Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A22Q0025

Sortie en bout de piste
Skyservice Business Aviation Inc.
Honda Aircraft Company, LLC, HondaJet HA-420, C-FJJT
Aéroport Montréal/St-Hubert (CYHU) (Québec)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 7 mars 2022, l’avion HondaJet HA-420 (immatriculation C-FJJT, numéro de série 42000205) exploité par Skyservice Business Aviation Inc. effectuait un vol depuis l’aéroport de Val-d’Or (Québec) à destination de l’aéroport Montréal/St-Hubert (Québec), avec 2 membres d’équipage de conduite et 4 passagers à bord. Après le poser des roues lors de l’atterrissage sur la piste 06L, l’avion est sorti en bout de piste et s’est immobilisé à environ 700 pieds au-delà de l’extrémité de la piste. Il n’y a eu aucun blessé. L’avion n’a subi aucun dommage.

    1.0 Renseignements de base

    1.1 Déroulement du vol

    Le 7 mars 2022, les 2 pilotes formant l’équipage de conduite de l’avion HondaJet HA-420 (HondaJet) de la Honda Aircraft Company, LLC (Honda Aircraft), exploité par Skyservice Business Aviation Inc. (Skyservice), sont arrivés à l’aéroport international Toronto/Lester B. Pearson (CYYZ) (Ontario) pour débuter leur journée de travail vers 5 hLes heures sont exprimées en heure normale de l’Est (temps universel coordonné moins 5 heures).. Ils devaient effectuer une série de 4 vols :

    • de CYYZ à l’aéroport Montréal/St-Hubert (CYHU) (Québec);
    • de CYHU à l’aéroport de Val-d’Or (CYVO) (Québec);
    • de CYVO à CYHU;
    • de CYHU à CYYZ.

    Le départ du vol de CYYZ était prévu à 6 h et l’arrivée du dernier vol de la journée était prévue à 21 h à CYYZ.

    Puisqu’il était prêt plus tôt, l’équipage de conduite a amorcé la série de vols à 5 h 39. Les 2 premiers vols se sont déroulés sans encombre. L’avion s’est posé à CYVO à 8 h 51. L’équipage a ensuite bénéficié de plusieurs heures de repos à CYVO.

    À 18 h 21, l’avion a décollé de CYVO à destination de CYHU, avec les 2 membres d’équipage de conduite et 4 passagers à bord. Le commandant de bord occupait le siège de gauche et était le pilote aux commandes (PF). Le premier officier occupait le siège de droite et était le pilote surveillant (PM).

    Peu avant la descente vers CYHU, l’équipage a noté les informations du service automatique d’information de région terminale (ATIS) et a planifié l’approche de navigation de surface (RNAV) de la piste 06L, qui avait une longueur disponible de 6696 pieds. Pour cela, il a effectué un calcul de la distance d’atterrissage en utilisant le système de gestion de vol avec les conditions de piste et météorologiques rapportées par l’ATIS. La distance requise pour l’atterrissage calculée était d’environ 4900 pieds. Les calculs pour une configuration de volets à la position « décollage et approche » (en raison de la possibilité de givrage) ont donné une vitesse de référence d’atterrissage (VREF) de 121 nœudsToutes les vitesses sont des vitesses anémométriques indiquées, sauf indication contraire. et une vitesse d’approche de 126 nœuds.

    Vers 19 h 09, l’avion a débuté l’approche. Au moment où l’avion était à 1000 pieds au-dessus de l’altitude d’aérodrome, sa vitesse était d’environ 135 nœuds et diminuait. L’avion était configuré pour l’atterrissage et respectait les critères d’approche stabilisée établis par l’exploitant. Une fois la piste en vue, l’équipage a poursuivi l’approche, et l’avion a maintenu une vitesse comprise entre 125 et 130 nœuds de 200 à 50 pieds au-dessus de l’altitude d’aérodrome.

    L’avion a franchi le seuil décalé de piste à la hauteur de 26 pieds à une vitesse de 126 nœuds. Les 2 moteurs ont été mis au ralenti et, 6 secondes plus tard, à 19 h 13 min 38 s, sa vitesse était de 122 nœuds lorsqu’il s’est posé à environ 1100 pieds au-delà du seuil décalé de la piste 06L. L’aérofrein a immédiatement été déployé, le PF a commencé à freiner, mais n’a pas senti la décélération escomptée. À ce moment-là, il restait environ 5600 pieds de piste. Après que l’avion a parcouru environ 1100 pieds, le système d’alerte de bord a annoncé qu’il restait 4000 pieds de piste. La vitesse sol de l’avion était alors de 106 nœuds et la force de décélération était d’environ 0,07 g. À partir de ce point, la décélération ne s’est pas améliorée de façon appréciable sur le restant de la surface asphaltée. Après un bref échange avec le PF à propos de la décélération minime, le PM a appliqué de la pression sur les freins de son côté sans que cela change quoi que ce soit. À ce moment-là, il restait environ 3500 pieds de piste, la décélération ne s’était toujours pas améliorée, et la vitesse sol était de 96 nœuds.

    Après une course à l’atterrissage de 38 secondes sur la piste, le PF a constaté que la sortie en bout de piste était imminente étant donné qu’il restait alors 200 pieds de piste et que la vitesse était relativement élevée (vitesse sol de 55 nœuds). Afin de réduire les risques de dommages et de blessures, le PF a alors effectué un léger virage à gauche pour éviter les feux d’approche de la piste 24R et a coupé les 2 moteurs. L’avion est sorti en bout de piste à une vitesse de 60 nœuds (soit une vitesse sol de 54 nœuds) avant de s’immobiliser dans de la neige mouillée à environ 700 pieds au-delà de l’extrémité de la piste (figure 1). Le commandant a immédiatement informé la tour de CYHU de la sortie en bout de piste.

    Figure 1. Avion immobilisé après la sortie de piste (Source : tierce partie, avec autorisation)
    Image

    1.2 Personnes blessées

    Il n’y a eu aucun blessé.

    1.3 Dommages à l’aéronef

    L’aéronef n’a subi aucun dommage.

    1.4 Autres dommages

    Un feu d’extrémité de piste a été endommagé.

    1.5 Renseignements sur le personnel

    L’équipage de conduite possédait les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol conformément à la réglementation en vigueur.

    Le commandant de bord et le premier officier travaillaient à Skyservice depuis avril 2021. Ils avaient suivi leur formation initiale sur type et subi leur contrôle de la compétence du pilote en mai 2021.

    L’équipage avait accumulé environ 5 heures de service le matin du 7 mars pour ensuite bénéficier d’une période de repos d’au moins 4 heures, ce qui leur permettait de prolonger leur temps maximal de service de vol de 2 heuresTransports Canada, DORS/96-433, Règlement de l’aviation canadien, article 700.16.,Bien que cet article ait été abrogé en 2018, il restait applicable jusqu’en décembre 2022 en vertu d’une disposition transitoire de la partie II de la Gazette du Canada (volume 152, no 25, 7 décembre 2018).. Au moment de l’événement, l’équipage avait accumulé 14,5 heures de service.

    Selon l’examen des horaires de travail et de repos de l’équipage, rien n’indique que la fatigue ou d’autres facteurs physiologiques ont nui à la performance du commandant de bord ou du premier officier.

    Tableau 1. Renseignements sur le personnel

    Commandant de bord

    Premier officier

    Licence de pilote

    Licence de pilote de ligne (ATPL)

    Licence de pilote professionnel (CPL)

    Date d’expiration du certificat médical

    1er mars 2023

    1er mai 2022

    Heures totales de vol

    10 493

    2230

    Heures de vol sur type

    302

    317

    Heures de vol au cours des 24 heures précédant l’événement

    2,2

    2,2

    Heures de vol au cours des 7 jours précédant l’événement

    9,4

    7,1

    Heures de vol au cours des 30 jours précédant l’événement

    42,7

    30,6

    Heures de vol au cours des 90 jours précédant l’événement

    145

    94

    Heures de vol sur type au cours des 90 derniers jours

    145

    94

    Heures de service avant l’événement

    14,5

    14,5

    Heures hors service avant la période de travail

    33,5

    33,5

    1.6 Renseignements sur l’aéronef

    Tableau 2. Renseignements sur l’aéronef

    Constructeur

    Honda Aircraft Company, LLC

    Type, modèle et immatriculation

    HondaJet HA-420, C-FJJT

    Année de construction

    2020

    Numéro de série

    42000205

    Date d’émission du certificat de navigabilité

    6 août 2021

    Total d’heures de vol cellule

    435,4 heures

    Type de moteur (nombre)

    Honda HF120-H1A (2)

    Masse maximale autorisée au décollage

    10 700 lb

    Types de carburant recommandés

    Jet A, Jet A-1

    Type de carburant utilisé

    Jet A

    Selon le carnet de route de l’avion, celui-ci avait été entretenu conformément aux règlements en vigueur et aux procédures approuvées. La masse et le centre de gravité de l’avion respectaient les limites prescrites par le constructeur. À la suite de l’événement, une inspection du système de freinage a été effectuée et aucune défectuosité n’a été constatée. Cette inspection comprenait :

    • un test pour confirmer l’absence d’air dans le système de freinage;
    • une vérification de la pression hydraulique des freins;
    • une purge du système hydraulique des freins gauche et droit;
    • une vérification de la force des 4 pédales de frein.

    L’examen des pneus n’a révélé aucun dommage et aucune marque de dévulcanisation du caoutchouc. La profondeur des bandes de roulement a été mesurée sur toute la circonférence des pneus et elle variait entre 6,7 et 7,8 mmLa profondeur de la bande de roulement d’un pneu neuf est de 8,13 mm.. L’usure des pneus ne dépassait pas la limite définie par le fabricant.

    1.6.1 Longueur de piste restante

    En plus des divers indices visuels disponibles pour estimer la longueur de piste restante, les pilotes avaient aussi à leur disposition le système d’avionique intégré aux systèmes d’affichage et d’alerte de bord de l’avion les informant lorsque la longueur de piste restante est de 4000, 3000, 1000 et 500 piedsGarmin Ltd., 190-01490-02, Garmin G3000 Integrated Avionics System Cockpit Reference Guide, HondaJet HA-420 System Software Version 1792.24 or later (révision C, 2021), p. 210.. Dans l’événement à l’étude, ce système a fonctionné normalement lorsque l’avion roulait sur la piste.

    1.6.2 Système de freinage

    1.6.2.1 Généralités

    Le HondaJet dispose de 2 trains d’atterrissage principaux et d’un train avant. Le manuel d’utilisation du pilote précise [traduction] :

    Chaque train d’atterrissage principal est équipé d’un frein à disques multiples en acier, dont quatre rotatifs et trois fixes. […]

    Le freinage est déclenché en appuyant sur la partie supérieure des palonniers, ce qui fournit une pression de commande sur les maîtres-cylindres. La force de freinage est proportionnelle à la force appliquée sur les palonniers.

    La protection antidérapage est activée lorsque la vitesse des roues de l’aéronef est supérieure à environ 10 nœuds et inférieure à environ 165 nœuds (190 mi/h). Le dérapage des roues, mesuré par le transducteur de vitesse de roue, est signalé à l’unité de contrôle, qui envoie un signal à la vanne de régulation du système de freinage normal/antidérapage pour relâcher la pression de freinage des deux côtés en même temps. La fonction antidérapage automatique se remet en mode veille une fois que le dérapage des roues a pris fin ou que la pression sur les palonniers est inférieure au seuil de dérapage des roues. Le freinage normal est toujours disponible même en cas de panne du système antidérapage.

    Lors du toucher des roues à l’atterrissage, une protection empêche le freinage jusqu’à ce que les roues tournent. Quand la référence air–sol a été détectée pendant 3 secondes sans interruption, le freinage normal est activé, avec ou sans signal de vitesse des roues.

    Lorsque la vitesse de l’aéronef est supérieure à 25 nœuds, une protection de blocage des roues s’enclenche si l’une des roues ralentit de façon importante par rapport à l’autre. Quand la vitesse mesurée d’une roue d’un des trains d’atterrissage principaux baisse à 30 % ou moins de la vitesse de l’autre roue, un relâchement complet des freins se produit, ce qui élimine la condition de roue bloquéeHonda Aircraft Company, HondaJet Model HA-420 Pilot’s Operating Manual (31 août 2018), p. 1-139 et 1-140..

    1.6.2.2 Logique du système antidérapage

    Le HondaJet est équipé du système antidérapage MARK IV numérique mis au point par Crane Aerospace & Electronics (Crane). Ce type de système comprend une seule servosoupape qui fournit la même pression pour les freins des 2 roues de chaque train d’atterrissage principal simultanément. Ainsi, si un dérapage est détecté sur une seule roue, il modulera la pression de freinage sur les 2 roues en même temps, comme si les 2 roues avaient besoin d’être corrigées. Un système antidérapage appliquant un contrôle jumelé des roues a l’avantage de réduire le problème de maîtrise en direction, spécialement lors d’un fort freinage. Par contre, ce système réduit l’efficacité du freinage et réduit les performances d’arrêt par rapport à un système qui contrôle les roues séparément.

    Le système antidérapage essaie constamment d’optimiser le taux de glissement des roues, en ciblant un taux de glissement qui correspond au meilleur freinage. Pour ce faire, le système doit disposer d’une mesure précise de la vitesse de référence de l’avion (c’est-à-dire la vitesse sol) et de la vitesse de rotation des roues.

    Le système MARK IV repose entièrement sur les vitesses de rotation des roues provenant des 2 transducteurs de vitesse de roue (1 sur chaque roue de chaque train d’atterrissage principal). En cas de défaut des transducteurs de vitesse de roue, les performances du système antidérapage pourraient être différentes de celles prévues selon sa conception. Il est important de noter que la vitesse de référence de l’avion n’est pas directement détectée par les transducteurs de vitesse de roue. Celle-ci est estimée grâce à des algorithmes qui se basent sur les signaux des transducteurs de vitesse de roue.

    1.7 Renseignements météorologiques

    Avant le départ de CYVO, l’équipage de conduite a reçu la prévision d’aérodrome (TAF) pour CYHU qui avait été publiée à 15 h 19 le 7 mars 2022. La TAF prévoyait les conditions suivantes à partir de 19 h :

    • vents du 010° vrai (V) à 10 nœuds;
    • visibilité de ¾ mille terrestre (SM) dans la neige légère et de la brume;
    • plafond couvert à 400 pieds au-dessus du sol (AGL).

    La TAF prévoyait qu’entre 19 h et 23 h, la visibilité dominante serait temporairement de 1 ½ SM dans la neige légère, avec un ciel couvert à 800 pieds AGL. Il existait une probabilité de 40 % qu’entre 19 h et 21 h, la visibilité soit de ½ SM dans la neige et des granules de glace.

    Pendant le vol, l’équipage de conduite a reçu le message Foxtrot de mise à jour météorologique de l’ATIS émis à 19 h qui comprenait les renseignements suivants :

    • vents du 040° magnétique à 10 nœuds;
    • visibilité de 1 ¾ SM dans la pluie légère et des précipitations inconnues;
    • plafond couvert à 400 pieds AGL;
    • température de 0 °C, point de rosée de −0 °C;
    • calage altimétrique de 29,42 pouces de mercure (inHg).

    Par ailleurs, un compte rendu de l’état de la surface de la piste 06L rapportait un code d’état de piste (RWYCC) de 5/5/5 sur une piste 100 % mouilléeUn code d’état de piste de 5/5/5 indique que la « décélération au freinage est normale compte tenu de l’effort de freinage exercé sur les roues ET la maîtrise en direction est normale ». La mesure de freinage du pilote est évaluée comme bonne. (Source : Transports Canada, Circulaire d’information no 300-019 : Format mondial de notification [GRF] du compte rendu de l’état de la surface de la piste [édition 02 : 21 février 2021], section 6.4 : Code d’état de piste, à l’adresse tc.canada.ca/fr/aviation/centre-reference/circulaires-information/circulaire-information-ci-ndeg-300-019#toc6_4 [dernière consultation le 2 janvier 2025])..

    Les données des messages d’observation météorologique régulière d’aérodrome (METAR) pour CYHU sont recueillies par un système automatisé d’observations météorologiques (AWOS). Les METAR et les messages d’observation météorologique spéciale d’aérodrome (SPECI) qui sont fondés sur les données d’un système automatique contiennent le qualificatif AUTO.

    Les AWOS ont certaines limites et ne peuvent signaler des précipitations autres que la pluie ou la neige (p. ex., grêle, neige en grains, neige roulée et cristaux de glace) ou des précipitations variées tombant en même temps (signalées comme des « Précipitations inconnues – UP »).

    Les observations contenues dans les METAR diffusés pour CYHU entre 18 h et 19 h 18 sont résumées dans le tableau 3.

    Tableau 3. Résumé des messages d’observation météorologique régulière d’aérodrome (METAR) diffusés entre 18 h et 19 h 18 pour l’aéroport Montréal/St-Hubert

    Heure de diffusion

    Vent (direction / vitesse)

    Visibilité / précipitations

    Plafond (AGL)

    Température (°C)

    Point de rosée (°C)

    Calage altimétrique (inHg)

    18 h 00020°V / 10 kt1 ¾ SM / faible pluie, faibles précipitations inconnues et brumeCouvert à 400 pieds0−029,42
    18 h 16030°V / 10 kt2 ½ SM / faible pluie et brumeCouvert à 400 pieds0−029,38
    18 h 22030°V / 11 kt3 SM / faible pluie et brumeCouvert à 400 pieds0−029,38
    18 h 54010°V / 9 kt3 SM / faible neige et faibles précipitations inconnuesCouvert à 400 pieds0−029,40
    19 h 00010°V / 11 kt3 SM / faible neige avec une remarque que 2 mm de précipitations sont tombées au cours de la dernière heureCouvert à 400 pieds0−029,38
    19 h 12010°V / 9 kt3 SM / faible neige et faibles précipitations inconnuesCouvert à 400 pieds0−029,37
    19 h 18350°V / 5 kt4 SM / faibles précipitations inconnues et brumeCouvert à 400 pieds0−029,38

    1.7.1 Conditions de piste

    L’exploitant de l’aéroport est tenu de rendre disponibles des comptes rendus de l’état de la surface pour les mouvements d’aéronefs, qui détaillent l’état de la surface pour toutes les aires de mouvement à un aéroport, y compris les pistes, les voies de circulation et les aires de trafic. Des renseignements concernant le contenu et la publication de ces comptes rendus se trouvent dans la Circulaire d’information 300-019 de Transports Canada (TC)Transports Canada, Circulaire d’information no 300-019 : Format mondial de notification (GRF) du compte rendu de l’état de la surface de la piste (édition 02 : 21 février 2021), à l’adresse tc.canada.ca/fr/aviation/centre-reference/circulaires-information/circulaire-information-ci-ndeg-300-019 (dernière consultation le 2 janvier 2025)..

    À 17 h 04, un compte rendu de l’état de la surface de la piste 06L indiquait une bonne action de freinage compatible avec les opérations sur une piste mouillée. Le RWYCC était de 5/5/5, avec une piste 100 % mouillée. Ces informations avaient été publiées dans un NOTAM et faisaient partie des NOTAM consultés par le commandant de bord avant le départ de CYVO. Cette information était aussi communiquée dans le message Foxtrot de l’ATIS.

    Une inspection de piste effectuée vers 18 h 55 rapportait un RWYCC de 5/5/5 avec la présence d’un contaminant : ⅛ pouce de neige fondante (slush)Des traces seulement de neige fondante étaient visibles. Étant donné que pour décrire les conditions de la piste dans le rapport, l’observateur avait le choix entre « Pas de neige fondante » et « ⅛ po de neige fondante », il a opté pour cette dernière option.. Cette inspection de piste visait à vérifier l’état de la piste afin de prévoir le travail à effectuer durant la soirée. Le RWYCC n’ayant pas changé, le NOTAM n’avait pas à être mis à jourIbid., section 13 : Exigence pour émettre un AMSCR..

    Même si les conditions ne l’exigeaient pas, des mesures de frottementTransports Canada, DORS/96-433, Règlement de l’aviation canadien, article 302.416. pour chaque tiers de longueur de piste ont tout de même été effectuées lors de l’inspection de 18 h 55. Compte tenu du RWYCC rapporté, les coefficients canadiens de frottement sur piste mesurés correspondaient approximativement aux valeurs escomptées (tableau 4).

    Tableau 4. Mesures des coefficients canadiens de frottement sur piste lors de l’inspection de la piste 06L à 18 h 55

    Piste 06L

    1re mesure de frottement

    2e mesure de frottement

    3e mesure de frottement

    Moyenne

    Premier tiers

    0,45

    0,40

    0,46

    0,43

    Deuxième tiers

    0,45

    0,53

    0,41

    0,46

    Troisième tiers

    0,40

    0,47

    0,48

    0,45

    1.8 Aides à la navigation

    L’avion à l’étude a effectué l’approche aux instruments RNAV (GNSS [système mondial de navigation par satellite]) PISTE 06LNAV CANADA, Canada Air Pilot (CAP), CAP 6 : Québec (en vigueur du 27 janvier 2022 au 24 mars 2022), p. CYHU-IAP-3A. à CYHU jusqu’à l’altitude de décision de performance d’alignement de piste avec guidage vertical (LPV) de 339 pieds au-dessus du niveau de la mer (251 pieds au-dessus de l’altitude de l’aérodrome).

    1.9 Communications

    Sans objet.

    1.10 Renseignements sur l’aérodrome

    Au moment de l’événement, l’organisme sans but lucratif Développement Aéroport Saint-Hubert de Longueuil était responsable de la gestion, de l’exploitation et du développement de CYHU. En tant que titulaire d’un certificat d’aéroport, l’organisme avait mis en place un système de gestion de la sécurité approuvé par TC.

    CYHU compte 3 pistes asphaltées :

    • la piste 10/28, de 2420 pieds de longueur et de 150 pieds de largeur;
    • la piste 06R/24L, de 3922 pieds de longueur et de 100 pieds de largeur;
    • la piste 06L/24R, de 7801 pieds de longueur et de 150 pieds de largeur.

    Le seuil de la piste 06L est décalé de 1105 pieds, ce qui laisse une distance d’atterrissage utilisable (LDA) de 6696 pieds. La zone de poser des roues est indiquée par des paires de rectangles blancs de chaque côté des marques d’axe de piste à 492, 984, 1476, 1968 et 2460 pieds (150, 300, 450, 600 et 750 m) du seuil de piste (figure 2).

    Figure 2. Image indiquant les marques de zone de poser ainsi que la trajectoire en vol de l’avion (ligne tiretée), le point de poser des roues, l’endroit de l’annonce des 4000 pieds de piste restants, la trajectoire au sol de l’avion (ligne pointillée) et sa position finale (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
    Image

    La piste 06L comporte une aire de sécurité d’extrémité de piste (RESA) qui s’étend sur 260 m (853 pieds), ce qui dépasse les normes de TCTransports Canada, TP 312F, Normes relatives aux aérodromes et pratiques recommandées, 5édition (entrée en vigueur le 15 janvier 2020). exigeant une RESA de 150 m (492 pieds).

    Dans les données de piste pour CYHU du Supplément de vol – Canada, il est indiqué que de l’« [h]ydroplanage peut survenir sur la piste 06L/24R (surtout à l’intxn [intersection] de la voie de circulation L) lors de fortes précipitationsNAV CANADA, Supplément de vol – Canada (CFS), en vigueur du 27 janvier 2022 au 24 mars 2022, Répertoire aérodromes/installations – Montréal / St-Hubert QC, rubrique PISTE, champ RCR, p. B114. ».

    1.10.1 Texture de la surface de piste

    Les forces de frottement entre le pneu et la surface de la piste sont influencées, en partie, par la texture de la piste. La texture de la surface est caractérisée par une microtexture et une macrotexture.

    La microtexture fait référence à la rugosité des aspérités individuelles qui composent la topographie de la surface. La microtexture peut être évaluée en observant à quel point la surface est polie. Si les aspérités de l’agrégat exposé (sur une piste en asphalte) sont lisses et polies par de longues années d’utilisation, la microtexture sera considérée comme médiocre.

    La macrotexture est la profondeur/hauteur moyenne entre le sommet et le creux des aspérités de surface. La macrotexture joue un rôle important en fournissant des voies par lesquelles les liquides peuvent s’échapper de l’empreinte du pneu lorsque celui-ci se déplace dans un liquide. Une macrotexture insuffisante dégradera considérablement les performances de freinage sur une piste contaminée par des liquides (comme de la pluie).

    Le 4 mai 2022, 2 ingénieurs du BST ont effectué des essais de l’état de surface de la piste 06L de CYHU et enregistré des observations générales. La microtexture a été observée comme étant bonne. Les aspérités ne présentaient pas de polissage appréciable, et la rugosité était perceptible au toucher. Des essais pour déterminer la macrotexture ont été effectués à 8 points équidistants le long de la piste. À chaque point, 2 échantillons ont été prélevés à 3 m de chaque côté de l’axe de piste. La profondeur moyenne de la macrotexture était de 0,68 mm, mesure qui a été utilisée par le BST pour les calculs de performance de freinage (voir section 1.16.2 Calculs de décélération).

    1.11 Enregistreurs de bord

    L’avion était doté d’un enregistreur de conversations de poste de pilotage et de données de vol (CVFDR) à semi-conducteursUn enregistreur de conversations de poste de pilotage et de données de vol (CVFDR) est un enregistreur de conversations de poste de pilotage (CVR) combiné à un enregistreur de données de vol (FDR).. Le CVFDR a été envoyé au Laboratoire d’ingénierie du BST à Ottawa (Ontario), et les données qu’il contenait ont été téléchargées avec succès.

    L’enregistreur de données de vol (FDR) a enregistré et stocké les données de plus de 129 heures de vol, y compris le vol à l’étude.

    L’enregistreur des conversations de poste de pilotage (CVR) a enregistré et stocké 2 heures de données audio (conversations, communications radio, alarmes et bruit dans la cabine de pilotage), dont une partie du vol précédent, la préparation au sol du vol de l’événement au départ de CYVO et le vol à l’étude et ce qui s’est passé jusqu’à 11 minutes après l’événement.

    1.12 Renseignements sur l’épave et sur l’impact

    Sans objet.

    1.13 Renseignements médicaux et pathologiques

    Rien n’indique que des facteurs médicaux ou physiologiques ont nui à la performance de l’équipage de conduite.

    1.14 Incendie

    Rien n’indique la présence d’un incendie soit avant ou après l’événement.

    1.15 Questions relatives à la survie des occupants

    Sans objet.

    1.16 Essais et recherche

    1.16.1 Rapports de laboratoire du BST

    Le BST a produit les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

    • LP027/2022 – FDR and Braking Performance Analysis (Analyse des données du FDR et des performances de freinage)
    • LP028/2022 – CVR Audio Recovery (Récupération des données audio du CVR)

    1.16.2 Calculs de décélération

    1.16.2.1 Performances de freinage

    Le BST a effectué des calculs afin de comparer la décélération type de l’avion à la décélération du vol à l’étude. Pour cela, le BST s’est basé sur les données des essais faits lors de la certification du HondaJet et a calculé la décélération pour différents types de contaminants présents sur la piste et dans les conditions météorologiques qui prévalaient au moment de l’événement à l’étude.

    Afin d’évaluer les performances de freinage de l’avion, les principes fondamentaux de la performance de freinage ont été utilisés pour modéliser les performances de freinage de l’avion à l’étude attendues pour plusieurs scénarios. Les méthodes d’application de ces principes fondamentaux ont été tirées de la littérature de l’Engineering Sciences Data Unit (ESDU)Engineering Sciences Data Unit, ESDU 10015, Model for performance of a single aircraft tyre rolling or braking on dry and precipitated contaminated runways (février 2013, révisions A et B en juillet 2015).,Engineering Sciences Data Unit, ESDU 05011, Summary of the model for performance of an aircraft tyre rolling or braking on dry or precipitate contaminated runways (mai 2005, révision D en juillet 2015).,Engineering Sciences Data Unit, ESDU 10003, Worked example for tyre in linear motion on a contaminated runway surface (mai 2013, révisions A et B en septembre 2015).,Engineering Sciences Data Unit, ESDU 15003, Planing of rib-tread aircraft tyres (juin 2015, révision A en juillet 2016).. Le modèle ESDU tient compte de toutes les forces importantes qui contribuent à la décélération de l’avion. Il s’agit notamment :

    • de la résistance au roulement : force résultant de la flexion du pneu. Cette résistance se produit dans toutes les conditions de surface de piste (sèche, mouillée ou contaminée);
    • de la traînée des contaminants (liquide ou neige) : force générée par le déplacement et/ou la compression des contaminants se trouvant sur la trajectoire du pneu;
    • du freinage : force résultant de l’action de freinage seule;
    • de la traînée aérodynamique de l’aile de l’avion : force en fonction de la configuration des volets et des déporteurs;
    • des forces propulsives (poussée) : un avion qui n’a pas de dispositifs d’inversion de poussée, comme c’était le cas de l’avion à l’étude, continue à produire des forces de propulsion vers l’avant, même au ralenti.

    Le CVFDR avait enregistré suffisamment de données pour permettre aux ingénieurs du BST d’estimer avec précision la traînée et la poussée. Le CVFDR avait également enregistré l’accélération longitudinale. Enfin, la masse de l’avion à l’atterrissage était connue. Grâce à toutes ces données, les ingénieurs du BST ont pu déduire les forces totales réelles exercées sur les roues de l’avion au cours de l’atterrissage à l’étude.

    En utilisant toutes les forces importantes qui contribuent à la décélération de l’avion, le modèle ESDU de prédiction de performance de freinage a été utilisé pour estimer le profil de vitesse sol de l’avion selon 5 scénarios hypothétiques de conditions de piste :

    1. piste sèche;
    2. piste contaminée avec 3 mm d’eau (figure 3);
    3. piste contaminée avec 10 mm de neige fondante (figure 4)La neige fondante est de la « [n]eige ou glace partiellement fondues, à teneur élevée en eau, desquelles l’eau s’écoule facilement. (La neige fondante produit des éclaboussures si elle est piétinée vigoureusement, et de l’eau s’en écoule si l’on en prend une poignée.) » (Source : Transports Canada, Circulaire d’information no 300-019 : Format mondial de notification [GRF] du compte rendu de l’état de la surface de la piste [édition 02 : 21 février 2021], section 2.3 : Définitions et abréviations, à l’adresse tc.canada.ca/fr/aviation/centre-reference/circulaires-information/circulaire-information-ci-ndeg-300-019#toc2_3 [dernière consultation le 3 janvier 2025]).;
    4. piste contaminée avec 10 mm de neige mouillée (figure 5)La neige mouillée est de la « [n]eige qui colle lorsqu’elle est comprimée, mais qui ne laisse pas s’écouler de l’eau librement lorsqu’elle est écrasée. (La neige mouillée contient assez d’eau pour façonner une boule de neige qui est dure et solide, mais qui ne laisse toutefois pas s’écouler d’eau si on l’écrase.) » (Source : Ibid.);
    5. piste contaminée à 100 % avec de la glace (figure 6).

    Le scénario pour piste sèche a été utilisé pour valider le modèle utilisé avec les données de certification du constructeur. Les résultats pour une piste sèche ont permis de déduire qu’il serait possible de se fier avec un haut niveau de confiance aux prédictions du modèle ESDU pour les scénarios définis.

    Les autres scénarios correspondent à des conditions de piste qui auraient pu être présentes selon les conditions météorologiques.

    Figure 3. Graphique illustrant la performance de freinage prévue d’un HondaJet sur piste contaminée avec 3 mm d’eau et la performance de freinage de l’avion à l’étude – Scénario 2 (Source : BST)
    Image

    Ce scénario est représentatif des conditions de piste rapportées peu avant l’événement à l’étude.

    Figure 4. Graphique illustrant la performance de freinage prévue d’un HondaJet sur piste contaminée avec 10 mm de neige fondante et la performance de freinage de l’avion à l’étude – Scénario 3 (Source : BST)
    Image
    Figure 5. Graphique illustrant la performance de freinage prévue d’un HondaJet sur piste contaminée avec 10 mm de neige mouillée et la performance de freinage de l’avion à l’étude – Scénario 4 (Source : BST)
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    Dans les scénarios 2, 3 et 4, il existe une disparité appréciable lorsque l’on compare les résultats simulés au profil de vitesse réelle de l’avion à l’étude. Par conséquent, il est peu probable que les conditions de ces scénarios soient représentatives de celles qui prévalaient au moment de l’événement.

    Figure 6. Graphique illustrant la performance de freinage prévue d’un HondaJet sur piste contaminée à 100 % avec de la glace et la performance de freinage de l’avion à l’étude – Scénario 5 (Source : BST)
    Image

    Il ressort de ces simulations un degré plus élevé de corrélation entre le profil de vitesse réelle de l’atterrissage en question et les résultats simulés du scénario 5 que les résultats des autres scénarios.

    1.16.2.2 Évolution de l’état de surface de piste

    Après la sortie en bout de piste, lorsque le personnel aéroportuaire s’est rendu à l’avion, un peu de neige fondante était présente sur les voies de circulation et la piste, mais ces surfaces n’étaient pas glissantes. La piste 06L/24R, qui avait été fermée après la sortie en bout de piste, a été rouverte une fois l’avion remorqué et la piste déblayée, soit vers 21 h 30. En raison des conditions météorologiques qui persistaient, le personnel d’entretien des pistes a continué le déblayage de la piste, et a rapporté que ce n’est qu’entre 23 h 30 et minuit que de la glace semblait commencer à se former sur la surface de piste. Le personnel d’entretien s’est alors affairé à retirer la glace et à assécher la piste.

    Environnement et Changement climatique Canada a évalué les conditions de piste en utilisant le Modèle de l’Environnement et de la Température de la Route (METRo)Le Modèle de l’Environnement et de la Température de la Route (METRo) est un logiciel de prévision de la température de la route créé en 1999 et distribué sous une licence publique générale par Environnement et Changement climatique Canada. Plus d’information sur METRo est disponible à l’adresse framagit.org/metroprojects/metro/-/wikis/home (dernière consultation le 3 janvier 2025).. À l’aide d’observations fournies par une station d’information météorologique routière et d’une prévision atmosphérique, il est possible, entre autres, grâce à METRo, de prévoir les conditions de route qui sont d’un intérêt particulier comme la pluie verglaçante, une accumulation de neige, le gel ou le dégel du sol.

    Afin de déterminer les conditions de piste au moment de l’événement à l’étude, les informations suivantes ont été utilisées :

    • les observations météorologiques de CYHU;
    • les observations émanant des stations du système d’information météorologique routière du ministère des Transports et de la Mobilité durable du Québec les plus près de l’aéroport;
    • les caractéristiques de la piste 06L/24R de CYHU.

    L’évaluation a conclu qu’au moment de l’incident, l’eau de fonte de la neige ne pouvait pas avoir gelé et formé de la glace. De plus, c’est au plus tôt après 23 h que de la glace aurait pu se former.

    1.16.3 Simulations

    1.16.3.1 Simulations de défaillance d’un transducteur de vitesse de roue

    Afin de mieux comprendre les caractéristiques du système antidérapage du HondaJet, le simulateur HIL (hardware-in-the-loop) de Crane a été utilisé pour observer la réponse du système à certaines défaillances hypothétiques. Les simulations ont été effectuées dans les installations d’ingénierie de Crane à Burbank, en Californie (États-Unis) en présence de 2 enquêteurs du BST.

    Au total, 17 scénarios de simulation ont été réalisés. Le système a fonctionné tel qu’il avait été conçu pour tous les scénarios, sauf un. Dans ce dernier, la défaillance hypothétique consistait en une perte intermittente du signal de sortie (environ une fois par rotation de roue) de l’un des 2 transducteurs de vitesse de roue. Cette défaillance a entraîné une pression constante des freins qui était faible, semblable à celle à laquelle on s’attendrait lors d’une protection de roue bloquée. Une telle défaillance ne serait pas présente suffisamment longtemps pour être détectée comme un défaut dans le système et ne serait pas enregistrée dans l’ordinateur central de maintenance.

    Il a été noté que cette décélération était comparable à la décélération du vol à l’étude déduite des données du FDR.

    1.16.3.2 Tests de vibration et d’infiltration d’eau

    Crane a par ailleurs effectué des tests de vibration, dans le but de surveiller et d’enregistrer le signal de sortie de transducteur de vitesse de roue lorsque celui-ci est soumis à des vibrations et exposé à différentes conditions météorologiques. Les 2 transducteurs de vitesse de roue de l’avion à l’étude ainsi que 2 autres provenant d’un autre avion ont été utilisés pour les tests.

    Des tests de 5 minutes chacun ont été effectués à des vitesses de rotation de 333, 833, 1667 et 2500 tr/min (correspondant à des vitesses de l’avion d’environ 15, 38, 76 et 115 nœuds respectivement) et avec différents types de vibrations. Lors de ces tests, les signaux de sortie des transducteurs de vitesse de roue ont été enregistrés toutes les minutes selon une cadence de 100 000 échantillons par seconde pendant 2 secondes. Pour chaque échantillon, le voltage maximum et minimum ainsi que la fréquence de variation ont été enregistrés.

    Crane a aussi effectué des tests d’infiltration d’eau selon les mêmes paramètres. Avant d’effectuer ces tests, des jets d’eau ont été appliqués pendant 5 minutes sur les transducteurs de vitesse de roue, qui ont ensuite été semi-submergés dans l’eau pendant un minimum de 2 heures.

    Aucune anomalie n’a été relevée.

    1.17 Renseignements sur les organismes et sur la gestion

    1.17.1 Exploitant

    Skyservice est un exploitant aérien basé à Dorval (Québec) qui fournit, entre autres, des services de gestion d’aéronefs. Au moment de l’événement à l’étude, la compagnie exploitait 56 aéronefs, basés à plusieurs endroits au Canada, en vertu des sous-parties 604 (Exploitant privé), 703 (Exploitation d’un taxi aérien) et 704 (Exploitation d’un service aérien de navette) du Règlement de l’aviation canadien (RAC). Le vol à l’étude était effectué en vertu de la sous‑partie 704.

    1.17.1.1 Critères d’approche stabilisée

    D’après le paragraphe 5.14 des procédures d’exploitation normalisées (SOP) de Skyservice, en situation normale dans des conditions météorologiques de vol aux instruments, l’avion doit se trouver sur une approche stabilisée au plus tard au « point désigné d’approche stabilisée » (stabilized approach gate), soit à 1000 pieds au-dessus de l’aérodrome.

    Une configuration d’approche stabilisée répond aux critères suivants [traduction] :

    a)   [avion] établi sur la trajectoire d’alignement de piste/de rapprochement sans déviation (±1 point, ±5° de la trajectoire souhaitée);

    b)   [avion] établi sur la trajectoire d’alignement de descente (le cas échéant) sans déviation (±1 point) ou pas plus de 300 pieds au-dessus de l’altitude minimale au FAF/FAWP [repère d’approche finale/point de cheminement d’approche finale] si une approche par palier est effectuée;

    c)   durant une approche indirecte, les ailes [de l’avion] devraient être à l’horizontale en finale lorsque l’avion atteint 300 pieds AAE [altitude au-dessus de l’aérodrome];

    d)   aucune vitesse anormale (entre −5 KIAS et +15 KIAS de la VAPP [vitesse d’approche]);

    e)   aucun taux de descente anormal (taux de descente maximal de 1000 pi/min, sauf si un taux plus élevé a fait l’objet d’un exposé) […]Skyservice Business Aviation Inc., Aircraft Standard Operating Procedures, révision 1 (7 juin 2021), section 5 : Normal Flight Procedures – Arrival, paragraphe 5.14 : Stabilized Approach, p. 5-8..

    1.17.1.2 Performances d’atterrissage de l’avion

    Dans le cadre du processus de certification, le constructeur a déterminé la distance d’atterrissage nécessaire à l’avion pour s’immobiliser (distance d’atterrissage non pondérée). Compte tenu de la nature de la procédure d’essai pendant la certification, les distances d’arrêt obtenues ne tiennent pas compte de toutes les variations auxquelles on peut s’attendre dans des conditions réelles d’exploitationVariations de l’application du freinage, de l’exécution de l’arrondi et de l’application des méthodes de décélération par un pilote et variations de la vitesse de toucher des roues en raison de turbulence ou de vent de travers.. Pour remédier à cela, l’Organisation de l’aviation civile internationale recommande de prendre en compte des variations dans l’approche et la technique d’atterrissage, et d’inclure une marge de sécurité d’au moins 15 % dans les calculs de la distance d’atterrissageOrganisation de l’aviation civile internationale (OACI), document no 10064, Manuel sur les performances des avions, première édition (2020), chapitre 5, section 5.4.7..

    Le 31 août 2006, la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis avait publié l’alerte de sécurité 06012Federal Aviation Administration (FAA), Safety Alert for Operators (SAFO) 06012, Landing Performance Assessments at Time of Arrival (Turbojets) (31 août 2006). Cette SAFO a été annulée, et les informations ont été incorporées dans la circulaire d’information AC 91-79B de la FAA, Aircraft Landing Performance and Runway Excursion Mitigation (28 août 2023)., dans laquelle elle recommande aux exploitants d’avions à turboréacteurs d’élaborer des procédures d’évaluation des performances d’atterrissage à l’intention des équipages de conduite. Selon ces procédures, les équipages de conduite devraient se baser sur les diverses conditions existantes à l’arrivée plutôt que sur les conditions présumées au moment des activités de régulation du vol. Ainsi, ils devraient tenir compte des conditions météorologiques, de l’état de la piste, de la masse de l’avion et du système de freinage utilisé. Une fois la distance d’atterrissage en conditions réelles déterminée, ils devraient y ajouter une marge de sécurité supplémentaire d’au moins 15 %.

    Honda Aircraft a inclus une marge de sécurité de 15 % dans les distances d’atterrissage publiées dans le manuel de vol de l’aéronef (AFM)Honda Aircraft Company, Model HA-420 Airplane Flight Manual (14 décembre 2018), p. 5-144. pour tenir compte de facteurs opérationnels, y compris le vent de travers et la technique d’atterrissage.

    1.17.1.3 Exigences réglementaires

    D’après les limites de régulation relatives aux atterrissages à un aérodrome de destination et à un aérodrome de dégagement stipulées à l’alinéa 704.49(1)a) du RAC,

    il est interdit d’effectuer la régulation ou le décollage d’un avion à turboréacteurs à moins que :

    a)   sa masse à l’atterrissage à l’aérodrome de destination et à l’aérodrome de dégagement ne permette d’effectuer un arrêt complet sur au plus soixante pour cent de la distance d’atterrissage utilisable (LDA)Transports Canada, DORS/96-433, Règlement de l’aviation canadien, alinéa 704.49(1)a)..

    De plus, le paragraphe 704.50(1) du RAC exige que la LDA à l’aérodrome de destination « corresponde à au moins 115 pour cent de la distance d’atterrissage exigée en application de l’alinéa 704.49(1)a)Ibid., paragraphe 704.50(1). » lorsque la piste peut être mouillée à l’heure d’arrivée prévue selon les prévisions météorologiques.

    Il existe une exception aux dispositions du paragraphe 704.50(1) du RAC lorsque l’AFM renferme des renseignements précis sur les distances d’atterrissage sur piste mouillée. Dans ce cas, la LDA peut être plus courte que celle exigée au paragraphe 704.50(1) du RAC, pourvu qu’elle ne soit pas inférieure à celle exigée au paragraphe 704.49(1), et donc à l’alinéa 704.49(1)a) du RACIbid., paragraphe 704.50(2)..

    Dans le cas de l’événement à l’étude, le constructeur de l’avion avait publié des distances d’atterrissage sur piste mouillée. Cependant, ces distances étaient publiées dans un supplément de l’AFM destiné aux exploitants européens et n’étaient pas utilisées par Skyservice. De plus, ces distances n’étaient pas inférieures à la distance exigée en application du paragraphe 704.50(1) du RAC.

    Pour vérifier si ces exigences sont respectées, il faut calculer la distance d’atterrissage pondérée. Pour les pistes sèches, la distance d’atterrissage non pondérée sur piste sèche est multipliée par 1,67. Pour obtenir la distance d’atterrissage pondérée sur piste mouillée, ce résultat est ensuite multiplié par 1,15. Ainsi, il est possible d’obtenir la distance d’atterrissage pondérée sur piste mouillée en multipliant la distance d’atterrissage non pondérée sur piste sèche par 1,92. Il suffit ensuite de comparer ces distances à la longueur de piste déclarée comme étant utilisable (c’est-à-dire la LDA).

    L’équipage de l’événement à l’étude utilisait ce type de calcul à partir d’une distance d’atterrissage calculée avec la configuration de l’avion et les conditions météorologiques à destination. La distance d’atterrissage non pondérée sur piste sèche calculée pour le vol à l’étude était de 3280 pieds, et la distance d’atterrissage pondérée sur piste mouillée était de 6298 pieds (3280 x 1,92) et respectait ainsi les exigences du RAC.

    1.17.1.4 Calculs de performance d’atterrissage

    Les SOP de Skyservice pour la préparation à l’approche renvoient à l’AFM, qui décrit la procédure à suivre.

    L’équipage de conduite doit confirmer les données pour l’atterrissage en déterminant le poids de l’avion à l’atterrissage et la configuration d’atterrissage prévue selon les conditions de givrage. Après avoir obtenu les informations concernant l’aérodrome et les conditions météorologiques à l’aide du système de gestion de vol, l’équipage calcule la VREF, ce qui lui permet de confirmer la distance d’atterrissage.

    Pour calculer la distance d’atterrissage à l’aide du système de gestion de vol, l’équipage de conduite sélectionne la piste prévue et saisit ensuite les données météorologiques et l’état de la surface de piste (sèche ou mouillée). L’équipage peut ensuite sélectionner la configuration d’atterrissage pour des conditions de givrage au besoin, et finalement majorer la distance d’atterrissage en ajoutant un pourcentage selon les conditions réelles, une vitesse d’approche plus rapide que la VREF calculée et/ou une situation anormale.

    Dans le cadre de la présente enquête, des calculs ont été effectués à l’aide du système de gestion de vol de l’avion pour le vol à l’étude. En sélectionnant la piste 06L mouillée, une configuration de volets à la position « décollage et approche » et les conditions météorologiques présentes lors de l’atterrissage, la distance d’atterrissage calculée était de 4903 pieds, soit bien en deçà de la LDA de 6696 pieds.

    Les calculs effectués par le système de gestion de vol sont basés sur les données de l’AFM et extrapolés selon les paramètres sélectionnés. Lorsqu’une surface de piste mouillée est sélectionnée, le système prend la distance indiquée dans l’AFM pour une piste sèche et majore cette distance de 30 % comme recommandé dans l’AFM pour une piste contaminée. Le système majore ensuite ce résultat de 15 % pour prendre en compte des facteurs opérationnels comme un vent de travers et la technique d’atterrissageHonda Aircraft Company, Model HA-420 Airplane Flight Manual (14 décembre 2018), section 5 : Performance..

    1.18 Renseignements supplémentaires

    1.18.1 Études et références sur les sorties en bout de piste

    Les sorties en bout de piste sont une préoccupation internationale et ont été étudiées par différentes agences, différents organismes et différents constructeurs afin d’en déterminer les causes, ainsi que les facteurs qui peuvent atténuer le risque que de tels événements se produisent.

    Pour fournir aux pilotes et aux exploitants des moyens [traduction] « de cerner, de comprendre et de gérer les risques associés aux sorties en bout de piste à l’atterrissageFederal Aviation Administration (FAA), Advisory Circular (AC) 91-79B: Aircraft Landing Performance and Runway Excursion Mitigation (publiée le 28 août 2023), section 1.1 : Purpose of this advisory circular (AC), p. 1-1. », la FAA a publié la circulaire d’information AC 91-79B en 2023. La circulaire indiquait la liste des dangers suivants, qui augmentent le risque de sortie en bout de piste [traduction] :

    • approche non stabilisée;
    • vitesse excessive;
    • hauteur excessive au-dessus du seuil de la piste;
    • atterrissage au-delà du point de poser prévu;
    • altitude élevée de l’aéroport;
    • masse de l’avion à l’atterrissage;
    • déclivité négative de la piste;
    • utilisation retardée des dispositifs de décélération/freinage maximal;
    • effet d’un vent arrière sur la distance d’atterrissageIbid., chapitre 5 : Runway overrun hazards, p. 5-1 à 5-3..

    Dans l’étude d’analyse des données sur les sorties en bout de piste accumulées sur 14 ans menée par la Flight Safety Foundation, les dangers ont été regroupés selon 4 grands facteurs, à savoir la performance de l’avion, la technique et la prise de décisions de l’équipage de conduite, les conditions météorologiques et les systèmes de l’avionFlight Safety Foundation, Reducing the Risk of Runway Excursions: Report of the Runway Safety Initiative (mai 2009), p. 157 à 160..

    1.18.1.1 Technique d’atterrissage utilisée dans le manuel de vol de l’aéronef

    Pour déterminer les performances de l’avion indiquées dans l’AFM du HondaJet, le constructeur s’est basé sur une vitesse de poser des roues correspondant à 95 % de la VREF, sur l’avion étant à la VREF à 50 pieds au‑dessus du seuil de piste et sur la réduction au minimum de la puissance à ce moment-là. Lors de l’événement à l’étude, la VREF était de 121 nœuds, ce qui se serait traduit par une vitesse de poser des roues d’environ 115 nœuds. Les calculs effectués dans le cadre de la présente enquête ont permis de déterminer que la vitesse de l’avion était de 130 nœuds lorsqu’il était à 50 pieds au-dessus de l’altitude topographique de la piste, que sa vitesse était de 126 nœuds au-dessus du seuil décalé et que sa vitesse de poser des roues était de 122 nœuds.

    Une vitesse supérieure à la VREF augmente la distance d’atterrissage. Dans le cas de l’événement à l’étude, il a été déterminé que cette vitesse excédentaire aurait augmenté la distance d’atterrissage d’environ 390 pieds.

    1.18.2 Aquaplanage

    L’aquaplanage, également appelé « hydroplanage », survient lorsqu’une couche d’eau se forme entre les pneus de l’avion et la surface de la piste, ce qui entraîne une perte d’adhérence et empêche l’avion de répondre aux commandes telles que la direction ou le freinage.

    Selon le Manuel d’information aéronautique de Transports Canada :

    Dans ces conditions, l’adhérence des pneus est négligeable et, dans certains cas, les roues peuvent même s’arrêter complètement de tourner; la capacité de freinage des pneus est nulle et ceux-ci ne permettent plus le contrôle directionnel de l’aéronef. Il est difficile d’évaluer précisément l’augmentation de la distance de freinage qui en résulte, mais selon les estimations, elle peut aller jusqu’à 700 %Transports Canada, TP 14371, Manuel d’information aéronautique de Transports Canada (AIM de TC), AIR – Discipline aéronautique (7 octobre 2021), section 1.6.6 : Pistes mouillées.,Ce phénomène correspond à l’aquaplanage dynamique..

    En général, on distingue 3 types d’aquaplanage, décrits comme suit :

    Un aquaplanage dynamique survient à grande vitesse. Dans ce cas-ci, le pneu est complètement séparé de la surface de la piste par une couche d’eau, ce qui empêche le freinage.

    Un aquaplanage visqueux survient à une vitesse relativement plus faible que l’aquaplanage dynamique sur une piste mouillée. La friction entre le pneu et la piste est réduite, mais pas au point d’empêcher la rotation de la roue.

    Un aquaplanage dû à la dévulcanisation du caoutchouc survient lorsqu’une roue bloquée se met à glisser sur la piste et génère assez de chaleur pour transformer l’eau en vapeur ainsi que pour faire fondre le caoutchouc de manière à ce qu’il retrouve son état non vulcanisé. Seul ce type d’aquaplanage laisse une marque sur la bande de roulement du pneu qui ressemble à une brûlure (une marque de caoutchouc dévulcanisé) et possiblement des marques de chauffage à la vapeur sur la piste lorsque suffisamment de chaleur est générée par la friction entre le pneu et la piste pour transformer l’eau en vapeur.

    1.18.2.1 Vitesse d’aquaplanage dynamique

    En cas d’aquaplanage dynamique, le pneu se soulève de la chaussée et avance sur une couche d’eau, comme le ferait un ski nautique. Étant donné que des conditions extrêmes sont nécessaires pour amorcer et maintenir l’hydroplanage dynamique, ce phénomène se produit rarement. Cependant, lorsqu’il se produit, il provoque une telle perte de friction entre le pneu et la surface de la piste que la rotation des roues pourrait ne pas se produire et les forces de freinage seraient négligeables.

    Des méthodes rudimentaires d’estimation de la vitesse minimale pour l’aquaplanage dynamique existent depuis des décennies. Par exemple, l’équation la plus courante est la suivante : V=9√P, où V est la vitesse minimale d’aquaplanage et P est la pression du pneu en livres par pouce carré. Il a été démontré que cette formule sous-estime souvent la vitesse minimale nécessaire à l’aquaplanage dynamique. Si on applique cette équation à l’avion HondaJet, en utilisant la pression normale des pneus du train d’atterrissage principal (212 lb/po2), on obtient une vitesse d’aquaplanage d’environ 131 nœuds.

    En 2016, l’ESDU a publié un modèle détaillé pour prédire les vitesses minimales d’aquaplanage dynamique. Le modèle estime les vitesses pour 2 sous-catégories d’aquaplanage dynamique :

    • aquaplanage partiel – amorce initiale et intermittente de l’aquaplanage dynamique;
    • aquaplanage total – aquaplanage dynamique entièrement développé et soutenu.

    Le modèle prend en compte les variables suivantes :

    • largeur des pneus
    • diamètre des pneus
    • profondeur des contaminants
    • drainage de la piste (proportionnel à la profondeur de la macrotexture)
    • densité des contaminants
    • pression manométrique des pneus
    • pression atmosphérique

    Dans l’événement à l’étude, compte tenu des caractéristiques des pneus de l’avion et de la profondeur présumée de 3 mm des contaminants, les vitesses prévues d’aquaplanage partiel et total ont été estimées à 133 et 179 nœuds, respectivement. L’atterrissage a été effectué sous ces vitesses d’aquaplanage, et les pneus ne présentaient aucun signe de dévulcanisation.

    1.18.3 Liste de surveillance du BST

    La Liste de surveillance du BST énumère les principaux enjeux de sécurité qu’il faut s’employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr.

    Les sorties en bout de piste figurent sur la Liste de surveillance. Comme l’événement à l’étude l’a démontré, lorsqu’une sortie en bout de piste survient pendant l’atterrissage, il est important que l’aéronef dispose d’une aire de sécurité adéquate au-delà de l’extrémité de la piste pour réduire les conséquences néfastes de la sortie.

    Chaque année au Canada, malgré les millions de mouvements sans incident sur les pistes d’aéroports, des aéronefs dépassent parfois l’extrémité de la piste au moment de l’atterrissage ou d’un décollage interrompu. Du 1er janvier 2005 au 30 juin 2022, il y a eu en moyenne 9,3 sorties en bout de piste par année aux aérodromes canadiens, dont 6,7 se sont produites à l’atterrissage. Le BST a enquêté sur 24 de ces événements au cours de cette période et a émis 6 recommandations. Trois recommandations sont toujours activesRecommandations A20-02, A20-01 et A07-05 du BST., 2 sont ferméesRecommandations A07-03 et A07-06 du BST. et 1 est en veilleuseRecommandation A07-01 du BST.. Ces recommandations sont disponibles sur le site Web du BSTLes recommandations sont disponibles à l’adresse https://www.tsb.gc.ca/fra/recommandations-recommendations/aviation/index.html (dernière consultation le 7 janvier 2025)..

    MESURES À PRENDRE

    L’enjeu des sorties en bout de piste demeurera sur la Liste de surveillance du BST jusqu’à ce que

    • TC démontre que le risque résiduel aux aéroports ayant des pistes qui ne sont pas tenues de respecter la norme de 150 m de l’Organisation de l’aviation civile internationale est au niveau le plus faible raisonnablement réalisable;
    • TC oblige les exploitants d’aéroports ayant des pistes de plus de 1800 m dont la RESA est plus courte que la longueur de 300 m recommandée par l’Organisation de l’aviation civile internationale à réaliser des évaluations officielles des risques propres à chaque piste et à prendre des mesures pour atténuer les risques de sortie en bout de piste pour les personnes, les biens et l’environnement.

    Malgré les mesures prises jusqu’à présent, le nombre de sorties en bout de piste au Canada est demeuré constant depuis 2005. Afin de réduire ce nombre, un effort concerté est de mise.

    2.0 Analyse

    L’avion à l’étude était entretenu conformément à la réglementation, et aucune anomalie qui aurait pu empêcher son fonctionnement normal n’a été relevée. Les membres de l’équipage de conduite possédaient les licences et les qualifications nécessaires selon la réglementation.

    Pour mieux comprendre pourquoi la sortie en bout de piste s’est produite, l’analyse portera sur les conditions et les facteurs sous-jacents qui auraient pu causer cette sortie en bout de piste ou y contribuer, ainsi que sur la capacité de freinage de l’avion.

    2.1 Facteurs contribuant aux sorties en bout de piste

    À la suite d’études sur les sorties en bout de piste, la Flight Safety Foundation ainsi que la Federal Aviation Administration des États-Unis ont recensé un certain nombre de facteurs contribuant aux sorties en bout de piste.

    La Flight Safety Foundation a déterminé que les sorties en bout de piste étaient habituellement occasionnées par au moins 1 des facteurs suivants : les performances de l’avion, la technique et la prise de décisions de l’équipage, les conditions météorologiques et les systèmes de l’avion.

    L’enquête s’est donc concentrée sur ces facteurs en vue de déterminer si certains étaient présents lors de l’événement.

    2.1.1 Performances de l’avion

    L’enquête s’est d’abord penchée sur les calculs de performance de l’avion. Le commandant de bord avait effectué les calculs de distance d’atterrissage avant le départ selon les exigences réglementaires, la distance d'atterrissage pondérée sur piste mouillée a été calculée en multipliant la distance d'atterrissage non pondérée sur piste sèche par 1,92. Pour pouvoir effectuer le vol, le résultat de ce calcul devait être moins que la distance d’atterrissage utilisable (LDA), qui était de 6696 pieds. Dans le cas présent, selon les calculs, la distance d’atterrissage pondérée sur piste mouillée était de 6298 pieds, et donc inférieure à la LDA (6696 pieds). Une fois en vol, l’équipage a effectué les calculs de distance d’atterrissage à l’aide du système Garmin G3000 intégré à l’avionique. L’enquête a déterminé qu’en sélectionnant la configuration de l’avion, les vents et les conditions de piste décrites dans les observations météorologiques, la distance d’atterrissage calculée était de 4903 pieds. Cette distance comprend la majoration de 15 % pour les facteurs opérationnels et une majoration de 30 % pour une piste contaminée, tel que le constructeur le recommande dans le manuel de vol de l’aéronef (AFM).

    Selon les calculs reposant sur les données de performance indiquées dans l’AFM, une LDA de 6696 pieds était suffisante pour effectuer l’atterrissage prévu.

    2.1.2 Technique et prise de décision de l’équipage de conduite

    Selon les procédures de Skyservice Business Aviation Inc., les critères d’approche stabilisée doivent être respectés avant que l’avion n’atteigne une hauteur de 1000 pieds au-dessus de l’altitude d’aérodrome, sans quoi l’équipage doit amorcer une remontée.

    L’enquête a déterminé que l’approche effectuée a respecté les critères d’approche stabilisée de l’exploitant.

    Une fois la piste en vue, l’équipage a poursuivi l’approche, et l’avion a maintenu une vitesse comprise entre 125 et 130 nœuds de 200 à 50 pieds au-dessus de l’altitude d’aérodrome. Lorsqu’il a survolé le seuil décalé de piste à une hauteur de 26 pieds à une vitesse de 126 nœuds, les 2 moteurs ont été mis au ralenti. L’avion s’est posé 6 secondes plus tard à une vitesse de 122 nœuds à 1100 pieds au-delà du seuil de piste décalé et dans le milieu de la zone de poser des roues. Selon la configuration de l’avion, la vitesse de référence d’atterrissage (VREF) visée à 50 pieds était de 121 nœuds, avec une vitesse de poser des roues égale à 95 % de cette VREF, soit 115 nœuds.

    Une vitesse d’approche et d’atterrissage élevée est un des facteurs pouvant mener à une sortie en bout de piste. L’enquête a déterminé que la vitesse excédentaire à la VREF lors de l’événement allongeait la distance d’atterrissage d’environ 390 pieds.

    Il est à noter que la majoration de 15 % pour tenir compte des facteurs opérationnels stipulée dans l’AFM pour les calculs de la distance d’atterrissage sert en partie à compenser les variations dans les techniques de pilotage, comme une vitesse d’atterrissage plus élevée que la normale. Cette distance supplémentaire était comprise dans la majoration de 15 % (492 pieds) prévue dans le calcul de la distance d’atterrissage pour tenir compte des facteurs opérationnels.

    2.1.3 Conditions météorologiques

    L’enquête s’est penchée sur les conditions météorologiques et plus spécialement la contamination de la piste. Au moment de l’atterrissage, les précipitations de pluie venaient de changer pour des précipitations de neige. Selon les observations effectuées environ 15 minutes avant l’atterrissage, un peu de neige commençait à être visible au sol, formant une mince couche de neige fondante (slush).

    À 18 h 55, le coefficient canadien de frottement sur piste pour chaque tiers de la piste 06L de l’aéroport Montréal/St-Hubert (CYHU) (Québec) était de 0,43/0,46/0,45. Ces chiffres correspondaient aux conditions rapportées plus tôt dans les NOTAM et dans le message du service automatique d’information de région terminale, c’est-à-dire à un code d’état de piste de 5/5/5. L’effet de la neige fondante sur la piste lors d’un atterrissage est le même que celui de l’eau, et se traduit par un risque d’aquaplanage. La piste 06L à CYHU était sujette à des conditions propices à l’aquaplanage lors de fortes précipitations.

    Dans l’heure précédant l’événement, seulement de légères précipitations étaient tombées. La vitesse d’atterrissage de l’avion à l’étude était en deçà de la vitesse d’aquaplanage des pneus, la décélération n’était pas représentative d’aquaplanage, et les pneus ne présentaient aucun signe d’aquaplanage.

    Comme les conditions météorologiques étaient changeantes, l’enquête s’est penchée sur la possibilité de conditions de surface de piste changeantes aussi. La décélération de l’avion à l’étude a été calculée pour différents types de contamination de piste et a été comparée à la décélération type de l’avion. La décélération lors de l’atterrissage du vol à l’étude était comparable à celle d’un avion HondaJet HA-420 atterrissant sur une piste contaminée à 100 % par de la glace.

    L’enquête a donc envisagé la possibilité de glace sur la piste. Selon le personnel d’entretien des pistes de l’aéroport, la piste ne semblait pas glacée lorsqu’ils se sont rendus à l’avion. Ce n’est que tard en soirée, soit après 23 h 30, que le personnel a remarqué que de la glace commençait à se former sur la surface des pistes. Une analyse par Environnement et Changement climatique Canada confirme le fait qu’il n’y avait pas de glace sur la piste au moment de l’événement et que de la glace aurait seulement pu se former après 23 h.

    Fait établi : Autre

    D’après les témoignages recueillis, les conditions météorologiques au moment de l’événement et l’analyse conduite par Environnement et Changement climatique Canada, l’enquête a conclu qu’il n’y avait pas de glace sur la surface de la piste au moment de l’événement.

    2.1.4 Systèmes de l’aéronef

    Aucune défectuosité du système de freinage n’a été détectée par les systèmes à bord de l’avion pendant l’atterrissage du vol à l’étude, et les activités de maintenance effectuées après l’événement ont révélé aucune défaillance et aucun défaut du système de freinage.

    2.2 Capacité de freinage

    Plusieurs facteurs de risque peuvent mener à des sorties en bout de piste. L’analyse de ces facteurs au cours de l’enquête n’a pas permis de savoir pourquoi l’avion était sorti en bout de piste à une vitesse de 60 nœuds. Une analyse de la capacité du système de freinage a alors été effectuée.

    2.2.1 Données de vol enregistrées et simulations techniques

    Les simulations effectuées par Crane Aerospace & Electronics (Crane), le constructeur du système de freinage, à partir des données disponibles enregistrées par l’enregistreur de données de vol ont permis d’éliminer plusieurs scénarios qui auraient pu aboutir à la sortie en bout de piste. Les données sur la décélération du vol à l’étude étaient semblables à celles du scénario prévoyant une perte intermittente du signal de sortie (environ une fois par rotation de roue) d’un des 2 transducteurs de vitesse de roue.

    Selon ce scénario, le défaut n’aurait pas été détecté et rapporté comme une défectuosité. En revanche, le système aurait détecté la perte du signal comme une condition de roue bloquée intermittente et aurait alors relâché la pression des 2 freins jusqu’à ce que cette condition soit éliminée. Ainsi, en ayant une perte intermittente du signal à chaque rotation de roue, le système aurait constamment relâché et remis la pression des freins, rendant ainsi la décélération minime qui se serait faite par de multiples petits à-coups non perceptibles.

    Les transducteurs de vitesse de roue de l’avion à l’étude ont été envoyés chez Crane afin de déterminer si ces pièces produisaient la même défectuosité que ce scénario dans certaines conditions environnementales. Les tests de vibration et d’infiltration d’eau effectués par Crane n’ont pas détecté des défectuosités similaires.

    3.0 Faits établis

    3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.

    1. Après avoir effectué une approche stabilisée, l’avion s’est posé dans la zone de poser des roues sur la piste mouillée à une vitesse appropriée. L’équipage a freiné, mais il s’en est suivi une décélération au sol beaucoup moins forte que celle à laquelle l’équipage s’attendait pour les conditions de piste présentes. L’avion a fait une sortie en bout de piste à une vitesse de 60 nœuds. Il n’a pas été possible de déterminer pourquoi la décélération avait été moindre.

    3.2 Autres faits établis

    Ces éléments pourraient permettre d’améliorer la sécurité, de régler une controverse ou de fournir un point de données pour de futures études sur la sécurité.

    1. D’après les témoignages recueillis, les conditions météorologiques au moment de l’événement et l’analyse conduite par Environnement et Changement climatique Canada, l’enquête a conclu qu’il n’y avait pas de glace sur la surface de la piste au moment de l’événement.

    4.0 Mesures de sécurité

    4.1 Mesures de sécurité prises

    4.1.1 Skyservice Business Aviation Inc.

    À la suite de l’événement, Skyservice Business Aviation Inc. a pris les mesures de sécurité suivantes pour les opérations de ses avions HondaJet HA‑420 :

    • Aucune opération (départ ou arrivée) n’est permise lorsque les conditions de surface de piste sont inférieures à un code d’état de piste de 5/5/5.
    • Tous les vols à destination de pistes pouvant être mouillées ou contaminées au moment de l’atterrissage doivent être approuvés au préalable par le pilote en chef.
    • Les équipages de conduite doivent uniquement choisir des aérodromes qui seraient en mesure d’accueillir l’avion lorsque la distance d’atterrissage utilisable de la piste est égale ou supérieure à 2 fois la distance d’atterrissage non pondérée sur piste mouillée.
    • Compte tenu des distances d’atterrissage utilisables à ces aéroports, une approbation est déjà octroyée pour les aéroports internationaux Toronto/Lester B. Pearson (CYYZ) (Ontario) et Montréal/Pierre Elliott Trudeau (CYUL) (Québec) et pour l’aéroport de Windsor (CYQG) (Ontario).

    4.1.2 Honda Aircraft Company Inc.

    Honda Aircraft Company Inc. a pris les mesures de sécurité suivantes :

    Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le 15 janvier 2025. Le rapport a été officiellement publié le 28 janvier 2025.