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Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A22O0032

Collision avec un obstacle en approche
Brantford Flying Club
Cessna 172RG (C-GOFD)
Aérodrome de Brantford (Ontario)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Déroulement du vol

À 17 h 09Note de bas de page 1 le 21 mars 2022, l’aéronef Cessna 172RG (immatriculation C-GOFD, numéro de série 172RG0615), exploité par le Brantford Flying Club, a décollé de la piste 29 de l’aérodrome de Brantford (CYFD) (Ontario) pour effectuer un vol local de jour selon les règles de vol à vue (VFR). Le pilote était seul à bord.

Les conditions météorologiques étaient propices à un vol VFR et les stations météorologiques avoisinantes signalaient des vents soufflant généralement du nord-ouest entre 7 et 21 nœuds. Compte tenu de la direction du vent, la piste 29 était celle en service à CYFD.

Selon le registre de sortie de l’aéronef, le pilote, qui louait l’appareil auprès du Brantford Flying Club, avait l’intention d’effectuer des circuits et de « longues approchesNote de bas de page 2 ». Après le départ, le pilote a effectué un bref vol vers l’ouest, ce qui correspondait aux intentions qu’il avait transmises sur la fréquence de trafic de l’aérodrome de Brantford. Il est revenu pour s’intégrer au circuit pour la piste 29 vers 17 h 14. Un autre aéronef du Brantford Flying Club le précédait dans le circuit. D’après les appels radio qu’ils ont faits pendant le virage en finale, le pilote de chaque aéronef avait l’intention d’effectuer un posé-décollé.

Le pilote dans l’événement a effectué un virage sur la trajectoire d’approche finale à environ 1,4 mille marin (NM) de la zone de poser de la piste 29. À ce moment-là, l’aéronef se trouvait légèrement au-dessus de la trajectoire d’approche (nominale) de 3°. Toutefois, à 1,2 NM de la zone de poser, l’aéronef avait dérivé sous la trajectoire d’approche nominale, et, après une courte période de vol parallèle à celle-ci, il a continué de descendre encore plus bas (figure 1).

Figure 1. Profil de la trajectoire d’approche du vol à l’étude et trajectoire d’approche nominale de 3° (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
Profil de la trajectoire d’approche du vol à l’étude et trajectoire d’approche nominale de 3° (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

À 17 h 16, alors que l’aéronef se déplaçait à une vitesse sol d’environ 63 nœudsNote de bas de page 3 et se trouvait bien en dessous de la trajectoire d’approche nominale, l’aile gauche a heurté un arbre à environ 70 pieds au-dessus du sol. En raison de l’impact avec l’arbre, l’aéronef a effectué un important mouvement de lacet vers la gauche, s’est cabré et a pivoté sur lui-même avant de s’écraser dans un champ à environ 200 pieds au-delà du lieu de l’impact avec l’arbre et à 1920 pieds avant le seuil de la piste 29.

Le pilote, qui portait sa ceinture sous-abdominale et sa ceinture-baudrier, a été grièvement blessé. Il a été transporté à l’hôpital, mais il est mort avant son arrivée.

La radiobalise de repérage d’urgence s’est déclenchée à la suite de l’impact. Aucun incendie ne s’est déclaré après l’impact.

Renseignements sur l’épave

L’extrémité de l’aile droite de l’aéronef a percuté le sol en premier, suivi immédiatement par le coin avant droit du nez de l’appareil. L’aile gauche n’a pas touché le sol, mais elle a été lourdement endommagée lorsqu’elle a heurté l’arbre.

La manette des gaz se trouvait en position de ralenti, les commandes de richesse et de l’hélice étaient toutes deux poussées à fond et le réchauffage du carburateur était en position de marche (ON). Le sélecteur de carburant était réglé sur les deux réservoirs et l’interrupteur de la pompe carburant électrique auxiliaire était en position arrêt (OFF)Note de bas de page 4. Les volets étaient réglés et sortis à 10° et le train d’atterrissage se trouvait en position sortie et verrouillée.

Les commandes de vol et les systèmes de l’aéronef ont fait l’objet d’un examen; rien n’indique qu’il y ait eu une défaillance mécanique avant l’impact.

Renseignements sur le pilote

Le pilote dans l’événement détenait la licence appropriée pour le vol conformément à la réglementation en vigueur. Il avait obtenu une licence de pilote privé – avion en février 2009 et une qualification de vol aux instruments du groupe 3 en 2013. Son certificat médical était valide, et il satisfaisait aux exigences de mise à jour des connaissances prévues à l’article 401.05 du Règlement de l’aviation canadien (RAC) et à la norme 421.05 de ce Règlement.

Au moment de l’événement, le pilote avait à son actif environ 293,4 heures de vol au total, dont environ 149 heures sur l’aéronef à l’étude.

Au cours des 12 mois précédant l’événement, le pilote avait effectué 4,6 heures de vol, toutes sur l’aéronef à l’étude. Il avait consigné 8 atterrissages pendant cette période, dont 5 effectués lors d’un vol avec un instructeur en août 2021.

Renseignements sur l’aéronef

Le Cessna 172RG est la version à train escamotable du populaire Cessna 172. Il s’agit d’un aéronef à aile haute à 4 places muni d’un moteur Lycoming O-360 et d’une hélice McCauley bipale à vitesse constante.

L’aéronef de l’événement avait accumulé 15 662,8 heures de vol au total avant le vol à l’étude. La dernière inspection de maintenance prévue avait été effectuée le 3 février 2022, soit 55,1 heures avant le vol à l’étude. Le 11 mars 2022, une prolongation de 10 heures du calendrier d’inspection a été approuvée, portant l’intervalle d’inspection à 60 heures. Cette prolongation était permise selon le calendrier de maintenance approuvé du Brantford Flying Club.

Le moteur était utilisé « selon l’étatNote de bas de page 5 » et totalisait 2900 heures de vol depuis sa dernière révision.

Renseignements sur l’aéroport

CYFD dispose de 3 surfaces de piste, chacune mesurant 100 pieds de large. La piste principale est la piste 05/23, qui mesure 5036 pieds de long; il y a un indicateur visuel de pente d’approche (VASI) qui dessert la piste 05 et qui utilise un ensemble de feux installés près du seuil de piste pour aider les pilotes à maintenir une pente d’approche de 3°.

Les pistes 11/29 et 17/35 mesurent chacune 2626 pieds de long et ne servent généralement que lorsque les vents sont suffisamment forts pour nécessiter leur utilisation. Ces pistes ne sont pas équipées de systèmes VASI.

Données enregistrées

Les données de vol ont été récupérées à partir d’un dispositif NemoScout 1C, qui avait été fixé au pare-brise de l’aéronef à l’étude à l’aide d’une ventouse. Le dispositif a enregistré les données GPS (système de positionnement mondial), notamment la position, la vitesse sol et l’altitude, une fois par seconde. Il a également enregistré des données sur les assiettes en tangage et en roulis; toutefois, ces données ont été jugées de piètre qualité, ce qui pourrait être attribuable aux vibrations propagées par le dispositif de fixation sur le pare-brise. Le dispositif de l’aéronef à l’étude contenait des données sur les vols remontant au mois de mai 2019.

L’enquête a également permis de récupérer les données provenant d’un dispositif identique installé sur l’autre aéronef du Brantford Flying Club qui était en approche immédiatement avant l’aéronef à l’étude, ce qui a permis de comparer les données de vol.

De plus, 2 vidéos de télévision en circuit fermé (CCTV) ont été récupérées, ce qui a facilité la vérification des données de vol pendant l’enquête. Toutefois, la qualité des vidéos n’était pas suffisamment bonne pour évaluer la vitesse de l’hélice ou la position des gouvernes.

Examen du moteur

Le moteur a été transporté à l’installation régionale du BST à Richmond Hill (Ontario) pour y être examiné avec l’aide d’un enquêteur de Lycoming, le fabricant du moteur. Il n’y avait aucun signe de défaillance mécanique avant l’impact, et l’huile qui restait dans le carter et sur l’élément filtrant du filtre à huile n’était pas contaminée par du métal, ce qui aurait pu indiquer un problème interne de moteur.

L’hélice ne présentait pas de dommages indiquant que le moteur produisait une puissance importante au moment de l’impact. Les principaux dommages se situaient sur 1 pale de l’hélice, à l’endroit où elle a percuté le sol, et quelques légères éraflures étaient visibles le long des 2 pales. Ce type de dommage correspond généralement à un réglage de faible puissance ou à une hélice en moulinet au moment de l’impact.

Givrage du carburateur

Les températures et les points de rosée enregistrés aux stations météorologiques de l’aéroport de Kitchener/Waterloo (CYKF) (Ontario), de l’aéroport international John-C.-Munro de Hamilton (CYHM) (Ontario) et de Delhi (CXDI) (Ontario) (situées à 20 NM au nord, 18 NM à l’est et 18 NM au sud de CYFD, respectivement) indiquent qu’il y avait un risque de givrage important du carburateur à la puissance de descenteNote de bas de page 6. Toutefois, aucun des pilotes d’aéronefs à CYFD ou à proximité de CYFD n’a rapporté avoir détecté du givrage de carburateur le soir de l’événement.

Réglages des volets

Le Cessna 172RG offre 4 réglages standard des volets : 0°, 10°, 20° et 30°. Le manuel d’utilisation du pilote (POH) ne précise pas le réglage des volets à utiliser pour un atterrissage normal; par conséquent, n’importe quel réglage des volets peut être utilisé pour une approche et un atterrissage normaux dans cet aéronef. Les instructeurs du Brantford Flying Club montrent aux élèves-pilotes comment utiliser tous les réglages des volets. Comme le Cessna 172RG permet de faire une approche à pleins volets à plus forte pente qu’un Cessna 172 standard, pour les approches normales, on enseigne aux élèves-pilotes à régler d’abord les volets à 10°, puis à les ajuster au besoin.

Pendant l’approche d’un Cessna 172RG, et de nombreux aéronefs similaires, l’assiette en tangage et l’angle de descente de l’aéronef, pour une vitesse d’approche et un réglage de puissance donnés, sont influencés par le réglage des volets. Le Airplane Flying Handbook de la Federal Aviation Administration des États-Unis indique ce qui suit : [traduction]

La sortie des volets pendant les atterrissages offre plusieurs avantages :

  • la production d’une plus grande portance et la possibilité de réduire la vitesse d’atterrissage;
  • la production d’une plus grande traînée, ce qui permet d’obtenir un angle de descente plus prononcé sans avoir à augmenter la vitesse anémométrique;
  • la réduction de la longueur de la course à l’atterrissage.

La sortie des volets a un effet certain sur le comportement en tangage de l’avion. L’augmentation de la cambrure causée par le réglage des volets produit une portance qui s’exerce principalement sur la partie arrière de l’aile. Ce phénomène engendre un moment de piqué […]Note de bas de page 7.

Dans le cas de la plupart des aéronefs légers, à une vitesse anémométrique et à un réglage de puissance donnés, l’augmentation de l’assiette en piqué causée par la sortie des volets améliore généralement la visibilité vers l’avant. À l’inverse, lorsque le réglage des volets est plus bas (c.-à-d., 0° ou 10°), l’assiette en tangage pour une vitesse anémométrique et un réglage de puissance donnés sera plus cabrée, ce qui réduit la visibilité vers l’avant.

On trouve 2 énoncés dans le POH du Cessna 172RG en ce qui concerne la sélection des volets pour l’atterrissage, mais 1 seul qui demande un réglage précis des volets : [traduction] « Pour un atterrissage court au-dessus d’un obstacle, effectuez une approche à faible puissance et à un angle relativement prononcé à 63 KIAS [vitesse indiquée en nœuds] avec les volets réglés à 30°Note de bas de page 8 ». Dans la section intitulée « Crosswind Landing » (Atterrissage par vent de travers), le POH indique, [traduction] « [e]n cas d’atterrissage par vent de travers fort, utilisez le réglage minimal des volets requis pour la longueur de pisteNote de bas de page 9 ».

L’enquête n’a pas permis de déterminer si le pilote dans l’événement utilisait habituellement un réglage des volets de 10° pour toutes les approches.

Profils d’approche

À l’aide des données récupérées du dispositif NemoScout 1C, qui ont été comparées au carnet personnel du pilote dans l’événement et au carnet de route de l’aéronef, l’enquête a permis d’évaluer les approches réalisées précédemment par le pilote et de les comparer avec l’approche à l’étude. Les données examinées indiquent que, lors de ses approches précédentes, le pilote a toujours suivi une trajectoire d’approche nominale de 3°, quelle que soit la piste utilisée.

Les aides à l’approche, telles que les indicateurs de trajectoire d’approche de précision (PAPI) ou les systèmes VASI, sont mises en place pour fournir des indications afin de permettre aux pilotes de maintenir une trajectoire d’approche de 3°. Les pilotes d’aéronefs légers qui effectuent régulièrement des approches basées sur le guidage PAPI ou VASI peuvent s’habituer à voler à un angle d’approche de 3°, ce qui nécessite l’utilisation de la puissance du moteur pour maintenir l’angle d’approche et atteindre la piste. Dans un aéronef monomoteur léger typique, le maintien de cette trajectoire nominale avec un réglage plus élevé des volets nécessitera une puissance accrue du moteur.

Dans la mesure du possible et après avoir pris en compte les caractéristiques de l’aéronef et la longueur de piste, l’exécution d’une approche visuelle à un angle supérieur à 3° peut présenter des avantages tels qu’une plus grande marge de franchissement d’obstacles et une réduction de la demande de puissance moteur.

Rapport de laboratoire du BST

Le BST a produit le rapport de laboratoire suivant dans le cadre de la présente enquête :

Messages de sécurité

Le fait d’effectuer une approche en utilisant un réglage bas des volets peut réduire la visibilité vers l’avant et la capacité à repérer les obstacles si l’aéronef dérive sous la trajectoire d’approche prévue. On rappelle aux pilotes d’utiliser des réglages des volets et des profils d’approche adaptés à la situation et à leur type d’exploitation.

Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .