Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A20Q0023

Collision avec des câbles
Cessna 150M, C-GYEV
Immatriculation privée
Les Cèdres (Québec)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Déroulement du vol

    Vers 18 h 27Note de bas de page 1 le 17 février 2020, un aéronef sous immatriculation privée Cessna 150M (immatriculation C‑GYEV, numéro de série 15078827), avec à son bord un passager, assis dans le siège de droite, et le pilote, assis dans le siège de gauche, a décollé de l’aérodrome de Montréal/St‑Lazare (CST3) (Québec) pour un vol de nuit effectué selon les règles de vol à vue (VFR). Vers 18 h 30, l’aéronef a effectué une approche sur la piste 07 à l’aérodrome de Montréal/Les Cèdres (CSS3) (Québec), suivie d’une remontée. L’aéronef a ensuite effectué un demi-tour au-dessus de l’échangeur des autoroutes 20 et 30 et a survolé l’autoroute 20 en direction ouest à très basse altitudeNote de bas de page 2 (figure 1).

    Vers 18 h 34, l’aéronef a fait un autre demi-tour pour ensuite revenir à très basse altitude au-dessus de l’autoroute 20 en direction est. Alors qu’il se trouvait à proximité de l’échangeur des autoroutes 20 et 30, il a tourné vers le sud en survolant l’autoroute 30, toujours à très basse altitude. Vers 18 h 36, l’aéronef a percuté des lignes de transport d’électricité qui traversaient l’autoroute 30 au kilomètre 7 et s’est écrasé au sol. Les 2 occupants ont subi des blessures mortelles. L’aéronef a été détruit. De nombreux appels au 911 ont été effectués par des témoins de l’accident. Les services d’urgence sont arrivés sur les lieux rapidement.

    Figure 1. Trajectoire estimée de l’aéronef en cause dans l’événement à l’étude (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
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    Trajectoire estimée de l’aéronef en cause dans l’événement à l’étude (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

    Renseignements météorologiques

    Selon le message d’observation météorologique régulière d’aérodrome (METAR) émis à 18 h pour l’aéroport de Montréal/Pierre-Elliott-Trudeau Intl (CYUL) (Québec), situé à 14 milles marins au nord‑est du lieu de l’accident, les conditions météorologiques étaient propices pour effectuer ce vol VFR et n’ont pas été retenues comme facteur contributif à cet accident.

    Renseignements sur le pilote

    Le pilote détenait un permis d’élève-pilote – avion, délivré le 23 août 2017, et un certificat médical de catégorie 3 valide. Il avait entrepris sa formation initiale en 2017 et fait l’acquisition de l’aéronef en cause dans l’événement à l’étude en octobre 2017. Selon les dossiers de Transports Canada, Aviation civile (TCAC), sa formation n’a jamais été complétée, et aucune autre demande n’a été inscrite dans son dossier.

    Selon le Règlement de l’aviation canadien (RAC)Note de bas de page 3, un permis d’élève-pilote permet d’agir en qualité de commandant de bord si les conditions suivantes sont réunies :

    1. le vol est effectué pour l’entraînement en vol du titulaire;
    2. il est effectué au Canada;
    3. il est effectué en vol VFR de jour;
    4. il est effectué sous la direction et la surveillance d’une personne qualifiée pour dispenser la formation en vue du permis, de la licence ou de la qualification pour lesquels l’expérience de commandant de bord est exigée;
    5. aucun passager ne se trouve à bord.

    Le vol à l’étude ne respectait pas les privilèges associés au permis d’élève-pilote.

    Le passager détenait une licence de pilote privée – avion valide, délivrée en septembre 2015, et un certificat médical de catégorie 1, également valide. Le passager détenait aussi une annotation de vol de nuit. Cependant, l’enquête a établi que le passager n’était pas aux commandes de l’aéronef dans les instants avant l’accident.

    Renseignements sur l’aéronef

    L’aéronef en cause dans l’événement à l’étude a été fabriqué en 1976 et était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur. Selon le dernier rapport annuel envoyé à TCAC en janvier 2020, l’aéronef avait accumulé 17 749 heures de vol depuis sa fabrication.

    L’aéronef ne présentait aucune défectuosité connue avant le vol. L’aéronef n’avait pas d’enregistreur de bord, et la réglementation en vigueur n’en exigeait aucun.

    L’aéronef était muni d’une radiobalise de repérage d’urgence (ELT) de marque Kannad, modèle 406 AF-compact, qui transmettait sur les fréquences 121,5 MHz et 406 MHz. La dernière inspection de l’ELT avait été effectuée en avril 2018; l’intervalle de maintenance applicable dans ce cas-ci ne devait pas dépasser 12 mois selon la normeNote de bas de page 4 en vigueur au moment de l’accident. L’ELT ainsi que son antenne et le câble connexe étaient indemnes, et l’interrupteur de l’ELT était à la position armée, mais l’enquête n’a pas permis de déterminer si un signal avait été détecté.

    Figure 2. Aéronef en cause dans l’événement à l’étude (Source : propriétaire précédent)
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    Aéronef en cause dans l’événement à l’étude (Source : propriétaire précédent)

    Site de l’accident et examen de l’épave

    L’accident est survenu au kilomètre 7 de l’autoroute 30, à l’endroit où 2 lignes de transport d’électricité parallèles installées à environ 21,5 m (70 pieds) l’une de l’autre traversent l’autoroute. Ces 2 lignes de transport d’électricité, que l’aéronef a percutées, sont exploitées par Hydro-Québec. L’impact initial s’est produit sur le câble de gardeNote de bas de page 5 de la ligne du côté ouest. Ce câble est tendu au-dessus de l’autoroute à une hauteur ne dépassant pas 30 m (98 pieds).

    Les marques d’impact relevées sur le bout de l’aile gauche de l’aéronef ont révélé que l’impact initial s’est produit avec une balise (blanche) installée sur le câble de garde. L’enfoncement de la structure de l’aile observé entre le hauban de voilure et la porte de la cabine a permis de conclure qu’à la suite de ce 1er impact, l’aéronef a continué sur sa trajectoire, l’aile gauche glissant latéralement le long du câble de garde et percutant une 2e balise (orange), située 75 m (246 pieds) plus loin.

    Alors que l’aéronef continuait à glisser le long du câble de garde, celui-ci a sectionné le toit, qui s’est séparé du reste de l’aéronef. L’aéronef s’est ensuite rompu en 2 parties :

    • une partie comprenant les 2 ailes, qui a continué le long du câble de garde jusqu’à ce qu’elle heurte le pylône situé 75 m (246 pieds) au-delà de la balise orange, puis s’écrase au sol;
    • le reste de l’appareil (fuselage sans toit), qui a été catapulté plus de 14 m (46 pieds) plus loin sur le conducteurNote de bas de page 6 de la ligne de transport d’électricité, du côté est, avant de percuter le pylône de cette ligne.

    Quand le fuselage sans toit a percuté le pylône, il s’est séparé en 2 autres parties :

    • la partie arrière du fuselage et de la cabine, qui a percuté le sol à proximité de la base du pylône;
    • le moteur (nez de l’appareil), qui a percuté le sol un peu plus loin avant de rebondir et de s’immobiliser au sol.

    La figure 3 illustre la trajectoire estimée de l’aéronef et les balises et câbles percutés. Elle fournit aussi une image du site de l’écrasement et de l’épave.

    Figure 3. Trajectoire estimée de l’aéronef à l’étude et photo du site de l’écrasement (Source de l’image principale : Google Earth, avec annotations du BST. Source de l’image insérée : BST)
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    Trajectoire estimée de l’aéronef à l’étude et photo du site de l’écrasement (Source de l’image principale : Google Earth, avec annotations du BST. Source de l’image insérée : BST)

    Les dommages subis par l’hélice, ainsi que les dommages causés aux lignes de transport d’électricité, indiquent que le moteur développait de la puissance au moment de l’impact. Par ailleurs, l’enquête a permis de déterminer que la manette des gaz était placée à la position de puissance maximale au moment de l’impact.

    Les lignes de transport d’électricité que l’aéronef dans l’événement à l’étude a percutées figuraient sur la carte de navigation VFR (VNC) de Montréal. En général, les lignes de transport d’électricité figurent sur les VNC parce qu’elles constituent des repères utiles qui peuvent faciliter la navigation à vue. L’enquête n’a pas permis de déterminer si le pilote avait en sa possession la VNC de Montréal ou s’il l’avait consultée avant le départ.

    Balisage des obstacles à la navigation aérienne

    Selon le paragraphe 601.24 (2) du RACNote de bas de page 7, tout bâtiment, ouvrage ou objet qui constitue un obstacle à la navigation aérienne doit être balisé et éclairé. Les pylônes des lignes de transport d’électricité à cet endroit étaient de type classiqueNote de bas de page 8, leur hauteur ne dépassait pas 40 m (131 pieds) au-dessus du sol (AGL), et les câbles étaient plus bas que la tête des pylônes. Même s’ils se trouvaient à l’intérieur d’un rayon de 6 km de CSS3, selon le RACNote de bas de page 9, ils ne constituaient pas un obstacle, car leur hauteur ne dépassait pas 90 m (296 pieds) AGL.

    Bien que le RAC n’exigeait pas de balisage à cet endroit, le câble de garde traversant l’autoroute 30 avait tout de même été balisé, mais sans toutefois être éclairé. Le balisage avait été installé à la demande d’une compagnie pétrolière possédant un pipeline souterrain qui passe à cet endroit et effectuant des inspections de jour par hélicoptère.

    Vol à basse altitude

    Voler intentionnellement à basse altitude augmente les risques d’accident. Le champ visuel du pilote est réduit à basse altitude. Par conséquent, le pilote a moins de temps pour manœuvrer et éviter les obstacles ainsi que le relief. Il est aussi reconnu que le vol à basse altitude réduit la marge de sécurité en cas de panne de moteur, de perte de maîtrise ou de tout autre imprévu, tout en augmentant le risque d’impact avec le sol ou avec un obstacle.

    Le RAC stipule qu’il est interdit de voler, « à une distance inférieure à 500 pieds de toute personne, tout navire, tout véhicule ou toute structureNote de bas de page 10 ». Cette distance de 500 pieds s’applique sur le plan vertical et sur le plan horizontal.

    En vertu du RAC, « il est interdit d’utiliser un aéronef d’une manière imprudente ou négligente qui constitue ou risque de constituer un danger pour la vie ou les biens de toute personneNote de bas de page 11 ».

    Le BST a récemment enquêté sur plusieurs événementsNote de bas de page 12 dans lesquels ce type de manœuvre s’est révélé être un facteur contributif.

    Dans l’événement à l’étude, 3 séquences vidéo ont été publiées par le passager sur « Ma Story » dans l’application SnapchatNote de bas de page 13. Les vidéos montraient un vol de nuit à très basse altitude au dessus des autoroutes 20 et 30 quelques instants avant l’accident.

    Vol de nuit

    Le vol assujetti aux règles de vol à vue (VFR) de nuit expose les pilotes à des risques plus élevés d’accident qu’un vol effectué le jour. Le peu de repères visuels, combiné à la diminution de la capacité de voir la nuit, rend plus difficile le repérage du relief et des obstacles à la navigation.

    Les performances visuelles de l’œil humain sont considérablement réduites lorsque la luminosité est faible. Même lorsque les conditions pour effectuer un vol VFR de nuit sont idéales, incluant une bonne luminosité céleste, l’acuité visuelleNote de bas de page 14 du pilote peut se dégrader jusqu’à 20/200 ou moins. Ainsi, une personne peut voir à 20 pieds ce qu’elle verrait normalement à 200 pieds dans des conditions lumineuses de jourNote de bas de page 15.

    Il faut en moyenne 30 minutes à l’œil humain pour s’adapter à un environnement dont l’éclairage est faible. Durant cette période d’adaptation, la vision nocturne est réduite. Toute lumière brillante peut compromettre l’adaptation de l’œil à la vision nocturne. Pour cette raison, il est conseillé aux pilotes de conserver l’éclairage du tableau de bord à faible intensité et de ne pas avoir été exposé à une forte luminosité juste avant de décoller. De plus, tout éclairage dans la cabine peut se refléter dans le pare-brise et nuire à la visibilité du pilote en vol.

    Dans l’événement à l’étude, la collision avec les câbles s’est produite environ 9 minutes après le décollage.

    Messages de sécurité

    Le pilote aux commandes dans cet accident ne détenait pas de licence de pilote ni de qualification de vol de nuit. Les pilotes qui n’ont pas achevé la formation requise pour obtenir une licence pourraient ne pas avoir acquis les compétences ou la capacité de prise de décisions nécessaires pour assurer la sécurité du vol.

    Les vols à basse altitude comportent toujours des risques plus élevés, et d’autant plus la nuit quand la visibilité est limitée. À basse altitude, il n’est pas facile de reconnaître et d’éviter des obstacles tels que des câbles, qui peuvent être extrêmement difficiles à voir. Les pilotes doivent être conscients de ces risques et voler dans les limites prescrites.

    Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .