Recommandation M23-04 du BST

Surveillance des dispenses de pilotage par l’Administration de pilotage du Pacifique

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada recommande que l’Administration de pilotage du Pacifique mette en place un processus permettant de vérifier la conformité continue aux conditions des dispenses par les compagnies qui exploitent des remorqueurs dans des zones de pilotage obligatoire.

Rapport d’enquête sur la sécurité du transport maritime
Date à laquelle la recommandation a été émise
Date de la dernière réponse
Juillet 2024
Date de la dernière évaluation
Décembre 2024
Évaluation de la réponse à la recommandation
Attention entièrement satisfaisante
État du dossier
Fermé

Les réponses présentées sont celles des intervenants du BST dans le cadre de communications écrites et sont reproduites intégralement. Le BST corrige sans indiquer les erreurs typographiques dans le contenu qu’il reproduit, mais utilise des crochets [ ] pour indiquer d’autres changements ou montrer qu’une partie de la réponse a été omise parce qu’elle n’était pas pertinente.

Résumé de l’événement

Le 10 février 2021, le remorqueur Ingenika, avec 3 membres d’équipage à bord, remorquait le chaland chargé Miller 204 dans le canal Gardner lorsque le remorqueur a coulé à environ 16 milles marins à l’ouest-sud-ouest de la baie Kemano (Colombie‑Britannique).  Le chaland a ensuite dérivé et s’est échoué à environ 2,5 milles marins au sud-ouest de l’endroit où le remorqueur avait coulé. L’opération de recherche et sauvetage a permis de retrouver 1 membre d’équipage survivant sur terre et de récupérer les corps des 2 autres membres d’équipage dans l’eau. Le chaland a été récupéré; le remorqueur n’a pas été retrouvé. Au moment de l’événement, le remorqueur avait 3500 L de carburant diesel dans des réservoirs à bord.

Le Bureau a conclu son enquête et publié le rapport M21P0030 le 8 mars 2023.

Justification de la recommandation

Au moment de l’événement, l’Ingenika était exploité dans une zone de pilotage obligatoire qui relève de la responsabilité de l’Administration de pilotage du Pacifique (APP). L’APP est une société d’État qui a pour mandat d’établir, d’exploiter, de maintenir et d’administrer des services de pilotage sécuritaires et efficaces en Colombie-Britannique. Les services de pilotage sont fournis par des pilotes brevetés, qui sont des navigateurs hautement qualifiés qui mettent à profit leur connaissance des eaux locales pour diriger un navire et le faire naviguer en utilisant la route la plus sûre.

L’APP a un système de dispense de pilotage en vertu duquel certains navires, principalement les remorqueurs, peuvent obtenir des dispenses qui les exemptent de l’obligation d’embarquer un pilote breveté dans les zones de pilotage désignées si les exploitants et les remorqueurs répondent à certaines exigences. Cependant, lorsqu’une compagnie demande une dispense de pilotage, l’APP ne vérifie pas les renseignements présentés pour s’assurer qu’ils répondent aux exigences réglementaires, et l’APP compte sur les exploitants pour s’assurer qu’ils respectent les conditions de la dispense une fois celle-ci accordée. En Colombie-Britannique, il y a actuellement 364 remorqueurs, appartenant à 85 compagnies différentes, qui sont exploités en vertu de dispenses de pilotage.

L’enquête a révélé que, même si le capitaine de l’Ingenika avait obtenu une dispense de pilotage, il était titulaire d’un brevet réservé aux navires à passagers exploités par une compagnie particulière et, à ce titre, il n’aurait pas dû être admissible à une dispense pour un navire remorqueur. De plus, l’un des matelots de pont avait, à diverses occasions, été chargé d’un quart à la passerelle sur l’Ingenika, sans toutefois être titulaire d’un brevet ou d’une dispense de pilotage. En outre, le remorqueur n’était pas équipé d’un système d’alarme de quart à la passerelle et n’avait pas de système d’identification automatique de classe A, deux exigences applicables à un navire exploité en vertu d’une dispense.

Cette enquête n’est pas la première à relever des lacunes dans le processus d’octroi de dispenses de l’APP et dans la façon dont cette dernière compte sur les compagnies pour assurer le respect continu des conditions des dispenses. Le BST a constaté des problèmes similaires dans des événements mettant en cause le remorqueur Ocean MonarchRapport d’enquête sur la sécurité du transport maritime M17P0244 du BST. en 2017 et le remorqueur Nathan E. StewartRapport d’enquête maritime M16P0378 du BST. en 2016.

En l’absence d’un processus efficace permettant de vérifier que les membres d’équipage et les navires satisfont aux exigences en matière de dispense de l’APP, il y a un risque que la non-conformité avec les exigences de la dispense passe inaperçue et compromette la sécurité dans les zones de pilotage obligatoire. Compte tenu de la nécessité de s’assurer que les navires dispensés sont exploités à un niveau de sécurité comparable à celui que procure un pilote breveté, le Bureau recommande que

l’Administration de pilotage du Pacifique mette en place un processus permettant de vérifier la conformité continue aux conditions des dispenses par les compagnies qui exploitent des remorqueurs dans des zones de pilotage obligatoire.
Recommandation M23-04 du BST

Réponses et évaluations antérieures

Mai 2023 : réponse de l’Administration de pilotage du Pacifique

L’Administration de pilotage du Pacifique (APP) a examiné et accepté la recommandation M23-04. L’APP exige que toutes les dispenses de pilotage des navires commerciaux soient renouvelées chaque année par l’intermédiaire d’un processus de demande. L’APP utilise une base de données pour conserver les documents de tous les navires et officiers qui exercent leurs activités dans le cadre d’une dispense de pilotage. Ces dossiers sont mis à jour tout au long de l’année et sont revus annuellement en consultation avec les représentants des compagnies qui exploitent des navires en vertu d’une dispense de pilotage. Les exploitants commerciaux sont tenus de présenter les registres mis à jour des navires et des officiers, ainsi que le formulaire « Déclaration de conformité — renouvellement et nouvelles demandes » signé par un représentant autorisé. Une fois que les dossiers ont été examinés et que l’APP est convaincue que toutes les exigences du paragraphe 25.10(3) du Règlement général sur le pilotage et des Normes de prudence de l’APP ont été respectées, un renouvellement de la dispense est délivré. L’APP utilise une liste de contrôle pour suivre les progrès de chaque exploitant au cours du processus de demande, et les données sont téléversées dans la base de données des dispenses de l’APP.

À la suite du rapport M21P0030 du BST qui a été publié le 8 mars 2023, les mesures suivantes ont été prises et communiquées à tous les demandeurs de dispense de pilotage :

  1. Les deux formulaires « Déclaration de conformité » ont été mis à jour afin de préciser que les brevets doivent convenir au navire.
  2. Les exploitants de navires commerciaux (américains et canadiens) sont désormais tenus de présenter une preuve du service en mer démontrant que les nouveaux officiers satisfont aux exigences minimales de service en mer prévues au paragraphe 25.10(3) du Règlement général sur le pilotage.
  3. Les demandes relatives au service en mer des officiers sont examinées par le coordonnateur des opérations de l’AAP. Le service en mer qui nécessite un examen approfondi est transmis au directeur de l’exploitation de l’APP.
  4. Les demandes de compagnies cherchant à obtenir une dispense pour des officiers qui ne satisfont pas aux exigences en matière de service en mer prévues dans la réglementation sont soumises à l’étude de la première dirigeante. Les exploitants sont tenus de démontrer des facteurs atténuants pour ces officiers, tels qu’une formation supplémentaire, un entraînement sur simulateur, un programme de mentorat, entre autres. Ces renseignements sont alors communiqués à Transports Canada.
    • Remarque : ce processus est nécessaire jusqu’à ce que le Règlement général sur le pilotage soit mis à jour. Sans cette considération, les compagnies ne seraient pas en mesure de retenir les services de nouveaux officiers qui ne satisfont pas aux exigences minimales en matière de temps de quart prévues dans la réglementation. Bien que les Normes de prudence reconnaissent le temps de quart à la passerelle comme étant celui d’un matelot de pont assurant la vigie, la gouvernance veille, la gouverne ou d’autres fonctions de quart à la passerelle dans la zone, le paragraphe 25.10(3) du Règlement général sur le pilotage ne reconnaît que le temps de responsabilité du quart. L’Administration de pilotage du Pacifique collabore étroitement avec Transports Canada en vue de régler cette question.
  5. Les compagnies canadiennes qui demandent des dispenses de pilotage pour leurs navires sont tenues de fournir les numéros officiels de chaque navire afin que l’APP puisse vérifier l’immatriculation du navire.
  6. À compter du 15 avril 2024, les exploitants commerciaux canadiens devront fournir un certificat d’immatriculation valide pour chaque navire exploité en vertu d’une dispense de pilotage. Les exploitants commerciaux américains fournissent un certificat Certificate of Documentation pour chaque navire qui est exploité en vertu d’une dispense de pilotage.
  7. Le 20 avril 2023, l’APP a publié une note de service à l’intention des exploitants canadiens, communiquant les changements mentionnés ci-dessus. Les renouvellements des dispenses de pilotage des navires commerciaux américains ont été achevés le 27 février 2023, c.-à-d. avant la publication des recommandations du BST; toutefois, les changements mentionnés ci-dessus seront appliqués à tous les navires commerciaux américains pendant les mises à jour ou les renouvellements ultérieurs de leurs dispenses de pilotage.
  8. L’APP est à élaborer une procédure documentée qui décrira le processus de demande et de renouvellement pour les dispenses de pilotage.
Août 2023 : évaluation de la réponse par le BST (intention satisfaisante)

Dans sa réponse, l’Administration de pilotage du Pacifique (APP) indique qu’elle est d’accord avec cette recommandation et qu’elle a déjà pris des mesures concrètes pour y donner suite. L’APP a mis à jour ses formulaires de déclaration de compétence afin de préciser que les brevets doivent être adaptés au navire, et les exploitants de navires commerciaux sont désormais tenus de présenter une preuve démontrant que les exigences en matière de service en mer des nouveaux officiers sont respectées. Les demandes relatives au service en mer des officiers seront désormais examinées. Les numéros officiels des navires et les certificats d’immatriculation (ou les certificats de documentation pour les navires battant pavillon américain) seront également requis pour que l’APP puisse vérifier l’enregistrement, et un document de procédure est en cours d’élaboration pour le processus de renouvellement des dispenses de pilotage.

Le Bureau est encouragé par les mesures que l’APP a prises pour donner suite à la recommandation et par nécessité de maintenir la surveillance des conditions de dispense. La mise en œuvre de ces changements permettra de s’assurer que la conformité aux conditions de dispense sera vérifiée chaque année. Le BST surveillera la mise en œuvre, par l’APP, de ses nouvelles exigences et des mesures prises pour surveiller la conformité aux exigences en matière de dispense. Par conséquent, le Bureau estime que la réponse à la recommandation M23-04 dénote une intention satisfaisante.

Réponse et évaluation les plus récentes

Juillet 2024 : réponse de l’Administration de pilotage du Pacifique

L’Autorité de pilotage du Pacifique (APP) exige que toutes les dispenses de pilotage des navires commerciaux soient renouvelées chaque année par l’intermédiaire d’un processus de demande. L’APP utilise une base de données pour conserver les documents de tous les navires et officiers qui exercent leurs activités dans le cadre d’une dispense de pilotage. Ces dossiers sont mis à jour tout au long de l’année et sont revus annuellement en consultation avec les représentants des compagnies qui exploitent des navires en vertu d’une dispense de pilotage. Les exploitants commerciaux sont tenus de présenter les registres mis à jour des navires et des officiers, ainsi que le formulaire Conformité à la dispense – propriétaires / exploitants signé par un représentant autorisé. Une fois que les dossiers ont été examinés et que l’APP est convaincue que toutes les exigences du paragraphe 25.10(3) du Règlement général sur le pilotage ont été respectées, une dispense de pilotage est délivrée/renouvelée. L’APP utilise une liste de contrôle pour suivre les progrès de chaque exploitant au cours du processus de demande, et les documents sont téléversés dans la base de données des dispenses de l’APP.

Avec le Système de gestion des comptes et d’affectations des pilotes (PDAMS) de l’APP, les exploitants commerciaux peuvent accéder à leurs dossiers de dispenses par l’entremise du portail des dispenses en ligne, qui leur permet de voir, de modifier et de mettre à jour leurs dossiers et de s’assurer qu’ils maintiennent une conformité continue aux conditions de la dispense.

L’APP effectue des audits mensuels par échantillonnage de remorqueurs qui passent par la zone de pilotage obligatoire. Ces audits sont effectués au moyen d’une carte interactive et du système de gestion des dispenses dans le PDAMS de l’APP. Il convient de noter qu’aucune infraction n’a été rapportée à ce jour.

Le processus d’audit comprend :

  1. Sélection des navires : Les navires sont sélectionnés de façon aléatoire dans différentes zones du territoire de compétence.
  2. Vérification de la dispense : Confirmer que le navire a une dispense. Si le navire n’en a pas, vérifier s’il doit en avoir une, notamment dans le cas d’un remorqueur qui effectue des opérations de remorquage lors desquelles la jauge brute combinée du remorqueur et du navire remorqué est de plus de 350.
  3. Navires sans dispense : Si le navire est tenu d’avoir une dispense, mais qu’il est exploité sans en avoir une, l’APP communiquera avec l’exploitant et en informera Sécurité et sûreté maritimes (SSM) de Transports Canada.
  4. Validation des documents : Pour les navires qui ont une dispense, s’assurer que les documents dans les dossiers de l’APP sont valides.
  5. Conformité de la dispense : Pour un navire sélectionné, l’APP demande une copie du journal de bord du jour pour s’assurer que l’officier de navigation à bord est un officier dispensé enregistré auprès de la compagnie.
  6. Vérification de l’avis de passage : Vérifier que les navires et les officiers de pont nommés dans l’avis de passage de 24 heures figurent dans la dispense de la compagnie et que les dossiers sont à jour et « actifs » dans le PDAMS. 
Décembre 2024 : évaluation de la réponse par le BST (attention entièrement satisfaisante)

En réponse à la recommandation, l’Autorité de pilotage du Pacifique (APP) a créé un processus officiel pour faire un suivi des demandes de dispenses de pilotage. Le processus permet aux exploitants de mettre à jour leurs registres pour s’assurer qu’ils démontrent un respect continu des conditions de la dispense. En exigeant la soumission de formulaires de déclaration de la conformité ainsi que des preuves documentées du temps de quart, l’APP veille à ce que les exploitants qui demandent des dispenses de pilotage respectent les exigences mises à jour avant qu’une dispense leur soit accordée.

De plus, l’APP effectue des audits mensuels par échantillonnage de remorqueurs qui passent dans sa zone de pilotage obligatoire. Il convient de noter que si l’APP détermine qu’un navire qui nécessite une dispense de pilotage est exploité sans en avoir une, l’APP en informera Sécurité et sûreté maritimes de Transports Canada.

Le Bureau reconnaît les efforts considérables de l’APP pour améliorer son processus de dispense de pilotage. En s’assurant que les dispenses sont seulement accordées aux exploitants qui se conforment aux conditions, et en mettant en œuvre un système d’audit robuste, le risque de non-conformité a été réduit de façon significative. Étant donné que le nouveau processus viendra atténuer considérablement le risque de la lacune de sécurité sous-jacente, le Bureau estime que la réponse à cette recommandation dénote une attention entièrement satisfaisante

État du dossier

Le présent dossier est fermé.