécialisés de la surveillance policière aérienne […] Il a la capacité de mobiliser le personnel et l’équipement nécessaires pour répondre aux divers besoins de la GRC et soutenir cette dernière aussi bien dans les zones très peuplées que dans les régions éloignées du CanadaGendarmerie royale du Canada, Sous-direction du service de l’air, à l’adresse https://www.rcmp-grc.gc.ca/to-ot/asb-sa-fra.htm (dernière consultation le 11 mars 2025)..

    Le quartier général de la Sous-direction est situé à Ottawa. Au moment où est survenu l’événement à l’étude, la flotte de la GRC comptait 21 avions et 9 hélicoptères, répartis dans 19 bases (dont 11 sont des bases de Pilatus PC-12) au sein de 11 divisions de la GRC.

    Au moment de l’événement à l’étude, la GRC disposait d’un total de 16 aéronefs PC-12 et de 42 pilotes de PC-12, situés aux endroits suivants :

    • Boundary Bay (Colombie-Britannique);
    • Prince George (Colombie-Britannique);
    • Edmonton (Alberta);
    • Yellowknife (Territoires du Nord-Ouest);
    • Thompson (Manitoba);
    • Winnipeg (Manitoba);
    • London (Ontario);
    • Ottawa (Ontario);
    • Montréal (Québec);
    • Moncton (Nouveau-Brunswick);
    • Iqaluit (Nunavut).

    La Sous-direction exerce ses activités en vertu d’un document d’enregistrement d’exploitant privé délivré par TCTransports Canada, DORS/96-433, Règlement de l’aviation canadien, paragraphe 604.04(1).. Bien que la réglementation ne l’exige pas, la GRC a choisi d’adopter certaines normes des sous-parties 702 (Opérations de travail aérien) et 703 (Exploitation d’un taxi aérien) du RAC concernant [traduction] « les activités de travail aérien et de transport régulièrement entreprises par la GRCGendarmerie royale du Canada, RCMP Air Services Fixed Wing Operations Manual, révision 4.0 (18 février 2022), Foreword from RCMP Air Services Director General, p. 1-i.. »

    Au cours des 5 années précédant l’événement à l’étude, la GRC avait effectué en moyenne 10 000 heures de vol par année sur le PC-12. Selon la GRC, la majeure partie des vols sur PC-12 qu’elle effectue a trait au transport de personnel et/ou de fournitures, et entre 90 et 95 % de ces vols sont effectués en IFR.

    1.17.2 Procédures d’utilisation normalisées

    1.17.2.1 Généralités

    Les procédures d’utilisation normalisées (SOP) facilitent la prise de décisions des pilotes en leur fournissant des solutions efficaces préétablies à certaines situations qu’ils pourraient rencontrer, solutions qui sont fondées sur les connaissances organisationnelles et les pratiques exemplaires du secteur. Les SOP peuvent contribuer à réduire la charge de travail du pilote, le processus décisionnel ayant déjà été effectué et exigeant ainsi un effort mental moindre du pilote. Une fois qu’une procédure a été élaborée, les pilotes doivent avoir des occasions de s’y exercer et être encouragés à l’utiliser de sorte qu’elle devienne une habitude.

    Dans les opérations aériennes commerciales à équipage multiple, les SOP sont exigées par la réglementation et largement acceptées comme outil de renforcement de la sécuritéFederal Aviation Administration (FAA), Advisory Circular (AC) 120‑71B : Standard Operating Procedures and Pilot Monitoring Duties for Flight Deck Crewmembers (2017).. À l’heure actuelle, il n’est pas nécessaire d’établir des SOP pour les opérations à un seul pilote; toutefois, la GRC a élaboré volontairement des SOP pour aider ses pilotes aussi bien dans les opérations à un seul pilote que celles à deux pilotes.

    1.17.2.2 Gestion des ressources de l’équipage

    Les SOP de la GRC comprennent une section sur la gestion des ressources de l’équipage (CRM) dans laquelle il est expliqué que, bien que la GRC exploite la plupart du temps le PC-12 en tant qu’aéronef monopilote, [traduction] « […] la CRM continue de jouer un rôle essentiel dans [ses] opérationsGendarmerie royale du Canada, Air Services Standard Operating Procedures for the PC 12/47-E, modification no 5 (3 février 2015), section 1.4 : Crew Resource Management, sous-section 1.4.1 : General, p. 1-2.. »Cette section indique également qu’il faut s’efforcer d’exploiter l’aéronef avec 2 pilotes pour les vols effectués dans des espaces aériens encombrés ou au cours de journées de travail particulièrement longuesIbid., en notant que [traduction] « [l]a présence d'un second pilote devrait permettre à la fois d'améliorer la conscience situationnelle de l'équipage et d'accroître l'efficacité du poste de pilotageIbid., section 1.4: Crew Resource Management, sous-section 1.4.3 : Single-Pilot and Multi-Crew Operations, p. 1-3.. »

    Selon une autre section des SOP, qui traite des tâches avant le vol, et plus particulièrement de la configuration de la radio et du PFD en cas de situation d’urgence en vol après le décollage, les pilotes doivent avoir configuré le PFD pour une approche de retour vers un aérodrome (un [traduction] « retour d’urgenceIbid., section 2.2: Pre-Flight Duties, sous-section 2.2.3 Radio/PFD set up for Departure, p. 2-3.). Lorsque l’aéronef est exploité par 2 pilotes, le pilote aux commandes (PF) doit faire, à l’intention du pilote qui n’est pas aux commandes, un exposé avant le décollage couvrant les points suivants [traduction] :

    • Réglage de la puissance, type de décollage et montée initiale;
    • Défaillances avant/après la VR [rotation] (interruption/rétablissement);
    • Procédures de départ;
    • Toutes procédures non normalisées prévuesIbid., section 2.3: In-Flight Duties, sous-section 2.3.1 : Takeoff Brief, p. 2-9..

    Au cours d’une opération à 2 pilotes, les éléments susmentionnés doivent être couverts pendant l’exposé portant sur le décollage et sur les mesures en cas d’urgence, listé dans la section Before Departure (Avant le départ) de la RCMP PC12/47E Normal Procedures ChecklistService de l’air de la GRC, RCMP PC12/47E Normal Procedures Checklist, modification no 11 (2 juin 2022).  et du POHPilatus Aircraft Ltd., no de rapport 02277, Pilot’s Operating Handbook and EASA Approved Airplane Flight Manual, révision 23 (14 octobre 2022), section 4.8.1 : Before Departure, p. 4-17.. L’exposé de décollage constitue un outil de planification efficace qui permet à l’équipage de conduite de réduire au minimum le nombre et la difficulté des décisions qu’il devra prendre une fois en vol. Comme l’ont démontré des recherches antérieures, [traduction] « la planification pendant les périodes de faible charge de travail permet d’améliorer la qualité des décisions prises dans les situations où la charge de travail élevéeA. Mizzi et P. McCarthy, « Flight Crew Briefings with Resilience Engineering Capacities - The STC Model » (9 janvier 2023), p. 1. . » Lorsque l’aéronef est exploité par un seul pilote, il n’est pas nécessaire que le pilote passe en revue l’étape de l’exposé sur le départ et les urgences ou, autrement dit, effectue un « auto-exposé ».
    Les SOP donnent l’exemple suivant d’exposé de décollage, pour les opérations à 2 pilotes [traduction] :

    « Nous effectuerons un décollage normalisé de 9900 lb à partir de la piste 25, en utilisant la puissance maximale de décollage. Si nous rencontrons une situation d’urgence avant la VR [rotation], nous interromprons le décollage; après la VR, nous nous en occuperons en vol et planifierons un retour à la piste 25 si cela est possible. Le NAV no 1 est réglé pour le retour; je le changerai après avoir franchi les 1000 pi. Nous faisons le départ OTTAWA NEUF : cap de piste jusqu'à 3000 pi, anticipez vecteurs ».Gendarmerie royale du Canada, Air Services Standard Operating Procedures for the PC 12/47-E, modification no 5 (3 février 2015), section 2.3.1: Takeoff Brief, Table 2-10: Takeoff Brief, p. 2-9.

    L’exposé cité en exemple, qui doit être prononcé par le PF, ne précise pas en quoi le rétablissement peut varier selon qu’elle est effectuée visuellement ou en se référant aux instruments de vol. Par exemple, il ne contient pas de déclaration comme « Si nous sommes en mesure de maintenir des conditions VMC [conditions météorologiques de vol à vue], le plan consistera à… » ou « Aujourd’hui, nous devrons gérer toute situation d’urgence qui se présentera en IMC [conditions météorologiques de vol aux instruments]… et le plan consistera à… »

    Les SOP indiquent que [traduction]:

    [l]’exposé peut être aussi détaillé ou aussi peu détaillé que le CdB [commandant de bord] le juge nécessaire en fonction des circonstances. Par exemple, si une piste est particulièrement longue ou courte, le CdB peut envisager de revoir le rétablissement d'urgence en fonction de la situationIbid., section 2.3.1 : Takeoff Brief, p. 2-9..

    Aucune autre directive n’est fournie pour expliquer l’incidence que la longueur de la piste peut avoir sur le rétablissement d’urgence. De même, les SOP ne traitent pas de l’évaluation de la longueur de piste nécessaire par rapport à la longueur de piste disponible comme moyen de faciliter la prise de décision du pilote dans des situations où il y a un décollage interrompu et/ou un atterrissage droit devant immédiatement après le décollage.

    1.17.3 Contrôle d’exploitation

    Le RCMP Air Services Fixed Wing Operations Manual définit le contrôle d’exploitation comme [traduction] « l’autorité exercée à l’égard du début, de la poursuite, du déroutement ou de la fin d'un volGendarmerie royale du Canada, RCMP Air Services Fixed Wing Operations Manual, révision 4.0 (18 février 2022), section 4.1.1 : Definition, p. 4-1.. » Selon ce manuel, les pilotes de la GRC effectuent leurs activités selon un système de contrôle d’exploitation avec autorégulation des vols par le pilote. Ainsi, le contrôle d’exploitation est délégué au commandant de bord d’un vol par le gestionnaire des opérations. En conséquence, les vols sont régulés et autorisés à décoller par leur commandant de bord, conformément aux procédures d’autorisation des volsIbid., subsection 4.2.2(3) : Flight Authorization Procedures, p. 4-2 to 4-4. figurant dans le manuel. Le manuel précise également que le gestionnaire des opérations [traduction] « demeure responsable de l’exécution quotidienne des opérations aériennesIbid., section 4.1.2 : Responsibility and Authority, p. 4-1.. »

    1.17.4 Programme de formation

    1.17.4.1 Généralités

    Le programme de formation de la Sous-direction répond aux exigences du RAC. Les sous-sections suivantes traitent de certains aspects de la formation de la GRC qui sont pertinents pour l’événement.

    1.17.4.2 Formation au sol

    Le tableau 7 présente la partie de la formation qui est directement liée à l’événement à l’étudeIbid., section 6.6 : Training Program, p. 6-16. ainsi que les intervalles auxquels les différents modules doivent être suivis.

    Tableau 7. Sujets de formation au sol des pilotes de la Gendarmerie royale du Canada

    Sujet

    Intervalle

    CRM

    2 ans

    Gestion des ressources de l’équipage pour pilote seul aux commandes

    2 ans

    Gestion des menaces et des erreurs

    2 ans

    Facteurs humains

    3 ans

    Opérations par faible visibilité

    2 ans

    Selon le RCMP Air Services Fixed Wing Operations Manual, les pilotes de la GRC ont recours à la gestion des menaces et des erreurs pour [traduction] « […]cerner, puis tenter d'éliminer ou de réduire les menaces », ce qui leur permet de [traduction] « […] rendre prévisibles les menaces imprévisiblesIbid., section 6.8.15 : Threat and Error Management (Self Study), p. 6-28.. »

    1.17.4.3 Entraînement sur simulateur

    La formation initiale et la formation périodique des pilotes de la GRC sur le PC-12 (formation au sol et entraînement sur simulateur) sont dispensées par un fournisseur de formation tiers établi aux É.-U. Au cours de l’enquête, 11 pilotes de PC-12 de la GRC provenant de tout le Canada ont été interviewés afin de mieux comprendre la formation qui leur avait été dispensée. Voici un résumé de certains de leurs commentaires :

    • Dans le simulateur, la plupart des exercices d’entraînement utilisent des aéroports américains en raison des limites de la base de données visuelles des aéroports canadiens.
    • Pendant l’entraînement périodique sur simulateur, les pilotes de PC-12 de la GRC s’exercent à effectuer des décollages interrompus à diverses hauteurs au-dessus du sol (p. ex., de 20 à 100 pieds AGL) après la rotation.
    • Les manœuvres à vue de demi-tour d’urgence nécessitent souvent d’effectuer un virage à gauche parce que le pilote a une meilleure visibilité dans cette direction en raison de la position de son siège et que le relief n’est généralement pas un problème aux aéroports utilisés dans le simulateur.
    • Presque tous les pilotes interviewés ont déclaré qu’avant l’accident, ils n’avaient jamais vécu, au cours de leur entraînement, un scénario d’urgence reproduisant celui de l’événement à l’étude (c.-à-d. le déclenchement par inadvertance du vibreur et l’activation de l’avertissement sonore de décrochage). Lorsque les enquêteurs ont examiné le dossier de formation du pilote de l’aéronef à l’étude, ils n’ont trouvé aucune indication d’un tel scénario de formation pour sa dernière séance sur simulateur. Généralement parlant, la seule défaillance liée au décrochage qui est présentée aux pilotes de la GRC pendant les exercices de formation est un événement d’activation par inadvertance du pousseur.

    Pendant l’entraînement sur simulateur dispensé à 2 pilotes de PC-12 de la GRC peu après l’événement à l’étude, on a présenté à ces derniers un scénario similaire à celui du vol à l’étude, intégrant un avertissement sonore de décrochage et l’activation par inadvertance du vibreur pendant la rotation. Au cours de ce scénario, les pilotes ont adopté 2 stratégies différentes :

    1. L’un des pilotes a choisi d’effectuer un circuit VFR sans appliquer la liste de vérification. Après l’atterrissage, le pilote a déclaré ne pas s’être rendu compte à quel point l’avertissement sonore de décrochage pouvait être agaçant si on le laissait se poursuivre sans interruption.
    2. L’autre pilote a mis l’appareil en palier et a exécuté la liste de vérification; il a entre autres tiré sur les disjoncteurs STALL WARN 1 et STALL WARN 2. L’observateur a remarqué que le pilote, qui se situait nettement dans la gamme de mesures anthropométriques pour lesquelles l’aéronef avait été conçu, avait eu du mal à tirer sur le disjoncteur STALL WARN 2 situé sur le tableau disjoncteurs avant droit. De plus, le pilote a fait remarquer qu’en raison de l’éloignement du disjoncteur en question, il y avait un risque accru que l’on tire sur le mauvais disjoncteur sur le tableau disjoncteurs avant droit.

    Les observations suivantes ont été faites lors d’une formation périodique ultérieure avec d’autres pilotes de PC-12 de la GRC.

    • Certains pilotes ont eu beaucoup de mal à tirer sur le disjoncteur STALL WARN 2 parce qu’il leur était difficile de l’atteindre dans le coin opposé du poste de pilotage.
    • Les pilotes qui ne sont pas parvenus à tirer sur les disjoncteurs STALL WARN 1 et STALL WARN 2 ou qui ont choisi de ne pas tirer sur ceux-ci parce qu’ils étaient sur le point d’atterrir ont déclaré que l’avertissement sonore continu de décrochage était une source de distraction et nuisait à leur concentration sur le pilotage de l’aéronef. Un pilote a repris un commentaire antérieur concernant le fait que l’avertissement sonore de décrochage était très agaçant et qu’il ferait certainement augmenter le niveau de stress d’un pilote.

    1.17.5 Opérations aériennes sur le PC-12

    Selon la Sous-direction, de 90 à 95 % de ses vols sur PC-12 sont effectués par un seul pilote. Généralement, un 2e pilote est présent à bord des vols de PC-12 de la GRC qui durent plus de 8 heures, conformément au RAC. Dans ce cas, le 2e pilote remplit normalement le rôle de pilote de sécurité plutôt que celui de second officier traditionnel ayant des tâches particulières liées au vol. Comme l’indiquent les SOP, [traduction] « des mesures ont été prises […] pour s'assurer que l’ajout du PNF [pilote qui n’est pas aux commandes] ne perturbe pas l’environnement de travail normal du PFGendarmerie royale du Canada, Air Services Standard Operating Procedures for the PC 12/47-E, modification no 5 (3 février 2015), section 1.4.3 : Single-Pilot and Multi-Crew Operations, p. 1-3.. »

    Selon le personnel de la Sous-direction, le passage à des opérations en équipage multiple a été envisagé il y a plusieurs années; cependant, en raison de considérations budgétaires et du fait que le PC-12 est certifié pour des opérations avec un seul pilote à bord, la Sous-direction a choisi de maintenir principalement les opérations à un seul pilote. Au cours de l’enquête, plus de la moitié des pilotes de PC-12 de la GRC interrogés ont indiqué qu’ils pensaient que les opérations en équipage multiple des PC-12 amélioreraient la sécurité; certains de ces pilotes ont également souligné que la plupart des exploitants de PC-12 au Canada exploitent l’aéronef avec un poste de pilotage à équipage multiple.

    Un autre exploitant canadien de PC-12 a par ailleurs indiqué que l’efficience opérationnelle et la sécurité des vols étaient grandement améliorées lorsque l’aéronef était piloté avec 2 pilotes et qu’il n’envisagerait pas d’exploiter l’aéronef avec un seul pilote. Ces observations sont cohérentes avec des travaux de recherche comparant les opérations en équipage multiple aux opérations à un seul pilote. Selon l’Air Line Pilots Association, International (ALPA) [traduction],

    [d]eux pilotes dans le poste de pilotage garantissent la redondance; ils surveillent leur état de santé mutuel et l’état de l’aéronef et maintiennent une conscience situationnelle des systèmes d’aéronef et de l’environnement extérieur, en plus de fournir une couche de sécurité essentielleAir Line Pilots Association, International (ALPA), ALPA White Paper, A Gamble with Safety: Reduced-Crew Operations (juin 2024), Section 1 : Aviation Safety, p. 9, à l’adresse https://www.alpa.org/-/media/ALPA/Files/pdfs/news-events/white-papers/white-paper-reduced-crew-operations.pdf (dernière consultation le 12 mars 2025)..

    De même, l’European Cockpit Association déclare, dans l’un de ses exposés de position, que [traduction]

    [b]ien que les humains puissent introduire certains scénarios de défaillance, ils éliminent en même temps les scénarios de défaillance des systèmes et constituent une fonction de secours essentielle à bord en cas de défaillance des systèmes, comblent les lacunes technologiques et s’adaptent aux imprévus en temps réel et dans l’environnement réelC. D. Wickens, W. S. Helton, J. G. Hollands et S. Banbury, Engineering Psychology and Human Performance, 5e édition (Routledge, 2022), p. 492 et 493..

    Une étude conjointe menée en 2017 par la National Aeronautics and Space Administration (NASA) et la Federal Aviation Administration (FAA) des É.-U. cherchait à quantifier la contribution du pilote à la sécurité du vol pendant les opérations aériennes normales et en réaction aux défaillances des systèmes. L’étude a révélé [traduction] « […] une augmentation considérable de la charge de travail pour les opérations à un seul pilote, par rapport à celles à deux membres d’équipage, avec des évaluations subjectives faisant état d’une dégradation considérable de la sécurité et de la performance […]R. E. Bailey, L. J. Kramer, K. D. Kennedy, C. L. Stephens et T. J. Etherington, « An assessment of reduced crew and single pilot operations in commercial transport aircraft operations », Proceedings of the 2017 IEEE [Institute of Electrical and Electronics Engineers]/AIAA [American Institute of Aeronautics and Astronautics] 36th Digital Avionics Systems Conference (DASC), St. Petersburg (Floride) (du 17 au 21 septembre 2017), p. 1.. » L’étude a aussi révélé que les opérations en équipage multiple conduisaient à une utilisation plus systématique et plus précise des listes de vérification, ainsi qu’à une amélioration du suivi de la trajectoire de volIbid., p. 5 et 6.. L’étude a conclu que même si les sujets des essais à un seul pilote étaient parvenus à surmonter les conditions anormales présentées, ces pilotes [traduction] « avaient estimé que la charge de travail, la sécurité et l’acceptabilité étaient inacceptables dans une situation d’urgenceIbid., p. 13.. » Par ailleurs, on a fait remarquer qu’il y avait des [traduction] « diminutions notables de la performance de vol » pendant les opérations à un seul pilote comparativement aux opérations en équipage multiple, « laissant entrevoir des marges de sécurité réduites inacceptablesIbid.. »

    1.17.6 Gestion de la sécurité

    Selon l’article 604.202 du RAC, les exploitants privés doivent se doter d’un système de gestion de la sécurité (SGS) qui soit conforme aux exigences de l’article 604.203 du RAC. Au moment où est survenu l’événement à l’étude, le SGS de la GRC était similaire à celui défini par le RAC; toutefois, le SGS de la GRC n’avait pas été approuvé ni évalué par TC, et la réglementation ne l’exigeait pas.

    La Sous-direction utilise un logiciel interne pour signaler les accidents et incidents (appelé ADREP) comme système officiel de rapports, de suivi et de vérification. De 2016 à 2022, en moyenne 96 accidents et incidents ont été signalés chaque année. Les enquêteurs ont examiné la base de données de l’ADREP pour déterminer si des problèmes similaires à ceux rencontrés lors du vol à l’étude avaient déjà fait l’objet de rapports. Voici les données qui sont ressorties :

    • Avertissements de décrochage et activation par inadvertance du vibreur : Il n’y a eu aucun rapport à propos de pilotes de PC-12 de la GRC qui auraient connu un avertissement de décrochage erroné ou une activation par inadvertance du vibreur pendant un vol.
    • Opérations à un seul pilote : En 2019, on a signalé un surcouple du moteur qui s’était produit tandis que le pilote effectuait des manœuvres à vue à basse altitude lors d’une opération de recherche et de sauvetage. Le rapport indiquait qu’en raison de la charge de travail du pilote, l’indicateur de couple du moteur avait été négligé. Le rapport indiquait en outre qu’il est facile d’éviter un surcouple pendant les opérations normales; cependant, les missions de recherche et sauvetage sont très différentes, et la plupart des opérations en aéronef à voilure fixe effectuées dans le cadre de missions similaires font appel à 2 pilotes. Le rapport indiquait enfin que la GRC allait mener une analyse complète des risques; or cette analyse n’a jamais été effectuée.

    1.18 Renseignements supplémentaires

    1.18.1 Considérations relatives au rendement humain

    1.18.1.1 Sursaut et surprise

    Compte tenu de la fiabilité accrue des aéronefs modernes, les pilotes peuvent développer une [traduction] « mentalité de normalité, dans laquelle on ne s’attend guère à des situations d’urgence réelles. Cette attente conditionnée de normalité peut créer une réaction de stress accrue lorsqu’un événement inattendu, inédit ou urgent survientW. L. Martin, P. S. Murray et P. R. Bates, « The effects of stress on pilot reactions to unexpected, novel, and emergency events », Proceedings of the 9th International Symposium of the Australian Aviation Psychology Association, Sydney (Australie), du 19 au 22 avril 2010 (Australian Aviation Psychology Association, 2010), p. 263.. » Cette observation mène à l’analyse qui suit de 2 termes de plus en plus populaires dans le domaine de l’aviation : « sursaut » (startle) et « surprise » (surprise).

    Les termes « sursaut » et « surprise » sont souvent utilisés de manière interchangeable dans le domaine de l’aviation; il s’agit pourtant de termes distincts. Le sursaut découle typiquement d’une [traductions, italiques dans l’original] « exposition soudaine à une stimulation intense » et provoque un « réflexe physiologique involontaire » (p. ex., une réaction de lutte ou de fuite) et une « réaction de sursaut conditionnée et comportementale », qui consiste en une réaction à la fois émotionnelle et cognitiveJ. Rivera, A. B. Talone, C. T. Boesser, F. Jentsch et M. Yeh, « Startle and Surprise on the Flight Deck: Similarities, Differences, and Prevalence », Proceedings of the Human Factors and Ergonomics Society 58 th Annual Meeting, Chicago (Illinois), du 27 au 31 octobre 2014 (Human Factors and Ergonomics Society, 2014), p. 1047.. La réaction de sursaut peut découler de stimulus auditifs, visuels ou tactiles et est généralement de courte durée (c.-à-d. de moins de 1 seconde pour une réaction légère, à entre 1 et 1,5 seconde pour une réaction de forte intensitéIbid.). Un exemple de scénario de sursaut potentiel est un bruit très fort et inattendu qui provoque une réaction physique chez le pilote (p. ex., un mouvement musculaire rapide et involontaire) dans le poste de pilotage.

    La surprise, quant à elle, est une réaction émotionnelle et cognitive à quelque chose d’inattendu, découlant d’un décalage entre les attentes et les perceptions de la personneA. Landman, E. L. Groen, M. M. R. van Paassen, A. W. Bronkhorst et M. Mulder, « Dealing With Unexpected Events on the Flight Deck: A Conceptual Model of Startle and Surprise », Human Factors, vol. 59, no 8 (décembre 2017), p. 1162.,NLR – Netherlands Aerospace Centre (pour l’Agence européenne de la sécurité aérienne [AESA]), numéro de rapport NLR-CR-2018-242, Startle Effect Management (29 novembre 2018), p. 15.,J. Rivera, A. B. Talone, C. T. Boesser, F. Jentsch et M. Yeh, « Startle and Surprise on the Flight Deck: Similarities, Differences, and Prevalence », Proceedings of the Human Factors and Ergonomics Society 58th Annual Meeting, Chicago (Illinois), du 27 au 31 octobre 2014 (Human Factors and Ergonomics Society, 2014), p. 1048.. Autrement dit, la surprise survient lorsqu’une personne est confrontée à un imprévu qui ne correspond pas à sa compréhension de la façon dont les choses sont censées être. Ces situations peuvent être liées à un changement inattendu de l’état de l’aéronef (p. ex. des alertes système), à des conditions environnementales (p. ex. une faible visibilité), ou à des instructions ou actions inattendues de la part d’autres personnes (p. ex. l’ATC)J. A. Kochan, E. G. Breiter et F. Jentsch, « Surprise and Unexpectedness in Flying: Database Reviews and Analyses », Proceedings of the Human Factors and Ergonomics Society 48th Annual Meeting, New Orleans (Louisiane), du 20 au 24 septembre 2004 (Human Factors and Ergonomics Society, 2004), tableau 1 : Categories and Examples Associated with Unexpected or Surprising Events, p. 337..

    Tant que l’incertitude et la confusion entourant une situation surprenante persistent, le niveau de stress d’une personne est peu susceptible de diminuer et peut même augmenter, surtout si d’autres facteurs de stress surviennent. Par exemple, si autre chose d’inattendu ou d’involontaire se produit, le niveau de stress de la personne peut augmenter encore davantage, aggravant ainsi une situation déjà difficileJ. Rivera, A. B. Talone, C. T. Boesser, F. Jentsch et M. Yeh, « Startle and Surprise on the Flight Deck: Similarities, Differences, and Prevalence », Proceedings of the Human Factors and Ergonomics Society 58th Annual Meeting, Chicago (Illinois), du 27 au 31 octobre 2014 (Human Factors and Ergonomics Society, 2014), p. 1048 et 1049..

    La surprise a été identifiée comme un facteur dans un certain nombre d’accidents avec perte de maîtriseIbid., p. 1048.. L’un de ces accidents est celui du vol 447 d’Air France, qui a décollé de l’aéroport international de Rio de Janeiro/Galeão-Antonio Carlos Jobim à Rio de Janeiro (Brésil) le 31 mai 2009 à destination de l’aéroport Charles de Gaulle à Paris (France)Bureau d’Enquêtes et d’Analyses pour la sécurité de l’aviation civile (BEA), rapport f-cp090601, Rapport final – Accident survenu le 1er juin 2009 à l’Airbus A330-203 immatriculé F-GZCP exploité par Air France, vol AF 447 Rio de Janeiro – Paris, à l’adresse https://bea.aero/fileadmin/documents/docspa/2009/f-cp090601/pdf/f-cp090601.pdf (dernière consultation le 13 mars 2025).. Lors de cet événement, des cristaux de glace ont obstrué les sondes de vitesse de l’aéronef, l’aéronef a subi un décrochage aérodynamique, et l’équipage de conduite, qui avait du mal à comprendre la situation, n’a pas été en mesure d’effectuer un rétablissement avant l’impact.

    Le rapport indique que la surprise a été l’un des principaux facteurs ayant contribué à la perte de maîtrise. L’équipage de conduite n’arrivait pas à comprendre les indications contradictoires qu’il recevait, ce qui a été source de surprise dans une situation déjà stressante

    1.18.1.2 Répercussions du stress sur la performance des pilotes

    La façon dont un pilote réagit à une situation stressante dépend de nombreux facteurs. Dans certains cas, un pilote est capable de réagir rapidement et de gérer des événements stressants, tandis que dans d’autres, une situation surprenante peut engendrer beaucoup de stress aigu chez le pilote. Dans ces situations, le pilote peut ressentir un large éventail de symptômes physiologiques, notamment une accélération du rythme cardiaque, une élévation de la pression artérielle ou une augmentation de la transpirationC. D. Wickens, W. S. Helton, J. G. Hollands et S. Banbury, Engineering Psychology and Human Performance, 5e édition (Routledge, 2022), p. 492 et 493.. Un autre facteur, qui est peut-être plus important encore, est que si la situation inattendue à l’origine de la surprise est perçue comme étant importante ou menaçante, ou les deux, elle peut provoquer chez le pilote une réaction de stress modérée à sévère susceptible d’avoir des répercussions négatives sur sa performanceW. L. Martin, P. S. Murray et P. R. Bates, « The effects of stress on pilot reactions to unexpected, novel, and emergency events », Proceedings of the 9th International Symposium of the Australian Aviation Psychology Association, Sydney (Australie), du 19 au 22 avril 2010 (Australian Aviation Psychology Association, 2010), p. 263..

    Cela se produit lorsque le stress aigu produit un état émotionnel d’éveil accru qui nuit à la performance cognitive ou motrice dans une tâche préciseC. D. Wickens, W. S. Helton, J. G. Hollands et S. Banbury, Engineering Psychology and Human Performance, 5e édition (Routledge, 2022), p. 492.,A. Landman, E. L. Groen, M. M. R. van Paassen, A. W. Bronkhorst et M. Mulder, « Dealing With Unexpected Events on the Flight Deck: A Conceptual Model of Startle and Surprise », Human Factors, vol. 59, no 8 (décembre 2017), p. 1165.. Notamment, le stress [traduction] « nuit aux fonctions cognitives descendantes et augmente le contrôle attentionnel induit par le stimulus. […] [L]es gens sont moins en mesure de gérer efficacement leur attention, car ils sont davantage distraits de leur tâche par le caractère saillant des stimulus (alarme, aspect menaçant)M. Diarra, M. Marchitto, M. C. Bressolle, T. Baccino et V. Drai-Zerbib, « A narrative review of the interconnection between pilot acute stress, startle, and surprise effects in the aviation context: Contribution of physiological measurements », Frontiers in Neuroergonomics, vol. 4 (23 février 2023), p. 11.. » Dans certains cas, la surprise peut provoquer de l’anxiété, rendant le pilote incapable de comprendre ou d’analyser l’information et nuisant à sa prise de décision. Le pilote peut oublier les normes d’exploitation, « figer » ou encore perdre sa conscience situationnelleJ. Rivera, A. B. Talone, C. T. Boesser, F. Jentsch et M. Yeh, « Startle and Surprise on the Flight Deck: Similarities, Differences, and Prevalence », Proceedings of the Human Factors and Ergonomics Society 58th Annual Meeting, Chicago (Illinois), du 27 au 31 octobre 2014 (Human Factors and Ergonomics Society, 2014), p. 1048.,J. Tichon, T. Mavin, G. Wallis, T. Visser et S. Riek, « Using Pupillometry and Electromyography to Track Positive and Negative Affect During Flight Simulation », Aviation Psychology and Applied Human Factors, vol. 4, numéro 1 (mars 2014), p. 23..

    D’une manière générale, les facteurs de stress se répartissent dans 2 catégories : les facteurs externes (p. ex. le bruit, les vibrations, la chaleur) et les facteurs internes (p. ex. l’anxiété, la fatigue, la frustration). Les facteurs de stress externes nuisent à la capacité d’une personne à percevoir l’environnement. Les facteurs de stress internes sont plus susceptibles de nuire à la capacité à traiter efficacement l’information et à prendre de bonnes décisionsC. D. Wickens, W. S. Helton, J. G. Hollands et S. Banbury, Engineering Psychology and Human Performance, 5e édition (Routledge, 2022), p. 492 et 493.. On ne saurait sous-estimer les effets du stress sur la performance des pilotes. Les recherches ont indiqué que près de la moitié des accidents d’aviation mortels peuvent être attribués à des [traduction] « défaillances dans la prise de décision liées au stressC. K. McClernon, M. E. McCauley, P. O’Connor et J. S. Warm, « Stress training enhances novice pilot performance in a stressful operational flight », Human Factors, vol. 53, numéro 3 (juin 2011), p. 207 à 218, Introduction.. » Ces recherches ont aussi démontré qu’un niveau de stress élevé [traduction] « a des effets négatifs sur les compétences de pilotage comportant des composantes de psychomotricité, de mémoire de travail et d’attentionIbid.. »

    1.18.1.2.1 Rétrécissement de l’attention et distraction

    Dans le contexte de l’événement à l’étude, il est important de comprendre l’influence que des facteurs de stress externes, comme un avertissement sonore, peuvent avoir sur la performance du pilote. Les avertissements sonores peuvent être très efficaces pour attirer l’attention d’un pilote sur quelque chose qui aurait pu passer inaperçue. Cependant, un avertissement sonore fort et persistant peut également devenir une nuisance pour le pilote, en causant un stress supplémentaireC. D. Wickens, W. S. Helton, J. G. Hollands et S. Banbury, Engineering Psychology and Human Performance, 5e édition (Routledge, 2022), p. 98.. Si cette situation persiste, le stress aigu peut continuer à s’accumuler et entraîner potentiellement un rétrécissement de l’attention et devenir une distractionC. K. McClernon, M. E. McCauley, P. O’Connor et J. S. Warm, « Stress training enhances novice pilot performance in a stressful operational flight », Human Factors, vol. 53, numéro 3 (juin 2011), p. 207 à 218.,M. Diarra, M. Marchitto, M. C. Bressolle, T. Baccino et V. Drai-Zerbib, « A narrative review of the interconnection between pilot acute stress, startle, and surprise effects in the aviation context: Contribution of physiological measurements », Frontiers in Neuroergonomics, vol. 4 (23 février 2023), p. 11..

    Un rétrécissement de l’attention se produit lorsque [traduction] :

    la personne concentre toute son attention consciente sur un nombre limité d’indices environnementaux, à l’exclusion d’autres indices dont la détectabilité est subjectivement égale ou supérieure, ou dont la priorité est plus immédiateR. W. Gibb, R. Gray et L. Scharff, Aviation Visual Perception: Research, Misperception, and Mishaps (Routledge, 2010), p. 27..

    Ce comportement peut être souhaitable dans certaines situations, mais le rétrécissement de l’attention se fait au risque de manquer potentiellement d’autres renseignements importants. Lorsque la charge de travail et le stress augmentent, la personne a tendance à concentrer son attention sur les stimulus qui sont perçus comme étant les plus importants à ce moment-làJ. Prinet et N. Sarter, « Attentional Narrowing: a First Step Towards Controlled Studies of a Threat to Aviation Safety », Proceedings of the 18th International Symposium on Aviation Psychology (2015), p. 189, à l’adresse corescholar.libraries.wright.edu/isap_2015/75 (dernière consultation le 13 mars 2025).. Par exemple, un pilote qui tente de manœuvrer en vue d’un atterrissage par visibilité réduite est davantage exposé au risque de rétrécissement de l’attention. À mesure que la visibilité se détériore et que le niveau de stress augmente, le pilote peut devenir trop concentré sur la recherche de repères au sol par les fenêtres du poste de pilotage et négliger de consulter les instruments de vol, qui peuvent fournir des renseignements essentiels sur le profil de vol de l’aéronefM. R. Endsley, « Chapter 19: Situation Awareness », in G. Salvendy, Handbook of Human Factors and Ergonomics, 4e édition (John Wiley & Sons, 2012), p. 559.,Australian Transport Safety Bureau, Investigation Report AO-2018-039: Loss of control in flight involving Leonardo Helicopters AW139 helicopter, VH-YHF, near Adelaide River mouth, 38 km ENE of Darwin, Northern Territory, on 13 May 2018 (publié le 16 avril 2020), à l’adresse https://www.atsb.gov.au/publications/investigation_reports/2018/aair/ao-2018-039 (dernière consultation le 14 mars 2025)..

    La distraction est l’autre manifestation des effets du stress sur l’attention. Par exemple, la présence d’un facteur de stress externe, comme un avertissement sonore puissant qui ne peut être mis en sourdine, peut devenir une source majeure de distraction étant donné que le pilote doit continuellement essayer de traiter le signal et d’en faire fi pour maintenir sa performance.

    Faire abstraction du facteur de stress de cette manière peut être difficile et peut facilement faire augmenter le niveau de stress du pilote. À l’instar du rétrécissement de l’attention, une distraction, comme un avertissement sonore, peut faire en sorte que d’autres signaux critiques passent inaperçus. Voilà pourquoi il est important pour le pilote de gérer efficacement les distractions externes, dans la mesure du possible.

    Comme on l’indique dans ces sous-sections, le stress peut entraîner un déclin de la performance. Si des mesures ne sont pas prises pour réduire ou éliminer les facteurs de stress, il peut se former un cercle vicieux où le stress entraîne une baisse de la performance, qui génère à son tour plus de stress, et ainsi de suite. De même, s’il survient un autre élément perçu comme était potentiellement stressant, la situation peut se détériorer et le stress peut faire diminuer la performance du pilote, de façon momentanée ou pendant une période prolongéeW. L. Martin, P. S. Murray et P. R. Bates, « The effects of stress on pilot reactions to unexpected, novel, and emergency events », Proceedings of the 9th International Symposium of the Australian Aviation Psychology Association, Sydney (Australie), du 19 au 22 avril 2010 (Australian Aviation Psychology Association, 2010), p. 265..

    Dans de telles situations, il est essentiel que le pilote trouve un moyen pour rompre le cycle entre le stress et la performance. Certains des moyens auxquels un pilote peut avoir recours pour composer avec des situations stressantes et surprenantes sont présentés dans la section suivante.

    1.18.1.3 Réduction des répercussions du stress sur la performance des pilotes

    Pour réduire les répercussions négatives potentielles du stress sur la performance des pilotes, un certain nombre de stratégies peuvent être mises en œuvre, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du poste de pilotage. Lorsqu’un pilote est confronté à un événement qui le surprend ou le fait sursauter, le stress associé à cette situation provoquera sans doute chez lui une série de réactions émotionnelles et cognitives, qui peuvent être [traduction] « autonomes, conditionnées ou réactives à la situationIbid., p. 263.. » Si ces réactions ne sont pas gérées efficacement, elles peuvent avoir une incidence considérable sur la performance du pilote. Le pilote doit donc mettre au point des stratégies pour gérer les situations stressantes afin de s’assurer que les marges de sécurité sont maintenues.

    Les recherches dans ce domaine indiquent que l’élément le plus important pour contrôler les niveaux de stress associés aux événements de sursaut et de surprise est l’expérience antérieure de gestion de situations nouvelles et d’urgenceIbid., p. 265 et 266.. Cette expérience peut avoir un effet modérateur sur les niveaux d’éveil et peut donc réduire la probabilité d’une baisse de la performance à la suite d’un événement surprenantIbid., p. 266.. L’exposition répétée à des situations inattendues dans un environnement de formation ou pendant des opérations réelles peut aider un pilote à se préparer à ce type de situations.

    La principale méthode employée dans l’industrie aéronautique pour préparer les pilotes à gérer des situations surprenantes et inattendues est la formation de mise en situationNLR – Netherlands Aerospace Centre (pour l’Agence européenne de la sécurité aérienne [AESA]), numéro de rapport NLR-CR-2018-242, Startle Effect Management (29 novembre 2018), Executive Summary et p. 140, à l’adresse https://www.easa.europa.eu/en/downloads/67174/en (dernière consultation le 17 mars 2025).,Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis, FAA-H-8083-3C, Airplane Flying Handbook (2021), chapitre 5 : Maintaining Aircraft Control: Upset Prevention and Recovery Training, p. 5-3, à l’adresse https://www.faa.gov/sites/faa.gov/files/regulations_policies/handbooks_manuals/aviation/airplane_handbook/06_afh_ch5.pdf (dernière consultation le 17 mars 2025).. Une formation particulière qui cible expressément la gestion de la surprise et du stress n’est pas très répandue dans l’industrie aéronautique; cependant, elle gagne en popularité et ces thèmes sont abordés plus fréquemment au cours de la formation sur la CRMNLR – Netherlands Aerospace Centre (pour l’Agence européenne de la sécurité aérienne [AESA]), numéro de rapport NLR-CR-2018-242, Startle Effect Management (29 novembre 2018), p. 49 et 52, à l’adresse https://www.easa.europa.eu/en/downloads/67174/en (dernière consultation le 17 mars 2025).. Les scénarios choisis dans le cadre de la formation doivent susciter un sentiment de surprise chez les membres d’équipage afin que chacun apprenne à reconnaître ses propres réactions à une situation surprenante, puis à appliquer les techniques appropriées pour maintenir une performance efficace.

    Ainsi, il est essentiel que les exploitants aériens offrent un entraînement réaliste au cours de la formation. Si les pilotes ont la possibilité de faire l’expérience de ces événements « inédits » dans un environnement de formation sûr et sécuritaire, où ils sont supervisés jusqu’à ce qu’ils soient en mesure de démontrer leur compétence, ils seront beaucoup plus susceptibles de pouvoir appliquer cette expérience positive s’ils sont confrontés à un événement similaire dans la vraie vieW. L. Martin, P. S. Murray et P. R. Bates, « The effects of stress on pilot reactions to unexpected, novel, and emergency events », Proceedings of the 9th International Symposium of the Australian Aviation Psychology Association, Sydney (Australie), du 19 au 22 avril 2010 (Australian Aviation Psychology Association, 2010), p. 266.. Cette pratique permettra en fin de compte de réduire les niveaux de stress, d’améliorer le traitement de l’information et, de façon générale, d’obtenir de meilleurs résultats et de meilleures marges de sécuritéIbid.. En revanche, si la formation ne met pas adéquatement à l’épreuve la capacité des pilotes à gérer leur stress en réaction à des événements de sursaut et de surprise, les pilotes seront beaucoup moins susceptibles de pouvoir gérer de telles situations en vol.

    Étant donné qu’il est impossible de faire l’expérience de toutes les situations possibles avant de les rencontrer pendant un vol, un pilote doit aussi se fier à d’autres stratégies pour gérer le stress associé aux imprévus. L’un des meilleurs moyens de réduire le risque de baisse de la performance attribuable au sursaut et à la surprise est d’anticiper les stimulus potentiels et de répéter mentalement les actions à exécuter pendant les phases critiques du vol.

    Par exemple, les participants à une étude non aéronautique, qui avaient appris à anticiper le moment d’un stimulus inattendu (un tir de pistolet à blanc), n’ont pas été surpris par celui-ci lorsqu’il s’est produit, et l’intensité de l’effet de sursaut a été réduiteJ. Rivera, A. B. Talone, C. T. Boesser, F. Jentsch et M. Yeh, « Startle and Surprise on the Flight Deck: Similarities, Differences, and Prevalence », Proceedings of the Human Factors and Ergonomics Society 58th Annual Meeting, Chicago (Illinois), du 27 au 31 octobre 2014 (Human Factors and Ergonomics Society, 2014), p. 1048..Dans le contexte de l’aviation, la même stratégie peut être appliquée aux situations où la surprise et le sursaut représentent un risque important. Par exemple, le fait de se préparer mentalement, ou par la répétition, à un problème au décollage peut permettre en fait d’éliminer l’élément de surprise.

    De même, si un pilote planifie à l’avance certaines choses comme l’itinéraire à suivre en cas de rétablissement d’urgence, qu’il se trouve dans des conditions météorologiques de vol à vue ou dans des conditions météorologiques de vol aux instruments, sa charge cognitive pendant le vol sera considérablement réduite, étant donné que le processus de prise de décision aura été effectué quand l’aéronef était encore au sol, sans le stress des contraintes de temps associées à la prise de décision en vol. Cette planification préalable viendra réduire les exigences de traitement de même que les niveaux de stress, contribuant ainsi à garantir des niveaux de performance suffisants.

    Une autre stratégie à envisager consiste à mobiliser plus de ressources pour gérer la situationC. D. Wickens, W. S. Helton, J. G. Hollands et S. Banbury, Engineering Psychology and Human Performance, 5e édition (Routledge, 2022), p. 499 et 500.. Cela peut être aussi simple qu’une personne qui se concentre plus intensément sur le problème en « redoublant d’efforts »; cependant, cette stratégie comporte des risques, puisqu’elle nécessite d’en faire plus en moins de temps (c.-à-d. il s’agit d’un compromis entre la vitesse et la précisionIbid.).

    Une autre option consiste à obtenir l’aide d’autres personnes, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’aéronef, pour diagnostiquer et gérer le problème ou pour se décharger de certaines tâches afin de pouvoir se concentrer davantage sur le problème principal. S’il n’est pas possible d’utiliser des ressources supplémentaires, une autre option consiste à tenter d’éliminer complètement le facteur de stressIbid.. Par exemple, si un avertissement sonore continue de retentir dans une situation de stress élevé, faire taire l’alarme permettrait d’éliminer ce facteur de stress et de réduire le risque de rétrécissement de l’attention ou de distraction découlant d’une alarme injustifiée. Dans ce cas, la suppression du facteur de stress (c.-à-d. la mise en sourdine de l’alarme) libérerait des ressources attentionnelles qui pourraient être nécessaires à des tâches plus prioritaires, comme le pilotage de l’aéronef.

    1.18.2 Résumé des renseignements recueillis auprès d’autres pilotes de la GRC

    Au cours de l’enquête, des renseignements ont été recueillis auprès de pilotes de PC-12 de la GRC. Cette démarche visait à mieux comprendre le niveau de connaissance des systèmes que possèdent les pilotes de PC-12 de la GRC en général, ainsi qu’à se faire une idée de certaines des difficultés qui pourraient survenir pendant un scénario similaire à celui du vol à l’étude, comprenant un avertissement de décrochage continu et une activation par inadvertance du vibreur. Les observations recueillies sont résumées dans le tableau 8.

    Tableau 8. Observations des pilotes de la Gendarmerie royale du Canada, organisées par sujet

    Sujet

    Résumé des observations

    Système d’avertissement de décrochage (général)

    • Les pilotes n’avaient pas tous la même connaissance du système en ce qui concerne les indications qui se produiraient dans le poste de pilotage si un seul transmetteur d’angle d’attaque détectait une situation de décrochage ou si les deux transmetteurs d’angle d’attaque détectaient une telle situation. En particulier, certains pilotes n’étaient pas sûrs des indications qui se produiraient dans le poste de pilotage si un transmetteur d’angle d’attaque signalait par erreur que l’angle d’attaque avait dépassé le seuil de décrochage.

    • Certains pilotes pensaient que le système devenait actif dès que la puissance était augmentée et qu’il pouvait être activé au sol si une rafale de vent faisait dévier la girouette d’angle d’attaque complètement vers le bas.

    Disjoncteurs STALL WARN 1 et STALL WARN 2

    • La plupart des pilotes savaient qu’il y avait 1 disjoncteur applicable de chaque côté du poste de pilotage. Toutefois, certains pilotes n’étaient pas sûrs de l’emplacement et du nom des deux disjoncteurs et les ont mal identifiés.

    • La plupart des pilotes ont déclaré qu’il serait difficile, voire presque impossible, lorsqu’ils volent seuls, de localiser les disjoncteurs STALL WARN 1 et STALL WARN 2 et de les tirer tout en essayant de voler à vue dans des conditions météorologiques similaires à celles qui étaient présentes pendant le vol à l’étude. Cette tâche serait encore plus difficile à accomplir tout en appuyant sur le commutateur PUSHER INTR.

    • Un pilote a déclaré qu’avant le début d’une séance d’entraînement sur simulateur effectuée après l’événement, il avait localisé les disjoncteurs pour être en mesure de les trouver plus facilement pendant la séance. Puis, au cours de cette séance, en raison de la parallaxeLa parallaxe désigne l’effet par lequel la position d’un objet semble être déplacée lorsqu’il est vu de 2 lignes de visée différentes., le pilote avait tiré par inadvertance sur un disjoncteur autre que le disjoncteur STALL WARN 1.

    Commutateur PUSHER INTR

    • Certains pilotes ne savaient pas si le fait d’appuyer sur ce commutateur mettait en sourdine l’avertissement sonore de décrochage ou arrêtait le vibreur.

    Commutateur AURAL WARN INHIBIT

    • En règle générale, le commutateur AURAL WARN INHIBIT était mal compris et peu connu. Les pilotes ont déclaré avoir très peu utilisé ce commutateur pendant les opérations de routine; cependant, certaines activités après maintenance les obligent à l’utiliser parce que le personnel de maintenance règle parfois le commutateur à la position INHIBIT pendant qu’il travaille sur l’aéronef (sur les vérins) afin d’éviter les avertissements injustifiés.

    • Pratiquement aucun des pilotes interrogés n’avait envisagé, avant l’événement à l’étude, la possibilité d’utiliser ce commutateur comme moyen de mettre en sourdine les alarmes injustifiées, comme l’avertissement sonore de décrochage. Certains pilotes ne savaient pas si le commutateur AURAL WARN INHIBIT permettait de mettre en sourdine l’avertissement sonore de décrochage puisque le POH indique que l’avertissement sonore de décrochage [traduction] « ne peut pas être mis en sourdine ».

    • Les pilotes interrogés ne se souvenaient pas d’avoir reçu une formation officielle sur la fonctionnalité de ce commutateur.

    • Plusieurs pilotes ont fait valoir qu’il devrait y avoir un moyen facilement accessible au pilote (c.-à-d. dans son champ de vision) de mettre en sourdine les avertissements injustifiés.

    Inspection pré-vol du transmetteur d’angle d’attaque

    • Certains pilotes déplaçaient physiquement les girouettes sur les sondes, mais d’autres se contentaient de les inspecter visuellement. Certains pilotes déplaçaient physiquement les girouettes pendant le 1er vol, puis les inspectaient visuellement au cours des vols suivants. Certains pilotes ont fait part de leur réticence à déplacer physiquement les girouettes par crainte de les endommager.

    Essai d’avertissement de décrochage

    • Certains pilotes n’étaient pas sûrs que l’essai révèlerait un problème (c.-à-d. une courroie rompue) relatif aux données d’entrée du transmetteur d’angle d’attaque.

    Exposés avant le départ sur les mesures en cas d’urgence

    • La plupart des pilotes de PC-12 ont déclaré qu’ils n’effectuaient aucun type d’« auto-exposé » de départ sur les mesures à prendre en cas d’urgence, par exemple une défaillance au décollage. Plusieurs pilotes ont souligné les avantages découlant du fait de procéder à un exposé avant le départ et ont déclaré qu’ils avaient cessé de le faire lorsqu’ils effectuaient les vols par eux-mêmes. Un pilote a fait remarquer que les opérations à un seul pilote peuvent rendre les pilotes paresseux lorsqu’il s’agit d’entreprendre certaines procédures comme les exposés, étant donné qu’il n’y a pas d’autre pilote à qui faire l’exposé.

    Entraînement sur simulateur

    • La plupart des pilotes ont déclaré que l’entraînement sur simulateur manquait de réalisme opérationnel.

    • Les pilotes ont déclaré en général que l’entraînement sur simulateur pourrait être amélioré s’il était dispensé par un pilote instructeur de la GRC.

    Faux avertissement sonore de décrochage

    • Aucun des pilotes interviewés ne se souvenait d’avoir vécu, avant l’événement à l’étude, un scénario de faux avertissement de décrochage sonore pendant l’entraînement sur simulateur ou pendant des opérations réelles. De même, ils n’étaient pas au courant de tels événements concernant le PC-12.

    Demi-tours

    • Les pilotes ont indiqué qu’ils avaient été formés pour effectuer des demi-tours dans les deux sens; toutefois, ils choisissaient intuitivement la gauche en raison des meilleures conditions visuelles dont disposait le pilote, qui occupe normalement le siège de gauche.

    Opérations à un seul pilote comparativement aux opérations effectuées avec 2 pilotes

    • La plupart des pilotes ont déclaré que le PC-12 peut être piloté de façon sécuritaire, dans la plupart des circonstances, par un seul pilote; cependant, presque tous les pilotes interviewés ont déclaré que si tous les vols étaient effectués avec deux pilotes, ces opérations seraient plus sécuritaires parce qu’un pilote peut devenir très occupé au cours d’une opération à un seul pilote.

    • Quelques pilotes ont déclaré croire que cet événement aurait pu être évité si 2 pilotes avaient été à bord de l’aéronef.

    1.18.3 Événements antérieurs

    Pour mieux comprendre le risque d’avertissement de décrochage erroné, les enquêteurs ont examiné les événements rapportés précédemment et ont communiqué avec des exploitants de PC-12 du Canada et du monde entier, ainsi qu’avec les fabricants de l’aéronef et du système de détection d’angle d’attaque. Les enquêteurs se sont également penchés sur la base de données du système de rapports de sécurité aérienne de la NASA et sur les bases de données des systèmes de rapports de difficultés en service de la FAA et de TC. L’examen de cette dernière n’a donné aucun résultatEn date de septembre 2022..

    1.18.3.1 Enquête antérieure du BST

    Le 9 mai 2022Événement de catégorie 5 A22C0034 du BST., un aéronef Pilatus PC-12/47E effectuait un vol IFR entre Winnipeg/St. Andrews (CYAV) (Manitoba) et Gods Lake Narrows (CYGO) (Manitoba). Deux pilotes se trouvaient à bord. Peu après le décollage, le vibreur de l’aéronef s’est activé et l’avertissement de décrochage a retenti. L’équipage de conduite a choisi de rester dans des conditions de vol VFR et de rester sous les nuages, dont la base se trouvait à une altitude d’environ 1000 pieds AGL. L’équipage de conduite a déclaré une urgence et est revenu poser l’appareil. En raison de l’activation du vibreur et de l’avertissement sonore de décrochage, l’équipage de conduite a eu beaucoup de mal à communiquer pendant l’événement. Puisque l’aéronef était à proximité de la piste et qu’il était difficile de communiquer avec l’autre pilote, le commandant de bord (qui occupait le siège de gauche) a décidé de cesser d’essayer de localiser le disjoncteur STALL WARN 2 (situé sur le côté droit du poste de pilotage) en vue de le tirer et a choisi de poursuivre le circuit VFR jusqu’à l’atterrissage.

    Une inspection subséquente effectuée par le personnel de maintenance de l’exploitant aérien a révélé que le transmetteur d’angle d’attaque était défectueux. Le transmetteur d’angle d’attaque a été remplacé et l’aéronef a été remis en service.

    1.18.3.2 Expériences d’autres exploitants aériens de PC-12

    Entre 2019 et 2023, un exploitant aérien de PC-12 piloté par un équipage multiple a connu 4 cas de faux avertissements de décrochage au décollage. Dans chacun de ces cas, dès que l’aéronef a pris son envol, le vibreur et l’avertissement de décrochage sonore continu se sont activés. Dans 1 seul cas, l’équipage de conduite a suivi la procédure d’urgence en cas d’activation par inadvertance du vibreur et a tiré sur les disjoncteurs STALL WARN. Dans les 3 autres cas, l’équipage de conduite a choisi de poursuivre le circuit VFR jusqu’à l’atterrissage tandis que le vibreur et l’avertissement sonore de décrochage étaient toujours activés.

    Un autre exploitant aérien de PC-12 a signalé 2 événements similaires au décollage. Dans l’un de ces cas, le pilote a interrompu le décollage et a atterri droit devant. Le problème était lié à une girouette d’angle d’attaque défectueuse. Le pilote de l’aéronef dans cet événement a déclaré que l’inspection pré-vol n’avait révélé aucun problème avec les girouettes d’angle d’attaque. Le même exploitant aérien a indiqué que son personnel de maintenance avait détecté des girouettes d’angle d’attaque qui étaient saisies ou qui ne bougeaient pas librement. En conséquence, l’exploitant aérien a publié un bulletin de sécurité interne pour s’assurer que les pilotes vérifient soigneusement que les girouettes d’angle d’attaque se déplacent adéquatement pendant les inspections pré-vol.

    1.18.3.3 Fabricants
    1.18.3.3.1 Collins Aerospace

    Le fabricant des transmetteurs d’angle d’attaque était au courant d’un événement survenu en 2013 au cours duquel la défaillance d’un transmetteur d’angle d’attaque avait conduit à une enquête officielle par la FAA. Collins n’était pas partie à l’enquête; toutefois, le fabricant a découvert que la courroie reliant la girouette au résolveur sur l’appareil s’était rompue et avait produit une activation par inadvertance du vibreur ainsi qu’un avertissement sonore de décrochage.

    1.18.3.3.2 Pilatus Aircraft Ltd.

    Les dossiers de Pilatus font état de 52 événements, parmi les 10,6 millions d’heures de vol de l’ensemble de la flotte d’aéronefs, qui ont donné lieu à une activation par inadvertance du vibreur. Selon les rapports, onze de ces 52 événements sont survenus au décollage. Pour ce qui est des autres événements, soit ils ne sont pas survenus au décollage, soit la phase de vol n’était pas indiquée dans les dossiers au moment où l’événement est survenu.

    1.18.3.4 National Aeronautics and Space Administration et la Federal Aviation Administration

    Un examen des bases de données du système de rapports de sécurité aérienne de la NASA et du système de rapports de difficultés en service de la FAA a révélé plusieurs événements où de faux avertissements de décrochage ont été émis au décollage sur le PC-12. Ces événements, dont l’un illustre les difficultés que rencontrent même les équipages à 2 pilotes lorsqu’ils réagissent à l’activation par inadvertance du vibreur et qu’ils suivent la procédure appropriée, sont résumés à l’annexe A.

    2.0 Analyse

    L’analyse portera sur les facteurs qui ont joué un rôle dans l’événement à l’étude, en plus de cerner certains enjeux qui représentent un risque pour la sécurité aérienne. L’analyse portera en particulier sur le pilotage de l’aéronef, le système d’avertissement de décrochage de l’aéronef PC-12 de Pilatus Aircraft Ltd. (Pilatus), la performance humaine, les procédures d’exploitation normalisées (SOP) de l’exploitant aérien ainsi que la formation et les procédures d’intervention en cas d’urgence attribuable à l’activation par inadvertance du vibreur sur le PC-12.

    2.1 Pilotage de l’aéronef

    Peu après le décollage de la piste 32L, le pilote a d’abord tenté d’effectuer un demi-tour et d’atterrir sur la piste 14R; toutefois, après avoir fait demi-tour, l’aéronef n’était pas en mesure de se poser de façon sécuritaire. Plus précisément, il se trouvait trop haut, à une hauteur d’environ 350 pieds au-dessus du sol (AGL), et était trop loin sur la piste. À ce moment-là, le pilote volait à vue en longeant la piste 14R alors que les plafonds étaient bas et que la visibilité était inférieure aux limites des règles de vol à vue (VFR); il a donc dû mettre au point rapidement un nouveau plan.

    Le pilote a dû tenir compte des risques que comportait le fait de s’aventurer trop loin de l’aéroport, dans des conditions météorologiques de vol aux instruments, et la possibilité de perdre ses repères visuels en terrain montagneux peu connu, plutôt que de rester près du terrain d’aviation et de garder la piste en vue en tout temps. Le pilote a opté pour cette dernière option, estimant qu’il était plus sûr de rester sous les nuages. Ce plan a ensuite obligé le pilote à manœuvrer à faible vitesse anémométrique et à faible hauteur au-dessus du sol, dans une visibilité réduite.

    Tandis que l’aéronef volait parallèlement à la piste 14R, le pilote a reconnu la nécessité de s’éloigner de la piste pour tenir compte du rayon de virage de l’aéronef en vue d’effectuer un virage de 180° à l’approche finale. Pour ce faire, le pilote a effectué une petite correction de cap pour s’écarter vers la droite. Pendant cette manœuvre, son attention était portée sur la piste. Cela a probablement contribué au fait que le pilote a omis de sortir les volets pour l’atterrissage, en plus de conduire à une réduction involontaire de la vitesse anémométrique jusqu’à moins de 0,5 nœud de la vitesse de décrochage calculée.

    Au moment où l’aéronef franchissait par le travers, à 1300 pieds à l’ouest, le seuil de la piste 32L, il se trouvait à environ 200 pieds AGL, à une vitesse anémométrique calibrée de 100 nœuds. Le pilote a alors amorcé un virage à gauche de 180°, avec des angles d’inclinaison allant généralement de 5° à 20°. En conséquence, l’aéronef a traversé le prolongement de l’axe longitudinal presque perpendiculairement, sur un cap vers l’est, à environ 0,4 mille marin (NM) du seuil de la piste 32L. Reconnaissant que l’aéronef avait dépassé la trajectoire d’approche finale, le pilote a augmenté l’angle d’inclinaison à gauche à environ 47° pour réduire le rayon de virage de l’aéronef et garder la piste en vue.

    À environ 0,5 NM à l’est du seuil de piste, l’aéronef a atteint l’apex du virage à gauche et a commencé à voler, sur un cap vers le nord-ouest puis l’ouest, en direction de la piste 32L. Cependant, en raison de la proximité de la piste, ce cap a placé l’aéronef sur une trajectoire qui lui a fait traverser la piste 32L à un angle d’environ 75° et à une distance d’environ 600 pieds au-delà du seuil. Quand il a traversé la piste 32L, l’aéronef était incliné à droite de 40° à une vitesse anémométrique calibrée de 96 nœuds et à une hauteur d’environ 100 pieds AGL. Le pilote, qui était très décidé à atterrir, a augmenté l’inclinaison à droite jusqu’à un maximum de 46° alors que l’aéronef passait sous les 50 pieds AGL. Cette augmentation de l’inclinaison, à une faible vitesse et avec les volets rentrés, a fait chuter la vitesse de l’aéronef à environ 10 nœuds sous la vitesse anémométrique calculée, ce qui a probablement fait entrer l’aéronef en décrochage aérodynamique à une très faible hauteur au-dessus du sol.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Dans les derniers instants du vol, le virage à droite à plus de 45° d’inclinaison, alors que l’aéronef volait à une faible hauteur au-dessus du sol et tout juste au-dessus de la vitesse de décrochage calculée, a probablement entraîné le décrochage aérodynamique de l’aéronef, avec une hauteur insuffisante pour en sortir avant l’impact avec le relief.

    2.2 Faux avertissement de décrochage

    Le système d’avertissement de décrochage du PC-12 est inhibé jusqu’à ce que le commutateur de référence air-sol indique que l’aéronef est en vol. Le système est ainsi conçu de façon à éviter les faux avertissements de décrochage au sol. Toutefois, cela signifie aussi que dans certaines situations, comme celle qui est survenue lors du vol à l’étude au cours duquel la courroie en acier inoxydable de l’un des transmetteurs d’angle d’attaque s’est rompue, le pilote ne se rendra compte de l’existence d’un problème qu’après le décollage. En fonction de diverses variables, comme la longueur de piste disponible, les conditions météorologiques et la charge de travail du pilote, cette situation peut présenter un certain nombre de difficultés pour le pilote, surtout au cours d’opérations à un seul pilote.

    Le système d’avertissement de décrochage du PC-12 dépend d’une courroie en acier inoxydable de 0,05 mm d’épaisseur montée sur un jeu de poulies à l’intérieur du transmetteur d’angle d’attaque pour transmettre les changements d’angle d’attaque au calculateur du pousseur de manche. La courroie est vissée, à travers des trous, aux poulies du résolveur (extrémité arrière) et de la sonde (extrémité avant) du transmetteur. La courroie est répertoriée par Collins comme un composant remplaçable [traduction] « selon l’état », et elle a été conçue pour une durée moyenne avant défaillance d’environ 2500 heures de vol. Le transmetteur d’angle d’attaque, y compris tous ses composants (p.ex. la courroie), n’est assorti d’aucune exigence d’entretien à bord de l’aéronef. Une fois installé, il n’est retiré de l’aéronef que lorsqu’il présente une défaillance. Si une défaillance survient, le transmetteur est envoyé au fabricant pour une remise en état et/ou son remplacement, ce qui comprend normalement l’installation d’une nouvelle courroie dans le transmetteur d’angle d’attaque. Par conséquent, les exploitants aériens n’ont aucun moyen d’inspecter la courroie pour y détecter d’éventuelles fissures de fatigue. Un transmetteur d’angle d’attaque peut donc demeurer en service bien au-delà de la durée moyenne avant défaillance de la courroie. Une fois cette durée dépassée, il est raisonnable de s’attendre à une augmentation des probabilités de défaillance des composants, et ce, pour diverses raisons, notamment, la formation non détectée de fissures de fatigue.

    Un examen des transmetteurs d’angle d’attaque effectué après l’événement a révélé que la courroie en acier inoxydable du transmetteur d’angle d’attaque gauche, qui avait accumulé 4090 heures de vol, s’était rompue à 2 endroits. Il a été déterminé que l’une de ces ruptures, qui présentait des signes de surcharge, était directement liée à la séquence d’impact; cependant, l’autre rupture, qui se trouvait à l’extrémité sonde de la courroie, était importante pour l’enquête. L’examen de la rupture à l’extrémité sonde de la courroie d’angle d’attaque gauche a révélé des fissures de fatigue sur plus de 85 % de la surface de rupture. Les 15 % restants de la surface de rupture étaient attribuables à une surcharge. Ces fissures de fatigue ont affaibli considérablement la courroie, jusqu’à ce qu’elle soit incapable de résister à une force de plus de 1,5 livre (0,7 kg). Il est fort probable que la fissure de fatigue soit apparue à un endroit où des piqûres de surface avaient été laissées par le procédé de fabrication par gravure humide et se soit propagée au fil du temps, affaiblissant la courroie jusqu’à ce que, à un moment donné avant la rotation pendant le décollage du vol à l’étude, les forces appliquées à la courroie provoquent finalement sa rupture. La courroie inférieure étant rompue, les forces gravitationnelles ont fait tourner le contrepoids sur la poulie du résolveur, à l’extrémité arrière, jusqu’à une position qui a généré un avertissement de décrochage dès que le système est devenu actif au décollage.

    En 2023, une nouvelle conception de transmetteur d’angle d’attaque qui ne dépendait pas du procédé de fabrication par gravure humide a fait son apparition. Selon Pilatus, à l’origine, ce changement de conception visait à résoudre des problèmes de fiabilité de l'émetteur d'angle d'attaque du PC-21, liés à un élément chauffant défaillant et à des aubes qui collent. La conception a ensuite été appliquée à la version du PC-12 en raison de leur similitude. Selon Collins, ce changement au procédé de fabrication réduit les piqûres sur la courroie après une exposition prolongée à l'atmosphère, ce qui a pour effet d’augmenter sa durée de vie et de réduire le taux de défaillance. Bien que de nombreux cas de faux avertissements de décrochage aient été consignés, Pilatus n’avait pas l’intention, au moment de la rédaction du présent rapport, de publier un bulletin de service ou une lettre de service concernant cette nouvelle conception de transmetteur. Il prévoit plutôt mettre à niveau les transmetteurs d’angle d’attaque au cours des réparations découlant de l’attrition normale du composant.

    Il se peut donc que certains exploitants aériens ne sachent pas qu’une nouvelle conception, moins vulnérable aux défaillances comme celle qui s’est produite dans l’événement à l’étude, est disponible. De même, étant donné que les exploitants d’aéronefs PC-12 existants ne sont pas tenus de passer à la nouvelle conception, il est fort probable qu’il y ait d’autres cas de faux avertissements de décrochage au décollage à la suite d’une défaillance inattendue de la courroie d’angle d’attaque.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Il s’est formé dans la courroie en acier inoxydable du transmetteur d’angle d’attaque gauche une fissure de fatigue probablement attribuable au procédé de conception par gravure humide. La courroie étant un composant remplaçable selon l’état, la fissure de fatigue est passée inaperçue jusqu’à ce que la courroie se rompe au décollage du vol à l’étude, ou juste avant, ce qui a fait en sorte que le transmetteur d’angle d’attaque a transmis un faux signal de décrochage dès que l’aéronef a pris son envol.

    2.3 Facteurs de performance humaine

    Les aéronefs modernes offrent aux pilotes un niveau de fiabilité qui peut parfois les amener à développer une mentalité de normalité. Par exemple, si un type d’aéronef connaît rarement des problèmes au décollage, les pilotes peuvent être conditionnés à croire qu’un tel problème ne se produira jamais. Par la suite, si un imprévu (p. ex. une situation d’urgence) se produit effectivement, celui-ci peut générer une réaction de stress accrue en raison de l’effet de surprise. Malheureusement, tant que l’incertitude et la confusion concernant cette situation persistent, il est peu probable que le niveau de stress des pilotes diminue. En fait, le stress peut augmenter au fur et à mesure que ces derniers tentent en vain de comprendre ce qui se passe. Si des facteurs de stress supplémentaires sont introduits par la suite, ils peuvent provoquer une réaction de stress modérée à sévère qui aura des répercussions négatives sur la performance des pilotes. En particulier, le stress aigu peut conduire à divers troubles cognitifs, notamment un rétrécissement de l’attention et de la distraction.

    Dans les derniers instants du vol à l’étude, l’aéronef est probablement entré en décrochage aérodynamique à une hauteur au-dessus du sol empêchant tout rétablissement. Pour bien comprendre les circonstances qui ont conduit à cette situation, il faut examiner les facteurs et les séries de faits en cascade qui ont contribué au résultat de cet événement. Il s’agit notamment des facteurs suivants :

    • l’événement surprise (c.-à-d. l’activation de l’avertissement sonore de décrochage à un moment inattendu, ce qui n’avait pas de sens pour le pilote);
    • l’inquiétude liée à l’activation du pousseur à une faible hauteur au-dessus du sol, inquiétude que le pilote avait été conditionné à développer pendant sa formation;
    • un sentiment d’urgence, dû à l’incertitude de la situation, incitant le pilote à atterrir dès que possible;
    • la décision de poursuivre le décollage parce que le pilote pensait que la longueur de piste restante était insuffisante pour atterrir et immobiliser l’aéronef de façon sécuritaire;
    • le virage à gauche automatique et involontaire du pilote vers un relief plus élevé pendant la montée initiale (peut-être une action intuitive acquise au cours de sa formation);
    • la commande de manœuvres prononcées à l’approche de l’apex du demi-tour qui ont entraîné l’activation de l’avertissement sonore « Bank Angle, Bank Angle » du système d’avertissement de proximité du sol amélioré (EGPWS), alors que l’aéronef atteignait une inclinaison maximale de 66° à gauche;
    • un taux de descente élevé dans la dernière moitié du demi-tour, qui a déclenché l’avertissement « Don't Sink, Don't Sink » de l’EGPWS, suivi de l’avertissement « Caution Terrain, Caution Terrain »;
    • les nuages bas et la visibilité réduite, qui ont augmenté la charge de travail du pilote;
    • le manque d’expérience et de familiarité du pilote avec le vol VFR aux environs de CYXY;
    • la nécessité pour le pilote de concevoir rapidement un nouveau plan après l’échec du demi-tour;
    • l’avertissement de décrochage sonore continu, qui a constitué une source de distraction et de stress;
    • le fait que le pilote ne savait pas comment mettre en sourdine l’avertissement de décrochage sonore continu, ce qui a probablement aggravé une situation déjà stressante;
    • le fait qu’il s’agissait pour le pilote d’une situation inédite qui exigeait beaucoup de ressources cognitives;
    • le fait que le pilote effectuait le vol seul, ce qui a augmenté sa charge de travail;
    • le dépassement par le pilote de l’axe de la piste 32L, qui a fait en sorte d’augmenter sa charge de travail et son niveau de stress;
    • les manœuvres prononcées effectuées dans les dernières secondes du vol pour tenter d’aligner l’aéronef sur la piste 32L.

    La chronologie des faits a commencé par l’événement surprise initial : l’avertissement sonore de décrochage continu. Le pilote n’avait jamais vécu ce type de situation auparavant et n’avait pas eu connaissance d’événements similaires. Par conséquent, l’activation de l’avertissement sonore de décrochage à un moment du vol où il était à la fois inattendu et incompatible avec ce que le pilote voyait a provoqué une réaction de stress intense et immédiate. La combinaison des événements et des facteurs énumérés ci-dessus a alors imposé des couches supplémentaires de stress au pilote, qui était seul pour gérer la situation et qui volait sous un plafond nuageux bas, par visibilité réduite et en terrain montagneux peu connu.

    Étant donné que le pilote n’a pas été en mesure de mettre en sourdine l’avertissement de décrochage sonore continu, une source importante de distraction et de stress a persisté. De plus, l’incertitude croissante associée à la situation a fait augmenter le niveau de stress du pilote jusqu’à ce que le rétrécissement de l’attention et les distractions nuisent à sa performance en réduisant sa capacité à traiter les indices dans son environnement; par exemple :

    • Le pilote a eu du mal à évaluer correctement la longueur de piste disponible pour effectuer un décollage interrompu.
    • Lors de la tentative de demi-tour, l’aéronef était trop haut et trop loin sur la piste 14R pour pouvoir s’y poser en toute sécurité.
    • L’avertissement sonore de décrochage continu était source de distraction pour le pilote et a contribué à ce que ce dernier oublie de sortir les volets pour l’atterrissage, comme le prévoyaient les procédures publiées. La marge de décrochage de l’aéronef a été réduite d’environ 10 nœuds en conséquence.
    • Avant que le pilote n’amorce le virage à gauche pour la piste 32L, son attention était dirigée vers la piste. Cette situation a probablement entraîné une interruption momentanée du balayage visuel des instruments par le pilote, car la vitesse anémométrique de l’aéronef a diminué jusqu’à moins de 0,5 nœud de la vitesse de décrochage calculée. Le profil de vol de l’aéronef a également déclenché l’avertissement « Don't Sink, Don't Sink » sur l’EGPWS.
    • La position à partir de laquelle l’aéronef a entamé le virage à gauche pour la piste 32L, et ses angles d’inclinaison à ce moment-là, ont fait en sorte que l’aéronef a dépassé l’axe d’environ 0,5 NM.
    • Pendant ce virage à gauche vers la piste 32L, l’aéronef a atteint un angle d’inclinaison de 47° alors qu’il se trouvait à moins de 250 pieds au-dessus du sol.
    • Après avoir dépassé l’axe, le pilote a mis l’aéronef sur une trajectoire qui a fait en sorte que l’aéronef s’est approché de la piste 32L et l’a traversée à un angle d’environ 75°.
    • Alors que l’aéronef survolait la piste 32L, à environ 600 pieds au-delà du seuil, le pilote a commandé des manœuvres prononcées, ce qui a fait chuter la vitesse anémométrique de l’aéronef au-dessous de la vitesse de décrochage calculée.

    Plusieurs des résultats soulignés ci-dessus sont révélateurs d’une personne qui est aux prises avec une réaction de stress importante en raison d’un sentiment d’urgence lié à la nécessité d’atterrir le plus rapidement possible. Par conséquent, tandis que le pilote tentait une dernière fois d’aligner l’aéronef sur la piste 32L, des indices critiques relatifs au profil de vol de l’aéronef sont passés inaperçus, ce qui a probablement fait en sorte que l’aéronef est entré en décrochage aérodynamique par inadvertance.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Alors qu’il tentait d’aligner l’aéronef en vue de l’atterrissage, le pilote a subi un rétrécissement de l’attention en raison d’une réaction de stress intense face à un événement surprenant. Par conséquent, l’attention du pilote a été dirigée à l’extérieur de l’aéronef, et le pilote a placé involontairement l’aéronef dans un régime de vol qui s’est probablement traduit par un décrochage aérodynamique à une très faible hauteur au-dessus du sol.

    2.4 Procédures d’exploitation normalisées relatives aux auto-exposés avant le décollage

    La Sous-direction du service de l’air de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) dispose de SOP qui soulignent l’importance de la gestion des ressources de l’équipage (CRM) dans les opérations en équipage multiple et les opérations à un seul pilote. Les SOP soulignent également l’importance de cerner les menaces et de tenter de les éliminer ou de les réduire en transformant les menaces imprévisibles en menaces prévisibles. L’exposé avant le décollage est une stratégie de CRM qui peut contribuer à l’atteinte de cet objectif et qui est largement utilisée dans les opérations en équipage multiple. Selon les SOP du PC-12 de la GRC, les exposés avant le décollage doivent être effectués lorsque l’aéronef est exploité par 2 pilotes. Cet exposé doit comprendre les éléments suivants :

    • une discussion sur le réglage de la puissance, le type de décollage et la montée initiale;
    • un plan en cas de défaillances avant ou après la rotation (p. ex. interruption ou rétablissement);
    • la procédure de départ;
    • toute procédure non standard prévue.

    En revanche, les pilotes de PC-12 de la GRC ne sont pas tenus d’effectuer un exposé avant le décollage au cours d’une opération à un seul pilote. Par conséquent, les SOP de la GRC peuvent avoir contribué implicitement à donner aux pilotes l’impression qu’un « auto-exposé » structuré au décollage ne représente pas une stratégie de CRM importante au cours d’opérations à un seul pilote.

    Étant donné que les pilotes de PC-12 de la GRC effectuent habituellement les vols à un seul pilote, ils se trouvent rarement dans des situations nécessitant un exposé avant le décollage; ils ont donc peu d’occasions de faire de cette stratégie de CRM une habitude et d’en renforcer l’importance. Même si certains pilotes ont reconnu que les exposés avant le décollage étaient bénéfiques, ils ont aussi indiqué qu’ils n’étaient généralement pas effectués parce qu’ils n’étaient pas exigés au cours des opérations à un seul pilote.

    Conformément aux pratiques généralement acceptées au sein de la GRC, le pilote de l’aéronef à l’étude n’a pas effectué d’exposé avant le décollage comme celui qui est exigé pour les opérations en équipage multiple, et un exposé n’était pas requis. L’absence d’exposé avant le décollage (c.-à-d. de répétition mentale) avant l’événement surprenant (le faux avertissement de décrochage) peu après le décollage a probablement contribué à une augmentation rapide du niveau de stress et de la charge de travail du pilote, puisque ce dernier a dû traiter rapidement les indices inattendus provenant de l’environnement et prendre ensuite des décisions alors que le temps pressait. Certaines de ces décisions consistaient à savoir s’il fallait :

    • interrompre le décollage ou poursuivre le vol;
    • monter dans les nuages avec un avertissement de décrochage actif ou poursuivre le vol à vue par visibilité réduite;
    • virer à gauche ou à droite pour faire le demi-tour, après avoir pris la décision de poursuivre le vol à vue.

    Peu après le décollage, le pilote a envisagé brièvement d’interrompre le décollage, mais a estimé que la longueur de piste restante était insuffisante. À ce moment-là, le régime avait été réduit, la vitesse de l’aéronef était de 120 nœuds, sa hauteur était de 40 pieds AGL et il restait plus de 3700 pieds de piste. Il est probable que l’absence de répétition mentale avant le décollage, combinée à la visibilité réduite vers l’avant, ait joué un rôle dans l’estimation par le pilote que la longueur de piste restante était insuffisante pour interrompre le décollage, alors qu’elle était plus du double de la longueur estimée nécessaire pour interrompre le décollage à cette hauteur et à cette vitesse anémométrique.

    Après avoir décidé de poursuivre le décollage, le pilote a dû prendre rapidement une décision entre poursuivre le vol à vue et pénétrer dans les nuages avec un avertissement de décrochage actif et continu, et il a choisi de poursuivre le vol à vue. Puisque le pilote n’avait pas fait d’auto-exposé sur les mesures de rétablissement d’urgence avant le vol, cette décision a dû être prise en présence de fortes contraintes temporelles, probablement sans tenir compte de certains facteurs de risque. Par exemple, il est très probable que la décision de poursuivre le vol à vue ait été prise sans comprendre entièrement les risques associés à l’exécution de manœuvres à vue effectuées à faible hauteur au-dessus du sol et par visibilité réduite à proximité d’un aéroport où le pilote n’avait effectué que des départs et des arrivées selon les règles de vol aux instruments.

    Il est possible qu’en l’absence d’un plan de rétablissement avant le décollage présenté par auto-exposé, le pilote ait viré à gauche intuitivement pendant la montée initiale, ce qui a amené l’aéronef vers un relief plus élevé qui présentait un danger en raison des plafonds bas et de la visibilité réduite. Une fois l’aéronef établi dans le virage à gauche, le pilote s’est rappelé que la procédure de circuit à vue publiée exigeait que les pilotes virent à droite en raison du relief plus élevé à l’ouest (gauche) de l’aérodrome. En effectuant accidentellement le virage à gauche, le pilote a ajouté un stress supplémentaire à une situation déjà stressante.

    Un exposé avant le décollage structuré peut faciliter la prise de décision du pilote, qu’il s’agisse d’opérations en équipage multiple ou à un seul pilote. Dans chacun des 3 exemples mentionnés ci-dessus, le pilote a pris par inadvertance des décisions urgentes qui ont contribué à augmenter son niveau de stress général et à réduire les marges de sécurité. Prendre le temps au sol pour élaborer des plans et présenter un exposé sur les mesures d’urgence peut réduire considérablement les exigences cognitives imposées à un pilote qui doit composer avec une situation d’urgence pendant qu’il est en vol. Par exemple, si, avant un vol, un pilote examine la longueur de piste nécessaire pour un atterrissage par rapport à la longueur de piste disponible pour celui-ci, il sera mieux à même de déterminer si la distance est suffisante pour effectuer un décollage interrompu ou s’il doit poursuivre le vol. De même, en présentant un exposé sur les mesures de rétablissement d’urgence, comme la direction à prendre, l’itinéraire à suivre et la décision de poursuivre le vol dans les nuages ou de maintenir le vol VFR, le pilote libérera des ressources cognitives, étant donné que certaines de ces décisions auront été prises à l’avance. Cela est particulièrement important au cours des opérations à un seul pilote, où le pilote doit gérer à lui seul toutes les exigences associées au traitement cognitif.

    Fait établi quant aux risques

    Si les SOP relatives aux opérations à un seul pilote excluent les éléments traditionnellement associés aux opérations en équipage multiple, comme les exposés avant le décollage, il y a un risque accru que les pilotes prenant part à des opérations à un seul pilote ne soient pas suffisamment préparés pour réagir à une situation d’urgence.

    2.5 Formation et procédures relatives aux situations d’urgence attribuables à l’activation par inadvertance du vibreur

    2.5.1 Généralités

    D’après les renseignements contenus dans le manuel d’utilisation du pilote (POH) du PC-12 de Pilatus, le pilote a vécu ce qu’on appelle une situation d’urgence attribuable à une [traduction] « activation par inadvertance du vibreur ». Compte tenu du résultat de cet événement, les enquêteurs ont examiné la formation dispensée aux pilotes, ainsi que les procédures figurant dans le POH, pour aborder cette situation d’urgence. Outre le fait de secouer le volant, l’activation du vibreur n’a pas d’incidence sur la façon dont l’aéronef réagit aux commandes de vol, et l’aéronef peut donc être piloté pendant que le vibreur est activé.

    Cependant, l’avertissement sonore de décrochage qui accompagne celui-ci peut être une grande source de distraction pour le pilote, comme on l’a constaté dans l’événement à l’étude et dans d’autres événements. En l’absence de formation et de procédures claires permettant aux pilotes de réagir adéquatement à cette situation d’urgence, l’activation du système avertisseur de décrochage peut susciter une réaction de stress importante.

    Le reste de la présente section portera sur la formation dispensée aux pilotes de PC-12 de la GRC pour composer avec une activation par inadvertance du vibreur, ainsi que sur les procédures qui sont en place pour aider les pilotes à prendre des décisions lorsqu’ils sont exposés à cette situation d’urgence.

    2.5.2 Formation

    La formation, tant initiale que périodique, des pilotes de PC-12 de la GRC est assurée par un fournisseur et des instructeurs tiers. L'examen de cette formation a permis de faire les constatations suivantes en ce qui concerne les connaissances générales des pilotes :

    • Il y avait des lacunes dans les connaissances sur les systèmes d’aéronef, plus précisément en ce qui a trait au système avertisseur de décrochage (p. ex., les pilotes étaient incapables d’indiquer le nom et l’emplacement des disjoncteurs) et aux indications qui apparaîtraient dans le poste de pilotage si un seul transmetteur d’angle d’attaque décelait un état de décrochage.
    • La fonction du commutateur AURAL WARN INHIBIT et les situations dans lesquelles il peut être utilisé étaient très mal comprises.

    En ce qui concerne l’entraînement sur simulateur, l’examen a révélé ce qui suit :

    • Il s’articulait principalement autour d’aérodromes aux États-Unis.
    • Les demi-tours d’urgence exigeaient souvent un virage à gauche.
    • Les défaillances de l’avertisseur de décrochage étaient axées sur l’activation par inadvertance du pousseur.
    • Les pilotes effectuaient des décollages interrompus à partir de diverses hauteurs après la rotation.

    Bien qu’une activation par inadvertance du vibreur n’a aucun effet sur la façon dont l’aéronef réagit aux sollicitations des commandes de vol, elle présente tout de même un certain nombre de difficultés, surtout pour un pilote qui n’a jamais vécu cette situation. Bien que l’incidence des situations d’urgence avec activation par inadvertance du vibreur soit relativement faible, de telles situations se sont produites à plusieurs reprises pendant la durée de vie du PC-12. Dans plusieurs événements où le vibreur a été activé par inadvertance, les pilotes n’ont pas suivi la procédure en situation d’urgence publiée.

    Bien que les documents relatifs à ces événements soient limités, un exemple (annexe A) rapporté par le système de rapports de sécurité aérienne de la National Aeronautics and Space Administration (NASA) des États-Unis indique clairement que, même pour un équipage à 2 pilotes, une telle situation d’urgence peut être difficile à gérer. Dans cet exemple particulier, les pilotes ont déclaré que l’avertissement sonore de décrochage causait [traduction] « beaucoup de distraction » et qu’il leur était difficile de communiquer avec le contrôleur de la circulation aérienne et entre eux.

    Après l’événement, la GRC a organisé de nombreuses séances sur simulateur pour recréer le scénario de l’événement à l’étude. Comme dans le cas de l’événement de la NASA décrit ci-dessus, les pilotes de la GRC qui ont participé aux reconstitutions sur simulateur ont déclaré que l’avertissement sonore de décrochage, s’il n’était pas interrompu, causait beaucoup de distraction. L’un des pilotes de la GRC a tenté d’exécuter la procédure en situation d’urgence publiée. Ce pilote, qui respectait largement les critères anthropométriques du poste de pilotage, a eu du mal à atteindre le disjoncteur STALL WARN 2 et à tirer dessus tout en maîtrisant l’aéronef.

    Comme on l’a mentionné, l’un des meilleurs moyens de réduire la probabilité et l’effet des événements surprenants pour les pilotes est d’exposer ces derniers à des situations similaires pendant leur formation. Plus un pilote est conditionné à réagir à des événements de surprise et de sursaut, mieux il sera équipé pour gérer la réaction de stress qui pourrait survenir. Ce type de formation crée de la résilience, car les pilotes s’habituent à prévoir et gérer les situations où des décisions doivent être prises rapidement.

    Pour être efficace, cette formation doit aussi encourager les pilotes à anticiper les problèmes possibles et à répéter mentalement les mesures à prendre si ces problèmes se présentent. Autrement, les pilotes peuvent devenir compétents dans la gestion des scénarios répétés, mais éprouver des difficultés à traiter et à gérer les situations inédites lorsque le temps presse.

    Dans le cas de la Sous-direction du service de l’air de la GRC, l’entraînement sur simulateur était axé sur un scénario d’activation par inadvertance du pousseur, compte tenu de la gravité potentielle de cette situation d’urgence à une faible hauteur au-dessus du sol. Par conséquent, les pilotes de PC-12 de la GRC n’étaient pas exposés à une situation d’urgence attribuable à l’activation par inadvertance du vibreur pendant la formation. Ainsi, ces pilotes, qui n’avaient pas non plus connaissance de situations d’urgence antérieures attribuables à une activation par inadvertance du vibreur, possédaient une compréhension incomplète des symptômes d’une situation d’urgence attribuable à une activation par inadvertance du vibreur et des mesures à prendre.

    Étant donné que la formation de la GRC sur la défaillance de l’avertisseur de décrochage du PC-12 était axée sur l’activation involontaire du pousseur, on peut comprendre que les pilotes, dans une situation d’urgence attribuable à une activation par inadvertance du vibreur, se rabattent d’abord à ce qu’on leur a enseigné, surtout s’ils ont été conditionnés à comprendre qu’une activation par inadvertance du pousseur est particulièrement dangereuse à basse altitude.

    On peut également comprendre que les pilotes, dans des situations inédites perçues comme comportant un risque élevé, puissent subir une surcharge cognitive attribuable à un stress aigu alors qu’ils tentent de comprendre des indications inattendues et déroutantes dans le poste de pilotage qu’ils n’ont jamais observées auparavant.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    La formation de la GRC sur les défaillances du système avertisseur de décrochage du PC-12 était uniquement axée sur l’activation par inadvertance du pousseur de manche. Par conséquent, le pilote dans l’événement à l’étude ne comprenait pas bien les symptômes d’un faux avertissement de décrochage ni les options qui s’offraient à lui pour atténuer les risques associés à cette situation d’urgence.

    2.5.3 Procédures

    La section sur les situations d’urgence du POH du PC-12 commence par mettre en évidence le processus de travail « PPAA » recommandé par Pilatus pour composer avec les situations anormales ou d’urgence. Ce processus en 4 étapes se compose des éléments suivants : la puissance, la performance, l'analyse et l’action. Au-delà de ces directives, les pilotes sont censés s’appuyer sur la section 3 du POH pour connaître les procédures à suivre en réaction à une situation d’urgence.

    La procédure à suivre en cas d’activation par inadvertance du vibreur se trouve à la section 3.13 et est intitulée « Inadvertent Pusher/Shaker Operation ». Cette section décrit en détail les mesures à prendre en cas d’activation par inadvertance du pousseur, puis celles à prendre en réaction à une activation par inadvertance du vibreur. Ces événements constituent 2 situations d’urgence distinctes.

    Dans l’événement à l’étude, le pilote a eu du mal à comprendre la gravité de la situation et à déterminer les mesures à prendre pour composer avec la situation d’urgence attribuable à l’activation par inadvertance du vibreur. L’enquête a aussi révélé que d’autres pilotes de PC-12 de la GRC comprenaient à divers degrés cette situation d’urgence, ses causes et les mesures à prendre pour y remédier. En conséquence, les enquêteurs ont cherché à mieux comprendre la procédure destinée à faciliter la prise de décision des pilotes confrontés à une situation d’urgence due à une activation par inadvertance du vibreur.

    Notamment, les enquêteurs ont tenté de déterminer quels aspects, s’il y a lieu, de la procédure relative à une activation par inadvertance du vibreur figurant dans le POH peuvent avoir contribué aux difficultés rencontrées par le pilote de l’aéronef à l’étude, ainsi qu’à la mauvaise compréhension générale de cette situation d’urgence particulière parmi les autres pilotes de PC-12 de la GRC. On a fait les constatations suivantes :

    • Le titre de la procédure, « Inadvertent Pusher/Shaker Operation » (Fonctionnement par inadvertance du pousseur/vibreur), pourrait être interprété comme signifiant que la procédure aborde une situation d’activation par inadvertance du pousseur et du vibreur simultanément. Cela pourrait porter à confusion et donner la fausse impression que les procédures sont liées.
    • La procédure fait état du [traduction] « fonctionnement intempestif du vibreur » comme seule indication d’une situation d’urgence attribuable à une activation par inadvertance du vibreur. Elle ne mentionne aucune considération relative au régime ou à la performance qui pourrait aider le pilote à analyser la situation et à choisir les mesures à prendre. De plus, elle ne mentionne pas l’avertissement sonore de décrochage ni l’avertissement visuel de décrochage du système d’alerte de vol (FAS), 2 indications qui, sur le PC-12, sont liées à l’activation du vibreur et qui pourraient aider le pilote à déterminer s’il convient de suivre la procédure d’urgence en cas d’activation par inadvertance du vibreur.
    • La procédure relative à l’activation par inadvertance du vibreur ne prévoit pas d’autre moyen à prendre par le pilote pour mettre en sourdine l’avertissement sonore de décrochage pendant les périodes où la charge de travail est élevée, lorsqu’il n’est peut-être pas pratique de tirer sur les disjoncteurs STALL WARN 1 et STALL WARN 2. Par exemple, la procédure ne mentionne pas le commutateur AURAL WARN INHIBIT comme moyen possible de mettre rapidement en sourdine un avertissement sonore de décrochage qui peut créer un grave risque de distraction.
    • La procédure d’urgence n’offre aucune explication possible de la cause des faux avertissements de décrochage (p. ex., aucune mention de signal erroné provenant d’un seul transmetteur d’angle d’attaque). Cela pourrait contribuer à ce que les pilotes ne comprennent pas pleinement la gravité de la situation.

    En plus de ces aspects de la procédure relative à l’activation par inadvertance du vibreur qui ont pu contribuer à la confusion du pilote dans l’événement à l’étude, l’enquête a révélé une autre étape de la procédure susceptible de nuire à la capacité d’un pilote à prendre les mesures qui s’imposent. Pour être précis, l’une des étapes exige que le pilote tire sur le disjoncteur STALL WARN 2, qui est situé du côté droit du poste de pilotage.

    Il peut s’avérer difficile pour les pilotes de tirer sur ce disjoncteur, en fonction de leur portée et de leur charge de travail. Bien que cette étape n’ait pas joué de rôle dans l’événement à l’étude, des discussions avec d’autres pilotes de PC-12 ont permis de déterminer qu’il est parfois irréaliste pour un pilote de tirer sur le disjoncteur STALL WARN 2, étant donné que cela détournerait son attention de ses tâches de pilotage.

    Pour comprendre la nature de la situation d’urgence dans laquelle ils se trouvent, les pilotes doivent comprendre clairement les indications de cette situation d’urgence et ses causes possibles. En règle générale, et comme le montre l’événement à l’étude, la compréhension de la situation d’urgence et de sa gravité influera sur la réaction des pilotes.

    Contrairement à certaines procédures d’urgence figurant dans le POH, et comme il est indiqué ci-dessus, la procédure à suivre en cas d’activation par inadvertance du vibreur omet des indications potentiellement importantes qui pourraient aider les pilotes à diagnostiquer cette situation d’urgence, pourraient leur permettre de mieux en comprendre les conséquences, et pourraient les orienter vers les mesures appropriées à prendre.

    En conséquence, les pilotes qui sont confrontés à cette situation d’urgence peuvent avoir de la difficulté à concilier les indications réelles avec celles publiées dans la procédure d’urgence, surtout si la situation s'avère stressante pour eux. Il faut donc s'assurer de fournir aux pilotes des renseignements clairs de façon à les aider à reconnaître les situations d’urgence.

    Fait établi quant aux risques

    Si une procédure d’urgence ne décrit pas clairement les diverses indications d’une situation d’urgence, un pilote peut ne pas pouvoir prendre rapidement, voire ne pas pouvoir prendre du tout, des mesures pour atténuer le risque de la situation.

    Comme le montrent l'événement à l'étude et d’autres événements, une situation d’urgence liée à une activation par inadvertance du vibreur peut se manifester peu après le décollage de l’aéronef. En fonction d’un certain nombre de variables, la charge de travail du pilote peut être très importante pendant la phase de décollage du vol, surtout dans le cas d’une opération à un seul pilote, où le pilote doit évaluer ce qui se passe tout en prenant des décisions pressantes, comme celle d’interrompre le décollage, de poursuivre le décollage et de pénétrer dans les nuages, ou de poursuivre le vol à vue.

    Certains pilotes ayant vécu cette situation d’urgence en vol ont choisi de ne pas essayer de tirer sur les disjoncteurs STALL WARN 1 et STALL WARN 2, comme le prévoit la procédure relative à une activation par inadvertance du vibreur, en raison de considérations relatives à la charge de travail et aux risques. De plus, certains pilotes qui ont été confrontés à cette situation d’urgence ont déclaré que l’avertissement sonore de décrochage peut rendre très difficile la communication entre les membres d’équipage ou avec le contrôle de la circulation aérienne et qu’il peut causer beaucoup de distraction. Les pilotes se retrouvent alors dans une situation difficile où ils doivent essayer de tirer sur les disjoncteurs à un moment potentiellement inopportun, ou tenter de poser l’aéronef alors que l’avertissement sonore de décrochage taxe leurs ressources attentionnelles limitées.

    L’aéronef est équipé d’un autre moyen de mettre en sourdine les alarmes injustifiées; toutefois, ce moyen n’est abordé qu’en termes généraux dans le POH et il n’est pas normalement utilisé par les pilotes de PC-12, sauf après des travaux de maintenance. Les procédures d’urgence, en particulier celle relative à une activation par inadvertance du vibreur, ne mentionnent pas le commutateur AURAL WARN INHIBIT comme autre moyen d’éliminer une distraction potentiellement importante et un risque pour la sécurité aérienne.

    Comme le montre l’événement à l’étude, l’absence de directives formelles dans le POH concernant l’utilisation potentielle du commutateur AURAL WARN INHIBIT, dans le contexte d’une situation d’urgence comprenant une alarme continue, augmente les risques qu’un pilote, qui n’a pas l’habitude d’utiliser ce commutateur dans un contexte opérationnel, ne pense pas à ce commutateur comme moyen d’éliminer une distraction potentiellement sérieuse causée par un avertissement sonore continu.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Le POH du PC-12 fournit peu de directives sur l’utilisation possible du commutateur AURAL WARN INHIBIT lors de situations d’urgence. Par conséquent, le pilote dans l’événement à l’étude ne savait pas que ce commutateur pouvait être utilisé pour supprimer rapidement le faux avertissement sonore de décrochage qui était une distraction pendant toute la durée du vol.

    3.0 Faits établis

    3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.

    1. Dans les derniers instants du vol, le virage à droite à plus de 45° d’inclinaison, alors que l’aéronef volait à une faible hauteur au-dessus du sol et tout juste au-dessus de la vitesse de décrochage calculée, a probablement entraîné le décrochage aérodynamique de l’aéronef, avec une hauteur insuffisante pour en sortir avant l’impact avec le relief.
    2. La courroie en acier inoxydable du transmetteur d’angle d’attaque gauche a subi une fissure de fatigue probablement attribuable au procédé de conception par gravure humide. La courroie étant un composant remplaçable selon l’état, la fissure de fatigue est passée inaperçue jusqu’à ce la courroie se rompe au décollage du vol à l’étude, ou juste avant, ce qui a fait en sorte que le transmetteur d’angle d’attaque a transmis un faux signal de décrochage dès que l’aéronef a pris son envol.
    3. Alors qu’il tentait d’aligner l’aéronef en vue de l’atterrissage, le pilote a subi un rétrécissement de l’attention en raison d’une réaction de stress intense face à un événement surprenant. Par conséquent, l’attention du pilote a été dirigée à l’extérieur de l’aéronef, et le pilote a placé involontairement l’aéronef dans un régime de vol qui s’est probablement traduit par un décrochage aérodynamique à une très faible hauteur au-dessus du sol.
    4. La formation de la Gendarmerie royale du Canada sur les défaillances de l’avertissement de décrochage du PC-12 était uniquement axée sur l’activation par inadvertance du pousseur de manche. Par conséquent, le pilote dans l’événement à l’étude ne comprenait pas bien les symptômes d’un faux avertissement de décrochage ni les options qui s’offraient à lui pour atténuer les risques associés à cette situation d’urgence.
    5. Le manuel d’utilisation du pilote du PC-12 fournit peu de directives sur l’utilisation possible du commutateur AURAL WARN INHIBIT lors de situations d’urgence. Par conséquent, le pilote dans l’événement à l’étude ne savait pas que ce commutateur pouvait être utilisé pour supprimer rapidement le faux avertissement sonore de décrochage qui était une distraction pendant toute la durée du vol.

    3.2 Faits établis quant aux risques

    Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements.

    1. Si les procédures d’exploitation normalisées relatives aux opérations à un seul pilote excluent les éléments traditionnellement associés aux opérations en équipage multiple, comme les exposés avant le décollage, il y a un risque accru que les pilotes prenant part à des opérations à un seul pilote ne soient pas suffisamment préparés pour réagir à une situation d’urgence.
    2. Si une procédure d’urgence ne décrit pas clairement les diverses indications d’une situation d’urgence, un pilote peut ne pas pouvoir prendre rapidement, voire ne pas pouvoir prendre du tout, des mesures pour atténuer le risque de la situation.

    4.0 Mesures de sécurité

    4.1 Mesures de sécurité prises

    4.1.1 Gendarmerie royale du Canada

    À la suite de l’événement, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a pris les mesures de sécurité suivantes :

    • Mesures de sécurité liées à la maintenance :
      • examen des dossiers techniques de la flotte d’aéronefs PC-12 de Pilatus Aircraft Ltd. exploités par la GRC en ce qui concerne les transmetteurs d’angle d’attaque
      • consultation du fabricant au sujet de nouveaux transmetteurs d’angle d’attaque
    • Mesures de sécurité liées à l’exploitation :
      • ajout de scénarios d’urgence avec [traduction] « activation par inadvertance du vibreur ou du pousseur » aux programmes de formation initiale et périodique annuelle sur le PC-12
      • intégration d’une discussion sur les circonstances de l’événement à l’étude dans la partie de formation au sol de la formation initiale et périodique annuelle des pilotes de PC-12 de la GRC
      • intégration d'un programme de formation mis à jour sur Pilatus PC-12 avec le prestataire de formation initiale et périodique, qui met l'accent sur les exposés avant vol pour un seul pilote pendant les exercices de formation au sol et sur simulateur – exercices mettant l’accent sur les processus décisionnels, les situations anormales et la conscience situationnelle

    Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le 12 mars 2025. Le rapport a été officiellement publié le 3 juin 2025.

    Annexes

    Annexe A – Rapports de difficultés en service associés aux faux avertissements de décrochage sur les aéronefs PC-12

    Date

    Composition de l’équipage

    Résumé du rapport

    Source du rapport

    1er août 2021

    Non indiqué

    Au départ, le vibreur s’est activé. L’aéronef est revenu faire un atterrissage d’urgence sans incident. Le personnel maintenance a constaté que le transmetteur d’angle d’attaque gauche était défectueux.

    Rapport de difficultés en service no 6CBA2021080921208 de la Federal Aviation Administration (FAA)

    Juin 2016

    2 pilotes

    Peu après le décollage, le message ambre « PUSHER » s’est allumé sur le panneau du système d’alerte de l’équipage (CAS), ainsi que le message d’avertissement rouge « STALL » sur les deux écrans principaux de vol. Le vibreur et l’avertissement sonore de décrochage se sont activés. Les pilotes se sont entendus pour dire que l’aéronef n’était pas réellement en décrochage. Ils ont décidé d’effectuer un circuit et de revenir en vue d'atterrir. Les pilotes ont aussi décidé de maintenir l’avion dans la même configuration (c.-à-d. avec le train d’atterrissage sorti et les volets réglés à 15°) qu’au départ, car le circuit s'effectuerait rapidement.

    Au toucher des roues, le vibreur et l’alarme sonore de décrochage ont cessé, de même que les autres avertissements qui étaient apparus. Après l’arrêt de l’avion, le pilote a examiné les girouettes d’angle d’attaque et n’a rien remarqué d’anormal d’un côté ou de l’autre. Dans le rapport, le pilote a noté que cette situation [traduction] « […] était un scénario que je n’avais jamais rencontré auparavant ».

    Le rapport comprenait des détails supplémentaires fournis par son auteur (c.-à-d. le commandant de bord). L’auteur du rapport a déclaré que l’avertissement sonore de décrochage était [traduction] « une grande source de distraction » alors que l’aéronef se trouvait dans le circuit de circulation.

    Il a aussi déclaré ce qui suit [traduction] : « […] Je pouvais à peine entendre l’ATC [contrôle de la circulation aérienne] même en mettant le volume à fond, car le système d’avertissement sonore n’arrêtait pas de crier "STALL STALL STALL" tout le temps.

    J’ai également eu du mal à communiquer avec mon coéquipier parce que le volume de l’ATC devait être réglé au maximum. Nous avons tous les deux trouvé que c’était source de distraction. J’ai cherché rapidement un bouton d’inhibition sonore sur le panneau du FMS [système de gestion du vol], mais je n’ai rien pu trouver. […] Nous étions tous les deux contents de poser l'aéronef. »

    En guise de leçon apprise, l’auteur du rapport a mentionné le commutateur AURAL WARN INHIBIT, déclarant ceci [traduction] : « J’ai appris que je devais me souvenir que le commutateur à bascule d’inhibition de l’alerte sonore est situé du côté du commandant de bord dans le poste de pilotage. Dans la hâte, avec tout ce qui se passait, je l’ai malheureusement oublié. Si je m’en étais souvenu, j’aurais pu activer ce commutateur à bascule pour mettre en sourdine les avertissements sonores « STALL », ce qui aurait considérablement amélioré l’environnement de vol. D’après moi, le dicton “loin des yeux, loin du cœur” explique pourquoi j’ai oublié que le commutateur se trouvait là-bas. »

    Rapport no 1364014 de l’Aviation Safety Reporting System (ASRS) de la National Aeronautics and Space Administration (NASA)

    Octobre 2014

    2 pilotes

    Avant le décollage, les systèmes ont été vérifiés et ont été jugés être en bon état de service. Trois secondes après la rotation, le vibreur s’est activé. Selon le rapport, la barre d’avertissement de basse vitesse bougeait beaucoup. En particulier, elle [traduction] « […] passait de la pleine vitesse au ralenti complet à des intervalles irréguliers malgré qu'il n’y avait pas beaucoup de vent […] ». Le premier officier, qui était aux commandes, a appuyé sur le commutateur PUSHER INTR et l’a maintenu enfoncé, puis il a effectué un circuit à droite en vue de l’atterrissage. Une fois l’aéronef en vent arrière, le commandant de bord a pris les commandes. Le vibreur a continué de fonctionner, et il s’est arrêté pendant 1 à 2 secondes, puis s’est réactivé à environ 3 reprises. L’équipage de conduite a procédé à l'atterrissage alors que le vibreur était activé. L’équipage de conduite a signalé l’incident au personnel de maintenance, en indiquant qu’il était peut-être lié à des anomalies d’angle d’attaque.

    Rapport no 1212987 de l’ASRS de la NASA

    Mars 2014

    Non indiqué

    Peu après le décollage, le vibreur s’est activé. Le pilote est revenu atterrir à l’aéroport de départ. Le problème a probablement été causé par un transmetteur d’angle d’attaque droit défectueux.

    Rapport de difficultés en service no GBBR20140331001 de la FAA

    Septembre 2013

    Non indiqué

    Le système a été vérifié et a été jugé en bon état de service avant le décollage. Pendant le décollage, le vibreur s’est activé. L’aéronef est retourné à la base sans incident. Le personnel de maintenance a déterminé que le transmetteur d’angle d’attaque gauche était hors service. Comme l’indique le rapport, [traduction] « la girouette d’angle d’attaque se déplaçait librement et ne semblait pas liée à un quelconque rouage interne ». Le transmetteur d’angle d’attaque a été remplacé et l’aéronef a été remis en service.

    Rapport de difficultés en service no CA131104008 de la FAA

    Février 2010

    Non indiqué

    Au départ, le vibreur s’est activé. L’aéronef est revenu à l'aéroport pour atterrir. On a constaté que le transmetteur d’angle d’attaque gauche envoyait un signal au vibreur indépendamment de la position de la girouette.

    Rapport de difficultés en service no CA100225001 de la FAA