Publication du rapport d’enquête M22C0231 – Sam McBride

Kathy Fox, Présidente du BST
Yoan Marier, membre du Bureau
Étienne Séguin-Bertrand, enquêteur principal/analyste de la sécurité (Maritime)

Toronto (Ontario)
19 août 2024

Seul le texte prononcé fait foi.


Yoan Marier - Introduction

Bonjour à tous, et merci de vous joindre à nous.

Nous sommes réunis aujourd’hui pour vous faire part de trois recommandations à l’intention de Transports Canada, émises à la suite de l’événement survenu en 2022 au cours duquel le traversier à passagers Sam McBride a heurté le quai à la gare maritime Jack-Layton ici à Toronto, en Ontario. Environ 20 passagers ont été blessés, dont six qui ont été transportés à l’hôpital.

Notre enquête a révélé plusieurs lacunes de sécurité liées à la gestion de la sécurité des passagers et à la préparation aux situations d’urgence.

Je vais maintenant céder la parole à l’enquêteur désigné, Étienne, qui expliquera le déroulement de l’événement et les conclusions de notre enquête.

Étienne Séguin-Bertrand – Faits établis de l’enquête

Merci, Kathy.

Le 20 août 2022 en après-midi, le Sam McBride est parti de l’île Centre à destination de la gare maritime Jack-Layton à Toronto, avec six membres d’équipage et environ 910 passagers à bord.

Plus tôt dans la journée, le traversier avait effectué huit traversées, dont six au maximum de sa capacité.Il était en retard sur son horaire, ce qui n’est pas inhabituel pour une journée d’été achalandée.

Peu après 17 h, heure locale, le traversier a heurté le quai alors qu’il accostait à la gare. Environ 20 passagers ont été blessés principalement parce qu’ils ont perdu pied et sont tombés.

Le Sam McBride est un traversier amphidrome, c’est-à-dire qu’il a des hélices aux deux extrémités du navire. Notre analyse des images de sécurité du voyage a permis d’établir que le navire approchait le quai à une vitesse plus élevée que lors d’autres voyages plus tôt dans la journée. Les images ont aussi montré que seule l’hélice arrière tournait lors de l’approche. Compte tenu de la vitesse du navire et de la distance qui le séparait du quai, l’inversion de poussée fournie par l’hélice arrière à elle seule n’était pas suffisante pour arrêter le traversier.

L’enquête a révélé que la Ville de Toronto ne disposait pas de procédures écrites définissant une vitesse d’approche sécuritaire pendant l’accostage. En l’absence de telles procédures, les décisions relatives à la vitesse d’accostage étaient laissées à la discrétion du capitaine du navire, qui pourrait avoir été influencé par les pressions opérationnelles, comme la pression de répondre à la forte demande et de rattraper le retard sur l’horaire.

À la suite de cet événement, la Ville de Toronto a mis en place des procédures écrites pour l’accostage.

Lorsque le BST enquête sur un événement, on ne regarde pas seulement ce qui s’est passé, mais également les circonstances entourant l’événement. En cours d’enquête, nous avons relevé plusieurs lacunes de sécurité liées à la gestion de la sécurité des passagers et à la préparation aux situations d’urgence.

Selon le Règlement sur le personnel maritime, les navires doivent avoir un document spécifiant l’effectif minimal de sécurité émis par Transports Canada, qui établit le nombre minimal de membres d’équipage qualifiés requis pour assurer la sécurité dans divers scénarios.

En 2009, Transports Canada a évalué qu’un minimum de 13 membres d’équipage était requis pour le Sam McBride. Toutefois, après une demande de la Ville de Toronto, Transports Canada a permis l’exploitation du traversier avec seulement six membres d’équipage, sans vérifier s’il y avait des procédures d’atténuation en place pour compenser la réduction de l’équipage en cas d’urgence. Le document spécifiant l’effectif minimal de sécurité a par la suite été renouvelé tous les cinq ans, sans révisions ni modifications.

Notre enquête a permis de déterminer qu’en cas d’incendie à bord ou de nécessité d’abandonner le navire, il n’y aurait pas assez de membres d’équipage pour intervenir de façon efficace.Il faudrait que les membres d’équipage soient à deux endroits à la fois. Trois membres d’équipage seraient désignés pour intervenir dans la situation d’urgence, ce qui laisserait seulement trois autres membres pour assurer la gestion de plus de 900 passagers et l’évacuation possible de toutes les personnes à bord.

Bien que, heureusement, peu de blessures graves aient été signalées et que l’accident soit survenu près de la rive, si une urgence était survenue pendant le voyage, l’équipage et les personnes à bord n’auraient pas été adéquatement préparés.

Les problèmes de sécurité soulignés aujourd’hui ne sont pas nouveaux.Beaucoup de ces problèmes ont déjà été relevés au cours d’autres enquêtes sur des navires à passagers canadiens. À la suite d’une enquête en particulier, le Bureau a soulevé des préoccupations liées à l’absence d’exigences concernant les gilets de sauvetage pour enfants en bas âge, l’absence d’évaluation des procédures d’évacuation des passagers et des lacunes dans la formation sur la gestion de la sécurité des passagers.

Yoan vous parlera maintenant des trois recommandations que le Bureau émet aujourd’hui.

Yoan Marier – Recommandations

Les situations d’urgence évoluent habituellement rapidement, et les passagers, qui sont peu susceptibles de bien connaître le navire et son équipement, comptent sur les mesures rapides et coordonnées de l’équipage pour assurer leur sécurité.

C’est pourquoi les membres d’équipage d’un traversier doivent avoir les connaissances et les compétences liées à la gestion des foules et au comportement humain en situation d’urgence.Aucun des membres d’équipage du Sam McBride n’avait reçu une telle formation parce qu’elle n’était pas exigée.

En 2017, le BST a émis une préoccupation liée à la sécurité concernant l’absence d’une exigence de formation sur la gestion de la sécurité des passagers à l’intention des membres d’équipage de tous les navires transportant plus de 12 passagers au cours des voyages en eaux abritées, comme les rivières, les ports et les petits lacs. À ce jour, Transports Canada n’a pas encore mis en oeuvre des exigences concernant la formation sur la gestion des passagers pour aborder cette préoccupation, faisant en sorte que les équipages ne sont pas préparés à gérer les passagers en cas d’urgence.

Pour cette raison, le Bureau recommande que

Notre prochaine recommendation porte sur les procédures d’évacuation des navires à passagers.

Nous connaissons l’importance d’effectuer des exercices d’urgence réalistes. Les exercices réalistes nécessitent qu’un grand nombre de personnes jouent le rôle de passagers ET doivent inclure l’utilisation d’équipement de sauvetage pour évaluer si les procédures d’urgence sont pratiques.

Les enquêteurs n’ont pas trouvé de preuve qu’un exercice incluant un grand nombre de personnes représentant le nombre maximal de passagers a déjà été réalisé. En 2018, la Ville de Toronto a effectué un exercice d’urgence auquel ont participé environ 50 personnes jouant le rôle de passagers; il s’agissait du plus grand nombre de personnes ayant pris part à un exercice d’urgence.

Ces exercices n’ont pas offert la possibilité de confirmer si les procédures d’évacuation auraient été réalisables lors d’une urgence réelle, lorsque le navire aurait été au maximum de sa capacité.

Selon le Règlement sur l’équipement de sauvetage, tous les navires à passagers doivent se munir d’une procédure qui décrit comment tous les passagers et membres d’équipage seront évacués dans les 30 minutes qui suivent le signal d’abandon du navire. Bien que cette exigence réglementaire soit en place, Transports Canada ne dispose d’aucune procédure officielle pour évaluer si cette exigence est respectée.

Par conséquent, le Bureau recommande que

Cet événement met aussi en lumière la nécessité de connaître le nombre exact de passagers. Lorsque les personnes montaient à bord du Sam McBride ou d’autres traversiers du parc de l’île de Toronto, le nombre total de passagers était seulement estimé à l’aide d’un compteur-enregistreur manuel. Les enfants en bas âge, les enfants et ceux qui avaient besoin d’aide supplémentaire n’étaient pas dénombrés séparément.

Sans cette information, il n’y a aucun moyen de déterminer s’il y a un nombre adéquat de gilets de sauvetage disponibles, dans la taille appropriée, pour toutes les personnes à bord. Au moment de l’événement, le Sam McBride avait 183 gilets de sauvetage pour enfants. L’enquête a montré que lors de certains voyages, il y avait beaucoup plus d’enfants à bord que le nombre de gilets de sauvetage pour enfants.

Estimer le nombre de passagers ne suffit pas. S’il n’y a pas de méthode précise pour dénombrer les passagers qui embarquent sur un navire, il y a un risque que certains passagers soient laissés à eux-mêmes en cas d’urgence. De plus, si l’équipage n’identifie pas les passagers qui nécessitent des soins particuliers ou une aide supplémentaire en cas d’urgence, leur sécurité peut être compromise.

Par conséquent, le Bureau recommande que

[pause]

Yoan Marier – Conclusion

L’événement du Sam McBride a mis en lumière les vulnérabilités liées à la gestion des passagers dans l’exploitation de traversiers et l’importance qui doit être accordée à la sécurité des passagers. Les passagers à bord de traversiers ne sont pas des experts de la sécurité.Ils comptent sur les exploitants des navires pour les amener du point A au point B, en toute sécurité.

Toutefois, la responsabilité n’incombe pas uniquement aux propriétaires du navire et aux membres d’équipage. La sécurité est une responsabilité partagée. Les passagers doivent prêter attention aux messages de sécurité et suivre les consignes de sécurité de l’équipage.

De plus, Transports Canada doit également s’assurer que des règlements efficaces sont en place et sont validés de sorte que, en cas de désastre, les passagers seront en de bonnes mains.

Merci.