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Liste de surveillance 2025

Consommation de substances : un enjeu de sécurité émergent

La consommation de substances dans les secteurs de transport maritime et ferroviaire est un enjeu de sécurité en émergence sur la Liste de surveillance. L’affaiblissement des facultés en raison de la consommation de drogues ou d’alcool peut compromettre les tâches essentielles à la sécurité et mettre en danger les personnes, les biens et l’environnement. Bien que des enquêtes aient établi un lien entre la consommation de substances et les événements, le manque de tests systématiques et de données fiables laisse penser que le problème est plus répandu.

Contexte

La consommation de substances, en particulier d’alcool et de cannabis, est courante au Canada et pose de graves risques pour la sécurité dans les secteurs où la sécurité est primordiale, dont les transports.

Bien que les risques soient présents dans tous les modes de transport, la consommation de substances est un enjeu émergent dans les transports ferroviaire et maritime. L’affaiblissement des facultés augmente le temps de réaction, réduit le jugement et nuit à la prise de décision, ce qui augmente la probabilité d’erreurs, d’accidents et de décès. Dans les rôles essentiels à la sécurité, les effets de la consommation de substances (coordination altérée, vigilance réduite et erreurs de jugement) peuvent avoir des conséquences dévastatrices pour les personnes, les biens et l’environnement.

Une étude nationale menée par le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances a révélé que 20 % des travailleurs occupant des postes essentiels à la sécurité ont déclaré avoir consommé de l’alcool ou d’autres drogues deux heures avant ou pendant le travail, ou avoir travaillé avec la gueule de bois ou sous l’influence. De plus, entre 21 et 40 % des travailleurs et des gestionnaires pensent que l’usage de substances est un problème dans leur milieu de travailMcIlwaine, S., S. Meister, B. Barker, L. Dassieu, S. Noorbakhsh, B. Panesar et D. Beirness. Usage de substances au travail et postes non critiques sur le plan de la sécurité (résumé de recherche), Ottawa (Ont.), Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances, 2025. https://www.ccsa.ca/sites/default/files/2025-07/Research-Brief-Safety-Sensitive-Positions-fr.pdf.

Bien qu’il n’existe pas d’ensemble complet de données sur le secteur des transports, la consommation de substances a été soupçonnée ou confirmée dans plusieurs enquêtes maritimes et ferroviaires du BST, et une enquête ferroviaire l’a soulevée comme une préoccupation en matière de sécurité. Le manque de cohérence des tests effectués après l’événement dans l’ensemble de l’industrie des transports et le recours à l’autodéclaration portent à croire que ces cas ne représentent qu’une partie du véritable problème.

Secteur du transport maritime

Les enquêtes du BST ont établi un lien entre la consommation de substances et de multiples événements maritimes :

  • M22A0052 – Mucktown Girl
  • M21A0065 – Tyhawk
  • M21C0214 – Suvak
  • M19A0090 – Bateau de pêche sans nom et non immatriculé
  • M06W0052 – Queen of the North

Des forums de l’industrie, comme celui du Conseil consultatif maritime canadien ou les rencontres provinciales consacrées à la sécurité de la pêche, soulignent constamment le fait que la consommation de substances est l’un des principaux enjeux de sécurité.

Malgré cela, le Canada n’a pas d’exigences cohérentes en matière de dépistage des drogues et de l’alcool dans le secteur maritime. Bien que de nombreux exploitants appliquent des politiques de tolérance zéro, la consommation de substances, en particulier dans l’industrie de la pêche, est souvent normalisée. Cette acceptation, combinée à des tests limités et à des données incomplètes, masque l’ampleur réelle du problème.

L’environnement opérationnel à bord des navires exige une vigilance constante, une coordination et des temps de réaction rapides. Les membres de l’équipage sont régulièrement confrontés à des dangers comme des machines en fonctionnement, de l’équipement lourd et des conditions de mer imprévisibles. La consommation de substances, qu’elle soit récréative ou en automédication pour la douleur chronique, la fatigue, la dépendance ou d’autres problèmes, peut nuire au temps de réaction, à la cognition et au jugement, ce qui augmente le risque de blessure ou de perte de vie.

Les défenseurs de la santé publique et les organismes de sécurité maritime ont commencé à sensibiliser l’industrie à la consommation de substances, mais les initiatives demeurent limitées et ne sont pas cohérentes.

Prochaines étapes

Le BST surveillera l’enjeu de la consommation de substances dans le secteur maritime afin de déterminer s’il devrait être inscrit sur la Liste de surveillance. Voici des exemples de mesures potentielles pour atténuer cet enjeu :

  • adoption d’un cadre pour des essais, une formation et une sensibilisation cohérents dans l’industrie maritime;
  • collecte systématique de données pour évaluer la prévalence et les impacts de la consommation de substances en mer;
  • élaboration de programmes de sécurité pour s’attaquer aux facteurs qui influencent la consommation de substances, comme la fatigue, la douleur chronique et les problèmes de santé mentale;
  • mise en œuvre de mesures de santé publique pour contrôler, réduire ou éliminer les cas de facultés affaiblies à bord des navires.

Secteur du transport ferroviaire

Les enquêtes du BST ont permis de cerner des risques liés à la consommation de substances dans plusieurs événements ferroviaires :

  • R21H0114 : En l’absence de période d’interdiction de consommation d’alcool avant le travail, les employés peuvent effectuer des fonctions essentielles à la sécurité lorsqu’ils sont sous l’influence de l’alcool.
  • R20H0130 : En l’absence de dépistage aléatoire de drogue et d’alcool, il se peut que l’on ne détecte pas les employés occupant des postes essentiels à la sécurité ferroviaire alors que leurs facultés sont affaiblies, ce qui augmente le risque qu’un accident se produise.
  • R10V0038 : Sans obligation d’effectuer rapidement des tests de dépistage d’alcool et de drogues après l’accident (quand c’est justifié), il existe un risque accru que les résultats des tests ne soient pas concluants.
  • R95T0152 : L’alcool affecte la performance et peut avoir contribué à la décision prise par le mécanicien de locomotive d’effectuer la manœuvre à une vitesse qui s’est avérée dangereuse dans les circonstances.

Les consultations auprès de l’industrie ont révélé que la consommation de substances est plus répandue que ce que le BST constate directement dans le cadre de ses enquêtes. Cela renforce l’urgence de prendre des mesures préventives pour atténuer les risques cernés par le BST et améliorer globalement la sécurité ferroviaire.

Outre la consommation d’alcool, la consommation de drogues a également été constatée dans l’industrie ferroviaire. Cependant, elle est plus difficile à détecter, car les signes sont plus subtils et peuvent varier selon la substance et ressembler à de la fatigue ou du stress. Les tests de dépistage des facultés affaiblies peuvent également être moins fiables, en particulier en ce qui concerne le cannabis.

Contrairement au secteur aérien, les règles et règlements de l’industrie ferroviaire ne prescrivent pas de période pendant laquelle la consommation d’alcool et de cannabis est interdite avant l’exercice des fonctions. On s’attend plutôt à ce que les employés s’autoévaluent et déterminent si les effets de la consommation ont suffisamment diminué pour qu’ils soient aptes au travail. Il se peut que les employés ne soient pas en mesure de s’autoévaluer avec précision et ils pourraient donc avoir la perception subjective qu’ils se sont rétablis, malgré la persistance des effets sur le rendement cognitif causés par l’affaiblissement de leurs facultés.

Ces règles sont en contradiction avec le Règlement de l’aviation canadien, qui indique, en partie, qu’il est interdit à toute personne d’agir en qualité de membre d’équipage d’un aéronef si elle a ingéré une boisson alcoolisée dans les 12 heures précédentes, ou d’agir en qualité de contrôleur de la circulation aérienne ou de spécialiste de l’information de vol dans les 8 heures qui suivent l’ingestion d’alcool. La politique de Transports Canada exige également que les équipages de conduite et les contrôleurs de la circulation aérienne cessent de consommer du cannabis au moins 28 jours avant d’exercer leurs fonctionsTransports Canada (2019), Instruction visant le personnel no 404-002 – Politique sur le cannabis à des fins médicales à l’Aviation civile, 2019, à l’adresse https://tc.canada.ca/fr/aviation/centre-reference/documents-systeme-gestion-integree-sgi-aviation-civile. Ces périodes d’interdiction permettent l’élimination de substances et, à ce titre, elles réduisent le risque qu’une personne assume des fonctions essentielles à la sécurité alors qu’elle est sous l’influence de ces substances.

Bien que les exploitants aient mis en œuvre des politiques d’administration de tests après l’événement, cette information n’est pas communiquée au BST à moins qu’il n’enquête. Par conséquent, le BST dispose de peu d’information sur la prévalence de la consommation de substances.

Prochaines étapes

Le BST surveillera l’enjeu de la consommation de substances dans le secteur ferroviaire afin de déterminer s’il devrait être inscrit sur la Liste de surveillance. Voici des exemples de mesures potentielles pour atténuer l’enjeu :

  • Étendre les règles existantes pour qu’elles s’appliquent à tous les employés des chemins de fer, et non seulement à ceux qui occupent des rôles essentiels à la sécurité.
  • Établir des périodes obligatoires d’interdiction de consommation d’alcool et de drogues avant l’exercice des fonctions.
  • Mettre en œuvre des protocoles améliorés de dépistage des facultés affaiblies.
  • Faire un suivi systématique des cas de facultés affaiblies pour appuyer les stratégies de prévention et de réduction des risques.