Rapport d’enquête sur la sécurité du transport ferroviaire R18H0039

Mouvement non contrôlé de matériel roulant
Chemin de fer Canadien Pacifique
Système de télécommande de locomotive
Train de manœuvre T16-13
Point milliaire 195,5, subdivision de Belleville
Gare de triage de Toronto
Toronto (Ontario)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    L’incident

    Le 14 avril 2018, vers 2 h 15, heure avancée de l’Est, un contremaître de triage et un aide de triage du Chemin de fer Canadien Pacifique (CP) effectuaient des manœuvres à la gare de triage de Toronto du CP, à Toronto (Ontario), à l’aide d’un système de télécommande de locomotive (STL). Le contremaître de triage, qui était aux commandes du train de manœuvre T16-13 (le train de manœuvre), lorsque le mouvement est parti à la dérive en direction est sur la voie de raccordement Staines.

    Le train de manœuvre devait tirer 88 wagons, lesquels pesaient 6400 tonnes et mesuraient 6250 pieds de longueur, à partir de la voie F-11 à l’est de la voie de raccordement Staines. Le train devait franchir le passage à niveau public du chemin Tapscott et poursuivre son chemin jusqu’à ce que le dernier wagon ait dépassé l’aiguillage L4. Le train de manœuvre devait ensuite faire marche arrière dans la gare de triage A (figure S1).

    Figure S1. Carte de l’extrémité est de la gare de triage de Toronto (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
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    Carte de l’extrémité est de la gare de triage de Toronto (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

    Après l’attelage des locomotives aux wagons sur la voie F-11, le contremaître a eu de la difficulté, et n’a pas réussi, à raccorder les conduites d’air entre les locomotives et le wagon de tête, car la conduite d’air du wagon de tête était mal alignée. Par conséquent, le contremaître n’a pas raccordé les conduites d’air et a décidé d’effectuer la manœuvre dans une pente descendante, même s’il n’y avait aucune alimentation en air pour utiliser les freins à air des wagons. Ni l’aide ni le coordonnateur de trains 1 n’en avait été informé par le contremaître.

    Au moment où l’affectation a commencé à quitter la voie F-11, le contremaître se trouvait à bord du wagon de queue et était aux commandes de l’affectation à l’aide du STL. Puisque le contremaître se trouvait à la queue du mouvement, il n’a pas su à quel moment la tête du mouvement a commencé à descendre la pente de la voie de raccordement Staines. Après être descendu près de l’aiguillage L4, le contremaître a utilisé le STL pour immobiliser le mouvement. L’opération a été infructueuse, même lorsque le sélecteur a été placé à la position de serrage d’urgence, car les freins à air des wagons n’étaient pas alimentés en air.

    Le train de manœuvre n’a pas ralenti et a continué sa dérive dans la pente descendante de 0,88 % vers le signal d’arrêt 1952B, où la voie de raccordement de Staines rejoint la voie principale de la subdivision de Belleville. Le train de manœuvre a traversé l’aiguillage de la voie principale, est entré sur la voie principale et est parti à la dérive sur environ 3 autres milles, alors que l’aide se trouvait à la tête du mouvement. Après que l’aide eut serré le frein à main des 2 locomotives et du 1er wagon, et que le train de manœuvre eut atteint une pente ascendante, le train de manœuvre s’est immobilisé près du point milliaire 192,50 de la subdivision de Belleville. L’événement n’a entraîné ni déraillement ni collision. Aucune personne n’a été blessée.

    Utilisation des freins à air du train durant les manœuvres

    Le coordonnateur de trains 1 a tenu une séance d’information à l’intention de l’équipe d’affectation au début de son quart de travail. Une 2e séance d’information a ensuite eu lieu ultérieurement par radio pour discuter du mouvement qui consistait à tirer les wagons de la voie F-11. Après la discussion, le coordonnateur de trains 1 a informé l’équipe d’affectation que la voie F-11 devait être dégagée afin d’éviter des délais supplémentaires et que tous les 88 wagons qui se trouvaient sur la voie F‑11 devaient être tirés en un seul mouvement. L’application des freins à air durant le mouvement n’a pas été abordée.

    Le contremaître croyait que les freins à air étaient seulement nécessaires lors des manœuvres par lancement à l’ouest dans la gare de triage. Même si le contremaître avait déjà effectué des mouvements au-delà du chemin Tapscott sans serrer les freins à air des wagons, il n’avait jamais manœuvré autant de wagons que ce jour-là. Le contremaître n’était pas conscient des risques auxquels il s’exposait à effectuer une manœuvre au-delà du chemin Tapscott dans une pente descendante alors les freins à air n’étaient pas raccordés aux wagons.

    Formation de l’équipe

    Les 2 membres de l’équipe d’affectation étaient qualifiés et avaient 5 à 7 mois d’expérience opérationnelle, qu’ils avaient principalement acquise dans la gare de triage. Chacun d’entre eux portait une veste verte qui servait à les identifier comme de nouveaux employés.

    Le programme de formation des chefs de train du CP inclut une formation théorique sur le Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada (REF), les instructions de la compagnie et une formation en cours d’emploi (FCE) durant laquelle les apprentis sont jumelés à des employés d’exploitation réguliers qui offrent un encadrement et du mentorat. Pendant le volet FCE dans la gare de triage, on enseigne aux apprentis les caractéristiques particulières de la gare de triage et les caractéristiques propres au secteur où les apprentis seront appelés à travailler. Bon nombre de ces instructions propres à un secteur ne sont pas nécessairement enseignées durant le volet de la formation qui a lieu en salle de classe.

    En 2014, à la gare de triage de Toronto, le CP avait posé une affiche sur la guérite de signalisation au dérailleur contrôlé à distance situé à l’ouest du chemin Tapscott. L’affiche visait à informer les équipes qui exploitent des mouvements d’au moins 3 000 tonnes ou d’au moins 3 000 pieds de longueur qu’elles doivent alimenter en air un minimum de 5 wagons afin d’utiliser des freins à air pour aider à contrôler les mouvements à proximité de la pente descendante. Par contre, une affiche ne constitue pas une règle ou une instruction d’exploitation et elle n’explique pas pourquoi l’alimentation en air est nécessaire. Par conséquent, les consignes liées aux freins à air qui sont affichées au chemin Tapscott n’auraient pas été abordées durant la partie théorique de la formation. Il incombait plutôt aux chefs de train qualifiés d’enseigner de tels renseignements particuliers au secteur concerné durant la FCE.

    Cependant, durant la formation, les équipes de triage travaillaient principalement à l’extrémité ouest du triage, qui convenait mieux aux manœuvres de rames de wagons plus longues. En ce qui concerne les trains de manœuvre chargés de marchandises locales exploités à l’extrémité est du triage, ils étaient normalement composés d’un plus petit nombre de wagons et étaient souvent exploités dans la subdivision de Havelock. Durant les quarts de FCE, il était rare que les trains de manœuvre dépassent le passage à niveau du chemin Tapscott ou soient composés d’un nombre suffisant de wagons pour justifier l’utilisation des freins à air. Par conséquent, malgré sa formation et son expérience, le contremaître n’avait pas les connaissances pour être aux commandes des rames de wagons longues et lourdes, en toute sécurité, dans la pente descendante à l’extrémité est du triage afin d’accéder à la voie de raccordement Staines.

    Jumelage d’opérateurs inexpérimentés

    Aucune exigence de la réglementation ou de la compagnie ne stipule le temps ou l’expérience requis avant qu’un chef de train assume les fonctions de contremaître de triage. Au CP, on attribue habituellement les tâches de contremaître au membre d’équipe qui a le plus d’ancienneté à la compagnie, peu importe son expérience dans cette fonction. Comme le système d’établissement des horaires du CP affecte les employés d’exploitation aux fonctions de triage selon leur ancienneté, il se peut que des contremaîtres de triage n’aient que peu d’expérience des opérations ou du STL.

    Dans l’événement à l’étude, malgré l’inexpérience relative du contremaître et de l’aide, le contremaître de triage a été affecté à ce poste puisqu’il était le membre de l’équipe de triage ayant le plus d’ancienneté. Si l’expérience liée à une tâche particulière n’est pas expressément prise en considération au moment d’attribuer les rôles aux membres d’équipe, des employés d’exploitation inexpérimentés pourraient être jumelés ou être chargés d’accomplir des tâches peu familières, ce qui accroît alors le risque d’erreur.

    Depuis 2007, le BST a achevé 7 enquêtes (incluant celle sur l’événement à l’étude) qui soulignent les risques associés au jumelage de chefs de train peu expérimentés pour effectuer des affectations de triage. Le BST a déterminé que le niveau d’expérience des chefs de train avait contribué à ces événements par la probabilité accrue d’erreurs et le manque de connaissances pour prendre des décisions efficaces en ce qui concerne la planification et la conduite du train. De plus, le BST a déterminé que la pratique consistant à jumeler des employés peu chevronnés dans le cadre d’affectations au service de manœuvre prive les employés de l’accompagnement professionnel et du mentorat requis pour développer le jugement nécessaire à la conduite de trains. À la suite d’une enquête sur un accident mortel survenu dans une gare de triage, le Bureau a émis une préoccupation liée à la sécurité sur le jumelage d’opérateurs de locomotive par télécommande inexpérimentésNote de bas de page 1.

    Statistiques sur les mouvements imprévus ou non contrôlés

    À la suite de l’enquête du BST sur l’accident à Lac-MéganticNote de bas de page 2, le Bureau a recommandé que Transports Canada (TC) exige que les compagnies ferroviaires canadiennes mettent en place des moyens de défense physiques additionnels pour empêcher le matériel de partir à la dérive (recommandation R14-04 du BST). En réponse, TC a mis en œuvre plusieurs initiatives, incluant un renforcement des exigences relatives à l’immobilisation dans la règle 112 du REF et un plan de surveillance exhaustif de cette nouvelle règle. Même si le Bureau se disait encouragé par les initiatives de TC relatives à l’arrimage, il a constaté que le résultat escompté d’une forte réduction du nombre de mouvements non contrôlés tardait à se concrétiser.

    Dans un autre rapport d’enquête du BSTNote de bas de page 3 qui portait sur un mouvement non contrôlé, le Bureau a émis une préoccupation liée à la sécurité concernant le fait que les moyens de défense actuels ne sont pas suffisants pour réduire le nombre de mouvements non contrôlés et améliorer la sécurité.

    L’enquête du BST sur le mouvement non contrôlé survenu en décembre 2017 à Melville (Saskatchewan) ayant causé la mort d’une employée du CN, qui portait principalement sur les mouvements non contrôlés se produisant pendant les manœuvres sans freins à air, illustre bien ces risques. Le 10 juin 2020, le Bureau a recommandé que TC collabore avec le secteur ferroviaire et les représentants des travailleurs pour cerner les causes sous-jacentes des mouvements non contrôlés qui se produisent pendant les manœuvres sans frein à air, et pour élaborer et mettre en œuvre des stratégies ou des exigences réglementaires afin de réduire leur fréquence (recommandation R20-01 du BST).

    Parmi les 562 événements qui ont entraîné des mouvements imprévus ou non contrôlés entre 2009 et 2018 inclusivement, la perte de maîtrise, comme dans l’événement à l’étude, a été la cause de 20 (4 %) d’entre eux. Bien que les mouvements non contrôlés attribuables à la perte de maîtrise soient peu fréquents, 60 % d’entre eux (12 sur 20) concernaient la voie principale. Dans de tels cas, la possibilité de croiser des membres du public aux passages à niveau et d’entrer en collision avec des trains de marchandises et de voyageurs en voie principale est accrue. Par conséquent, ces événements sont considérés comme peu fréquents, mais à risque élevé. Ainsi, si des stratégies efficaces ne sont pas mises en œuvre pour améliorer la sécurité durant les manœuvres, les mouvements non contrôlés attribuables à une perte de maîtrise continueront de survenir, ce qui augmente le risque d’accident, en particulier lorsque les mouvements non contrôlés continuent sur la voie principale.

    1.0 Renseignements de base

    Le 14 avril 2018, le train de manœuvre T16-13 du Chemin de fer Canadien Pacifique (CP), qui était exploité à l’aide du système de télécommande de locomotive (STL), effectuait des manœuvres à l’extrémité est de la gare de triage de Toronto du CP, à Toronto, en Ontario (figure 1).

    Figure 1. Carte du lieu de l’accident, indiquant les points de départ et de fin du mouvement non contrôlé (Source : Association des chemins de fer du Canada, Atlas du rail canadien, avec annotations du BST)
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    Carte du lieu de l’accident, indiquant les points de départ et de fin du mouvement non contrôlé (Source : Association des chemins de fer du Canada, <em>Atlas du rail canadien</em>, avec annotations du BST)

    Il s’agissait d’une affectation régulière, de 23 h 30 à 7 h 30, du lundi au vendredi chaque semaine, principalement à l’extrémité est du triage. Le train de manœuvre se composait de 2 locomotives (CP 4434 et CP 4426) et 88 wagons (53 wagons chargés et 35 wagons vides). Le train, y compris les locomotives, mesurait 6250 pieds de longueur et pesait 6400 tonnes, et le poids était réparti de façon relativement égale sur toute sa longueur. La locomotive de commande (CP 4434) se trouvait à l’extrémité est du mouvement.

    L’équipe était constituée de 2 chefs de train; l’un d’eux était le contremaître de triage qui était chargé de coordonner les manœuvres et l’autre était l’aide de triage. Les membres de l’équipe possédaient les qualifications pour leurs postes respectifs, se conformaient aux normes en matière de condition physique et de repos et connaissaient bien la gare de triage de Toronto. Les 2 membres de l’équipe portaient une veste verteNote de bas de page 4 et étaient munis d’un STL (aussi connu sous le nom de Beltpack)Note de bas de page 5 qui leur permettait, à tous les deux, de commander la locomotive.

    1.1 Gare de triage de Toronto

    La gare de triage de Toronto est située dans la banlieue d’Agincourt/de Scarborough dans la région du Grand Toronto. Les mouvements dans la gare de triage sont assujettis à la règle 105 du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada (REF), Circulation sur une voie non principaleNote de bas de page 6. Selon cette règle, les mouvements peuvent circuler à une vitesse maximale de 15 mi/h, et ils doivent pouvoir s’arrêter en deçà de la moitié de la distance de visibilité.

    Au moment de l’événement, le CP comptait 168 employés d’exploitation (chefs de train et mécaniciens de locomotive) à la gare de triage de Toronto. Ces employés étaient chargés de divers trains de manœuvre et affectations de manœuvre locales et d’exploiter des trains de marchandises en voie principale pendant différents quarts de travail.

    Auparavant, la gare de triage de Toronto était l’endroit où le CP effectuait le plus grand nombre de manœuvres de triage à butte. Par contre, le CP a cessé d’utiliser les gares de triage à butte, dont celle située dans la gare de triage de Toronto, dans l’ensemble du Canada en 2012. Au début, lorsque les gares de triage à butte ont été fermées, les 72 voies de classement à la gare de triage de Toronto servaient d’entreposage. Les voies de classement ont depuis été éliminées. À l’heure actuelle, toutes les manœuvres à la gare de triage de Toronto sont en palier et sont principalement effectuées à l’aide d’un STL.

    De façon générale, la gare de triage de Toronto est séparée en secteurs, le secteur nord (gare de triage A) et le secteur sud (gare de triage F); chaque secteur a une pente descendante vers le centre de la gare de triage, ce qui donne à la gare de triage de Toronto un profil concave. À l’extrémité est de la gare de triage, la gare de triage A et la gare de triage F se convergent à l’aiguillage L4, juste à l’est du passage supérieur de l’avenue Finch.

    Lorsque les équipes de triage à l’extrémité est effectuent des manœuvres entre la gare de triage A et la gare de triage F (à l’aiguillage L4), elles utilisent la voie de raccordement Staines qui est reliée à la voie principale de la subdivision de Belleville au point milliaire 195,50.

    1.2 L’incident

    Le 13 avril 2018, un peu avant 23 h 30Note de bas de page 7, l’équipe d’affectation s’est présentée à la gare de triage de Toronto. Le contremaître était le contremaître habituellement chargé de l’affectation. L’aide, dont le nom figurait dans le tableau de réserve, a été appelé vers 21 h 30.

    À leur arrivée, les membres de l’équipe se sont présentés à la tourNote de bas de page 8 est, où ils ont reçu par télécopieur leurs instructions de manœuvre d’un coordonnateur de trains de la gare (coordonnateur de trains 1) qui était situé dans la tour de contrôle ouest. Le coordonnateur de trains 1 et les membres de l’équipe ont tenu une séance d’information initiale pour discuter du travail à accomplir. Après la séance d’information, l’équipe d’affectation a entamé les manœuvres.

    Le 14 avril, vers 1 h 40, le coordonnateur de trains 1 a transmis par télécopieur une nouvelle liste de manœuvres à l’équipe pour les wagons sur la voie F-11 qui devaient être laissés dans la gare de triage A. Une séance d’information avec le coordonnateur de trains 1 a eu lieu par radio pour discuter notamment du nombre de wagons (88 wagons), du tonnage (6 400 tonnes) et de la longueur (6250 pieds).

    Puisque le nombre de wagons à déplacer était élevé, le contremaître a d’abord suggéré de transporter la moitié des wagons jusqu’à la gare de triage A et de revenir ensuite pour le restant des wagons. Par contre, le coordonnateur de trains 1 a fait remarquer que le train 240 du CP était immobilisé à l’ouest du triage en attendant de pouvoir s’engager sur la voie F-11 à partir de l’extrémité ouest. Puisque toutes les autres voies de la gare de triage F qui auraient pu accueillir le train 240 étaient pleines, il était nécessaire de dégager une voie afin d’éviter que le train 240 accuse un retard supplémentaire. Le coordonnateur de trains 1 a ordonné à l’équipe de tirer, en un seul mouvement, tous les 88 wagons qui se trouvaient sur la voie F‑11. Ils n’ont pas discuté de l’application des freins à air durant le mouvement.

    L’équipe planifiait mettre en marche arrière les locomotives sur la voie F-11 et raccorder les wagons à l’extrémité est de la voie. L’affectation allait ensuite tirer tous les 88 wagons sur la voie de raccordement Staines et s’immobiliser ensuite après avoir dégagé l’aiguillage L4 pour pousser les wagons dans la gare de triage A (figure 2).

    Figure 2. Carte de l’extrémité est de la gare de triage de Toronto (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
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    Carte de l’extrémité est de la gare de triage de Toronto (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

    L’aide se trouvait à bord de la locomotive de tête 4434 du CP pour protéger l’avant du mouvement (l’extrémité du train qui dirigeait le mouvement) lorsque le train de manœuvre se trouvait sur la voie de raccordement Staines, car elle était à l’extérieur de la zone de protection des mouvements non accompagnésNote de bas de page 9. L’aide devait débrayer le dérailleur contrôlé à distanceNote de bas de page 10 au chemin Tapscott afin que le train de manœuvre puisse se diriger vers l’est.

    Le contremaître est demeuré au sol et a contrôlé le mouvement à l’aide du Beltpack. Le contremaître a mis en marche arrière les locomotives sur la voie F-11 et les a raccordées au wagon de tête à l’extrémité est de la voie.

    Après avoir mis à l’essai l’attelage, le contremaître a essayé de raccorder les conduites d’air pour alimenter les freins à air des wagons. Par contre, le contremaître n’a pas réussi à raccorder les conduites entre les locomotives et le wagon de tête. Après plusieurs tentatives, le contremaître a décidé de relâcher les freins à main et de tirer les wagons sans raccorder les conduites d’air. Par conséquent, aucun des freins à air des wagons de l’affectation ne fonctionnait.

    Le contremaître n’a pas informé l’aide ou le coordonnateur de trains 1 que les conduites d’air ne pouvaient pas être raccordées et qu’aucun des freins à air des wagons ne fonctionnerait lorsque le train de manœuvre se dirigerait vers l’est sur la voie de raccordement Staines.

    Vers 2 h, le contremaître a activé le Beltpack et le train de manœuvre a commencé à être tiré vers l’est pour sortir de la voie F-11. L’aide est demeuré à bord de la locomotive de tête et a débrayé le dérailleur contrôlé à distance au chemin Tapscott, puis il a annoncé que le dérailleur était en position de non-déraillement. L’aide a fait sonner la cloche de la locomotive aux passages à niveau publics automatisés qui traversent la voie de raccordement Staines aux chemins Tapscott et NielsenNote de bas de page 11, comme il se doit dans tout secteur où le sifflet est interdit.

    Pendant que le train de manœuvre se déplaçait vers l’est, le contremaître, qui se trouvait alors à l’aiguillage F-11, a confirmé le nombre de wagons en fonction de sa liste de manœuvre. Au moment où la queue du train de manœuvre approchait, le contremaître a ralenti le train de manœuvre, a embarqué à bord du dernier wagon et a placé le sélecteur de vitesse à la position « Max »Note de bas de page 12 (15 mi/h).

    Vers 2 h 14, alors que le dernier wagon approchait l’aiguillage L4, le contremaître a placé le sélecteur de vitesse à la position « Coast », est descendu du wagon et a ensuite placé le sélecteur de vitesse à la position « Stop ». Lorsque le contremaître a réalisé que le train de manœuvre ne ralentissait pas, il a immédiatement placé le sélecteur de freinage à la position de serrage d’urgence, mais le train de manœuvre a continué d’avancer vers l’est. Le contremaître a communiqué avec l’aide par radio pour lui demander si la locomotive de tête ralentissait. L’aide a répondu que non.

    Le train de manœuvre a continué d’accélérer à l’approche du signal d’arrêt 1952B et ensuite de l’aiguillage de la voie principale situé au point milliaire 195,50 de la subdivision de Belleville. L’aide a communiqué avec le coordonnateur de trains 1 pour l’aviser que le train de manœuvre était à la dérive, qu’il se dirigeait vers la voie principale de la subdivision de Belleville et qu’il ne s’arrêtait pas. Le train de manœuvre a ensuite franchi l’aiguillage de la voie principale, qui était orienté à son encontre, et a continué d’avancer sur la voie principale.

    Dans la tour de contrôle ouest, un 2e coordonnateur de trains (coordonnateur de trains 2) plus chevronné a pris la situation en main. Après avoir appelé le contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) pour l’informer que le train de manœuvre s’apprêtait à pénétrer sur la voie principale sans autorisation, le coordonnateur de trains 2 a demandé que l’aiguillage de la voie principale soit orienté pour le mouvement non contrôlé si aucun autre train ne s’approchait.

    Le CCF a répondu qu’il apercevait une occupation de la voie non autorisée sur son écran, ce qui signifiait que le train de manœuvre était déjà entré sur la voie principale. Le CCF a informé le coordonnateur de trains 2 qu’aucun train n’était à proximité de la subdivision de Belleville.

    Le train de manœuvre a continué sa dérive sur la voie principale et a atteint une vitesse de 17 mi/h. Le train de manœuvre a franchi le passage à niveau public du chemin Reesor, au point milliaire 193,54 de la subdivision de Belleville. Le passage à niveau était muni de feux clignotants, d’une sonnerie et de barrières et fonctionnait comme prévu. L’aide, qui se trouvait toujours à bord de la locomotive de tête, a fait sonner la cloche et le sifflet lorsque le train de manœuvre a franchi le passage à niveau.

    Le coordonnateur de trains 2 a demandé à l’aide à bord de la locomotive de tête de commencer à serrer les freins à main pour immobiliser le train de manœuvre. L’aide a serré le frein à main des 2 locomotives. Il a également serré le frein à main du 1er wagon en atteignant le volant de frein à main à partir de la passerelle de la locomotive.

    Vers 2 h 30, le train de manœuvre s’est immobilisé près du point milliaire 192,50 de la subdivision de Belleville après être parti à la dérive sur environ 3 milles sur la voie principale (figure 3).

    Figure 3. Itinéraire du mouvement non contrôlé (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
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    Itinéraire du mouvement non contrôlé (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

    Durant le mouvement non contrôlé, l’équipe d’affectation n’a pas transmis un message radio d’urgence conformément à la règle 125 du REF, Appels d’urgenceNote de bas de page 13.

    Au moment de l’événement, il y avait de la pluie et du brouillard, les vents soufflaient du nord-est à 16 km/h et la température était de 2,8 °C.

    1.3 Renseignements sur la subdivision

    La subdivision de Belleville du CP s’étend de Smiths Falls, en Ontario (point milliaire 0,0), à Leaside, en Ontario (point milliaire 206,3). La gare de triage de Toronto est située au point milliaire 197,0. Il y a une voie principale simple à l’est de la gare de triage de Toronto où la voie de raccordement Staines est reliée à la subdivision de Belleville. Le système de commande centralisée de la circulation (CCC) régit les mouvements de train dans la subdivision de Belleville conformément au REFC, et un CCF en poste à Calgary, Alberta, les supervise.

    1.3.1 Profil de la voie entre la gare de triage de Toronto et la subdivision de Belleville

    La voie est relativement plate entre l’aiguillage L4 et le chemin Tapscott, quelque peu à l’ouest; en effet, la pente est légèrement descendante de 0,02 %. Entre l’aiguillage L4 et la crête de la colline, qui est située à environ 500 pieds à l’est du passage à niveau du chemin Tapscott, la pente est légèrement ascendante de 0,16 %. À partir de la crête de la colline, la voie décrit une pente descendante sur environ 1,24 mille jusqu’à l’aiguillage de la voie principale de la subdivision de Belleville (point milliaire 195,50). Dans ce secteur, la pente descendante varie de −0,88 % au sommet à −0,52 % près de l’aiguillage de la voie principale. La pente descendante moyenne est de −0,68 %. La pente est encore descendante à l’est de la voie principale (pente descendante moyenne de -0,4 %) jusqu’au point milliaire 193,0 approximativement, où la voie principale décrit une pente ascendante jusqu’au point milliaire 192,50, endroit où la locomotive s’est immobilisée (figure 4).

    Figure 4. Itinéraire du mouvement non contrôlé et profil d’élévation de la voie (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
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    Itinéraire du mouvement non contrôlé et profil d’élévation de la voie (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

    1.4 Travaux à la gare de triage de Toronto

    En février 2018, en raison d’un volume élevé de travail attribuable à la hausse du trafic et de la disponibilité de nouveaux chefs de train, le CP a augmenté le nombre d’affectations de triage STL de 3 à 6. Par conséquent, 2 équipes travaillent simultanément; une équipe se trouve à l’extrémité ouest du triage et l’autre à l’extrémité est.

    Auparavant, 3 équipes d’affectation de triage (1 équipe par tranche de 8 heures pour assurer une permanence 24 heures sur 24) travaillaient principalement à l’extrémité ouest du triage, car les voies d’accès à la gare de triage sont plus longues, dont l’ancien triage à butte. À l’extrémité est du triage, seules les plus petites rames de wagons faisaient généralement l’objet de manœuvres, lesquelles étaient principalement effectuées par des équipes d’affectation locales pour desservir des entreprises locales. Ces trains de manœuvre, qui étaient en général composés d’un petit nombre de wagons, empruntaient souvent la pente descendante de la subdivision de Havelock et les wagons étaient alimentés en air afin d’utiliser les freins à air et de faciliter le freinage durant l’exploitation.

    1.5 Conduites d’air et têtes d’accouplement

    Pour serrer et desserrer les freins des wagons, un compresseur d’air à bord de la locomotive doit fournir une alimentation en air. Pour qu’un train soit alimenté en air d’un bout à l’autre, des conduites d’air sont raccordées d’un wagon à l’autre par des têtes d’accouplement (figure 5).

    Figure 5. Têtes d’accouplement types servant à raccorder les conduites d’air (Source : BST)
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    Têtes d’accouplement types servant à raccorder les conduites d’air (Source : BST)

    Lorsque les conduites d’air sont montées sur un wagon, il faut faire particulièrement attention à ce que la tête d’accouplement soit placée de sorte qu’elle soit en parallèle avec la tête d’accouplement du wagon à raccorder. Autrement, il peut s’avérer difficile de raccorder les têtes d’accouplement.

    Après l’événement, un gestionnaire du CP a essayé de raccorder les conduites d’air entre la locomotive 4434 du CP et le wagon de tête de l’affectation afin de déterminer pourquoi elles ne pouvaient pas être raccordées. Après un échec, le gestionnaire a réussi à les raccorder. Il a constaté que la conduite d’air du wagon n’était pas alignée à la conduite d’air de la locomotive à raccorder. La conduite d’air du wagon a été ajustée ultérieurement.

    1.6 Train & Engine Safety Rule Book du Chemin de fer Canadien Pacifique

    Pour raccorder les conduites d’air, le CP prévoit les instructions ci-après dans son manuel Train & Engine Safety Rule Book [traduction] :

    Méthode de travail sécuritaire : Raccorder les conduites d’air

    • Étape 1 : Vérifiez que le matériel roulant est immobilisé. Si le matériel roulant est attelé à une locomotive, vérifiez que la protection en 3 points a été appliquée.
    • Étape 2 : Placez-vous entre les wagons.
    • Étape 3 : Assurez-vous que les deux têtes d’accouplement ont un joint.
    • Étape 4 : Pliez les genoux et penchez-vous au niveau des hanches tout en ayant le dos droit (c.-à-d. le bas du dos, le milieu du dos et le cou doivent être bien alignés), saisissez fermement la conduite d’air la plus près de vous par la tête d’accouplement et pliez-la vers le haut.
    • Étape 5 : Saisissez la conduite la plus éloignée et tirez-la vers la conduite pliée.
    • Étape 6 : Insérez les têtes d’accouplement dans les fentes profilées opposées et poussez-les vers le bas.
    • Étape 7 : Assurez-vous que les têtes d’accouplement sont bien logées.
    • Étape 8 : Tournez la tête dans la direction opposée et ouvrez progressivement le robinet d’arrêtNote de bas de page 14.

    1.6.1 Signaler des conditions dangereuses

    Le manuel Train & Engine Safety Rule Book du CP contient les règles de sécurité essentielles ci-après [traduction] :

    • Nous nous informons mutuellement des conditions dangereuses connues et des mesures de contrôle correspondantes.
    • Nous remédions aux conditions dangereuses ou nous nous en protégeons et nous les signalons à un superviseurNote de bas de page 15.

    1.7 Procédures d’urgence prévues dans le Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada

    Le REF prévoit des procédures d’urgence qui doivent être respectées afin d’offrir une protection contre les mouvements non autorisés.

    La règle 80 du REF prévoit notamment ce qui suit :

    […]

    (b) Si un mouvement occupe ou obstrue sans autorisation une voie principale ou une voie dans un territoire de voies d’évitement contrôlées, ou franchit sans autorisation un signal de canton ou d’enclenchement donnant l’indication Arrêt absolu, il faut l’arrêter et mettre en place la protection prévue par les règles 35 et 125. On doit alors prévenir le CCF ou le préposé aux signaux dans les plus brefs délaisNote de bas de page 16.

    En outre, la règle 35 du REF prévoit notamment ce qui suit :

    Cette règle n’autorise pas l’occupation de voie principale ni les travaux en voie.

    (a)   Tout employé découvrant une situation qui peut être dangereuse pour la circulation d’un mouvement doit, au moyen de drapeaux, feux, torches, ou par radio, par téléphone ou tout autre moyen, faire tout son possible pour arrêter les mouvements susceptibles d’être concernés et (ou) leur fournir les instructions nécessairesNote de bas de page 17. […]

    Pour le signalement d’une situation d’urgence par radio, la règle 125 du REF, Appels d’urgence, prévoit ce qui suit :

    1. L’employé répétera le mot « urgence » trois fois au début de sa transmission pour signaler :
      1. un accident qui a causé des blessures à des employés ou à d’autres personnes;
      2. toute situation éventuellement dangereuse pour les employés ou autres personnes;
      3. toute situation risquant de compromettre la sécurité du passage des mouvements; ou
      4. tout déraillement qui s’est produit sur une voie principale ou en a provoqué l’obstruction.
    2. Lorsqu’un appel d’urgence destiné à une personne ou à un mouvement en particulier n’a fait l’objet d’aucun accusé de réception, tout autre employé à l’écoute doit, si c’est possible, relayer le message par n’importe quel moyen disponible. Les autres employés ne doivent gêner d’aucune manière cette communication.
    3. Tous les appels d’urgence ont priorité absolue sur les autres transmissionsNote de bas de page 18.

    Dans l’événement à l’étude, les membres de l’équipe communiquaient par radio en utilisant le canal réservé à la gare de triage de Toronto. Quand les membres de l’équipe se sont rendu compte que l’affectation ne s’immobilisait pas et qu’elle s’apprêtait à entrer sur la voie principale, ils n’ont pas effectué un appel d’urgence sur le canal d’attente du train.

    Même si les chefs de train suivent une formation sur les procédures d’urgence, le CP n’avait offert aucune autre formation particulière sur les appels d’urgence aux opérateurs de locomotive par télécommande. Un aide-mémoire sur les messages d’urgence se trouvait toutefois dans la cabine de locomotive.

    Dès qu’ils ont été avisés de l’événement, les 2 coordonnateurs de trains dans la tour de contrôle ouest ont porté leur attention à la situation en cause. Le coordonnateur de trains 2 a communiqué avec le CCF, lequel a immobilisé tous les mouvements à l’est de la gare de triage de Toronto, dans la subdivision de Belleville. Puisqu’aucun mouvement n’était directement touché, il n’était pas nécessaire d’effectuer immédiatement des manœuvres d’évitement.

    1.8 Renseignements sur le personnel d’exploitation

    Au sein de l’industrie ferroviaire, les chefs de train occupent généralement des postes syndiqués qui sont régis par des conventions collectives conclues entre l’employeur et le syndicat des employés. Chaque semaine, le CP affichait les affectations locales aux fins de postulation par les employés d’exploitation. Les postes étaient alors attribués selon l’ancienneté, c’est-à-dire que les employés ayant le plus d’ancienneté qui postulaient avaient le 1er choix. Lorsqu’aucun employé ne postulait pour un poste en particulier, le poste était normalement attribué à l’employé ayant le moins d’ancienneté selon les modalités de la convention collective.

    Puisque l’industrie ferroviaire a connu un roulement de personnel élevé au cours des dernières années, il n’est pas rare que les 2 employés ayant le moins d’ancienneté et d’expérience à la gare soient appelés à travailler ensemble aux gares de triage, surtout durant les quarts en soirée et de nuit. Le jumelage d’employés inexpérimentés n’est pas rare au sein de l’industrie ferroviaire canadienne. Il n’existe aucune exigence réglementaire qui exige de tenir compte de l’expérience des employés d’exploitation qui pourraient être jumelés pour une affectation.

    Dans l’événement à l’étude, l’équipe d’affectation était composée de 2 employés qui avaient environ 7 mois d’expérience à titre de chef de train qualifié. Les membres de l’équipe avaient respecté les normes en matière de repos. De plus, une évaluation de leurs antécédents de travail n’a relevé aucun signe de fatigue potentiel.

    Après l’événement, le CP a fait subir des testsNote de bas de page 19 aux membres de l’équipe pour déterminer s’ils étaient sous l’influence de l’alcool et de drogues, ce qui aurait nui à leurs capacités au moment de l’événement. Les résultats des tests étaient négatifs pour les 2 employés.

    1.8.1 Contremaître

    Le contremaître a commencé sa formation en avril 2017 et a obtenu sa qualification de chef de train en septembre 2017, après avoir achevé sa formation théorique et effectué environ 70 voyages de formation en cours d’emploi (FCE).

    En août 2017, dans le cadre de sa formation de chef de train, le contremaître a commencé le volet théorique sur le STL et a effectué diverses affectations de FCE où il était appelé à utiliser le STL, surtout à l’extrémité ouest du triage. En novembre 2017, le contremaître a obtenu sa qualification d’opérateur de locomotive par télécommande.

    La compétence du contremaître a été vérifiée à 21 reprises et 42 observations ont été effectuées; 2 de ces observations étaient un échec. L’un de ces échecs était causé par un nombre insuffisant de freins à main serrés pour immobiliser une rame de wagons et l’autre concernait la communication au sein de l’équipe. Par le passé, le contremaître n’avait fait l’objet d’aucune mesure disciplinaire prise par la compagnie de chemin de fer.

    Le contremaître connaissait le secteur du chemin Tapscott. Avant l’événement, le contremaître avait exploité une rame de 30 à 40 wagons dans ce secteur sans alimenter en air les wagons. Le contremaître était affecté à ce quart de nuit depuis 3 semaines.

    1.8.2 Aide

    L’aide a commencé sa formation en avril 2017 et a obtenu sa qualification de chef de train en septembre 2017, après avoir achevé sa formation théorique et effectué environ 70 voyages de FCE.

    En août 2017, dans le cadre de sa formation de chef de train, l’aide de triage a assisté au volet théorique sur le STL. En décembre 2017, l’aide a obtenu sa qualification d’opérateur de locomotive par télécommande.

    La compétence de l’aide a été vérifiée à 16 reprises et 29 observations ont été effectuées. Une de ces observations était un échec, car il ne s’était pas assuré que tous les wagons étaient inclus dans la feuille de train. Par le passé, l’aide n’avait fait l’objet d’aucune mesure disciplinaire prise par la compagnie de chemin de fer.

    L’aide avait effectué des quarts de jour à l’extrémité est du triage pendant 6 semaines avant que son nom soit inscrit au tableau de réserve.

    1.8.3 Coordonnateur de trains 1

    Le coordonnateur de trains 1 a commencé à travailler au CP en 2010 et a assumé divers rôles liés à l’entretien de la voie. En novembre 2017, l’employé a accepté le poste de coordonnateur de trains 1. Même si le coordonnateur de trains 1 était qualifié par rapport à la réglementation, il n’avait pas travaillé directement dans le secteur des opérations avant d’accepter le poste. Il a ensuite obtenu les qualifications de chef de train et de mécanicien de locomotive.

    Le coordonnateur de trains 1 était responsable de surveiller les opérations, en plus de veiller à ce que les équipes de train se conforment au REF ainsi qu’aux règles et aux instructions du CP. Le coordonnateur de trains 1 a travaillé avec des mécaniciens de locomotive et des chefs de train pour veiller à l’efficacité et à la ponctualité des mouvements. Selon ses fonctions actuelles, le coordonnateur de trains 1 devait effectuer au moins 20 tests de compétence et 16 réunions de routine sur la sécuritéNote de bas de page 20 par mois.

    La nuit de l’événement, 3 coordonnateurs de trains, dont le coordonnateur de trains 1, étaient en service dans la tour de contrôle ouest. Peu de temps avant l’événement, le coordonnateur de trains 2, qui avait le plus d’ancienneté à la gare, effectuait la planification des trains à l’ordinateur alors que le coordonnateur de trains 3 était parti transporter une équipe. Au moment où l’événement est survenu, le coordonnateur de trains 1 était aux commandes de tous les trains de manœuvre à partir de la tour de contrôle ouest.

    1.9 Obligation d’effectuer des séances d’information

    La séance d’information permet de veiller à ce que les membres de l’équipe comprennent tous les travaux à effectuer. Selon l’une des règles de sécurité essentielles énoncées dans le manuel Train & Engine Safety Rule Book du CP [traduction] :

    Des séances d’information sont tenues avant d’effectuer les travaux et lorsqu’une activité ou une condition a été modifiée depuis la séance d’information initialeNote de bas de page 21.

    Le manuel Train & Engine Safety Rule Book du CP contient de plus amples renseignements sur les séances d’information, dont le passage ci-après [traduction] :

    1. Avant que tout travail soit accompli, le contremaître/le chef de train doit offrir une séance d’information afin de s’assurer que tous les employés concernés comprennent bien :
      • la tâche à accomplir;
      • les responsabilités individuelles;
      • les préoccupations liées à la connaissance de la situation.

    Des instructions additionnelles sur le travail à effectuer doivent être données de vive voix, au besoin, pendant l’avancement des travaux ou au fur et à mesure que la situation évolueNote de bas de page 22.

    Les équipes se donnent des instructions de vive voix.

    Dans l’événement à l’étude, après que le contremaître n’eut pas réussi à raccorder la conduite d’air au wagon qui suivait immédiatement les locomotives, l’équipe n’a pas tenu une séance d’information pour discuter de la marche à suivre étant donné qu’aucun frein à air ne fonctionnait.

    1.10 Système de télécommande de locomotive

    Le STL comprend les 3 éléments suivants :

    1. une ou des locomotives télécommandées;
    2. un ordinateur de commande de bord, qui est installé dans la locomotive télécommandée servant d’interface avec les commandes;
    3. une unité de commande de l’opérateur (UC), aussi connu sous le nom de Beltpack (figure 6).

    Le Beltpack est un appareil de télécommande qui s’attache au gilet de sécurité de l’opérateur et qui contrôle la locomotive télécommandée. Puisque les équipes de triage qui utilisent un STL sont composées de 2 membres, ceux-ci peuvent assurer, à tour de rôle, la commande des locomotives selon les besoins (échange du signal de commande). Un seul membre de l’équipe peut toutefois assurer la commande à la fois. Durant la formation sur le STL, on enseigne aux employés qu’il est préférable que l’employé qui protège la tête du mouvement soit aux commandes du Beltpack. Le Beltpack est muni d’un sélecteur de vitesse qui a des vitesses prédéterminées de 4 mi/h, 7 mi/h, 10 mi/h et la vitesse maximale (15 mi/h). L’UC est aussi munie d’une commande de marche avant ou arrière et d’une commande de freins qui comporte une fonction de freinage d’urgence. Le Beltpack n’indique pas la vitesse réelle de la locomotive.

    Figure 6. Unité de commande de l’opérateur (UC) (Source : Chemin de fer Canadian Pacifique; étiquettes traduites par le BST)
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    Unité de commande de l’opérateur (UC) (Source : Chemin de fer Canadian Pacifique; étiquettes traduites par le BST)

    Une fois qu’une vitesse est sélectionnée, le Beltpack applique soit le manipulateur ou les freins des locomotives pour maintenir la vitesse prédéterminée à ± 0,5 mi/h. L’adaptation du système aux caractéristiques du train et du terrain se fait de manière réactive (c.-à-d. sans tenir compte de la longueur du train, du tonnage ou du jeu d’attelage).

    1.11 Instructions du CP concernant le système de télécommande de locomotive

    Au milieu des années 1990, le STL a été introduit pour la 1re fois à la gare de triage de Toronto. Le CP avait alors fourni des instructions générales concernant le STL, mais il avait inclus, dans les indicateurs pertinents de triages particuliers, des instructions locales supplémentaires afin de régir les opérations de locomotive par télécommande. En 2008, l’indicateur de la subdivision de Belleville, qui inclut la gare de triage de Toronto, renfermait de nombreuses instructions précises concernant les opérations de locomotive par télécommande à la gare de triage de Toronto. À titre d’exemple, des instructions spéciales concernant l’utilisation du STL avaient été incluses dans l’indicateur pour les affectations effectuées à l’extrémité est du triage et la manipulation de wagons à l’est du chemin Tapscott [traduction] :

    Lorsque des rames de wagons sont tirées à l’est du passage à niveau du chemin Tapscott, vous devez toujours être attentif à la pente et maîtriser votre train en tout temps. Par exemple, si votre train est composé de 60 wagons chargés de marchandises diverses ou d’un tonnage supérieur à 4 000 tonnes, les freins à air de 5 à 10 wagons doivent être utilisés.

    Le tonnage maximum autorisé pour toute rame de wagons à l’est du chemin Tapscott est de 4500 tonnesNote de bas de page 23.

    En 2010, le CP a éliminé les instructions d’utilisation du STL des indicateurs de toutes les gares de triage afin de simplifier les renseignements contenus dans ceux-ci; il a plutôt choisi de remplacer ces instructions par un aide-mémoire général pour l’ensemble du réseau du CP. L’aide-mémoire a ensuite été ajouté à la formation sur le STL.

    En août 2012, le CP a cessé d’utiliser le STL à la gare de triage de Toronto, car la technologie n’offrait pas à l’époque les avantages escomptés sur le plan opérationnel. Au milieu de 2016, la technologie s’était améliorée et le CP a alors décidé d’utiliser à nouveau le STL dans la gare de triage de Toronto. Par contre, les instructions régissant l’utilisation du STL à cet endroit précis n’ont pas été rajoutées dans l’indicateur de la subdivision de Belleville. Le CP a plutôt choisi d’appliquer les CATTRON RCLS Special Instructions à l’ensemble de son réseau. Ces nouvelles instructions spéciales contenaient principalement les instructions de l’aide-mémoire sur le STL que le CP avait diffusé en 2010, sans toutefois inclure des renseignements sur des endroits précis.

    La version des CATTRON RCLS Special Instructions publiée en septembre 2017 précise ce qui suit [traduction] :

    S’il y a un doute que les freins de la locomotive puissent contrôler ou immobiliser le mouvement, un nombre suffisant de freins à air doivent être alimentés et mis à l’essai pour garantir une capacité de freinage suffisanteNote de bas de page 24.

    En ce qui concerne l’exploitation de longues rames de wagons, les CATTRON RCLS Special Instructions précisent ce qui suit [traduction] :

    Les employés du service de triage (EST) et les aides du service de triage (AST) doivent accorder une attention particulière au nombre approximatif de wagons chargés et vides qui sont manipulés afin de s’assurer qu’ils respectent de bonnes pratiques en matière de conduite des trainsNote de bas de page 25.

    En 2014, à la gare de triage de Toronto, le CP avait posé une affiche sur la guérite de signalisation au dérailleur contrôlé à distance situé à l’ouest du chemin Tapscott (figure 7). L’affiche visait à informer les équipes qui exploitent des mouvements d’au moins 3000 tonnes ou d’une longueur minimale de 3000 pieds qu’elles doivent alimenter en air un minimum de 5 wagons afin d’utiliser des freins à air pour aider à contrôler les mouvements à proximité de la pente descendante. Par contre, une affiche ne constitue pas une règle ou une instruction d’exploitation, comme le prévoit la règle générale B du REF, et elle n’explique pas pourquoi les freins à air des wagons supplémentaires sont nécessaires.

    Figure 7. Affiche posée sur la guérite de signalisation à proximité du passage à niveau du chemin Tapscott (Source : BST)
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    Affiche posée sur la guérite de signalisation à proximité du passage à niveau du chemin Tapscott (Source : BST)

    La règle générale B du REF prévoit ce qui suit :

    Des instructions spéciales figureront dans les indicateurs, les instructions générales d’exploitation, les bulletins d’exploitation ou les BM. Elles peuvent être annexées ou incorporées à des exemplaires du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada, mais ne restreignent pas l’intention de la règle, sauf lorsqu’une exemption officielle a été accordéeNote de bas de page 26.

    Dans le REF, il est admis que toutes les situations ne sont pas prévues par le règlement et que les équipes de train doivent faire preuve de jugement pour veiller à la sécurité ferroviaire. Plus précisément, la règle 106 du REF prévoit ce qui suit :

    Tous les membres de l’équipe sont responsables de la circulation sécuritaire des mouvements, du matériel roulant qui leur est confié, et de l’application du règlement. Dans les circonstances non prévues par le règlement, ils doivent prendre toutes les mesures voulues pour assurer la protectionNote de bas de page 27.

    1.12 Rapport de la Federal Railroad Administration sur la sécurité des opérations de locomotive par télécommande

    En 2002, la Federal Railroad Administration (FRA) a mis sur pied un programme de recherche à études multiples afin de mieux comprendre les répercussions des opérations de locomotive par télécommande sur la sécurité. En mars 2006, la FRA a publié son rapport intitulé Final Report : Safety of Remote Control Locomotive (RCL) OperationsNote de bas de page 28. Même si l’étude était principalement axée sur les pratiques des compagnies de chemin de fer américaines, l’un des groupes de discussion incluait des compagnies de chemin de fer canadiennesNote de bas de page 29. L’analyse et les résultats décrits dans le rapport concernaient l’industrie ferroviaire en Amérique du Nord. Dans son rapport, la FRA a abordé des questions liées aux facteurs humains, dont la formation, la préparation et l’expérience des opérateurs de locomotive par télécommande. Elle cite dans son rapport [traduction] :

    L’embauche à la hausse d’employés n’ayant aucune expérience dans le secteur ferroviaire (en particulier une expérience des manœuvres) combinée aux lacunes déclarées et observées (dans le cadre de la recherche de Foster-Miller) en ce qui a trait à la formation et la préparation des opérateurs de locomotive par télécommande pourraient s’avérer problématiques et donner lieu à des erreurs commises par ces opérateurs, ainsi qu’à des accidents/incidents attribuables à un manque de connaissance ou de compréhension du fonctionnement des opérations de locomotive par télécommande, y compris des manœuvresNote de bas de page 30.

    Les lacunes décelées dans la formation incluent notamment :

    • une formation insuffisante sur un mouvement particulier ou un secteur précis de la gare de triage;
    • une formation en cours d’emploi inadéquate;
    • une formation pratique insuffisante.

    Dans son rapport, la FRA se disait aussi préoccupée par l’embauche de plusieurs nouveaux travailleurs dans les compagnies de chemin de fer. À son avis, la vaste expérience que les employés avaient avant d’apprendre à utiliser le STL contribuait fortement à maintenir un milieu de travail sécuritaire. Par conséquent, la FRA craignait que les travailleurs actuels ne bénéficient pas d’une « période de rodage traditionnelle » au moment d’apprendre comment accomplir leurs tâches, surtout celles liées aux opérations de locomotive par télécommande.

    Parmi les questions de sécurité importantes, la FRA citait dans son rapport le « jumelage de membres d’équipe inexpérimentés ». Compte tenu de la pénurie d’aiguilleurs et de mécaniciens de locomotive dans l’industrie, on s’attendait à ce que ce problème prenne de l’ampleur à l’avenir.

    Auparavant, la majorité des employés qui suivaient une formation initiale sur l’utilisation de la technologie de STL avaient déjà une vaste expérience dans le secteur ferroviaire. Les employés chevronnés avaient une bonne compréhension de la sécurité ferroviaire, des règles d’exploitation et des subtilités du travail dans des gares de triage occupéesNote de bas de page 31.

    1.13 Formation et qualification du personnel d’exploitation ferroviaire

    Au CP, la formation offerte aux nouveaux chefs de train s’échelonne sur 8 semaines et est composée comme suit :

    • les 2 premières semaines sont offertes en salle de classe, où l’on enseigne l’orientation générale et les consignes de sécurité de base;
    • les apprentis poursuivent leur formation sur le terrain pendant 2 autres semaines, durant lesquelles ils observent et effectuent quelques tâches spécifiques;
    • les apprentis retournent enfin en salle de classe pendant 4 semaines, durant lesquelles ils apprennent les règles et les instructions exhaustives relatives à divers sujets, notamment les procédures de travail sécuritaires, le REF, les instructions d’exploitation générales de la compagnie et les instructions spéciales.

    Après la formation en salle de classe, les apprentis chefs de train entament le volet pratique du programme de formation. Durant la FCE, des chefs de train qualifiés assurent l’encadrement et le mentorat des apprentis en ce qui a trait aux règles et aux instructions qui régissent le travail et aux caractéristiques de la gare de triage ou du territoire. Les apprentis mettent ensuite en pratique ce qu’ils ont appris en salle de classe. Ils effectuent environ 70 voyages de FCE en 6 mois ou jusqu’à ce qu’un gestionnaire de la compagnie, qui les observe sur le terrain, juge qu’ils sont qualifiés.

    Lorsque le CP a introduit pour la 1re fois le STL, des experts-conseils tiers s’occupaient d’offrir la formation théorique et la formation pratique. En juin 2015, le CP a commencé à offrir une formation en ligne sur le STL et celle-ci a remplacé la formation initiale en salle de classe.

    Les apprentis doivent effectuer les modules en ligne dans la salle de classe, en présence d’un instructeur local du CP, pendant 3 ou 4 jours. L’instructeur offre un soutien aux apprentis. Certains modules abordent les tâches ci-après :

    • faire démarrer et arrêter une locomotive télécommandée en toute sécurité;
    • reconnaître les composants du STL sur la locomotive et l’UC (Beltpack);
    • préparer la locomotive et le Beltpacl en vue de leur utilisation;
    • effectuer des inspections de locomotive et des essais préliminaires;
    • cerner et diagnostiquer tout problème pouvant survenir durant un quart de travail et réinitialiser le système;
    • contrôler la vitesse et le freinage d’un train.

    Le volet pratique de la FCE sur le STL est offert une fois que les apprentis ont achevé le programme de formation des chefs de train en ligne. Les nouveaux chefs de train effectuent des affectations de formation au STL en compagnie d’opérateurs de locomotive par télécommande qualifiés. Après les premiers voyages, un coordonnateur du stage pratique accompagne les apprentis afin d’évaluer leurs progrès. Les employés effectuent autant de voyages de FCE que nécessaire pour confirmer qu’ils sont prêts. Un superviseur du CP accorde son approbation finale après que le coordonnateur du stage pratique ait recommandé la qualification de l’employé. Le volet de la FCE dure normalement 1 à 2 semaines, mais il peut être prolongé d’une à 2 semaines si l’apprenti estime qu’il a besoin de plus de temps.

    1.13.1 Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires

    Au Canada, le Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviairesNote de bas de page 32, entré en vigueur en 1987, établit les qualifications minimales pour les mécaniciens de locomotive, mécaniciens de manœuvre, chefs de train et contremaîtres de triage. Le Règlement vise tous les employés des chemins de fer de compétence fédérale qui effectuent les tâches visées par la catégorie d’emploi indiquée (annexe A).

    De profonds changements opérationnels ont eu lieu dans le secteur ferroviaire depuis l’entrée en vigueur du Règlement, entre autres la réduction de la taille des équipes d’affectation et l’adoption généralisée des opérations STL à l’échelle du pays. Le Règlement n’a pas été modifié depuis plus de 30 ans, malgré ces profonds changements aux opérations ferroviaires.

    À l’époque de l’entrée en vigueur du Règlement, les employés d’exploitation suivaient généralement une trajectoire d’avancement graduel, de serre-frein/aide de triage à chef de train/contremaître de triage, puis à mécanicien de locomotive. À mesure qu’ont évolué le secteur et la technologie, le rôle de serre-frein a disparu; aujourd’hui, les nouveaux employés d’exploitation sont habituellement embauchés comme apprentis chefs de train. Ainsi, aussitôt leur formation de chef de train achevée, on considère ces nouveaux employés comme étant qualifiés comme aide de triage, chef de train et contremaître de triage. La prestation de la formation a changé au fil des ans, à un point tel que les nouveaux candidats au poste de chef de train peuvent maintenant obtenir leur qualification en moins de 6 mois.

    Le Règlement ne couvre pas les programmes de formation pour les catégories d’emplois d’exploitation comme les opérateurs de locomotive par télécommande et les CCF, mais la plupart des compagnies de chemin de fer ont des plans et des manuels de formation en place pour ces postes.

    Le comité d’examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire s’est penché sur la question de la formation et de la qualification dans son rapport intitulé Renforcer les liens : Un engagement partagé pour la sécurité ferroviaire – Examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire, publié en 2007. Ce comité a examiné le Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires en ce qui a trait aux normes de qualification des employés d’exploitation, à la qualification progressive, à la formation et à la surveillance réglementaire. Le rapport du comité d’examen a relevé le fait que le cadre réglementaire entourant la qualification des employés de chemin de fer n’avait pas suivi la cadence des profonds changements survenus dans l’environnement opérationnel des chemins de fer.

    Le comité d’examen s’est de nouveau penché sur la question de la formation et de la qualification dans le cadre de l’examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire en 2018. Son rapport, intitulé Améliorer la sécurité ferroviaire au Canada : bâtir ensemble des collectivités plus sécuritaires, comprend les observations et conclusions suivantes :

    Le Comité d’examen de 2007 a étudié la formation à l’intention des équipes d’exploitation et n’a pas fait de recommandation sur la question. En effet, il reconnaissait que les programmes de l’industrie étaient régulièrement mis à jour et surveillés par Transports Canada, ce qui est toujours le cas aujourd’hui, et ce, même si la réglementation applicable n’avait pas été mise à jour depuis 198768. […]

    […]

    Bien que Transports Canada certifie les membres d’équipage du transport aérien et maritime, aucune disposition n’est prévue ni pour la certification des employés des compagnies de chemin de fer ni pour l’approbation des programmes de formation ferroviaire. Par conséquent, chaque compagnie dispose d’une certaine marge de manœuvre pour préparer et offrir la formation et la certification répondant aux besoins particuliers de ses employés.

    Le Comité a entendu les témoignages d’inspecteurs de Transports Canada, dans lesquels ils mentionnaient avoir parfois décelé des lacunes dans l’uniformité de la formation (p. ex., connaissances) du personnel ferroviaire. Même si le CN et le CP ont pris des mesures pour combler ces lacunes grâce à des centres de formation à Winnipeg et Calgary, des efforts restent à faire pour renforcer les exigences de formation du personnel ferroviaire. […]

    […] Le Comité est satisfait et encouragé par les efforts actuels de Transports Canada visant à mettre à jour (et à élargir) son approche du cadre de formation et de qualification des employés des compagnies de chemin de fer en vue de réviser et de remplacer la réglementation actuelle. C’est un projet important, étant donné les nombreux changements que vit l’industrie ferroviaire dans les domaines des nouvelles technologies, le roulement élevé du personnel et les nouvelles embauches connexesNote de bas de page 33.
    _________
    68 Examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire de 2007, Renforcer les liens : Un engagement partagé pour la sécurité ferroviaire. Novembre 2007, p. 163-164.

    1.13.2 Expérience opérationnelle des membres de l’équipe

    Les connaissances, les compétences, le jugement et l’expérience sont des facteurs cruciaux qui ont des répercussions directes sur la capacité d’une équipe à travailler en toute sécurité. Par exemple, les équipes d’exploitation qui travaillent dans des gares de triage doivent comprendre comment des manœuvres d’aiguillage peuvent être directement influencées par la longueur, le tonnage et la vitesse des trains, tout en étant capables de maîtriser un train à l’aide des freins à air automatiques, des freins directs des locomotives ou d’une combinaison des 2. Pour ce faire, une expérience pratique avec le matériel roulant et une bonne connaissance de la topographie de la gare de triage (ou du territoire) sont essentielles.

    Les membres de l’équipe croyaient qu’une alimentation en air était nécessaire afin que les locomotives s’arrêtent plus rapidement lors des manœuvres par lancement dans la gare de triage. Dans l’événement à l’étude, les 2 membres de l’équipe savaient qu’ils devaient alimenter en air le mouvement lorsqu’ils dépassaient le chemin Tapscott. Par contre, ils n’avaient pas compris que l’alimentation en air était nécessaire afin de faciliter le freinage dans la pente descendante de la voie de raccordement Staines, une fois que l’affectation avait franchi le chemin Tapscott.

    Dans l’événement à l’étude, le contremaître avait déjà travaillé avec d’autres contremaîtres plus chevronnés qui avaient déjà conduit des trains de manœuvre au-delà du chemin Tapscott sans alimenter en air les wagons, même lorsque le train de manœuvre excédait les exigences relatives au poids ou à la longueur précisées sur l’affiche. Il n’y avait alors eu aucune conséquence négative. Par contre, ces mouvements antérieurs n’étaient pas aussi longs ou lourds que la rame de wagons dans l’événement à l’étude. En outre, l’équipe d’affectation était composée de chefs de train, et ces derniers avaient reçu peu de formation sur la conduite d’un trainNote de bas de page 34. Par ailleurs, cette formation n’était pas requise.

    1.13.2.1 Adaptations des règles ou des procédures

    On entend par adaptation la décision délibérée d’agir à l’encontre d’une règle ou d’une procédure. On fait chaque jour des adaptations de routine quand on modifie des procédures de travail ou on ne les observe pas à la lettre, souvent pour tenter d’améliorer la productivité ou l’efficacité. Lors de l’analyse des erreurs, on peut catégoriser une adaptation comme un acte dangereux lorsque celle-ci a lieu avant un accident. Le BST définit un acte dangereux comme étant une erreur ou un écart intentionnel des procédures d’exploitation prescrites qui, en présence d’une condition dangereuse potentielle, mène à un événement ou augmente les risques qu’un événement se produise. Le BST définit une condition dangereuse comme étant une situation ou une condition qui pourrait amorcer, exacerber ou autrement laisser le champ libre à un événement indésirable, notamment un acte dangereux.

    Les gens respectent rarement à la lettre les règles et les instructions, pour des raisons et selon des manières qui leur semblent justifiées, dictées par les circonstances, les connaissances et les objectifsNote de bas de page 35.

    Les compagnies prescrivent des politiques et des procédures dans le but de fixer des limites sécuritaires pour les opérations; cependant, certaines personnes peuvent jouer avec ces limites afin d’être plus productives ou d’en tirer d’autres avantages. Il peut en résulter des versions adaptées des procédures et un écart par rapport aux limites fixées par les procédures qui mènent à des pratiques dangereusesNote de bas de page 36. Si rien n’est fait pour y remédier, les membres d’équipe se communiquent entre eux les versions adaptées qui fonctionnent bien et celles‑ci se répandent dans toute l’organisation.

    Il est peu probable que les personnes qui utilisent de telles adaptations y voient un écart par rapport aux procédures. Les adaptations se transforment lentement en comportement normal, et il devient peu probable qu’on reconnaisse le risque connexeNote de bas de page 37.

    1.14 Rapport d’enquête ferroviaire R16T0111 et recommandation R18-02 du BST

    Le BST a enquêté sur un autre événement où un mouvement non contrôlé est entré sur la voie principale. Le 17 juin 2016, vers 23 h 35 (heure avancée de l’Est), la manœuvre de triage de l’embranchement industriel ouest de 21 h de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le CN) effectuait des manœuvres d’aiguillage à l’extrémité sud du triage MacMillan du CN, qui se trouve dans le quartier industriel Concord, à Vaughan (Ontario), à l’aide d’un système de télécommande de locomotives. La manœuvre effectuait un mouvement de tire vers le sud hors du triage avec 72 wagons chargés et 2 wagons vides sur la voie principale no 3 de la subdivision de York afin de dégager l’aiguillage à l’extrémité sud de la voie de départ de la subdivision de Halton et d’accéder à l’aiguillage de la voie d’accès de l’embranchement industriel ouest (W100). L’aide de la manœuvre a tenté d’immobiliser le train pour se préparer à reculer sur la voie W100 et continuer d’effectuer des manœuvres d’aiguillage pour des clients. Toutefois, le train a continué d’avancer. Il est parti à la dérive sur environ 3 milles et a atteint une vitesse de 30 mi/h avant de s’immobiliser de lui-même au point milliaire 21,1 de la subdivision de York. Il n’y a eu ni blessure ni rejet de marchandises dangereuses ni déraillement.

    L’enquête avait permis de cerner des lacunes dans le Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires en vigueur. Le Bureau avait fait remarquer que dans son plan ministériel pour 2017-2018, Transports Canada (TC) prévoyait mettre à jour le Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires, mais ce dossier n’avait guère progressé jusque-là. La réglementation n’avait donc pas évolué au même rythme que l’environnement d’exploitation ferroviaire. Même si le Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire exigeait que les chemins de fer mettent sur pied des processus de gestion des connaissances portant sur certains éléments de la formation, il subsistait des lacunes en ce qui concerne la formation.

    Le Bureau estimait que, tant que les lacunes du Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires en vigueur ne seraient pas comblées, il y aurait un risque que les employés de chemin de fer occupant des postes essentiels à la sécurité n’aient pas suffisamment de formation ou d’expérience pour accomplir leurs tâches en toute sécurité. De plus, TC ne pourrait pas assurer une surveillance réglementaire adéquate des programmes de formation et ne pourrait pas en évaluer la conformité. C’est pourquoi le Bureau avait recommandé que :

    le ministère des Transports mette à jour le Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires pour éliminer les lacunes concernant les normes de formation, de qualification, de renouvellement de la qualification et de surveillance réglementaire des employés de chemin de fer occupant des postes essentiels à la sécurité.
    Recommandation R18-02 du BSTNote de bas de page 38

    1.14.1 Réponse de Transports Canada à la recommandation R18-02 du Bureau mise à jour (décembre 2019)

    En décembre 2019, Transports Canada a mis à jour sa réponse à la recommandation. Dans sa réponse, il précisait notamment ce qui suit :

    Le Ministère continue d’améliorer son régime de réglementation sur la formation et les compétences des employés de chemin de fer. En 2019, Transports Canada a publié des Lignes directrices sur l’exploitation des locomotives avec loco-commande. Ces lignes directrices, qui sont accessibles sur le site Web du Ministère (https://www.tc.gc.ca/fra/securiteferroviaire/lignesdirectrices-78.html), formulent des recommandations relatives à la formation et aux compétences des employés qui participent à l’exploitation de locomotives avec loco-commande.

    De façon plus générale, le Ministère a pour objectif de veiller à ce que les compagnies de chemin de fer canadiennes de compétence fédérale disposent de programmes assurant une formation adéquate des employés sur la sécurité ferroviaire. À cette fin, le Ministère a consulté des intervenants et effectué des visites sur place pour observer les pratiques exemplaires liées aux programmes de formation. En outre, Transports Canada a examiné les données sur les événements ferroviaires compilées par le Bureau de la sécurité des transports (BST) afin de mieux comprendre comment le manque de formation a contribué aux incidents et aux accidents. Par ailleurs, il a examiné la réglementation relative la formation des employés en vigueur aux États-Unis, en Australie et dans l’Union européenne.

    En 2020, Transports Canada entamera des consultations auprès des intervenants sur les options stratégiques liées à la modification du Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires et il présentera un règlement provisoire en 2020-2021.

    Entre-temps, Transports Canada continuera de surveiller les obligations en matière de formation des compagnies de chemin de fer au titre du Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire.

    1.14.2 Réévaluation par le Bureau de la réponse de Transports Canada à la recommandation R18-02 mise à jour (mars 2020)

    En mars 2020, le Bureau a réévalué la réponse mise à jour de TC à la recommandation R18‑02 du BST et il a précisé ce qui suit :

    En 2020, TC consultera des intervenants sur les options stratégiques liées à la modification du Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires. La rédaction des modifications provisoires au Règlement devrait se poursuivre en 2021. Entre-temps, TC continuera de surveiller les obligations en matière de formation des compagnies de chemin de fer au titre du Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire.

    Le Bureau estime que les réponses à la recommandation R18-02 dénote une intention satisfaisanteNote de bas de page 39.

    1.15 Lignes directrices sur l’exploitation des locomotives avec loco-commande

    En avril 2019, TC a publié des Lignes directrices sur l’exploitation des locomotives avec loco-commande, qui « font la promotion des pratiques exemplaires de l’industrie et fournissent aux compagnies de chemin de fer sous réglementation fédérale, ainsi qu’à celles qui fournissent des services aux compagnies de chemin de fer, des directives concernant l’utilisation sécuritaire des locomotives avec loco-commande (LLC) [locomotives télécommandées]Note de bas de page 40 ».

    Ces lignes directrices abordent la formation, les qualifications, la conformité et les paramètres d’exploitation. Pour ce qui est de la formation initiale des employés, ces lignes directrices recommandent que les employés suivent une formation sur le fonctionnement du STL et des freins à air et sur la conduite d’un train, et qu’ils acquièrent une compréhension des forces qui agissent sur un mouvement ainsi que des techniques de conduite du train dans diverses conditions météorologiques et sur diverses pentes.

    Au chapitre de l’expérience des équipes de train, l’article 1.1 des lignes directrices indique que l’on devrait envisager de :

    mettre en œuvre les programmes de formation et de qualification sur les systèmes de loco-commande [STL] séparément de la formation pour d’autres catégories professionnelles (p. ex., formation des chefs de train);

    • établir des normes de qualification distinctes concernant les OLT [opérateurs de locomotive par télécommande] pour les opérations à l’intérieur et à l’extérieur des gares de triage (l’extérieur des gares de triage inclut la voie principale, les embranchements et la voie de subdivision);
    • s’assurer que les OLT qualifiés pour utiliser une LLC [locomotive télécommandée] à l’extérieur d’une gare de triage sont formés de façon à avoir des compétences équivalentes à celles d’un mécanicien de locomotive;
    • établir des critères tels que l’expérience minimale de chaque membre d’une équipe et le niveau de supervision requis, au cas où des OLT moins expérimentés travaillent ensemble :
      • les critères devraient tenir compte du poste (chef de train ou chef de train adjoint) et du lieu des opérations (à l’intérieur ou à l’extérieur d’une gare de triage)Note de bas de page 41.

    L’article 2.2, « Établissement des paramètres d’exploitation », recommande que les compagnies de chemin de fer :

    • élaborent des instructions, en collaboration avec les employés et en fonction d’une évaluation des risques dans tous les emplacements où les LLC [locomotives télécommandées] sont exploitées (y compris les gares de triage, les embranchements, la voie de subdivision et la voie principale) :
      • Exemples de paramètres à prendre en compte dans l’analyse :
        • les inclinaisons à l’endroit en question, dans chaque sens de circulation;
        • le nombre d’essieux et la puissance des locomotives;
        • la longueur et le tonnage des trains;
        • les types de wagons et d’équipement ferroviaire;
        • les méthodes de conformité à la règle 115 du REFC [Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada].
    • normalisent la vitesse des LLC à un maximum de 15 mi/h afin de refléter les pratiques d’exploitation en vigueur;
    • mettent en place des procédures qui aident les employés à travailler en toute sécurité au cas où l’un des deux PCP [pupitres de conduite portables, ou télécommandes de locomotive] tomberait en panne pendant un quart de travail (p. ex., l’OLT qui a le PCP a une vue directe sur l’autre membre de l’équipe);
      • Remarque : Dans un tel cas, la compagnie de chemin de fer doit déployer tous les efforts raisonnables pour remplacer immédiatement le PCP non fonctionnel.
    • établissent des normes réglementaires minimales pour l’utilisation de l’air dans tous les wagons, à l’extérieur des gares de triage, avec les opérations de loco-commande [STL], peu importe la méthode de contrôle utilisée;
    • s’assurent que les LLC à l’extérieur des gares de triage présentent des caractéristiques permettant à l’OLT de serrer le frein à air lorsqu’il est sous l’effort de traction afin de mieux contrôler le mouvement de la locomotiveNote de bas de page 42.

    1.16 Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire

    Le 1er avril 2015, le Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire (Règlement sur le SGS) est entré en vigueur et a remplacé le Règlement sur le SGS de 2001. En vertu de ce règlement, les compagnies de chemin de fer de compétence fédérale doivent développer et mettre en œuvre un système de gestion de la sécurité (SGS), établir un répertoire de tous les processus requis, tenir des registres, aviser le ministre des Transports de tout changement proposé à leurs activités, et déposer auprès du ministre, à sa demande, la documentation sur le SGS.

    1.16.1 Gestion du risque

    Selon le Règlement sur le SGS, une compagnie doit élaborer et mettre en œuvre un processus visant les évaluations des risques qui décèle les risques devant faire l’objet de mesures correctives ainsi que les mesures correctives adoptées. L’alinéa 5f) du Règlement sur le SGS énonce ce qui suit :

    La compagnie de chemin de fer élabore et met en œuvre un système de gestion de la sécurité qui comprend :

    […]

    f)    un processus visant les évaluations des risquesNote de bas de page 43; […]

    Selon le paragraphe 15(1) du Règlement sur le SGS :

    La compagnie de chemin de fer effectue une évaluation des risques dans les circonstances suivantes :

    […]

    c)     lorsqu’un changement proposé à son exploitation ferroviaire […] peut avoir une incidence sur la sécurité du public ou du personnel ou sur la protection des biens et de l’environnementNote de bas de page 44.

    Il peut notamment s’agir de changements comme :

    (i)    l’introduction ou l’élimination d’une technologie ou une modification apportée à une technologie,

    […]

    (v)   une modification touchant le personnel, y compris une augmentation ou une réduction du nombre d’employés ou une modification apportée à leurs responsabilités ou à leurs fonctionsNote de bas de page 45.

    Pour aider les compagnies de chemin de fer à mettre en œuvre leur SGS, TC a rédigé un document intitulé Directives sur le système de gestion de la sécurité à l’intention de l’industrie (avril 2016). En ce qui concerne les composantes d’une évaluation des risquesNote de bas de page 46, les directives prévoient que l’évaluation des risques :

    1. décrit les circonstances qui ont entraîné l’obligation d’effectuer l’évaluation des risques;
    2. cerne et décrit les risques associés à ces circonstances;
    3. cerne les facteurs dont il est tenu compte dans l’évaluation des risques, y compris les personnes qui peuvent être touchées et si les biens ou l’environnement sont touchés;
    4. indique, pour chaque risque, la probabilité qu’il se produise et la gravité de ses conséquences;
    5. cerne les risques qui exigent des mesures correctives;
    6. cerne les mesures correctives visant chacun de ces risques.

    Conformément au Règlement sur le SGS, le CP a élaboré et mis en œuvre un SGS qui prévoit la réalisation d’évaluations des risques lorsque des changements opérationnels sont apportés. À l’heure actuelle, la politique et les procédures relatives à l’évaluation des risques du CP exigent qu’une évaluation des risques ait lieu dans les circonstances suivantes [traduction] :

    • une préoccupation en matière de sécurité (c.-à-d. un risque ou une condition susceptible de présenter un risque direct pour la sécurité des employés ou de compromettre l’exploitation du chemin de fer en toute sécurité) est décelée durant l’analyse de données de sécurité;
    • une modification proposée à l’exploitation du CP pourrait :
      • créer sur le lieu de travail un nouveau danger pouvant avoir des conséquences néfastes;
      • nuire ou contrevenir à toute politique, procédure, règle ou pratique de travail existante utilisée pour assurer la conformité à la réglementation ou respecter toute exigence ou norme du CP;
      • créer ou aggraver un risque direct pour la sécurité des employés, des biens de la compagnie, des biens transportés par la compagnie, du public ou des biens adjacents au chemin de fer;
      • exiger l’autorisation d’un organisme de réglementation pour pouvoir être mise en œuvreNote de bas de page 47.

    En mai 2016, lorsqu’il a introduit à nouveau le STL à la gare de triage de Toronto, le CP a effectué une évaluation des risques qui tenait compte des opérations de locomotive par télécommande et de l’instauration d’une zone de protection des mouvements non accompagnés. L’évaluation des risques a été réalisée par un surintendant et 12 participants, dont 2 mécaniciens de locomotive, un chef de train, un expert-conseil qui avait participé à la mise en œuvre du STL et plusieurs gestionnaires du CP dans les secteurs de l’exploitation, de l’ingénierie et de la mécanique.

    Selon l’évaluation des risques, les changements proposés comportaient de nombreux dangers potentiels, tels que des trains franchissant les signaux d’arrêt à l’extrémité ouest du triage et des trains franchissant la zone de protection des mouvements non accompagnés aux 2 extrémités du triage, y compris au chemin Tapscott. L’évaluation des risques a tenu compte des mouvements non contrôlés à l’extrémité ouest du triage qui franchissent le signal 1823, où la majorité des manœuvres avaient lieu avant février 2018. L’installation de dérailleurs pour offrir une protection contre les mouvements non contrôlés figurait parmi les stratégies d’atténuation adoptées. Un dérailleur contrôlé à distance était déjà installé au chemin Tapscott. Par contre, les mouvements non contrôlés à l’extrémité est du triage n’étaient pas alors considérés comme un risque. Par conséquent, aucune stratégie d’atténuation supplémentaire (comme d’autres dérailleurs) n’a été adoptée au-delà du chemin Tapscott.

    En février 2018, en raison d’une hausse du volume de travaux à la gare de triage de Toronto, le CP a augmenté le nombre d’affectations de triage de 3 à 6. Par conséquent, 2 affectations de triage avaient lieu simultanément à la gare de triage de Toronto. Pour éviter tout conflit entre les affectations, la 2e équipe d’affectation de triage travaillait principalement à l’extrémité est du triage. Puisque le CP ne croyait pas que cette affectation de triage supplémentaire constituait un changement opérationnel qui pouvait avoir une incidence sur la sécurité du public ou du personnel ou sur la protection des biens et de l’environnement, il n’a pas réalisé une autre évaluation des risques.

    Depuis 2015, le BST a mené des enquêtes sur 4 autres événements où le CP avait apporté des changements opérationnels. Dans certains cas, le CP n’avait pas estimé que certains des changements étaient importants et n’avait donc pas effectué une évaluation des risques, tandis que dans d’autres cas, le CP n’avait pas cerné et atténué tous les dangers (annexe B).

    1.16.2 Gestion des connaissances

    En ce qui concerne la formation des équipes, les articles 25 à 27 du Règlement sur le SGS prévoient qu’une compagnie de chemin de fer doit avoir un processus de gestion de la connaissance. La compagnie de chemin de fer doit dresser une liste prévoyant :

    • les fonctions essentielles à la sécurité ferroviaire;
    • les postes dans la compagnie de chemin de fer dont relève la responsabilité de l’exercice de chacune de ces fonctions;
    • les compétences et les qualifications requises pour exercer chacune de ces fonctions en toute sécurité.

    La compagnie de chemin de fer doit inclure, dans son SGS, un plan pour veiller à ce que tout employé exerçant l’une ou l’autre des fonctions énumérées dans la liste ait les compétences, les connaissances et les qualifications nécessaires pour exercer ses fonctions en toute sécurité. En outre, la compagnie doit posséder une méthode pour vérifier cela.

    Au chapitre de la gestion des connaissances, le CP avait dressé une liste détaillée des fonctions essentielles pour les mécaniciens de locomotive et les chefs de train et avait établi un processus pour s’assurer et vérifier que ces employés avaient les compétences et les qualifications requises pour exercer leurs fonctions essentielles à la sécurité ferroviaire. Toutefois, le CP n’avait pas une telle liste ni un tel processus pour les opérateurs de locomotive par télécommande et les opérations Beltpack connexes. Bien que le CP ait effectué des contrôles d’efficacité pour s’assurer que les employés avaient les compétences, les connaissances et les qualifications voulues pour exercer leurs fonctions en toute sécurité, le CP n’estimait pas le STL comme étant une fonction essentielle, de sorte que cette activité ne figurait pas sur le plan de gestion des connaissances du SGS du CPNote de bas de page 48.

    1.17 Gestion des ressources en équipe

    La formation sur la gestion des ressources en équipe (CRM) vise à fournir aux équipes les compétences interpersonnelles nécessaires pour exécuter leurs tâches en toute sécurité [traduction] : « La formation sur la CRM consiste habituellement en un processus continu de formation et de surveillance qui mène le personnel à aborder ses activités selon une perspective d’équipe plutôt qu’individuelleNote de bas de page 49 ».

    Les secteurs de l’aviation et du transport maritime ont constaté d’importants avantages pour la sécurité à la suite de l’adoption de la CRM et de la gestion des ressources à la passerelle, respectivement. Étant donné la fréquence des facteurs humains dans les statistiques sur les accidents ferroviaires, ce type de formation pourrait offrir d’importants avantages pour la sécurité dans le secteur ferroviaireNote de bas de page 50.

    À la suite d’une collision entre 2 trains de marchandises en 1998, le National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis a recommandé que plusieurs intervenants du secteur ferroviaire, incluant l’organisme de réglementation, les exploitants, les associations sectorielles et les syndicats ouvriers, collaborent au développement d’une formation sur la CRM et qu’ils en exigent l’application au secteur ferroviaire. Cette formation couvrirait au minimum la compétence des membres d’équipe de train, la conscience situationnelle, la communication efficace et le travail d’équipe, et les stratégies de remise en question de l’autorité s’il y a lieuNote de bas de page 51.

    Comme suite à cette recommandation, en collaboration avec ses partenaires universitaires et sectoriels, la FRA a développé et mis à l’essai une formation sur la CRM dans le secteur ferroviaireNote de bas de page 52. L’évaluation initiale de ce projet pilote de formation a révélé des améliorations au chapitre des connaissances et des attitudes plus positives envers les principes de la CRMNote de bas de page 53.

    Cependant, ce type de formation n’a été imposé ni au Canada ni aux États-Unis. En 2010, un examen de l’adoption des principes de la CRM à l’extérieur du secteur de l’aviation a révélé que dans le secteur ferroviaire nord-américain, [traduction] « l’intérêt envers les principes de la formation CRM demeure sporadiqueNote de bas de page 54 ». Cet examen a aussi décrit des initiatives volontaires de certaines compagnies de chemin de fer pour mettre en œuvre la formation sur la CRM, de même que des initiatives du secteur visant à créer des documents de formation à l’intention des exploitants. Par exemple, on y indiquait qu’en 1999, le Chemin de fer Canadien Pacifique (CP) a mis en œuvre un programme de formation sur la CRM s’adressant aux chefs de train et agents de train nouvellement embauchés.

    Plus récemment, les mécaniciens de locomotive de VIA Rail Canada Inc. peuvent assister à un cours de sensibilisation à la cabine de locomotive d’une durée de 8 heures ainsi qu’à une formation périodique tous les 3 ans depuis 2013. Le cours vise à améliorer la sécurité en expliquant les principes de la CRM aux mécaniciens de locomotive.

    1.17.1 Formation sur la gestion des ressources en équipe du Chemin de fer Canadien Pacifique

    Tous les employés d’exploitation ont dû assister à la formation sur la CRM lorsqu’elle a été mise en place en 1999. Cette formation est depuis offerte régulièrement aux nouveaux employés d’exploitation. Il s’agit d’une présentation d’une heure qui a lieu durant la 1re semaine en salle de classe du programme de formation des chefs de train, et elle représente 1 module sur 11, qui sont tous offerts en une seule journée. La formation sur la CRM du CP n’a aucun volet pratique.

    L’objectif du cours est d’offrir [traduction] « une meilleure sensibilisation aux concepts, principes et objectifs de la CRM en vue d’améliorer la sécurité, ce qui permettra de prévenir les incidents et les accidents et de favoriser une exploitation ferroviaire efficace sur le plan commercial Note de bas de page 55 ». La formation sur la CRM est composée des principes fondamentaux suivants :

    • facteurs humains;
    • connaissance de la situation;
    • compétence technique;
    • communication;
    • travail d’équipe.

    La formation permet d’expliquer les outils qui sont à la disposition des employés pour maintenir la connaissance de la situation, laquelle contribue à créer un milieu de travail sécuritaire puisque les employés demeurent vigilants en tout temps. L’un des outils qui permettent de maintenir la connaissance de la situation est la communication entre pairs (c.‑à‑d. entre les membres de l’équipe). Dans le document de formation, il est indiqué que [traduction] :

    Les équipes qui ont une bonne communication commettront moins d’erreurs, car les membres peuvent mieux évaluer les problèmes lorsqu’ils se parlent et mieux coordonner leurs gestes pour régler ceux-ciNote de bas de page 56.

    En outre, les employés apprennent ce qui suit durant la formation sur la CRM du CP [traduction] :

    Les séances d’information sont essentielles pour établir vos tâches et vos responsabilités, ce qui vous permettra de planifier votre travail, en plus de favoriser la connaissance de la situationNote de bas de page 57.

    L’aide et le contremaître avaient suivi la formation sur la CRM en avril 2017 et mai 2017, respectivement. Par contre, le CP n’offre aucune formation périodique sur la CRM à ses employés d’exploitation lorsqu’ils doivent se qualifier à nouveau.

    1.18 Supervision

    La supervision est un contrôle administratif qui appuie ou renforce les aspects liés aux facteurs humains, tels que la conformité aux procédures, les priorités, la charge de travail, la fatigue, le dévouement et la motivation. Les superviseurs peuvent avoir une incidence importante sur de nombreux facteurs qui influencent les comportements en milieu de travailNote de bas de page 58.

    Il existe plusieurs styles de supervision, lesquels peuvent varier selon les circonstances. À titre d’exemple, la structure hiérarchique traditionnelle favorise en général un commandement et un contrôle efficaces, mais la participation des employés est plus faibleNote de bas de page 59. La supervision par une personne qui incarne l’autorité a une grande influence sur le rendement des employés. Toute personne qui doit assumer un rôle de supervision quelconque doit être formée et compétente. Les compétences recherchées comprennent des aptitudes techniques et des aptitudes non techniques, comme la planification, la communication et la délégation. Les compétences techniques comprennent la compréhension des dangers et des mesures de contrôle.

    1.18.1 Supervision à la gare de triage de Toronto

    À la gare de triage de Toronto, les tours de contrôle ouest et est sont munies de caméras afin d’offrir à leur personnel une vue de la gare de triage. Durant les manœuvres, les coordonnateurs de trains surveillent régulièrement les écrans afin de suivre les progrès des équipes de triage. Les coordonnateurs de trains communiquent avec les équipes de triage au besoin afin de poser des questions selon leurs observations à l’écran.

    En outre, CP utilisait les tests de compétence comme autre mécanisme de supervision. En effet, ceux-ci permettaient au CP d’évaluer les compétences liées à la conduite des trains et de vérifier la conformité aux règles de ses équipes de train. Les superviseurs, y compris les coordonnateurs de trains, étaient tenus d’effectuer environ 20 tests de compétence par mois, ce qui permettait de faire des observations sur le terrain et de tenir des discussions en personne entre les superviseurs et les membres d’équipe.

    1.18.2 Chaînes d’autorité

    Les chaînes d’autoritéNote de bas de page 60 existent dans une organisation lorsqu’un membre de l’équipe a l’impression qu’il ne peut pas soulever une lacune de sécurité importante auprès d’un autre membre de niveau supérieur. La recherche de la Flight Safety Foundation sur ce sujet a révélé que le conformisme est l’un des risques potentiels des chaînes d’autorité. Plus particulièrement, cette recherche a mis en évidence ce qui suit [traduction] :

    Le conformisme […] sert à décrire certaines situations où des membres de l’équipe auraient pu faire part de renseignements utiles au chapitre de la sécurité, mais qu’ils ont omis de le faire. La chaîne d’autorité peut contribuer fortement aux conduites conformistes parmi les membres de l’équipe.

    • Obéissance – Conduite souvent attribuable à une autorité perçue ou à un dirigeant autoritaire (chaîne d’autorité forte).
    • Règle de la majorité – Se ranger à l’opinion des autres plutôt que d’exprimer sa propre opinion. Cette situation peut être attribuable à un style de leadership trop démocratique (faible chaîne d’autorité) ou au fait qu’il est plus facile de se ranger à l’opinion du groupe que de s’exprimer (chaîne d’autorité forte)Note de bas de page 61.

    Selon la hiérarchie d’une compagnie de chemin de fer, l’équipe de triage considère normalement le coordonnateur de trains (ou un tel poste) comme « l’autorité perçue ».

    1.19 Culture de sécurité

    La culture de sécuritéNote de bas de page 62 est un facteur déterminant du niveau de risque global d’une organisation et de la capacité de celle-ci à bien gérer la sécurité, car elle :

    • influence le niveau de risque grâce à la création de normes, lesquelles régissent la manière dont le travail est accompli quotidiennement;
    • définit l’environnement dans lequel les structures de gestion de la sécurité sont mises en œuvre. Les valeurs et les croyances sont des éléments clés de la culture de sécurité et déterminent la mesure dans laquelle les personnes ont confiance en les activités liées à la gestion de la sécurité et y participent.

    Il existe de nombreuses descriptions de ce qui constitue une culture de sécurité efficace et coopérative. L’une de ces descriptions est composée de 4 élémentsNote de bas de page 63 :

    • Une culture déclarante : les dangers, les événements et les lacunes de sécurité sont signalés librement au sein de l’organisation, sans peur de représailles.
    • Une culture juste : l’erreur humaine normale est considérée comme un problème systémique et, par conséquent, n’est pas punie. Par contre, le comportement malicieux et la négligence sont punis. Les méthodes permettant de faire la distinction sont bien décrites et comprises.
    • Une culture de formation : L’organisation et ses employés apprennent en permanence afin d’améliorer leurs compétences opérationnelles et de mieux comprendre le rôle qu’ils assument par rapport à la gestion de la sécurité. Les leçons tirées grâce à l’expérience sont mises en commun activement à l’échelle de l’organisation.
    • Une culture éclairée : Les dangers et les risques associés à une activité sont bien compris et les employés d’une organisation ont les connaissances et les compétences nécessaires pour exercer leurs fonctions en toute sécurité. Les employés savent comment participer à la gestion de la sécurité de l’organisation.

    Les politiques de recrutement, les procédures d’exploitation et la supervision opérationnelle, qui peuvent toutes avoir des effets sur le rendement humain, sont révélatrices de la culture d’une compagnie. Les pratiques qui encouragent la responsabilité, le professionnalisme et la participation de l’exploitant dans le cadre des questions de sécurité peuvent aiguiser l’attention de celui-ci aux détails relatifs à la sécurité, contrairement aux pratiques punitives. La pratique de jeter le blâme fait obstacle au processus d’apprentissage puisque [traduction] « lorsqu’on jette le blâme, il n’y a pas d’apprentissage […] l’ouverture d’esprit se renferme alors, les demandes de renseignements ont tendance à cesser et le désir de comprendre le système dans son ensemble est diminuéNote de bas de page 64 ».

    En outre, la culture de la compagnie peut transparaître dans sa réaction aux transgressions des employés. Au fil du temps, la gestion qui repose sur les mesures disciplinaires accroît le risque d’opérations dangereuses. En revanche, la compagnie qui met sur pied un programme permettant aux employés de signaler les erreurs sans représaillesNote de bas de page 65 et qui utilise un arbre de décision pour établir la culpabilitéNote de bas de page 66 par rapport à des gestes dangereux peut réduire le risque d’opérations dangereuses. Un tel arbre de décision sert à comprendre l’état d’esprit des employés concernés, le contexte de la situation et les influences organisationnelles qui peuvent avoir une incidence sur leurs décisions et le comportement qui en a découlé.

    Le contenu des procédures disciplinaires de l’organisation joue un rôle important dans l’instauration d’une culture juste ou ouverte. Il est difficile de créer une culture juste ou ouverte si les procédures disciplinaires imputent entièrement la faute à la personne concernée et ne reconnaissent pas les fautes induites par le systèmeNote de bas de page 67. La relation entre la culture de sécurité et la gestion de la sécurité se reflète en partie dans les croyances, les attitudes et les comportements de la direction d’une compagnie.

    En avril 2016, le BST a organisé un Sommet sur la sécurité des transports qui a rassemblé plus de 70 cadres supérieurs et dirigeants représentant les exploitants, les organisations syndicales, les associations de l’industrie et les organismes de réglementation de tous les modes de transport. Un large consensus s’est dégagé des discussions sur le fait que, pour améliorer efficacement la sécurité, les SGS doivent clairement cerner les problèmes systémiques qui sous-tendent le comportement. En outre, la communication et la collaboration efficaces ont été des éléments clés pour établir la confiance nécessaire pour traiter les problèmes de sécurité à ce niveau. Toutefois, il a été reconnu que le plus grand défi à relever pour mettre en place une culture « juste » était la nécessité de gagner la confiance et le respect au sein d’organisations traditionnellement fondées sur une culture de blâmeNote de bas de page 68.

    1.19.1 Culture de sécurité au sein du Chemin de fer Canadien Pacifique

    En parallèle avec la mise en œuvre d’un SGS, le CP a reconnu l’importance d’instaurer une culture de sécurité efficace. En vue de renforcer sa culture de sécurité, le CP a lancé l’initiative « Home Safe », qui encourage à la fois l’engagement en faveur de la sécurité et la rétroaction [traduction] : « en inculquant [aux employés] l’importance d’assumer la responsabilité de leur propre sécurité ainsi que celle de leurs collègues, [le CP] peut mieux garantir que chacun rentre chez lui en toute sécurité après chaque quart de travailNote de bas de page 69 ». Dans le cadre de cette initiative du CP, les employés sont formés pour offrir et demander de l’aide, avertir leurs collègues s’ils pensent qu’ils se mettent en danger ou mettent en danger les autres, ainsi que pour cerner, signaler et éliminer les dangers.

    Le contremaître du triage et l’aide ont été suspendus pendant 4 semaines après avoir reçu un avis disciplinaire en raison de nombreuses infractions aux règles et aux instructions du CP.

    1.20 Statistiques du BST sur les événements de mouvements imprévus ou non contrôlés

    Entre 2009 et 2018, 562 événements de mouvements imprévus ou non contrôlésNote de bas de page 70 sur l’ensemble des chemins de fer au Canada ont été signalés au BST (tableau 1).

    Tableau 1. Événements de mouvements imprévus ou non contrôlés signalés au BST entre 2009 et 2018
    Mouvement non contrôlé en raison de 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 Total
    Perte de maîtrise 0 2 3 0 3 0 1 4 2 5 20
    Manœuvres sans freins à air 14 10 16 12 24 21 22 18 21 27 185
    Immobilisation insuffisante 37 25 32 44 42 38 37 29 39 34 357
    Total 51 37 51 56 69 59 60 51 62 66 562

    Nota : Les données sommaires sur le nombre annuel de mouvements non contrôlés n’ont pas été ajustées en fonction des variations des volumes annuels de trafic ferroviaire.

    En général, les mouvements non contrôlés sont attribuables à 1 des 3 causes suivantes :

    1. Perte de maîtrise – Un mécanicien de locomotive ou un opérateur de locomotive par télécommande n’est pas en mesure de maîtriser une locomotive, une rame de wagons ou un train au moyen des freins à air de locomotive ou de train disponibles.
    2. Manœuvres sans freins à air – Un matériel roulant est manœuvré en utilisant seulement les freins à air de la locomotive, sans freins à air sur les wagons manœuvrés ou lancés. La grande majorité de ces incidents se produisent dans des gares de triage.
    3. Immobilisation insuffisante – Un wagon, une rame de wagons ou un train est laissé sans surveillance et se met à rouler de façon non contrôlée, en général, parce que :
      • un nombre insuffisant de freins à main ont été serrés sur un wagon, une rame de wagons ou un train;
      • les freins à main d’un wagon (ou de plusieurs wagons) sont défectueux ou inefficaces.

    Le tableau 2 répartit les mouvements non contrôlés attribuables à la perte de maîtrise selon leurs conséquences.

    Tableau 2. Conséquences des mouvements non contrôlés qui sont uniquement attribuables à la perte de maîtrise
    Conséquence* 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 Total
    Déraillement de 1 à 5 wagons 0 0 1 0 1 0 0 1 1 2 6
    Déraillement de plus de 5 wagons 0 0 0 0 0 0 0 1 0 0 1
    Collision 0 2 1 0 1 0 0 2 0 0 6
    Voie principale concernée** 0 1 2 0 2 0 1 2 1 3 12
    Marchandises dangereuses mises en cause 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 1
    Blessures ou pertes de vie 0 0 0 0 1 0 0 1 0 0 2

    * Il est possible que certains événements aient plus d’une conséquence.
    ** Le mouvement non contrôlé est survenu sur la voie principale, est entré sur la voie principale ou a empiété sur la voie principale.

    De 2009 à 2018, les pertes de maîtrise, comme dans l’événement à l’étude, ont été la cause de 4 % de tous les événements (20 sur 562). Cependant, 60 % (12 sur 20) des mouvements non contrôlés concernaient la voie principale.

    Depuis 1994, en plus de l’événement à l’étude, le BST a enquêté sur 33 événements durant lesquels des mouvements non contrôlés sont survenus (annexe C).

    1.21 Autres enquêtes du BST portant sur des manœuvres à l’aide du système de télécommande de locomotive qui mettaient en cause la formation ou l’expérience

    Depuis 2007, le BST a enquêté sur 6 autres événements survenus dans des opérations de manœuvre par STL (annexe D), où l’inexpérience d’un ou de plusieurs membres de l’équipe de conduite qui prenaient part à des manœuvres par télécommande de locomotive a été un facteur.

    1.22 Recommandations et préoccupations liées à la sécurité précédentes relatives aux mouvements non contrôlés

    1.22.1 Moyens de défense physiques pour empêcher le matériel de partir à la dérive

    À la suite de l’enquête du BST sur l’accident à Lac-Mégantic en juillet 2013Note de bas de page 71, le Bureau a recommandé que :

    le ministère des Transports exige que les compagnies ferroviaires canadiennes mettent en place des moyens de défense physiques additionnels pour empêcher le matériel de partir à la dérive.
    Recommandation R14-04 du BSTNote de bas de page 72

    Cette recommandation portait avant tout sur l’immobilisation inadéquate du matériel roulant. En réponse, TC a mis en œuvre plusieurs initiatives, incluant un renforcement des exigences relatives à l’immobilisation dans la règle 112 du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada (REF) et un plan de surveillance exhaustif de cette nouvelle règle. En mars 2020, le Bureau a réévalué la réponse de TC à la recommandation R14-04 comme étant satisfaisante en partie.

    1.22.2 Stratégies pour diminuer le nombre de mouvements non contrôlés pendant des manœuvres sans freins à air

    L’enquête du BST sur le mouvement non contrôlé survenu en décembre 2017 ayant causé la mort d’une employée du CN à Melville (Saskatchewan)Note de bas de page 73 a porté principalement sur les mouvements non contrôlés qui surviennent pendant les manœuvres sans freins à air. Les causes sous-jacentes de ces accidents varient énormément. Il est donc difficile d’élaborer une stratégie globale visant tous les facteurs sous-jacents et les risques connexes dans le but de réduire le nombre de mouvements non contrôlés. Par conséquent, le Bureau a recommandé que :

    le ministère des Transports collabore avec le secteur ferroviaire et les représentants des travailleurs pour cerner les causes sous-jacentes des mouvements non contrôlés qui se produisent pendant les manœuvres sans frein à air, et pour élaborer et mettre en œuvre des stratégies ou des exigences réglementaires afin de réduire leur fréquence.
    Recommandation R20-01 du BSTNote de bas de page 74

    1.22.3 Jumelage d’opérateurs inexpérimentés

    L’enquête R17W0267 du BST a aussi permis de déterminer que dans le secteur ferroviaire, les fonctions d’opérateurs de locomotive par télécommande sont assignées aux chefs de train. La fonction de chef de train est généralement une fonction syndiquée, régie par des conventions collectives conclues entre l’employeur et le syndicat. Parce que les fonctions sont assignées selon l’expérience, il n’est pas inhabituel que les 2 opérateurs de locomotive par télécommande ayant les moins chevronnées et les moins expérimentés soient jumelés pour travailler dans les gares de triage. Dans ce cas, l’enquête a permis de déterminer que l’inexpérience de l’équipe d’affectation utilisant le STL a joué un rôle dans l’accident. Compte tenu du roulement continu d’employés dans le secteur ferroviaire et des conséquences négatives potentielles du jumelage d’opérateurs de locomotive télécommandée inexpérimentés dans les gares de triage, le Bureau a émis la préoccupation suivante liée à la sécurité :

    Le Bureau s’inquiète du fait que les moyens de défense actuels ne sont pas suffisants pour réduire le nombre de mouvements non contrôlés et pour améliorer la sécurité.

    1.22.4 Moyens de défense pour réduire le nombre de mouvements non contrôlés et améliorer la sécurité

    À la suite d’une enquête sur le mouvement non contrôlé de matériel roulant sur une voie principale à Saskatoon (Saskatchewan)Note de bas de page 75 en mars 2016, on a déterminé que malgré les initiatives du secteur et de TC, le résultat recherché, soit une forte réduction du nombre de mouvements non contrôlés, tardait à se concrétiser. Par conséquent, le Bureau a communiqué cette préoccupation liée à la sécurité :

    Le Bureau s’inquiète du fait que les moyens de défense actuels ne sont pas suffisants pour réduire le nombre de mouvements non contrôlés et pour améliorer la sécurité.

    1.23 Liste de surveillance du BST

    La Liste de surveillance du BST énumère les principaux enjeux de sécurité qu’il faut s’employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr.

    La gestion de la sécurité et surveillance figure sur la Liste de surveillance 2018. Tous les transporteurs sont responsables de gérer les risques de sécurité dans leurs activités d’exploitation.

    Certaines entreprises estiment que le niveau de sécurité est adéquat tant qu’elles se conforment à la réglementation; or, cette dernière ne peut à elle seule prévoir tous les risques propres à une activité. C’est pourquoi le BST a maintes fois souligné les avantages d’un SGS, un cadre de gestion qui est reconnu à l’échelle internationale et permet aux entreprises de gérer efficacement les risques et d’améliorer la sécurité de leurs activités.

    Comme l’a révélé l’événement à l’étude, aucune évaluation des risques n’a été réalisée après que le CP eut décidé d’augmenter le nombre d’affectations de STL; par conséquent, les risques professionnels liés aux opérations effectuées à l’extrémité est du triage n’ont pas été évalués. Ainsi, aucune mesure d’atténuation des risques supplémentaire n’a été déterminée ou adoptée en vue de réduire expressément le risque que des mouvements non contrôlés surviennent à l’extrémité est du triage de Toronto.

    MESURES À PRENDRE

    La gestion de la sécurité et surveillance restera sur la Liste de surveillance jusqu’à ce que :

    • Les transporteurs qui ont un SGS démontrent à Transports Canada qu’il fonctionne bien et donc permet de déceler les risques et de mettre en œuvre des mesures efficaces pour les atténuer.
    • Transports Canada exerce ses responsabilités lorsque des exploitants ne peuvent pas assurer une gestion efficace de la sécurité de façon à ce qu’ils corrigent les pratiques d’exploitation non sécuritaires.

    1.24 Rapports de laboratoire du BST

    Le BST a produit le rapport de laboratoire suivant dans le cadre de la présente enquête :

    • LP157/2018 – Track Survey [Inspection de la voie]

    2.0 Analyse

    On estime qu’aucun défaut de la voie n’a contribué au présent événement. L’analyse est plutôt axée sur les gestes de l’équipe, les conséquences de la déclivité de la voie et du poids du train lorsque les freins à air des wagons ne fonctionnent pas, les séances d’information, les instructions spéciales qui sont particulières à la gare de triage, l’expérience opérationnelle de l’employé à l’extrémité est de la gare de triage de Toronto, la surveillance réglementaire de la formation et des qualifications, et les statistiques sur les mouvements non contrôlés.

    2.1 L’incident

    Le train de manœuvre T16-13 du Chemin de fer Canadien Pacifique (CP), exploité à l’aide du système de télécommande de locomotive (STL), devait tirer 88 wagons, lesquels pesaient 6400 tonnes et mesuraient 6250 pieds de longueur, à partir de la voie F-11 à l’est de la voie de raccordement Staines. Le poids du train de manœuvre était réparti de façon relativement égale sur toute sa longueur. Le train devait franchir le passage à niveau public du chemin Tapscott et poursuivre son chemin jusqu’à ce que le dernier wagon ait dépassé l’aiguillage L4. Le train de manœuvre devait ensuite faire marche arrière dans la gare de triage A.

    Après l’attelage des locomotives aux wagons sur la voie F-11, le contremaître a eu de la difficulté, et n’a pas réussi, à raccorder les conduites d’air entre les locomotives et le wagon de tête, car la conduite d’air du wagon de tête était mal alignée.

    Ni l’aide ni le coordonnateur de trains 1 n’avait été informé qu’une manœuvre de 6400 tonnes allait être effectuée dans une pente descendante, alors qu’aucun des freins à air des wagons ne fonctionnait. Le contremaître a procédé ainsi, même s’il n’y avait aucune alimentation en air pour utiliser les freins à air des wagons.

    Au moment où l’affectation a commencé à quitter la voie F-11, le contremaître se trouvait à bord du wagon de queue et était aux commandes de l’affectation à l’aide du Beltpack. Puisque le contremaître se trouvait à la queue du mouvement, il n’a pas su à quel moment la tête du mouvement a commencé à descendre la pente de la voie de raccordement Staines. Après être descendu près de l’aiguillage L4, le contremaître a utilisé le Beltpack pour immobiliser le mouvement, mais celui-ci n’a pas ralenti. Le contremaître a ensuite placé le sélecteur du Beltpack à la position de serrage d’urgence. Les freins d’urgence des wagons n’étaient toutefois pas fonctionnels, car les freins à air des wagons n’étaient pas alimentés en air.

    Puisque seuls les freins directs des locomotives étaient fonctionnels, le train de manœuvre n’a pas ralenti et a continué sa dérive dans la pente descendante de 0,88 % vers le signal d’arrêt 1952B, où la voie de raccordement Staines rejoint la voie principale de la subdivision de Belleville. Le train de manœuvre a traversé l’aiguillage de la voie principale, est entré sur la voie principale et est parti à la dérive sur environ 3 autres milles. Alors que l’aide se trouvait à la tête du mouvement, le train de manœuvre a atteint une vitesse de 17 mi/h et a traversé le passage à niveau public du chemin Reesor. Le train de manœuvre s’est enfin immobilisé près du point milliaire 192,5 de la subdivision de Belleville après que l’aide eut serré les freins à main des 2 locomotives et du wagon de tête, et que le train de manœuvre eut atteint une pente ascendante.

    2.1.1 Conduites d’air et têtes d’accouplement

    Lorsque les conduites d’air sont montées sur un wagon, il faut faire particulièrement attention à ce que la tête d’accouplement soit placée de sorte qu’elle soit alignée à la tête d’accouplement du wagon à raccorder. Sinon, les têtes d’accouplement ne seront pas alignées et pourraient être difficiles à raccorder.

    Après l’événement, un gestionnaire du CP a essayé de raccorder les conduites d’air entre la locomotive 4434 du CP et le wagon de tête du train de manœuvre. Après un échec, le gestionnaire a réussi à les raccorder, mais il a toutefois constaté que la conduite d’air du wagon n’était pas correctement alignée à la conduite d’air de la locomotive à raccorder.

    2.2 Utilisation des freins à air du train durant les manœuvres

    La majorité des manœuvres à la gare de triage de Toronto sont effectuées uniquement au moyen des freins directs des locomotives. Pour aider les équipes de triage à déterminer lorsqu’elles doivent utiliser les freins à air du train durant les opérations dans la gare de triage, le CP fournit des instructions ou des aide-mémoire.

    Le coordonnateur de trains 1 a tenu une séance d’information à l’intention de l’équipe d’affectation au début de son quart de travail. Une 2e séance d’information a ensuite eu lieu ultérieurement par radio pour discuter du mouvement qui consistait à tirer les wagons de la voie F-11. Le contremaître a d’abord suggéré de déplacer uniquement la moitié des wagons sur la voie F‑11 jusqu’à la gare de triage A et de revenir ensuite pour le restant des wagons. Par contre, le coordonnateur de trains 1 a informé l’équipe d’affectation que la voie F-11 devait être dégagée afin d’éviter que le train 240 accuse un retard supplémentaire. Le coordonnateur de trains 1 a ordonné à l’équipe d’affectation de tirer, en 1 seul mouvement, tous les 88 wagons qui se trouvaient sur la voie F‑11. Ils n’ont pas discuté de l’application des freins à air durant le mouvement.

    Le contremaître croyait que les freins à air étaient seulement nécessaires lors des manœuvres par lancement à l’ouest dans la gare de triage. Même si le contremaître avait déjà effectué des mouvements au-delà du chemin Tapscott sans serrer les freins à air des wagons, il n’avait jamais manœuvré autant de wagons que ce jour-là. Le contremaître ne savait pas que les freins à air étaient nécessaires pour éviter le mouvement non contrôlé du train de manœuvre dans la pente descendante de la voie de raccordement Staines.

    Lorsque le contremaître n’a pas réussi à raccorder les conduites d’air, il n’a informé ni l’aide ni le coordonnateur de trains 1. Sans une bonne compréhension de la raison pour laquelle les freins à air doivent être raccordés, et en l’absence d’une directive claire, le contremaître n’était pas conscient des risques auxquels il s’exposait à effectuer une manœuvre au-delà du chemin Tapscott dans une pente descendante alors les freins à air n’étaient pas raccordés aux wagons.

    2.3 Formation de l’équipe

    Les 2 membres de l’équipe d’affectation étaient qualifiés et avaient 5 à 7 mois d’expérience opérationnelle, qu’ils avaient principalement acquise dans la gare de triage. Chacun d’entre eux portait une veste verte qui servait à les identifier comme de nouveaux employés.

    Le programme de formation des chefs de train du CP inclut une formation en cours d’emploi (FCE) durant laquelle les apprentis sont jumelés à des employés d’exploitation réguliers qui offrent un encadrement et du mentorat. Durant le volet de la FCE du programme, des chefs de train qualifiés enseignent non seulement aux nouveaux employés le Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada (REF), les instructions d’exploitation générales et les instructions spéciales, mais également les caractéristiques particulières de la gare de triage et les caractéristiques propres au secteur où les apprentis seront appelés à travailler. Les instructions propres à un secteur incluent des directives sur les pentes, l’emplacement des aiguillages et des voies et les exigences liées aux freins à air à certains endroits. Bon nombre de ces instructions propres à un secteur ne sont pas nécessairement enseignées durant le volet de la formation qui a lieu en salle de classe.

    Lorsque le contremaître et l’aide ont fait leur FCE, il n’y avait que 3 quarts de travail par jour (1 à la fois) à la gare de triage. En outre, ces quarts de triage avaient principalement lieu à l’extrémité ouest du triage. Par conséquent, la plupart de leurs quarts de travail de FCE étaient des affectations de triage régulières à l’extrémité ouest du triage. Même si les équipes de triage utilisaient parfois l’extrémité est du triage pour desservir des clients locaux, où elles devaient alors tirer de plus petites rames de wagons, elles travaillaient principalement à l’extrémité ouest du triage qui convenait mieux aux manœuvres de rames de wagons plus longues.

    En ce qui concerne les trains de manœuvre chargés de marchandises locales exploités à l’extrémité est du triage, ils étaient normalement composés d’un plus petit nombre de wagons et étaient souvent exploités dans la subdivision de Havelock. Durant les quarts de FCE, il était rare que les trains de manœuvre dépassent le passage à niveau du chemin Tapscott ou soient composés d’un nombre suffisant de wagons pour justifier l’utilisation des freins à air.

    Par conséquent, malgré sa formation et son expérience, le contremaître n’avait pas les connaissances pour être aux commandes des rames de wagons longues et lourdes, en toute sécurité, dans la pente descendante à l’extrémité est du triage afin d’accéder à la voie de raccordement Staines.

    2.4 Jumelage d’opérateurs inexpérimentés

    La Federal Railroad Administration (FRA) des États-Unis a mené une étude sur les opérations par STL. Même si cette étude portait principalement sur les pratiques des chemins de fer américains (des compagnies de chemin de fer canadiennes ont participé à 1 des groupes de discussion), l’analyse et les résultats s’appliquent au secteur ferroviaire nord-américain.

    Le rapport a souligné la préoccupation quant au fait que les nouveaux employés qui reçoivent une formation sur l’utilisation du STL ont besoin de temps pour acquérir les connaissances et les compétences en matière d’exploitation ferroviaire. Ce rapport a également souligné les risques posés par le jumelage de membres d’équipe inexpérimentés pour effectuer des opérations par STL. Le rapport a de plus souligné que le manque de formation sur une certaine manœuvre ou sur un certain secteur de la gare de triage était un facteur contributif dans des accidents antérieurs d’opération par STL.

    Depuis 2007, le BST a achevé 7 enquêtes (incluant celle sur l’événement à l’étude) qui soulignent les risques associés au jumelage de chefs de train peu expérimentés pour effectuer des affectations de triage (annexe D). Le BST a déterminé que le niveau d’expérience des chefs de train avait contribué à ces événements par la probabilité accrue d’erreurs et le manque de connaissances pour prendre des décisions efficaces en ce qui concerne la planification et la conduite du train. De plus, le BST a déterminé que la pratique consistant à jumeler des employés peu chevronnés dans le cadre d’affectations au service de manœuvre prive les employés de l’accompagnement professionnel et du mentorat requis pour développer le jugement nécessaire à la conduite de trains. À la suite d’une enquête sur un accident mortel survenu dans une gare de triage, le Bureau a émis une préoccupation liée à la sécurité sur le jumelage d’opérateurs de locomotive par télécommande inexpérimentésNote de bas de page 76.

    Aucune exigence de la réglementation ou de la compagnie ne stipule le temps ou l’expérience requis avant qu’un chef de train assume les fonctions de contremaître de triage. Cependant, avant qu’un employé puisse obtenir la qualification de contremaître, il doit manifester les compétences requises pour effectuer ces tâches. Au CP, on attribue habituellement les tâches de contremaître au membre d’équipe qui a le plus d’ancienneté à la compagnie, peu importe son expérience dans cette fonction. Comme le système d’établissement des horaires du CP affecte les employés d’exploitation aux fonctions de triage selon leur ancienneté, il se peut que des contremaîtres de triage n’aient que peu d’expérience des opérations ou du STL.

    Dans l’événement à l’étude, malgré l’inexpérience relative du contremaître et de l’aide, le contremaître de triage a été affecté à ce poste puisqu’il était le membre de l’équipe de triage ayant le plus d’ancienneté. À l’heure actuelle, les employés n’ont besoin d’aucune expérience minimale pour assumer les fonctions de contremaître de triage. Si l’expérience liée à une tâche particulière n’est pas expressément prise en considération au moment d’attribuer les rôles aux membres d’équipe, des employés d’exploitation inexpérimentés pourraient être jumelés ou être chargés d’accomplir des tâches peu familières, ce qui accroît alors le risque d’erreur.

    2.5 Procédures d’urgence

    Les mouvements non contrôlés sont associés au risque de collision avec du matériel roulant ou des trains autorisés. Il est alors de la plus haute importance que les employés effectuent un appel d’urgence conformément à la règle 125 du REF, Appels d’urgence. Si les équipes d’affectation à proximité sont avisées, des mesures de précaution peuvent alors être prises pour éviter une collision.

    Puisque les membres de l’équipe concernés dans le présent événement avaient relativement peu d’expérience, ils avaient eu peu d’occasions dans le passé de transmettre un message radio d’urgence immédiat. En outre, les membres de l’équipe d’affectation communiquaient sur les ondes du canal réservé à la gare de triage de Toronto. Par conséquent, ils n’auraient pas réalisé qu’un mouvement s’approchait de la gare de triage de Toronto sur la voie principale, si tel avait été le cas.

    Lorsque le mouvement s’apprêtait à entrer sur la voie principale sans autorisation, les membres de l’équipe ont avisé le coordonnateur de trains 1 de la situation. Par contre, le mouvement se trouvait déjà sur la voie principale lorsque le contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) a été mis au courant. Aucun mouvement incompatible ne se trouvait dans la zone.

    Les 2 membres de l’équipe avaient suivi une formation sur la règle 125 du REF dans le cadre de leur formation de chefs de train. La formation et la pratique servent toutefois à enseigner aux membres d’équipe la manière de réagir correctement aux situations d’urgence. Si les procédures d’urgence relatives aux manœuvres, y compris les messages radio, ne sont pas mises en pratique régulièrement, le risque est accru que les procédures ne soient pas respectées en situation d’urgence.

    2.6 Gestion des ressources en équipe

    La formation sur la gestion des ressources de l’équipage (CRM) dans le secteur de l’aviation, entre autres, s’est révélée utile aux équipages pour acquérir les compétences qui permettent de surmonter les difficultés à communiquer et de coordonner plus efficacement leurs activités.

    Le CP, qui reconnaît que la CRM est un moyen efficace de maintenir un environnement de travail sécuritaire, a inclus un volet sur la CRM dans la formation de ses chefs de train. Le contremaître et l’aide dans le cas présent avaient tous deux reçu une formation sur la CRM dans le cadre de leur formation de chef de train. Cependant, une formation limitée sur la CRM était donnée pendant la 1re semaine de la partie théorique du programme de formation des chefs de train et ne constituait que l’un des 11 modules présentés durant la journée.

    Bien que la formation sur la CRM du CP fournisse des renseignements importants qui peuvent fournir les outils nécessaires pour guider les employés sur la manière de travailler en toute sécurité, la formation est dispensée à un moment où les apprentis tentent déjà d’absorber une forte quantité de renseignements nouveaux. En outre, la pertinence des renseignements fournis sur la CRM peut ne pas être pleinement appréciée à ce stade de la formation. En outre, des exercices pratiques ne sont pas inclus dans la formation. Étant donné que la formation sur la CRM n’est pas récurrente et qu’elle est uniquement offerte pendant la formation initiale, il est possible que les membres d’équipe ne renforcent pas les principes de la CRM durant la FCE des nouveaux employés. Si les membres d’équipe qui offrent la FCE ne sont pas suffisamment familiarisés avec les principes et la pratique de la CRM, les nouveaux employés ne recevront pas une formation adéquate sur la CRM, ce qui augmente le risque d’une communication inadéquate au sein de l’équipe et d’une connaissance de la situation insuffisante.

    Dans l’événement à l’étude, le contremaître a proposé, durant la séance d’information initiale et après avoir évalué la longueur et le poids de la rame de wagons sur la voie F‑11, de déplacer les wagons concernés en 2 rames, ce que l’équipe aurait pu faire sans utiliser les freins à air. Durant la même séance d’information, le coordonnateur de trains 1 a ordonné à l’équipe de tirer, en 1 seul mouvement, tous les wagons. Les membres de l’équipe ont aussi compris le caractère urgent de la situation lorsque le coordonnateur de trains 1 les a informés qu’un train attendait que la voie soit dégagée. Même s’il a suivi une formation sur la CRM, le contremaître n’a pas remis en question l’instruction du coordonnateur de trains 1 selon laquelle il devait tirer tous les wagons en même temps, après qu’il n’eut pas réussi à raccorder les conduites d’air.

    2.7 Utilisation des affiches

    Au milieu des années 1990, le STL a été introduit pour la 1re fois à la gare de triage de Toronto. Le CP avait alors fourni des instructions générales ainsi que des instructions locales supplémentaires pour aux gares de triage concernées dans les indicateurs pertinents, afin de régir les opérations de locomotive par télécommande. En 2008, l’indicateur de la subdivision de Belleville renfermait des instructions précises concernant ce type d’opérations à la gare de triage de Toronto, à l’est du chemin Tapscott. Dans l’indicateur, il était précisé que les équipes devaient tenir compte de la pente descendante à l’est du passage à niveau du chemin Tapscott. Il était également précisé que les freins à air de 5 à 10 wagons devaient être utilisés lorsqu’un mouvement était composé de 60 wagons chargés de marchandises diverses ou d’un tonnage supérieur à 4000. Le tonnage maximum autorisé était de 4500 tonnes.

    En 2010, le CP a retiré les instructions d’utilisation du STL des indicateurs de toutes les gares de triage afin de simplifier les renseignements contenus dans ceux-ci; les instructions ont été remplacées par un aide-mémoire général qui ne renfermait aucune instruction spéciale propre au secteur concerné. Au milieu de 2016, le CP a décidé d’utiliser à nouveau le STL dans la gare de triage de Toronto et a choisi d’appliquer les CATTRON RCLS Special Instructions à l’ensemble de son réseau. Ces nouvelles instructions spéciales contenaient principalement les instructions de l’aide‑mémoire sur le STL que le CP avait diffusé en 2010.

    En 2014, à la gare de triage de Toronto, le CP avait posé une affiche sur la guérite de signalisation au dérailleur contrôlé à distance situé à l’ouest du chemin Tapscott. L’affiche visait à informer les équipes qui exploitent des mouvements d’au moins 3 000 tonnes ou d’au moins 3 000 pieds de longueur qu’elles doivent alimenter en air un minimum de 5 wagons afin d’utiliser des freins à air pour aider à contrôler les mouvements à proximité de la pente descendante. Par contre, une affiche ne constitue pas une règle ou une instruction d’exploitation et elle n’explique pas pourquoi l’alimentation en air est nécessaire.

    En février 2018, quelques affectations de triage ont été ajoutées à la gare de triage de Toronto. Les équipes de triage supplémentaires ont commencé à faire des manœuvres à l’extrémité est du triage. Puisqu’une affiche apposée sur le terrain n’est pas considérée comme une règle ou une instruction, les consignes liées aux freins à air qui sont affichées au chemin Tapscott n’auraient pas été abordées durant la partie théorique de la formation. Il incombait plutôt aux chefs de train qualifiés d’enseigner de tels renseignements particuliers au secteur concerné durant la FCE.

    Puisque le contremaître et l’aide en question ont principalement été formés à l’extrémité ouest de la gare de triage, ils n’ont probablement pas reçu de consignes particulières. De plus, ils avaient peu d’expérience aux commandes de manœuvres à l’extrémité est du triage, y compris de rames de wagons plus longues au-delà du chemin Tapscott. Si les instructions de sécurité propres au secteur concerné ne sont ni communiquées dans les instructions d’exploitation ou durant les séances d’information ni données durant la FCE, mais qu’elles sont plutôt transmises uniquement par une affiche apposée sur une emprise de chemin de fer, il est possible que les employés d’exploitation ne soient pas au courant des instructions ou ne comprennent pas pleinement leur fondement, ce qui accroît alors le risque d’accident.

    2.8 Surveillance réglementaire de la qualification et de la formation du personnel d’exploitation ferroviaire

    Le Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires qui régit le personnel d’exploitation ferroviaire nomme les sujets auxquels doit être formé chaque candidat dans 4 catégories d’emploi distinctes. Or, comme ce règlement n’a pas été actualisé depuis plus de 30 ans, il ne reflète pas certains aspects plus récents de l’environnement opérationnel des chemins de fer. Le STL est l’un de ces aspects. Par conséquent, aucune catégorie d’emploi n’exige une formation STL. Malgré les changements importants qui sont survenus dans le milieu d’exploitation de l’industrie ferroviaire, les règlements n’ont pas suivi le rythme.

    Une enquête précédente du BST (R16T0111) a permis de cerner des lacunes dans le Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires en vigueur. Dans cette enquête, on a noté que dans son plan ministériel pour 2017-2018, Transports Canada (TC) prévoyait mettre à jour le Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires, mais ce dossier n’avait guère progressé à ce moment-là. L’enquête avait aussi permis de déterminer que le Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire (Règlement sur le SGS) exige que les chemins de fer mettent sur pied des processus de gestion des connaissances qui portent sur certains éléments de la formation. Toutefois, il y a toujours des lacunes en ce qui concerne la formation, et les chemins de fer privilégient des approches différentes. Par conséquent, le Bureau a recommandé que TC actualise le règlement de manière à combler les lacunes existantes relatives aux normes de formation, de qualification et de requalification, de même qu’à la surveillance réglementaire, des employés de chemin de fer qui occupent des postes essentiels à la sécurité.

    TC était d’accord avec la recommandation. Entre-temps, TC a publié les Lignes directrices sur l’exploitation des locomotives avec loco-commande en avril 2019. Les lignes directrices abordent la formation, les qualifications, la conformité et les paramètres d’exploitation à l’égard du STL. Dans les lignes directrices, TC suggère que les chefs de train qualifiés pour l’utilisation du STL suivent également une formation sur le fonctionnement des locomotives, l’application des freins à air et la conduite de trains. Ainsi, les chefs de train comprendront mieux les forces qui agissent sur le mouvement et les techniques de conduite d’un train dans diverses conditions météorologiques et déclivités pour veiller à l’exploitation sécuritaire.

    Bien que les lignes directrices constituent une étape positive en vue de combler de nombreuses lacunes décelées par rapport au STL, son utilisation demeure optionnelle. Par conséquent, si les lacunes dans le Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires en vigueur ne sont pas comblées et si les compagnies de chemin de fer n’appliquent pas entièrement les Lignes directrices sur l’exploitation des locomotives avec loco-commande de TC, la surveillance et l’application de la réglementation en ce qui a trait aux postes essentiels à la sécurité peuvent être compromises, ce qui accroît le risque d’opérations ferroviaires dangereuses.

    2.9 Systèmes de gestion de la sécurité

    La Liste de surveillance 2018 du BST insistait sur le besoin de mettre en œuvre efficacement les SGS afin de cerner de manière proactive les dangers et de maintenir les risques à un niveau acceptable. Selon le Règlement sur le SGS, une compagnie doit procéder à une évaluation des risques lorsqu’elle propose un changement à ses activités qui peut avoir une incidence sur la sécurité du public ou du personnel ou sur la protection des biens et de l’environnement.

    Il peut notamment s’agir de changements comme :

    • l’introduction ou l’élimination d’une technologie ou une modification apportée à une technologie;
    • une modification touchant le personnel, y compris une augmentation ou une réduction du nombre d’employés ou une modification apportée à leurs responsabilités ou à leurs fonctions.

    En mai 2016, lorsqu’il a introduit à nouveau le STL à la gare de triage de Toronto, le CP a effectué une évaluation des risques combinés conformément au Règlement sur le SGS. Puisque la majorité des manœuvres avaient lieu à l’extrémité ouest de la gare de triage, il a été recommandé d’installer des dérailleurs dans l’extrémité ouest du triage pour protéger la voie principale contre les mouvements non contrôlés.

    Un dérailleur contrôlé à distance était déjà installé au chemin Tapscott. Puisque l’équipe d’affectation devait retirer le dérailleur contrôlé à distance pour effectuer des manœuvres au-delà du chemin Tapscott, à partir de la voie de raccordement Staines et au-delà du signal 1952B, la voie principale n’était pas protégée contre les mouvements non contrôlés. De plus, étant donné que les mouvements non contrôlés à l’extrémité est du triage n’étaient pas expressément considérés comme un risque, aucune stratégie d’atténuation supplémentaire n’a été adoptée au-delà du chemin Tapscott.

    Lorsque le CP a augmenté le nombre d’affectations de triage à 2 affectations en tout temps en février 2018, la 2e équipe travaillait principalement à l’extrémité est du triage. Le CP ne croyait pas que l’ajout d’équipes de triage constituait un changement à son exploitation, même si la 2e équipe était appelée à travailler principalement dans une zone différente de la gare de triage. Par conséquent, il n’a pas réalisé une nouvelle évaluation des risques. Depuis 2015, le BST a mené des enquêtes sur 4 autres événements où le CP avait apporté des changements opérationnels, mais n’avait pas jugé certains des changements comme assez importants pour justifier une évaluation des risques. Si une évaluation des risques n’est pas effectuée lorsqu’un changement opérationnel est apporté, il est possible que de nouveaux risques ne soient pas décelés et que le risque d’accident augmente en conséquence.

    2.10 Culture de sécurité

    Dans le secteur ferroviaire, des processus punitifs et accusatoires sont utilisés depuis longtemps pour enquêter sur les incidents et les accidents qui mettent souvent en cause des performances humaines et pour y remédier. Le programme Home Safe du CP est une étape positive vers l’établissement de systèmes de gestion de la sécurité qui perçoivent les incidents, y compris ceux où une erreur humaine a été commise, comme des occasions d’apprentissage qui mènent à des améliorations systémiques. Toutefois, il a été reconnu que l’un des plus grands obstacles à l’instauration d’une culture « juste » est de surmonter le fardeau historique des processus fondés sur le blâme.

    Peu de temps après l’événement, le CP a suspendu l’équipe d’affectation pendant 4 semaines en raison de nombreuses infractions aux règles et aux instructions du CP, dont la mauvaise communication. Il arrive que les membres de l’équipe ne communiquent pas toujours efficacement durant les situations difficiles. Cela est d’autant plus vrai lorsque les employés ont peu d’expérience dans certaines situations et qu’il existe une chaîne d’autorité. Les chaînes d’autorité peuvent être l’un des facteurs en cause dans les erreurs de communication, et pourtant, il existe très peu de publications sur le rôle potentiel de la chaîne d’autorité dans l’industrie ferroviaire. Par conséquent, lorsque le CP a enquêté sur l’événement, il est possible qu’il n’ait pas reconnu l’effet néfaste de la chaîne d’autorité, c’est‑à-dire lorsque le coordonnateur de trains 1 a ordonné à l’équipe d’affectation de déplacer tous les 88 wagons en 1 seul mouvement durant la 2e séance d’information. Si l’enquête menée par une compagnie de chemin de fer ne permet pas de déceler les lacunes systémiques en matière de sécurité, les mesures d’atténuation pourraient alors ne pas s’avérer efficaces, ce qui accroîtrait le risque d’autres résultats négatifs.

    2.11 Statistiques sur les mouvements imprévus ou non contrôlés

    À la suite de l’enquête du BST sur l’accident à Lac-MéganticNote de bas de page 77, le Bureau a recommandé que TC exige que les compagnies ferroviaires canadiennes mettent en place des moyens de défense physiques additionnels pour empêcher le matériel de partir à la dérive (recommandation R14-04 du BST). En réponse, TC a mis en œuvre plusieurs initiatives, incluant un renforcement des exigences relatives à l’immobilisation dans la règle 112 du REF et un plan de surveillance exhaustif de cette nouvelle règle. Même si le Bureau se disait encouragé par les initiatives de TC relatives à l’arrimage, il a constaté que le résultat escompté d’une forte réduction du nombre de mouvements non contrôlés tardait à se concrétiser.

    Dans un autre rapport d’enquête du BSTNote de bas de page 78, qui portait sur un mouvement non contrôlé, le Bureau a émis une préoccupation liée à la sécurité concernant le fait que les moyens de défense actuels ne sont pas suffisants pour réduire le nombre de mouvements non contrôlés et améliorer la sécurité. Malgré le fait que lors de cet événement, le mouvement imprévu/non contrôlé qui est entré sur la voie principale n’a pas déraillé, n’a pas nui à d’autres mouvements ou n’a entraîné aucune conséquence négative, la possibilité que de telles conséquences surviennent était bien présente.

    L’enquête du BST sur le mouvement non contrôlé survenu en décembre 2017 à Melville (Saskatchewan) ayant causé la mort d’une employée du CNNote de bas de page 79, qui portait principalement sur les mouvements non contrôlés se produisant pendant les manœuvres sans freins à air, illustre bien ces risques. Le 10 juin 2020, le Bureau a recommandé que TC collabore avec le secteur ferroviaire et les représentants des travailleurs pour cerner les causes sous-jacentes des mouvements non contrôlés qui se produisent pendant les manœuvres sans frein à air, et pour élaborer et mettre en œuvre des stratégies ou des exigences réglementaires afin de réduire leur fréquence (recommandation R20-01 du BST).

    Parmi les 562 événements qui ont entraîné des mouvements imprévus ou non contrôlés entre 2009 et 2018 inclusivement, la perte de maîtrise, comme dans l’événement à l’étude, a été la cause de 20 (4 %) d’entre eux. Bien que les mouvements non contrôlés attribuables à la perte de maîtrise soient peu fréquents, 60 % d’entre eux (12 sur 20) concernaient la voie principale. Dans de tels cas, la possibilité de croiser des membres du public aux passages à niveau et d’entrer en collision avec des trains de marchandises et de voyageurs en voie principale est accrue. Par conséquent, ces événements sont considérés comme peu fréquents, mais à risque élevé. Ainsi, si des stratégies efficaces ne sont pas mises en œuvre pour améliorer la sécurité durant les manœuvres, les mouvements non contrôlés attribuables à une perte de maîtrise continueront de survenir, ce qui augmente le risque d’accident, en particulier lorsque les mouvements non contrôlés continuent sur la voie principale.

    3.0 Faits établis

    3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.

    1. Après l’attelage des locomotives aux wagons sur la voie F-11, le contremaître a eu de la difficulté, et n’a pas réussi, à raccorder les conduites d’air entre les locomotives et le wagon de tête, car la conduite d’air du wagon de tête était mal alignée.
    2. Ni l’aide ni le coordonnateur de trains 1 n’avait été informé qu’une manœuvre de 6400 tonnes allait être effectuée dans une pente descendante, alors qu’aucun des freins à air des wagons ne fonctionnait. Le contremaître a procédé ainsi, même s’il n’y avait aucune alimentation en air pour utiliser les freins à air des wagons.
    3. Puisque seuls les freins directs des locomotives étaient fonctionnels, le train de manœuvre n’a pas ralenti et a continué sa dérive dans la pente descendante de 0,88 % vers le signal d’arrêt 1952B, où la voie de raccordement Staines rejoint la voie principale de la subdivision de Belleville.
    4. Le train de manœuvre a traversé l’aiguillage de la voie principale, est entré sur la voie principale et est parti à la dérive sur environ 3 autres milles.
    5. Sans une bonne compréhension de la raison pour laquelle les freins à air doivent être raccordés, et en l’absence d’une directive claire, le contremaître n’était pas conscient des risques auxquels il s’exposait à effectuer une manœuvre au-delà du chemin Tapscott dans une pente descendante alors les freins à air n’étaient pas raccordés aux wagons.
    6. Malgré sa formation et son expérience, le contremaître n’avait pas les connaissances pour être aux commandes des rames de wagons longues et lourdes, en toute sécurité, dans la pente descendante à l’extrémité est du triage afin d’accéder à la voie de raccordement Staines.

    3.2 Faits établis quant aux risques

    Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements.

    1. Si l’expérience liée à une tâche particulière n’est pas expressément prise en considération au moment d’attribuer les rôles aux membres d’équipe, des employés d’exploitation inexpérimentés pourraient être jumelés ou être chargés d’accomplir des tâches peu familières, ce qui accroît alors le risque d’erreur.
    2. Si les procédures d’urgence relatives aux manœuvres, y compris les messages radio, ne sont pas mises en pratique régulièrement, le risque est accru que les procédures ne soient pas respectées en situation d’urgence.
    3. Si les membres d’équipe qui offrent la formation en cours d’emploi ne sont pas suffisamment familiarisés avec les principes et la pratique de la gestion des ressources en équipe, les nouveaux employés ne recevront pas une formation adéquate sur la gestion des ressources en équipe, ce qui augmente le risque d’une communication inadéquate au sein de l’équipe et d’une connaissance de la situation insuffisante.
    4. Si les instructions de sécurité propres au secteur concerné ne sont ni communiquées dans les instructions d’exploitation ou durant les séances d’information ni données durant la formation en cours d’emploi, mais qu’elles sont plutôt transmises uniquement par une affiche apposée sur une emprise de chemin de fer, il est possible que les employés d’exploitation ne soient pas au courant des instructions ou ne comprennent pas pleinement leur fondement, ce qui accroît alors le risque d’accident.
    5. Si les lacunes dans le Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires en vigueur ne sont pas comblées et si les compagnies de chemin de fer n’appliquent pas entièrement les Lignes directrices sur l’exploitation des locomotives avec loco-commande de Transports Canada, la surveillance et l’application de la réglementation en ce qui a trait aux postes essentiels à la sécurité peuvent être compromises, ce qui accroît le risque d’opérations ferroviaires dangereuses.
    6. Si une évaluation des risques n’est pas effectuée lorsqu’un changement opérationnel est apporté, il est possible que de nouveaux risques ne soient pas décelés et que le risque d’accident augmente en conséquence.
    7. Si l’enquête menée par une compagnie de chemin de fer ne permet pas de déceler les lacunes systémiques en matière de sécurité, les mesures d’atténuation pourraient alors ne pas s’avérer efficaces, ce qui accroîtrait le risque d’autres résultats négatifs.
    8. Si des stratégies efficaces ne sont pas mises en œuvre pour améliorer la sécurité durant les manœuvres, les mouvements non contrôlés attribuables à une perte de maîtrise continueront de survenir, ce qui augmente le risque d’accident, en particulier lorsque les mouvements non contrôlés continuent sur la voie principale.

    3.3 Autres faits établis

    Ces éléments pourraient permettre d’améliorer la sécurité, de régler une controverse ou de fournir un point de données pour de futures études sur la sécurité.

    1. Même s’il a suivi une formation sur la gestion des ressources en équipe, le contremaître n’a pas remis en question l’instruction du coordonnateur de trains 1 selon laquelle il devait tirer tous les wagons en même temps, après qu’il n’eut pas réussi à raccorder les conduites d’air.

    4.0 Mesures de sécurité

    4.1 Mesures de sécurité prises

    4.1.1 Chemin de fer Canadien Pacifique

    En avril 2018, après l’événement, le Chemin de fer Canadien Pacifique (CP) a publié le bulletin d’exploitation SO-026-18 qui énonçait [traduction] :

    À compter de maintenant, lorsqu’on tire des wagons de l’est ou de l’ouest de la gare de triage de Toronto, il faut qu’il y ait 5 wagons avec air pour chaque tranche de 3000 tonnes Note de bas de page 80.

    En mai 2018, le CP a publié le bulletin d’exploitation SO-038-18 qui énonçait [traduction] :

    En mode d’exploitation du STL [système de télécommande de locomotive], hors d’une zone active, l’employé qui protège l’avant du mouvement doit être aux commandes du mouvement.

    Si la direction du mouvement est modifiée, les commandes doivent être transférées à l’autre employé avant de commencer à déplacer le mouvement dans le sens contraire Note de bas de page 81.

    Depuis l’événement à l’étude, le CP a intégré son programme actuel de formation et de qualification lié au STL dans le programme de gestion de la connaissance de son système de gestion de la sécurité (SGS).

    4.1.2 Transports Canada

    Le 7 mai 2018, à la suite de l’incident et conformément à la Loi sur la sécurité ferroviaire, un inspecteur de Transports Canada (TC) a délivré au CP un avis reconnaissant la prise de mesures immédiates. L’avis précisait que le CP avait pris des mesures pour remédier au risque que des mouvements non contrôlés surviennent à la gare de triage d’Agincourt en publiant, le 18 avril 2018, un bulletin d’exploitation sur l’application de freins à air des wagons qui sont tirés de l’extrémité est ou ouest du triage Note de bas de page 82.

    TC s’était également assuré que les équipes d’exploitation et les superviseurs ont lu et compris les instructions contenues dans le bulletin d’exploitation publié en avril 2018.

    En date du 15 janvier 2019, TC avait effectué 19 inspections de la performance des équipes de la gare de triage pour vérifier la conformité au bulletin d’exploitation, et il n’avait constaté aucune exception.

    Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Il a été officiellement publié le .

    Annexes

    Annexe A – Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires

    Le Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires indique, entre autres :

    Dispositions générales

    1. La compagnie de chemin de fer doit donner à ses employés la formation nécessaire pour l’application du présent règlement.
    2. (1) La compagnie de chemin de fer ne peut permettre à un employé de remplir les fonctions de mécanicien de locomotive, de mécanicien de manœuvre, de chef de train ou de contremaître de triage, que si l’employé :
      1. a la compétence requise pour cette catégorie d’emploi, conformément à l’article 14; et
      2. dans le cas d’un mécanicien de locomotive ou d’un mécanicien de manœuvre, a obtenu la note de passage requise pour la formation en cours d’emploi propre à cette catégorie d’emploi. […]
    3. La compagnie de chemin de fer doit donner aux candidats au poste de mécanicien de locomotive ou de mécanicien de manœuvre une formation en cours d’emploi dans les sujets requis qui est suffisante pour leur permettre de démontrer aux moniteurs et aux examinateurs qu’ils ont la compétence nécessaire pour s’acquitter des fonctions requises.
    4. L’examinateur ne peut accorder une note de passage pour la formation en cours d’emploi au candidat au poste de mécanicien de locomotive ou de mécanicien de manœuvre que s’il :
      1. (a) est convaincu que le candidat a la compétence nécessaire pour s’acquitter des fonctions requises :
        1. (i) en obtenant du mécanicien de locomotive ou du mécanicien de manœuvre avec qui le candidat a effectué ses voyages de formation en cours d’emploi, une évaluation de la compétence du candidat,
        2. (ii) en évaluant la compétence du candidat à la conduite d’une locomotive ou d’un train, ou des deux, selon les exigences de la catégorie d’emploi pour laquelle le candidat subit un examen; et
      2. (b) a rempli, signé et versé au dossier que conserve le service du personnel sur le candidat un document attestant que celui-ci a réussi la formation en cours d’emploi.
    5. L’examinateur fixe la note globale du candidat à partir des examens oraux ou écrits, ou des deux, sur les sujets requis, que le candidat subit en classe.
    6. L’employé qui reçoit une formation en cours d’emploi en vue d’accéder au poste de mécanicien de locomotive ou de mécanicien de manœuvre peut, pendant toute la durée de sa formation, exercer les fonctions de la catégorie d’emploi à laquelle il est candidat, s’il le fait sous la direction d’un moniteur de formation en cours d’emploi.
    7. (1) La compagnie de chemin de fer doit, à des intervalles ne dépassant pas trois ans, faire subir à tous les employés d’une catégorie d’emploi un réexamen sur les sujets requis.

      (2) La note de passage d’un réexamen est de 80 pour cent. […]

    1. (1) Dans les 90 jours qui suivent l’entrée en vigueur du présent règlement, la compagnie de chemin de fer doit déposer auprès du Comité deux exemplaires de chaque genre d’examen théorique qu’elle utilise et deux exemplaires d’une description détaillée de chacune de ses méthodes d’évaluation des connaissances pratiques.

      (2) La compagnie de chemin de fer doit aviser le Comité de tout changement de genre d’examen théorique ou de méthode d’évaluation des connaissances pratiques, dans les 90 jours qui suivent la mise en œuvre du changement. […]

    Compétence requise des candidats

    1. (1) Les sujets requis pour accéder à un poste d’une catégorie d’emploi auprès d’une compagnie de chemin de fer sont ceux indiqués par un « X » à l’annexe, abstraction faite des sujets ou questions qui traitent de matériel que la compagnie de chemin de fer n’utilise pas.

      (2) La compagnie de chemin de fer ne peut accepter dans une catégorie d’emploi que les personnes qui ont obtenu une note globale d’au moins 80 pour cent dans les sujets requis.

    Compétence requise des moniteurs de formation en cours d’emploi

    1. La compagnie de chemin de fer ne peut autoriser une personne à exercer les fonctions de moniteur de formation en cours d’emploi pour la catégorie d’emploi de mécanicien de locomotive, que si celle-ci :
      1. satisfait aux exigences applicables au mécanicien de locomotive et obtient une note globale d’au moins 90 pour cent; et
      2. au moins deux années d’expérience à titre de mécanicien de locomotive, y compris une période minimale de trois mois de service dans la région où elle est censée donner la formation en cours d’emploi.
    1. La compagnie de chemin de fer ne peut autoriser une personne à exercer les fonctions de moniteur de formation en cours d’emploi pour la catégorie d’emploi de mécanicien de manœuvre, que si celle-ci :
      1. satisfait aux exigences applicables au mécanicien de manœuvre et obtient une note globale d’au moins 90 pour cent; et
      2. a au moins un an d’expérience à titre de mécanicien de manœuvre, y compris une période minimale de trois mois de service dans la région où elle est censée donner la formation en cours d’emploi.

    Compétence requise des moniteurs de formation théorique

    1. La compagnie de chemin de fer ne peut employer une personne à titre de moniteur de formation théorique dans l’un des sujets requis, que si celle-ci a obtenu une note d’au moins 90 pour cent dans un examen écrit sur le sujet.

    Compétence requise des examinateurs

    1. L’employé ou le cadre d’une compagnie de chemin de fer qui agit comme moniteur de formation en cours d’emploi ou moniteur de formation théorique est habilité à remplir les fonctions d’examinateur pour les sujets dans lesquels il est compétent pour agir comme moniteur.

    Programmes de formation et consultation

    1. (1) La compagnie de chemin de fer doit mettre sur pied à l’intention de ses employés des programmes de formation pour chaque catégorie d’emploi.

      (2) La compagnie de chemin de fer doit mettre sur pied et modifier ses programmes de formation en consultation avec les syndicats ouvriers représentant les employés des diverses catégories d’emploi.

      (3) La compagnie de chemin de fer doit, dans les 90 jours qui suivent l’entrée en vigueur du présent règlement, déposer auprès du Comité une description de tous ses programmes de formation pour chaque catégorie d’emploi.

      (4) La compagnie de chemin de fer doit déposer auprès du Comité une description de tout changement apporté à ses programmes de formation, dans les 90 jours de la mise en œuvre du changement.

    Rapports

    1. (1) Pour chaque année civile, la compagnie de chemin de fer doit déposer auprès du Comité, au plus tard le 31 mars de l’année suivante, un rapport exhaustif sur les programmes de formation qu’elle offre à ses employés.

      (2) Le rapport mentionné au paragraphe (1) doit préciser ce qui suit :

      1. (a) le nombre total d’employés de chaque catégorie d’emploi;
      2. (b) pour chaque catégorie d’emploi, le nombre total d’employés ayant reçu une formation;
      3. (c) le nombre d’employés ayant reçu une formation qui satisfont aux exigences de formation de chaque catégorie d’emploi et le nombre de ceux qui n’y satisfont pas;
      4. (d) les techniques ou les moyens nouveaux ou améliorés qui servent aux programmes de formation à l’intention des employés.
    Article 14
    Image
    Article 14

    Source : Transports Canada, DORS/87-150, Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires.

    Annexe B – Autres enquêtes du BST sur des changements opérationnels du Chemin de fer Canadien Pacifique pour lesquels l’évaluation des risques était inadéquate

    R17D0123 – Le 8 novembre 2017, l’affectation de triage FS23 du Chemin de fer Canadien Pacifique (CP) effectuait des opérations d’aiguillage au triage St-Luc, au point milliaire 46,9 de la subdivision d’Adirondack du CP, à Montréal (Québec). Vers 6 h, heure normale de l’Est, alors qu’elle était en marche arrière à environ 10 mi/h vers le sud dans l’obscurité, l’affectation de triage a heurté et mortellement blessé l’aide de triage.

    Lors de la fermeture du faisceau de triage en 2012, la plupart des manœuvres au triage St‑Luc ont été transférées à la traversée, dont la configuration était très différente de celle du faisceau de triage. Étant donné les différences entre la configuration du faisceau de triage et celle de la traversée, il aurait été judicieux d’analyser les tâches du contremaître de triage et de l’aide de triage.

    Une analyse des tâches aurait pu déterminer les différences entre les zones de libération, les risques d’obstruction des voies durant la libération de wagons ou la manœuvre des aiguillages, les risques de trébuchement et la réduction du niveau d’éclairement. On aurait pu ainsi établir des mesures d’atténuation comme un meilleur éclairage, des surfaces de marche plus sûres, une identification des aiguillages et de leurs cibles, et la modification des raccordements de manœuvre et des zones de libération. Les risques que des employés obstruent la voie durant les manœuvres auraient ainsi été réduits.

    Parce que le CP ne considérait pas la fermeture du faisceau de triage St-Luc comme une modification d’importance à l’exploitation du triage St-Luc, aucune évaluation des risques n’a été effectuée en 2012. Par conséquent, l’occasion a été perdue d’identifier les nouveaux dangers créés par les changements dans les manœuvres au triage St-Luc.

    R16C0065 – Le 3 septembre 2016, vers 9 h 25, heure avancée des Rocheuses, le train 303‑646 du CP, qui circulait vers l’ouest à environ 22 mi/h au point milliaire 171,7 de la subdivision de Brooks, est entré en collision avec la queue du train 113-31, qui était immobilisé sur la voie PT01, près du triage Alyth, à Calgary (Alberta). Deux locomotives à la tête du train 303-646 ont déraillé, tout comme 2 wagons-trémies couverts derrière les locomotives. Le dernier wagon du train 113-31, un wagon porte-conteneurs à 3 plateformes, a également déraillé. Il n’y a pas eu de blessés. Aucune marchandise dangereuse n’a été déversée.

    En juin 2013, à la suite de l’affaissement du pont Bonnybrook, le CP a changé la désignation de la voie PT01 entre Ogden et le début/la fin de la zone enclenchée à 12 th Street East, la faisant passer de territoire à voie principale en commande centralisée de la circulation (CCC) à territoire à voie non principale. Toutefois, à la reprise du trafic ferroviaire sur ce pont, le CP n’a pas rétabli la CCC à cet endroit. Lorsqu’il a été décidé de maintenir la désignation de ce tronçon de voie comme voie non principale, il n’y a eu aucune évaluation des risques, que la réglementation en vigueur n’exigeait pas d’ailleurs.

    Sans évaluation des risques, la compagnie de chemin de fer ignorait les dangers particuliers liés à la circulation à cet endroit et les préoccupations en matière de sécurité des équipes de train à cet égard. Par conséquent, avant l’événement, la compagnie de chemin de fer n’avait pris aucune mesure précise pour atténuer les dangers potentiels. L’enquête a permis de déterminer que si aucune évaluation des risques n’a lieu après des changements touchant l’exploitation ferroviaire, il est possible que les dangers potentiels associés à ces changements ne soient pas cernés ou atténués de façon adéquate, ce qui augmente les risques d’accident.

    R16W0074 – Le 27 mars 2016, vers 2 h 35, heure normale du Centre, pendant qu’elle effectuait des manœuvres au triage Sutherland à Saskatoon (Saskatchewan), la manœuvre de formation au système de télécommande de locomotive 2300 du CP poussait une rame de wagons jusque dans la voie F6. Lorsque la manœuvre s’est arrêtée, le wagon-trémie couvert vide EFCX 604991 s’est dételé du train à l’insu de l’équipe. Le wagon non contrôlé a traversé le triage et s’est rendu jusque sur la voie principale, à l’intérieur de la zone de marche prudente de la subdivision de Sutherland. Le wagon a parcouru environ 1 mille et a franchi 2 passages à niveau publics munis de systèmes d’avertissement automatiques avant de s’arrêter de lui-même. Il n’y a eu aucun blessé ni aucun déraillement. Aucune marchandise dangereuse n’était en cause.

    Au début de 2016, plusieurs changements opérationnels ont été adoptés au triage Sutherland. Ces changements opérationnels ont amené le CP à effectuer une évaluation combinée des risques conformément au Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire.

    Bien que l’évaluation des risques ait porté sur les opérations effectuées au moyen du système de télécommande de locomotive (STL) et sur l’instauration d’une zone de protection des mouvements non accompagnés, elle n’a pas tenu compte des répercussions de la réduction du nombre d’équipes de manœuvre ni du changement dans la pratique locale qui consistait à effectuer les manœuvres principalement sans freins à air. De plus, l’évaluation des risques n’a pas spécifiquement cerné le danger possible lié au manque d’expérience des membres d’équipe ni la conséquence possible d’un mouvement non contrôlé. Par conséquent, aucune mesure corrective visant à éviter la possibilité d’un mouvement non contrôlé, telle que la pose d’un dérailleur, n’a été envisagée ni mise en œuvre pour protéger contre les mouvements non contrôlés pendant les manœuvres sans freins à air.

    R15V0046 – Le 11 mars 2015, vers 1 h 30, heure avancée du Pacifique, un contrôleur de la circulation ferroviaire du CP a arrêté le train 672-024 près du point milliaire 102 de la subdivision de Cranbrook après que le convoi eut quitté Cranbrook (Colombie-Britannique) et roulé vers l’est sans autorisation sur une distance de 5 milles. Il n’y avait pas de mouvements incompatibles. L’enquête a permis de déterminer que bien que qualifiés pour leurs postes respectifs, les membres de l’équipe, formée de cadres, n’avaient pas une bonne connaissance du territoire.

    Pour faire suite à une préoccupation de Transports Canada (TC) au sujet du recours accru à des cadres comme membres d’équipes de train, le CP a soumis son plan à TC, y décrivant le processus de formation des employés candidats depuis le niveau de débutant jusqu’à celui de chef de train ou de mécanicien de locomotive qualifié. Cependant, le CP n’a pas mené une évaluation des risques, car le chemin de fer estimait que la formation de cadres non liés à l’exploitation pour en faire des chefs de train et des mécaniciens de locomotive qualifiés ne constituait pas un changement opérationnel exigeant une évaluation des risques.

    Annexe C – Enquêtes du BST sur des mouvements non contrôlés

    No Numéro de l’événement Date Description Emplacement Cause
    1 R18Q0046 2018-05-01 Mouvement non contrôlé et déraillement de matériel roulant en voie non principale, Chemin de fer QNS&L, Triage Sept-Îles Sept-Îles (Québec) Manœuvres sans freins à air
    2 R17W0267 2017-12-22 Mouvement non contrôlé et mort accidentelle d’une employée, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN), système de télécommande de locomotive (STL), train facultatif de manœuvre Melville (Saskatchewan) Manœuvres sans freins à air
    3 R17V0096 2017-04-20 Mouvement non contrôlé, collision et déraillement de matériel roulant en voie non principale, Englewood Railway, Western Forest Products Inc., rame de wagons Woss (Colombie-Britannique) Manœuvres sans freins à air
    4 R16W0242 2016-11-29 Mouvement non contrôlé, collision et déraillement, Chemin de fer Canadien Pacifique, train de ballast BAL-27 et train de marchandises 293-28, point milliaire 138,70, subdivision de Weyburn Estevan (Saskatchewan) Perte de maîtrise
    5 R16T0111 2016-06-17 Mouvement non contrôlé de matériel ferroviaire, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, système de télécommande de locomotive, affectation de triage de l’embranchement industriel ouest de 21 h, point milliaire 23,9, subdivision de York, triage MacMillan Vaughan (Ontario) Perte de maîtrise
    6 R16W0074 2016-03-27 Mouvement non contrôlé de matériel ferroviaire, Chemin de fer Canadien Pacifique, manœuvre de formation au système de télécommande de locomotive de 23 h, point milliaire 109,7, subdivision de Sutherland Saskatoon (Saskatchewan) Manœuvres sans freins à air
    7 R16W0059 2016-03-01 Matériel roulant à la dérive, Cando Rail Services, manœuvre de 22 h affectée au Co‑op Refinery Complex, point milliaire 91,10, subdivision de Quappelle de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada Regina (Saskatchewan) Immobilisation insuffisante
    8 R15D0103 2015-10-29 Wagons partis à la dérive et déraillement de wagons en voie non principale, Chemin de fer Canadien Pacifique, rame de wagons entreposée, point milliaire 2,24, embranchement d’Outremont Montréal (Québec) Immobilisation insuffisante
    9 R15T0173 2015-07-29 Dérive, collision et déraillement de matériel roulant en voie non principale, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, rame de wagons et train A42241-29, point milliaire 0,0, subdivision de Halton, triage MacMillan Concord (Ontario) Manœuvres sans freins à air
    10 R13D0054
    2013-07-06 Train parti à la dérive et déraillement en voie principale, train de marchandises MMA-002 de la Montreal, Maine & Atlantic Railway, point milliaire 0,23, subdivision de Sherbrooke Lac-Mégantic (Québec) Immobilisation insuffisante
    11 R12E0004
    2012-01-18 Collision en voie principale, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, matériel roulant à la dérive et train A45951-16, point milliaire 44,5, subdivision de Grande Cache Hanlon (Alberta) Immobilisation insuffisante
    12 R11Q0056
    2011-12-11 Train parti à la dérive, Chemin de fer QNS&L, train de marchandises LIM-55, point milliaire 67,20, subdivision de Wacouna Dorée (Québec) Perte de maîtrise
    13 R09D0053 2009-09-09 Collision hors d’une voie principale, VIA Rail Canada Inc., locomotive 6425, Centre de maintenance de Montréal de VIA Rail Canada Inc. Montréal (Québec) Manœuvres sans freins à air
    14 R09T0057
    2009-02-11 Train à la dérive et déraillement hors d’une voie principale, Southern Ontario Railway, train de manœuvre de 9 h de Hagersville, points milliaires 0,10 et 1,9, embranchement Hydro Nanticoke (Ontario) Immobilisation insuffisante
    15 R08V0270
    2008-12-29 Dérive et collision hors d’une voie principale, Kettle Falls International Railway, mission de Waneta, point milliaire 141,20, subdivision de Kettle Falls Waneta (Colombie-Britannique) Perte de maîtrise
    16 R07H0015

    2007-07-04 Matériel roulant à la dérive, Chemin de fer Canadien Pacifique, rame de wagons à la dérive, point milliaire 119,5, subdivision de Winchester Smiths Falls (Ontario) Immobilisation insuffisante
    17 R07V0109 2007-04-23 Déraillement sur une voie non principale, Kootenay Valley Railway (KVR), manœuvre Trail de 7 h, point milliaire 19,0, subdivision de Rossland Trail (Colombie-Britannique) Perte de maîtrise
    18 R06V0183

    2006-09-03 Train à la dérive et déraillement, White Pass and Yukon Route, train de travaux 114, point milliaire 36,5, subdivision de Canadian Log Cabin (Colombie-Britannique) Perte de maîtrise
    19 R06V0136
    2006-06-29 Matériel roulant parti à la dérive et déraillement, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, train de marchandises L-567-51-29, point milliaire 184,8, subdivision de Lillooet Près de Lillooet (Colombie-Britannique) Perte de maîtrise
    20 R05H0011
    2005-05-02 Wagons à la dérive et collision en voie principale, Ottawa Central Railway, train de marchandises numéro 441, point milliaire 34,69, subdivision d’Alexandria Maxville (Ontario) Immobilisation insuffisante
    21 R04V0100 2004-07-08 Matériel roulant à la dérive, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, train M -359-51-07, point milliaire 57,7, subdivision de Fraser Bend (Colombie-Britannique) Perte de maîtrise
    22 R03T0026 2003-01-21 Collision dans un triage, Chemin de fer Canadien Pacifique, wagon numéro HOKX 111044, point milliaire 197,0, subdivision de Belleville, triage de Toronto Agincourt (Ontario) Manœuvres sans freins à air
    23 R03T0047 2003-01-22 Collision dans un triage, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, wagon-citerne PROX 77811, point milliaire 25,0, subdivision de York Toronto (Ontario) Manœuvres sans freins à air
    24 R99D0159
    1999-08-27 Wagons partis à la dérive, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, rame de wagons, point milliaire 69,4, subdivision de Kingston, embranchement Wesco Cornwall (Ontario) Immobilisation insuffisante
    25 R98M0029
    1998-09-24 Dérive de wagons, collision et déraillement en voie principale, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, train numéro A402-21-24, point milliaire 105,4, subdivision de Mont-Joli du Chemin de fer de la Matapédia Mont-Joli (Québec) Immobilisation insuffisante
    26 R98M0020
    1998-07-31 Dérive d’un wagon et collision en voie principale, VIA Rail Canada Inc., train de voyageurs numéro 14 et wagon de type « five-pak » à la dérive, point milliaire 105,7, subdivision de Mont-Joli du Chemin de fer de la Matapédia Mont-Joli (Québec) Immobilisation insuffisante
    27 R97C0147
    1997-12-02 Dérive de wagons et déraillement, Chemin de fer Canadien Pacifique, train numéro 353-946, subdivision de Laggan Field (Colombie-Britannique) Perte de maîtrise
    28 R96C0172 1996-08-12 Collision en voie principale, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, train 117 et 20 wagons partis à la dérive, point milliaire 122,9, subdivision d’Edson Près d’Edson (Alberta) Immobilisation insuffisante
    29 R96C0209 1996-10-09 Wagons partis à la dérive, Chemin de fer Canadien Pacifique, affectation de triage de 7 h, point milliaire 166,2, subdivision de Willingdon, voie d’échange de Clover Bar Edmonton (Alberta) Immobilisation insuffisante
    30 R96T0137 1996-04-24 Wagons partis à la dérive, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, rame de cinq wagons-citernes, point milliaire 0,0, subdivision de Hagersville Nanticoke (Ontario) Immobilisation insuffisante
    31 R96C0086 1996-04-13 Train parti à la dérive, Chemin de fer Canadien Pacifique, train de marchandises numéro 607-042, point milliaire 133,0, subdivision de Laggan Field (Colombie-Britannique) Perte de maîtrise
    32 R95M0072 1995-12-14 Wagons partis à la dérive, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, train numéro 130-13, point milliaire 0,0, subdivision de Pelletier Edmundston (Nouveau-Brunswick) Immobilisation insuffisante
    33 R94V0006
    1994-01-18 Train parti à la dérive, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, point milliaire 175, subdivision de Grande Cache Latornell (Alberta) Perte de maîtrise

    Annexe D – Autres enquêtes du BST portant sur la formation et l’expérience d’employés effectuant des affectations de manœuvre commandées par système de télécommande de locomotives

    R17W0267 – Le 22 décembre 2017, vers 18 h, heure normale du Centre, alors que la nuit était tombée, une contremaître et un aide de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le Canadien National, ou CN) effectuaient des opérations d’aiguillage à la gare de triage Melville du CN à Melville (Saskatchewan). La contremaître conduisait le train facultatif de manœuvre Y1XS-01 au moyen d’un système de télécommande de locomotive lorsqu’elle a été coincée entre le train de manœuvre et le wagon de tête d’un mouvement non contrôlé pendant qu’elle serrait un frein à main. La contremaître a été mortellement blessée. Il n’y a eu aucun déraillement, et aucune marchandise dangereuse n’était en cause.

    Le mouvement était constitué de 3 wagons-trémies découverts chargés de ballast. La contremaître avait lancé ces wagons sur une pente ascendante vers une voie de raccordement, mais à une vitesse trop lente pour que les wagons arrivent à destination. Les wagons ont perdu leur élan et ont commencé à redescendre la pente de manière incontrôlée. La contremaître a couru vers le wagon de tête, y est montée et a appliqué un frein à main, mais l’efficacité du frein à main était compromise. Par conséquent, le mouvement incontrôlé n’a pas été immobilisé ou ralenti, ce qui a laissé peu de possibilités et de temps à la contremaître pour se mettre à l’abri.

    L'enquête a permis d’établir les faits suivants :

    • La contremaître n’avait qu’une expérience limitée de l’utilisation du système de télécommande de locomotive pour des opérations de manœuvre, ce qui l’a probablement amenée à établir un plan inadéquat et à tenter de lancer les 3 wagons à une vitesse trop lente dans un secteur connu de pente ascendante.
    • La communication entre les membres de l’équipe a été insuffisante, ce qui a contribué à l’établissement d’un plan inadéquat.
    • L’attitude réservée des membres de l’équipe, le manque d’habitude de travailler ensemble et leur relative inexpérience dans leurs rôles le jour de l’accident ont probablement contribué à leur communication peu fréquente durant leur quart.

    R16T0111 – Le 17 juin 2016, vers 23 h 35 (heure avancée de l’Est), l’affectation de triage de l’embranchement industriel ouest de 21 h du CN effectuait des affectations de manœuvre à l’extrémité sud du triage MacMillan du CN, qui se trouve dans le quartier industriel Concord, à Vaughan (Ontario), à l’aide d’un STL. La manœuvre effectuait un mouvement de tire vers le sud hors du triage avec 72 wagons chargés et 2 wagons vides sur la voie principale no 3 de la subdivision de York afin de dégager l’aiguillage à l’extrémité sud de la voie de départ de la subdivision de Halton et d’accéder à l’aiguillage de la voie d’accès de l’embranchement industriel ouest (W100). L’aide de la manœuvre a tenté d’immobiliser le train pour se préparer à reculer dans la voie W100 et continuer d’effectuer des affectations de manœuvre pour des clients. Toutefois, le train a continué d’avancer. Il est parti à la dérive sur environ 3 milles et a atteint une vitesse de 30 mi/h avant de s’immobiliser de lui-même au point milliaire 21,1 de la subdivision de York. Il n’y a eu ni blessure ni rejet de marchandises dangereuses ni déraillement.

    L’enquête a établi les faits suivants :

    • L’équipe d’affectation ne possédait pas une expérience opérationnelle suffisante pour accomplir en toute sécurité les tâches de l’affectation de triage de l’embranchement industriel ouest au triage MacMillan.
    • Les chefs de train reçoivent peu de formation sur la commande de locomotives ou la conduite de trains, et le Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires n’exige pas une telle formation.
    • Même si les membres de l’équipe d’affectationconnaissaient la longueur et le poids de la manœuvre, ils n’avaient pas les connaissances requises pour bien comprendre les effets de ces facteurs sur la conduite d’un train dans une pente descendante de 0,70 % en utilisant seulement le frein direct des locomotives pour diriger la manœuvre.

    R16W0074 – Le 27 mars 2016, vers 2 h 35, heure normale du Centre, pendant qu’elle effectuait des manœuvres au triage Sutherland à Saskatoon (Saskatchewan), la manœuvre de formation au système de télécommande de locomotive 2300 du Chemin de fer Canadien Pacifique poussait une rame de wagons jusque dans la voie F6. Lorsque la manœuvre s’est arrêtée, le wagon-trémie couvert vide EFCX 604991 s’est dételé du train à l’insu de l’équipe. Le wagon non contrôlé a traversé le triage et s’est rendu jusque sur la voie principale, à l’intérieur de la zone de marche prudente de la subdivision de Sutherland. Le wagon a parcouru environ 1 mille et a franchi 2 passages à niveau publics munis de systèmes d’avertissement automatiques avant de s’arrêter de lui-même. Il n’y a eu aucun blessé ni aucun déraillement. Aucune marchandise dangereuse n’était en cause.

    L’enquête a établi les faits suivants :

    • L’apprentissage des tâches additionnelles liées aux opérations de télécommande de locomotive et à la gestion de la zone de protection des mouvements non accompagnés de concert avec le manque relatif d’expérience du contremaître de triage ont augmenté la probabilité d’une erreur d’inattention à l’égard du dételage.

    R07T0270 – Alors qu’il se dirigeait vers le sud sur la voie de refoulement avec 67 wagons pleins et 30 wagons vides pesant en tout environ 9054 tonnes, l’affectation de triage 2200 West est entrée en collision par le côté avec l’arrière du train M33931-17. Le train était en train de quitter la cour de triage MacMillan à une vitesse de 15 mi/h sur la voie de départ Halton. Deux locomotives et deux wagons de la manœuvre ont déraillé. Six wagons du train 339 ont déraillé ou ont subi des dommages, y compris deux wagons-citernes de transport de marchandises dangereuses spéciaux contenant du chlore (UN1017). Environ 3785 litres de diesel (UN1202) se sont échappés des locomotives qui ont déraillé. Personne n’a été blessé.
    L’enquête a établi les faits suivants :

    • Bien que le CN avait certifié que le nouveau chef de train était qualifié pour utiliser des manœuvres de triage commandées par système Beltpack, ni sa formation ni son expérience n’étaient adéquates pour manœuvrer de longues et lourdes coupes de wagons sur les voies ayant des pertes descendantes.
    • Alors que les apprentis chefs de train reçoivent un enseignement de base et font l’objet d’une évaluation de base en matière de manipulation de mouvements de triage dans le cadre de leur cours portant sur le système Beltpack, ils ne reçoivent pas un enseignement spécifique ou une expérience pratique sur les effets du tonnage, de la longueur, du triage ou de la topographie sur les distances de freinage. En l’absence d’une telle formation et sans l’imposition de restrictions opérationnelles spéciales à ce personnel nouvellement formé, les chefs de train sont inadéquatement qualifiés pour utiliser de façon sécuritaire des mouvements de triage en tout temps.
    • L’examen de certification des chefs de train aux opérations à l’aide d’un système Beltpack dans une cour de triage n’est pas assez rigoureux pour évaluer les habiletés des apprentis chefs de train dans des conditions de travail. En conséquence, les stagiaires qui n’ont pas les habiletés ou l’expérience requises sont mis en service actif sans restriction à leurs tâches.

    R07V0213 – Le samedi, 4 août 2007, à 10 h 40, heure avancée du Pacifique, la manœuvre Beltpack Prince George South Yard (YPSS01-04), tire 53 wagons chargés de la voie PA02 située à l’extrémité nord du triage. Pendant que le mouvement essaie de libérer l’aiguillage pour diriger les wagons vers les voies de classement, il part à la dérive en direction nord et heurte le train M35761-30 du Canadien National, qui entre dans le triage par l’extrémité nord. La manœuvre Beltpack heurte et fait dérailler un wagon chargé d’essence et celui qui le précède, chargé d’essence lui aussi. Deux locomotives, un auxiliaire de traction et un wagon plat à support central chargé qui font partie de la manœuvre déraillent. L’incendie subséquent détruit les deux wagons-citernes, le wagon plat à support central, ainsi que les deux locomotives et l’auxiliaire de traction du mouvement de triage. Personne n’a été blessé. Environ 172 600 litres de carburant (1 600 litres de carburant diesel et 171 000 litres d’essence) se sont déversés. La plus grande partie du carburant a brûlé.

    L’enquête a établi les faits suivants :

    • Même si, les gestionnaires qui contrôlaient la manœuvre à l’aide de la loco-commande Beltpack le jour de l’accident étaient, selon la réglementation, qualifiés pour leurs postes respectifs, ils n’avaient pas suivi une formation adéquate et n’avaient aucune expérience du triage de rames de wagons longues et lourdes dans la pente descendante de la voie de refoulement.
    • La pratique qui consiste à affecter temporairement des gestionnaires à des tâches qui relèvent d’employés expérimentés du secteur de l’exploitation, est susceptible d’accroître les risques d’accident.

    R07W0042 – Le 13 février 2007, une affectation de triage à butte du Canadien National effectuait des opérations d’aiguillage au triage Symington (point milliaire 145,2 de la subdivision Sprague), à Winnipeg (Manitoba). Pendant qu’elle roulait vers l’ouest sur la voie ER-08 à une vitesse d’environ 6 milles à l’heure (mi/h), la manœuvre a pris en écharpe le train no L53241-13 du Canadien National, lequel sortait du triage sur la voie ER-04. La collision a causé le déraillement de quatre des wagons de la manœuvre. Au total, neuf wagons ont subi des dommages. Il n’y a pas eu de déversement de produits dangereux et il n’y a pas eu de blessés.

    L’enquête a établi les faits suivants :

    • Une formation insuffisante, combinée à l’expérience pratique limitée de l’opérateur, a vraisemblablement contribué à l’omission de confirmer le sens d’avancement de la manœuvre après que l’opérateur eut donné un commandement à l’aide de la loco-commande.