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Rapport d'enquête ferroviaire R99T0298

Accident et déraillement à un passage à niveau
train de marchandises numéro M-321-21-22
du Canadien National
et
train de voyageurs numéro 68
de VIA Rail Canada Inc.
point milliaire 292,59, subdivision Kingston
Bowmanville (Ontario)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Vers 18 h 45, heure normale de l'Est, le train de marchandises no M-321-21-22 du Canadien National qui roulait vers l'ouest a heurté un tracteur à semi-remorque qui était abandonné sur la voie à un passage à niveau de ferme, à Bowmanville (Ontario). Le train a déraillé après avoir poussé la remorque sur une distance d'environ 2 000 pieds le long de la voie ferrée. Un train de VIA Rail Canada Inc. qui roulait vers l'est a heurté les débris et a déraillé peu de temps avant que le train de marchandises se soit immobilisé. Un incendie s'est déclaré et a été alimenté par du carburant qui fuyait du tracteur à semi-remorque. Du carburant s'est aussi échappé des réservoirs percés des locomotives. Certains wagons chargés de marchandises dangereuses ont déraillé, mais leur contenu ne s'est pas déversé. L'accident a causé des blessures mineures à six employés de VIA Rail Canada Inc., dont quatre employés des services de bord, ainsi qu'à cinq voyageurs.

L'évacuation du train s'est déroulée avec rapidité et efficience, de même que le nettoyage du carburant répandu.

This report is also available in English.

1.0 Renseignements de base

1.1 L'événement

Le 23 novembre 1999, vers 18 h 45, heure normale de l'Est (HNE)Note de bas de page 1, le train de marchandises no M-321-21-22 (train 321) du Canadien National (CN), qui roule en direction ouest sur la voie principale nord, heurte la remorque d'un tracteur à semi-remorque abandonné à un passage à niveau de ferme situé au point milliaire 292,59 de la subdivision Kingston du CN, près de Bowmanville (Ontario). Le tracteur et la remorque sont entraînés vers l'ouest sur une distance d'environ 2 000 pieds. À environ 800 pieds à l'ouest du passage à niveau, des pièces métalliques de la remorque se coincent sous les roues de la locomotive de tête, ce qui entraîne le déraillement des deux locomotives et des 10 wagons qui les suivent; 4 de ces wagons se renversent sur le côté dans le fossé nord et sont repoussés par le train de voyageurs qui passe dans l'autre sens et dont les voitures sont en portefeuille. Le tracteur reste relié à la remorque et prend feu. Le service des incendies local parvient à éteindre l'incendie. Trois des wagons de marchandises qui ont déraillé contiennent un résidu de gaz de pétrole liquéfié (GPL) et cinq autres sont chargés de butadiène.

Tout juste avant que le train de marchandises s'immobilise après avoir déraillé, le train de voyageurs no 68 de VIA Rail Canada Inc. (VIA 68), roulant en direction est sur la voie principale sud, heurte le tracteur du tracteur à semi-remorque que la locomotive de tête du train de marchandises pousse devant elle, arrache le tracteur de sa remorque et le pousse vers l'est sur une distance d'environ 700 pieds. Des pièces du tracteur se coincent sous les roues de la locomotive de VIA et font dérailler la locomotive ainsi que les cinq voitures qui suivent. L'accident cause des blessures mineures à six employés de VIA, dont quatre employés des services de bord, et à cinq voyageurs.

Quelque 11 350 litres (2 500 gallons) de carburant diesel s'échappent des réservoirs de la locomotive de VIA et de la locomotive de tête du train 321, mais le combustible ne prend pas feu.

1.2 Méthode de contrôle du mouvement des trains

Dans la subdivision Kingston, le mouvement des trains est régi par le système de commande centralisée de la circulation, en vertu du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF), et est supervisé par un contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) à partir de Toronto (Ontario).

1.3 Particularités de la voie

Dans le secteur où l'accident est survenu, la subdivision Kingston du CN est constituée de deux voies principales, appelées voie principale nord et voie principale sud. La vitesse maximale autorisée par l'indicateur est de 100 mi/h pour les trains de voyageurs et de 60 mi/h pour les trains de marchandises. Chaque jour, 24 trains de voyageurs et environ 30 trains de marchandises circulent dans cette ligne. La subdivision Kingston est un des tronçons les plus fréquentés et un de ceux où la vitesse est la plus élevée au Canada.

1.4 Le tracteur à semi-remorque

Le véhicule, un tracteur routier de 23 pieds de longueur qui tirait une plate-forme de 64 pieds transportant de la machinerie, était parti de Vaughan (Ontario) et se rendait à Bowmanville. La machinerie qu'il transportait était destinée à une cimenterie établie du côté sud de la subdivision Kingston du CN et à l'ouest de Waverly Road.

D'après les instructions qu'il avait reçues, le conducteur devait prendre l'autoroute 401 ouest jusqu'à Bowmanville, quitter l'autoroute à Waverly Road et rouler vers le sud sur Waverly Road jusqu'à la cimenterie. Le conducteur n'a pas contre-vérifié ces instructions verbales sur une carte du secteur. Il est sorti de l'autoroute 401 conformément aux instructions reçues et voyait clairement la cimenterie vers le sud-ouest. Toutefois, la rampe de sortie se terminait à une route est-ouest appelée South Service Road. Il y avait un panneau d'information avant l'intersection entre la rampe de sortie et South Service Road, indiquant que, pour accéder à Waverly Road, il faudrait tourner à gauche. À cette intersection, il y avait aussi un panneau d'arrêt et des panneaux d'information touristique. Le conducteur a tourné à droite à l'intersection et a roulé vers l'ouest sur une distance d'environ 3 km. Il a dépassé l'intersection de Symons Road et a poursuivi sa route jusqu'à l'intersection de Holt Road. Il s'est alors aperçu qu'il était allé trop loin, et a fait demi-tour. À ce moment, le conducteur n'a pas communiqué avec son centre de répartition pour s'informer du chemin à suivre pour accéder à la cimenterie.

À mi-chemin entre Holt Road et Waverly Road, il est arrivé à une intersection où l'on pouvait prendre Symons Road vers le sud à partir de South Service Road. La figure 1 montre le plan du secteur ainsi que l'endroit où l'accident est survenu. Symons Road était une route de gravier en bon état qui mesurait environ 4,6 m de largeur. Il y avait un panneau indiquant un cul-de-sac (« No Exit ») du ôté sud-est de l'intersection, faisant face aux véhicules qui venaient de South Service Road. Le conducteur a engagé son véhicule sur Symons Road, et a parcouru environ 350 m en direction sud, jusqu'à un endroit où la route tournait vers l'ouest devant le talus du chemin de fer. Le conducteur a parcouru encore 370 m en direction ouest sur le chemin, jusqu'à un endroit où le chemin gravissait une pente de 6 p. 100 et décrivait une courbe serrée vers le sud, traversant immédiatement les voies principales doubles de la subdivision Kingston du CN. Constatant qu'il s'était trompé de route, le conducteur croyait pouvoir s'engager sur le passage à niveau et faire marche arrière pour reculer la remorque dans un champ situé au nord du passage à niveau et faire demi-tour. Une barrière d'accès à la cimenterie se trouvait à 17,5 m au-delà du rail sud de la voie sud.

Figure 1. Carte du secteur de l'accident Source: Map Art Publishing
Carte du secteur de l'accident Source: Map Art Publishing

Au moment où le conducteur tournait vers le sud pour s'engager sur les voies principales doubles, les roues arrière de la remorque ont enfoncé des traverses de chemin de fer qui enjambaient le fossé est, du côté nord de la voie. Les traverses faisaient partie d'un dalot en bois adjacent au ponceau fait d'un tuyau d'acier de 48 pouces passant sous le passage à niveau, qui aidait au drainage. Le camion s'est retrouvé immobilisé, la remorque sur la voie principale nord et le tracteur sur la voie principale sud. Par la suite, le conducteur a essayé de faire sortir la remorque du fossé pendant une dizaine de minutes, et a notamment essayé de libérer les roues arrière en utilisant le système hydraulique de la remorque pour déplacer les roues vers l'avant. Quand le conducteur a remarqué qu'un train de marchandises approchait en provenance de l'est, il a actionné les clignotants d'urgence du camion et a couru se mettre à l'abri au sud des voies ferrées. Peu après la collision, des employés de la cimenterie ont retrouvé le conducteur près de wagons-citernes chargés de marchandises dangereuses. On a avisé le conducteur de s'éloigner du secteur, et les employés de la cimenterie ont appelé les secours d'urgence.

1.5 Train no 321 du Canadien National (CN)

D'après le consignateur, le train 321 du CN roulait vers l'ouest sur la voie nord à une vitesse de 59 mi/h quand il est arrivé à la hauteur du passage à niveau. Le train comptait 2 locomotives et 113 wagons, pesait 8 795 tonnes et mesurait 7 196 pieds.

Les deux premiers wagons derrière les locomotives étaient des wagons-tombereaux chargés de câble. Les huit wagons suivants étaient des wagons-citernes chargés de marchandises dangereuses ou transportant des résidus de marchandises dangereuses. Le troisième et le quatrième wagons contenaient un résidu de gaz de pétrole liquéfié, no UN 1075. Le gaz de pétrole liquéfié est un gaz inflammable plus lourd que l'air. Des quatre wagons-citernes qui se sont renversés, il y en avait un qui contenait un résidu de gaz de pétrole liquéfié et trois qui étaient chargés de butadiène, no UN 1010. Le butadiène est un produit inflammable qui peut se polymériser (réaction chimique pendant laquelle des molécules se combinent) de façon explosive quand il est chauffé ou en cause dans un incendie. Le neuvième et le dixième wagons étaient chargés de butadiène. En tout, 35 wagons contenaient des marchandises dangereuses, mais il n'y a eu aucun déversement de produits.

Les membres de l'équipe du train ont aperçu un matériau rétroréfléchissant de couleur sur la voie et ils ont cru d'abord qu'il s'agissait de ruban indicateur de zone de marche prudente, qu'on utilisait fréquemment dans les chantiers de construction le long de la voie ferrée. Ils ont serré les freins d'urgence quand il est devenu évident que la surface réfléchissante était le côté d'un tracteur à semi-remorque. Ils ont aussi diffusé un appel radio d'urgence conformément à la règle 102 du REF, pour avertir les autres trains qui se trouvaient dans le secteur, et ont communiqué avec le CCF de Toronto pour demander de l'aide. Le CCF a ordonné à tout le trafic ferroviaire du secteur de s'arrêter.

1.6 Train no 68 de VIA Rail Canada Inc. (VIA)

Les données consignées indiquent qu'aux abords de Bowmanville, le VIA 68 roulait à 87 mi/h quand il est arrivé à la hauteur du point milliaire 293. Le train comptait une locomotive qui tirait six voitures conventionnelles en acier inoxydable. Les trois premières voitures étaient occupées par 100 voyageurs et 4 employés, au total. Les trois dernières voitures étaient inoccupées.

Le VIA 68 est parti de Toronto vers 18 h 9 en direction est, et s'est arrêté pour prendre d'autres voyageurs à la gare Guildwood, à Scarborough (Ontario). Les employés des services de bord ont présenté à tous les voyageurs un exposé de sécurité consistant en une explication des dispositifs de sécurité des voitures, en un énoncé sur les fiches de sécurité placées dans des pochettes dans les dossiers des fauteuils et en des exposés spéciaux pour les personnes assises près des fenêtres d'issue de secours, lesquelles peuvent être brisées en cas d'urgence. En arrivant à la hauteur du point milliaire 293,5, les deux mécaniciens de VIA ont entendu le message radio d'urgence émis par le train 321 et ont immédiatement serré les freins du train. Quelques secondes plus tard, tandis que le train sortait d'une courbe d'un degré entre le point milliaire 293,6 et le point milliaire 293, les mécaniciens ont serré les freins d'urgence, la visibilité étant limitée vers l'avant. Ils ont alors vu le train de marchandises devant eux. Le VIA 68 a heurté le tracteur et l'a arraché de l'avant du train 321 tout juste avant que le train de marchandises s'immobilise. Le VIA 68 roulait alors à une vitesse consignée de 62 mi/h. Le consignateur d'événements de la locomotive de VIA a indiqué que la vitesse du train a diminué de 87 mi/h à 62 mi/h pendant 15 secondes, après quoi la fonction d'enregistrement de la vitesse du consignateur a été rendue inopérante par suite de l'impact.

Après l'arrêt du train de voyageurs, les deux mécaniciens ont immédiatement communiqué par radio avec les employés des services de bord qui étaient dans les voitures, pour leur demander de faire évacuer les voyageurs le plus vite possible, de les diriger du côté sud et de les éloigner de la voie ferrée, du côté ouest, étant donné que le feu à l'arrière de leur locomotive touchait le fond d'un wagon-citerne contenant une marchandise dangereuse. Ils ont aussi communiqué par téléphone cellulaire avec le centre de contrôle de VIA, à Montréal (Québec), pour demander des secours d'urgence. Les deux mécaniciens sont sortis par les fenêtres latérales de la locomotive, étant donné que les portes n'ouvraient pas. Ils ont reçu des bosses et des contusions mineures, soit pendant que le train poursuivait sa course après avoir déraillé, soit pendant qu'ils sortaient de la locomotive.

Cinq voyageurs et les quatre employés des services de bord ont subi des blessures mineures. Les quatre employés des services de bord de VIA ont été projetés sur le plancher ou contre des fauteuils au moment de l'impact. Il n'a pas été nécessaire de leur prodiguer les premiers soins. Les moteurs de la locomotive se sont arrêtés par suite de la collision et l'éclairage de secours s'est allumé automatiquement. Une fois le train immobilisé, les employés de VIA ont mis en application les méthodes d'intervention d'urgence qu'ils avaient apprises. Ils ont accédé à l'équipement d'urgence (mégaphones, trousses de premiers soins multi-traumatismes et lampes de poche). Les employés ont distribué les lampes de poche aux voyageurs et ont procédé à l'évacuation du train.

Un des mécaniciens a communiqué par radio avec le chef de service pour l'aviser de la situation et pour l'informer de la voie d'évacuation optimale. Les employés des services de bord ont ensuite fait évacuer les voyageurs de façon ordonnée. Avant de quitter le train, les employés se sont assurés que tous les voyageurs étaient sortis. L'évacuation s'est faite en cinq minutes environ.

Les rangements à bagages supérieurs des voitures sont restés fermés et tous les bagages sont restés en place dans les rangements. Deux chariots de service se sont renversés dans les allées et des paquets d'aliments ont été éparpillés dans la cuisine. Une fois le train immobilisé, on a poussé les chariots près des fauteuils pour dégager les allées, de façon à faciliter l'évacuation.

Un voyageur de la première voiture a utilisé un marteau de secours pour briser une fenêtre d'issue de secours dans la première voiture, mais il s'est fait dire par les employés de sortir par la plate-forme arrière. La porte d'accès à la plate-forme avant de la troisième voiture étant bloquée par des débris, les voyageurs de cette voiture ont dû sortir par la porte de plate-forme arrière. Les voyageurs ont été évacués par les portes de plate-forme en état de fonctionner, situées au bout de chaque voiture, puis ont été dirigés vers le côté sud des voies ferrées, après quoi ils ont marché vers l'ouest le long d'un talus jusqu'au passage supérieur de Holt Road, au point milliaire 293,39. Il s'agissait de l'itinéraire le plus direct et le plus praticable pour amener les voyageurs à l'écart du secteur.

Le service des incendies local a éteint le feu à l'arrière de la locomotive de VIA à 19 h 40. Le personnel du service ambulancier et du service des incendies a retiré la clôture grillagée du passage supérieur de Holt Road et a aidé les voyageurs à gravir le remblai. Les voyageurs blessés ont été transportés vers un hôpital local où ils ont reçu des soins, et le reste des voyageurs ont été transportés par autobus à la gare de VIA à Oshawa, d'où ils ont pris d'autres autobus pour se rendre à destination. Il n'y avait pas de personnes à mobilité réduite à bord du train, et l'évacuation s'est faite sans incident. L'éclairage de secours était encore allumé dans toutes les voitures à 22 h 30.

1.7 Dommages subis par le train 321 et le VIA 68

Le tracteur du tracteur à semi-remorque, après avoir été heurté par le côté avant gauche de la locomotive 6430 de VIA, a été entraîné vers l'est sur une distance d'environ 700 pieds. La locomotive a déraillé quelque 300 pieds après le point d'impact et a continué sur sa lancée après avoir déraillé sur une distance d'environ 400 pieds. Le tracteur a endommagé le réservoir de carburant sud et l'échelle arrière de la locomotive de tête du train de marchandises et a laissé des marques contre le côté sud de la seconde locomotive du train de marchandises et des quatre wagons suivants. Des marques substantielles de frottement et d'impact relevées sur le côté sud des cinquième, sixième, septième et huitième wagons de marchandises correspondaient avec les parties écrasées du bout avant nord de la première voiture derrière la locomotive de VIA, ce qui indique qu'en raison d'une mise en portefeuille, l'arrière de la locomotive et l'avant de la première voiture sont entrés en contact avec le côté sud du train de marchandises à cet endroit, ce qui a entraîné le renversement de quatre wagons-citernes. Les dommages causés à la structure de la voie et le déraillement de la locomotive de VIA ont fait dérailler les quatre voitures qui suivaient. Toutefois, les voitures sont toutes restées à peu près à la verticale et ont subi des dommages mineurs à l'intérieur.

Quand les roues de la locomotive de VIA ont déraillé, le fond du réservoir de carburant a heurté les rails et a été éventré, laissant échapper 6 800 litres (1 500 gallons) de carburant diesel, auquel le feu s'est communiqué après que le tracteur a pris feu. Les deux locomotives du train de marchandises sont restées à la verticale après avoir déraillé et sont restées près des rails. Le réservoir de carburant en acier de 3/16 de pouce d'épaisseur de la locomotive de tête, CN 5382, a été entaillé du côté sud, et a laissé échapper environ 4 550 litres (1 000 gallons) de carburant diesel.

1.8 Le passage à niveau

À l'origine, le passage à niveau du point milliaire 292,59 était un passage à niveau de ferme qui permettait de passer des bâtiments de la ferme, du côté sud des voies ferrées, à des champs situés du côté nord. Vers 1980, la cimenterie a acheté la propriété et les bâtiments de la ferme situés au sud des voies, mais une petite partie des terres du côté sud des voies ont continué d'être cultivées. En plus de donner accès aux propriétés de la ferme, le passage à niveau constituait une entrée secondaire pour la cimenterie et pour une propriété d'Ontario Hydro. Il n'y avait pas d'éclairage au passage à niveau. Le platelage du passage à niveau mesurait 6,1 m (20 pieds) de longueur, tandis que le chemin d'approche menant à la courbe mesurait 4,6 m (15 pieds) de largeur. Il n'y avait pas de barrières d'un côté ou de l'autre des voies ferrées, et il n'y avait pas de signaux d'avertissement du côté nord du passage à niveau.

Du côté sud du passage à niveau, il y avait un panneau délavé d'avertissement de passage à niveau privé du CN. Ce panneau mesurait 60 cm carrés et portait une indication en anglais et en français signalant que les personnes qui franchissent le passage à niveau le font à leurs propres risques. À partir du nord, la voie d'accès au passage à niveau comprenait un virage à gauche de 90 degrés à une distance de 18 m (57 pieds) de la voie ferrée, et gravissait une pente de 6 p. 100. Le CN était responsable de l'entretien du passage à niveau à l'intérieur de l'emprise ferroviaire, mais n'était pas responsable de l'entretien des abords routiers, et n'avait pas non plus la responsabilité de placer des panneaux d'avertissement ou d'information à l'intention des automobilistes qui approchaient du passage à niveau.

1.9 Le conducteur du camion

Le conducteur du camion avait 16 ans d'expérience comme conducteur de tracteurs à semi-remorque et n'avait pas eu d'accident par le passé. Il a commencé à travailler à sa base d'appartenance, à Kitchener (Ontario), à 7 h. Le camion était équipé d'un poste bande publique (BP) et d'un téléphone cellulaire. Le conducteur croyait que le téléphone cellulaire ne permettait de communiquer qu'avec le bureau de répartition. Il ignorait que le numéro de téléphone d'urgence 911 permettait de rejoindre les responsables des urgences ferroviaires. Il n'a fait aucun appel d'urgence à l'aide de l'un ou l'autre des systèmes pendant qu'il était immobilisé sur le passage à niveau, ni après le déraillement.

1.10 Conditions météorologiques

Au moment de l'accident, il faisait nuit, le ciel était dégagé et la température était de 11 degrés Celsius. Des vents légers soufflaient du sud-est.

1.11 Atténuation des dégâts causés à l'environnement

On a érigé des bermes dans les fossés de chaque côté des voies ferrées afin de contenir l'écoulement du déversement de carburant diesel. Des mécanismes de récupération ont été installés pour recueillir le carburant diesel qui pourrait s'écouler de la plate-forme de la voie et du sol environnant. Les dégâts causés à l'environnement ont été minimes.

1.12 Questions relatives aux passages à niveau

1.12.1 Passages à niveau publics

Normalement, les passages à niveau publics où la circulation est faible sont équipés de panneaux de signalisation réflectorisés (croix de Saint-André) et de panneaux de signalisation avancés sur les abords routiers. Les passages à niveau où la circulation est plus dense sont équipés de dispositifs de signalisation automatique, habituellement des feux clignotants, une cloche et des barrières automatiques dans le cas de lignes à voies multiples ou à grande circulation. Certains passages à niveau publics sont aussi munis de panneaux destinés à signaler le passage éventuel de trains rapides. Lors de l'accident, il y avait très peu (moins de 10) de passages à niveau publics équipés seulement de dispositifs de protection passifs (croix de Saint-André ou croix de Saint-André et panneaux d'arrêt) dans la subdivision Kingston. La règle 14(l)(ii) du REF exige qu'un train siffle à au moins un quart de mille des passages à niveau publics, sauf dans les zones délimitées dans les instructions spéciales.

En Ontario, on a parfois employé des panneaux de signalisation avancés multiples, y compris des panneaux avertissant du passage de trains à grande vitesse (« High Speed Trains ») et des panneaux d'arrêt (« STOP ») (différents des panneaux d'arrêt courants, de forme octogonale), sur les abords routiers de passages à niveau munis de moyens de protection passive. Un numéro de téléphone d'urgence sans frais est affiché à tous les passages à niveau publics du CN au Canada, que ce soit à l'arrière des croix de Saint-André, sur les boîtiers des signaux ou sur les guérites adjacentes aux passages à niveau munis de moyens de signalisation.

1.12.2 Passages à niveau privés et passages à niveau de ferme

Dans sa circulaire sur les méthodes normalisées (CMN) no 2700 de janvier 1998, intitulée Passages à niveau, le CN a énoncé les exigences concernant la construction de tous les nouveaux passages à niveau (publics, privés et de ferme), lesquels devaient être conformes aux normes de Transports Canada exposées dans l'ordonnance générale E-4 de l'ancienne Commission canadienne des transports (CCT). L'ordonnance générale E-4 a été remplacée en 1980 par l'ordonnance CCT 1980-8 RAIL, laquelle a par la suite été modifiée en 1985 pour spécifier les exigences relatives aux nouveaux signaux de type à pictogrammes. Le règlement a fixé des normes concernant la surface des passages à niveau, la déclivité des abords (maximum de 5 p. 100) et la largeur du passage à niveau. Le règlement ne renfermait pas de normes relativement au tracé en plan général des abords routiers ou à leur largeur. Les distances de visibilité permettant de bien voir les trains devaient être conformes à la ligne directrice G4-A de Transports Canada, laquelle était basée sur une exigence voulant que, pour les véhicules routiers approchant d'un passage à niveau, les distances de visibilité soient suffisantes pour que le conducteur d'un véhicule puisse voir un train qui s'approche du passage à niveau pendant au moins 10 secondes. Les exigences concernant la distance de visibilité minimale ont été établies en fonction de la vitesse maximale permise pour les trains et de la vitesse maximale autorisée sur la route.

Dans les ententes concernant les passages à niveau privés, le CN a exposé les exigences auxquelles le titulaire de permis doit se conformer. Les ententes renfermaient des exigences relatives à la sécurité, disant qu'il fallait dégager les lignes de visibilité conformément à la ligne directrice G4-A de Transports Canada et, le cas échéant, comprenaient une annexe précisant l'obligation d'assurer une protection à l'aide de moyens autres que des simples croix de Saint-André. Les ententes contenaient aussi une clause indiquant que le titulaire avait la responsabilité de veiller à ce que les utilisateurs non autorisés et les véhicules à chenilles n'aient pas accès au passage à niveau. En outre, la CMN 2700 précisait que tous les nouveaux passages à niveau devraient être construits conformément à une norme de sécurité conforme, notamment à l'ordonnance générale E-4 et à la ligne directrice G4-A de Transports Canada. La CMN 2700 ajoutait que la conversion de passages à niveaux privés ou de ferme pour en faire des passages à niveau publics devait être conforme à des normes de sécurité acceptables pour Transports Canada.

Dans la CMN 2700, on n'a précisé aucune exigence quant aux travaux de construction ou d'amélioration des passages à niveau de ferme ou privés existants qui n'étaient pas conformes aux exigences minimales de Transports Canada. D'après la CMN 2700, une ordonnance ou une entente officielle est nécessaire pour des nouveaux passages à niveau privés, mais pas pour des nouveaux passages à niveau de ferme.

La Loi sur les chemins de fer prévoyait un droit historique relativement aux passages à niveau de ferme. Quand il était impossible d'établir un droit absolu à un passage à niveau de ferme, le propriétaire pouvait faire une demande à la CCT et obtenir une ordonnance obligeant le chemin de fer à construire un passage à niveau si le propriétaire pouvait prouver que le passage à niveau était nécessaire à la jouissance des terres, que le passage était sûr et qu'il servait l'intérêt public. La Loi sur les chemins de fer a été abrogée en 1996 et les dispositions relatives aux passages à niveau de ferme ont été modifiées et sont devenues les articles 102 et 103 de la Loi sur les transports au Canada.

Les passages à niveau de ferme constituent un droit historique. L'autorisation d'aménager de nouveaux passages à niveau de ferme sur des voies existantes est habituellement accordée en vue d'activités comme l'utilisation de terres aux fins de travaux forestiers, et donne lieu à l'établissement d'environ 35 nouveaux passages à niveau par année. Les dispositions de la Loi sur les transports au Canada peuvent être invoquées au moment de la construction de nouvelles voies ferrées, auquel cas l'Office des transports du Canada (OTC) décide si l'on a droit à un passage à niveau ou si l'on en a besoin pour pouvoir jouir de ses terrains. L'OTC n'a plus le pouvoir légal d'assujettir ses ordonnances à des conditions de sécurité. Les normes de construction de ces passages à niveau sont déterminées par Transports Canada. Le CN applique de façon volontaire les normes de l'ébauche de règlement sur les passages à niveau, mais ce fait n'est pas mentionné dans les CMN qui ne renferment pas de normes de conception géométrique pour la construction des abords routiers des nouveaux passages à niveau de ferme ou passages à niveau privés. Une fois un passage à niveau construit, aucune restriction ne vise ceux qui peuvent franchir le passage à niveau ou les fins auxquelles le passage peut servir.

Les propriétaires de passages à niveau privés ou de passages à niveau de ferme n'étaient pas tenus d'aviser la compagnie ferroviaire d'un changement dans l'intensité de l'utilisation des terres (par exemple, si les terres d'une ferme devaient être utilisées pour l'exploitation de ressources, p. ex. carrière ou gazonnière, qui occasionnerait une augmentation du volume et de la nature de la circulation lourde qui franchit le passage à niveau).

Même si la Loi sur les chemins de fer exigeait que les passages à niveau de ferme soient munis de barrières oscillantes qui devaient rester fermées quand le passage n'était pas utilisé, l'obligation légale de laisser ces barrières fermées a disparu avec la mise en oeuvre de la Loi sur la sécurité ferroviaire en 1989. Il n'y avait pas d'exigences équivalentes concernant les barrières des passages à niveau privés (passages à niveau autres que des passages à niveau de ferme qui donnent accès à une propriété privée et empruntent une emprise privée). Aucun numéro d'urgence sans frais n'était affiché à ces passages à niveau.

La plupart des passages à niveau privés au Canada ont été équipés de panneaux de signalisation ou d'information ou des signaux d'avertissement. Dans le cas des passages à niveau de ferme, il n'y avait habituellement aucune protection, si ce n'est des barrières oscillantes qu'on pouvait fermer. La circulation routière sur les passages à niveau privés et les passages à niveau de ferme était faible dans la plupart des cas. Il n'y avait pas d'obligation d'utiliser le sifflet en vertu du REF aux passages à niveau privés ou aux passages à niveau de ferme.

On a examiné un échantillon de 11 passages à niveau de ferme dans la subdivision Kingston en juin et en juillet 2000, la plupart entre les points milliaires 280 et 296; l'échantillon comprenait aussi quelques passages à niveau situés plus à l'est, jusqu'à Prescott, aux environs du point milliaire 106. Dans la majorité de ces 11 passages à niveau, la densité de la circulation était faible.

À chacun des 11 emplacements, la présence de broussailles, d'arbres, ou d'herbes hautes réduisait la visibilité des automobilistes. Les abords avaient une rampe ou une pente de 10 p. 100 ou plus à trois endroits. La largeur de la chaussée était de 2,5 m, Trois passages à niveau étaient équipés d'une ou de deux barrières oscillantes et ces barrières étaient toutes fermées. Le platelage était détérioré à deux endroits. Il n'y avait pas de clôture à un endroit où il y avait une barrière. La barrière était fermée à cet endroit.

Huit des passages à niveau n'avaient pas de panneaux d'avertissement. Deux passages à niveau étaient munis de panneaux d'avertissement pour les piétons; à un endroit le sommet des panneaux était manquant. Un seul passage à niveau était équipé de panneaux servant à avertir les conducteurs que des trains à grande vitesse circulaient sur la ligne__un passage à niveau de ferme situé au point milliaire 149,00, qui était équipé d'un panneau d'arrêt routier, y compris un panneau placé au-dessus qui avisait du passage de trains à grande vitesse (« Danger, High Speed Trains »). Il n'y avait pas de barrières à cet endroit et la signalisation était placée du côté sud seulement.

1.12.3 Données du répertoire des passages à niveau

Transports Canada disposait d'un système intégré d'information ferroviaire (SIIF) dans lequel étaient énumérés plus de 20 000 passages à niveau publics de compétence fédérale au Canada. On a estimé qu'il y avait un nombre à peu près équivalent de passages à niveau privés et de passages à niveau de ferme.

Les dossiers de Transports Canada ont indiqué qu'entre Montréal et Toronto, il y avait 370 passages à niveau sur une distance de plus de 330 milles de voie principale dans la subdivision Kingston. De ces passages à niveau, on a dénombré 183 passages à niveau publics, dont presque tous étaient équipés de feux clignotants, d'une cloche et de barrières (les autres passages étaient équipés de croix de Saint-André et de panneaux de signalisation avancés sur les abords). Le reste était constitué de passages à niveau de ferme (171) et de passages à niveau privés (16). De plus, 154 sauts-de-mouton étaient énumérés, y compris 1 pour un passage à niveau de ferme. La base de données de Transports Canada ne tenait pas des dossiers sur tous les passages à niveau de ferme et les passages à niveau privés, mais les données étaient saisies à mesure qu'on inspectait les passages à niveau privés et les passages à niveau de ferme. Les données comparatives du CN sur les passages à niveau du même tronçon de 330 milles ont indiqué qu'il y avait 157 passages à niveau publics, 241 passages à niveau de ferme et 26 passages à niveau privés. Les données du CN ont indiqué qu'aux passages à niveau de ferme et aux passages à niveau privés, la protection était passive, y compris les panneaux, à l'exception d'un passage, qui était muni d'un système automatisé muni de feux d'avertissement à l'intention des travailleurs agricoles.

Entre janvier 1990 et septembre 2000, 12 accidents se sont produits à des passages à niveau privés et à des passages à niveau de ferme sur les voies principales de la subdivision Kingston. Ces accidents ont occasionné une blessure grave. Dans 8 des 12 accidents, des trains de voyageurs de VIA étaient en cause. Les véhicules qui empruntaient les passages à niveau privés et les passages à niveau de ferme étaient habituellement des véhicules commerciaux ou du matériel agricole.

Au cours de la même période, il y a eu 29 accidents qui ont entraîné 16 pertes de vie (dont 4 voyageurs des trains, 2 piétons et un cycliste) à des passages à niveau publics. Des trains de VIA ont été en cause dans 16 de ces accidents.

1.13 Transports Canada

1.13.1 Inspections

Le travail des inspecteurs de la sécurité ferroviaire de Transports Canada fait appel à des activités de vérification et de surveillance. L'Administration centrale de Transports Canada fixait chaque année des objectifs d'inspection de passages à niveau. Le pourcentage de passages à niveau inspectés chaque année variait d'une région à l'autre de Transports Canada, et était basé sur un échantillonnage stratifié et sur une démarche axée sur les risques. Plus le nombre de passages à niveau était grand dans un territoire, plus on devait inspecter une proportion faible des passages à niveau pour en quantifier l'état général et déterminer les risques. Les inspections portaient surtout sur les passages à niveau publics, lesquels sont considérés comme présentant un nombre plus grand de facteurs de risque que les passages à niveau privés et les passages à niveau de ferme. Toutefois, Transports Canada a procédé à des inspections sommaires de tous les passages à niveau situés dans un tronçon contrôlé dans le cadre du programme d'inspection des voies.

1.13.2 Réglementation

Transports Canada mène depuis plusieurs années un projet majeur d'amélioration et de mise à jour de sa réglementation sur les passages à niveau. Le règlement visait à incorporer par renvoi des normes de conception et d'entretien des passages à niveau qui étaient beaucoup plus exhaustives que celles qui figuraient dans le règlement existant, à savoir l'ordonnance CCT 1980-8 RAIL modifiée. Le document qui devait être incorporé par renvoi était intitulé Passages à niveau __ Norme technique et exigences concernant l'inspection, les essais et l'entretien (projet de manuel sur les passages à niveau). Bien que des ébauches du manuel existent depuis plusieurs années, la date estimative de publication du nouveau règlement dans la partie I de la Gazette du Canada devrait être le printemps de 2002. L'entrée en vigueur du règlement, au moment de la publication dans la partie II de la Gazette du Canada, surviendrait plusieurs mois plus tard, de façon qu'on puisse apporter éventuellement des modifications au règlement après réception des commentaires des personnes intéressées.

1.13.3 Direction 2006

Direction 2006 est un partenariat auquel participent Transports Canada, l'industrie ferroviaire, les gouvernements provinciaux et les administrations municipales, les organismes d'application de la loi et les syndicats d'employés de chemin de fer. Ce programme vise à adopter une démarche globale faisant appel à l'ingénierie, à l'éducation, à l'application de la loi, aux mesures législatives, aux ressources, à la recherche et aux communications, pour qu'on arrive en une décennie (de 1996 à 2006) à réduire de moitié le nombre d'accidents aux passages à niveau et d'accidents attribuables à des intrusions, comparativement aux chiffres de 1996. Le groupe a publié un document d'information (27 500 brochures imprimées) à l'intention des personnes qui ont des passages à niveau privés ou des passages à niveau de ferme sur leur propriété. Le document précise, entre autres, que :

Le document ne dit rien au sujet de la géométrie ou du tracé en plan des abords routiers, mais il renferme une section dans laquelle on encourage les propriétaires de passages à niveau à demander la fermeture de passages à niveau inutiles ou le regroupement de passages à niveau.

Une des initiatives de Direction 2006 a consisté à amener les compagnies ferroviaires à afficher des numéros d'urgence sans frais aux passages à niveau partout au pays, de façon que les risques liés aux passages à niveau soient mis en évidence.

1.13.4 Fermetures de passages à niveau

Depuis 1989, on a fermé environ 12 passages à niveau privés ou passages à niveau de ferme dans la subdivision Kingston entre Brockville et Toronto. Les fermetures ont fait suite à l'évaluation de la sécurité de la ligne, dans le contexte de l'augmentation prévue de la vitesse des trains de voyageurs, qui devait passer de 95 mi/h à 100 mi/h dans plusieurs tronçons de la subdivision Kingston. Transports Canada a encouragé la fermeture de deux passages à niveau de ferme, et le changement de statut d'un passage à niveau public voisin donnant accès à quelques propriétés, pour qu'il devienne un passage à niveau de ferme avec barrière oscillante. Le niveau de sécurité a été amélioré, étant donné que la conception et la construction du passage à niveau public étaient supérieures à celles des deux autres passages à niveau.

En 1999, on a modifié la Loi sur la sécurité ferroviaire pour permettre le versement de subventions pour la fermeture de passages à niveau aux endroits où la sécurité est menacée. On a entrepris de définir le processus et les critères devant présider au versement de ces subventions, ainsi que le montant des subventions. Dans le cadre de Direction 2006, on a déterminé que la subdivision Chatham, dans le sud-ouest de l'Ontario, serait la première ligne visée par un projet sur les fermetures.

Aux États-Unis, le couloir à 125 mi/h d'Amtrak, entre Washington, D.C. et New York, ne compte aucun passage à niveau public ou privé. Depuis les années 1970, tous les passages à niveau ont été fermés ou convertis en sauts-de-mouton (passages supérieurs ou passages inférieurs). Le nombre de passages à niveau qu'il a fallu fermer ou remplacer par des sauts-de-mouton était inférieur au nombre de passages à niveau de la subdivision Kingston. Amtrak a pris l'initiative de cette mesure, et les autorités locales et les gouvernements des États ont ensuite coopéré pour prendre la relève, disposant de crédits fédéraux à cette fin. L'ébauche de règlement de Transports Canada sur les passages à niveau vise à interdire l'aménagement de nouveaux passages à niveau sur des lignes où les vitesses maximales autorisées sont supérieures à 80 mi/h.

2.0 Analyse

2.1 Introduction

Quand ils approchaient du point milliaire 292,5, le train 321 et le VIA 68 se conformaient aux procédures d'exploitation des compagnies et aux normes de sécurité gouvernementales. Les deux équipes étaient vigilantes et ont réagi de façon appropriée à la situation d'urgence. Grâce à la communication radio d'urgence diffusée par l'équipe du train 321 et à la réaction ultérieure des membres de l'équipe du VIA 68, qui ont serré les freins de leur train, la vitesse a été réduite considérablement, ce qui a contribué à atténuer la force de l'impact avec le tracteur. Ces événements font ressortir la compétence des équipes de même que l'efficacité des règles portant spécifiquement sur les situations d'urgence.

L'analyse portera sur les gestes posés par le conducteur du camion, sur les passages à niveau privés et les passages à niveau de ferme dans les couloirs où circulent des trains à grande vitesse, sur la conception des réservoirs de carburant des locomotives et sur le processus d'évacuation des voyageurs.

2.2 Gestes posés par le conducteur du camion

Ne disposant que des instructions verbales qui lui avaient été données, le conducteur du camion a dû se faire un modèle mental des directions qu'il devait prendre pour atteindre la cimenterie. Compte tenu des gestes posés par le conducteur après qu'il a quitté l'autoroute 401, il semble bien que son modèle mental n'était pas suffisamment fiable, si bien qu'il a commencé à improviser.

Quand le conducteur a quitté l'autoroute 401 à la sortie de Waverly Road, il a probablement cru qu'il était sur Waverly Road. Le seul indice visuel qui aurait pu le convaincre du contraire était le panneau de signalisation qui précédait l'intersection de la rampe de sortie et de South Service Road, indiquant qu'il fallait tourner à gauche pour accéder à Waverly Road. Quand il est arrivé à l'intersection, il n'y avait pas d'autre signalisation pour lui rappeler qu'il fallait tourner à gauche. Toutefois, l'indice le plus évident dont il disposait était la masse imposante de la cimenterie, qu'il voyait en direction sud-ouest. N'ayant pas vu le panneau indiquant de tourner à gauche et ne voyant à l'intersection aucune autre indication sur le chemin à prendre pour rejoindre Waverly Road, le conducteur a tourné à droite, une direction qui a pu lui sembler plus intuitive, étant donné l'emplacement de la cimenterie.

Quand il a atteint l'intersection de Holt Road, il a constaté qu'il était allé trop loin et il a fait demi-tour. Il s'est ensuite engagé sur Symons Road, malgré le panneau « No Exit » indiquant qu'il s'agissait d'un cul-de-sac, et malgré le fait qu'il s'agissait d'un chemin de gravier. Ce n'est qu'une fois arrivé au point où Symons Road tournait brusquement vers le sud que le conducteur a constaté qu'il s'était encore trompé de route.

Comme le conducteur connaissait peu le secteur, la consultation d'une carte ou un appel au bureau de répartition lui aurait peut-être permis de se faire confirmer les instructions qu'il avait reçues de vive voix et de se faire une idée plus juste des endroits où il devait tourner et des directions à prendre. En l'absence d'un modèle mental exact, il a pris des décisions improvisées en se fiant sur des indices peu fiables. Ces erreurs ont été les premiers gestes peu sûrs qui ont dirigé le conducteur vers le passage à niveau.

Une fois sur le passage à niveau, le conducteur ignorait que la voie sur laquelle son véhicule est resté immobilisé pendant plus de 10 minutes était un tronçon où la voie principale était double, c'est-à-dire une ligne principale à forte densité de trafic. Si le passage à niveau avait été muni de panneaux avertissant les conducteurs que des trains à grande vitesse circulaient sur la voie ferrée, le conducteur y aurait peut-être pensé à deux fois avant de s'engager sur la voie ou, une fois coincé sur la voie, il aurait peut-être essayé immédiatement de signaler le danger imminent. Si un numéro de téléphone d'urgence sans frais, similaire à ceux qui apparaissent sur les panneaux de signalisation, sur les boîtiers de signaux ou sur les guérites de signalisation aux passages à niveau publics, avait été affiché au passage à niveau, cela aurait pu inciter le conducteur à faire immédiatement un appel, de sorte que l'accident aurait peut-être été évité ou que ses conséquences auraient pu être moindres.

2.3 Passages à niveau de ferme et passages à niveau privés

2.3.1 Passage à niveau du point milliaire 292,5

L'alignement du chemin permettant d'approcher du passage à niveau était mauvais, et le chemin était étroit et décrivait une courbe serrée vers la gauche en arrivant au passage à niveau. Le camion a enfoncé le sommet d'un dalot en bois, est tombé partiellement dans le fossé et est resté immobilisé. Si l'information avait été adéquate et si des panneaux de signalisation avaient été installés aux abords du passage à niveau, le conducteur aurait peut-être su davantage à quoi s'attendre.

La brochure de Direction 2006 préconise que la sécurité aux passages à niveau passe par l'information des usagers. Ce principe général s'applique assurément aux passages à niveau publics fréquentés par un grand nombre de conducteurs qui connaissent peu les lieux. La plupart des passages à niveau de ferme et des passages à niveau privés sont utilisés presque exclusivement par les propriétaires des terrains, bien que certains de ces passages à niveau soient utilisés aux fins d'activités comme l'exploitation forestière et d'autres activités d'extraction de ressources, auquel cas les restrictions imposées à la circulation sur le passage à niveau sont moindres. Quand des personnes connaissant peu les passages à niveau empruntent ces passages à niveau délibérément ou par inadvertance, elles peuvent s'exposer à des dangers. Dans de telles situations, la présence d'information supplémentaire, de panneaux de signalisation et d'une barrière fermée aurait pour effet de dissuader les conducteurs désireux de franchir le passage à niveau. En l'absence de cet élément dissuasif, l'amélioration des chemins et des abords des passages à niveau ferait en sorte qu'il soit plus facile de circuler sur les passages à niveau en question.

2.3.2 Normes de conception et de construction

On peut supposer que la plupart des propriétaires de fermes et de propriétés privées sur lesquelles se trouvent des passages à niveau de ferme et des passages à niveau privés connaissent peu les normes de construction et d'entretien des abords routiers. La majorité des passages à niveau de ferme sont conçus en fonction du passage de véhicules et d'équipements agricoles circulant à faible vitesse, et la construction des abords routiers a donc été faite en fonction de normes moins rigoureuses que celles auxquelles les passages à niveau publics sont assujettis.

Bien des facteurs peuvent amener des automobilistes à se placer dans des situations dangereuses. Ces facteurs comprennent : des chemins étroits, un mauvais tracé en plan et des courbes serrées à proximité des passages à niveau, l'absence de panneaux de signalisation avancés, le manque de signalisation destinée à avertir du passage de trains à grande vitesse, la présence de voies principales multiples, le fait que la visibilité soit gênée par la position du passage à niveau dans une courbe ou à la sortie d'une courbe de la voie ferrée, et l'absence de barrières destinées à empêcher les personnes de franchir le passage sans autorisation.

De nombreux passages à niveau de ferme et passages à niveau privés, même dans les couloirs à grande vitesse et à forte densité de circulation, ne sont pas conformes à des normes qui permettraient à des véhicules routiers, ou même à des véhicules hors route comme des motoneiges ou des véhicules tous terrains, de franchir sans danger ces passages à niveau. La CMN du CN n'aborde pas la question du tracé en plan des abords. Il est peu probable que les propriétaires de passages à niveau privés et de passages à niveau de ferme dont la construction laisse à désirer soient en mesure d'identifier ces passages à niveau comme étant déficients dans ce domaine, étant donné que les propriétaires ne sont habituellement pas spécialistes en construction. En outre, l'échantillon de passages à niveau qui a été examiné le long du couloir Montréal-Toronto a indiqué qu'il y avait un manque d'homogénéité d'un passage à niveau à l'autre dans l'information et les panneaux de signalisation qu'on retrouve à proximité de ces passages à niveau. En raison de ce manque d'homogénéité, les automobilistes pourraient ignorer les dangers potentiels auxquels ils s'exposent quand ils franchissent ces passages à niveau.

Étant donné que la circulation qui franchit les passages à niveau privés et les passages à niveau de ferme est habituellement faible (de quelques véhicules par jour ou par semaine à quelques dizaines de véhicules par jour, comparativement à de 40 ou 50 véhicules par jour jusqu'à 10 000 véhicules ou plus par jour dans le cas des passages à niveau publics), leur conception, leur entretien et leurs systèmes de protection répondent à des normes très inférieures à celles auxquelles les passages à niveau publics sont assujettis, sans compter que la signalisation d'avertissement ou d'information à l'intention des usagers réguliers ou occasionnels est minimale. Du fait que la brochure de Direction 2006 ne renfermait aucun renseignement sur la conception et l'entretien des abords des passages à niveau privés et des passages à niveau de ferme, il est peu probable que des changements soient apportés aux passages à niveau dont le tracé en plan ou la construction répond à des normes inférieures, comme dans le cas du passage à niveau du point milliaire 292,59.

Au Canada, très peu de passages à niveau privés ou de passages à niveau de ferme sont munis de systèmes de signalisation automatisés. Il n'y a eu aucune étude approfondie sur les systèmes de signalisation dont sont équipés les passages à niveau privés et les passages à niveau de ferme aménagés dans les couloirs à grande vitesse, et la nécessité de ces passages à niveau n'a pas été examinée non plus. (Transports Canada a mené une étude sur des tronçons spécifiques de la subdivision Kingston avant qu'on autorise une limite de vitesse de 100 mi/h dans certains secteurs pour les trains LRC (Légers, Rapides, Confortables) de VIA.) La brève étude qui a été faite au cours de la présente enquête indique que beaucoup de passages à niveau privés et de passages à niveau de ferme ne sont pas conformes à la réglementation existante de Transports Canada, laquelle est beaucoup moins exigeante que la réglementation à venir. La nouvelle législation de Transports Canada, autorisant le versement de subventions pour la fermeture de passages à niveau, représente une mesure positive en vue de la réduction du nombre de ces passages à niveau.

Transports Canada entend publier son nouveau règlement sur les passages à niveau dans un avenir rapproché. Le règlement traitera des normes de conception des passages à niveau privés et des passages à niveau de ferme. Cependant, en raison de l'absence de normes en matière de tracé en plan aux passages à niveau privés et de ferme sans restriction et de l'absence de normes en matière de tracé en plan et de signalisation sur les abords routiers aux passages à niveau avec restriction, la valeur de cette initiative aux fins de la sécurité sera limitée.

2.3.3 Accidents

Entre janvier 1990 et septembre 2000, 41 accidents en voie principale sont survenus à des passages à niveau de la subdivision Kingston, dont 12 se sont produits à des passages à niveau privés ou des passages à niveau de ferme. D'ordinaire, les véhicules qui franchissent des passages à niveau privés ou des passages à niveau de ferme et qui sont en cause dans des accidents sont des véhicules commerciaux, ce qui porte à croire que la probabilité d'un déraillement pourrait être proportionnellement plus élevée à ces passages à niveau qu'aux passages à niveau publics. Malgré la faible densité de la circulation à ces passages à niveau, étant donné que les vitesses d'approche sont peu élevées, que les rampes d'accès sont accentuées et que les véhicules franchissant les passages à niveau roulent lentement, sont longs ou lourds, les véhicules peuvent mettre plus de temps pour franchir des passages à niveau privés ou des passages à niveau de ferme, comparativement aux véhicules routiers qui franchissent un passage à niveau public. Le fait que les voies du couloir à grande vitesse Montréal-Toronto soient traversées par quelque 200 passages à niveau de ferme et passages à niveau privés sur lesquels la circulation routière est peu dense représente un risque considérable pour la sécurité des employés des chemins de fer et du public voyageur.

2.3.4 Droits relatifs aux passages à niveau

Pour qu'une personne ait droit à un nouveau passage à niveau privé ou à un nouveau passage à niveau de ferme, il suffit qu'elle soit propriétaire de terrains des deux côtés de la voie ferrée et que la voie gêne l'accès à ces terrains. Même si l'aménagement de nouveaux passages à niveau sera assujetti à des normes plus sévères que celles qui ont présidé à l'aménagement des milliers de passages à niveau existants, il reste que les critères de sécurité exposés dans la CMN du CN ne sont pas optimaux. Ils portent uniquement sur les environs immédiats du passage à niveau et ne disent rien au sujet de la conception des abords routiers, laquelle doit tenir compte du chargement, des dimensions et des performances de l'équipement.

2.3.5 Réglementation et législation

Le projet de manuel de Transports Canada sur les passages à niveau et le règlement proposé sont beaucoup plus exhaustifs sur les questions de sécurité que l'actuel règlement sur les passages à niveau. Le manuel et le règlement proposé sont plus détaillés au sujet des critères de conception et d'entretien applicables à tous les passages à niveau. Cependant, il y a lieu de se demander s'il est bon, au point de vue de la sécurité, de garder un grand nombre de passages à niveau privés et de passages à niveau de ferme le long de lignes où les trains circulent à grande vitesse et où la densité du trafic est élevée, et de laisser le nombre de ces passages à niveau augmenter. Une collision avec un train, et à plus forte raison avec un train de voyageurs, met en évidence les conséquences éventuelles d'un accident à un passage à niveau et les menaces que ces accidents supposent pour les employés des chemins de fer, les usagers des passages à niveau, la population locale et le public voyageur. Comme l'ébauche de règlement précise qu'il ne doit pas y avoir de nouveaux passages à niveau dans les subdivisions où la vitesse autorisée est supérieure à 80 mi/h, on pourrait envisager de fermer ou de combiner un grand nombre de passages à niveau dans la subdivision Kingston, où la vitesse permise est de 95 mi/h et plus. On pourrait aussi envisager l'aménagement de sauts-de-mouton, bien qu'ils ne soient pas une solution viable dans chaque cas, s'il est possible de fermer un groupe de passages à niveau ou de faire passer la route ailleurs, surtout s'il était possible de mettre au point un type peu coûteux de saut-de-mouton.

Au sujet de la mise au point d'une base de données sur les passages à niveau privés et les passages à niveau de ferme, Transports Canada avait entrepris la mise à jour de sa base de données, mais ne pouvait pas encore disposer rapidement d'une base de données complète et exhaustive. Aux endroits où il existe des passages à niveau privés et des passages à niveau de ferme, surtout dans les tronçons fréquentés où les vitesses en voie sont élevées, la sécurité serait servie au mieux si l'organisme de réglementation était informé de l'emplacement et des caractéristiques de ces passages à niveau. La première étape d'une évaluation de la sécurité à ces passages à niveau consisterait à dresser un inventaire des passages à niveau en question. Par la suite, le contrôle du niveau relatif de sécurité des passages à niveau exigerait une mise à jour continue de l'inventaire.

Il y a lieu de s'interroger sur le concept voulant que l'on continue d'accorder automatiquement aux propriétaires le droit à l'aménagement de nouveaux passages à niveau de ferme à la grandeur du réseau ferroviaire de compétence fédérale. Ce droit historique à un passage à niveau, surtout le long de lignes très fréquentées ou de lignes à grande vitesse, a pour effet d'exposer davantage à des risques les équipes et les voyageurs des trains ainsi que les occupants des véhicules qui franchissent les passages à niveau. En raison de ce droit, des véhicules sont exposés à des dangers aux endroits où la protection est moindre que celle dont on bénéficierait à un nouveau passage à niveau public.

Même s'il y a un nombre considérable de sauts-de-mouton dans la subdivision Kingston (les données de Transports Canada indiquent qu'il y en a 154 au total), il y a aussi plus de 350 passages à niveau privés, passages à niveau de ferme et passages à niveau publics dans les 330 milles sur lesquels la subdivision s'étend. À l'exception de l'étude menée il y a 10 ans en vue de faire rouler les trains de voyageurs à 100 mi/h dans certaines parties de la subdivision, le reste des passages à niveau de la subdivision Kingston n'ont fait l'objet que d'études ponctuelles.

Aux États-Unis, pour le couloir d'Amtrak où les trains circulent à 125 mi/h (rappelons qu'il s'agit d'une vitesse 25 p. 100 plus élevée, dans un couloir où le nombre initial de passages à niveau était inférieur), les exigences sont beaucoup plus sévères pour ce qui est de la sécurité aux passages à niveau, comparativement au couloir à grande vitesse Montréal-Toronto, dans lequel la circulation est forte et la vitesse maximale autorisée est de 100 mi/h.

Il semble qu'on n'ait pas envisagé d'appliquer le modèle d'Amtrak (fermeture des passages à niveau ou conversion de ceux-ci en sauts-de-mouton) à l'un ou l'autre des couloirs à grande vitesse du Canada. Bien qu'il y ait eu quelques fermetures sélectives et que la circulation automobile ait été détournée vers des passages à niveau offrant une protection accrue, il n'existe aucun programme à long terme visant à réduire le nombre de passages à niveau dans le couloir Montréal-Toronto.

2.4 Intégrité des réservoirs de carburant des locomotives

Les dossiers du BST indiquent qu'entre le 1er janvier 1995 et le 31 août 2000, on a signalé 170 accidents lors desquels un déversement du carburant des locomotives s'est produit. Au moins 38 de ces fuites ont occasionné un déversement de 1 000 gallons impériaux (4 540 litres) ou plus. Dans un cas précis, les réservoirs de carburant de trois locomotives d'un train ont été éventrés et ont laissé échapper plus de 8 000 gallons (36 320 litres) de carburant. Les locomotives de ligne affectées au service marchandises ont des réservoirs de carburant dont la contenance est de quelque 3 000 gallons impériaux.

Il arrive assez souvent que les réservoirs de carburant des locomotives soient perforés et laissent fuir leur contenu quand des locomotives diesel déraillent. Un examen des dossiers du BST pour les 10 dernières années révèle qu'on signale habituellement 30 perforations de réservoirs et déversements par année. Quand les déraillements de locomotives s'accompagnent d'un incendie, les dangers auxquels sont exposés les employés, le public voyageur et le public en général s'en trouvent accrus. Lorsque des marchandises dangereuses et des trains de voyageurs sont en cause dans l'accident, la situation peut devenir grave. L'incendie qui s'est déclaré dans un train de VIA à Brighton (rapport no R94T0357 du BST) est un bon exemple des risques auxquels sont exposés les voyageurs et les employés.

Les locomotives neuves qui sont construites et livrées en Amérique du Nord sont équipées de réservoirs de carburant dont les parois sont faites d'un acier plus résistant. Il n'y a aucun plan visant la modification en rattrapage des quelque 3 000 locomotives en service au Canada qui ne sont pas munies de tels réservoirs. À part les normes actuelles exigeant que les réservoirs de carburant des locomotives neuves soient faits d'un acier plus résistant, le Bureau n'est pas au courant de plans visant l'installation de systèmes (cellules ou chicanes à l'intérieur des réservoirs de carburant) susceptibles d'atténuer les déversements consécutifs à une perforation.

2.5 L'évacuation

Les voyageurs ont été évacués et dirigés à l'écart du lieu de l'accident avec rapidité et efficience. Les employés du train de marchandises et du train de voyageurs ont réagi avec efficacité et efficience et ont veillé en priorité à protéger le public voyageur, et ce malgré la présence de flammes et de gaz inflammables.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et facteurs contributifs

  1. Le conducteur du camion, sans avoir apprécié la difficulté de la manoeuvre et les risques qu'elle supposait, a tenté de façon inopportune d'utiliser le passage à niveau de ferme pour faire faire demi-tour à son véhicule.
  2. Le tracteur à semi-remorque est resté immobilisé quand les roues arrière de la remorque ont enfoncé des traverses de bois qui recouvraient un fossé de la voie d'accès sud, dont l'alignement, la signalisation, la construction et l'entretien laissaient à désirer.
  3. Le conducteur du camion n'était pas au courant des moyens de communication d'urgence qu'il avait à sa disposition et il n'avait pas suivi de formation sur la façon de s'en servir. L'accident aurait peut-être été évité si ces outils avaient été employés avec promptitude.

3.2 Faits établis quant aux risques

  1. La conception, la construction, la signalisation et l'entretien de nombreux passages à niveau privés et passages à niveau de ferme existants répondent à des normes moins exigeantes que les passages à niveau publics. Les nouveaux passages à niveau privés et passages à niveau de ferme sont construits en fonction de normes plus exigeantes en ce qui a trait aux abords des passages à niveau, mais ils ne sont assujettis à aucune norme quant au tracé en plan des abords routiers.
  2. L'existence de centaines de passages à niveau privés et de passages à niveau de ferme le long de voies sur lesquelles circulent des trains à grande vitesse dans le couloir Montréal-Toronto constitue un risque pour la sécurité des employés des chemins de fer et du public voyageur.
  3. Il n'y a pas de programme à long terme qui vise la réduction du nombre de passages à niveau le long du couloir Montréal-Toronto.
  4. Le concept voulant qu'on accorde automatiquement aux propriétaires le droit à de nouveaux passages à niveau de ferme, lorsqu'ils sont propriétaires de terrains situés des deux côtés de la voie ferrée, a pour effet d'accroître le risque pour la sécurité des équipes et des voyageurs des trains et celle des occupants des véhicules qui franchissent les passages à niveau, surtout dans le cas de lignes à grande vitesse.
  5. En raison de leur conception, de leur emplacement et des matériaux dont ils sont faits, les réservoirs de carburant de la majorité des locomotives sont susceptibles de se perforer. Les déversements de carburant diesel et les risques d'incendie qu'ils entraînent constituent un risque pour l'environnement et un risque pour la sécurité des employés et du public voyageur lorsque des trains de voyageurs sont en cause dans un accident.
  6. Si un numéro de téléphone d'urgence sans frais avait été affiché au passage à niveau, il aurait peut-être été possible d'éviter l'accident ou d'en atténuer considérablement les conséquences.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures prises

Le passage à niveau de ferme a été fermé. Le 7 décembre 1999, des fonctionnaires de Transports Canada ont tenu une rencontre sur le lieu du passage à niveau avec des représentants du Canadien National (CN), de la cimenterie, d'Ontario Hydro et de la municipalité locale, pour discuter des questions de sécurité relatives au passage à niveau. Avant cette rencontre, trois gros blocs de béton, mesurant approximativement 1 m sur 0,7 m sur 0,7 m, avaient été placés de chaque côté du passage à niveau pour empêcher les véhicules de franchir le passage à niveau. De plus, on avait retiré le platelage de la voie nord et on l'avait placé à côté des voies. Le CN avait déjà installé des barrières des deux côtés du passage à niveau pour empêcher les véhicules de passer. Tous les participants à la rencontre ont convenu que le passage à niveau devrait être fermé en permanence.

Les superviseurs de l'entreprise de camionnage qui employait le conducteur ont reconnu qu'il y avait un manque de sensibilisation à l'emploi du système 911. Par conséquent, ils ont ajouté le téléphone cellulaire aux outils permettant d'appeler les services d'urgence. Leurs conducteurs ont reçu une formation sur la façon de se servir du système d'urgence 911.

4.2 Mesures nécessaires

Le Bureau reconnaît que, depuis 10 à 13 ans, le ministère des Transports a consacré beaucoup d'efforts à la préparation du nouveau règlement sur les passages à niveau. Toutefois, le Bureau est préoccupé par le temps qu'il a fallu consacrer au remplacement d'un règlement qui a une portée minimale et qui est essentiellement désuet. Les retards dans la publication du nouveau règlement vont à l'encontre du souci d'améliorer la sécurité aux passages à niveau au Canada. Par conséquent, le Bureau recommande que :

Le ministère des Transports accélère la promulgation du nouveau règlement sur les passages à niveau.
Recommandation R01-05 du BST

L'enquête a démontré que l'absence de critères de conception concernant la géométrie des passages à niveau peut mener à des accidents. Comme il n'existe pas de normes au sujet du tracé en plan des abords routiers des passages à niveau privés et des passages à niveau de ferme qui se trouvent à l'extérieur des emprises ferroviaires, il y a lieu de croire que le public voyageur, les équipes des trains et les usagers des passages à niveau en question sont exposés inutilement à des risques. Par conséquent, le Bureau recommande que :

Le nouveau règlement du ministère des Transports comprenne des normes relatives au tracé en plan des abords routiers des passages à niveau privés et des passages à niveau de ferme.
Recommandation R01-06 du BST

Enfin, le Bureau s'inquiète particulièrement du grand nombre (environ 200) de passages à niveau privés et de passages à niveau de ferme qu'on trouve dans la subdivision Kingston, en l'occurrence un tronçon à haute vitesse. La subdivision est un des tronçons les plus fréquentés et un de ceux où la vitesse est la plus élevée au Canada; en effet, une cinquantaine de trains y circulent chaque jour, dont 18 sont des trains de voyageurs transportant un total de 2 400 voyageurs. Le développement urbain étant appelé à se poursuivre le long de ce couloir ferroviaire, l'utilisation de passages à niveau privés et de passages à niveau de ferme est appelée à augmenter, ce qui fera augmenter les risques d'accident à ces passages à niveau, à moins que des mesures de sécurité significatives ne soient prises. Bien que des efforts aient été faits par le passé en matière de fermetures ou de regroupements de passages à niveau, on n'a pris des mesures significatives qu'à une seule occasion. Étant donné le grand nombre de passages à niveau privés et de passages à niveau de ferme, dont la plupart ne disposent que de systèmes de signalisation fort limités, les usagers de ces passages à niveau, le public voyageur et les équipes des trains sont exposés inutilement à des risques. Par conséquent, le Bureau recommande que :

Le ministère des Transports, en collaboration avec le Canadien National, procède à un examen exhaustif de tous les passages à niveau privés et les passages à niveau de ferme de la subdivision Kingston dans le but de fermer ou de regrouper des passages à niveau et, le cas échéant, apporte des améliorations aux autres passages à niveau de façon à améliorer la sécurité.
Recommandation R01-07 du BST

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

Annexes

Annexe A— Sigles et abréviations

BP
bande publique
BST
Bureau de la sécurité des transports du Canada
CCF
contrôleur de la circulation ferroviaire
CCT
Commission canadienne des transports
cm
centimètre
CMN
Circulaire sur les méthodes normalisées
CN
Canadien National
HNE
heure normale de l'Est
km
kilomètre
LCR
Léger, Rapide, Confortable
m
mètre
mi/h
mille à l'heure
OTC
Office des transports du Canada
projet de manuel sur les passagesà niveau
Passages à niveau __ Norme technique et exigences concernant l'inspection, les essais et l'entretien
SIIF
système intégré d'information ferroviaire
UTC
temps universel coordonné
VIA
VIA Rail Canada Inc.