Chavirement et perte de vies
Bateau de pêche sans nom
Havre de Medway (Nouvelle-Écosse)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Description du bateau
Le bateau dans l’événement à l’étude, lequel était sans nom, était un bateau de pêche non ponté de 5,79 m et fabriqué de fibre de verre (figure 1). Il était propulsé par un moteur hors-bord à 4 temps de 25 hp et était équipé d’un treuil pour casiers entraîné par un moteur à essence ainsi qu’un détecteur de poissons électrique à batterie.
Déroulement du voyage
Le 5 mai 2018, à environ 8 h 15Note de bas de page 1, le bateau de pêche a quitté un quai privé à Port Medway (Nouvelle-Écosse), avec 2 personnes à bord. Le vent soufflait du sud-ouest à 35 nœuds, avec une houle de 1 m, et la température de l’eau était d’environ 11 °C.
Le capitaine et la membre d’équipage se sont aventurés dans une zone à l’intérieur de 2 milles marins (NM) du quai pour remonter des casiers à crabes. La zone dans laquelle ils prévoyaient pêcher était à l’intérieur du havre de Medway et quelque peu abritée, bien qu’il y avait des moutons sur l’eau.
Peu après 10 h, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a reçu un appel qu’un petit bateau de pêche avait chaviré à 0,04 NM au nord-est de l’anse Beach, à Port Medway (Nouvelle-Écosse) (figure 2). Les habitants savaient que ce secteur était près de l’endroit où le capitaine du bateau de pêche entreposait ses casiers à crabes, signifiant qu’il s’agissait probablement de son bateau. La GRC a appelé le Centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage – Halifax, et une opération de recherche a été lancée. L’opération de recherche était menée par la GRC, une embarcation rapide de sauvetage du service d’incendie de Liverpool, une embarcation rapide de sauvetage du ministère des Pêches et des Océans, un bateau de pêche local, un hélicoptère du Centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage, un aéronef à voilure fixe de la 14e Escadre Greenwood (Nouvelle-Écosse) et une équipe de recherche et de sauvetage terrestre locale composée de membres de la collectivité.
Vers 10 h 45, la membre d’équipage a été trouvée sur le rivage approximativement 0,08 NM à l’est du bateau chaviré. Elle était inconsciente et a été transportée à l’hôpital par ambulance, où sa mort a été constatée par après. Elle ne portait pas de gilet de sauvetage ni de vêtement de flottaison individuel (VFI).
Vers 11 h 35, un membre de la collectivité locale est monté à bord d’une embarcation rapide de sauvetage du service d’incendie pour aider à trouver les casiers à crabes, avec l’intention de remonter les casiers et voir si le capitaine y était pris. À 12 h 50, une ligne submergée a été aperçue. Alors qu’on remontait la ligne, le corps du capitaine a été retrouvé, pris dans la ligne. Le membre de la collectivité a aidé le personnel du service d’incendie à récupérer le corps. Le capitaine ne portait pas de gilet de sauvetage ni de VFI.
Le bateau de pêche a été récupéré, remorqué jusqu’au rivage et redressé par l’équipage de l’embarcation rapide de sauvetage du ministère des Pêches et des Océans.
Vêtements de flottaison individuels
Ne pas porter de VFI sur un bateau de pêche est une pratique non sécuritaire relevée par le BST au cours des 20 dernières années. Les VFI sont conçus pour être portés en tout temps, permettant aux personnes de travailler sans les limitations d’un gilet de sauvetage. Cependant, de nombreux pêcheurs résistent à les porter, citant des problèmes comme l’inconfort, le risque de se prendre et la perception qu’il n’est pas pratique ni normal de les utiliser. De plus, il a été déterminé que les pêcheurs sous-estiment souvent le risque de faire une chute par-dessus bordNote de bas de page 2.
Au terme de l’enquête portant sur le chavirement du bateau de pêche Caledonian survenu le 5 septembre 2015Note de bas de page 3, le BST a recommandé que :
le ministère des Transports exige que les personnes portent les vêtements de flottaison individuels appropriés en tout temps lorsqu’elles se trouvent sur le pont d’un bâtiment de pêche commerciale ou à bord d’un bâtiment de pêche commerciale non ponté ou sans structure de pont et que le ministère des Transports veille à l’élaboration de programmes visant à confirmer la conformité.
Recommandation M16-05 du BST
Le Règlement sur la sécurité des bâtiments de pêche de Transports Canada, en vigueur le 13 juillet 2017, a révisé les exigences relatives à l’inclusion de gilets de sauvetage et de VFI dans les bateaux de pêche. Si un bateau de pêche à pont découvert entreprend un voyage de classe 2 à proximité du littoral, comme c’était le cas pour le bateau dans l’événement à l’étude, et ne transporte pas de gilets de sauvetage, toutes les personnes à bord doivent porter un VFI en tout tempsNote de bas de page 4.
La réglementation et les initiatives de l’industrie axées sur les risques ont été élaborées pour changer les comportements et sensibiliser les gens au sujet de l’importance de porter un VFI. Les fabricants de VFI ont également amélioré la conception des VFI afin de répondre aux préoccupations des pêcheurs concernant le confort et le port constant. Pourtant, de nombreux pêcheurs continuent de travailler sur le pont sans porter de VFI, même lorsqu’ils sont disponibles.
Dans cet événement, aucun des membres de l’équipage ne portait de gilet de sauvetage ou de VFI, et les recherches n’en ont dévoilé aucun.
Radiobalises de localisation des sinistres
Une radiobalise de localisation des sinistres (RLS) transmet un signal d’urgence, soit automatiquement, soit lorsque l’équipage l’active, pour avertir immédiatement les ressources de recherche et de sauvetage (SAR) et entamer les efforts de sauvetage.
Le Règlement sur la sécurité des bâtiments de pêche exige qu’un navire de toute longueur exploité dans des eaux abritées ou à l’intérieur de 2 NM du rivage, comme le bateau de pêche dans l’événement à l’étude, transporte ce qui suit à bord :
- soit un ou plusieurs radeaux de sauvetage ou embarcations de récupération d’une capacité totale suffisante pour recevoir le nombre de personnes à bord;
- soit les engins de sauvetage suivants :
- une RLS ou un moyen de communication radiophonique bidirectionnelle, sauf si le bâtiment a à bord une RLS exigée par le Règlement de 1999 sur les stations de navires (radio),
- si la température de l’eau est inférieure à 15 °C, une combinaison d’immersion ou une combinaison de protection contre les éléments de la bonne taille pour chaque personne à bordNote de bas de page 5.
En vertu de ce règlement, ces navires doivent transporter une certaine combinaison d’équipement comme indiqué ci-dessus, ce qui n’inclut pas nécessairement une RLS.
Le bateau dans l’événement à l’étude n’avait pas de RLS ni de radiotéléphone à très haute fréquence à bord, et la réglementation ne l’exigeait pas. Les 2 membres de l’équipage avaient chacun un téléphone cellulaire sur eux, ce qui satisfaisait aux exigences réglementaires.
Des enquêtes précédentes du BSTNote de bas de page 6 ont permis de déterminer que la présence d’une RLS à bord peut contribuer à sauver la vie des membres de l’équipage. Lorsque la RLS d’un navire est activée, elle transmet automatiquement un signal de détresse continu, indiquant l’emplacement exact du navire. Avec cette information disponible aux autres navires ou aux ressources de SAR, ces derniers pourront arriver sur les lieux beaucoup plus rapidement, réduisant grandement le temps que les personnes concernées passent dans l’eau avant l’arrivée des secours.
Entre février 2010 et mai 2018, on a signalé 10 événements au BST (entraînant un total de 19 pertes de vie) dans lesquels est survenu le chavirement ou le naufrage d’un petit bateau de pêche d’une longueur de moins de 12 m qui n’était pas muni d’une RLS. Aucun signal de détresse n’a été reçu par les autres navires ou les ressources de SAR dans ces événements.
Le BST a recommandé précédemment que les petits bateaux de pêche soient munis d’une RLS ou d’autre équipement approprié qui flotte librement, s’active automatiquement, avertit le système de SAR et fournit des mises à jour sur la position ainsi qu’un dispositif de localisation directionnelleNote de bas de page 7.
Événements connexes
M18A0078 (Ocean Star II) – Le 12 mai 2018, le bateau de pêche de 8,69 m Ocean Star II, avec 3 membres de l’équipage à bord, a chaviré alors qu’il remontait des casiers à homards à approximativement 0,05 NM (100 m) du rivage à Colindale (Nouvelle-Écosse). Bien que les 3 membres de l’équipage aient survécu au chavirement initial, 1 seul membre de l’équipage a survécu après s’être retrouvé dans l’eau et s’être rendu au rivage. Dans cet événement particulier, aucun membre de l’équipage ne portait un VFI ou tout autre type d’équipement de sauvetage. De plus, le bateau n’était pas équipé d’une RLS.
M18A0303 (Kyla Anne) – Le 18 septembre 2018, le bateau de pêche de 11,5 m Kyla Anne, avec 3 membres de l’équipage à bord, a chaviré alors qu’il retournait au port après un voyage de pêche de homards à environ 1 NM au nord de North Cape (Île-du-Prince-Édouard). Un seul membre de l’équipage a survécu au chavirement. Aucun VFI ou RLS n’était à bord du bateau au moment de l’événement.
Messages de sécurité
Le BST constate toujours que les VFI ne sont pas portés par les membres d’équipage dans les événements mortels mettant en cause des bateaux de pêche comme celui-ci. Il est important que les pêcheurs assument la responsabilité de leur propre sécurité et de la sécurité de leurs équipages en s’assurant que les VFI sont portés lorsqu’ils travaillent à bord de leur navire. Le port d’un VFI peut réduire au minimum les conséquences négatives d’être immergé dans l’eau et accroître les chances de survie d’une personne jusqu’à l’arrivée des secours.
La préparation aux urgences est primordiale pour assurer la sécurité à bord des bateaux de pêche. Dans une situation d’urgence, la capacité de demander de l’aide rapidement est un facteur important pour la survie. Un appareil de signalement de détresse, comme une RLS, peut automatiquement émettre un signal indiquant que le navire est en détresse et fournir l’emplacement exact pour les opérations de recherche et de sauvetage. Il est important que les navires aient des moyens fiables pour signaler les situations de détresse afin qu’une intervention d’urgence puisse être entamée dès que possible, augmentant les chances de survie des occupants du navire en cause.
Bien que d’avoir un téléphone cellulaire à bord puisse satisfaire à l’exigence d’avoir un moyen de communication bidirectionnel, les opérateurs devraient être conscients des limitations de tels appareils dans les situations d’urgence.
Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .