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Rapport d’enquête sur la sécurité du transport ferroviaire R19E0150

Déraillement de train en voie principale
Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
Train de marchandises G86341-28
Point milliaire 80,45, subdivision de Vegreville
Chipman (Alberta)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

L’événement

Le 29 septembre 2019, vers 4 h 05Note de bas de page 1, le train-bloc chargé de céréalesNote de bas de page 2 G86341-28 de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) circulait vers l’ouest à environ 41 mi/h dans la subdivision de Vegreville lorsqu’un freinage d’urgence provenant de la conduite générale s’est déclenché. Une fois le train immobilisé, le chef de train a effectué une inspection à pied et a constaté que 18 wagons (du 69e au 86e à partir de la locomotive de tête) avaient déraillé. Le déraillement a eu lieu près de Chipman (Alberta), dans une zone rurale située à environ 36 km au nord-ouest de la ville de Vegreville (Alberta) (figure 1).

Figure 1. Lieu de l’événement à l’étude (Source : Association des chemins de fer du Canada, Atlas du rail canadien, avec annotations du BST)
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L’équipe de train n’a remarqué aucune anomalie dans la voie ou dans l’exploitation du train avant le freinage d’urgence provenant de la conduite générale. Alors que le train était en route, il a croisé des détecteurs de boîtes chaudes et de pièces traînantes aux points milliaires 18,7, 45,7 et 70,4 de la subdivision de Vegreville; aucune alarme ne s’est déclenchée.

Personne n’a été blessé et il n’y a pas eu d’évacuation. Au moment du déraillement, la température était d’environ –1 °C et le ciel était couvert.

Le train était alimenté par une seule locomotive de tête et une seule locomotive à commande à distance à traction répartie à la queue du train. Le train était composé de 100 wagons-trémies couverts chargés de céréalesNote de bas de page 3. Sa longueur était de 6168 pieds, locomotives y comprises, et il pesait 14 205 tonnes.

Le train provenait de North Battleford (Saskatchewan), au point milliaire 0,0, dans la subdivision de Blackfoot, et était composé de 55 wagons chargés. Quarante-cinq wagons chargés ont été ajoutés au train à Lloydminster (Saskatchewan), au point milliaire 84,4 de la subdivision de Blackfoot.

Examen des lieux

L’attelage à l’extrémité « B »Note de bas de page 4 du 68e wagon (ADMX 8908) s’est rompu, mais le wagon est resté sur la voie. Les 17 wagons suivants (du 69e au 85e) ont déraillé et se sont renversés; le produit qu’ils contenaient a été rejeté. Le 86e wagon (AEX 8084) ne s’est pas renversé; seules les roues avant avaient déraillé.

La plupart des wagons qui avaient déraillé se sont mis en portefeuille, ce qui est caractéristique d’une défaillance soudaine et catastrophique du rail. Le point de déraillement était près du point milliaire 80,45 de la subdivision de Vegreville. Environ 600 pieds de voie ont été endommagés ou détruits. Des réparations devaient être effectuées à 20 pieds au-delà des 2 extrémités des lieux de déraillement (figure 2).

Figure 2. Image satellite de l’emplacement du déraillement (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
Image satellite de l’emplacement du déraillement (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

L’examen du matériel qui avait déraillé et l’examen de la conduite du train n’ont révélé aucune anomalie. Deux morceaux de rail rompu ont été récupérés sur le lieu de l’événement pour faire l’objet d’un examen approfondi.

Une voie de circulation automobile sur l’autoroute 15 a été perturbée en direction ouest. La police du CN dirigeait la circulation pendant qu’on rétablissait la voie à l’aide d’équipement de déblayage sur les lieux.

Le matériel roulant qui avait déraillé a été mis à l’écart et la voie a été reconstruite. La voie a été rouverte à la circulation ferroviaire à 18 h 30 le 29 septembre 2019. La restauration des lieux et le retrait du matériel roulant qui avait déraillé ont été achevés le 27 octobre 2019.

Renseignements sur l’équipe

L’équipe de train était formée d’un mécanicien de locomotive et d’un chef de train. Tous deux répondaient aux exigences de leurs postes respectifs, satisfaisaient aux exigences en matière de repos et de condition physique, et connaissaient bien le territoire.

Renseignements sur la subdivision

La subdivision de Vegreville est orientée d’est en ouest du point milliaire 0,0 à Vermilion (Alberta) au point milliaire 127,3 à la gare East JunctionNote de bas de page 5, à Edmonton (Alberta), où elle est reliée à la subdivision de Wainwright. Elle fait partie de la ligne du nord des Prairies du CN, qui est une ligne principale secondaire de 769 milles entre Portage la Prairie (Manitoba) et Edmonton composée de 6 subdivisions (Gladstone, Togo, Margo, Aberdeen, Blackfoot, Vegreville).

Les mouvements de train dans la subdivision de Vegreville sont régis par le système de régulation de l’occupation de la voie, comme autorisé par le Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada, et sont supervisés par un contrôleur de la circulation ferroviaire en poste à Edmonton.

La circulation ferroviaire sur la subdivision de Vegreville (mesuré en tonnes-milles brutes par million de trains-milles) était de 15,8 tonnes-milles brutes par million de trains-milles en 2017, de 17,5 tonnes-milles brutes par million de trains-milles en 2018 et de 18 tonnes-milles brutes par million de trains-milles en 2019. Dans les environs du déraillement, la vitesse maximale permise pour les trains de marchandises était de 40 mi/h, ce qui en faisait une voie de catégorie 3 selon le Règlement concernant la sécurité de la voie approuvé par Transports Canada (TC) (aussi appelé Règlement sur la sécurité de la voie [RSV]Note de bas de page 6).

Renseignements consignés

Les données du consignateur d’événements de la locomotive de tête ont été analysées. D’après ces données, les freins étaient desserrés, le manipulateur était en position de ralenti et le frein rhéostatiqueNote de bas de page 7 était réglé à la position 2 au moment où le train approchait du lieu de l’événement.

La locomotive de tête était dotée d’une caméra orientée vers l’avantNote de bas de page 8, mais celle-ci n’était pas en service au moment de l’événement. Des images enregistrées par la caméra orientée vers l’avant d’un train précédent passant par cet endroit ont été obtenuesNote de bas de page 9. Les images étudiées ont permis de constater qu’une anomalie était visible sur la voie, mais on ne pouvait pas discerner les détails de cette anomalie (figure 3). De plus, un bruit a été détecté lorsque la locomotive a franchi le point de déraillement, ce qui confirme la présence d’une anomalie de la voie.

Figure 3. Vue de la caméra orientée vers l’avant du point de déraillement montrant l’anomalie de la voie; images consignées par un train précédent circulant vers l’est (Source : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, avec annotations du BST)
Vue de la caméra orientée vers l’avant du point de déraillement montrant l’anomalie de la voie; images consignées par un train précédent circulant vers l’est (Source : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, avec annotations du BST)

Renseignements sur la voie

Le déraillement est survenu sur une voie en alignement à la fin d’une pente descendante de 0,3 % à 0,5 % en direction ouest. Près du lieu de l’événement, la voie se composait d’un long rail soudé de 100 livres fabriqué en 1971 par la Sydney Steel Corporation. Le rail était monté sur des selles de 14 pouces et fixé à des traverses en bois à l’aide de 3 crampons par selle. Des anticheminants étaient présents à toutes les 2 traverses. Le ballast était composé de pierre concassée, avec des épaulements de 18 à 20 pouces. Les traverses avaient été remplacées en 2017.

L’usure du champignon du rail était de 4 mm; cette usure s’inscrivait donc dans la limite permise de 10 mm, comme indiqué dans les Normes de la voie de l’IngénierieNote de bas de page 10 du CN.

Inspection de la voie

Des inspections de la voie ont été effectuées régulièrement dans le secteur où le déraillement a eu lieu, conformément au RSV. Le CN avait procédé comme suit pour les plus récentes inspections près du lieu de l’événement à l’étude :

Examen des morceaux de rail rompu récupérés

Plusieurs morceaux du rail rompu ont été récupérés sur les lieux du déraillement, à proximité du point de déraillement. L’examen visuel de la surface rompue n’a révélé aucune défectuosité préexistante.

Un des morceaux observés présentait un écrasement des abouts de rail qui était caractéristique du passage de plusieurs roues sur le champignon de rail (figure 4). L’écrasement des abouts de rail se produit généralement lorsqu’un morceau de rail s’est fracturé; par conséquent, des roues entraient en contact avec le champignon exposé du rail restant de façon consécutive.

Figure 4. Écrasement des abouts de rail sur le rail rompu (Source : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada)
Écrasement des abouts de rail sur le rail rompu (Source : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada)

L’enquête n’a pas permis de déterminer de manière concluante pourquoi le rail s’est rompu. Ce morceau de rail n’a pas été examiné par un laboratoire. Par conséquent, il n’est pas possible de déterminer si un examen plus poussé aurait permis de déceler des anomalies préexistantes.

Les causes typiques de rupture du rail peuvent inclure :

La voie avait été inspectée et entretenue conformément aux exigences réglementaires et de la compagnie de chemin de fer. L’usure du champignon du rail n’était que de 4 mm et aucune anomalie n’avait été décelée ni par contrôle visuel ni par contrôle des rails par ultrasons dans les environs du point de déraillement. Les températures n’étaient que légèrement inférieures à zéro.

Les images audio et vidéo de la caméra orientée vers l’avant sur un train précédent appuient la présence présumée d’une anomalie de voie. Il est donc possible qu’un impact des roues à l’emplacement de l’anomalie de la voie ait causé la rupture du rail.

Les détecteurs de défauts de roues (DDR) permettent de déterminer quelles roues dépassent les seuils établis. Au moment de l’événement, aucun DDR ne se trouvait le long de la ligne du nord des Prairies du CN entre Portage la Prairie et Edmonton.

Mesures de sécurité prises

Après le déraillement, le CN a contrôlé la subdivision de Vegreville à l’aide d’un véhicule lourd de contrôle de l’état géométrique de la voie. Aucun défaut n’a été décelé lors de ce contrôle. Le 11 septembre 2020, le CN a installé un DDR sur la ligne du nord des Prairies, au point milliaire 18,2 de la subdivision de Blackfoot.

Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .