Gestion de la sécurité
Certains transporteurs aériens, maritimes et ferroviaires ne gèrent pas efficacement leurs risques en matière de sécurité, et plusieurs ne sont toujours pas tenus de mettre en œuvre des processus officiels pour la gestion de la sécurité. En outre, les transporteurs qui ont mis en œuvre un système de gestion de la sécurité (SGS) officiel ne sont toujours pas en mesure de démontrer qu’il fonctionne et qu’il produit les améliorations attendues en matière de sécurité.
Contexte
Un SGS est un processus de gestion de la sécurité reconnu à l’échelle internationale qui permet aux compagnies de cerner les dangers, de gérer les risques et d’améliorer la sécurité de leurs activités, idéalement avant qu’un accident survienne. Bien que l’enjeu de la gestion de la sécurité figure sur la Liste de surveillance depuis 2010 et que la sensibilisation du secteur à l’égard des SGS ait lentement augmenté depuis lors, les rapports d’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) continuent de faire état de lacunes et de préoccupations dans les secteurs de transport aérien, maritime et ferroviaire.
Lorsque les processus officiels de gestion de la sécurité sont absents ou inefficaces, les mesures de protection échouent : les changements opérationnels ne sont pas évalués, les dangers ne sont pas cernés, les risques sont mal gérés et les mesures d’atténuation ne sont pas validées. Cela permet à des conditions dangereuses de perdurer, souvent sans que l’on ne s’en aperçoive, jusqu’à ce qu’un accident se produise.
Si on n’exige pas un SGS officiel et on n’assure pas une surveillance réglementaire efficace, les problèmes de sécurité systémiques, comme un mauvais recensement des dangers, une mauvaise évaluation des risques et des mesures d’atténuation dont l’efficacité n’a pas été validée, ne sont pas corrigés. En fin de compte, l’absence ou l’inefficacité d’un SGS augmente la probabilité que des accidents catastrophiques se produisent, ce qui met en danger les personnes, les biens et l’environnement.
Appel au changement
Les enjeux de la Liste de surveillance sont complexes et exigent la participation coordonnée des exploitants, des organismes de réglementation et d’autres intervenants. Même si des progrès ont été réalisés, il reste encore beaucoup à faire.
Secteur du transport aérien
Les progrès dans le domaine de l’aviation ont été limités. Les exigences en matière de SGS ne s’appliquent toujours pas aux exploitants assujettis aux sous-parties 702 (travaux aériens), 703 (taxi aérien) et 704 (navette) du Règlement de l’aviation canadien (RAC); aux exploitants assujettis à la sous-partie 406 du RAC (unités de formation au pilotage); ni aux exploitants d’aérodromes non certifiés.
Plus de 90 % des exploitants aériens commerciaux au Canada ne sont pas tenus d’avoir un processus officiel de gestion de la sécurité comme un SGS. Beaucoup d’entre eux sont des entreprises de plus petite taille qui continuent de manquer des occasions d’améliorer la sécurité.
Nombre d’événements (2010–2025)
De 2010 à juin 2025, les exploitants aériens commerciaux qui étaient tenus d’avoir un SGS (ceux qui menaient leurs activités en vertu de la sous-partie 705 du RAC) ont été en cause dans 90 accidents totalisant 13 pertes de vie. En revanche, les exploitants aériens commerciaux qui n’étaient pas tenus d’avoir un SGS (ceux qui menaient leurs activités en vertu des sous-parties 702, 703 et 704 du RAC) ont été en cause dans 766 accidents totalisant 221 pertes de vie. Des unités de formation au pilotage exploitées en vertu de la sous-partie 406 du RAC ont été en cause dans encore 319 accidents, totalisant 21 pertes de vie.
En outre, sur les 27 enquêtes menées entre 2010 et juin 2025 au cours desquelles le Bureau a formulé des faits établis touchant la gestion de la sécurité, 17 portaient sur des exploitants aériens qui n’étaient pas tenus d’avoir un SGS. Ces exploitants comptaient également pour 17 des 30 pertes de vie dues à ces événements.
Recommandations actives
À la suite de plusieurs enquêtes, le BST a formulé les recommandations suivantes :
- Promotion des processus de gestion proactive de la sécurité et une culture de sécurité positive (A19-03)
- Évaluations des systèmes de gestion de la sécurité (A16-13)
- Mise en œuvre d’un SGS en bonne et due forme (A16-12)
Mesures prises
Bien que des progrès aient été réalisés dans la réponse aux trois recommandations du BST, les efforts produits par l’organisme de réglementation et le secteur ont été fragmentaires. Transports Canada (TC) examine la politique relative aux SGS dans le but de moderniser et d’étendre les exigences. Tant que cet examen n’est pas terminé et que de nouveaux règlements ne sont pas mis en œuvre, il n’est pas certain que ces mesures permettront de combler efficacement les lacunes en matière de gestion de la sécurité dans l’industrie du transport aérien.
De plus, de nombreuses associations de l’industrie font la promotion des SGS et fournissent des outils afin de soutenir leurs membres. En outre, de nombreux exploitants qui ne sont pas tenus d’avoir un SGS font des efforts pour mettre en œuvre des systèmes à différentes échelles. Toutefois, actuellement TC ne surveille pas l’efficacité des SGS mis en œuvre sur base volontaire, et ces initiatives sont souvent entravées par des ressources et une expertise limitées, le coût et la complexité opérationnelle.
Mesures à prendre
Cet enjeu demeurera sur la Liste de surveillance jusqu’à ce que
- TC mette en œuvre une réglementation obligeant tous les exploitants commerciaux à adopter des processus formels pour la gestion de la sécurité;
- les transporteurs qui ont un SGS démontrent à TC qu’il est efficace – que les risques découlant des changements dans les opérations sont évalués, que les dangers sont cernés et que des mesures efficaces d’atténuation des risques sont mises en œuvre, puis validées.
Secteur du transport maritime
Un SGS est nécessaire afin d’assurer une sécurité des navires efficace. Ce système doit être appuyé par une solide culture de sécurité, dans le cadre de laquelle le personnel à terre et les membres d’équipage communiquent ouvertement pour évaluer les risques, cerner les dangers, mettre en œuvre des mesures d’atténuation et valider l’efficacité des mesures d’atténuation. Cela permet aux deux parties de disposer d’informations à jour et de réduire les risques de manière proactive.
Le Règlement sur le système de gestion de la sécurité maritime exige que presque tous les navires commerciaux canadiens élaborent, mettent en œuvre et tiennent à jour un SGS portant sur les opérations à terre et à bord. Bien que ce règlement renforce le cadre de gestion de la sécurité, son efficacité dépend de la capacité de TC à vérifier la conformité lors des inspections, ce qui pose un défi pour les petits navires qui ne sont pas assujettis aux inspections périodiques obligatoires.
Au cours des cinq dernières années, le BST a enquêté sur neuf événements où des navires disposaient d’un SGS qui était conforme aux exigences du Code international de gestion de la sécurité (ISM) mais qui n’a pas permis de cerner, d’évaluer ou d’atténuer les dangers, mettant en évidence les écarts entre la conformité réglementaire et une gestion efficace de la sécurité.
Mesures prises
Le Règlement sur le système de gestion de la sécurité maritime de TC est entré en vigueur en juillet 2024; il exige que tous les navires commerciaux, autres que les petits bâtiments de pêche, aient un SGS. Le règlement classe la flotte en cinq niveaux, les exigences en matière de SGS et la surveillance étant propres à chaque niveau. La conformité sera vérifiée dans le cadre d’inspections axées sur les risques effectuées par des inspecteurs de la sécurité maritime.
Mesures à prendre
Cet enjeu demeurera sur la Liste de surveillance jusqu’à ce que
- les transporteurs qui ont un SGS démontrent à TC qu’il fonctionne bien, que les risques sont cernés et que des mesures efficaces d’atténuation des risques sont mises en œuvre, puis validées pour en vérifier l’efficacité.
Secteur du transport ferroviaire
Les compagnies de chemin de fer de compétence fédérale doivent avoir un SGS depuis 2001, et les exigences réglementaires ont été considérablement améliorées en 2015. Toutefois, le secteur n’a pas encore démontré les changements en matière de culture de sécurité et d’amélioration de la sécurité attendus à la suite de la mise en œuvre des SGS.
Entre 2010 et 2025, le BST a produit des faits établis liés aux systèmes de gestion de la sécurité dans 37 enquêtes ferroviaires. Ces enquêtes montrent que les compagnies de chemin de fer n’utilisent pas toujours leur SGS lorsqu’il y a un changement dans leurs activités, et qu’elles ne cernent pas efficacement les dangers, n’atténuent pas les risques et n’évaluent pas l’efficacité des mesures d’atténuation.
Plus de 20 ans après la mise en œuvre du Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire au Canada, les exploitants n’ont pas encore démontré que leur SGS réduit efficacement les risques pour le public, les biens et l’environnement. Le BST a constaté que les SGS des compagnies ferroviaires de transport de marchandises ne permettent pas de cerner les problèmes de sécurité, d’apporter des améliorations ou de mesurer l’efficacité des SGS de manière fiable. Les vérifications des SGS par TC ont également mis en évidence des lacunes persistantes dans l’évaluation des risques opérationnels, une première étape essentielle du processus des SGS.
Recommandations actives
À la suite de plusieurs enquêtes, le BST a formulé les recommandations suivantes :
- Gestion du risque par l’identification des dangers, l’analyse des tendances des données et l’évaluation des risques (R22-03)
- Vérification des SGS (R14-05)
Mesures prises
- Dans sa dernière réponse à la recommandation R14-05 demandant des vérifications des SGS suffisamment poussées et fréquentes pour en confirmer l’efficacité, TC
- a mis en œuvre des indicateurs de rendement clés pour ses vérifications et les a modifiés en avril 2024 à la suite de consultations avec les intervenants et de leur rétroaction;
- a indiqué qu’il procède à un examen approfondi du Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire afin d’incorporer les principes d’efficacité dans la réglementation;
- a établi un cadre de vérification ciblée.
- Dans sa réponse à la recommandation R22‑03 du BST demandant à TC de s’assurer que le Chemin de fer Canadien Pacifique (CP) démontre que son SGS peut cerner efficacement les dangers, évaluer les risques et mettre en œuvre et valider des mesures d’atténuation, TC a fait un suivi auprès de l’exploitant pour surveiller les progrès accomplis de même que pour cerner et corriger les cas de non-conformité.
Mesures à prendre
L’enjeu de la gestion de la sécurité demeurera sur la Liste de surveillance jusqu’à ce que les transporteurs démontrent à TC que leur SGS est efficace.