Collision à un passage à niveau
Réseau de transport métropolitain
Train de banlieue EXO 182
Point milliaire 9,91, subdivision de Parc du Chemin de fer Canadien Pacifique
Montréal (Québec), arrondissement Ahuntsic-Cartierville
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
L'événement
Le 18 février 2020, le train de banlieue EXO 182 de la ligne exo2 Saint-Jérôme du transporteur Réseau de transport métropolitain (RTM), opérant sous le nom exo, effectuait la liaison entre la gare de Saint-Jérôme (Québec), située au point milliaire 33,2 de la subdivision de Parc du Chemin de fer Canadien-Pacifique (CP), et la gare Parc, située au point milliaire 6,0 de la subdivision de Parc, à Montréal (Québec). Ce train régulier, composé de la locomotive de tête EXO 1322 et de 6 voitures voyageurs multiniveaux Bombardier de type 3000, transportait 232 passagers. Le train pesait environ 510 tonnes et mesurait quelque 575 pieds.
L’équipe de train était composée d’un mécanicien de locomotive (ML) et d’un chef de trainNote de bas de page 1. Les 2 membres de l’équipe étaient qualifiés pour leur poste respectif, satisfaisaient aux exigences en matière de repos et de condition physique, et connaissaient bien le territoire.
Le train, circulant en direction est sur la voie principale sud, a traversé le pont de l’île Perry en direction de la gare Bois-de-Boulogne (point milliaire 8,90). Vers 9 h 22Note de bas de page 2, le train approchait du passage à niveau (PN) public du boulevard Gouin Ouest (point milliaire 9,91) à une vitesse de 44 mi/h (figure 1).
En apercevant une automobile immobilisée sur le PN, le ML a activé le sifflet de la locomotive à 9 h 23 min 19 s puis, environ 3 secondes plus tard, a serré les freins d’urgence. Le train a commencé à ralentir et, 4 secondes plus tard, a heurté l’automobile à la vitesse de 42 mi/h, avant de s’immobiliser environ 200 m plus loin. Les phares avant de la locomotive de tête étaient réglés à leur pleine intensité, les phares de fossé étaient allumés et la cloche de la locomotive était activéeNote de bas de page 3.
L’événement a été capté par une caméra de surveillance d’un commerce situé à proximité du PN. On y observe qu’au moment du déclenchement des feux clignotants et des cloches des dispositifs de signalisation automatiques du PN, une automobile circulant vers l’est sur le boulevard Gouin Ouest s’est engagée sur l’emprise ferroviaire et s’est immobilisée à la hauteur de la barrière de sécurité. Cette automobile était suivie d’un autre véhicule qui s’est arrêté derrière. La barrière de sécurité s’est alors abaissée sur le toit de l’automobile. L’automobile a ensuite avancé pour s’arrêter sur la voie sud et la barrière de sécurité a continué de s’abaisser derrière l’automobile.
Pendant ce temps, le passager a tenté d’intervenir auprès du conducteur, sans succès, en lui demandant à plusieurs reprises d’avancer pour libérer les rails, tandis que le véhicule situé derrière l’automobile klaxonnait.
Un pompier en uniforme, qui participait à un exercice de recherche et sauvetageNote de bas de page 4 tout près du lieu de l’événement, se trouvait sur le trottoir du côté sud-est du PN. Lorsqu’il a vu l’automobile s’immobiliser sur la voie sud, le pompier s’est déplacé vers le milieu de la chaussée en agitant les bras pour indiquer au conducteur de l’automobile d’avancer pour dégager le PN. L’automobile a alors reculé d’environ 1 m et, après un arrêt d’environ 7 secondes, a avancé pour s’immobiliser sur les rails juste avant d’être heurtée par le train.
Après la collision, plusieurs pompiers qui participaient à l’exercice de recherche et sauvetage sont intervenus pour porter secours aux occupants de l’automobile. Les deux occupants du véhicule ont subi des blessures graves et ont été transportés à l’hôpital par ambulance. Le conducteur a succombé à ses blessures peu de temps après son arrivée à l’hôpital. Il n’y a eu aucun blessé à bord du train.
Au moment de l’événement, le ciel était couvert et la température était de −10 °C. Il neigeait abondamment et la visibilité était réduite. Environ 5 cm de neige recouvrait les marques peintes sur la chaussée et les rails. Le vent soufflait du nord-ouest à environ 15 km/h.
Examen des lieux
La collision s’est produite à un PN public équipé de dispositifs de signalisation automatiques (feux clignotants, cloches et barrières de sécurité) qui étaient activés. L’automobile a été heurtée à l’arrière du pilier central gauche et a été projetée sur une distance d’environ 25 m au sud-est du PN. Le train est demeuré sur les rails et n’a subi aucun dommage mécanique. Aucun déversement de carburant ne s’est produit (figure 2).
Aucun dommage n’a été observé à la voie ferrée ou aux dispositifs de signalisation automatiques. Le trafic ferroviaire et routier a été interrompu dans le secteur. Les passagers sont demeurés à bord du train jusqu’au moment où ils ont été reconduits par autobus à la gare Parc, vers midi. Le train a quitté les lieux vers 14 h 40.
Informations sur le passage à niveau
Le boulevard Gouin Ouest est une route asphaltée à deux voies située en zone urbaine. Entre les rues Letellier et Poincaré, la route croise un PN à un angle d’environ 15 degrés par rapport à la perpendiculaire. Pour un automobiliste qui arrive de l’ouest, la route décrit à cet endroit une légère courbe vers la droite. On retrouve des trottoirs piétonniers des deux côtés de la chaussée, ainsi qu’une piste cyclable au nord. La limite de vitesse pour les véhicules routiers est de 30 km/h dans ce secteur.
Pendant la semaine, environ 30 trains de banlieue d’EXO et 4 trains de marchandises circulent quotidiennement sur l’une ou l’autre des voies ferrées doubles de la subdivision de Parc. Ils doivent franchir de nombreux passages à niveau sur leurs parcours, incluant celui du boulevard Gouin Ouest. On dénombre en moyenne un peu plus de 9300 déplacements de véhicules routiers par jour à cet endroit.
Dans les environs de ce PN, la vitesse permiseNote de bas de page 5 est de 40 mi/h pour les trains de marchandises et de 45 mi/h pour les trains de voyageurs, sur la voie sud (la plus à l’ouest).
Le PN était conforme aux normes applicables de Transports CanadaNote de bas de page 6. Il était équipé de dispositifs de signalisation automatiques dans chacun des 4 quadrants qui étaient tous fonctionnels au moment de l’événement. Les dispositifs de signalisation se déclenchaient automatiquement à l’approche d’un train au moins 23 secondes avant l’occupation du PN. Les barrières de sécurité commençaient à s’abaisser 9 secondes après le déclenchement des dispositifs de signalisation automatiques et leur mouvement se terminait 9 secondes plus tard.
Informations sur l’automobile
À la suite de l’événement, une expertise mécanique de l’état de l’automobile a été effectuéeNote de bas de page 7. La berline à 4 portes à traction avant, munie d’une transmission automatique, fabriquée en 2016, était chaussée de pneus d’hiver en bon état aux 4 roues. Les ceintures de sécurité des 2 sièges avant étaient étirées, ce qui indique qu’elles étaient portées au moment de l’événement. Les rideaux gonflables latéraux du côté gauche du véhicule étaient déployés.
Aucune défectuosité mécanique n’a été identifiée.
Informations sur le conducteur de l’automobile
Le conducteur de l’automobile, un septuagénaire, était en train de passer un examen de conduite pratique sur route et était accompagné d’un évaluateur de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ).
Le permis de conduire du conducteur avait été retiré en novembre 2018 par la SAAQ par suite d’une déclaration d’inaptitude à opérer un véhicule routier émise par un professionnel de la santé. Ce dernier avait établi que le champ visuel binoculaireNote de bas de page 8 inférieur du conducteur était considérablement réduit.
À la suite d’une demande de révision de dossier de la part du conducteur, la SAAQ avait obtenu confirmation que la vision du conducteur était demeurée stable. La prochaine étape consistait à déterminer si le conducteur avait développé des aptitudes compensatoires pour conduire de façon sécuritaire par l’entremise d’un examen de conduite pratique sur route. C’est au cours de cet examen que la collision est survenue.
Encombrement visuel et auditif
Lors de la conduite automobile, les conducteurs doivent constamment porter leur attention sur une multitude d’éléments apparaissant dans leur champ visuel, avec une majorité d’informations pertinentes situées dans le champ visuel inférieur. Lorsque ces éléments sont nombreux et rapprochés, il y a possibilité d’encombrement visuel, ce qui réduit le champ visuel du conducteur et requiert davantage de balayage pour pouvoir effectuer une analyse complète de la situation. Ceci peut entraîner une augmentation du temps de réaction du conducteur, qui est amplifié lorsque les conditions de luminance sont faiblesNote de bas de page 9.
Dans cet événement, le conducteur était soumis à plusieurs stimuli dans son champ visuel inférieur. Ceux-ci incluaient les feux clignotants et les barrières en mouvement des dispositifs de signalisation automatiques du PN, la présence de camions de pompier et autres véhicules ainsi que les indications données par le pompier.
Au même moment, l’attention du conducteur était aussi sollicitée par des stimuli auditifs provenant de plusieurs sources : klaxon du véhicule situé derrière l’automobile, cloches du PN et sifflet de la locomotive. De plus, l’évaluateur de la SAAQ répétait au conducteur qu’il devait avancer pour libérer les rails.
L’ensemble de ces stimuli a vraisemblablement entraîné la confusion du conducteur. De surcroît, la faible visibilité et le champ visuel binoculaire inférieur réduit du conducteur ont possiblement augmenté son temps de réaction.
Autres collisions à des passages à niveau publics
Entre le 1er février 2010 et le moment de l’événement à l’étude, le BST a répertorié au Canada 147 collisionsNote de bas de page 10 avec blessés entre des trains et des véhicules routiers survenues à des PN publics équipés de dispositifs de signalisation automatiques.
Sur les 147 collisions :
- 73 sont survenues à des PN équipés de feux clignotants et cloches.
- 74 sont survenues à des PN équipés de feux clignotants, cloches et barrières de sécurité.
- 59, soit 40 %, sont survenues durant la période hivernale (de décembre à mars), dont :
- 26 à des PN équipés de feux clignotants et cloches.
- 33 à des PN équipés de feux clignotants, cloches et barrières de sécurité.
Un total de 189 personnes ont été blessées lors de ces collisions, dont 88 ont subi des blessures mortelles.
Message de sécurité
Chaque année, de nombreuses personnes subissent des blessures graves ou mortelles lors de collisions entre des trains et des véhicules routiers à des passages à niveau publics équipés de dispositifs de signalisation automatiques. Environ 40% de ces collisions se produisent durant les mois d’hiver, de décembre à mars. À l’approche des passages à niveau, les conducteurs de véhicules routiers devraient tenir compte des conditions météorologiques et routières locales pour pouvoir s’immobiliser de manière sécuritaire lorsque les dispositifs de signalisation automatiques entrent en fonction.
Dans l’éventualité où un automobiliste s’immobiliserait par inadvertance sur un passage à niveau lorsque les dispositifs de signalisation automatiques sont activés, il doit dégager immédiatement la voie ferrée afin d’éviter une éventuelle collision. Même si des barrières de sécurité sont abaissées et qu’elles entravent le chemin, celles-ci sont conçues de manière à pouvoir se détacher lorsqu’elles sont percutées par un véhicule de façon à ce qu’il puisse libérer la voie ferrée.
Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .