Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A23O0046

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    1.0 Renseignements de base

    1.1 Déroulement du vol

    Le 16 avril 2023 vers 21 h 22Les heures sont exprimées en heure avancée de l’Est (temps universel coordonné moins 4 heures), à moins d’indication contraire., l’aéronef De Havilland Aircraft of Canada Limited (De Havilland) DHC-8-402 exploité par Porter Airlines Inc. (Porter Airlines) a quitté l’aéroport Toronto/Billy Bishop de Toronto (CYTZ) (Ontario) pour effectuer le vol POE2691 selon les règles de vol aux instruments jusqu’à l’aéroport de Sault Ste. Marie (CYAM) (Ontario), avec à son bord 2 membres d’équipage de conduite, 2 membres d’équipage de cabine et 52 passagers. Il s’agissait du 2e des 2 vols prévus pour la période de service de l’équipage de conduite, qui avait commencé à 16 h 05 à l’aéroport international Boston/General Edward Lawrence Logan (KBOS) de Boston (Massachusetts, États-Unis). Leur 1er vol, allant de KBOS à CYTZ, avait quitté l’aéroport à 18 h 01.

    Le vol vers CYAM était un vol d’entraînement en ligne pour le premier officier (P/O). Le commandant de bord, qui était un commandant de bord chargé de la formation pour la compagnie aérienne, était le pilote surveillant (PM) et occupait le siège gauche; le P/O, qui était le pilote aux commandes (PF), occupait le siège droit.

    Le vol, entièrement effectué à la noirceur, s’est déroulé sans encombre jusqu’à l’atterrissage Pendant le vol de croisière, l’équipage a planifié l’approche par système de navigation de surface basé sur le système mondial de navigation par satellite pour la piste 12 à CYAM. En prévision de l’atterrissage, l’équipage a reçu les derniers renseignements météorologiques, dont les renseignements sur le vent et la pression barométrique, pour l’atterrissage sur la piste 12 de CYAM.

    L’équipage a aussi procédé à un exposé d’approche, au cours duquel il a discuté de sa vitesse de référence d’atterrissage (Vref), de la vitesse d’approche cible et de la plage de vitesses cibles acceptables. Il a également discuté du point de toucher des roues prévu, soit de 1000 à 2000 pieds du seuil de la piste. La Vref d’approche était de 119 nœuds de vitesse indiquée (KIAS). Toutefois, l’équipage a choisi une vitesse cible de 130 nœuds, avec une plage entre 119 nœuds et 139 nœuds. Conformément au manuel de vol de l’aéronef (AFM)De Havilland Aircraft of Canada Limited, DHC-8 Series 400 Model 402 Airplane Flight Manual, PSM 1-84-1A, révision 412 (14 avril 2023), sous-section 5.11 : Landing Distances, figures 5-11-2 et 5-11-5, p. 5-11-4 et 5-11-10., l’équipage a prévu une distance d’atterrissage requise de 4000La distance d’atterrissage requise est calculée en multipliant la distance d’atterrissage pondérée par un facteur opérationnel. Elle représente la distance requise pour que l’aéronef s’immobilise complètement à partir du point auquel il est à 50 pieds au-dessus du niveau du sol et qu’il se déplace à la Vref ou à la Vref +10 nœuds. (Source : Ibid., paragraphe 5.11.1 : Landing Field Length Required.) pieds en se fondant sur un réglage des volets à 15° et sur une surface de piste mouillée.

    Pendant l’approche, l’aéronef satisfaisait aux critères d’une approche stabilisée établis par la compagnie. L’aéronef a franchi le seuil de la piste 12 à une altitude de 48 pieds au-dessus du sol (AGL) et à une vitesse indiquée de 132 KIAS, une vitesse sol de 136 nœuds, et un réglage de couple moteur d’environ 13 %.

    Alors que l’aéronef était en cabré à 4,3°, il se trouvait à environ 3 pieds du sol, à une vitesse de 129 KIAS et avec un couple moteur réduit à environ 6 % (ralenti de vol). Le PM surveillait l’angle de tangage tandis que le PF se concentrait sur la surface de la piste.

    À 22 h 21 min 23 s, peu après que le PM a annoncé un angle de tangage de 5° conformément aux procédures d’exploitation normalisées, les roues du train d’atterrissage principal de l’aéronef ont touché légèrement la piste à environ 2500 pieds au-delà du seuil, alors que la vitesse sol de l’aéronef était de 129 nœuds. Environ 2 secondes plus tard, la masse de l’aéronef a comprimé le train d’atterrissage principal de sorte que les roues ont établi un contact solide avec la surface de la piste, ce qui a déclenché le signal de référence air-sol à environ 2850 pieds au-delà du seuil de la piste.

    Comme prévu, les déporteurs se sont déployés automatiquement; à ce moment-là, la vitesse sol de l’aéronef était de 127 nœuds. Deux secondes après le signal de référence air-sol, les manettes des gaz ont été déplacées du réglage FLIGHT IDLE au réglage DISC. À ce moment-là, l’aéronef dépassait l’intersection de la piste 12 et de la piste 04/22.

    Peu après, les roues du train d’atterrissage avant ont touché la piste (9 secondes après le contact initial du train d’atterrissage principal). Alors que les roues du train avant touchaient le sol, le commandant de bord a demandé au P/O de corriger un léger écart latéral. À ce moment-là, il restait environ 2000 pieds de piste et la vitesse sol de l’aéronef était de 105 nœuds. Le signal de référence air-sol du train avant s’est déclenché peu après.

    Le PF a alors serré légèrement les freins, et, quelques instants plus tard, le PM a pris le relais et a freiné à fond. Lorsque les freins ont été serrés à fond, l’aéronef se déplaçait à une vitesse sol de 78 nœuds, et la distance restante jusqu’à l’extrémité de la piste était de 850 pieds (figure 1).

    Figure 1. Séquence d’atterrissage de l’aéronef à l’étude sur la piste 12, d’après les données de l’enregistreur de conversations de poste de pilotage et de l’enregistreur de données de vol (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
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    Les freins n’ont pas fonctionné aussi bien que l’avait prévu l’équipage, et la piste mouillée donnait à l’équipage la sensation d’être glissante pendant le freinage. Pendant les 4 secondes suivantes de freinage antidérapage à fond, la décélération moyenne a été d’environ 0,29g. Une fois que l’aéronef a atteint la partie en béton de la chaussée à l’extrémité de la piste, sa décélération a diminué; durant ces 300 derniers pieds de piste, la décélération moyenne était de 0,16g.

    L’aéronef a quitté l’extrémité de la piste à une vitesse sol d’environ 41 nœuds. Il a ensuite dépassé l’extrémité de la surface revêtue à une vitesse de 35 nœuds. Le commandant de bord a manœuvré l’appareil vers la droite pour éviter le balisage lumineux d’approche, et l’aéronef s’est finalement immobilisé dans l’herbe boueuse à environ 350 pieds au-delà de l’extrémité de la piste, soit à 250 pieds au-delà de la surface revêtue supplémentaire (figure 2). Il n’y a eu aucun blessé. L’aéronef n’a subi aucun dommage.

    Figure 2. Aéronef à l’étude après la sortie en bout de piste, photo prise à partir de l’extrémité de la surface revêtue de la piste 12 (Source : Porter Airlines Inc.)
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    1.2 Personnes blessées

    Il n’y a eu aucun blessé.

    1.3 Dommages à l’aéronef

    L’aéronef n’a subi aucun dommage. Le système de train d’atterrissage était toutefois très sale.

    1.4 Autres dommages

    Il n’y a pas eu d’autres dommages.

    1.5 Renseignements sur le personnel

    Tableau 1. Renseignements sur le personnel
     Commandant de bordPremier officier
    Licence de piloteLicence de pilote de ligne – avionLicence de pilote professionnel – avion
    Date d’expiration du certificat médical30 avril 202330 avril 2023
    Heures totales de vol

    5700

    1648

    Heures de vol sur type

    3200

    88,5

    Heures de vol au cours des 24 jours précédant l’événement

    2,5

    2,5

    Heures de vol au cours des 7 jours précédant l’événement

    15

    11,5

    Heures de vol au cours des 30 jours précédant l’événement

    57

    55

    Heures de vol au cours des 90 jours précédant l’événement

    107

    86

    Heures de vol sur type au cours des 90 derniers jours

    107

    86

    Heures de service avant l’événement

    6,3

    6,3

    Heures hors service avant la période de travail

    20,60

    20,60

    Le P/O était en train de terminer son entraînement en ligne au poste de P/O et se préparait pour une vérification de compétence en ligne. Le commandant de bord était un commandant instructeur qualifié pour l’entraînement en ligne à Porter Airlines. Les 2 membres de l’équipage de conduite détenaient les licences et les qualifications appropriées pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur. D’après un examen de l’horaire de travail et de repos du commandant de bord et du P/O, rien n’indique que la fatigue a nui à leur rendement.

    1.6 Renseignements sur l’aéronef

    1.6.1 Généralités

    Tableau 2. Renseignements sur l’aéronef
    ConstructeurBombardier Inc.*
    Type, modèle et immatriculationDHC-8-402, C-GLQB
    Année de construction2006
    Numéro de série4130
    Date d’émission du certificat de navigabilité15 août 2006
    Total d’heures de vol cellule34 406 heures
    Type de moteur (nombre)Pratt & Whitney Canada PW150A (2)
    Type d’hélice (nombre)Dowty Aerospace R408/6-123-F/17 (2)
    Masse maximale autorisée au décollage63 930 lb (28 998,7 kg)
    Type(s) de carburant recommandé(s)Jet A/A1, JP- 5, JP-8, JP-8+100, RT, TS-1, Jet B, JP-4
    Type de carburant utiliséJet A/A1

    *   Le titulaire actuel du certificat de type est De Havilland Aircraft of Canada Ltd.

    Il n’y avait aucune défectuosité enregistrée non corrigée au moment de l’événement. La masse et le centrage de l’aéronef respectaient les limites prescrites. La pression et l’état des pneus du train d’atterrissage ont été vérifiés après l’événement et se sont révélés être dans les limites prescrites par le DHC-8 Series 400 Aircraft Maintenance Manual.

    1.6.2 Commande d’inversion de poussée des hélices de l’aéronef et mode bêta

    Les hélices ont une fonction d’inversion de poussée qui aide à réduire la vitesse de l’aéronef pendant l’atterrissage. L’inversion de poussée fait partie du mode bêta, qui est utilisé pour les opérations au sol et est contrôlé par les manettes des gaz dans le poste de pilotageDe Havilland Aircraft of Canada Limited, DHC-8 Series 400 Aircraft Maintenance Manual, révision 76 (5 mars 2022), section System Description 61-00-00-001 : Propellers, General, p. 2 à 6..

    Pendant le vol, un cran combiné à une butée situé sur le bloc des manettes des gaz (figure 3) empêche tout déplacement involontaire des manettes des gaz en dessous du réglage FLIGHT IDLE. Le pilote doit actionner le levier de dégagement pour permettre aux manettes des gaz d’entrer dans le régime au sol. Il y a également un cran à la position DISC, ainsi qu’à la position MAX REV (inversion maximale), où le déplacement des manettes est arrêté par une butée. Le pilote ressent le cran lorsqu’il l’atteint ou le dépasse. Toutefois, le cran n’exige pas d’autres mesures.

    Figure 3. Manettes et console des gaz de l’aéronef DHC-8 de la série 400 (Source : De Havilland Aircraft of Canada Limited, DHC-8 Series 400 Aeroplane Operating Manual, révision 27 [7 mars 2021], figure 6.13-8, p. 6.13-14, avec annotations du BST)
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    En inversion de poussée, le pas des pales des hélices a une valeur négative, jusqu’à un angle de pale négatif de 17°, qui correspond à la position MAX REV. À cet angle, les pales de l’hélice dirigent le flux d’air généré vers l’avant. À la position DISC, le pas des pales de l’hélice est nul, c’est-à-dire d’environ 0°.

    L’équipage n’a pas utilisé l’inversion de poussée pendant l’atterrissage et la sortie en bout de piste; toutefois, il a placé les manettes des gaz à la position DISC environ 4 secondes après le toucher initial des roues du train d’atterrissage principal. Selon l’avionneur, il s’écoule environ 3 secondes entre le moment où les manettes des gaz sont réglées aux positions DISC ou MAX REV et le moment où les hélices commencent à décélérer l’aéronef. Les équipages utilisent couramment le réglage DISC en raison de la haute efficacité rapportée de l’hélice en position DISC pendant les atterrissages.

    1.6.2.1 Utilisation de l’inversion de poussée pendant les atterrissages normaux et anormaux

    La procédure d’atterrissage normal de l’AFM indique aux équipages de placer les manettes des gaz à la position FLIGHT IDLE avant le toucher des roues, puis à la position DISC après le toucher des rouesDe Havilland Aircraft of Canada Limited, DHC-8 Series 400 Model 402 Airplane Flight Manual, PSM 1-84-1A, révision 412 (14 avril 2023), sous-section 4.4.1 : Normal Landing, p. 4-4-1.. La section sur la procédure d’atterrissage normal ne mentionne pas l’utilisation de l’inversion de poussée.

    Dans le cas des atterrissages anormaux (anomalies de réglage des volets et/ou défaillance de la commande de direction de la roue avant), on trouve dans l’AFM la note suivante : [traduction] « L’inversion de poussée peut être utilisée, dans la mesure permise par le degré de maîtrise en direction, pour réduire la distance d’atterrissage anormal calculéeIbid., sous-section 5.11.2 : Unfactored Landing Distance in Abnormal Configurations, p. 5-11-7.. » Une note précise que l’utilisation de l’inversion de poussée maximale pour l’arrêt peut entraîner une déviation directionnelleIbid., sous-section 3.11.1 : No Hydraulic Pressure Available from No. 1 and No. 2 Hydraulic Systems, p. 3-11-1 et 3-11-2.. On trouve aussi dans le supplément 7 de l’AFM, Operation with an Inoperative Anti-Skid Brake Control System, la note suivante dans la section des procédures en situation d’urgence : [traduction] « L’inversion de poussée peut être utilisée, dans la mesure permise par le degré de maîtrise en direction. »De Havilland Aircraft of Canada Limited, DHC-8 Series 400 Model 402 Airplane Flight Manual, supplément 7 : Operation with Inoperative Anti-skid Brake Control System, numéro 1 (19 décembre 2020), section 6.7.3 : Emergency Procedures, p. 6-7-2.

    1.6.3 Système de freinage et d’antidérapage de l’aéronef

    1.6.3.1 Système de freinage de l’aéronef

    Le système de freinage de l’aéronef comprend les freins du train d’atterrissage principal, qui sont commandés par les pédales de freinLa section sur la description des systèmes du manuel de maintenance de l’aéronef utilise les termes pilot (pilote) et copilot (copilote) pour désigner, respectivement, le pilote occupant le siège gauche (le commandant de bord et le PM dans l’événement à l’étude) et le pilote occupant le siège droit (le P/O et le PF dans l’événement à l’étude). du pilote et du copilote. Les pédales sont reliées au répartiteur de freinage.

    Lorsqu’une pédale est enfoncée, elle actionne le levier applicable du répartiteur de freinage, ce qui alimente le robinet d’antidérapage en pression hydraulique. Comme l’explique le manuel de maintenance de l’aéronef [traduction] :

    [l]e répartiteur de freinage fournit une pression hydraulique proportionnelle à la course de la pédale de frein. La pression hydraulique est fournie par le robinet d’antidérapage, par l’intermédiaire des coupe-circuit hydrauliques [flow fuse] et clapets-navettes, jusqu’aux blocs freins concernés du train d’atterrissage principalDe Havilland Aircraft of Canada Limited, DHC-8 Series 400 Aircraft Maintenance Manual, PSM 1-84-2, révision 76 (5 mars 2022), section System Description 32-42-00-001 : Main Landing Gear Brake System, Detailed Description, p. 2..

    1.6.3.2 Système antidérapage de l’aéronef

    Le DHC-8-402 (Dash 8 Q400) est équipé d’un système antidérapage qui procure le freinage maximal possible tout en réduisant au minimum l’usure des pneus et en optimisant la distance d’arrêt. Les robinets d’antidérapage reçoivent la pression hydraulique du répartiteur de freinage, qui est modulée par la pression sur les pédales de frein. Les robinets d’antidérapage contrôlent la pression hydraulique acheminée vers les coupe-circuit hydrauliques et clapets-navettes, et les blocs freins. Lorsque le système détecte un dérapage, il envoie un signal au robinet d’antidérapage pertinent, qui relâche alors la pression de freinage par la conduite de retour hydraulique d’antidérapage.

    Les roues extérieures et intérieures du train d’atterrissage principal sont jumelées pour assurer une protection contre le blocage des roues, ce qui permet aux roues affectées de sortir d’une situation de dérapage. Une roue est bloquée lorsque la vitesse d’une roue est inférieure à 30 % de la vitesse de référence, qui est la plus rapide des roues jumelées. C’est lorsque cette condition se produit qu’un signal est envoyé par l’unité de contrôle d’antidérapage au robinet d’antidérapage pour relâcher la pression de freinage exercée sur la roue bloquée jusqu’à ce qu’elle soit sortie de la situation de dérapage. Selon le manuel de maintenance de l’aéronef, une roue sort d’une situation de blocage lorsque sa vitesse est supérieure à 35 % de la vitesse de référenceIbid., section System Description 32-46-00-001 : Anti-Skid System, p. 3..

    Lors de l’événement à l’étude, le système antidérapage, y compris la protection contre le blocage des roues, a été activé environ 2 secondes après que le commandant de bord eut pris les commandes de l’aéronef et eut serré les freins à fond. Le système est resté actif pendant environ 14 secondes, jusqu’à ce que l’aéronef s’immobilise au-delà de l’extrémité de la piste.

    1.6.3.3 Effet de l’air dans le circuit hydraulique

    Pendant la séquence d’atterrissage à l’étude, le P/O a d’abord exercé une légère pression sur les freins durant environ 2 secondes, jusqu’à ce que le commandant de bord prenne les commandes et appuie à fond sur les pédales de frein. Les données de l’enregistreur de données de vol (FDR) indiquent que la pression de freinage maximale de 3000 lb/po2 a été atteinte peu après que le commandant de bord eut appuyé à fond sur la pédale droite. Pendant que la pédale de frein gauche était poussée à fond, la pression a d’abord atteint un maximum de 2100 lb/po2, puis a varié entre 2100 et 1000 lb/po2 jusqu’à ce que l’aéronef sorte de la piste. La variation dans la pression de freinage démontre probablement une pression différentielle sur les pédales de frein pour garder la maîtrise en direction. Cependant, le commandant de bord n’a pas ressenti la différence de réponse entre les freins gauche et droit lorsqu’il enfonçait les pédales de frein. La maîtrise en direction a été maintenue au moyen de la direction du train avant.

    Le système de freinage normal de l’aéronef DHC-8-400 est alimenté en pression hydraulique par le circuit hydraulique no 1 de l’aéronef. Au cours des activités d’entretien qui ont suivi l’événement, le moteur a été mis en marche à régime élevé. On a remarqué que lorsque la puissance était poussée à 90 %, l’aéronef roulait lentement et les freins ne parvenaient pas à maintenir l’aéronef en position. Après le dépannage, on a déterminé que la fluctuation était causée par la présence d’air dans le circuit de freinage. L’enquête a permis de déterminer que le circuit hydraulique no 1 était resté étanche et que de l’air n’avait donc pas pu être introduit dans le système après l’événement. L’air a été purgé et la capacité maximale de freinage a été rétablie. Il n’y avait aucune indication de défaillance, ni aucun dossier d’entretien relatif au système de freinage ou d’antidérapage.

    Le document Aerospace Information Report AIR5829 de SAE InternationalAnciennement connue sous le nom de Society of Automotive Engineers. indique que [traduction] :

    « [l]a rigidité d’un cylindre contenant un mélange air-huile libre ou entraîné se dégrade comparativement à une colonne de fluide homogène. […] La rigidité réduite affecte la performance dynamique de l’actionneur et des gouvernes qu’il peut actionnerSAE International, Aerospace Information Report AIR5829 : Air in Aircraft Hydraulic Systems (publié en février 2008, réaffirmé en janvier 2018), section 4.1 : Reduced stiffness of actuators, p. 6 de 14..

    La performance de freinage de l’aéronef à l’étude pendant l’atterrissage a paru moins efficace que celle à laquelle l’équipage s’attendait.

    1.6.3.4 Performance de freinage

    Le laboratoire du BST a effectué une analyse de la performance de freinage en utilisant les méthodes de l’ESDUAnciennement connue sous le nom d’Engineering Science Data Unit., Les méthodes de l’ESDU facilitent une conception meilleure et plus rapide en utilisant des méthodes et des solutions validées et réduisent les cycles coûteux de recherche, de nouvelle conception et d’essais. Ces méthodes et données constituent une partie importante du processus de conception pour les professionnels de l’industrie dans les petites et grandes entreprises; ils représentent aussi une ressource indispensable pour les scientifiques et les ingénieurs des établissements de recherche et d’enseignement de partout dans le monde. (Source : esdu.com). L’analyse tient compte d’un aéronef en parfait état de marche, des procédures d’atterrissage normal, de la macrotexture de la piste et des facteurs environnementaux présents lors de l’événement à l’étude. Les résultats de l’analyse ont été utilisés pour comparer la performance d’atterrissage théorique à la performance d’atterrissage réelle (figure 4). La distance d’atterrissage théorique sur la piste 12 calculée était d’environ 3700 pieds à partir du seuil de piste.

    Figure 4. Graphique montrant la performance d’atterrissage réelle par rapport à la performance d’atterrissage théorique (Source : BST, d’après les données de l’avionneur).
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    Les données relatives à la performance d’atterrissage réelle indiquent que l’aéronef à l’étude a touché le sol à 2500 pieds du seuil de la piste, et que l’utilisation du réglage DISC et le serrage des freins ont été retardés. Les données indiquent que l’aéronef a utilisé environ 850 pieds de piste lors de la décélération de 78 à 41 nœuds. À titre de comparaison, la performance théorique indique que l’aéronef n’aurait dû utiliser que 480 pieds de piste et que 630 pieds de piste auraient dû être suffisants pour que l’aéronef s’immobilise complètement à partir de sa vitesse de 78 nœuds. Lorsque la vitesse de l’aéronef était de 78 nœuds, il restait 850 pieds de piste. Par conséquent, malgré les retards dans l’abaissement du nez et le serrage à fond des freins, il aurait dû y avoir suffisamment de piste de disponible pour qu’un DHC-8-402 doté d’un système de freinage en parfait état de marche puisse s’arrêter.

    La performance de freinage réelle en deçà d’une vitesse sol de 78 nœuds a également été analysée pour évaluer le freinage antipatinage. Il a été déterminé qu’il y avait une importante disparité entre les performances de freinage prévue et réelle. À mesure que la vitesse sol diminue, la performance de freinage (c.-à-d. le taux de décélération) devrait normalement augmenter; or, dans le cas à l’étude, on a constaté une diminution de la performance de freinage. De plus, la performance de freinage a diminué brusquement quand la vitesse est passée sous les 55 nœuds, ce qui correspond au moment où l’aéronef est passé de l’asphalte à la chaussée en béton.

    La performance réelle montre par ailleurs une augmentation minimale de la décélération après le serrage à fond des freins, ce qui ne correspond pas à la performance théorique prévue.

    1.7 Renseignements météorologiques

    1.7.1 Généralités

    Le message d’observation météorologique régulière d’aérodrome diffusé à 22 h pour CYAM faisait état des conditions suivantes :

    Lorsque l’équipage a procédé à un exposé d’approche, la dernière mise à jour météorologique faisait état de vents du 220° magnétique à 4 nœuds avec un calage altimétrique de 29,39 pouces de mercure. Les données du FDR indiquaient que la composante de vent arrière moyenne pendant la durée de l’atterrissage était de 2 nœuds. En outre, pendant l’approche finale, l’aéronef est entré dans une zone de pluie à environ 500 pieds AGL. Les enquêteurs ont estimé, d’après un bulletin météorologique local, qu’il y avait environ 1 mm d’eau sur la surface de la piste pendant l’atterrissage de l’événement à l’étude.

    1.8 Aides à la navigation

    Sans objet.

    1.9 Communications

    Il n’y a pas eu, que l’on sache, de problème de communication.

    1.10 Renseignements sur l’aérodrome

    1.10.1 Généralités

    CYAM est situé à environ 7 milles marins à l’ouest-sud-ouest de Sault Ste. Marie (Ontario), à une altitude topographique de 632 pieds au-dessus du niveau de la mer. Il y a 2 pistes asphaltées : la piste 04/22, d’une longueur de 6000 pieds et d’une largeur de 148 pieds, et la piste 12/30, d’une longueur de 6000 pieds et d’une largeur de 200 pieds. La piste 12 présente une pente longitudinale négligeable de 0,01 %. Il y a une surface asphaltée qui s’étend à 100 pieds au-delà du seuil, ainsi qu’un prolongement dégagé de 300 m de longueur et de 150 m de largeur; toutefois, il n’y a pas d’aire de sécurité d’extrémité de pisteUn prolongement dégagé est une « [a]ire rectangulaire définie, au sol ou sur l’eau, placée sous le contrôle de l’autorité compétente et choisie ou aménagée de manière à constituer une aire convenable au-dessus de laquelle un avion peut exécuter une partie de la montée initiale jusqu’à une hauteur spécifiée ». Une aire de sécurité d’extrémité de piste est une « [a]ire symétrique par rapport au prolongement de l’axe de la piste et adjacente à l’extrémité de la bande, qui est destinée principalement à réduire les risques de dommages matériels au cas où un avion atterrirait trop court ou dépasserait l’extrémité de piste ». (Source : Transports Canada, TP 312F, Aérodromes - Normes et pratiques recommandées, 4e édition [en vigueur en mars 1993, mise à jour en mars 2005], 1.1. Définitions, p. 1-2 et 1-6.).

    CYAM dispose d’une tour de contrôle de la circulation aérienne exploitée par NAV CANADA entre 6 h 30 et 22 h 30.

    1.10.2 Surveillance de l’état de la surface de la piste

    Le personnel de l’aéroport de CYAM surveillait l’état de la surface de la piste 12 conformément aux procédures décrites dans le manuel d’exploitation de l’aéroportSault Ste. Marie Airport Development Corporation, numéro de certificat 5151-1-147, Airport Operations Manual : Sault Ste. Marie Airport, modification 42 (7 juin 2022, approuvée le 6 mars 2023)., qui avait été approuvé par Transports Canada (TC). L’aéroport effectue des évaluations de la rugosité de la surface revêtue de la piste selon les besoins ainsi que des évaluations du coefficient de frottement tous les trois ans, ou plus souvent s’il le fautIbid., section 3.1.1 : Airside Maintenance Service, partie 3-3..

    Conformément aux lignes directrices de TCTransports Canada, Circulaire d’information (CI) No 302-17 : Mesure du coefficient de frottement de la piste (numéro 03 : 30 janvier 2017), à l’adresse https://tc.canada.ca/fr/aviation/centre-reference/circulaires-information/circulaire-information-ci-ndeg-302-017 (dernière consultation le 7 novembre 2024)., la piste 12 de CYAM avait fait l’objet d’essais périodiques de frottement de la surface à l’aide d’un appareil de mesure continue du frottement pour évaluer les caractéristiques de frottement de la surface. Ces essais avaient été effectués pour la dernière fois en juin 2020 et indiquaient que les valeurs de frottement de la piste étaient nettement supérieures au niveau de planification de maintenance recommandé décrit dans le document Aérodromes – Normes et pratiques recommandées (TP 312) de TC.

    Pendant la période des opérations hivernales (du 12 novembre au 31 mars), l’aéroport effectue et publie des relevés du coefficient canadien de frottement sur piste; toutefois, aucun rapport officiel sur l’état de la surface n’est préparé pendant les mois d’été, car ils ne sont généralement pas nécessaires. Pendant les opérations estivales, une inspection visuelle quotidienne est effectuée du lundi au vendredi pour repérer les problèmes dans l’aire de manœuvre. Cette inspection permet de noter les observations relatives aux mares, aux zones enfoncées, à l’érosion des bords, à la croissance du gazon, à la glissance, à la contamination (par le caoutchouc, l’huile ou d’autres matériaux), aux aides visuelles, aux alimentations électriques normales et secondaires, ainsi qu’au tassement des dalles.

    1.10.3 État de la surface de la piste

    Avant le départ du vol à l’étude, les renseignements dont disposait l’équipage indiquaient une surface sèche sur la piste 12 de CYAM. Cependant, les derniers renseignements météorologiques disponibles peu avant l’atterrissage faisaient état d’une faible pluie, et l’équipage a donc prévu un atterrissage sur une surface de piste mouillée. Le laboratoire du BST a effectué des analyses de la macrotextureLa macrotexture est la profondeur/hauteur moyenne entre les crêtes et les vallées des aspérités de la surface. Dans une surface asphaltée, la profondeur moyenne de la macrotexture est proportionnelle à la quantité de granulats exposés qui dépassent de l’amalgame de la chaussée. La macrotexture joue un rôle important en fournissant des voies par lesquelles les liquides peuvent sortir de l’empreinte d’un pneu alors que celui-ci se déplace dans le liquide. Une macrotexture insuffisante fera en sorte de dégrader considérablement la performance de freinage sur une piste contaminée par des liquides (comme la pluie). La profondeur moyenne de la macrotexture est mesurée conformément à la norme ASTM-E965. et de la microtextureLa microtexture désigne la « rugosité » des aspérités individuelles qui composent la topographie d’une surface. La microtexture joue un rôle important dans la réduction de la tension superficielle visqueuse des films fluides minces. Il n’existe actuellement aucun essai normalisé permettant d’évaluer objectivement la microtexture. Celle-ci est plutôt caractérisée en observant le degré de « polissage » de la surface. Si les aspérités des granulats exposés d’une piste d’asphalte sont lisses et polies à la suite de longues années d’utilisation, la microtexture sera caractérisée comme étant mauvaise ou dégradée. Dans ce cas, la surface aura une constante de « rugosité » réduite, ce qui se traduira par une dégradation de la performance de freinage accompagnée d’une probabilité plus élevée d’hydroplanage visqueux. de la surface de la piste 5 jours après l’événement.

    L’essai de macrotexture a été réalisé conformément à la norme ASTM-E965 d’ASTM InternationalAnciennement connue sous le nom d’American Society for Testing and Materials. (Standard Test Method for Measuring Pavement Macrotexture Depth Using a Volumetric Technique)ASTM, Standards Document ASTM-E965, Standard Test Method for Measuring Pavement Macrotexture Depth Using a Volumetric Technique (dernière mise à jour le 6 décembre 2019).; il démontre une dégradation de la macrotexture lorsque la surface passe de l’asphalte au béton (annexe A, figure A1). Les 300 derniers pieds de la piste 12 sont en béton; il y a 100 pieds d’asphalte additionnels après l’extrémité de la piste. Par conséquent, 35 % de la distance du freinage antipatinage à faible coefficient de frottement de l’aéronef à l’étude a été parcourue sur la surface en béton.

    L’examen de la microtexture de la piste 12 a révélé un important polissage des aspérités de la surface de la piste, dont la rugosité était imperceptible au toucher.

    La chaussée de la piste 12 a été construite environ 20 ans avant l’événement. Au cours de sa durée de vie, la piste a fait l’objet d’un grand nombre d’activités d’entretien en hiver, dont l’enlèvement des accumulations de glace et de neige à l’aide de chasse-neige et de brosses rotatives. Ces activités ont pu être responsables du polissage des granulats, réduisant la microtexture, ou la rugosité, de la surface. Elles ont également érodé l’amalgame, ce qui a contribué à maintenir une macrotexture et un drainage modérés.

    Les calculs de performance de freinage effectués par le BST ont tenu compte de diverses valeurs de microtexture, allant d’un facteur de rugosité de 0,25 (pour une chaussée neuve nominale) à un facteur de rugosité dégradé de 2,0 (annexe A, figure A2). La performance de freinage théorique présentée à la section 1.6.3.4 Performance de freinage a utilisé un facteur de rugosité de 1,25. L’enquête a permis de déterminer que même sur une surface de piste asphaltée présentant une microtexture de surface dégradée avec un facteur de rugosité de 2,0, un DHC‑8‑402 doté d’un système de freinage en parfait état de marche devrait, lorsqu’il serre les freins à fond, pouvoir s’arrêter sur une distance de piste égale à la distance restante au moment où l’aéronef à l’étude a serré les freins à fond, soit 850 pieds. Cependant, l’aéronef à l’étude faisait 55 nœuds lorsqu’il est passé de l’asphalte au béton, où la macrotexture et la microtexture étaient fortement dégradées, ce qui a entraîné une décélération réduite.

    1.10.4 Balisage de piste

    Le balisage lumineux et la signalisation de la piste 12/30 de CYAM ont été approuvés conformément aux exigences énoncées dans le document Aérodromes – Normes et pratiques recommandées de TC (TP 312)Transports Canada, TP 312F, Aérodromes – Normes et pratiques recommandées, 4e édition (en vigueur le 1er mars 1993, mis à jour en mars. 2005).. Comme l’indique cette publication, les feux d’extrémité de piste se composent de 2 groupes de feux, chacun comprenant 3 feux si la piste mesure moins de 45 m de large ou 4 feux si sa largeur est égale ou supérieure à 45 m. Ces 2 groupes de feux sont disposés perpendiculairement à l’axe de la piste et le plus près possible de l’extrémité de la piste. Les feux sont rouges et unidirectionnels, étant orientés face à la pisteIbid., section 5.3.12 Feux d’extrémité de piste, p. 5-50.. L’intensité des feux d’extrémité de piste se situe généralement entre 25 et 50 % de l’intensité requise pour les feux de bord de pisteIbid., annexe B, figure B-9, p. B-9..

    À CYAM, des feux d’extrémité de piste sont installés à l’extrémité de la section en dur de la piste 12. Alors que l’aéronef à l’étude s’approchait de l’extrémité de la piste pendant la course à l’atterrissage, ces feux d’extrémité de piste ont été vus par le commandant de bord.

    Le balisage des bords de piste consiste en des feux fixes blancs à haute intensité sur les deux bords de la piste. À CYAM, les feux de bord de piste étaient approuvés au moment de la certification, comme le prévoient les exigences énoncées dans les 3e et 4e éditions du TP 312. Toutefois, la dernière édition du TP 312 (5e édition)Ibid., 5e édition (en vigueur le 15 septembre 2015, mise à jour le 28 juin 2024), 5.3.12.5 Feux de bord de piste, p. 171. exige que les feux de bord de piste soient des feux fixes blancs à intensité variable, excepté sur les pistes d’une longueur de 1200 m ou plus. Pour les pistes d’une longueur de 1200 m ou plus, une section se prolongeant sur les derniers 600 m ou sur le dernier tiers de la distance de roulement utilisable au décollage, selon la distance la plus courte, doit présenter des feux jaunes orientés vers les aéronefs au décollage.

    À CYAM, les feux de bord de piste sont seulement blancs et ne fournissent pas l’indication supplémentaire de la distance de piste restante à l’équipage.

    1.10.5 Signalisation de longueur de piste restante

    Les panneaux de longueur de piste restante sont un exemple d’indice visant à aider les pilotes. Bien qu’ils ne soient pas obligatoires, ces panneaux sont utilisés dans certains aéroports aux États-Unis et dans la plupart des aéroports militaires canadiens. Ils sont installés à intervalles de 1000 pieds le long de la piste et ils indiquent la distance restante jusqu’à l’extrémité de la piste. Les pistes de CYAM ne sont pas munies de panneaux de longueur de piste restante, et ne sont pas tenues de l’être par la réglementation. Si un exploitant d’aéroport choisit d’installer ces panneaux, il doit respecter les normes incluses dans les Normes et pratiques recommandées pour les aérodromes de TC.

    1.11 Enregistreurs de bord

    L’aéronef était doté d’un FDR numérique à semi-conducteurs qui contenait environ 26,8 heures de données de vol sur le vol à l’étude et les 15 vols précédents. Les données du FDR ont été téléchargées avec succès.

    L’aéronef disposait également d’un enregistreur de conversations de poste de pilotage qui avait une capacité d’enregistrement de 125 minutes; les données qui y étaient stockées comprenaient celles du vol à l’étude. Ces données ont été téléchargées avec succès et comprenaient des enregistrements audio de bonne qualité du vol à l’étude.

    1.12 Renseignements sur l’épave et sur l’impact

    Sans objet.

    1.13 Renseignements médicaux et pathologiques

    Selon l’information recueillie au cours de l’enquête, rien n’indique que des facteurs médicaux ou physiologiques aient nui à la performance de l’équipage de conduite.

    1.14 Incendie

    Rien n’indique la présence d’un incendie soit avant ou après l’événement.

    1.15 Questions relatives à la survie des occupants

    Sans objet.

    1.16 Essais et recherche

    1.16.1 Rapports de laboratoire du BST

    Le BST a produit les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

    1.17 Renseignements sur les organismes et sur la gestion

    1.17.1 Porter Airlines Inc.

    Porter Airlines est un exploitant aérien canadien agréé en vertu de la sous-partie 705 du Règlement de l’aviation canadien. La base principale de la compagnie est située à CYTZ. La compagnie exploite une flotte de 43 aéronefs, composée de 29 aéronefs De Havilland DHC-8-402 et de 14 aéronefs Embraer ERJ 190-400. Porter Airlines exerce ses activités en Amérique du Nord, transportant des passagers vers des destinations au Canada et aux États-Unis. La compagnie est également titulaire d’un certificat d’organisme de maintenance agréé pour les travaux de maintenance dans les catégories Aéronefs, Avionique, Composants, Instruments et Structures.

    1.17.2 Formation des équipages de conduite

    Le P/O avait suivi la formation initiale au sol et la partie sur simulateur de la formation au pilotage, y compris le contrôle de compétence pilote, et il était en train de suivre la partie de la formation au pilotage consacrée à l’entraînement en ligne amélioré. Il effectuait son 18e voyage et son 55e secteurUn secteur est un [traduction] « vol composé d’un décollage, d’un départ, d’un segment en route d’au moins 50 NM, d’une arrivée et d’un atterrissage jusqu’à l’arrêt complet ». (Source : Porter Airlines Inc., Porter Airlines Inc. Training Control Manual, révision 8 [25 mai 2021], section 6.3 : Hours and Sectors Requirements.) de l’entraînement en ligne amélioré. L’entraînement en ligne amélioré s’adresse aux candidats au poste de P/O ayant moins d’expérience et comporte plus d’exigences que l’entraînement en ligne régulierPorter Airlines Inc., Porter Airlines Inc. Dash 8-400 Candidate’s Line Indoctrination Handbook, révision 5 (10 janvier 2022), Line Indoctrination Forms – Section Description, p. 4..

    Le Porter Airlines Inc. Training Control ManualPorter Airlines Inc., Porter Airlines Inc. Training Control Manual, révision 8 (25 mai 2021). décrit les sujets qui doivent être abordés pendant l’entraînement en ligne. Pour l’atterrissage et la circulation au sol, chaque pilote doit effectuer les manœuvres et procédures suivantes, ou en démontrer une connaissance satisfaisante [traduction] : « opérations sur piste contaminée; atterrissage dans des vents de travers et normaux; freinage approprié et utilisation du réglage DISC ou de l’inversion; interdiction d’approche; et vérifications après l’atterrissageIbid., section 6.2 : Line Indoctrination Curriculum, p. 5.. »

    Selon la section Landing du Porter Airlines Inc. Dash 8-400 Candidate’s Line Indoctrination Handbook, une discussion sur la façon d’éviter une sortie en bout de piste à haute énergie doit avoir lieu en prévision de l’atterrissage. Il faut demander au candidat au poste de commandant de bord comment éviter une sortie en bout de piste.

    Pour un candidat au poste de P/O, il y aura une discussion sur l’importance d’une approche stable, d’un atterrissage dans la zone de toucher des roues, de la bonne sélection du réglage DISC et/ou de l’inversion (selon les besoins), de l’utilisation compétente des freins pour ralentir l’aéronef à 60 nœuds et de l’exécution d’un atterrissage interrompu, au besoinPorter Airlines Inc., Porter Airlines Inc. Dash 8-400 Candidate’s Line Indoctrination Handbook, révision 5 (10 janvier 2022), Landing, Avoiding High Energy Overrun (Discuss), p. 39.. De plus, les pilotes s’entraînent à l’utilisation de l’inversion pendant l’entraînement sur simulateur. Cependant, le P/O n’avait pas eu l’occasion d’utiliser l’inversion dans des conditions opérationnelles lors de l’entraînement en ligne qu’il avait suivi avant l’événement à l’étude, et il n’était pas tenu de le faire.

    Les éléments qui précèdent avaient été passés en revue sous la supervision d’un commandant instructeur. Pour le P/O, la recommandation d’une vérification de compétence en ligne interviendrait normalement après l’achèvement satisfaisant de l’entraînement en ligne amélioré, qui comprend un minimum de 60 secteurs, au lieu de 40 secteurs dans le cas de l’entraînement en ligne régulier.

    1.17.3 Procédures d’exploitation de Porter Airlines Inc. et du fabricant

    1.17.3.1 Exposé d’approche et critères d’approche stabilisée de Porter Airlines Inc.

    Le manuel Porter Airlines Inc. Dash 8-400 Standard Operating Procedures stipule ce qui suit en ce qui concerne les exposés d’approche, les vitesses cibles et les approches stabilisées [traduction] :

    1. Considérations spéciales et toute mesure d’atténuation, y compris, sans toutefois s’y limiter :
      1. les facteurs de préparation à la remise des gaz (p. ex., « cisaillement du vent possible en approche ») et la considération que si l’un des critères d’approche stable est compromis à une altitude de 100 pieds AGL ou moins, une remise des gaz doit être entamée;
      2. la vitesse cible (une seule vitesse); dans des conditions atmosphériques idéales, la vitesse cible doit correspondre à la VREF. Une vitesse plus élevée peut être choisie si les conditions existantes le permettent. Cette vitesse doit être jugée sécuritaire par les deux pilotes et tenir compte de la distance d’atterrissage plus grande requise. Si un atterrissage avec l’interrupteur INCR REF à la position ON est prévu, la vitesse cible mentionnée dans l’exposé doit correspondre à la VREF + la vitesse INCR REF;
      3. la tolérance de la vitesse cible (fourchette autorisée au-dessus et au-dessous de la vitesse cible), en dehors de laquelle une remise des gaz doit être annoncée dès que l’aéronef se trouve à une altitude égale ou inférieure à 100 pieds AGL. Cette tolérance tient compte des fluctuations de vitesse anémométrique et doit être adaptée aux conditions de l’approche. En aucun cas cette tolérance ne peut permettre une vitesse inférieure à la VREF - 5 nœuds;

     Remarque : Ces vitesses doivent être réalistes et strictement respectées, sans quoi une remise des gaz doit être effectuée si le vol n’est pas stable à 100 pieds AGLPorter Airlines Inc., Porter Airlines Inc. Dash 8-400 Standard Operating Procedures, révision 14 (1er juin 2021), section 2.14.4 : Approach Briefing..

    Bien que ce ne soit pas mentionné expressément dans les procédures d’exploitation normalisées de Porter Airlines, une vitesse d’environ Vref +10 nœuds est couramment utilisée pour les atterrissages avec les volets réglés à 15° sur le type d’aéronef afin de réduire l’assiette en tangage et pour permettre plus de contrôle du tangage pendant l’arrondi, tout en réduisant le risque d’impact de la partie arrière du fuselage.

    1.17.3.2 Procédure d’atterrissage normal de Porter Airlines Inc.

    Les procédures d’exploitation normalisées de Porter Airlines concernant les atterrissages normaux précisent que [traduction] :

    […] le PF doit, à sa discrétion, commander le train d’atterrissage et les volets dans la position requise pour l’approche et l’atterrissage à venir. Une fois l’aéronef configuré pour l’atterrissage, le PF doit demander la « VÉRIFICATION D’ATTERRISSAGE » (lecture, question et réponse)Ibid., section 2.16 : Landing, p. 88..

    La procédure précise également que [traduction]: « [l]es atterrissages longs NE sont PAS [italiques dans la version originale] autorisés, quelle que soit la longueur de piste disponible »Ibid.. Elle ajoute que, selon les circonstances, l’ajout d’une petite quantité de puissance peut être nécessaire en raison d’un taux de descente trop prononcé aux dernières étapes. Cependant, une remise des gaz doit être effectuée en cas de besoins de puissance inhabituelsIbid.. Au-dessous de 100 pieds AGL, le PM doit indiquer l’assiette en tangage chaque fois que celle-ci est supérieure ou égale à 5°. La procédure mentionne également [traduction] : « Pour réduire la vitesse verticale de descente à l’atterrissage et éviter de dépasser une assiette en tangage de 6 degrés, il faudra mettre les gaz pendant la phase d’arrondi jusqu’au toucher des roues chaque fois que la vitesse verticale de descente est supérieure à la valeur souhaitéeIbid., section 2.16.3 : Pitch Awareness and Callouts, p. 89..

    Les procédures de Porter Airlines à suivre après l’atterrissage sont les suivantes [traduction] :

    Si la longueur de la piste le permet, le serrage des freins doit être réduit au minimum. Utilisez la position DISC pour ralentir l’aéronef après l’atterrissage. Les freinages brusques sont à éviter dans les cas où la piste peut être quittée à une intersection située plus loin sur la piste Planifiez la sortie à utiliser. Les bretelles de sortie à grande vitesse doivent être utilisées si elles sont disponibles.

    Lorsque la distance d’atterrissage requise est proche de la distance d’atterrissage disponible, après le toucher du train avant, les freins doivent être serrés fermement tout en assurant le confort des passagers. Les freins ne doivent pas être serrés avec une légère pression continue. Ceci est particulièrement important pendant la circulation au sol pour éviter une usure excessive des freins.

    L’utilisation de l’inversion de poussée doit être réduite au minimum, sauf pour des raisons opérationnelles ou de sécurité. La prudence est de mise au moment d’utiliser l’inversion de poussée dans des vents de travers. En cas d’utilisation de l’inversion de poussée, tentez de revenir à l’utilisation du réglage DISC à une vitesse supérieure à 60 nœuds pour éviter des dommages au moteur causés par des objets intrus.

    Lors de la course à l’atterrissage, si le commandant de bord est le PM, il prendra les commandes à une vitesse d’environ 60 nœuds (au-dessus de cette vitesse, la barre ne doit pas être utilisée)Ibid., section 2.19 : After Landing, p. 96..

    Dans l’événement à l’étude, l’aéronef a dépassé la zone d’atterrissage ciblée par l’équipage, qui se trouvait à environ 1000 à 2000 pieds du seuil de la piste, alors qu’il était encore en vol; les roues du train d’atterrissage principal ont touché la piste à environ 2500 pieds du seuil.

    1.17.3.3 Renseignements sur l’atterrissage fournis par l’avionneur

    La section Normal Landing du DHC-8 Q400 Aeroplane Operating ManualDe Havilland Aircraft of Canada Limited, DHC-8 Series 400 Aeroplane Operating Manual, section 2.7 : Normal Landing, p. 2.7-1. présente les renseignements suivants :

    En approche finale, le train d’atterrissage, les volets et les manettes de commande doivent être à la position requise pour l’atterrissage. La vitesse anémométrique minimale est la Vref; les pilotes doivent réduire la vitesse anémométrique jusqu’à la Vref, puis effectuer une approche stable en apportant de légères corrections aux commandes et à la puissance de façon à ce que l’aéronef reste dans l’axe longitudinal de la piste et la trajectoire de descente. Une note explique que la performance d’atterrissage de l’aéronef présume que la Vref appropriée est atteinte avant 50 pieds AGL.

    Le manuel indique ensuite ce qui suit [traduction] : « Commencer l’arrondi, puis régler la puissance pour obtenir un contact franc avec le sol à un taux de descente minimum au point souhaité sur la pisteIbid.. » Les manettes des gaz doivent être placées en position FLIGHT IDLE avant le toucher des roues, puis en position DISC après le toucher des roues.

    Il faut rapidement poser la roue avant au sol après le poser du train principal. Le freinage antidérapage doit être utilisé au besoin pour permettre à l’aéronef de décélérer en fonction de la distance disponible sur la pisteIbid..

    1.17.3.4 Alerte de sécurité de Porter Airlines Inc.

    En juin 2019, à la suite d’un incident de panne du circuit hydraulique, la direction des opérations aériennes de Porter Airlines a publié une alerte de sécuritéPorter Airlines Inc., Safety Alert : Use of Reverse (21 juin 2019). concernant l’utilisation de l’inversion de l’hélice. L’alerte de sécurité indique que les pilotes de la compagnie ne connaissent peut-être pas bien l’utilisation de l’inversion, et elle encourage ces derniers à envisager son utilisation dans les situations suivantes [traduction] :

    L’alerte de sécurité mentionne également les pratiques exemplaires suivantes associées à l’utilisation de l’inversion de poussée [traduction] :

    1.18 Renseignements supplémentaires

    1.18.1 Utilisation d’indices visuels pour créer une conscience situationnelle relative à la piste

    Au cours d’une approche et d’un atterrissage, il arrive couramment que l’équipage utilise divers indices visuels pour déterminer avec précision son orientation en approche, l’endroit où il a touché le sol sur la piste, la vitesse à laquelle il se déplace et la longueur de piste qui lui reste. Ces indices peuvent être des marques de piste, des croisements avec d’autres pistes et voies de circulation, ainsi que d’autres caractéristiques physiques dans les environs de la piste. Cependant, lorsqu’un équipage atterrit de nuit à un petit aéroport situé dans une zone éloignée, où une grande partie de l’espace visuel se présente sous la forme d’un arrière-plan noir sans caractéristiques marquées, l’équipage dispose de sensiblement moins d’indices visuels à utiliser comme repères. Une grande partie de l’environnement physique est difficile à voir, et les indices peuvent se limiter aux feux désignant les diverses parties de la surface de manœuvre, comme les feux de bord de piste, les feux de voie de circulation, les feux des pistes sécantes et les feux d’extrémité de piste. Il est donc plus difficile de développer et de maintenir une conscience situationnelle relative à la piste au moment d’atterrir dans un aéronef.

    On entend par conscience situationnelle [traduction] « la perception des éléments dans l’environnement à l’intérieur d’un volume de temps et d’espace, la compréhension de leur signification, et la projection de leur état à court terme »M.R. Endsley, « Situation Awareness », The Handbook of Human Factors and Ergonomics, 5e édition (2021), p. 435.Cette définition mentionne 3 niveaux qui sont essentiels à un rendement efficace dans des environnements dynamiques : pour atteindre un rendement qui produit le résultat escompté, il faut être en mesure de percevoir l’information (perception), d’en comprendre la signification (compréhension) et d’en saisir les répercussions sur les activités à venir (projection). La conscience situationnelle est une construction mentale qui décrit comment les humains perçoivent l’information, la comprennent et font des prédictions à son sujet, pour ainsi établir une conscience de la situation actuelle qui leur est propre.

    Il peut être difficile pour les membres d’équipage de déterminer rapidement et précisément où ils se trouvent sur la piste et à quelle vitesse ils se déplacent lorsque bon nombre des indices qu’ils utiliseraient normalement ne sont pas disponibles en raison des conditions d’éclairage, surtout la nuit.

    1.18.2 Liste de surveillance du BST

    La Liste de surveillance du BST énumère les principaux enjeux de sécurité qu’il faut s’employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr.

    Les sorties en bout de piste figurent sur la Liste de surveillance 2022. Comme le démontre l’événement à l’étude, lorsqu’une sortie en bout de piste survient pendant l’atterrissage, il est important que l’aéronef dispose d’une aire de sécurité adéquate au-delà de l’extrémité de la piste pour réduire les conséquences néfastes de la sortie.

    Chaque année au Canada, malgré les millions de mouvements sans incident sur les pistes d’aéroports, des sorties en bout de piste se produisent parfois pendant l’atterrissage ou lors d’un décollage interrompu. Du 1er janvier 2005 au 30 novembre 2023, il y a eu en moyenne 9,1 sorties en bout de piste par année aux aérodromes canadiens, dont 6,7 se sont produites à l’atterrissage. Le BST a enquêté sur 28 de ces événements au cours de cette période et a émis 6 recommandations. Trois recommandations sont toujours actives,Recommandations A20-02, A20-01 et A07-05 du BST. une est en veilleuseRecommandation A07-01 du BST et deux sont closesRecommandations A07-03 et A07-06 du BST..

    2.0 Analyse

    Dans l’événement à l’étude, lors du toucher des roues sur la piste 12 de l’aéroport de Sault Ste. Marie (CYAM) (Ontario), l’équipage de conduite ne s’est pas rendu compte au départ que l’aéronef était près de l’extrémité de la piste; et lorsqu’il s’en est rendu compte, les mesures prises n’ont pas permis d’immobiliser l’aéronef avant qu’il n’atteigne l’extrémité de la piste, entraînant une sortie en bout de piste.

    L’analyse se concentrera donc sur la conscience situationnelle relative à la piste; la technique d’atterrissage de l’équipage, y compris l’utilisation de l’inversion de poussée; de même que la dégradation de la performance de freinage attribuable à des défaillances des circuits techniques et à l’état de la surface de la piste.

    2.1 Connaissance situationnelle relative à la piste

    L’approche de l’aéronef à l’étude vers CYAM s’est déroulée dans des conditions d’éclairage nocturne et sous une faible pluie. L’équipage avait prévu de poser l’appareil entre 1000 et 2000 pieds après le début de la piste, la voie de circulation J (située à environ 2000 pieds du début de la piste) marquant l’extrémité de la zone d’atterrissage prévue. Les principaux indicateurs visuels disponibles pour faciliter l’atterrissage étaient les feux de bord de piste, les feux et panneaux de signalisation des voies de circulation, les feux de la piste sécante et les feux d’extrémité de piste.

    Alors que l’aéronef dépassait la voie de circulation J pendant l’approche finale, le commandant de bord vérifiait l’indicateur de tangage pour détecter tout angle de tangage supérieur ou égal à 5°, conformément aux procédures de la compagnie, afin d’éviter le risque d’un impact de la partie arrière du fuselage. À ce moment-là, le premier officier(P/O) se concentrait principalement sur la surface de la piste pour veiller au bon contact et à l’alignement de l’aéronef, compte tenu des difficultés visuelles associées à un atterrissage de nuit sous une faible pluie. Il est donc probable que l’équipage n’a pas perçu la voie de circulation J lorsqu’il l’a dépassée pendant cette dernière étape de vol, ou n’en a pas pris conscience.

    D’après l’endroit où le premier signal de référence air-sol a été déclenché et les attentes de l’équipage compte tenu de sa zone d’atterrissage cible, il est possible que l’équipage a confondu la piste 04/22, qui croise la piste 12, avec la voie de circulation J, ce qui lui aurait donné une image mentale erronée selon laquelle il aurait touché la piste plus près du seuil de piste qu’il ne l’a fait en réalité. Cette image mentale de sa position est corroborée par le fait que le commandant de bord s’est concentré sur des questions moins urgentes que la décélération de l’aéronef en demandant au P/O de corriger une déviation latérale mineure alors que les roues avant touchaient le sol et que l’aéronef était à environ 2000 pieds de l’extrémité de la piste.

    Lorsque le train avant a touché complètement le sol, alors qu’il restait 1700 pieds de piste, le P/O n’a d’abord effectué qu’un léger freinage conforme aux procédures après l’atterrissage établies par la compagnie; le commandant de bord n’a pas immédiatement corrigé cette manœuvre, ce qui indique que l’équipage n’était toujours pas conscient de la proximité de l’aéronef par rapport à l’extrémité de la piste.

    L’utilisation de panneaux de signalisation indiquant la longueur de piste restante est l’un des moyens d’améliorer la connaissance situationnelle d’un équipage sur une piste. Certains autres aéroports à travers le monde, et la plupart des aéroports militaires canadiens, ont installé des panneaux pour indiquer la distance restante sur les pistes. Ces panneaux aident les équipages en leur indiquant la distance restante par tranches de 1000 pieds.

    On peut aussi améliorer la conscience situationnelle avec des feux de bord de piste jaunes dans la dernière partie de la piste indiquant à l’équipage qu’il a atteint le dernier tiers ou les derniers 600 m de la piste. Bien que les pistes plus récentes soient approuvées selon ces exigences, de nombreux aéroports comme CYAM ont été certifiés selon des normes antérieures et disposent toujours de feux de bord de piste blancs.

    2.2 Technique d’atterrissage

    Avant l’atterrissage sur la piste 12, l’équipage a effectué une approche stable et était conscient de l’état des vents et de la surface de la piste. Selon le manuel de vol de l’aéronef, l’atterrissage a été planifié avec une longueur de piste suffisante pour la configuration donnée de l’aéronef et la piste mouillée. La vitesse d’approche de l’aéronef était supérieure à la vitesse minimale de référence (Vref); toutefois, cette vitesse d’approche avait été mentionnée par les deux membres d’équipage lors de l’exposé d’approche et était conforme aux exigences des procédures d’exploitation normalisées de Porter Airlines Inc.

    L’aéronef a d’abord touché légèrement la piste. Par conséquent, les déporteurs d’aile ne se sont déclenchés que 2 secondes plus tard, lorsque les roues du train d’atterrissage principal ont établi un contact solide, comprimant suffisamment les jambes du train d’atterrissage principal pour transmettre le signal de référence air-sol aux systèmes de l’aéronef.À ce stade, l’aéronef se trouvait déjà à 2850 pieds du seuil de la piste.

    Après ce contact solide, le mode DISC de l’hélice a été sélectionné; cependant, le train d’atterrissage avant a touché la piste environ 7 secondes après l’envoi du signal de référence air-sol, alors qu’il restait environ 1700 pieds de piste.

    Après le toucher du train avant, le P/O n’a d’abord appliqué qu’un freinage partiel. Ce n’est que 6 secondes après le toucher du train avant, à environ 850 pieds de l’extrémité de piste, que le commandant de bord a discerné les feux d’extrémité de piste et l’absence de décélération par rapport à la distance de piste restante et a pris les commandes pour freiner à fond.

    À ce moment-là, la longueur de piste restante s’approchait de la limite de la performance d’atterrissage théorique de l’aéronef dans les circonstances. Par conséquent, l’équipage ne disposait plus d’aucune marge de manœuvre pour réagir à des imprévus, tels qu’une dégradation possible de la performance de freinage.

    2.3 Utilisation de l’inversion de poussée de l’hélice

    Puisque le Q400 Airplane Flight Manual et le DHC-8 Series 400 Aeroplane Operating Manual ne donnent pas d’indications précises sur les circonstances dans lesquelles l’inversion des hélices doit être utilisée, la décision d’utiliser cette fonction repose principalement sur la formation des pilotes et sur leur familiarité avec le comportement de l’aéronef lorsque l’inversion est activée.

    Les procédures de Porter Airlines Inc. stipulent que l’utilisation de l’inversion doit être réduite au minimum et n’être utilisée que pour des raisons opérationnelles ou de sécurité. Des mises en garde concernant l’utilisation de l’inversion sont également données. En 2019, Porter Airlines Inc. a reconnu que ses pilotes étaient peu familiers avec l’inversion des hélices et a publié une alerte de sécurité interne. L’alerte de sécurité précisait les circonstances dans lesquelles l’utilisation de l’inversion devrait être envisagée, comme lorsque le circuit de freinage antidérapage ou normal est inopérant, ou toute situation dans laquelle la distance d’arrêt est critique.

    La formation dispensée aux pilotes de la compagnie prévoit notamment des exercices d’utilisation de l’inversion sur simulateur et des discussions sur l’utilisation du réglage DISC ou de l’inversion dans le cadre de leur entraînement en ligne. Cependant, cette fonction est rarement utilisée au cours des opérations normales, vu la haute efficacité rapportée de l’hélice en position DISC pendant les atterrissages.

    Dans l’événement à l’étude, la détérioration de la performance de freinage et la réduction de la longueur de piste restante n’ont été constatées qu’environ 8 secondes avant la sortie en bout de piste. Compte tenu du délai supplémentaire de 3 secondes qui suit la commande d’inversion par le pilote, avant que les hélices ne commencent à fournir une véritable décélération supplémentaire, l’enquête n’a pas permis de déterminer si la sélection de l’inversion aurait permis d’éviter la sortie en bout de piste à ce moment-là.

    Cependant, l’utilisation de l’inversion de poussée plus tôt dans la course à l’atterrissage aurait augmenté considérablement la décélération de l’aéronef, réduisant les probabilités d’une sortie en bout de piste. À aucune étape de la course à l’atterrissage, l’équipage n’a envisagé d’utiliser l’inversion comme moyen d’obtenir davantage de décélération.

    2.4 Contamination par de l’air dans le circuit hydraulique

    Pendant la décélération de l’aéronef, les commandes de l’aéronef ont été transférées du P/O au commandant de bord lorsqu’ils ont tous deux remarqué que l’aéronef ne décélérait pas comme prévu. Les freins ont été serrés à fond alors qu’il restait 850 pieds de piste et que la vitesse sol de l’aéronef était encore de 78 nœuds. À ce moment-là, les hélices étaient toutes deux au réglage DISC et tous les déporteurs d’aile s’étaient déployés.

    Le système d’antidérapage s’est activé immédiatement; cependant, les données de l’enregistreur de données de vol montrent une fluctuation de pression entre 2100 et 1000 lb/po2 pour les freins de gauche et une augmentation directe à 3000 lb/po2 pour les freins de droite à la suite de la pression sur la pédale, jusqu’à ce que l’aéronef sorte de la piste.

    Même en tenant compte des facteurs opérationnels (les retards dans l’abaissement du train avant, la sélection du réglage DISC et le freinage) et des conditions environnementales qui étaient présentes au moment de l’événement, lorsque les freins ont été serrés à fond, il restait théoriquement une longueur de piste suffisante pour que l’aéronef puisse s’immobiliser avant le prolongement dégagé.

    Toutefois, les activités de maintenance menées après l’événement ont révélé que les freins étaient incapables de maintenir l’aéronef en position pendant une mise en marche du moteur à régime élevé, en raison de la présence d’air dans le circuit hydraulique. Bien que l’enquête n’ait pas permis de déterminer comment cet air, qui a ensuite été purgé des circuits de freinage, s’était introduit dans le circuit hydraulique, il a possiblement affecté les performances de freinage de l’aéronef lors de l’événement à l’étude.

    2.5 Texture de la surface de la piste

    Cinq jours après l’événement, le laboratoire du BST a effectué un relevé de la microtexture et de la macrotexture de la surface de la piste 12 à CYAM. Une dégradation générale de la microtexture de la surface a été constatée. Le relevé de la macrotexture a également donné des mesures très basses sur la chaussée en béton des 300 derniers pieds de la piste 12 et sur la chaussée asphaltée des 100 pieds du prolongement de la piste. La décélération de l’aéronef a diminué pour passer de 0,29 à 0,16 g lorsque l’aéronef est passé de la partie asphaltée de la piste à la partie en béton, ce qui indique une dégradation de la performance de freinage.

    La performance d’atterrissage théorique prenait en compte divers états de surface de la piste (d’une surface neuve nominale à une surface modérément polie) et divers facteurs de « rugosité » des aspérités sur la surface revêtue de la piste. Les résultats indiquent qu’indépendamment de la microtexture ou de la macrotexture de la surface de la piste, l’aéronef aurait en théorie été capable de s’immobiliser dans la distance disponible sur la piste, même s’il passait très près de la limite. Cependant, la dégradation de la texture de surface de la partie en béton de la piste et du prolongement de la piste en asphalte ont eu une incidence sur la performance de freinage.

    3.0 Faits établis

    3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. Une fois que l’aéronef était au-dessus de la piste, l’équipage de conduite s’est concentré brièvement sur d’autres tâches et, compte tenu des indices visuels limités dont il disposait pendant l’atterrissage de nuit, il ne s’est pas rendu compte que l’aéronef se trouvait plus loin que prévu sur la piste.
    2. Les déporteurs d’aile se sont déployés 2 secondes après le toucher des roues, et l’abaissement du train avant et le freinage à fond ont été retardés parce que l’équipage de conduite n’était pas conscient de la proximité de l’aéronef par rapport à l’extrémité de la piste. Par conséquent, une décélération plus vigoureuse n’a commencé que lorsque le commandant de bord a discerné les feux d’extrémité de piste, alors que l’aéronef se trouvait à 850 pieds de l’extrémité.
    3. Lorsque le commandant de bord a freiné à fond alors qu’il restait 850 pieds de piste, l’aéronef aurait théoriquement dû pouvoir s’immobiliser; cependant, la performance de freinage s’est dégradée, probablement en raison de la texture de la surface de la piste sur les 300 derniers pieds de piste et de la contamination possible par de l’air dans le circuit hydraulique. En conséquence, l’aéronef a dépassé l’extrémité de la piste.

    3.2 Faits établis quant aux risques

    1. Si les procédures opérationnelles et la formation des pilotes ne mettent pas l’accent sur les circonstances dans lesquelles l’inversion des hélices doit être utilisée et sur le comportement de l’aéronef lorsqu’elle est utilisée, il y a un risque que les équipages de conduite ne reconnaissent pas les situations qui nécessitent l’utilisation de cette fonction et n’y réagissent pas à temps pour éviter une sortie en bout de piste.

    4.0 Mesures de sécurité

    4.1 Mesures de sécurité prises

    4.1.1 Porter Airlines Inc.

    4.1.1.1 Exposé d’approche

    Un bulletin interne a été émis aux pilotes de DHC-8-400 pour les informer que l’exposé d’approche a été modifié pour inclure une zone de poser prescrite.

    4.1.1.2 Formation et communication
    • Le plan de cours de la formation au sol a fait l’objet d’une vérification pour s’assurer que la matière dans la formation initiale comprend assez d’instructions relatives à la performance de l’aéronef, à l’utilisation de l’inversion de poussée et aux techniques de freinage.
    • L’équipage a reçu de la formation additionnelle dispensée par un pilote instructeur chevronné, au cours de laquelle il y a eu des discussions et des exposés concernant la connaissance de la zone de poser, la longueur de la piste, la définition d’une piste contaminée et les opérations connexes, les aspects à prendre en considération au moment de régler les volets, les limites liées au point de poser et la performance de l’aéronef. Il a été démontré que le rendement de l’équipage était aux normes.
    • La compagnie a publié un document de formation pour souligner les procédures d’atterrissage décrites dans le manuel de vol de l’aéronef.
    • Un bulletin a été émis pour diffuser de l’information sur les mises à jour des procédures d’exploitation normalisées (SOP) liées à l’utilisation de l’inversion de poussée, mises à jour qui ont été intégrées au cours initial de formation sur les SOP pour les pilotes de DHC-8-400, que toutes les nouvelles recrues doivent suivre.
    • Un document interne a été émis à l’intention de tous les pilotes de DHC-8-400 pour leur rappeler que les aéroports ne fournissent pas tous des comptes rendus d’état de piste dans le format de compte rendu mondial et que l’eau stagnante est un contaminant qui peut être présent en toute saison.
    • Un document interne émis à tous les pilotes de DHC-8-400 a modifié les SOP de manière à exiger que le plan de freinage après le toucher des roues soit inclus dans l’exposé et que l’emploi de l’inversion de poussée soit envisagé.
    • Porter Airlines Inc. a mis en place un système de dossiers numérique. De plus, les candidats-pilotes doivent désormais s’exercer à utiliser l’inversion de poussée pendant un vol d’entraînement en ligne et doivent être considérés compétents avant d’être recommandés pour une première vérification de compétence en ligne.
    • Le département de la formation sur le DHC-8-400 de Porter Airlines Inc. a mis en œuvre un exposé complet portant sur l’utilisation appropriée de l’inversion de poussée et les techniques connexes.
    • Les énoncés suivants ont été retirés des SOP après atterrissage de Porter Airlines Inc. [traduction] :
      • Si la longueur de la piste le permet, il faut éviter autant que possible de serrer les freins.
      • Il faut éviter autant que possible d’utiliser l’inversion de poussée, à moins qu’elle soit requise pour des raisons opérationnelles ou sécuritaires.
    • Un bulletin interne émis à tous les pilotes de DHC-8-400 a modifié les SOP relatives à la préparation à l’approche de manière à exiger que les volets soient réglés à 35° pour tous les atterrissages normaux lorsque la distance disponible est de 6000 pieds ou moins.
    • Un document a été envoyé au département de la formation pour clarifier le siège qu’occupe le commandant de bord lors de l’entraînement en ligne, l’observation des commandes et la façon de prendre des décisions concernant la configuration des volets et les réglages de puissance à l’approche.

    Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le 14 novembre 2024. Le rapport a été officiellement publié le 20 novembre 2024.