Rapport d’enquête sur la sécurité du transport maritime M22P0029

Échouement
Bateau-taxi C12996BC Rocky Pass
Banc Coomes (Colombie-Britannique)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Description du bateau

    Le Rocky Pass (figure 1) est un bateau-taxi doté d’une coque en aluminium et d’une cabine fermée. La cabine comporte le poste de conduite et une section sièges pour les passagers. Le poste de conduite, situé sur le côté tribord avant de la cabine, comporte un siège pour le conducteur, les commandes de propulsion, un radiotéléphone à très haute fréquence (VHF) et de l’équipement de navigation comprenant un radar, un compas magnétique et un GPS (système de positionnement mondial). La section sièges pour les passagers est constituée de rangées de sièges séparées par une allée centrale. La cabine est dotée de fenêtres avant, latérales et arrière qui offrent au conducteur une vue généralement dégagée. Les 2 moteurs hors-bord qui propulsent le bateau sont de 150 hp chacun et ont été installés en 2021.

    Figure 1. Le Rocky Pass (Source : BST)
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    Le Rocky Pass (Source : BST)

    Brevets, certificats et expérience du personnel

    Le conducteur du Rocky Pass le jour de l’événement avait suivi une formation de conducteur de petits bâtiments ainsi qu’une formation sur la sécurité de base des petits bâtiments autres que les embarcations de plaisance (fonctions d’urgence en mer A3) en septembre 2008. Il conduisait des bateaux-taxis depuis environ 20 ans et était le conducteur principal du Rocky Pass.

    Déroulement du voyage

    Le 25 janvier 2022 à 9 h 05Note de bas de page 1, le Rocky Pass a quitté Tofino (Colombie-Britannique) en direction d’Ahousaht (Colombie-Britannique), avec à son bord le conducteur et 4 passagères. Il s’agissait du 2e voyage de la journée pour le conducteur, qui avait déjà effectué 1 voyage d’Ahousaht à Tofino. Le vent était calme et la houle atteignait 0,1 m. Il y avait un brouillard épais, et la visibilité signalée était inférieure à 20 m.

    Un autre bateau-taxi avait quitté Tofino pour se rendre à Ahousaht à peu près en même temps que le Rocky Pass. Il y avait également 2 autres bateaux-taxis en route vers TofinoNote de bas de page 2. Le conducteur du Rocky Pass a emprunté la route habituelle des bateaux-taxis exploités dans la région. La route traverse le banc Coomes, qui comporte de nombreuses zones peu profondes et des rochers découvrantsNote de bas de page 3. Le conducteur a maintenu le Rocky Pass à quelques mètres à droite de la trajectoire habituelle pour laisser de la place au trafic en sens inverse. Il naviguait à l’aide du GPS alors que le bateau avançait à environ 22 nœudsNote de bas de page 4.

    Figure 2. Avaries au Rocky Pass à la suite de l’événement (Source : Gendarmerie royale du Canada)
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    Avaries au Rocky Pass à la suite de l’événement (Source : Gendarmerie royale du Canada)

    Alors que le bateau traversait le banc Coomes, l’écran du GPS a figé, et, par conséquent, le conducteur ne pouvait plus voir la position réelle du bateau sur l’écran. Alors que le conducteur tentait de réinitialiser le GPS en utilisant la fonction de zoom, il a remarqué qu’il y avait un rocher directement devant le bateau. Le bateau a heurté le rocher vers 9 h 28 à la position 49°13.96′ N, 125°59.79′ W.

    L’impact a provoqué l’arrêt soudain du bateau. Le conducteur a été projeté vers l’avant hors de son siège et a heurté la fenêtre avant, mais il a ensuite pu arrêter les moteurs et lancer un appel de détresse Mayday au moyen du radiotéléphone VHF, avec l’aide d’une des passagères. Le conducteur a été grièvement blessé, ainsi que 3 des passagères. La 4e passagère a été légèrement blessée.

    Des navires à proximité, la Garde côtière auxiliaire des Premières Nations côtières et la Garde côtière canadienne ont répondu à l’appel de détresse Mayday. Le conducteur et les 4 passagères ont reçu les premiers soins et ont été transportés à l’hôpital de Tofino. Le Rocky Pass, dont l’étrave avait été perforée par l’impact avec le rocher (figure 2), a été remorqué à Tofino.

    Planification du voyage

    La planification du voyage permet aux conducteurs de navires d’évaluer la route et les vitesses optimales pour le passage d’un navire en fonction des conditions existantes. Elle tient compte des conditions météorologiques, des marées, des limites du navire, des dangers pour la navigation et d’un plan d’urgence. En vertu du Règlement de 2020 sur la sécurité de la navigation, « [a]vant que le bâtiment n’entreprenne un voyage, le capitaine du bâtiment planifie le voyage… »Note de bas de page 5.

    La route typique entre Tofino et Ahousaht qu’empruntent les bateaux-taxis traverse le banc Coomes près du littoral (figure 3). Cette route est la plus directe; toutefois, à plusieurs endroits, elle oblige les conducteurs de navires à naviguer entre des dangers pour la navigation ou près d’eux, notamment des rochers découvrants. La visibilité réduite rend ces dangers pour la navigation moins perceptibles pour les conducteurs. Sans radar, les conducteurs de navires doivent se servir de leur champ de vision pour surveiller le trafic maritime à proximité et repérer les dangers pour la navigation.

    Il existe une autre route le long du passage Calmus, lequel est balisé par des bouées de navigation (figure 3). Sur cette route, l’eau est plus profonde et il n’y a pas de rochers découvrants. Les conducteurs de bateaux-taxis en activité dans la région n’avaient pas l’habitude d’emprunter cette route lors de passages réguliers ou lorsque la visibilité était réduite.

    Figure 3. Carte de la zone de l’événement, avec une image en médaillon montrant une vue rapprochée du lieu de l’événement sur le banc Coomes, et l’autre route dans le passage Calmus (Source : Service hydrographique du Canada, avec annotations du BST)
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    Carte de la zone de l’événement, avec une image en médaillon montrant une vue rapprochée du lieu de l’événement sur le banc Coomes, et l’autre route dans le passage Calmus (Source : Service hydrographique du Canada, avec annotations du BST)

    Navigation par visibilité réduite

    Pour naviguer par visibilité réduite, les conducteurs doivent adapter leurs pratiques de navigation habituelles afin d’assurer le passage sécuritaire du navire. Par exemple, ils pourraient avoir à réduire la vitesse du navire pour s’assurer de pouvoir s’arrêter à temps et en toute sécurité afin d’éviter une collisionNote de bas de page 6. Pour déterminer une vitesse sécuritaire, il faut tenir compte de plusieurs facteurs, dont la visibilité, la densité du trafic, la manœuvrabilité du navire et la proximité des dangers pour la navigation. De plus, lorsque la visibilité est réduite et qu’il n’y a pas de repères visibles, les conducteurs peuvent devoir utiliser plus d’une aide à la navigation pour contre-vérifier la position du navire et disposer d’une aide à la navigation de secours en cas de défaillance de l’équipement.

    Le Rocky Pass se déplaçait à 22 nœuds dans une zone où se trouvaient des rochers découvrants et des eaux peu profondes. En raison d’un brouillard épais, la visibilité était alors inférieure à 20 m. À cette vitesse et dans ces conditions, le conducteur disposait d’environ 2 secondes pour réagir à tout danger pour la navigation. De plus, le conducteur se fiait à une seule aide à la navigation (le GPS) pour assurer le passage sécuritaire, étant donné que le radar du bateau n’était pas utilisé pendant le voyageNote de bas de page 7. Lorsque l’écran du GPS a figé, le conducteur n’avait aucune aide à la navigation de secours pour lui fournir des renseignements sur sa position.

    Établissement d’un calendrier des évacuations sanitaires dans les collectivités éloignées

    Ahousaht, comme beaucoup d’autres collectivités éloignées de la côte ouest de la Colombie-Britannique, compte sur les membres de la collectivité locale qui possèdent un navire pour transférer les patients vers de plus grandes villes dotées d’installations médicales, en cas d’urgences médicales. Les évacuations sanitaires à partir d’Ahousaht sont amorcées par les premiers intervenants locaux, qui lancent un appel par radiotéléphone VHF demandant l’aide des conducteurs de navires à Ahousaht pour transporter des patients vers Tofino, où le personnel des services d’urgences de santé va à leur rencontre. Il appartient à chaque conducteur de navire de décider s’il est en mesure d’effectuer une évacuation sanitaire, et le premier à répondre l’effectue généralement. À l’heure actuelle, il n’existe aucun calendrier qui permettrait aux conducteurs de navires d’Ahousaht d’indiquer leur disponibilité pour effectuer des évacuations sanitaires.

    Le conducteur du Rocky Pass vit à Ahousaht et effectue des évacuations sanitaires à partir de la collectivité. La nuit précédant l’événement, une demande d’évacuation sanitaire avait été faite sur le radiotéléphone VHF vers 22 h 30. À ce moment-là, le conducteur du Rocky Pass s’apprêtait à aller se coucher, car il avait des voyages prévus dans la matinée. Il a attendu environ 20 minutes pour voir si quelqu’un d’autre répondrait à l’appel, et comme personne ne le faisait, il a répondu. Il a quitté Ahousaht en direction de Tofino vers 23 h avec la patiente. Une fois à Tofino, le conducteur a attendu au quai pour voir si la patiente avait besoin d’un transfert de retour à Ahousaht. Le conducteur a dormi dans le bateau pendant un certain temps avant de rentrer chez lui à 2 h sans la patiente. Le conducteur s’est réveillé à nouveau vers 6 h 15 pour effectuer ses voyages prévus et est parti pour le 1er voyage de la journée à 6 h 45.

    En l’absence d’un calendrier permettant de déterminer les conducteurs qui sont disponibles pour effectuer des évacuations sanitaires au cours d’une nuit donnée, il n’est pas possible de prévoir quand les conducteurs peuvent être appelés à répondre aux appels d’évacuations sanitaires. En raison de cette imprévisibilité, il est difficile pour les conducteurs de donner la priorité à leurs heures de repos, ce qui les expose au risque de fatigue. Bien qu’on ignore si la fatigue a été un facteur dans l’événement à l’étude, les diminutions du rendement associées à la fatigueNote de bas de page 8 sont d’importants facteurs de risque et des prédicteurs d’accidents et de blessures au travailNote de bas de page 9, y compris dans l’industrie maritimeNote de bas de page 10.

    Liste de surveillance du BST

    La Liste de surveillance énumère les principaux enjeux de sécurité qu’il faut s’employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr. La gestion de la fatigue est un enjeu qui figure sur la Liste de surveillance 2022. Comme le montre l’événement à l’étude, il faut s’assurer que des plans existent pour atténuer le risque que les conducteurs de navires soient exposés à la fatigue.

    Mesures de sécurité prises

    Transports Canada

    Le 26 avril 2022, Transports Canada a communiqué avec le Conseil tribal Nuu-chah-nulth en ce qui concerne les événements survenus dans le port de Tofino ou à proximité de celui-ci en 2021 et au début de 2022. Il a offert de tenir une discussion de suivi afin de transmettre des renseignements sur le régime de réglementation actuel et de mieux comprendre les points de vue du Conseil à l’égard de la sécurité des transports dans la région de Tofino.

    Messages de sécurité

    Il est important que les conducteurs de navires, quelle que soit la taille du navire, évaluent soigneusement la route et la vitesse de sécurité prévues en tenant compte des dangers potentiels pour la navigation, des conditions météorologiques existantes, en particulier la visibilité, et d’autres facteurs pertinents.

    Le fait de se fier à une seule aide à la navigation électronique, surtout par visibilité réduite, peut entraîner un accident. Les marins devraient contre-vérifier continuellement la position de leur navire en utilisant tous les moyens disponibles, y compris les aides visuelles et le radar.

    Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .