Déraillement en voie principale
Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
Train de marchandises U70451-10
Point milliaire 111,7, subdivision de Ruel
Gladwick (Ontario)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 14 février 2015, vers 23 h 35 (heure normale de l'Est), le train-bloc de pétrole brut U70451-10 de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le CN) circulait vers l'est à environ 38 mi/h dans la subdivision de Ruel du CN lorsqu'un freinage d'urgence provenant de la conduite générale s'est produit au point milliaire 111,7, à Gladwick, près de Gogama (Ontario). Une inspection subséquente a permis de constater que les wagons 7 à 35 (29 wagons au total) avaient déraillé. Dix-neuf wagons-citernes ont subi des brèches, et environ 1,7 million de litres de pétrole brut ont été rejetés dans l'atmosphère ou dans le sol. Le produit rejeté s'est enflammé et a brûlé pendant 5 jours. Le déraillement a détruit quelque 900 pieds de voie principale. Il n'y a eu aucune évacuation ni aucun blessé.
1.0 Renseignements de base
1.1 L'accident
Le 10 février 2015, le train-bloc de pétrole brut U70451-10 (le train) de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le CN) a quitté Edmonton (Alberta) en direction est à destination de la raffinerie de Valero Energy Corporation (Valero) à Lévis (Québec).
Le train se composait de 2 locomotives de tête et de 100 wagons-citernes chargés de marchandises dangereuses (MD). De ces 100 wagons-citernes, 68 étaient chargés de pétrole brut (UN 1267) et 32 de distillats de pétrole (UN 1268). Ce train mesurait 6089 pieds de longueur et pesait 14 355 tonnes, et était désigné comme un train cléNote de bas de page 1 exploité sur un itinéraire cléNote de bas de page 2.
Le 14 février 2015, une relève d'équipe prévue a eu lieu à Hornepayne (Ontario), au point milliaire 296,2 de la subdivision de Ruel du CNNote de bas de page 3. L'équipe de train se composait de 1 mécanicien de locomotive et de 1 chef de train. Les 2 membres de l'équipe connaissaient le territoire, répondaient aux normes d'aptitude au travail et de repos et étaient qualifiés pour leur poste respectif. Le train a entamé son voyage vers l'est dans la subdivision de Ruel aux alentours de 20 h 15Note de bas de page 4.
Vers 23 h 35, alors que le train circulait à environ 38 mi/h, un freinage d'urgence provenant de la conduite générale s'est produit à Gladwick (point milliaire 111,7), près de Gogama (Ontario; figure 1). En regardant vers l'arrière, l'équipe du train a vu une grosse explosion et le début d'un incendie. Elle a suivi les procédures d'urgence et lancé le message radio requis. Après l'arrêt du train, l'équipe a dételé les locomotives et les 6 premiers wagons, et a avancé vers l'est jusqu'à un endroit sûr, à l'écart de l'incendie. Il n'y a eu ni blessures ni évacuation.
1.2 Examen des lieux
Les wagons 7 à 35 ont déraillé (figure 2). Les 2 premiers wagons qui ont déraillé, soit le 7e et le 8e wagon à partir de la tête du train (VMSX 310740 et VMSX 311903) se sont immobilisés sur leur flanc à l'extrémité est du lieu du déraillement, au sud de la structure de la voie et plus ou moins parallèlement à celle-ci. Ces 2 wagons ont subi des dommages mineurs et se sont séparés de leurs bogies, mais n'ont pas laissé échapper leur chargement. Un écart d'environ 200 pieds séparait le 8e et le 9e wagons.
Les wagons 9 à 12 se sont immobilisés au sud de la structure de la voie, plus ou moins parallèlement à celle-ci; à cet endroit, la neige fondue et le produit ont formé une petite nappe. Les wagons-citernes 13 à 33 ont subi des dommages plus importants et se sont empilés sur quelque 700 pieds dans différentes positions à l'ouest de la nappe. Les 2 derniers wagons qui ont déraillé, soit le 34e et le 35e wagons à partir de la tête du train, sont restés debout près de la voie à l'extrémité ouest du lieu du déraillement. Le déraillement a détruit quelque 900 pieds de voie.
Dix-neuf des wagons-citernes ont laissé échapper du pétrole brut (UN 1267). Pendant le déraillement, 14 des wagons-citernes (13ee au 16e, 18e au 21e, et 23e au 28e) ont subi des brèches et ont laissé échapper du produit qui s'est accumulé des 2 côtés de la voie. La nappe de produit a pris feu; l'incendie qui a suivi s'est propagé à 5 autres wagons-citernes, lesquels ont subi des ruptures thermiques. Les wagons-citernes 14 à 21 ont subi des brèches et des ruptures thermiques. Environ 1,7 million de litres de produit ont été libérés à l'atmosphère ou déversés dans le sol; l'incendie a brûlé pendant 5 jours.
La table de roulement de la roue L1 du bogie avant du 8e wagon (VMSX 311903), présentait des marques d'impact correspondant à un contact avec l'extrémité exposée d'un rail. On a observé des marques d'abrasion sur la circonférence de la jante extérieure de la roue L4 du bogie arrière, ce qui indique que la roue est tombée entre les rails.
On n'a pas observé de marques d'impact sur l'infrastructure de la voie à l'approche du lieu du déraillement depuis l'ouest. À l'extrémité ouest du lieu du déraillement, on a trouvé un joint isolant brisé sur le rail sud, près du mât du signal au point milliaire 111,7 (photo 1).
Les 2 éclisses se sont brisées en 2 morceaux. On n'a pas retrouvé la partie est des éclisses, mais leur partie ouest est demeurée fixée au rail. On a observé l'écrasement du champignon aux abouts de rail de la partie récupérée du joint. Le dessus des parties restantes des éclisses présentait des ondulations de fatigue, lesquelles constituent un signe de défaillance par fatigue. Selon les renseignements inscrits sur l'âme du rail, un contrôle des défauts de rail à l'aide de la voiture d'auscultation des rails (Sperry) le 18 janvier 2015 avait permis d'identifier des écrasements aux abouts de rail de 3,5 mm au point milliaire 111,7.
On a envoyé les composants de voie au laboratoire du BST afin de les analyser entièrement.
1.3 Conditions météorologiques
Au moment du déraillement, la température était de −31 °C. Le temps est demeuré très froid au cours des 7 jours suivant le déraillement (annexe A).
1.4 Marchandises dangereuses
Le transport de MDNote de bas de page 5 est assujetti à de la réglementation au CanadaNote de bas de page 6 et aux États-UnisNote de bas de page 7. Chaque pays fonde sa réglementation sur les Recommandations relatives au transport des marchandises dangereuses de l'Organisation des Nations Unies.
Le train de l'événement à l'étude transportait du pétrole brut (UN 1267) et des distillats de pétrole (UN 1268). Ces produits sont des liquides inflammables de classe 3 faisant partie du groupe d'emballage (GE) I, lequel comprend les produits les plus dangereux de cette classe.
1.4.1 Liquides inflammables de classe 3
Les liquides inflammables de classe 3 sont des MD dont les vapeurs peuvent former avec l'air un mélange inflammable à une température égale ou inférieure à 60 °C. Ces liquides inflammables peuvent poser de graves dangers en raison de leur volatilité et de leur inflammabilité, qui sont déterminés respectivement par le point d'ébullition initialNote de bas de page 8 et le point d'éclairNote de bas de page 9.
Comme la volatilité et l'inflammabilité des liquides inflammables peuvent varier grandement, les liquides de classe 3 sont classés en fonction de ces caractéristiques pour qu'il soit possible d'établir différentes exigences relativement à leur emballage, leur stockage, leur manutention et leur transport. Selon le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses, les liquides inflammables de classe 3 sont répartis en 3 groupes d'emballage (GE), du GE I (danger le plus élevé) au GE III (danger le plus faible). Les critères ci-dessous s'appliquent à ces MD :
- GE I : regroupe les liquides inflammables dont le point initial d'ébullition est inférieur ou égal à 35 °C à une pression absolue de 101,3 kPa, quel que soit leur point d'éclair.
- GE II : regroupe les liquides inflammables dont le point initial d'ébullition est supérieur à 35 °C à une pression absolue de 101,3 kPa et dont le point d'éclair est inférieur à 23 °C.
- GE III : regroupe les produits qui ne satisfont pas aux critères d'inclusion dans les groupes d'emballage I ou II.
1.4.2 Pétrole brut
Les caractéristiques d'inflammabilité et de volatilité du pétrole brut varient grandement. Ce produit est habituellement qualifié en fonction de sa teneur en soufre (peu sulfureux à sulfureux) et de sa densité (léger à lourd). La densité du pétrole brut est exprimée en degrés selon les normes de l'American Petroleum InstituteNote de bas de page 10 (API); un nombre plus élevé indique une densité plus faible. Les seuils de densité du pétrole brut, soit léger, moyen et lourd, varient selon la région d'origine du produit et l'organisme qui procède à cette déterminationNote de bas de page 11.
Selon le bulletin de composition du train, tous les wagons qui ont déraillé transportaient du pétrole brut (UN 1267).
1.4.3 Procédures d'intervention d'urgence en présence de pétrole brut
Dans le guide 128 du Guide des mesures d'urgenceNote de bas de page 12, on définit les dangers potentiels liés aux produits de pétrole brut, lesquels comprennent aussi les distillats de pétrole. Ce guide comprend des conseils sur les mesures d'urgence et la sécurité publique.
À la section Risques potentielsNote de bas de page 13 du guide, on retrouve ce qui suit :
- Ces produits sont moins denses que l'eau, extrêmement inflammables et « s'enflammeront facilement sous l'action de la chaleur, d'étincelles ou de flammes ».
- « Les vapeurs de ces produits sont plus lourdes que l'air. Elles se propageront au ras du sol pour s'accumuler dans les dépressions ou les endroits clos (égouts, sous-sols, citernes). […] Les vapeurs peuvent former des mélanges explosifs avec l'air. Les vapeurs peuvent se propager vers une source d'allumage et provoquer un retour de flamme au point de fuite ».
- Les vapeurs de ces produits posent un risque explosif à l'intérieur, à l'extérieur ou dans les égouts et les contenants peuvent exploser lorsque chauffés.
Aux sections Mesures d'urgenceNote de bas de page 14 et Sécurité publiqueNote de bas de page 15 du guide, on retrouve ce qui suit :
- On peut utiliser de l'eau « pulvérisée ou en brouillard » ou de la « mousse régulière » pour combattre les incendies, mais il ne faut « pas employer de jet d'eau direct ». Puisque le point d'éclair de ces produits est très bas, l'eau pulvérisée peut s'avérer inefficace; une « mousse antivapeur peut être utilisée pour réduire les émanations ».
- « Envisager une première évacuation d'une distance de 300 mètres [1000 pieds] sous le vent. »
- « Il faut éliminer toutes les sources d'allumage. »
- « Tout équipement utilisé pour manipuler ce produit doit être mis à la terre. »
- « Ne pas toucher ou marcher sur le produit déversé. »
- « Si sans risque, arrêter la fuite. »
- « Empêcher l'infiltration dans les cours d'eau, les égouts, les sous-sols ou les endroits clos. »
- « Absorber ou couvrir avec de la terre sèche, du sable ou tout autre produit non combustible et transférer dans des contenants. »
- « Utiliser des outils antiétincelles propres pour récupérer le matériel absorbé. »
1.5 Norme 472 de la National Fire Protection Association
Partout en Amérique du Nord, les organismes d'intervention d'urgence utilisent la norme National Fire Protection Association 472: Standard for Competence of Responders to Hazardous Materials/Weapons of Mass Destruction Incidents (norme 472 de la NFPA).
La norme 472 de la NFPA définit les niveaux de compétence minimaux requis du personnel d'intervention d'urgence lorsqu'il y a présence de MDNote de bas de page 16 ou d'armes de destruction massive (ADM). Ces personnes doivent pouvoir intervenir efficacement en fonction des risques dans de tels incidents. Cette norme comprend les compétences pour les intervenants suivants :
- le personnel formé au niveau de sensibilisation;
- les intervenants opérationnels;
- les techniciens, Marchandises dangereuses;
- les commandants des interventions;
- les agents, Sécurité de marchandises dangereuses;
- d'autres employés spécialisésNote de bas de page 17.
Les compétences requises des techniciens en MD et des commandants des interventions sont semblables. S'y ajoutent les habiletés suivantes :
- analyser les incidents mettant en cause des MD/ADM pour établir la complexité du problème et les résultats potentiels;
- planifier l'intervention dans les limites des capacités des ressources disponibles;
- mettre en œuvre l'intervention planifiée conformément aux procédures courantes d'exploitation et au plan de sécurité et de gestion du lieu de l'intervention;
- évaluer la progression de l'intervention planifiée et la modifier, au besoin;
- mettre fin à l'incident en contribuant au compte rendu et à la critique de l'incidentNote de bas de page 18.
1.6 Méthode de gestion d'événements mettant en cause des marchandises dangereuses de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
Le CN a mis en œuvre un système de gestion des MD et d'intervention en cas d'urgence chapeauté par son vice-président, Sécurité et développement durable (VPSDD). Le vice-président adjoint, Sécurité et intervention d'urgence (VPA) relève du VPSDD, et assure notamment la gestion d'une équipe de 3 agents responsables des marchandises dangereuses (AMD) principaux. Ces 3 AMD principaux assurent la supervision de leurs régions respectives (ouest du Canada, est du Canada et États-Unis). Dans chacune de ces régions, une équipe d'AMD relève de l'AMD principal.
Les AMD sont postés à la plupart des grands terminaux sur le territoire du CN; du personnel posté à chacun des terminaux est formé pour venir en aide durant une intervention. Tous les membres de l'équipe sont formés pour acquérir les compétences requises en vertu de la norme 472 de la NFPA pour leurs postes respectifs. On offre de la formation périodique tous les 3 ans au Security and Emergency Response Training Center du Transportation Technology Center Incorporated de l'Association of American Railroads (AAR) à Pueblo (Colorado).
En 2006, le CN a engagé le VPA, qui était déjà un expert reconnu en interventions d'urgence mettant en cause des MD, et lui a donné le mandat de mettre sur pied l'équipe des MD du CN et de développer le plan d'intervention d'urgence du CN et une formation sur les interventions d'urgence dans le domaine ferroviaire à l'échelle de l'entreprise. Chacune de ces initiatives se fondait sur les pratiques d'intervention d'urgence établies, les instructions de la compagnie et la norme NFPA 472.
Au CN, les AMD avaient en leur possession :
- des copies papier de différents documents de référence, dont le Guide des mesures d'urgence, le manuel du National Institute for Occupational Safety and Health et des tableaux de conversion variés;
- une tenue d'intervention en cas d'incendie;
- des vêtements ignifuges;
- un appareil respiratoire autonome;
- un détecteur de gaz multiples (limite inférieure d'explosivité, oxygène, monoxyde de carbone et dioxyde de carbone);
- des tubes colorimétriques pour échantillonner des produits lorsqu'il est impossible de le faire à l'aide du détecteur de gaz multiples.
Les AMD du CN avaient aussi accès à des appareils portatifs de surveillance météorologique qui mesuraient la vitesse et la direction du vent. Ces renseignements peuvent s'avérer utiles pour déterminer la direction de l'approche des intervenants d'urgence au lieu d'un accident. Dans le cas de l'événement à l'étude, le CN n'a pas noté de données météorologiques.
1.7 Commandement en cas d'incident
Lorsque des liquides inflammables de classe 3 sont en cause dans une situation d'urgence, les meilleures pratiques du secteur exigent la mise en place d'une structure de commandement formelle en cas d'incident (SCI) afin de gérer les interventions.
En mars 1990Note de bas de page 19, les États-Unis ont modifié la loi pour inclure la SCI. Depuis lors, les militaires, les pompiers, les policiers et les équipes d'intervention d'urgence en cas de déversement de MD l'utilisent souvent. Cette structure a été élaborée pour organiser le personnel, l'équipement et les ressources afin de répondre à toutes les situations d'urgence, y compris les incendies et les incidents mettant en cause des MD. Au Canada, lorsqu'on établit une SCI lors d'incidents où il y a présence d'incendie ou de MD, le chef des pompiers local ou un représentant provincial assume habituellement le rôle de commandant des interventions. Dans le cas d'accidents ferroviaires, si aucun autre organisme n'intervient, le responsable du chemin de fer sur place le plus haut gradé s'occupe généralement de la mise en place de la SCI et de la gestion des activités de remise en état.
Une SCI efficace comprend notamment :
- un commandant des interventions responsable des activités liées à l'incident;
- une équipe de SCI avec des responsabilités claires et composée d'un agent d'information, d'un agent de la sécurité des lieux, d'un agent de planification et de logistique et d'autres personnes selon l'envergure et la complexité de l'incident;
- un périmètre de sécurité convenable qui permet de contrôler l'accès au site;
- un poste de commandement réservé pour faciliter les réunions et les comptes rendus;
- un point d'accès contrôlé au site;
- un système de contrôle d'accès au site, avec feuilles d'arrivée/départ et insignes d'identité pour assurer le suivi de tout le personnel sur les lieux et coordonner les activités;
- un point de contrôle de toutes les interventions afin de garantir qu'elles sont appropriées et que le matériel utilisé est compatible avec le produit en cause (dans le cas des liquides inflammables, cela signifie l'utilisation d'outils anti-étincelles, d'appareils électroniques à sécurité intrinsèque et de matériel mis à la terre pour prévenir toute combustion);
- un point de contrôle des mesures d'atténuation des risques pour en garantir la bonne coordination, la sécurité et la documentation.
1.8 Intervention en cas d'urgence
L'événement à l'étude s'est produit dans un endroit éloigné situé à environ 90 km au sud de Timmins (Ontario). Initialement, l'impossibilité d'accéder au site par d'autres moyens que la voie (locomotive ou véhicule rail-route) a entravé l'accès au site et la mise en œuvre des mesures d'atténuation. Le froid extrême, les conditions hivernales difficiles et l'éloignement de l'emplacement ont posé un certain nombre de défis pendant l'intervention, dont :
- l'accès au lieu de l'accident (amélioré par l'aménagement d'une route permettant aux véhicules de s'y rendre);
- le déploiement d'équipement de lutte contre les incendies et de remise en état du site;
- l'utilisation et le gel de l'équipement;
- l'accès à des abris et à des aires de repos pour les intervenants d'urgence;
- les communications (par téléphone satellite seulement).
Dans le cas de l'événement à l'étude, le CN, à titre de principal organisme d'intervention, a mis en œuvre son système de commandement en cas d'incident. Le premier vice-président, Exploitation, Région de l'est du CN a agi à titre de commandant des interventions et a été soutenu par le VPA, l'AMD, d'autres employés du CN et des entrepreneurs.
1.8.1 Documentation relative au commandement en cas d'incident
En raison de leur nature, les interventions en déraillements mettant en cause des MD peuvent être dynamiques et fluides, car ces situations peuvent changer rapidement. Une fois sur le site d'un événement, il faut prévoir un certain temps pour la sécurisation du site, la mise en place de la structure de commandement en cas d'incident (SCI), le transport des techniciens en MD jusqu'au site, les activités de reconnaissance initiales, la planification et la mise en application des mesures d'atténuation.
Pour chaque incident, les protocoles du CN exigent la tenue d'un registre des interventions d'urgence au centre de commandement pour documenter les différentes activités effectuées sur le lieu de l'incident. Le registre du CN était bien structuré et contenait des renseignements utiles et des conseils sur sa tenue et sur la documentation de toutes les réunions notamment. Le personnel de la gestion des risques du CN a été chargé de tenir ce registre.
Une fois que le CN eût mis en œuvre la SCI, la compagnie a tourné son attention vers la construction d'une route d'accès au site et la mobilisation du personnel et des ressources d'intervention, et ce, pour réduire au minimum les dommages à l'environnement, maîtriser les feux en nappe et entamer la réparation de la voie. Ces activités sont normalement documentées dans le registre. Toutefois, dans le cas de l'événement à l'étude, le registre ne contenait pas d'entrées. Ainsi, il n'y avait à peu près pas de comptes rendus de séances régulières sur la sécurité décrivant l'avancement et les défis et aucun sur les plans de travail sécuritaire soulignant les mesures d'atténuation mises en œuvre pendant l'ensemble de l'intervention. Autrement dit, il n'y avait aucun rapport détaillé décrivant :
- l'accès au site et la surveillance des wagons touchés;
- les activités de démolition;
- les réunions et les décisions internes;
- les réunions tenues avec les tierces parties et les comptes rendus leur ayant été présentés.
1.8.2 Surveillance du lieu de l'accident
Immédiatement après le déraillement, un incendie a éclaté et a engouffré un grand nombre des wagons-citernes qui avaient subi des brèches. L'incendie a rompu 7 autres wagons-citernes (en raison de ruptures thermiques), et ceux-ci ont laissé échapper plus de pétrole brut dans l'environnement (photo 2).
Le 15 février, un centre de commande mobile du CN s'est rendu sur place depuis Sudbury (Ontario) et a établi des moyens de communications avec l'extérieur (téléphone satellite). Les intervenants disposaient ainsi d'un point de rencontre pour la planification des activités et d'un abri contre les éléments et les températures glaciales. Le 16 février, un second centre de commande mobile est arrivé sur les lieux et a été mis en service pour soutenir l'élargissement des mesures d'atténuation.
Le CN a initialement tenté de mettre sur pied un protocole formel de suivi des arrivées et des départs de tout le personnel travaillant au lieu de l'événement à l'étude. Toutefois, ce protocole n'a pas toujours été suivi, notamment en raison de l'éloignement du site et des difficultés à y accéder et à en sortir. Il s'est amélioré quelque peu après que le transport par locomotive ou véhicule rail-route du personnel ait été éliminé par la construction d'une route d'accès au site; toutefois, il n'existait toujours pas de liste fidèle des personnes se trouvant sur place ou non.
Une fumée dense tourbillonnait sur le site pendant que le produit brûlait et que les mesures d'atténuation progressaient. En vertu des protocoles sur les MD, les intervenants doivent approcher un site de matières dangereuses avec le vent dans le dos. Toutefois, pendant l'événement à l'étude, aucun dispositif de mesure du vent n'a été utilisé.
Initialement, de nombreux employés ne portaient pas de masques faciaux ou de respirateurs pour se protéger contre les particules en suspension dans l'air produites par l'incendie ou contre les vapeurs des composés organiques volatils (COV)Note de bas de page 20 du produit (p.ex., les vapeurs de benzène). Ainsi, les intervenants voyaient leur peau nue, ainsi que leur bouche et leur nez, recouverts de suie à la fin de leur quart de travail. Plus tard au cours de l'intervention, les employés ont reçu des masques antipoussières pour les protéger contre les particules.
En raison de la nature du produit déversé, on a surveillé la limite inférieure d'explosivité des COVNote de bas de page 21 et les niveaux de sulfure d'hydrogène (H2S) sur le site. Les AMD du CN et les entrepreneurs ont mesuré, toutes les 30 minutes, le niveau de benzène sur le site. Toutefois, les mesures du niveau de benzène n'étaient valables qu'à l'endroit exact où elles avaient été prises. On a rapporté un niveau de benzène maximal de 0,46 partie par million, ce qui est bien en deçà de la limite d'exposition à court terme établieNote de bas de page 22 de 5 parties par million (moyenne au cours d'une période de 15 minutes)Note de bas de page 23. Cependant, on n'a pas fourni de respirateurs à cartouches à demi-masque ou de masques complets aux employés pour les protéger contre l'exposition répétée et cumulée potentielle au benzène pendant la mise en œuvre des mesures d'atténuation prolongées sur le site.
1.9 Impacts environnementaux
1.9.1 Description du lieu de l'événement à l'étude
L'endroit où le déraillement s'est produit est délimité à l'ouest par de basses terres humides et à l'est par une zone boisée, un ruisseau et des zones encore plus basses. Dans les environs du déraillement, un petit ruisseau, alimenté par l'eau des basses terres, coulait de l'ouest à l'est sous l'emprise de la voie par l'intermédiaire d'un ponceau de 40 pouces. Le ruisseau s'étendait vers le nord vers l'extrémité du lieu du déraillement, tournait vers l'ouest au-delà de celui-ci, puis se déversait dans un étang affluent du lac Upper Kasasway.
Le sol au lieu du déraillement était enneigé. Il était composé de sable non consolidé perméable sur fond rocheux. La nappe aquifère se trouvait à environ 6 à10 pieds sous la surface. Après le déraillement, une grande nappe de pétrole et d'eau s'est formée du côté sud de la voie, à l'endroit où le ponceau était bouché. Le plan d'intervention environnementale du CN portait principalement sur le confinement de l'écoulement direct de surface, car on supposait que le produit déversé était moins dense que l'eau.
1.9.2 Programme de surveillance des eaux de surface
La contamination des eaux de surface se limitait aux zones où du pétrole brut était entré en contact avec la surface. On a mis sur pied un programme d'échantillonnage des eaux de surface dans les environs du déraillement, y compris le ruisseau menant au lac Upper Kasasway et différents endroits du lac Upper Kasasway.
Au début, chaque endroit était observé quotidiennement pour déceler toute conséquence visuelle ou olfactive. Après plusieurs rondes consécutives d'échantillonnage aux résultats négatifs, la fréquence d'échantillonnage fut réduite à 2 fois par semaine jusqu'à la fin de l'automne 2015. La surveillance des eaux de surface fut reprise au printemps 2016; depuis le 1er juillet 2016, la surveillance s'effectue tous les trimestres, et la durée du programme est indéfinie.
1.9.3 Traitement des eaux usées et activités de déviation des cours d'eau
On a dépêché des unités mobiles d'épuration des eaux usées (UME) sur le lieu de l'accident. Toutes les UME étaient assujetties à de la réglementation provinciale et approuvées en conséquence et détenaient un certificat d'approbation mobile ou une approbation de conformité environnementale mobile. Avant de libérer les eaux traitées, on a respecté à la lettre les exigences relatives à l'échantillonnage des eaux confinées et les critères d'évacuation. Trois UME installées en série ont traité toutes les eaux contaminées qui avaient été récupérées, puis les ont libérées dans l'environnement.
1.9.4 Programme de surveillance des eaux souterraines
Dix-sept puits d'échantillonnage des eaux souterraines ont servi à vérifier la direction de l'écoulement et la profondeur des eaux souterraines et déterminer si elles avaient été contaminées par le produit déversé. Les eaux souterraines se trouvaient à environ 2,5 et 3,5 m sous la surface du sol et n'étaient contaminées qu'aux endroits où du pétrole brut flottait en surface. Les contaminants ont été retirés avec succès pendant les travaux de réhabilitation du sol des côtés est et ouest de la plateforme de la voie.
La surveillance des eaux souterraines fut interrompue pour la saison hivernale en novembre 2015 (à ce moment, aucune contamination par du pétrole brut n'avait été détectée dans l'eau) et fut reprise au printemps 2016. En date du 1er juillet 2016, aucun impact environnemental négatif n'avait été observé en ce qui concerne les eaux souterraines.
1.9.5 Excavation et confinement du sol
On a retiré par camion un volume considérable de sol contaminé du lieu du déraillement. L'accès routier limité au site et le peu de sites d'enfouissement dans les environs en mesure d'accepter du sol contaminé ont nui à la mise en œuvre de cette mesure.
Par la suite, 13 cellules de confinement du sol doublées ont été construites pour entreposer le sol contaminé jusqu'à ce qu'il soit possible de le transporter dans un site d'enfouissement approuvé. Chaque cellule de confinement pouvait contenir environ 2500 tonnes (5000 m³) de sol. Au printemps 2016, le Ministère de l'Environnement et de l'Action en matière de changement climatique (MEACC) de l'Ontario a déclaré ce sol comme étant un déchet non dangereux; on a transporté par camion tout le sol contaminé entreposé au lieu de l'accident vers des sites d'enfouissement approuvés.
1.9.6 Remise en état du site
Le CN a transmis un plan de remise en état détaillé à tous les organismes de réglementation et à la première nation de Mattagami afin qu'ils l'étudient et le commentent. Au printemps 2016, on a réhabilité la forêt conformément à un programme de plantation des divers spécimens indigènes détruits, et ce, avec l'aide de la première nation de Mattagami.
Le 27 mai 2016, le CN a transmis un rapport environnemental de fermeture au MEACC dans le cadre du processus d'approbation de la fermeture du site. À ce moment, on attendait toujours les résultats de la dernière ronde d'analyse de l'eau (prévue à l'automne 2016), mais on s'attendait à ce que la fermeture du site soit approuvée. Toutefois, on continuera à surveiller les 17 puits de surveillance des eaux souterraines installés au lieu de l'accident tous les trois mois, et ce, pour une période indéfinie.
1.10 Catégorie de voie
On définit toutes les lignes ferroviaires en fonction d'une catégorie de voie particulière qui indique l'état et le niveau de maintenance de la voie. Le Règlement concernant la sécurité de la voie (RSV) approuvé par Transports Canada (TC), aussi connu sous le nom de Règlement sur la sécurité ferroviaire, décrit les catégories de voie et les vitesses maximales corollaires auxquelles les trains peuvent circuler. Conformément au RSV, la catégorie de voie la plus restrictive est la catégorie 1, qui limite les trains de marchandises à une vitesse maximale de 10 mi/h. La catégorie de voie la plus étendue est la catégorie 5, qui permet une vitesse maximale de 80 mi/h pour les trains de marchandises.
1.11 Renseignements sur la subdivision
La subdivision de Ruel du CN se compose d'une voie principale simple qui s'étend, d'est en ouest, de Capreol (Ontario; point milliaire 0,0) à Hornepayne (Ontario; point milliaire 296,2). Les mouvements de train dans cette subdivision sont régis par le système de commande centralisée de la circulation (CCC) autorisé en vertu du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REFC) et sont supervisés par un contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) en poste à Toronto (Ontario).
Dans les environs du déraillement, la voie appartenait à la catégorie 3. La vitesse limite autorisée est de 40 mi/h pour les trains de marchandises et de 45 mi/h pour les trains de voyageurs. En moyenne, 18 trains de marchandises parcouraient chaque jour la subdivision de Ruel. Un train de voyageurs de VIA Rail Inc. y circulait en direction ouest les mercredis et samedis et en direction est les mercredis et vendredis.
Au lieu du déraillement, la voie est une voie principale simple en alignement généralement orientée d'est en ouest. Elle était formée de longs rails soudés (LRS) de 136 livres fabriqués par Sydney Steel en 1996. On a mesuré une usure du rail de 6 mm, ce qui est inférieur à 75 % de la limite de réforme d'usure verticale. Les rails étaient posés sur des selles à double épaulement de 14 pouces fixées à des traverses en béton à l'aide d'attaches Pandrol. Le ballast était fait de roche concassée. Les banquettes avaient une largeur d'environ 16 pouces et les cases étaient garnies.
De 2010 à 2014, le tonnage de marchandises dans la subdivision de Ruel est passé de 32,8 millions de tonnes-milles brutes par mille (MTMB/mille) à 47,1 MTMB/mille (tableau 1). Pendant la même période, le nombre de wagons complets de pétrole brut est passé de 62 à 75 186.
Année | Marchandises (MTMB/mille)* | Marchandises TMB (milliers) | TMB de pétrole brut (milliers) | Pétrole brut (wagons complets) | Pétrole brut (MTMB/mille) |
---|---|---|---|---|---|
2010 | 32,8 | 9 709 654 | 2263 | 62 | 0,007 |
2011 | 35,3 | 10 452 629 | 71 369 | 2843 | 0,240 |
2012 | 36,8 | 10 897 795 | 459 077 | 19 399 | 1,549 |
2013 | 37,2 | 11 013 838 | 835 271 | 34 384 | 2,819 |
2014 | 47,1 | 13 956 400 | 1 937 152 | 75 186 | 6,540 |
* Dans l'industrie ferroviaire, on utilise indifféremment les termes « million de tonnes brutes » (MTB), « million de tonnes-milles brutes » (MTMB) et « million de tonnes-milles brutes par mille » (MTMB/mille). |
1.12 Joints de rail
Les joints de rail fixés à l'aide d'éclisses constituent des discontinuités de la surface des rails. Si un joint n'est pas adéquatement soutenu ou entretenu, il peut faire l'objet de surcharges dynamiques causées par les chocs de roues. Un joint bien entretenu est solidement soutenu par des traverses en bon état reposant sur du ballast bien bourré, perméable et propre. Si des joints ne sont pas adéquatement soutenus ou entretenus, les chocs exercés par les roues peuvent s'accentuer. Cela peut entraîner une augmentation du déplacement vertical des rails, un desserrage et une détérioration du joint, des écrasements aux abouts de rail, et une dégradation des traverses, du ballast et de la plateforme sous le joint.
En territoire signalisé, on installe des joints isolants à la limite des circuits de voie pour isoler électriquement des sections de voie (cantons). Ces joints sont généralement assemblés en usine et se composent de 2 morceaux de rail fixés à l'aide d'éclisses. On place un matériau isolant époxyde entre les rails et les éclisses pour isoler ces composants. On utilise des bagues en fibre isolante et des garnitures isolantes latérales pour isoler les boulons et les éclisses.
Les défaillances de joints isolants sont généralement de nature électrique et causées par un décollement des adhésifs, le bris ou l'usure d'un composant isolant ou la défaillance mécanique des éclisses en raison de charges dynamiques.
1.13 Écrasement aux abouts de rail et dénivellation locale
Un écrasement aux abouts de rail se produit à un joint de rail lorsque les extrémités des champignons ne correspondent pas ou qu'il y a un écart trop important entre l'extrémité des rails. Un écrasement aux abouts de rail constitue un signe de dégradation du soutien du joint qui peut se traduire par un mouvement excessif du joint. Un joint brise le plus souvent en raison d'un mauvais soutien, lequel est généralement causé par du ballast pollué, des traverses en mauvais état ou des pièces de fixation desserrées. En Amérique du Nord, la durée de vie moyenne d'un joint isolant est d'environ 200 millions de tonnes-brutes (MTB)Note de bas de page 24. Cela est inférieur à la durée de vie de la plupart des autres composants des surfaces de roulement de l'infrastructure ferroviaire.
Les affaissements localisés de la table de roulement (aussi appelés dénivellations locales de la surface de roulement [LSC]) se caractérisent par un fluage plastique du métal qui cause un aplatissement et une déformation du champignon du rail au-dessus du plan du congé âme-champignon. Les LSC sont généralement dues à une interaction mécanique provenant de charges de roue répétitives. Les chocs exercés par les roues augmentent avec l'aggravation des LSC et l'accroissement de l'usure verticale du champignon. Cette situation peut entraîner d'importantes contraintes de contact et mener au développement d'autres défauts de rail. Plus particulièrement, les LSC et les écrasements aux abouts de rail sont souvent des conséquences d'un soutien inadéquat de la voie (creux ou affaissement de la surface), ce qui fait croître les chocs exercés par les roues et, par conséquent, causer des défauts de fatigue catastrophiques des composants de la voie.
Le Règlement sur la sécurité de la voie (RSV) ne contient aucune orientation ni aucun critère sur les limites critiques pour un écrasement aux abouts de rail ou une LSC. Au Canada, ces défauts font partie de la catégorie des problèmes de surface de roulement de rail, et non de la catégorie des défauts de rail. Bien qu'on ne juge pas qu'il s'agisse de défaillances en service, ces problèmes de surface de roulement de rail sont un indicateur de défauts émergents potentiels dans le rail.
La norme de la voie (NV) 1.7 des Normes de la voie – Ingénierie (NVI) du CN, intitulée « Périodicité d'inspection des rails et mesures correctives dans le cas de rails défectueux », comprend les articles suivants :
- À l'article 10a., on indique qu'il faut surveiller les LSC dont la profondeur est inférieure à 5 mm sur un rail usé à moins de 75 % de la limite de réforme de son usure verticale.
- À l'article 10b., on énonce les limites relatives aux écrasements aux abouts de rail en saison hivernale :
Durant les mois d'hiver (comme déterminés par l'ingénieur en chef régional), on doit appliquer les mesures ci-dessous aux joints de rail situés sur les voies de catégorie 3 ou de catégorie supérieure supportant annuellement un tonnage de 10 MTB ou plus.
Si l'écrasement aux abouts de rail est :
> 3,5 mm > 4 mm ≥ 5 mm
- Le mesurer deux fois par semaine.
- Remplacer le rail dans les 48 heures.
- Si le rail ne peut pas être remplacé, appliquer une limitation de vitesse de 40 mi/h jusqu'à ce qu'on puisse le remplacer.
- Limiter la vitesse à 30 mi/h.
- Remplacer le rail dans les 48 heures, sans exception.
On peut mesurer la profondeur d'un LSC ou d'un affaissement aux abouts de rail à l'aide d'une règle droite, comme on le montre à la figure 3.
1.14 Inspection de la voie
Les exigences réglementaires minimales sur l'inspection des voies ferrées sous réglementation fédérale sont définies dans le Règlement sur la sécurité de la voie (RSV). Lorsqu'il constate qu'une voie n'est pas conforme au RSVH, « le chemin de fer doit immédiatement [...] rétablir la conformité de la voie [...] » ou « en interrompre l'exploitation »Note de bas de page 25.
1.14.1 Contrôle de la géométrique de la voie
Selon le Règlement sur la sécurité de la voie (RSV), une voie de catégorie 3 dont le tonnage annuel est supérieur à 35 MTB doit faire l'objet d'un contrôle de la géométrie de la voie au moins 2 fois par année. Conformément au RSV, l'écart de la flèche par rapport au profil uniforme sur une corde de 62 pieds ne peut-être, sur l'un ou l'autre rail, supérieur à 2 ¼ pouces.
Conformément à la NV 7.1, intitulée « Géométrie de la voie », des NVI du CN :
- [l]es dépassements des valeurs limites établies dans le Règlement sur la sécurité de la voie de Transports Canada [...] sur la géométrie de la voie sont définis comme étant des défauts nécessitant une INTERVENTION URGENTENote de bas de page 26.
Cette norme comprend également ce qui suit :
- Lorsque les défauts de la voie dépassent les valeurs limites au-delà desquelles une INTERVENTION URGENTE est déclenchée, on doit prendre l'une ou l'autre des mesures ci-dessous avant un nouveau passage de train sur la partie de voie où se trouve le défaut :
- corriger le défaut de façon à obtenir des valeurs en deçà des valeurs limites;
- imposer une limitation temporaire de vitesse (LTV) ne dépassant pas la vitesse maximale permise sur les voies de la catégorie pour laquelle des défauts de cette importance sont tolérés [...]; ou
- interrompre la circulation sur la partie de voie concernéeNote de bas de page 27.
Les défauts approchant les limites de géométrie de la voie définies dans le RSV sont des défauts nécessitant une intervention « quasi urgente ». À l'article 3 de la NV 7.1 des Normes de la voie du CN, on indique ce qui suit :
i) Les défauts nécessitant une intervention QUASI URGENTE, qui seront repérés par le véhicule de contrôle de la géométrie de la voie, doivent être inspectés dans un délai de 72 heures et être corrigés dans un délai de 30 joursNote de bas de page 28.
La NV 7.1 comprend également ce qui suit :
- Les dépassements des valeurs limites d'entretien admises au CN sont définis comme étant des défauts nécessitant une INTERVENTION PRIORITAIRE.
- Les défauts de la voie qui dépassent les valeurs au-delà desquelles une INTERVENTION PRIORITAIRE est déclenchée doivent être surveillés jusqu'à ce qu'ils soient réparés, de façon qu'ils ne deviennent pas des défauts nécessitant une INTERVENTION URGENTENote de bas de page 29.
Selon la NV 7.1 des Normes de la voie du CN, la « valeur maximale des défauts de dressage, établis par la mesure de la flèche au milieu d'une corde de 62 pieds, ne doit pas dépasser » 1 ¼ pouce pour une voie de catégorie 3Note de bas de page 30
Le tableau 2 donne un aperçu des défauts de géométrie détectés par le CN dans la subdivision de Ruel de 2011 à 2014 et nécessitant une intervention prioritaire, quasi urgente ou urgente.
Type de défaut | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 |
---|---|---|---|---|
Intervention prioritaire | 14 538 | 30 634 | 13 827 | 9053 |
Intervention quasi urgente | 5030 | 11 971 | 5326 | 2289 |
Intervention urgente | 390 | 892 | 308 | 302 |
Total | 19 958 | 43 497 | 19 461 | 11 644 |
Les contrôles de la géométrie de la voie dans la subdivision de Ruel étaient effectués de 4 à 6 fois par annéeNote de bas de page 31, le plus récent ayant eu lieu le 2 novembre 2014, soit environ 3 mois avant le déraillement. Pendant ce contrôle, on avait détecté un creux de surface de 1 pouce sur le rail sud au joint isolant du point milliaire 111,7. Comme le creux ne dépassait pas le critère du RSV sur les défauts nécessitant une intervention urgente (2 ¼ pouces) ou celui du CN sur les défauts nécessitant une intervention prioritaire (1 ¼ pouce), le CN n'a pris aucune mesure pour le réparer et rien ne l'y obligeait.
1.14.2 Contrôle des défauts de rail
Selon le Règlement concernant la sécurité de la voie (RSV), une voie de catégorie 3 dont le tonnage annuel est supérieur à 35 MTB doit faire l'objet d'un contrôle des défauts de rail au moins 2 fois par année. L'équipement d'inspection doit pouvoir détecter les défauts de rail recouverts par les éclisses. Selon ce règlement, les écrasements aux abouts de rail ne constituent pas des défauts de rail.
Le CN effectue un contrôle des défauts de rail dans la subdivision de Ruel environ tous les 20 jours en saison hivernale et tous les 37 jours pendant les autres saisonsNote de bas de page 32. Les 2 derniers contrôles des défauts de rail s'étaient déroulés le 18 janvier 2015 et le 7 février 2015. Le contrôle du 18 janvier 2015 a permis de détecter un écrasement de 3,5 mm aux abouts du rail sud du joint isolant au point milliaire 111,7. Aucun défaut de rail n'a été détecté dans la zone durant le contrôle du 7 février 2015.
Cet écrasement aux abouts de rail n'avait pas encore atteint la limite justifiant une surveillance, telle que définie dans les NVI du CN. Toutefois, par mesure de précaution, le superviseur adjoint de la voie (SAV) responsable du territoire a commencé à surveiller cet écrasement aux abouts de rail 2 fois par semaine. Comme on avait déjà constaté ce problème et qu'on l'avait inscrit sur le railNote de bas de page 33, cet écrasement aux abouts de rail n'a pas été ajouté au rapport de contrôle des défauts de rail du 7 février 2015.
De janvier 2014 à mars 2015, les contrôles des défauts de rail effectués dans la subdivision de Ruel ont permis d'identifier 570 défauts (tableau 3), dont 332 affaissements localisés de la surface de roulement, 87 écrasements aux abouts de rail et 19 écrasements du champignon. L'état de la surface de roulement du rail a exigé une surveillance ou des réparations considérables de la part des inspecteurs et des équipes d'entretien.
État de la surface de roulement/défaut de rail | Nombre | Pourcentage du total* |
---|---|---|
Trou de boulonnage | 31 | 5 % |
Champignon écrasé | 19 | 3 % |
Soudure défectueuse faite sur le terrain | 35 | 6 % |
Soudure défectueuse faite en usine | 8 | 1 % |
Rupture de fatigue | 12 | 2 % |
Fissuration horizontale de l'âme | 3 | 1 % |
Fissuration horizontale du champignon | 7 | 1 % |
Affaissement localisé de la surface de roulement | 332 | 58 % |
Écrasement aux abouts de rail | 87 | 15 % |
Fissuration de l'âme | 5 | 1 % |
Fissuration verticale du champignon | 31 | 5 % |
Total | 570 | 100 % |
* On a arrondi certaines valeurs. |
1.14.3 Inspections visuelles
1.14.3.1 Voie
Selon le RSV et la NV 7.0 (Directives relatives à l'inspection de la voie) des NVI du CNNote de bas de page 34, toute voie de catégorie 3 dont le tonnage annuel est supérieur à 35 MTB doit faire l'objet d'une inspection visuelle au moins 2 fois par semaine. Toutefois, au cours de l'hiver 2015, le CN a demandé à ce qu'on effectue des inspections de la voie quotidiennes dans le nord de l'Ontario en raison de la température et de la neige.
Le SAV avait effectué la plus récente inspection visuelle de la voie le 12 février 2015, sans remarquer d'aggravation du problème d'écrasement aux abouts de rail du joint isolant au point milliaire 111,7. À ce moment toutefois, il ne l'avait inspecté que visuellement, sans prendre de mesure. Cet écrasement aux abouts de rail mesurait 3,5 mm lors du contrôle des défauts de rail du 7 février 2015. Aucune mesure de cet écrasement aux abouts de rail n'a été consignée pendant les inspections visuelles, et il n'était pas requis de le faire.
1.14.3.2 Exigences sur l'inspection des joints du Règlement concernant la sécurité de la voie
À l'article V (Joints de rail) de la section D (Structure de la voie) du Règlement concernant la sécurité de la voie, on indique ce qui suit :
- Tous les joints de rail, ordinaires, isolants et mixtes, doivent présenter des caractéristiques et des dimensions compatibles avec les rails qu'ils réunissent.
- Lorsque, sur une voie de catégorie 3, 4 ou 5, une éclisse est fissurée, cassée, ou que, en raison de son usure, elle permet le déplacement vertical de l'un des rails alors que tous les boulons sont serrés, il est nécessaire de la remplacer.
- Lorsqu'une éclisse est fissurée ou rompue entre les deux trous de boulon centraux, il faut remplacer cette dernièreNote de bas de page 35.
Au paragraphe 2.5 (Inspection à pied) de l'article 2 (Voie – Inspections) de la section F (Inspection), on indique ce qui suit :
- Une inspection à pied doit être effectuée sur toutes les voies à joints éclissés et voies à traverses de béton dont la courbure est de 4 degrés ou plus. Si les éclisses sont inspectées par un moyen électronique, tel qu'une caméra ou toute autre technologie capable de détecter des éclisses défectueuses, il n'est pas nécessaire, dans un territoire à joints éclissés, de procéder à une inspection à pied des voies droites et des courbes de moins de 4 degrés de courbure; cependant, toutes les voies qui présentent des courbes de 4 degrés ou plus doivent faire l'objet d'une inspection à piedNote de bas de page 36.
1.14.3.3 Exigences sur l'inspection des joints de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
À l'article 6 de la NV 7.0 (Directives relatives à l'inspection de la voie) des NVI du CN, on indique notamment ce qui suit :
Les éclisses sur les tronçons en LRS doivent faire l'objet d'une inspection à pied une fois par année, selon la fréquence établie pour la catégorie de voie et le tonnage annuel [...]Note de bas de page 37.
Il faut inspecter 2 fois par année les joints de rail de toute voie de catégorie 3 dont le tonnage annuel se situe entre 40 et 60 MTB. Il n'y avait aucun rapport indiquant qu'on avait effectué des inspections à pied des joints dans les environs du joint isolant en cause dans l'événement à l'étude.
Ces mêmes normes fournissent des conseils sur les mesures à prendre lorsque l'on constate un problème à un joint de longs rails soudés (LRS) ne justifiant pas de réparation en vertu de la réglementation.
À l'article 8 de la NV 7.0 (Directives relatives à l'inspection de la voie) des NVI du CN, on indique notamment ce qui suit [traduction]Note de bas de page 38 :
Si l'on constate l'un des problèmes suivants [...] à un joint de LRS, et que la réglementation ne requiert pas la prise de mesures correctives ou qu'il est impossible d'éliminer ce problème immédiatement, il faut effectuer des inspections de suivi à pied jusqu'à ce que le problème soit éliminé.
État des joints de rail | Mesures correctives |
---|---|
Éclisse visiblement fissurée | Remplacer |
Écrasement des abouts (profondeur supérieure à 5/16 po [8,0 mm] et longueur supérieure à 6 po; mesures prises à l'aide d'une règle de 24 po) | Corriger le nivellement du joint ou remplacer le rail* |
Déplacement vertical d'un joint (profil) excédant 75 % de la valeur limite prévue pour la catégorie de voie visée | Corriger le nivellement du joint* |
* Ou faire effectuer une inspection de suivi toutes les deux semaines jusqu'à ce que le défaut soit corrigé ou supprimé. |
Le SAV aurait effectué une inspection visuelle de l'écrasement aux abouts de rail du joint le 12 février 2015 dans le cadre d'une inspection visuelle bihebdomadaire effectuée en véhicule rail-route.
1.14.4 Directives d'inspection de la voie de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
Le module 5 de la formation 00022E, intitulée « Inspection de la voie », sur les directives d'inspection de la voie du CN traite des éléments suivants à l'intention des employés :
- l'assemblage des joints de rail;
- le nombre minimal de boulons par joint;
- le désaffleurement des abouts de rails;
- les exigences sur les écrasements aux abouts de rail;
- les défauts de géométrie causés par les joints bas;
- les exigences de la NV 7.0, Directives relatives à l'inspection de la voie, des NVI du CN.
Les directives d'inspection de la voie et la NV 7.0 des NVI du CN traitent des mesures correctives de différents problèmes de joints. Il faut corriger le nivellement des joints accompagnés de ballast pollué et d'un déplacement vertical (profil) excédant 75 % de la valeur limite prévue pour la catégorie de voie visée. On ne mentionne pas dans ces documents le nivellement des joints dont le déplacement vertical est inférieur à 75 % de la valeur limite prévue pour la catégorie de voie visée (c.-à-d. un creux de 1 pouce), même si les joints bas constituent souvent les causes sous-jacentes de défauts plus graves.
1.14.5 Systèmes de contrôle des éclisses
L'Office of Research and Development de la Federal Railroad Administration (FRA) et ENSCO, Inc. ont mis au point un système optique automatisé de contrôle des éclisses doté de caméras à grande vitesse fonctionnelles à des vitesses pouvant atteindre 70 mi/h. Ce système comprend 4 caméras à balayage linéaire fixées à un véhicule rail-route ou ferroviaire qui captent continuellement des images haute définition des 2 côtés de chaque rail. Un ordinateur embarqué enregistre automatiquement les images de chaque éclisse. Le système les analyse pour détecter sur les éclisses ou les rails les défauts visibles, dont les fissures de fatigue et les boulons manquants. Toutefois, les caméras ne peuvent capter que les fissures qui se forment sur la surface extérieure (exposée) des éclisses.
Lorsque le système détecte un défaut potentiel, il émet un avertissement sonore, ajoute les coordonnées GPS (système mondial de positionnement pour navigation satellite) à l'image, puis met en évidence le défaut sur l'image de l'éclisse à l'écran. Un opérateur doit ensuite confirmer ou rejeter le défaut. À la fin du contrôle, il est alors possible de créer un rapport comprenant les coordonnées GPS des éclisses et les défauts détectés. Herzog Services Inc. (Herzog) et Sperry Rail Service (SRS)Note de bas de page 40 ont installé ce système sur certaines de leurs voitures d'auscultation (par induction et ultrasons).
De plus, le Transport Technology Center Inc. et Herzog ont conçu un système de contrôle non destructif par ultrasons. Ce système peut détecter les défauts d'éclisses qui sont cachés par la partie incurvée située entre le champignon et l'âme du rail et qu'il est impossible de voir à l'œil nu ou à l'aide de systèmes optiquesNote de bas de page 41. Ce système utilise des transducteurs à ultrasons fixés à un support coulissant ou une unité de recherche à rouleaux pour ausculter l'extérieur d'une éclisse, tout en transmettant des ondes sonores pulsées pour détecter les défauts et les fissures qui se trouvent à l'intérieur de la surface supérieure de l'éclisse. Cela permet la détection de fissures se trouvant à l'intérieur de la partie supérieure du milieu des éclisses, c'est-à-dire à l'endroit où se forment 95 % des fissures de fatigueNote de bas de page 42.
Au moment de l'événement à l'étude, le CN n'utilisait ni la technologie optique automatisée ni la technologie de contrôle des éclisses par ultrasons.
1.15 Effet du temps froid sur l'infrastructure de la voie
Par temps très froid, la résistance de la voie et de l'infrastructure aux sollicitations en service, aux dommages et aux ruptures se trouve diminuée.
Il est reconnu que l'acier des rails et des éclisses est moins tenace et ductile à la rupture quand il est soumis à de basses températures, surtout s'il y a un défaut du rail ou que la contraction des longs rails soudés (LRS) soumet les joints de rail à des contraintes élevées. Pour réduire au minimum les effets du temps froid sur l'infrastructure de la voie, le CN a élaboré une politique d'inspection par température très basse. Plus précisément, à l'article 33 de la NV 7.0 (Directives relatives à l'inspection de la voie) des NVI du CN, on indique ce qui suitNote de bas de page 43 :
Par temps très froid, on devra procéder à des inspections quotidiennes sur les lignes essentielles lorsque prévaudront les conditions suivantes :
Territoire | État de la voie | Température très basse |
---|---|---|
Lignes canadiennes | Toutes les voies | inférieure à −30 °C |
Le CN a également défini des limitations temporaires de vitesse par temps froid. À l'article 36 de la NV 7.0 (Directives relatives à l'inspection de la voie) des NVI du CN, on indique ce qui suit :
Dans les secteurs où se produisent fréquemment des défauts (la direction de l'Ingénierie produit une liste de ces secteurs chaque année), on doit avoir recours par temps froid aux limitations temporaires de vitesse ci-dessous :
Si la température est inférieure à −25 °C au Canada ou −10 °F aux États-Unis, la vitesse de tous les trains marchandises doit être limitée à 40 mi/h ou à la vitesse maximale prévue pour la voie [...]Note de bas de page 45.
Au moment du déraillement, on avait effectué les inspections quotidiennes par temps froid, et restreint la vitesse et la longueur des trains à 40 mi/h et 10 000 pieds, respectivement.
1.16 Bulletin d'ingénierie 2015-F-01 de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
Le 15 janvier 2015, en raison du grand nombre d'écrasements de champignons et d'abouts de rail ainsi que d'affaissements localisés de la surface de roulement détectés pendant les contrôles des défauts de rail, le directeur de l'Ingénierie, Région de l'est a publié le bulletin 2015-F-01 (annexe B). Le bulletin indiquait ce qui suit : de mesurer et d'inspecter tous les champignons et abouts de rail écrasés et les affaissements localisés de la surface de roulement de plus de 3 mm dans les 96 heures; d'envoyer les relevés au directeur adjoint de l'Ingénierie et à l'Ingénieur en chef régional d'ici le 20 janvier 2015; de prendre des mesures correctives conformément aux normes hivernales définies à la section NV 1.7; de définir des limitations de vitesse en dernier recours pour gérer ces types de défauts. Le bulletin précisait également ce qui suit :
Il ne faut en aucun cas compromettre la sécurité ou l'intégrité de la voie; par ailleurs, on doit faire tout ce qui est possible pour corriger les défauts de rail ou de géométrie avant de mettre en place une LTVNote de bas de page 46.
Le CN a indiqué que cette directive n'a pas été publiée par suite de préoccupations particulières relativement à l'augmentation du nombre d'écrasements aux abouts de rail et de zones de roulement brutal. L'objectif était plutôt de gérer de manière préventive l'aggravation de l'état de la surface de roulement du rail.
1.17 Perfectionnement des employés
Avant l'événement à l'étude, le CN avait connu une rotation élevée de personnel. Le CN avait engagé environ 50 % de ses 25 000 employés au cours des 5 années précédentesNote de bas de page 47. En 2014, le CN a ouvert 2 nouveaux centres de formation pour gérer sa transition vers une main-d'œuvre plus jeune et diversifiée. Les centres de formation pour les employés canadiens et américains étaient situés à Winnipeg (Manitoba) et Homewood (Illinois), respectivement. À chaque centre de formation, on offrait des formations aux recrues et aux cheminots d'expérience occupant différents postes, dont les mécaniciens de locomotive, les chefs de train, les wagonniers, les agents d'entretien de la voie, les inspecteurs de voie et les agents d'entretien des signaux. Les employés y recevaient des formations pratiques dans des laboratoires modernes et intérieurs dotés d'équipement de fine pointe par des formateurs utilisant des techniques d'enseignement modernes. Environ 3000 employés y étaient formés annuellement.
1.17.1 Perfectionnement et cheminement des employés du Service d'ingénierie
Les employés syndiqués du Service d'ingénierie étaient initialement engagés comme agents d'entretien de la voie. La formation des agents d'entretien de la voie se composait d'un cours de 3 semaines au centre de formation du CN à Winnipeg. On donnait un cours de base sur le travail au CN pendant la première semaine, on consacrait la deuxième semaine aux tâches des agents d'entretien de la voie et on réservait la troisième semaine au Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REFC).
Pour participer à la formation sur le REFC, les candidats devaient réussir un examen sur l'entretien de la voie à la fin de la deuxième semaine. À cette étape de la formation, très peu de candidats échouaient à cet examen. On soumettait les candidats à un examen sur le règlement d'exploitation à la fin de la troisième semaine. Environ 75 % des candidats réussissaient cet examen à leur première tentative. Les candidats qui échouaient devaient passer l'examen à nouveau après 90 jours d'expérience pratique. Le taux de réussite de cette deuxième tentative se chiffrait à 95 %.
Une fois qu'ils étaient qualifiés comme agents d'entretien de la voie, les employés pouvaient postuler des postes de contremaîtres de la voie (CV). Les CV devaient suivre une formation de 10 jours comprenant un certain nombre de cours obligatoires, dont un sur les directives de contrôle de la voie, un sur les LRS et un sur l'utilisation de grues. Les CV devaient renouveler leur qualification sur les directives de contrôle de la voie et les LRS tous les 3 ans. Le CN assurait le suivi de ce renouvellement à l'aide de son système de gestion de la formation.
Le poste de SAV constituait le premier niveau de direction au Service de l'ingénierie du CN. Environ 50 % des candidats choisis pour recevoir une formation de SAV provenaient des rangs des employés syndiqués. Les 50 % restants étaient composés de recrues embauchées à l'externe par le CN. Quoique l'on privilégiait les candidats possédant de l'expérience en entretien de la voie et en gestion, les SAV avaient des profils variés.
Les aspirants SAV participaient à un programme de formation d'une durée pouvant atteindre 52 semaines. Cette formation se composait de 7 modules didactiques de 10 à 13 jours chacun offerts au centre de formation de Winnipeg. Ces modules didactiques étaient offerts en alternance avec des modules de formation pratique en cours d'emploi. Dans l'ensemble, ce programme de formation comprenait environ 14 semaines de formation en classe et 36 semaines de formation pratique en cours d'emploi. La durée de la formation pratique en cours d'emploi variait. Après avoir achevé cette formation, les candidats possédaient l'année d'expérience requise pour obtenir la qualification d'inspecteur de la voie. Le tableau 4 donne un aperçu du programme de formation des SAV.
Module et lieu de formation | Nombre de semaines | Objectif principal | Sujets |
---|---|---|---|
Module 1 Salle de classe |
2 | Orientation | Orientation des employés et santé et sécurité au travail. Dans le cadre de ce module, les nouveaux employés suivent aussi une formation d'agent d'entretien de la voie de 1 semaine. On consacre également une demi-journée à l'introduction aux relations avec la main-d'œuvre (leadership). |
Module 1 Formation pratique en cours d'emploi (FPCE) |
4 | ||
Module 2 Salle de classe |
2 | Règlement | Formation de 5 jours sur le règlement et de 4 jours sur la santé et sécurité au travail et la gestion du parc. |
Module 2 FPCE |
4 | ||
Module 3 Salle de classe |
2 | Voie | Voie, y compris les directives d'inspection de la voie, les longs rails soudés, les mouvements sur des rails brisés, etc. |
Module 3 FPCE |
4 | ||
Module 4 Salle de classe |
2 | Leadership | Formation en leadership, contrôles d'efficacité et utilisation de camions-grues. |
Module 4 FPCE |
2 | ||
Module 5 Salle de classe |
2 | Voie | Formation sur la voie comprenant les géotechnologies et les directives de contrôle exhaustif de la voie. |
Module 5 FPCE |
8 | ||
Module 6 Salle de classe |
2 | Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada | Formation sur le Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada pour les superviseurs. |
Module 6 FPCE |
10 à 12 | ||
Module 7 Salle de classe |
2 | Voie | Formation supplémentaire sur l'entretien de la voie et les directives d'inspection de la voie. |
Pendant les modules de formation pratique en cours d'emploi, on fournissait aux aspirants SAV une liste de vérification comprenant 16 compétences liées au contrôle de la voie et 8 compétences professionnelles que chaque candidat devait mettre en pratique pour acquérir de l'expérience. Les candidats devaient aussi essayer d'observer un certain nombre d'activités avant la fin du programme de formation. Toutefois, il incombait aux candidats de trouver des occasions d'observer ces activités lorsqu'ils se trouvaient sur le terrain. Pendant la formation pratique en cours d'emploi, le rendement des candidats quant aux compétences de la liste de vérification n'était pas officiellement vérifié ou évalué.
Les SAV relèvent généralement d'un superviseur de la voie (SV). Habituellement, les SAV sont promus au poste de SV; les exigences de formation sont les mêmes pour ces 2 postes.
1.17.2 Encadrement des superviseurs adjoints de la voie
Même un SAV inexpérimenté doit savoir faire le point sur les combinaisons d'états et de défauts pour en évaluer l'ampleur sur la structure de la voie, et d'anticiper leur dégradation s'ils ne sont pas éliminés. S'il est possible de comparer des défauts individuels à des critères précis relatifs à la voie, la gestion d'une combinaison d'états et de défauts émergents (c.-à-d. nécessitant une intervention prioritaire ou quasi urgente) nécessite une certaine expérience et un bon jugement.
L'un des défis de la formation d'aspirants SAV possédant une expérience limitée dans le domaine ferroviaire est de les aider à acquérir l'expérience et le jugement nécessaires pour évaluer les problèmes et les défauts de voie. Pour les aider à acquérir de l'expérience et compléter les programmes de formation didactique et pratique en cours d'emploi pour les SAV, le CN avait mis sur pied un programme d'encadrement, en vertu duquel le SV et le directeur principal, Ingénierie (DPI) devaient encadrer leurs employés en plus de s'acquitter de leurs tâches d'entretien de la voie.
Depuis 2013, les superviseurs de première ligne et cadres intermédiaires du CN suivaient un programme de communication et de leadership intitulé LEAD. Le programme LEAD complet, qui comprenait un volet de mentorat, consistait en une formation de 4 jours à l'intention des superviseurs sur les relations et les styles de communication positifs pour intéresser les employés et obtenir leur coopération. Au moment de l'accident, ni le SV ni le SAV n'avaient suivi cette formation.
1.17.3 Encadrement efficace pour acquérir de l'expertise
Selon la recherche sur le développement des compétences requises dans des situations nécessitant du jugement et une capacité à gérer des problèmes complexes, il est important d'encadrer les recrues en commentant la façon dont ils s'occupent de situations à complexité croissante. Pour offrir un encadrement efficace, il faut notamment :
- développer avec l'apprenti une relation positive favorisant l'apprentissage;
- comprendre pourquoi l'apprenti éprouve des difficultés;
- adapter la méthode d'apprentissage aux capacités de l'apprenti.
Pour qu'un mentor puisse créer un environnement favorable à l'apprentissage, l'entreprise doit s'engager à lui fournir les ressources et les compétences nécessaires à un encadrement efficaceNote de bas de page 48.
1.18 Entretien de la voie dans la subdivision de Ruel
La subdivision de Ruel du CN s'étend, d'est en ouest sur une distance de 296,2 milles, entre Capreol (point milliaire 0,0) et Hornepayne (point milliaire 296,2). Pour faciliter les activités d'entretien de la voie, cette subdivision est divisée en 2 parties : la partie est (des points milliaires 0,0 à 183,2) et la partie ouest (des points milliaires 183,2 à 296,2). Dans la partie est de la subdivision de Ruel, un SV et 2 SAV étaient responsables de toutes les activités d'entretien, y compris la supervision du personnel de maintenance technique. Un SAV était responsable d'environ 87 milles de l'extrémité est de la partie est, et l'autre d'environ 97 milles de l'extrémité ouest de la partie est. L'été, le personnel d'entretien de la voie se composait de 18 à 24 employés permanents. Environ 34 employés temporaires s'ajoutaient à cette équipe pendant l'hiver.
Le SV relevait du DPI de la zone du nord de l'Ontario. Ce DPI était l'un des 4 DPI du CN œuvrant dans la province de l'Ontario. Il était responsable d'un territoire comprenant des parties des subdivisions de Bala, de Caramat et de Newmarket, et l'ensemble des subdivisions de Ruel et de Soo. Il relevait d'un des 2 ingénieurs adjoints en chef de la région de l'est du CN qui relevaient du directeur de l'Ingénierie, Région de l'est.
1.18.1 Directeur principal, Ingénierie
Le DPI en poste au moment de l'événement à l'étude était entré au service du CN en 1979, puis à l'équipe de direction du chemin de fer en 2009 en tant que superviseur de construction. À la fin de 2009, il avait été promu au poste de directeur de la production, et avait été promu à son poste de DPI en décembre 2014.
Le DPI précédemment en poste était entré au service du CN en 1981 comme agent de la voie. Il a occupé un poste de contremaître d'équipe pendant 21 ans. En 2005, il a obtenu le poste de SV, puis a été promu au poste de DPI en 2008.
1.18.2 Superviseur de la voie
Le SV était entré au service du CN en mai 2007 en tant que SAV dans le sud de l'Ontario. Le 15 octobre 2013, il a été promu au poste de SV de la partie est de la subdivision de Ruel; il était basé à Foleyet (Ontario), au point milliaire 148,3. Avant l'événement à l'étude, on n'avait pas identifié de problèmes liés au rendement ou aux compétences du SV dans son travail.
En raison de la charge de travail dans la subdivision de Ruel, le SV disposait de peu de temps et avait peu d'occasions de fournir de l'instruction et de l'encadrement aux SAV.
1.18.3 Superviseur adjoint de la voie
Le SAV était entré au service du CN en février 2013 en tant que contremaître adjoint de la voie. En mai 2014, il a été promu au poste de SAV de la subdivision de Ruel – un poste basé à Foleyet (Ontario) – et a commencé le programme de formation des SAV du CN. De mai 2014 à février 2015, le SAV a rempli les fonctions de son poste en effectuant les modules de formation pratique en cours d'emploi du programme de formation des SAV. Pendant cette période, le SAV se rendait périodiquement au centre de formation du CN de Winnipeg (Manitoba) pour participer aux modules en classe de la formation.
De mai 2014 à décembre 2014, le SAV a travaillé sous la direction de l'ancien DPI. Pendant cette période, le SAV a peu interagi avec le DPI. À partir de décembre 2014, le nouveau DPI a accordé plus de temps au SAV que l'ancien et était généralement plus réceptif à ses préoccupations envers sa charge de travail et les ressources. Même si l'on considérait que le SAV avait les aptitudes requises pour gravir les échelons de la direction, il a démissionné peu de temps après l'événement à l'étude et est retourné à un poste syndiqué du CN. Les demandes liées au poste de SAV et le manque d'encadrement et de soutien ont contribué à sa décision.
1.18.4 Défis liés à l'entretien de la voie dans la subdivision de Ruel
Selon le CN, la vélocité des trainsNote de bas de page 49 est un élément qui peut avoir des répercussions considérables sur l'utilisation des actifs et le contrôle des coûts, lesquels constituent 2 des 5 piliers de la stratégie commerciale du CNNote de bas de page 50. Le personnel du Service de l'ingénierie comprend l'urgence d'assurer une circulation aussi rapide et sécuritaire que possible des trains. Les retards de trains qui réduisent la vélocité produisent des contraintes interfonctionelles au sein de l'entreprise. Ces contraintes peuvent parfois créer des conflits entre les décisions prises à propos de l'entretien de la voie et l'exploitation des trains. Comme il est très important de ne pas retarder les trains, le personnel d'entretien peut avoir de la difficulté à obtenir des périodes d'occupation de la voie nécessaires aux contrôles, à l'entretien et aux réparations de la voie. Un employé nouveau venu au sein de la direction de première ligne peut se sentir particulièrement vulnérable à la coercition exercée sur lui par les niveaux supérieurs de la direction de l'entreprise.
Dans le cas de l'événement à l'étude, le DPI inspectait la subdivision de Ruel à bord d'un véhicule rail-route toutes les 2 à 3 semaines. Suite à l'évaluation globale effectuée par le DPI en poste et le DPI précédent, il avait été déterminé que l'état de la voie était acceptable. Les deux étaient d'avis que le nombre de défauts diminuait et que la voie et la surface étaient en bon état.
À son arrivée en décembre 2014, le nouveau DPI a mis sur pied un système de rapports de travail pour obtenir une meilleure compréhension des défis opérationnels dans le territoire. En étudiant ces rapports de travail, le DPI a constaté que le personnel du Service d'ingénierie avait de la difficulté à obtenir des périodes d'occupation de la voie suffisantes pour effectuer des patrouilles et des travaux d'entretien nécessaires.
Le SV, qui travaillait dans ce territoire depuis octobre 2013, croyait également que l'état général du territoire s'améliorait, surtout depuis l'installation de 860 nouvelles traverses en béton l'année précédente. Toutefois, en raison du grand nombre de défauts de géométrie de la voie, on mettait l'accent sur l'élimination des défauts nécessitant une intervention urgente ou quasi urgente; il était donc difficile d'éliminer les défauts nécessitant une intervention prioritaire. Dans les mois précédant le déraillement, les contrôles des défauts de rail avaient permis de détecter un grand nombre d'affaissements localisés de la surface de roulement et d'écrasements aux abouts de rail devant être surveillés. C'est pourquoi peu de temps était consacré aux activités d'entretien ordinaires dans la majeure partie du tronçon est de la subdivision de Ruel.
Le SAV était chargé de l'inspection et de l'entretien d'environ 62 milles de voie, entre Gogaga (Ontario), au point milliaire 86,6, et Foleyet (Ontario), au point milliaire 148,3. En raison du temps requis pour l'entretien de la voie et des difficultés d'obtention de périodes d'occupation de la voie, le SAV trouvait difficile d'effectuer les contrôles nécessaires de la voie. Comme il s'agissait du premier hiver du SAV dans le nord de l'Ontario, il n'avait pas de cadre de référence acquis lors d'années précédentes sur la charge de travail et les défis à relever.
Le SAV effectuait lui-même la plupart des contrôles de la voie au lieu de les déléguer à des CV qualifiés, car ceux-ci étaient souvent affectés à des travaux urgents d'entretien de la voie. Au début de 2015, pendant les périodes de grand froid, le SAV devait parfois effectuer des contrôles de la voie chaque jour pendant des périodes prolongées. Il devait de plus surveiller un grand nombre de défauts de rails et de surfaces de roulement. En raison des difficultés d'obtention de périodes d'occupation de la voie, un contrôle des 62 milles de voie pouvait prendre jusqu'à 16 heures. Le SAV avait aussi de la difficulté à terminer les réparations, car le SV refusait les demandes d'heures supplémentaires pour les équipes d'entretien.
Le SAV prévoyait souder le joint isolant au point milliaire 111,7 pour le réparer temporairement en attendant de le remplacer à une date ultérieure. Le SAV a souvent tenté d'inscrire à l'horaire la réparation du joint isolant par soudure en décembre 2014 et en janvier 2015. Toutefois, ses tentatives s'étaient soldées par des échecs, en raison apparemment de l'indisponibilité du soudeur et de son véhicule.
Le SAV a attribué une grande partie de la lourde charge de travail du soudeur au grand nombre de joints de la voie qui n'avaient pas été soudés au cours de l'été précédent. Il avait parlé des défis de la subdivision de Ruel au nouveau DPI, lequel lui avait fourni du personnel et du soutien supplémentaires. D'une part, même si le SAV avait de la difficulté à garder le pas, l'hésitation manifestée à l'égard des limitations de vitesse qui réduiraient la vélocité des trains était généralisée. D'autre part, la haute direction considérait l'absence de limitations de vitesse comme un signe que le personnel et l'entretien étaient adéquats.
1.19 Surveillance réglementaire
TC préconise la sûreté et la sécurité des réseaux de transport aériens, maritimes, ferroviaires et routiers et du transport des MD. Pour ce faire, TC élabore des règlements et des normes de sécurité; dans le cas des chemins de fer, il encadre l'élaboration de règlements au sein de l'industrie ferroviaire. Une fois que les règlements sont approuvés, TC doit les mettre en application et veiller à leur respect à l'aide d'un certain nombre de programmes d'inspections. Les inspections de la voie se fondent sur les risques. TC gère également un programme national d'inspections dans le cadre duquel, chaque année, il sélectionne au hasard des segments de voie à inspecter. Les corridors de transport principaux reçoivent généralement plus d'attention que les voies principales secondaires.
La sécurité ferroviaire est régie par la Loi sur la sécurité ferroviaire (LSF), dont les objectifs sont les suivants :
- pourvoir à la sécurité et à la sûreté du public et du personnel dans le cadre de l'exploitation ferroviaire et à la protection des biens et de l'environnement, et en faire la promotion;
- encourager la collaboration et la participation des parties intéressées à l'amélioration de la sécurité et de la sûreté ferroviaires;
- reconnaître la responsabilité qui incombe aux compagnies d'établir, par leurs systèmes de gestion de la sécurité et autres moyens à leur disposition, qu'elles gèrent continuellement les risques en matière de sécurité;
- favoriser la mise en place d'outils de réglementation modernes, flexibles et efficaces dans le but d'assurer l'amélioration continue de la sécurité et de la sûreté ferroviairesNote de bas de page 51.
TC a également élaboré des règlements sur les systèmes de gestion de la sécurité (SGS) en vertu desquels les chemins de fer sont responsables de la gestion de leurs risques pour la sécurité.
1.19.1 Inspections réglementaires de la voie de Transports Canada
Dans le cadre des devoirs de supervision de TC, les inspecteurs en sécurité ferroviaire du ministère effectuent des contrôles de l'infrastructure ferroviaire, et ce, partout au Canada. TC n'effectue pas d'inspections périodiques dans les subdivisions ferroviaires. Le ministère cible plutôt des parties de subdivisions selon une approche fondée sur le risque et en tenant compte de différents facteurs. TC tient compte de toute augmentation considérable du trafic ferroviaire global ou du transport de MD, mais ces facteurs ne sont pas nécessairement décisifs dans le choix des subdivisions qui seront inspectées. TC établit la priorité des inspections en tenant compte de différents facteurs opérationnels, dont les défauts de rail ou de géométrie de la voie, les trains de voyageurs et leurs vitesses d'exploitation rapides, et le tonnage. Le tableau 5 présente un résumé des inspections de la voie effectuées par TC dans la subdivision de Ruel depuis 2005.
Année | Début (PM) | Fin (PM) |
---|---|---|
2005 | 148,3 | 223,5 |
2006 | 87 | 183 |
2007 | 0 | 86,7 |
2008 | 0 | 87 |
2010 | 87 | 127 |
2012 | 86 | 296 |
2013 | – | – |
2014 | – | – |
2015 (jusqu'en février 2015) | – | – |
Entre 2012 et l'événement à l'étude, TC n'avait pas effectué d'inspections dans la subdivision de Ruel. TC a inspecté l'ensemble de la subdivision entre le 15 et le 19 mars 2015. Pendant cette inspection, TC a constaté 67 états non conformes et a rapporté 59 autres préoccupations et observations.
1.20 Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire
Un SGS est un « processus systématique, explicite et global de gestion des risques pour la sécurité »Note de bas de page 52. Il s'agit d'un moyen de s'assurer que les chemins de fer mettent en place les processus nécessaires pour identifier les dangers liés à leurs activités et définir des mesures d'atténuation des risques. Un SGS est fondé sur des concepts de sécurité en constante évolution qui semblent les plus susceptibles de faire croître l'efficacité de la gestion des risques. On a progressivement mis en œuvre des SMS au sein de l'industrie des transports du Canada. Ils servent à s'assurer que les entreprises mettent sur pied des processus systématiques de gestion des risques. L'on juge que cette approche de surveillance réglementaire, combinée à des inspections et à des mesures d'application de la loi, réduit considérablement les taux d'accident.
À l'article 2 du Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire (2001) de TC, qui était en vigueur au moment de l'événement à l'étudeNote de bas de page 53, on retrouve ce qui suit :
2. Toute compagnie de chemin de fer doit mettre en œuvre et conserver un système de gestion de la sécurité qui comporte au moins les composantes suivantes :
- la politique de la compagnie de chemin de fer en matière de sécurité ainsi que ses objectifs annuels de rendement en matière de sécurité et les initiatives connexes liées à la sécurité pour les atteindre, approuvés par un dirigeant supérieur de la compagnie et communiqués aux employés;
- les responsabilités, pouvoirs et obligations de rendre compte en matière de sécurité, exprimés clairement, à tous les paliers de la compagnie de chemin de fer;
- un système visant la participation des employés et de leurs représentants dans l'élaboration et la mise en œuvre du système de gestion de la sécurité de la compagnie de chemin de fer;
- des mécanismes visant à déterminer :
- d'une part, les règlements, règles, normes et ordres applicables en matière de sécurité ferroviaire et les procédures pour en démontrer le respect,
- d'autre part, les exemptions qui sont applicables et les procédures pour démontrer le respect, le cas échéant, des conditions fixées dans l'avis d'exemption;
- un processus qui a pour objet :
- d'une part, de déterminer les problèmes et préoccupations en matière de sécurité, y compris ceux qui sont associés aux facteurs humains, aux tiers et aux modifications d'importance apportées aux opérations ferroviaires,
- d'autre part, d'évaluer et de classer les risques au moyen d'une évaluation du risque;
- des stratégies de contrôle du risque;
- des mécanismes visant la déclaration des accidents et incidents, les analyses et les enquêtes s'y rapportant, et les mesures correctives;
- des méthodes pour faire en sorte que les employés et toute autre personne à qui la compagnie de chemin de fer donne accès aux biens de celle-ci disposent des compétences et de la formation appropriées et d'une supervision suffisante afin qu'ils puissent respecter toutes les exigences de sécurité;
- des procédures visant la collecte et l'analyse de données aux fins d'évaluation du rendement de la compagnie de chemin de fer en matière de sécurité;
- des procédures visant les vérifications internes périodiques de la sécurité, les examens effectués par la gestion, la surveillance et les évaluations du système de gestion de la sécurité;
- des mécanismes de surveillance des mesures correctives approuvées par la gestion découlant des systèmes et processus exigés en application des alinéas d) à j);
- de la documentation de synthèse qui décrit les systèmes pour chacune des composantes du système de gestion de la sécuritéNote de bas de page 54.
En vertu du Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire, les chemins de fer doivent également :
- tenir des dossiers facilitant l'évaluation du rendement en matière de sécurité (paragraphe 3[1]);
- envoyer des documents et des dossiers au ministre prouvant que le chemin de fer se conforme à la réglementation (paragraphe 4[1]);
- fournir, sur demande, de la documentation sur la gestion de la sécurité (article 6).
1.21 Système de gestion de la sécurité de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
Conformément au Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire, le CN avait élaboré et mis en œuvre un SGS détaillé. Depuis 2008, le CN apportait chaque année des améliorations à son SGS, et celui-ci avait été intégré à la majorité de ses activités. Dans ce SGS, on décrivait des initiatives d'entreprise satisfaisant aux exigences de l'article 2 du Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire.
En ce qui concerne le paragraphe 2(e) du Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire (qui était en vigueur au moment de l'événement), le CN avait mis en œuvre les systèmes nécessaires pour :
- déterminer les problèmes et préoccupations en matière de sécurité, y compris ceux qui sont associés aux facteurs humains, aux tiers et aux modifications d'importance apportées aux activités ferroviaires;
- évaluer et classer les risques au moyen d'une évaluation du risque;
- définir et mettre sur pied des stratégies de contrôle du risque.
Les mesures concrètes à prendre comprenaient les suivantes :
- Le signalement des problèmes et des préoccupations en matière de sécurité à la direction du CN par l'intermédiaire de formulaires de signalement de dangers, de comités de santé et sécurité, de l'Ombudsman du CN, de la ligne PREVENT du CN (en collaboration avec la Saint Mary's University à Halifax, en Nouvelle-Écosse), de vérifications et d'analyses de tendances.
- L'utilisation du processus formel d'évaluation des risques du CN pour évaluer et classer les risques, y compris les risques liés aux modifications d'importance apportées à l'exploitation ferroviaire (comme l'ouverture de nouvelles gares de triage et installations, l'acquisition d'autres chemins de fer), la mise en œuvre de nouvelles technologies, les modifications d'importance apportées aux activités (volumes ou produit) et les changements d'équipement de protection individuel.
- La réalisation d'évaluations des risques dans des corridors spéciaux pour évaluer et réduire les risques aux endroits densément peuplés, près des cours d'eau, et à d'autres endroits présentant certaines caractéristiques environnementales ou topographiques.
- La distribution de formation aux employés effectuant des évaluations des risques.
Lorsque des facteurs humains contribuaient à un accident, le CN effectuait une enquête plus approfondie avant de mettre en œuvre des mesures correctives, et ce, en tenant compte des facteurs suivants :
- A-t-on planifié, organisé et supervisé les travaux adéquatement?
- L'employé avait-il reçu la formation requise et utilisait-il l'équipement nécessaire?
- L'employé avait-il eu l'occasion de se reposer adéquatement?
- L'employé avait-il une compréhension adéquate du règlement ou des travauxNote de bas de page 55,Note de bas de page 56?
Même si un processus formel d'évaluation des risques était en place, le CN a considéré l'augmentation du volume de pétrole brut dans la subdivision de Ruel en 2014 comme étant un paramètre d'exploitation normal. Cette augmentation du volume n'a pas incité le CN à effectuer une nouvelle évaluation des risques ou à revoir une évaluation.
1.22 Culture de sécurité
Une culture de sécurité est [traduction] « l'interaction de valeurs partagées (ce qui est important) et de principes (déroulement des activités) avec les structures et les systèmes de contrôle d'un organisme qui aboutit à l'établissement de normes comportementales »Note de bas de page 57. Une culture de sécurité est essentielle à la gestion bien organisée de la sécurité, car les processus de gestion de la sécurité sont inefficaces lorsque la culture n'encourage pas le partage en aval de renseignements sur la sécurité. Lorsque la gestion organisée de la sécurité est appuyée par une culture de sécurité, on cherche activement à obtenir des renseignements sur la sécurité. Les employés sont formés pour repérer les dangers, et récompensés lorsqu'ils partagent des préoccupations liées à la sécurité. Au sein d'une telle culture, les échecs sont des occasions d'apprentissage et les nouvelles idées sont toujours bienvenuesNote de bas de page 58. Une culture de sécurité solide est essentielle aux processus d'un SGS soutenant le développement d'un organisme robuste.
Dans son document sur les SGS intitulé Systèmes de gestion de la sécurité ferroviaire – Guide : Guide de mise en place et d'amélioration des systèmes de gestion de la sécurité ferroviaire, TC indique ce qui suit :
Dans une compagnie ferroviaire, une [solide culture de sécurité] peut réduire le nombre de morts et de blessés parmi les employés et le public, les dommages causés aux biens matériels par les accidents ferroviaires, ainsi que l'impact d'accidents sur l'environnement.
En termes simples, la culture de sécurité d'une organisation se manifeste par la façon dont les gens font leur travail – leurs décisions, leurs actions et leurs comportements définissent cette culture.
La culture de sécurité d'une organisation est le produit des valeurs, des attitudes, des perceptions, des compétences et des modes de comportement individuels et collectifs qui déterminent l'engagement envers le système de gestion de la santé et de la sécurité de l'organisation, ainsi que le style et la compétence de l'organisation en cette matière.
Les organisations qui ont adopté une culture de sécurité positive se caractérisent par des communications des divers intervenants fondées sur une confiance mutuelle, des perceptions partagées de l'importance de la sécurité et une confiance dans l'efficacité des mesures de préventionNote de bas de page 59
Les principes, attitudes et comportements de la direction d'une entreprise reflètent en partie la relation entre la culture de sécurité et la gestion de la sécurité.
Une solide culture de sécurité comprend des mesures d'identification et de gestion préventives des risques opérationnels. Elle se caractérise par une culture éclairée, par laquelle « les gens connaissent les dangers et les risques inhérents à leur activité » et par laquelle « le personnel est toujours conscient de la possibilité d'une défaillance et s'efforce constamment de relever les dangers opérationnels et d'y remédier »; par une culture juste, par laquelle « l'effectif de travail sait ce qui constitue un comportement acceptable et inacceptable et en convient »; par une culture déclarante, par laquelle « aussitôt qu'une préoccupation est exprimée, on ouvre une enquête et l'on prend les mesures qui s'imposent »; et finalement, par une culture de formation, par laquelle la sécurité est enrichie par les leçons apprisesNote de bas de page 60.
Les politiques d'une compagnie déterminent comment elle atteindra ses objectifs de sécurité comme suit : en définissant clairement les responsabilités; en développant des processus, des structures et des objectifs pour incorporer la sécurité dans toutes les facettes de ses activités; et en perfectionnant les compétences et les connaissances de son personnel. Les procédures sont des directives destinées aux employés; elles communiquent les instructions de la direction. Les pratiques correspondent à ce qui se passe réellement au travail : elles peuvent s'écarter des procédures et, dans certains cas, accroître les risques pour la sécurité.
1.23 Culture de sécurité à la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
Lorsqu'il a mis en œuvre son SGS, le CN a reconnu l'importance d'établir une solide culture de sécurité, la considérant comme étant une composante essentielle à tout SGS. Pour renforcer sa culture de sécurité, le CN a investi dans la formation, l'encadrement, la reconnaissance et la participation des employés.
En octobre 2014, le CN a agi en qualité d'hôte conjoint d'un colloque sur la culture de sécurité à Halifax (Nouvelle-Écosse) au cours duquel on a discuté de culture de sécurité et partagé des renseignements à ce sujet. Le CN a également tenu un certain nombre de sommets sur la sécurité dans ses différentes régions pour faire la promotion des communications bidirectionnelles et de pratiques exemplaires en sécurité.
En 2014, le CN a notamment conçu et mis en œuvre Veiller les uns sur les autres, une initiative qui fait maintenant partie intégrante de sa culture de sécurité. « La stratégie d'engagement entre pairs [...] vise les objectifs suivants :
- sensibiliser les membres du personnel aux principales causes d'incidents et de blessures;
- déterminer et passer en revue les méthodes de travail sécuritaires [...];
- former les membres du personnel de sorte qu'ils soient attentifs à ce qui se passe autour d'eux et reconnaissent les types de comportements ou de situations présentant un risque sur le terrain;
- apprendre aux membres du personnel à fournir de la rétroaction constructive à leurs collègues;
- tirer des leçons des incidents passés pour éviter qu'ils se reproduisent et veiller les uns sur les autres pour assurer la sécurité de tous »Note de bas de page 61.
1.24 Résilience : enveloppe d'exploitation sécuritaire et imagination nécessaire
On définit généralement la résilience comme la « capacité à vivre, à se développer, en surmontant les chocs traumatiques, l'adversité »Note de bas de page 62. Lorsqu'on l'applique à un organisme ou un à système, le concept de résilience est défini de la manière suivante [traduction] : « un système résilient peut s'ajuster rapidement pour reprendre le fonctionnement normal qu'il avait avant, pendant et après un changement, un imprévu important ou une perturbation, et en dépit de pressions constantes »Note de bas de page 63.
On a défini les 4 pierres angulaires que partagent tous les organismes résilients. Une entreprise qui possède une bonne capacité d'ajustement et d'adaptation sait réagir aux événements, surveiller les indicateurs clés de changement, anticiper les défis à long terme et tirer parti de son expérience. Une fois qu'il a établi ces pierres angulaires, un organisme résilient :
- sait quoi faire (comment réagir aux événements ordinaires);
- sait quoi surveiller (comment surveiller les problèmes potentiels);
- sait à quoi s'attendre (anticiper les dangers potentiels);
- sait ce qui s'est passé (disposer des bons indicateurs pour apprendre de son expérience)Note de bas de page 64.
Ces habiletés aident les organismes à établir un équilibre entre les pressions potentiellement concurrentes exercées par la sécurité, l'efficacité et la charge de travail et qui existent au sein de leur environnement opérationnel.
Un organisme qui surveille, anticipe et apprend efficacement à l'aide de processus de gestion préventive de la sécurité et d'indicateurs de sécurité éprouvés peut réagir aux pressions concurrentes et maintenir un niveau de risque acceptable. Si un organisme est mal équipé pour détecter les changements mineurs à son environnement opérationnel et en comprendre les répercussions, les risques augmentent jusqu'à ce que des indicateurs tardifs, comme des accidents ou des incidents graves, indiquent clairement que le système est déséquilibré.
L'un des défis constitue le fait que les provisions, les procédures et les pratiques de sécurité qui aident à maintenir une marge de sécurité acceptable peuvent faire l'objet de pressions en raison des priorités concurrentes dont le but est d'augmenter l'efficacité. Si l'on fait l'erreur de considérer les provisions de sécurité comme des inefficacités, cela peut nuire à l'atteinte des objectifs en sécuritéNote de bas de page 65. L'équilibre entre des demandes concurrentes est un défi, à tous les niveaux d'un organisme, car les problèmes de sécurité peuvent se manifester progressivement et il peut être difficile de les détecter. On utilise le terme « imagination nécessaire » pour parler de la capacité des personnes à saisir l'importance des renseignements et des événements et à anticiper leurs répercussions sur la sécurité.
Pour développer une imagination nécessaire, les personnes d'un organisme doiventNote de bas de page 66 :
- posséder de vastes connaissances leur permettant d'anticiper et de juger les anomalies;
- avoir la volonté de réfléchir de manière critique au fonctionnement du système;
- participer à des formations pragmatiques pour perfectionner leurs habiletés;
- avoir suffisamment de ressources en elles pour réagir aux événements;
- assurer une transmission facile des renseignements dans tout l'organisme.
Un SGS exhaustif aide un organisme à développer l'imagination nécessaire en ayant des processus appuyant les 4 pierres angulaires de la résilience, dont :
- des procédures bien conçues pour les situations normales et anormales (réaction);
- des rapports de sécurité et des analyses des tendances (surveillance);
- des procédures d'identification et d'évaluation des risques (anticipation);
- des procédures d'enquêtes sur des incidents (apprentissage).
[traduction] « La gestion préventive de la sécurité permet aux organismes de remarquer les signes de changement ou d'augmentation des risques, et ce, malgré les succès passés et l'augmentation des contraintes de rendement à court termeNote de bas de page 67. » Pour tirer profit des avantages de l'imagination nécessaire, il est essentiel d'avoir une solide culture de sécurité. La culture de sécurité d'un organisme contribue largement à la définition du type et de la quantité des renseignements qu'il utilise dans le cadre de ses processus de gestion de la sécurité, et à la méthode de collecte et de traitement de ces renseignements.
1.25 Accidents graves mettant en cause le déversement de wagons-citernes de catégorie 111
Un certain nombre d'événements sont survenus au Canada et aux États-Unis au cours desquels du produit s'est échappé de wagons-citernes de catégorie 111 à la suite d'une collision, d'un choc ou d'un incendie (annexe C). Ces événements mettent en lumière la vulnérabilité des wagons-citernes de catégorie 111 aux dommages d'accident et au rejet de produit. En juin 2015, environ 270 000 wagons-citernes de catégorie 111 étaient en service en Amérique du Nord, dont environ 141 000 pour le transport de MD.
1.26 Accident à Lac-Mégantic
Le 5 juillet 2013, vers 22 h 50, heure avancée de l'Est, le train de marchandises MMA-002 de la Montreal, Maine & Atlantic Railway (MMA), en route de Montréal (Québec) à Saint John (Nouveau-Brunswick), est arrêté à Nantes au point milliaire 7,40 de la subdivision de Sherbrooke (Québec), point de relève désigné des équipes de la MMA. Le train, formé de 5 locomotives en tête, de 1 wagon VB (fourgon de queue spécial), de 1 wagon-couvert et de 72 wagons-citernes de catégorie 111 transportant des liquides inflammables (pétrole brut, UN 1267, classe 3), a été immobilisé dans une pente sur la voie principale et laissé sans surveillance.
Peu après 1 h, le 6 juillet 2013, le train sans surveillance s'est mis en mouvement et a gagné de la vitesse en dérivant dans la pente en direction de la ville de Lac-Mégantic (Québec). Le train avait atteint une vitesse de 65 mi/h lorsque 63 wagons-citernes et le wagon couvert ont déraillé près du centre de la ville. Les wagons qui ont déraillé ont déversé quelque 5,98 millions de litres de produit, lequel s'est enflammé presque tout de suite et provoqué un grand feu en nappe qui a brûlé durant plus d'une journée. Quarante-sept personnes ont perdu la vie.
De nombreux bâtiments et véhicules ont été détruits, de même que la voie ferrée. Quelque 2000 personnes ont été évacuées de la zone environnante.
Dans le cadre de son enquête sur l'accident à Lac-MéganticNote de bas de page 68, le BST a souligné les vulnérabilités des wagons-citernes de catégorie 111 et a fait les recommandations suivantes :
Le ministère des Transports et la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration exigent que tous les wagons-citernes de catégorie 111 affectés au transport de liquides inflammables soient conformes à des normes de protection renforcées qui réduisent considérablement le risque de déversement de produit lorsque ces wagons sont mis en cause dans des accidents.
Recommandation R14-01 du BST
1.27 Réponse de Transports Canada à la recommandation R14-01 du BST (janvier 2016)
Le 23 avril 2014, TC a annoncé une élimination progressive sur une période de 3 ans des wagons-citernes de classe 111, plus vieux et moins résistants aux chocs. Le 2 juillet 2014, la norme TP 14877 a été adoptée par renvoi dans le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses, harmonisant ainsi la réglementation fédérale avec la norme CPC-1232 de l'AAR (2011).
En mai 2015, TC a publié dans la Gazette du Canada, Partie II, le Règlement modifiant le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses (wagons-citernes TC-117). Ce règlement établissait les exigences pour une nouvelle norme (TC-117) sur les wagons-citernes transportant des liquides inflammables, des exigences en matière de rattrapage pour les wagons-citernes plus anciens (DOT-111 et CPC-1232) en service de transport de tels liquides et des calendriers de mise en œuvre relativement à la modernisation du parc canadien de wagons-citernes. Les normes et le calendrier ont été en général harmonisés avec ceux des organismes de réglementation américains, la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration (PHMSA), la Federal Railroad Administration (FRA) et le département des Transports des États-Unis (DOT). Avec l'entrée en vigueur de la récente loi Fixing America's Surface Transportation (FAST), les États-Unis se sont harmonisés davantage avec les exigences canadiennes.
La réglementation canadienne exige que tous les nouveaux wagons-citernes construits en vue du transport de liquides inflammables utilisent un acier plus épais et résistant mieux aux chocs et soient munis d'une protection thermique sous enveloppe, de boucliers protecteurs complets, d'une protection des raccords supérieurs, de robinets de déchargement par le bas améliorés et de dispositifs de décharge de pression appropriés.
TC continue de travailler avec l'industrie canadienne pour qu'elle envisage d'inclure dans les règles sur la conduite des trains des dispositions relatives au freinage, comme les freins pneumatiques à commande électronique (ECP), plutôt que d'envisager de telles dispositions dans le cadre des exigences de la norme TC-117 sur les wagons-citernes. TC suit également de près les nouvelles exigences introduites par la loi FAST aux États-Unis, qui a imposé de nouvelles exigences de recherche avant que le freinage pneumatique à commande électronique (ECP) puisse être mis en service aux États-Unis.
Avec le repli actuel de la demande mondiale pour le pétrole brut, et la faiblesse conséquente de son prix sur les marchés mondiaux, le transport de pétrole brut par rail a ralenti, de même que la demande pour des wagons-citernes. Les expéditeurs et les constructeurs ont utilisé ce cycle de faible demande pour mieux évaluer l'utilisation des parcs, la demande de wagons-citernes et les exigences sur le rattrapage. Avec l'entrée en vigueur aux États-Unis de la loi FAST, qui harmonise davantage les exigences étasuniennes à celles du Canada, l'industrie a entrepris d'accélérer la modification en rattrapage des wagons-citernes DOT-111 en service de transport de liquides inflammables.
Le 24 juillet 2016, TC a publié l'Ordre 38 pour devancer la date d'entrée en vigueur des restrictions relatives à l'utilisation de wagons-citernes DOT-111 plus âgés indiquée dans la Règlement modifiant le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses (wagons-citernes TC-117). La date de retrait du service des wagons-citernes DOT-111 plus âgés avec et sans enveloppe extérieure a été devancée du 1er mai 2018 au 1er mai 2017, puis au 1er novembre 2016. L'Ordre 38 s'applique seulement au pétrole brut; selon cet Ordre, il peut s'agir :
- de pétrole brut (UN 1267);
- de distillats de pétrole, n.s.a., ou de produits pétroliers, n.s.a. qui sont du pétrole brut;
- de pétrole brut acide, inflammable et toxique (UN 3494).
1.28 Évaluation par le Bureau de la réponse de Transports Canada à la recommandation R14-01 (mars 2016)
En mars 2016, le Bureau a évalué la réponse de TC à la recommandation R14-01. Le Bureau a reconnu l'engagement de TC et les progrès accomplis en ce qui concerne la publication de nouvelles normes sur les wagons-citernes et la mise à jour de la norme TP14877. Le Bureau a noté les progrès accomplis dans la construction des nouveaux wagons-citernes TC-117 et la modification en rattrapage des wagons-citernes plus anciens de liquides inflammables. Compte tenu des progrès faits par TC sur cet enjeu, sa surveillance soutenue et son intention de faire appliquer intégralement les calendriers d'élimination progressive et de modification en rattrapage, le Bureau estime que la réponse de TC à la recommandation R14-01 dénote une intention satisfaisante.
Cependant, le risque demeurera élevé tant que des liquides inflammables ne seront pas transportés dans des wagons-citernes de construction suffisamment robuste pour éviter une défaillance catastrophique en cas d'accident. Par conséquent, le Bureau demande à TC de s'assurer que les mesures de gestion des risques durant la transition sont gérées de façon efficace.
1.29 Circulaire OT-55-N de l'Association of American Railroads et recommandation R14-02 du Bureau de la sécurité des transports
En janvier 1990, par suite de recommandations formulées par l'Inter-Industry Task Force on the Safe Transportation of Hazardous Materials by Rail, l'Association of American Railroads (AAR) a publié la circulaire OT-55, intitulée Recommended Railroad Operating Practices for Transportation of Hazardous Materials. Cette circulaire a donné au secteur ferroviaire des consignes sur le choix de l'itinéraire pour certaines MD, comme les MD toxiques à l'inhalation (TIH). On a ajouté les matières radioactives à la circulaire OT-55 en août 2001. En outre, la circulaire OT-55 précisait des exigences techniques et de manutention pour les trains clés et les itinéraires clés.
Après l'accident à Lac-Mégantic, la définition de « train clé » a été élargie dans la circulaire OT-55-NNote de bas de page 69 pour désigner tout train constitué d'un wagon ou de plus d'un wagon de produits TIH, d'ammoniac anhydre, d'ammoniac en solution, de combustible nucléaire usé ou de déchets hautement radioactifs, ou de 20 wagons complets ou citernes intermodales portables complètes de toute combinaison d'autres matières dangereuses.
Même si la circulaire OT-55-N ne s'applique pas au Canada, le CN y a puisé des mesures pour les incorporer à ses activités canadiennes en août 2013. Dans le cadre d'une d'initiative de la compagnie, le CN a procédé à des évaluations du risque pour les subdivisions à l'intérieur de corridors désignés comme itinéraires clés.
Dans le contexte de l'enquête sur l'accident à Lac-Mégantic, le BST a indiqué qu'une approche similaire, basée sur la circulaire OT-55-N, assortie de l'obligation de procéder à la planification et à l'analyse de l'itinéraire, serait un pas dans la bonne direction en vue d'améliorer la sécurité du transport de MD par train, pour tous les chemins de fer au Canada. Le 23 janvier 2014, le Bureau a recommandé que :
Le ministère des Transports établisse des critères rigoureux pour l'exploitation des trains qui transportent des marchandises dangereuses et exige que les compagnies ferroviaires procèdent à la planification ainsi qu'à l'analyse des itinéraires et effectuent des évaluations périodiques des risques pour veiller à ce que les mesures de contrôle des risques soient efficaces.
Recommandation R14-02 du BST
1.30 Réponse de Transports Canada à la recommandation R14-02 (janvier 2016)
Le 23 avril 2014, TC a publié l'ordre ministériel 14-01 exigeant de toutes les compagnies de chemin de fer et de tous les chemins de fer d'intérêt local d'établir de nouvelles règles et de réviser les règles existantes relativement au transport de MD. Toutes ces règles devaient être remises au ministre des Transports au plus tard le 23 octobre 2014.
En même temps, TC a publié une injonction ministérielle exigeant que les chemins de fer qui transportent des MD mettent en œuvre un minimum de pratiques d'exploitation pour les trains clés pour donner suite à la recommandation du BST et gérer les enjeux de sécurité pressants, dont les suivants : limitations de vitesse pour les trains transportant des MD; élargissement des exigences de contrôle sur les itinéraires ferroviaires à accès limité; réalisation d'évaluations des risques pour les itinéraires clés. Cette injonction ministérielle avait été mise en vigueur pour une période de 6 mois et on l'a renouvelée tous les 6 mois pour tenir compte des consultations tenues avec les intervenants, notamment la Fédération canadienne des municipalités (FCM) et les syndicats, et de l'examen de toute autre exigence qui pourrait être établie aux États-Unis.
Quant au seuil de 10 000 wagons complets de MD, il a été adopté sur la base des critères établis dans la circulaire OT-55-N de l'Association of American Railroads (AAR), que les compagnies de chemins de fer américaines ont aussi adoptés. TC reconnaît que d'autres analyses sont requises pour établir un seuil de wagons complets qui pourrait optimiser la sécurité des transports de MD et mener à des critères plus rigoureux sur les itinéraires clés. TC a embauché un spécialiste indépendant pour effectuer les analyses nécessaires afin d'établir les critères appropriés pour le seuil. Ce projet, qui est dirigé par le Centre de développement des transports de TC, établira le seuil approprié sur les itinéraires clés. Le Centre de développement des transports a achevé le projet en décembre 2016, et TC en examine les résultats à l'heure actuelle.
TC étudie aussi la possibilité d'élargir les critères actuels qui définissent les trains clés, en y introduisant des exigences sur les moyens technologiques qui pourraient augmenter la capacité de freinage. En outre, par l'entremise du processus de planification fondé sur les risques, TC étudiera le dossier de toutes les compagnies de chemins de fer sous réglementation fédérale afin de cibler celles qui assurent le transport du pétrole brut, mais qui n'ont pas atteint le seuil de 10 000 wagons complets sur leurs itinéraires. Cette approche fondée sur les risques a permis à TC de consacrer les ressources appropriées à une surveillance accrue de ces exploitants ferroviaires.
Le Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire publié dans la Gazette du Canada, Partie II, le 25 février 2015, et qui est entré en vigueur le 1er avril 2015, contient des exigences sur le processus d'évaluation des risques. L'article 15 de ce règlement stipule qu'une compagnie de chemin de fer doit effectuer une évaluation des risques lorsqu'elle « se propose d'entreprendre le transport de MD ou le transport de MD différentes de celles qu'elle transporte déjà » ou « lors d'un changement proposé à son exploitation ferroviaire. » Les changements proposés à l'exploitation ferroviaire comprennent toute modification qui peut avoir une incidence sur la sécurité du public ou du personnel ou sur la protection des biens ou de l'environnement, par exemple une augmentation du volume de MD transportées et une modification apportée au trajet emprunté pour le transport de telles marchandises.
1.31 Évaluation par le Bureau de la réponse de Transports Canada à la recommandation R14-02 (mars 2016)
En mars 2016, le Bureau a évalué la réponse de TC à la recommandation R14-02. Le Bureau a noté que TC a fait des progrès sur cette question, y compris les critères d'évaluation des risques plus rigoureux pour les compagnies de chemins de fer qui transportent des MD, l'analyse en cours visant à établir leur seuil de wagons complets sur les itinéraires clés et la récente promulgation du Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés. Ainsi, le Bureau croit que les risques associés aux déversements ou aux explosions catastrophiques de MD sont réduits. Toutefois, même si le Bureau a noté des progrès chez les 5 compagnies de chemin de fer qui ont défini leurs itinéraires clés, il faut encore établir le seuil de wagons complets sur les itinéraires clés. Par conséquent, le Bureau estime que la réponse de TC à la recommandation R14-02 dénote une intention satisfaisante.
1.32 Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés
En réponse à la recommandation R14-02 du BST, TC a publié en avril 2014 l'ordre ministériel 14-01 pour définir les critères d'identification des trains et des itinéraires clés. En vertu de l'ordre ministériel 14-01, les chemins de fer doivent :
- « établir des règles quant à la sécurité et la sûreté de l'exploitation des trains transportant certaines marchandises dangereuses et certains liquides inflammables »;
- « régir l'itinéraire et la vitesse de tout train clé à 50 milles à l'heure (mi/h) ou moindre, y compris sans s'y limiter, une autre limite de vitesse établit à 40 mi/h ou moindre pour tout train clé transportant un wagon-citerne chargé DOT-111 ou plus contenant » certaines MD, dont du pétrole brut et des distillats de pétrole, « vers les secteurs désignés comme étant à risque élevé dans le cadre du processus d'évaluation des risques »;
- « exiger des évaluations des risques [...] et des mises à jour périodiques en fonction de changements importants pour déterminer le niveau de risque associé à chaque itinéraire clé où un train clé est exploité [...]Note de bas de page 70. »
On a publié à nouveau cet ordre ministériel à quelques reprises pour prévoir du temps pour la consultation et l'élaboration de règles pour l'industrie. Après la finalisation des règles, on a levé l'ordre ministériel. TC a approuvé le Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés qui est entré en vigueur en février 2016. Aux paragraphes 4.1 et 4.2 de ce règlement, on indique ce qui suit :
- 4.1 Les compagnies doivent limiter la vitesse des trains clés à une vitesse maximale de 50 milles à l'heure (mi/h). De plus, ceux-ci doivent être exploités à une vitesse maximale de 40 mi/h à l'intérieur du noyau et du noyau secondaire des régions métropolitaines de recensementNote de bas de page 71.
- 4.2 Les compagnies doivent limiter la vitesse des trains clés acheminant un ou plusieurs wagons-citernes DOT-111 chargés des produits suivants : UN1170 ÉTHANOL; UN1202 CARBURANT DIESEL; UN1203 ESSENCE; UN1267 PÉTROLE BRUT; UN1268 DISTILLATS DE PÉTROLE, N.S.A.; UN1863 CARBURÉACTEUR; UN1993 LIQUIDE INFLAMMABLE, N.S.A.; UN3295 HYDROCARBURES LIQUIDES, N.S.A.; UN1987 ALCOOLS, N.S.A.; UN3494 PÉTROLE BRUT ACIDE, INFLAMMABLE, TOXIQUE, ou UN3475 MÉLANGE D'ÉTHANOL ET D'ESSENCE, à une vitesse maximale de 40 mi/h dans les secteurs désignés comme étant à risque élevé dans le cadre du processus d'évaluation des risques exigé en vertu de l'article 6 du présent règlement. Les wagons-citernes DOT-111 comprennent ceux qui sont conformes à la spécification CPC-1232Note de bas de page 72.
En ce qui concerne la limitation de vitesse à 40 mi/h des trains unitaires transportant des liquides inflammables de classe 3, on n'a pas effectué d'analyse technique détaillée pour évaluer les effets des limitations de vitesse sur la gravité d'un déraillement.
1.33 Évaluation des risques par corridor de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
Le 23 juin 2014, pour se conformer à l'ordre ministériel 14-01, le CN a transmis à TC une évaluation des risques liés au transport de MD entre Winnipeg et Toronto (un itinéraire clé). Dans cette évaluation des risques, on examinait chaque subdivision du territoire pour définir les zones de vulnérabilité, et ce, en fonction de ce qui suit :
- des mesures en place pour prévenir les incidents (c.-à-d. la couverture des systèmes de détection en voie);
- des conséquences potentielles liées à un incident (c.-à-d. la proximité des agglomérations et les zones écosensibles);
- les capacités d'intervention en cas d'incident (c.-à-d. l'emplacement du personnel et du matériel nécessaires à une intervention en cas de déversement).
En ce qui concerne la subdivision de Ruel, la plupart des mesures d'atténuation définies dans le cadre de l'évaluation des risques par corridor concernaient les capacités d'intervention en cas d'urgence mettant en cause des MD, dont l'ajout de réserves d'équipement d'intervention dans le territoire et l'évaluation de la présence d'intervenants d'urgence dans les environs.
De la même manière, cette évaluation des risques tenait compte des trains clés transportant des MD de classe 2.3 (gaz toxiques), ainsi que les trains comprenant au moins 20 wagons-citernes ou citernes intermodales chargés de MD.
Cette évaluation des risques par corridor ne tenait pas compte de l'état actuel et futur de la voie. De plus, dans cette évaluation des risques, on n'anticipait pas l'augmentation du transport de pétrole brut ou les répercussions de l'augmentation du volume de transport ferroviaire sur le maintien de marges de sécurité convenables sur l'infrastructure.
1.34 Facteurs ayant une incidence sur la gravité du déraillement des wagons-citernes chargés de marchandises dangereuses
Dans une étude publiée en 1992 et intitulée Hazardous Materials Car Placement in a Train Consist, on a passé en revue un certain nombre d'enquêtes du National Transportation Safety Board (NTSB) sur des déraillements, ainsi que des données de la Federal Railroad Administration (FRA) sur les accidents ferroviaires. Au moment de cette étude, les trains unitaires de liquides inflammables de classe 3 étaient pratiquement inexistants, et les wagons-citernes de catégorie 111 étaient limités à un poids brut sur rail (PBR) de 263 000 livres. Cette étude ne portait sur aucun train unitaire de MD. Elle comprenait notamment les conclusions suivantes [traduction] :
- Les données sur les accidents ferroviaires confirment qu'en général, plus le train est long, plus le nombre de wagons qui déraillent augmente. Pour accroître la sécurité du transport de MD, les wagons de MD devraient faire partie de trains plus courts, et ce, même si l'on reconnaît que cela augmentera le nombre de trains et les risques d'exposition. Évidemment, l'exposition dépend de l'itinéraire et doit être évaluée en conséquence.
- Les données sur les accidents ferroviaires confirment également qu'en général, plus un train roule vite, plus le nombre de wagons qui déraillent augmente. Ainsi, les trains de MD devraient circuler à des vitesses réduites. Une réduction modeste des vitesses ne se traduira pas nécessairement par une exposition accrue. Encore une fois, tout dépend de l'itinéraireNote de bas de page 73.
Même si on n'y faisait pas explicitement référence dans l'étude, le poids des wagons en cause dans tout déraillement contribue également à la gravité de l'accident.
D'autres études plus récentes, résumées en 2014Note de bas de page 74, ont montré que le nombre de wagons qui déraillent est circonstanciel à la cause d'un accident, à la vitesse du train, à la longueur du train et au point de déraillement. Plus précisément, les rails rompus font dérailler plus de wagons que toute autre cause d'accident; les déraillements à vitesse plus élevée font dérailler plus de wagons; plus un train est long, plus il y a de wagons qui déraillent; plus le déraillement survient proche de la tête du train, plus le nombre de wagons déraillés est élevé.
1.35 Examen du joint isolé rompu par le laboratoire du BST
On a envoyé le joint isolé rompu au laboratoire d'ingénierie du BST pour l'analyser plus en détail. Voici les constatations :
- La surface de roulement du rail parent présentait un écrasement à l'about de rail d'une profondeur moyenne de 2,4 mm; la partie la plus profonde se trouvait à environ 4,4 mm sous la surface de roulement du rail (figure 4).
- Un examen visuel des ruptures a permis de constater des fissures de fatigue commençant à la portée d'éclissage supérieur (la surface de contact entre le dessus des éclisses et le dessous du champignon du rail) sur le dessus des 2 éclisses.
- Ces fissures de fatigue se propageaient verticalement vers le bas dans environ 20 % de la section transversale des éclisses avant de se transformer en rupture par contraintes excessives (figure 5).
- On a également constaté des piqûres de corrosion sur les portées d'éclissage, le long du rebord supérieur des éclisses, adjacentes aux points de départ des ruptures.
- Les points de départ des ruptures de fatigue correspondaient avec les piqûres de corrosion observées sur les surfaces extérieures.
- Il y avait très peu de colle, voire aucune, entre le dessus des éclisses et le dessous du champignon du rail.
- On a observé des fissures secondaires au bas de chaque éclisse, sous le trou de boulonnage le plus près de la rupture, ainsi que sur le coin inférieur extérieur de l'éclisse intérieure. Il s'agissait de fissures de fatigue.
- Le champignon du rail présentait aussi un écrasement, principalement du côté extérieur, s'étendant sur environ 200 mm à partir de l'extrémité du rail.
- Le matériau des éclisses satisfaisait les exigences de résistance en vigueur.
1.36 Analyse du BST des échantillons de pétrole brut
Le tableau 6 présente un résumé des renseignements d'expédition concernant les MD transportées dans les wagons-citernes du train de l'événement à l'étude.
Position du wagon-citerne dans le train | Description d'expédition en vertu de la Loi sur le transport des marchandises dangereuses | Renseignements de la fiche signalétique | |||||
---|---|---|---|---|---|---|---|
Numéro d'identification du produit | Appellation réglementaire | Catégorie de risques | Groupe d'emballage | Nom du produit | Synonymes | Fabricant | |
1 à 58 71 à 80 |
UN 1267 | Pétrole brut | 3 | I | Pétrole brut léger peu sulfureux du projet Horizon | Distillats synthétiques de pétrole brut; pétrole brut léger peu sulfureux | Canadian Natural Resources Ltd., Calgary (AB) |
59 à 70 81 à 100 |
UN 1268 | Distillats de pétrole, N.S.A. (pétrole brut synthétique) | 3 | I | Pétrole brut synthétique | Syncrude Sweet Premium; SSB; SSP; SYN; étiquette d'échantil-lon Syncrude no 200000 | Partenariat no 1 de Canadian Oil Sands, Calgary (AB) |
On a prélevé des échantillons (photo 3) de 3 wagons-citernes représentatifs qui n'ont pas déraillé.
On a prélevé les échantillons le 23 février 2015 à la raffinerie de Valero à Lévis (Québec) sous la supervision d'un enquêteur du BST. Avant la collecte des échantillons, les trappes d'accès respectives des wagons-citernes ont été ouvertes, et un essai de détection de gaz a été effectué dans l'environnement de travail autour de la trappe de chaque wagon, à l'aide d'un détecteur multi-gaz portable capable de détecter 6 différents gaz. Les résultats de l'essai indiquaient que l'environnement de travail était adéquat pour y travailler sans protection respiratoire.
On a prélevé tous les échantillons de pétrole brut à la pression atmosphérique. On a analysé ces échantillons pour en définir les caractéristiques de classification du pétrole brut, ainsi que le comportement et les effets en cas de déversement et d'incendie causés par un déraillement. On a divisé les échantillons de produit et on les a envoyés à 2 laboratoires externes certifiés à des fins d'analyse. Le tableau 7 présente les tests auxquels on a assujetti chaque échantillon.
Paramètre | Méthode d'essai |
---|---|
Température du point d'éclair | Norme D3828-12a de l'ASTM : Standard Test Methods for Flash Point by Small Scale Closed Cup Tester. Method B |
Distribution du point d'ébullition | Norme D2887-14 de l'ASTM : Standard Test Method for Boiling Range Distribution of Petroleum Fractions by Gas Chromatography |
Norme D86-12 de l'ASTM : Standard Test Method for Distillation of Petroleum Products at Atmospheric Pressure | |
Densité | Norme D5002-13 de l'ASTM : Standard Test Method for Density and Relative Density of Crude Oils by Digital Density Analyzer |
Pression de vapeur Reid | Norme D323-15a de l'ASTM : Standard Test Method for Vapor Pressure of Petroleum Products (Reid Method) |
Teneur en soufre | Norme D4294-10 de l'ASTM : Standard Test Method for Sulphur in Petroleum and Petroleum Products by Energy Dispersive X-ray Fluorescence Spectrometry |
Viscosité | Norme D7042-14 de l'ASTM : Standard Test Method for Dynamic Viscosity and Density of Liquids by Stabinger Viscometer (and the Calculation of Kinematic Viscosity) |
Dans la fiche signalétique du pétrole brut synthétique, on indique qu'il s'agit d'un mélange à faible teneur en soufre de naphta traité (de 16 % à 20 %), de gazole léger (de 34 % à 48 %) et de gazole lourd (de 30 % à 45 %), qui sont des fractions pétrolières dérivées du bitume, dont l'intervalle d'ébullition varie de −20 °C à 560 °C et dont le point d'éclair est inférieur à 20 °C. Dans la fiche signalétique du pétrole brut léger non sulfureux du projet Horizon, on indique qu'il s'agit d'un mélange complexe d'hydrocarbures issus de la première distillation du pétrole brut, et dont le point initial de distillation et le point d'éclair sont inférieurs à −20 °C et 35 °C, respectivement.
On a comparé les résultats de l'analyse du produit de l'événement à l'étude aux valeurs publiées concernant d'autres produits pétroliers (tableau 8). Ces valeurs publiées proviennent du 2014 Crude Characteristics BookletNote de bas de page 75, dans lequel on décrit une sélection de propriétés de produits pétroliers acheminés dans le réseau d'Enbridge Pipelines/Enbridge Energy Partners. À des fins de comparaison, on a également examiné les résultats de l'analyse du pétrole brut de Bakken mis en cause dans le déraillement à Lac-Mégantic (Rapport d'enquête ferroviaire R13D0054 du BST).
Source | Identifiant du produit | Teneur totale en soufre (% massique) |
Pression de vapeur Reid (kPa) | Densité (kg/m³) | Viscosité (cSt) à une température de | ||
---|---|---|---|---|---|---|---|
20 °C | 30 °C | 40 °C | |||||
Résultats des essais relatifs à l'événement à l'étude* | Pétrole brut léger non sulfureux du projet Horizon (VMSX 310192) |
0,081 | 24,2 | 846,9 | 3,616 | 2,968 | 2,419 |
Pétrole brut synthétique (VMSX 310351) |
0,157 | 31,6 | 867,3 | 7,899 | 5,914 | 4,544 | |
2014 Crude Characteristics Booklet | CNS** | 0,03 | 31,4 | 841,5 | 3,39 | 2,73 | 2,26 |
SP*** | 0,17 | 28,6 | 860,4 | 8,34 | 6,12 | 4,69 | |
WCB (Western Canadian Blend)**** | 3,03 | 32,1 | 927,5 | 155 | 88,3 | 54,8 | |
Résultats des essais relatifs à l'accident à Lac-Mégantic (R13D0054)***** | PROX44211-C-TOP | 0,117 | 62,3 | 821,9 | 3,259 | 2,665 | 2,230 |
* À des fins de simplicité, on ne présente dans le tableau 8 que l'échantillon du wagon-citerne VMSX 310192; les résultats de l'échantillon du wagon-citerne VMSX 310187 étaient semblables. ** CNS est l'identifiant du pétrole brut léger non sulfureux synthétique produit par le projet Horizon de Canadian Natural Resources Ltd. *** SP est l'identifiant du pétrole Syncrude Sweet Premium produit par le projet Syncrude au Canada. **** Selon le Règlement de l'Office national de l'énergie concernant le gaz et le pétrole (partie VI de la Loi), le « pétrole brut lourd » est une substance « ayant une densité supérieure à 875,7 kg/m³ ». ***** Rapport LP148/2013 du laboratoire du BST – Analysis of Crude Oil Samples [Analyse des échantillons de pétrole brut]. |
L'analyse du produit et les comparaisons ont permis d'effectuer les constatations suivantes :
- Même si les résultats des tests présentaient des différences mineures, on considère que les propriétés chimiques et physiques des produits étaient semblables.
- Les résultats des tests correspondaient aux données de la fiche signalétique de chaque produit et aux valeurs publiées par l'industrie pour chacun de ces types de produits.
- Les produits étaient classifiés correctement.
- Comme l'on s'y attendait, la densité et la viscosité des produits étaient considérablement inférieures à celle du pétrole brut lourd, comme le produit WCB.
- Les produits présentaient une tension de vapeur inférieure, mais une densité, une viscosité et une volatilité semblables au pétrole brut de la formation schisteuse de Bakken mis en cause dans l'événement à Lac-Mégantic.
- Les grandes quantités de produit déversé, la rapidité du déversement ainsi que la grande volatilité et la faible viscosité du pétrole ont grandement contribué aux importants feux en nappe qui ont suivi le déraillement.
1.37 Renseignements sur les wagons-citernes
Historiquement, la plupart des wagons-citernes plus âgés de catégorie 111 ont un poids brut sur rail (PBR) de 263 000 livres. Au milieu des années 1990, l'industrie a entamé une transition vers des wagons-citernes de catégorie 111 d'un PBR de 286 000 livres.
Vers la fin des années 1990, TC, le DOT et l'AAR ont établi un certain nombre d'exigences pour permettre l'augmentation du PBR des wagons-citernes à 286 000 livres. Ces exigences comprenaient une résistance accrue à la perforation des têtes et coques de citernes, des charges nominales accrues et une meilleure protection du matériel de service. Ces exigences ont en outre été incorporées aux normes de TC et de l'AAR pour les wagons-citernes de PBR de 286 000 livres. Or, ces exigences ne s'appliquaient pas à la majorité des wagons-citernes de catégorie 111 dont le PBR à cette époque était de 263 000 livres. La prochaine étape devait porter sur les wagons-citernes de 263 000 livres.
En 2011, les normes sur les wagons-citernes (Casualty Prevention Circular no CPC‑1232) de l'American Association of Railroads (AAR) ont été établies, et comprenaient un certain nombre d'améliorations à apporter aux wagons-citernes de catégorie 111 construits après le 1er octobre 2011 et destinés au transport de pétrole brut ou d'éthanol (marchandises de classe 3, groupe d'emballage [GE] I ou II). Ces améliorations comprenaient la construction de wagons-citernes aux normes des wagons de 286 000 livres, la protection du matériel de service sur le dessus de la coque, l'utilisation de dispositifs de décharge de pression réenclenchables, l'utilisation d'acier normalisé pour la coque et les têtes de la citerne, une épaisseur minimale accrue de l'acier pour tous les wagons-citernes dépourvus d'enveloppe extérieure et non isolés, et des demi-boucliers protecteurs d'une épaisseur d'au moins ½ pouce.
Les spécifications applicables aux wagons-citernes construits avant décembre 2013 figuraient dans la norme de sécurité CAN/CGSB-43.147Note de bas de page 76 de TC. En ce qui concerne les wagons-citernes construits après décembre 2013, ils devaient se conformer à la spécification de citerne de TMD de la norme TP14877 de TCNote de bas de page 77. Les autres spécifications applicables comprenaient le Code of Federal Regulations (49 CFR, paragraphe 179.200)Note de bas de page 78 pour les États-Unis, et la norme de l'industrie Casualty Prevention Circular No. CPC-1232(CPC-1232)Note de bas de page 79.
TC a par la suite incorporé ces exigences au Règlement modifiant le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses (wagons-citernes TC-117), qui permettait d'utiliser les wagons-citernes de catégorie 111 construits selon la norme CPC-1232 pour transporter des liquides inflammables jusqu'à ce que les wagons-citernes TC-117 deviennent obligatoires.
Après le déraillement à Lac-Mégantic (Rapport d'enquête ferroviaire R13D0054 du BST), l'industrie ferroviaire croyait que les wagons-citernes de catégorie 111 construits selon la norme CPC-1232 offriraient plus de protection pour les produits de classe 3 que les wagons-citernes plus âgés de catégorie 111Note de bas de page 80.
À l'heure actuelle, les wagons-citernes de trains unitaires de pétrole brut transportent tous 286 000 livres de produit. Par comparaison, les trains de marchandises mixtes et les trains intermodaux sont généralement composés de wagons à PBR plus bas. En 2014, un train unitaire de pétrole brut moyen mesurait environ 6000 pieds et pesait environ 13 000 tonnes, ce qui est très lourd pour un train de cette longueur. Par comparaison, la longueur d'un train de marchandises mixtes ou d'un train intermodal de 13 000 tonnes varie généralement de 9000 à 12 000 pieds.
La figure 6 présente les principaux composants d'un wagon-citerne de catégorie 111.
On avait construit les 100 wagons-citernes du train en cause pour leur propriétaire actuel, Valero, et cette entreprise était également l'expéditeur et le destinataire du produit. Ces wagons-citernes ont été chargés au terminal Pembina Redwater à Redwater (Alberta) et étaient destinés à la raffinerie de Valero à Lévis (Québec). L'entreprise Trinity Tank Car Inc. avait construit tous les wagons-citernes qui ont déraillé au cours des 3 années qui ont précédé l'accident. Ils avaient été construits conformément à la norme 111A100W1 du département des Transports des États-Unis (DOT) et à la norme CPC-1232 de l'industrie.
Les têtes et la coque des wagons étaient faites d'acier normaliséNote de bas de page 81 de nuance B conformément à la norme TC128 de l'AAR. Les boucliers protecteurs étaient faits de plaques d'acier de nuance 50, de ½ pouce d'épaisseur conformément à la norme A572 de l'ASTM. Les 15e (VMSX 5112) et 18e (VMSX 280529) wagons-citernes étaient dotés de boucliers protecteurs complets, d'enveloppes et d'isolant. Les autres wagons-citernes étaient dépourvus d'enveloppes ou d'isolant, et étaient munis de demi-boucliers protecteurs trapézoïdaux. Tous les wagons-citernes étaient dotés de longrines tronquées TRN 024, à l'exception du 15e wagon, lequel était doté d'une longrine tronquée TRN 023.
Les wagons-citernes étaient dotés d'un robinet de vidange par le bas de 4 pouces, de raccords supérieurs (reniflard et robinets à tournant sphérique de 2 et 3 pouces) sous une enceinte protectrice de 20 pouces, d'un trou d'homme à charnières boulonné et d'un dispositif de décharge de pression (DDP). Ce DDP se trouvait aussi sous l'enceinte protectrice.
Le tableau 9 résume certains renseignements pertinents sur la construction des 29 wagons-citernes déraillés.
Position du wagon par rapport à la tête du train* | Numéro du wagon-citerne | Date d'approbation du certificat de construction | Épaisseur des têtes/de la coque (en pouces) | Bouclier thermique | Enveloppe/ isolant | Dispositif de décharge de la pression (DDP) | |
---|---|---|---|---|---|---|---|
Pression de déclenchement de la décharge (en lb/po² au manomètre) | Capacité de débit réelle** (en pcsm)*** |
||||||
7 | VMSX 310740 | Juillet 2014 | 1⁄2 | Demi-bouclier | Aucune | 75 | 27 000 |
8 | VMSX 311903 | Février 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier | Aucune | 75 | 27 000 |
9 | VMSX 310400 | Juillet 2014 | 1⁄2 | Demi-bouclier | Aucune | 75 | 27 000 |
10 | VMSX 311809 | Juillet 2014 | 1⁄2 | Demi-bouclier | Aucune | 75 | 27 000 |
11 | VMSX 310404 | Juillet 2014 | 1⁄2 | Demi-bouclier | Aucune | 75 | 27 000 |
12 | VMSX 310872 | Juillet 2014 | 1⁄2 | Demi-bouclier | Aucune | 75 | 27 000 |
13 | VMSX 311626 | Juillet 2014 | 1⁄2 | Demi-bouclier | Aucune | 75 | 27 000 |
14 | VMSX 310095 | Février 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier | Aucune | 165 | 35 608 |
15 | VMSX 5112 | Août 2013 | 7⁄16 | Bouclier complet | Acier et fibre de verre (4 po) | 165 | 2329 |
16 | VMSX 310838 | Juillet 2014 | 1⁄2 | Demi-bouclier | Aucune | 75 | 27 000 |
17 | VMSX 311634 | Juillet 2014 | 1⁄2 | Demi-bouclier | Aucune | 75 | 27 000 |
18 | VMSX 280529 | Septembre 2014 | 7⁄16 | Bouclier complet | Acier et fibre de verre (4 po) | 165 | 2329 |
19 | VMSX 310274 | Juillet 2014 | 1⁄2 | Demi-bouclier | Aucune | 75 | 27 000 |
20 | VMSX 311644 | Juillet 2014 | 1⁄2 | Demi-bouclier | Aucune | 75 | 27 000 |
21 | VMSX 311725 | Juillet 2014 | 1⁄2 | Demi-bouclier | Aucune | 75 | 27 000 |
22 | VMSX 311643 | Juillet 2014 | 1⁄2 | Demi-bouclier | Aucune | 75 | 27 000 |
23 | VMSX 310432 | Juillet 2014 | 1⁄2 | Demi-bouclier | Aucune | 75 | 27 000 |
24 | VMSX 310438 | Juillet 2014 | 1⁄2 | Demi-bouclier | Aucune | 75 | 27 000 |
25 | VMSX 310486 | Juillet 2014 | 1⁄2 | Demi-bouclier | Aucune | 75 | 27 000 |
26 | VMSX 311851 | Juillet 2014 | 1⁄2 | Demi-bouclier | Aucune | 75 | 27 000 |
27 | VMSX 311824 | Juillet 2014 | 1⁄2 | Demi-bouclier | Aucune | 75 | 27 000 |
28 | VMSX 310054 | Février 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier | Aucune | 165 | 35 608 |
29 | VMSX 311892 | Juillet 2014 | 1⁄2 | Demi-bouclier | Aucune | 75 | 27 000 |
30 | VMSX 310173 | Février 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier | Aucune | 165 | 35 608 |
31 | VMSX 311629 | Juillet 2014 | 1⁄2 | Demi-bouclier | Aucune | 75 | 27 000 |
32 | VMSX 310767 | Juillet 2014 | 1⁄2 | Demi-bouclier | Aucune | 75 | 27 000 |
33 | VMSX 310091 | Février 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier | Aucune | 165 | 35 608 |
34 | VMSX 311962 | Février 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier | Aucune | 75 | 27 000 |
35 | VMSX 311906 | Février 2013 | 1⁄2 | Demi-bouclier | Aucune | 75 | 27 000 |
* Dans le présent rapport, on fait référence aux wagons-citernes en utilisant leur position dans le train. ** Remarque : La capacité de débit requise varie en fonction du type de wagon-citerne (non isolé, isolé, protégé thermiquement). *** Pied cube standard par minute. |
1.38 Examen sur les lieux des wagons-citernes déraillés
On a pris des photographies aériennes des lieux pour documenter l'incident avant l'extinction de l'incendie qui a suivi le déraillement. En conséquence, des parties de la zone de déraillement étaient obstruées par de la fumée et les photographies aériennes ne sont pas toutes très claires. Toutefois, les enquêteurs du BST ont été en mesure d'examiner le site et de photographier la plupart des wagons-citernes sur place pendant que les intervenants d'urgence combattaient l'incendie.
Une fois l'incendie éteint, on a retiré le produit restant des wagons-citernes, puis on les a déplacés vers une zone de transition pour les vidanger et les nettoyer et libérer le site en prévision de son examen. Le CN, le BST et des représentants du fabricant des wagons-citernes ont examiné les wagons-citernes.
Tous les wagons-citernes déraillés étaient conformes aux exigences de la spécification en vigueur (CPC-1232) au moment de leur approbation et de leur construction. Pendant l'examen du site, on a prélevé des échantillons du matériau de construction de certains wagons-citernes à des fins d'examen métallurgique. On a envoyé ces échantillons au laboratoire du BST à des fins d'examen plus poussé.
1.38.1 Brèches des wagons-citernes
Le tableau 10 résume les types de brèches qu'ont subies les wagons-citernes déraillés.
Position du wagon par rapport à la tête du train | Numéro du wagon-citerne | Type de brèche | |||||
---|---|---|---|---|---|---|---|
Tête | Coque | Raccords supérieurs et dispositifs de décharge de pression | Trou d'homme | Robinet de vidange par le bas | Rupture thermique | ||
7 | VMSX 310740 | ||||||
8 | VMSX 311903 | ||||||
9 | VMSX 310400 | ||||||
10 | VMSX 311809 | Brèche | |||||
11 | VMSX 310404 | Brèche | |||||
12 | VMSX 310872 | Brèche | |||||
13 | VMSX 311626 | Séparation en 2 | |||||
14 | VMSX 310095 | Brèche | Brèche | ||||
15 | VMSX 5112 (isolé) | Brèche | |||||
16 | VMSX 310838 | Brèche | Brèche | ||||
17 | VMSX 311634 | Brèche | |||||
18 | VMSX 280529 (isolé) | Brèche | |||||
19 | VMSX 310274 | Brèche | |||||
20 | VMSX 311644 | Brèche | |||||
21 | VMSX 311725 | Brèche | Brèche | ||||
22 | VMSX 311643 | Brèche | |||||
23 | VMSX 310432 | Séparation en 2 | |||||
24 | VMSX 310438 | Brèche | Brèche | ||||
25 | VMSX 310486 | Brèche | Brèche | ||||
26 | VMSX 311851 | Séparation en 2 | |||||
27 | VMSX 311824 | Brèche | |||||
28 | VMSX 310054 | Brèche | Brèche | ||||
29 | VMSX 311892 | ||||||
30 | VMSX 310173 | ||||||
31 | VMSX 311629 | ||||||
32 | VMSX 310767 | ||||||
33 | VMSX 310091 | ||||||
34 | VMSX 311962 | ||||||
35 | VMSX 311906 |
L'observation des brèches a mené aux constatations générales suivantes :
- Des 29 wagons-citernes déraillés, 19 (66 %) ont subi une brèche et ont rejeté différentes quantités de produit.
- Trois des wagons-citernes (les 13e, 23e et 26e wagons) se sont complètement séparés en 2 parties. Les ruptures de ces 3 wagons-citernes présentaient des signes de fragilisation.
- Des 19 wagons-citernes endommagés, 6 ont subi plus d'un type de brèche.
- Après l'extinction de l'incendie, le rejet par des brèches plus petites, bien que non instantané, a contribué à l'alimentation du feu en nappe et au déversement de produit.
1.38.2 Dommages à la coque des wagons-citernes
Neuf wagons-citernes ont rejeté du produit en raison de brèches de coque causées par la collision. De ces 9 brèches de coque, 8 (89 %) étaient de taille moyenne à grande, ce qui a entraîné le rejet rapide d'une grande quantité de produit et la naissance du feu en nappe qui a suivi. Ainsi, en raison de leur taille et du nombre de wagons touchés, les brèches de coque ont été les plus importants contributeurs au rejet de produit.
Comme seulement 2 des wagons-citernes touchés étaient dotés d'enveloppes et d'isolant, la coque de la plupart des wagons a subi un impact direct. Ainsi, à l'exception des 9e, 10e, 11e, 34e et 35e wagons, la coque de tous les wagons-citernes déraillés présentait une certaine forme de dommage dû à un impact. Les dommages variaient entre des bosselures et éraflures mineures et des bosselures localisées profondes et d'importants gauchissements et écrasements transversaux. On considère que les dommages observés étaient représentatifs de collisions avec des objets allant de petits objets relativement pointus (p.ex., attelages, bogies) à de gros objets très peu tranchants (p.ex., la tête d'un autre wagon).
1.38.3 Dommages thermiques
Un dommage thermique se produit lorsqu'un wagon-citerne est assujetti à un incendie suivant un déraillement. Les ruptures thermiques (causées par la chaleur) se produisent généralement lorsque des wagons-citernes chargés sont exposés à un incendie et que leur dispositif de décharge de pression (DDP) ou d'autres brèches sont incapables d'évacuer la pression interne croissante. Cela peut se traduire par la rupture énergétique d'un wagon-citerne. Lorsqu'il y a présence de liquides inflammables de classe 3, la soudaine détente de la pression accumulée entraîne généralement le rejet du chargement sous la forme d'une grosse boule de feu, ainsi que l'inflammation du produit restant à l'intérieur du wagon-citerne. Les ruptures de wagons-citernes causées par la surchauffe sont généralement longitudinales et perpendiculaires aux contraintes circonférentielles de la coque de la citerne.
Des 27 wagons-citernes inspectés par le BST, 21 (78 %) présentaient des dommages indiquant qu'ils ont été exposés à l'incendie qui a suivi le déraillement. Les dommages par le feu variaient d'entre le roussissement de la peinture à des changements de la teneur en carbone en surface et à de l'oxydation externe, ce qui correspond à une exposition au pétrole brut et à de l'air très chaud. Aucune de perforation due à des dommages causés par le feu (trou de brûlure) n'a été constatée sur les wagons touchés.
L'examen a permis de constater ce qui suit :
- Sept wagons-citernes ont subi des brèches causées par des ruptures thermiques dues à l'exposition au feu qui a suivi le déraillement.
- Des 7 wagons-citernes qui ont subi des ruptures thermiques, 5 (les 10e, 11e, 12e, 17e et 22e wagons) n'ont subi aucune autre brèche pouvant avoir contribué à la détente de la pression interne.
- Des 7 wagons-citernes qui ont subi des ruptures thermiques, 2 ont également subi des brèches de coque et à la tête (les 14e et 21e wagons, respectivement).
- La taille des ruptures thermiques variait de 1 à 16 pieds. On a rapporté que tous les wagons-citernes ayant subi des ruptures thermiques avaient perdu l'ensemble de leur chargement, à l'exception du 14e wagon dont la tête de l'extrémité B a subi une rupture thermique.
- Ainsi, en raison de leur taille et du nombre de wagons touchés, les ruptures thermiques ont été les deuxièmes importants contributeurs au rejet de produit (après les brèches de coque).
- On a précédemment suggéré que les DDP dont la pression de déclenchement de la décharge est plus élevée risqueraient de créer une pression interne excessive au cours d'un incendie, entraînant ainsi des ruptures thermiques plus énergétiques. La longueur des ruptures thermiques des wagons-citernes dotés d'un DDP de 75 livres au pouce carré variait de 1 à 16 pieds; le 14e wagon, qui était doté d'un DDP de 165 livres au pouce carré, avait subi une rupture thermique d'une longueur 4 pieds. Ainsi, rien ne soutenait l'hypothèse selon laquelle les DDP dont la pression de déclenchement est plus élevée produisent des ruptures thermiques plus énergétiques (plus grandes).
- Les 15e et 18e wagons-citernes étaient dotés d'une enveloppe et d'isolant en laine de verre de 4 pouces d'épaisseur. Ces 2 wagons n'ont pas subi de ruptures thermiques, et ce, même s'ils ont été exposés à l'incendie qui a suivi le déraillement. Toutefois, ils ont subi d'autres brèches qui ont probablement permis la détente de pression interne. Ainsi, il a été impossible de déterminer l'efficacité de l'enveloppe et de l'isolant en ce qui concerne le retardement de l'augmentation de la pression interne.
1.38.4 Dommages aux boucliers protecteurs et aux têtes de citernes
Le BST a inspecté les 27 wagons-citernes déraillés et a fait les constatations suivantes :
- Les boucliers protecteurs de 23 wagons (85 %) ont subi des dommages causés par une collision.
- Huit wagons (30 %) ont perdu 1 de leurs boucliers protecteurs, et 3 wagons (11 %) ont perdu leurs 2 boucliers protecteurs. La plupart des boucliers protecteurs se sont détachés en raison du bris de leurs supports de fixation.
- Au moins 1 des 2 têtes de 17 wagons (63 %) présentaient des bosselures.
- La tête de 2 wagons (les 14ee et 28e wagons) a subi une brèche causée par un impact.
Les résultats de l'examen suggèrent que dans l'ensemble, les demi-boucliers protecteurs trapézoïdaux et les boucliers protecteurs complets installés sur les wagons-citernes CPC-1232 ont protégé efficacement les têtes contre les perforations pendant le déraillement.
1.38.5 Dommages aux raccords supérieurs et aux dispositifs de décharge de pression
L'enceinte protectrice d'environ la moitié des wagons-citernes présentait des dommages causés par un impact. L'enceinte protectrice de 2 wagons-citernes (les 19e et 25e wagons) était manquante, et tous les raccords et les dispositifs de décharge de la pression de ces wagons ont été cisaillés. Plus spécifiquement :
- Le 19e wagon n'avait subi aucune autre brèche. On ne connaissait pas l'orientation de ce wagon-citerne parmi les wagons empilés, mais celui-ci aurait rejeté l'ensemble de sa cargaison. C'est pourquoi il est probable que ce wagon était orienté de façon à ce que le produit puisse s'échapper par les raccords supérieurs et le DDP endommagés et alimenter le feu en nappe.
- Le 25e wagon-citerne s'est immobilisé debout. Il avait une importante perforation de coque près de la buse des raccords supérieurs et aurait rejeté une partie de sa cargaison. Il est probable que le déversement de produit ait été le résultat des rejets par les brèches de la coque, des raccords supérieurs et du DDP.
1.38.6 Dommages aux trous d'homme
Les wagons déraillés étaient équipés d'un couvercle de trou d'homme articulé et boulonné. La plupart étaient fermés, et leurs charnières et boulons à œil ne montraient pas de dommages causés par un impact. Aucun couvercle de trou d'homme ne s'était séparé en raison d'un impact.
Le couvercle de trou d'homme des 25e et 26e wagons-citernes était ouvert, et certains boulons à œil de ces wagons étaient manquants ou brisés. Ces wagons ont également subi de grandes brèches à la coque, ce qui indique qu'ils ont subi de violentes collisions pendant l'accident. Il a été impossible d'établir si les couvercles de trou d'homme se sont ouverts pendant l'accident, ou si on les a ouverts pendant les activités de remise en état du site.
Le couvercle du trou d'homme du 16e wagon était fermé, mais sa charnière était brisée, la buse était craquée et plusieurs boulons à œil étaient dégagés. On a observé des résidus brûlés de produit dans l'espace entre le couvercle et la buse. Comme ce wagon-citerne s'est immobilisé sur son côté gauche, le produit s'est probablement échappé par le trou d'homme ébréché. Les robinets de vidange par le bas (RVB) de ce wagon ont également subi des brèches, par lesquelles une partie de la cargaison se serait échappée.
1.38.7 Dommages à l'enceinte de protection contre le glissement et aux robinets de vidange par le bas
L'enceinte de protection contre le glissement des robinets de vidange par le bas (RVB) de 8 wagons a subi des dommages causés par un impact. Ces dommages variaient de la déformation de la structure de protection causée par des impacts ou de l'écrasement, à la séparation de cette structure ou au bris des soudures entre la structure et la coque, ou à une combinaison de ces types de dommages. Dans l'ensemble, la coque des wagons-citernes, dont la structure de protection contre le glissement était endommagée, était lourdement déformée à proximité de cette structure de protection, indiquant que les wagons avaient subi d'importantes collisions.
L'AAR exige que [traduction] « la poignée du robinet de vidange par le bas, sauf si elle est rangée séparément, soit conçue de manière qu'à l'impact elle se déforme ou se détache, ou que, dans la position fermée, elle soit située au-dessus de la surface inférieure du patin »Note de bas de page 82. Dans le cas à l'étude, la poignée et le mécanisme de fixation du RVB de 13 wagons-citernes ont subi des dommages causés par un impact. Ces dommages variaient d'une déformation liée à un impact à la séparation complète de la poignée et de son mécanisme de fixation.
L'adaptateur du RVB de 9 wagons-citernes (les 13e, 16e, 18e, 19e, 21e, 24e, 26e, 27e et 28e) s'est brisé à la bride de fixation (le point de rupture prévu), ce qui a mis à découvert le tournant sphérique du RVB. La poignée du RVB de ces wagons (à l'exception des 13e et 28e) était également endommagée ou manquante.
Les 16e, 18e, 24e et 27e wagons-citernes étaient ébréchés à cause de leur RVB endommagé par un impact. Le tournant sphérique du RVB exposé de 3 de ces 4 wagons-citernes (les 16e, 18e et 24e wagons) était partiellement ouvert ou laissait visiblement échapper du produit. Si les raccords supérieurs et le robinet de vidange par le bas sont endommagés, le raccord qui se retrouve à la position la plus haute peut agir comme un évent et augmenter grandement le débit à partir de l'autre accessoire endommagé.
Deux de ces 4 wagons-citernes ont également subi un autre type de brèche; notamment, le 16e wagon avait subi une brèche du trou d'homme. Trois des wagons-citernes ont rejeté du produit en raison d'un mouvement de la poignée du RVB, ce qui a probablement eu lieu pendant le déraillement ou les activités de remise en état du site. En particulier :
- L'adaptateur du RVB du 16e wagon-citerne (VMSX 310838) s'est rompu, ce qui a mis à découvert le tournant sphérique du RVB. Ce RVB rejetait du produit. La poignée de manœuvre du RVB et le mécanisme de fixation étaient déformés et écrasés contre la citerne. Le tournant sphérique du RVB n'a pas subi de dommages causés par le feu, ce qui suggère que l'adaptateur s'est rompu pendant les activités de remise en état du site. Le trou d'homme de ce wagon fuyait également.
- L'adaptateur du RVB du 18e wagon-citerne (VMSX 280529) s'est détaché par cisaillement. La poignée de manœuvre du RVB ne présentait pas de dommages d'impact visibles, mais n'était plus fixée au wagon, car son mécanisme de fixation était détaché. Le tournant sphérique exposé du RVB était oxydé et partiellement ouvert. La poignée s'est complètement détachée pendant les activités de remise en état du site, et le tournant sphérique du RVB pivotait librement. S'il a été impossible de définir la position originale du tournant sphérique du RVB après le déraillement, on considère qu'il est probable que ce RVB ait rejeté du produit.
- L'adaptateur du RVB du 27e wagon-citerne (VMSX 311824) s'est détaché par cisaillement. L'impact a grandement déformé le mécanisme de fixation de la poignée de manœuvre de ce RVB, et cette poignée n'était plus fixée au wagon. Il a été impossible de définir avec précision l'état du tournant sphérique exposé de ce RVB après l'immobilisation du wagon-citerne. Toutefois, on a placé ce wagon avec son RVB pointant vers le haut pendant les activités de remise en état du site, et l'on a rapporté que le wagon a rejeté une partie de sa cargaison après le déraillement. Cela suggère que le produit a sans doute été rejeté par le RVB.
Ce problème avait également été identifié dans le cadre d'une enquête sur un déraillement survenu à White River (Ontario) en 2013, où étaient en cause des wagons-citernes de catégorie 111 construits avant l'entrée en vigueur de la norme CPC-1232 (Rapport d'enquête ferroviaire R13T0060 du BST). Le BST a transmis l'Avis de sécurité ferroviaire 15/13 à TC pour l'aviser des risques liés au rejet de produit lorsque la poignée d'un RVB est endommagée pendant un déraillement. On a également identifié ces risques dans le cadre de l'enquête sur le déraillement de 63 wagons-citernes de catégorie 111 survenu à Lac-Mégantic en 2013 (Rapport d'enquête ferroviaire R13D0054 du BST).
1.38.7.1 Recommandation du National Transportation Safety Board sur les robinets de vidange par le bas
À la suite de l'enquête réalisée en 2009 sur le déraillement d'un train de marchandises du CN à Cherry Valley (Illinois), le NTSB a conclu que [traduction] « les normes et les règlements existants pour la protection des robinets de vidange par le bas des wagons-citernes n'abordaient pas les mécanismes de manœuvre des robinets, et étaient donc insuffisants pour assurer le maintien du robinet en position fermée en cas d'accident »Note de bas de page 83. Le NTSB recommandait que la NHTSA : [traduction]
exige que tous les robinets de vidange par le bas utilisés sur les wagons-citernes non pressurisés, nouvellement construits ou existants, soient conçus pour rester fermés lors d'accidents où le robinet et sa poignée de manœuvre subissent des forces d'impact (R12-6)Note de bas de page 84.
1.38.8 Dommages à la longrine troquée
Il est interdit de fixer les longrines tronquées directement à la coque des wagons-citernes. L'American Association of Railroads (AAR) exige de fixer les longrines tronquées à des plaques de renfort qui, elles, doivent être fixées à la coque de la citerne. L'AAR exige également que la plaque de renfort se prolonge de part et d'autre du point de fixation de la longrine et jusqu'au point de fixation des cales de tête de la citerneNote de bas de page 85, Note de bas de page 86. Ces exigences visent à empêcher le rejet de produit en garantissant qu'en cas de surcharge d'une longrine tronquée, la séparation se produira entre la longrine et la plaque de renfort, sans se propager au niveau de la coque de la citerne.
Au moins 1 longrine troquée ou 1 attelage de la majorité des wagons-citernes qui ont déraillé était endommagé. Les dommages à la longrine troquée des 23e et 28e wagons-citernes se sont étendus jusqu'à la citerne. L'examen a permis de constater ce qui suit :
- À l'extrémité A du 23e wagon-citerne, la soudure reliant la cale de tête et la longrine troquée portait une petite fissure qui se propageait dans la soudure reliant la semelle de longrine avant et la tête de citerne, et se terminait dans la tête de citerne. Toutefois, l'on considère que cette petite fissure constituait une négligeable source de rejet en comparaison avec la large brèche de la coque qu'avait subie ce wagon-citerne qui s'est séparé en 2 pièces.
- Le 28e wagon-citerne avait subi une brèche en raison de dommages causés par un impact aux points de fixation de la longrine tronquée de l'extrémité A. On a prélevé des échantillons de la longrine tronquée endommagée à des fins d'analyse plus poussée au laboratoire du BST, et ce, pour valider la conception de la longrine tronquée. L'analyse a permis de constater ce qui suit :
- L'extrémité A de ce wagon-citerne a subi de multiples impacts élevés pendant l'accident.
- Une cale de bout de citerne s'est rompue et s'est séparée de la tête de citerne de l'extrémité A.
- Une rupture s'est formée selon un mode de défaillance causée par des contraintes ductiles dans la partie avant de la cale de bout, puis s'est propagée dans les soudures d'angle entre la cale de bout et la tête de citerne.
- Cette rupture a continué de se propager vers l'intérieur par les soudures d'angle jusqu'aux soudures longitudinales, entre les semelles de glissoir et la cale de bout de citerne.
- Cette rupture s'est ensuite étendue jusque dans la coque de la citerne, ce qui s'est traduit par une brèche des 2 côtés.
- Les ruptures de la coque et de la tête présentaient principalement des signes de fragilisation.
- Les charges multidirectionnelles élevées liées aux impacts ont probablement dépassé les critères de conception de la longrine tronquée et a causé la propagation peu énergétique (par fragilisation) des fissures depuis les soudures de fixation de la cale de bout de citerne jusqu'à la coque et la tête de citerne.
1.38.9 Propriétés du matériau de la coque de citerne
On a soumis à des essais métallurgiques les échantillons prélevés sur le 29e wagon-citerne (VMSX 311892), lequel était fait de tôles d'acier normalisé de nuance B conforme à la norme TC128 de l'AAR. Ces tôles étaient du même âge que les autres wagons-citernes qui ont déraillé. Les essais ont permis de constater ce qui suit :
- Les échantillons des têtes et de la coque de citerne étaient conformes aux spécifications applicables en matière de composition chimique et de résistance à la traction.
- Comme les wagons-citernes déraillés n'étaient pas conçus pour le service par temps froid, leur matériau n'était pas assujetti à des exigences sur l'absorption de l'énergie d'impact.
- Néanmoins, selon les résultats d'énergie d'impact d'échantillons assujettis à l'essai Charpy V testés à une température de −45,6 °C (50 °F), le matériau satisfaisait aux exigences de l'AAR sur l'absorption de l'énergie d'impact pour le service par temps froid.
- Certains wagons-citernes présentaient des perforations ductiles. D'autres ont subi des ruptures fragiles correspondant à une propagation peu énergétique des fissures.
- Pendant une collision, la vitesse de déformation et les contraintes triaxialesNote de bas de page 87 à l'endroit d'une rupture peuvent varier considérablement en fonction de certains facteurs, dont la force de la collision, l'orientation et la vitesse de l'impact, et la pression interne de la citerneNote de bas de page 88. Il est bien connu que les tendances de rupture par fragilisation de l'acier augmentent lorsque la vitesse de déformation et la triaxialité des contraintes augmententNote de bas de page 89. Ainsi, lorsque des collisions violentes se traduisent par une vitesse de déformation ou une triaxialité des contraintes élevée, le matériau de la citerne peut se comporter de manière plus cassante que ce à quoi on s'attendrait des résultats de l'essai Charpy V.
1.38.9.1 Résumé de l'examen du wagon-citerne
L'examen a permis de conclure que :
- Le matériau des têtes et de la coque du wagon-citerne satisfaisait aux exigences de composition chimique et de résistance à la traction pour l'acier normalisé de nuance B et conforme à la norme TC128 de l'Association of American Railroads (AAR).
- Dans l'ensemble, les boucliers protecteurs et les enceintes de protection des raccords supérieurs des wagons-citernes conformes à la norme CPC-1232 ont très bien protégé les têtes et les autres dispositifs pendant le déraillement.
- Certains wagons-citernes présentaient des perforations ductiles. D'autres ont subi des ruptures fragiles correspondant à une propagation peu énergétique des fissures.
- Il est probable que les effets combinés de la basse température ambiante et des conditions de la collision se sont traduits par une vitesse de déformation accrue et une grande triaxialité des contraintes, ce qui a entraîné les ruptures fragiles des citernes.
- On considère que le rendement des wagons-citernes de catégorie 111 conformes à la norme CPC-1232 était semblable à celui des wagons-citernes de catégorie 111 plus âgés examinés dans le cadre de l'enquête du BST sur l'accident à Lac-MéganticNote de bas de page 90.
1.38.9.2 Plaques de marchandises dangereuses
Selon le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses, il faut afficher de chaque côté et à chaque extrémité d'un wagon-citerne une plaque identifiant la classe et le numéro UN des MD transportées.
Tous les wagons-citernes qui ont déraillé transportaient du pétrole brut (UN 1267). Si la plupart des wagons-citernes portaient les plaques UN 1267 appropriées, les 31e et 34e wagons-citernes avaient des plaques UN 1268 (distillats de pétrole). Les marques de sécurité des MD de ces 2 wagons-citernes déraillés identifiaient incorrectement le produit. Par conséquent, elles n'étaient pas conformes à la réglementation. De plus, les plaques de 1 wagon-citerne n'indiquaient pas toutes le même numéro UN.
1.39 Enquêtes du BST sur des problèmes de sécurité
En réponse à une série de déraillements dans des voies principales secondaires mettant en cause des rails brisés et survenus à l'hiver 2003-2004, le BST a effectué une enquête sur des problèmes de sécuritéNote de bas de page 91. Cette étude a permis d'établir une relation considérable entre les défauts de rail et le niveau de trafic de trains-blocs, et de constater que l'on n'avait pas assuré un entretien régulier adapté à l'augmentation du trafic. Ces mêmes circonstances peuvent s'appliquer aux voies principales. Cette étude a également permis de déterminer ce qui suit :
- Les compagnies ferroviaires savent que l'augmentation du volume de transport ferroviaire de trains-blocs accélère la dégradation de la voie. Toutefois, ils ne réalisent pas toujours d'équilibre approprié entre la dégradation accélérée de la voie et l'entretien/le remplacement opportun de l'infrastructure.
- En soi, la conformité au Règlement concernant la sécurité de la voie (RSV) n'a pas suffi à assurer la sécurité, car elle ne comprend pas de moyens d'anticiper l'évolution des conditions, dont l'augmentation à long terme du trafic.
- Il faut établir des processus plus vigilants pour anticiper les conditions opérationnelles pouvant réduire les marges de sécurité à l'aide SGS.
1.40 Liste de surveillance du BST
La Liste de surveillance du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) énumère les principaux enjeux de sécurité qu'il faut s'employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr.
1.40.1 Gestion de la sécurité et surveillance
Il incombe aux entreprises de transport de gérer les risques de sécurité liés à leur exploitation. Les SGS fournissent le cadre nécessaire pour y parvenir, et de nombreuses entreprises en appliquent un de façon formelle, volontairement ou parce que le Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire de TC les y oblige. Même les petites entreprises doivent suivre des processus de sécurité pour gérer les risques.
Certaines entreprises considèrent que leurs mesures de sécurité sont appropriées tant qu'elles sont conformes aux exigences de la réglementation. Or, la réglementation ne suffit pas, à elle seule, à prévenir tous les risques uniques d'une opération particulière. C'est la raison pour laquelle le BST insiste régulièrement sur les avantages des SGS. En effet, ces systèmes constituent un cadre reconnu partout dans le monde, et permettent aux entreprises de gérer efficacement les risques et de rendre leur exploitation plus sécuritaire.
Le passage à un SGS doit être accompagné d'une surveillance réglementaire appropriée. Puisque les organismes de réglementation devront traiter avec des entreprises ayant différentes capacités ou différents niveaux d'engagement en matière de gestion préventive des risques, cette surveillance doit être équilibrée. Elle doit inclure la vérification en amont des processus de gestion de la sécurité, une formation pratique et théorique continue et des contrôles habituels permettant d'assurer le respect de la réglementation en vigueur.
En outre, elle doit comprendre 3 éléments clés : un cadre réglementaire clair exigeant la mise en œuvre d'un SGS adapté à la portée et à la taille des opérations de l'entreprise; des SGS permettant de cerner et de réduire les risques efficacement; une surveillance réglementaire équilibrée.
On a constaté certains problèmes dans le cadre d'enquêtes précédentes du BST :
- Même si les opérateurs ferroviaires du Canada ont l'obligation de se doter d'un SGS, le BST a constaté que les processus du SGS n'étaient pas toujours suivis ou étaient inefficaces. Cette lacune a empêché d'identifier des dangers et de mettre en place des mesures d'atténuation des risquesNote de bas de page 92.
- En ce qui concerne la surveillance réglementaire assurée par TC, on a observé 2 problèmes : l'incapacité du ministère à déterminer les processus inefficaces des entreprises, et le manque d'équilibre entre les processus de vérification et les inspections habituelles.
Pour éliminer ces problèmes, les entreprises qui possèdent un SGS doivent démontrer que celui-ci fonctionne bien (c'est-à-dire qu'il permet de déceler les risques et que des mesures de réduction des risques efficaces sont mises en œuvre). Si les entreprises ne peuvent gérer efficacement la sécurité, TC doit non seulement intervenir, mais le faire de façon à changer les pratiques d'exploitation jugées non sécuritaires.
1.40.2 Transport de liquides inflammables par rail
En novembre 2014, le BST a ajouté le transport de liquides inflammables par rail à sa Liste de surveillance. Cet enjeu est demeuré sur la Liste de surveillance du BST en 2016.
Le transport de pétrole brut par rail a augmenté de façon exponentielle partout en Amérique du Nord depuis 2009; en 2014, il a atteint un sommet de 238 000 wagons complets au CanadaNote de bas de page 93 et de 500 000 wagons complets aux États-UnisNote de bas de page 94. Pour sa part, le volume d'éthanol est demeuré relativement stable, soit en moyenne 76 250 wagons complets par année au Canada, et 331 000 wagons complets aux États-UnisNote de bas de page 95. Malgré une tendance à la baisse dernièrement, on prévoit que le volume de liquides inflammables transporté par rail demeurera important.
Le BST craint que les méthodes d'exploitation actuelles des compagnies ferroviaires, combinées à la vulnérabilité des wagons-citernes plus âgés utilisés pour transporter du pétrole brut et d'autres liquides inflammables, ne permettent d'atténuer efficacement le risque associé au transport de grandes quantités de telles matières dangereuses par rail.
La vulnérabilité des wagons-citernes de catégorie 111 est connue depuis des annéesNote de bas de page 96. Le Bureau a réclamé des normes plus strictes pour tous les wagons-citernes de catégorie 111Note de bas de page 97 – et non seulement les nouveaux – afin de réduire la probabilité de rejet en cas d'accident. Plusieurs enquêtes du NTSB sur des accidents aux États-Unis ont, elles aussi, fait ressortir la vulnérabilité des wagons-citernes de catégorie 111Note de bas de page 98.
Le BST juge encourageant que les organismes de réglementation fédéraux du Canada et des États-Unis aient pris d'importantes mesures pour régler ce problème, y compris la promulgation d'une norme de wagon-citerne plus robuste (catégorie 117), des dispositions de rattrapage, un calendrier de mise en œuvre, ainsi que des mesures de surveillance réglementaire et d'application. Les mesures prises jusqu'à présent par les organismes de réglementation fédéraux et le secteur ferroviaire ont, depuis 2014, contribué à réduire considérablement l'utilisation des anciens wagons-citernes de catégorie 111 pour le transport du pétrole brut.
Bien que les organismes de réglementation fédéraux et le secteur ferroviaire aient pris des mesures concernant la sécurité des wagons-citernes, les règlements fédéraux autorisent néanmoins l'utilisation des wagons-citernes de catégorie 111 pour transporter certains liquides inflammables jusqu'au milieu de 2025. Par conséquent, le facteur de risque demeurera élevé tant que tous les liquides inflammables à plus haut risque ne seront pas transportés dans des wagons-citernes plus robustes et à protection renforcée en Amérique du Nord.
Depuis le déraillement à Lac-Mégantic en juillet 2013 (Rapport d'enquête ferroviaire R13D0054 du BST), d'autres déraillements survenus au CanadaNote de bas de page 99, dont celui à l'étude, ont démontré que la population, les biens et l'environnement sont exposés à un risque important en cas de déraillement de trains transportant de grands volumes de liquides inflammables.
Ces événements récents soulignent la nécessité d'une planification d'itinéraires stratégique et d'une exploitation plus sûre de tous les trains transportant des marchandises dangereuses au Canada. Les chemins de fer doivent choisir soigneusement les itinéraires servant à transporter le pétrole brut et d'autres liquides inflammables et s'assurer de la sécurité d'exploitation des trains sur ces voies. Ces risques doivent être traités comme un enjeu de transport nord-américain, puisque les produits sont transportés d'un côté à l'autre de la frontière par les sociétés ferroviaires.
Pour éliminer ces problèmes, les compagnies ferroviaires doivent planifier et analyser rigoureusement les itinéraires, et effectuer des évaluations des risques pour s'assurer que les mesures de contrôle des risques sont efficaces. Il faut, en outre, qu'elles transportent les liquides inflammables dans des wagons-citernes plus robustes afin de réduire la probabilité de rejet de MD en cas d'accident.
1.41 Rapports de laboratoire du BST
Le BST a complété les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :
- LP 055/2015 : Examination of Rail Joint and Pieces [examen du joint et des morceaux de rail]
- LP 056/2015 : Examination of Tank Cars [examen des wagons-citernes]
- LP 057/2015 : Analysis of Crude Oil Samples [analyse d'échantillons de pétrole brut]
- LP 146/2015 : Examination of Tank Car Coupons [examen des coupons des wagons-citernes]