Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A23Q0088

Perte de maîtrise et collision avec le sol
Orizon Aviation Québec Inc.
Cessna 152, C-FNBP
Aéroport international Québec/Jean-Lesage (Québec)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Contexte

    Le 1er août 2023 vers 7 h 02, heure avancée de l’estNote de bas de page 1, l’avion Cessna 152 (immatriculation C-FNBP, numéro de série 15281467), exploité par Orizon Aviation Québec Inc. (Orizon Aviation), a décollé de la piste 29 à l’aéroport international Québec/Jean-Lesage (CYQB) (Québec), avec à son bord un élève-pilote accompagné de son instructeur, pour un vol préparatoire au premier vol en solo de l’élève-pilote. Ce dernier a effectué 8 posés-décollés durant le vol, qui s’est terminé à 8 h 53. Jugeant ce vol satisfaisant, l’instructeur a estimé que l’élève-pilote était prêt à faire son premier vol en solo. L’instructeur et l’élève-pilote se sont entendus pour que ce dernier décolle de la piste 29 et se mette aussitôt dans le circuit pour revenir atterrir sur la piste 24.

    Déroulement du vol

    Une dizaine de minutes plus tard, une fois le vol en solo autorisé par un instructeur-vérificateurNote de bas de page 2, l’élève-pilote est reparti seul aux commandes de l’aéronef et a circulé vers la piste 29 pour le décollage. Il a décollé vers 9 h 06 et a effectué un virage vers la droite en montée initiale pour se placer dans le circuit pour l’approche de la piste 24.

    Lorsque l’aéronef était en étape vent arrière, la tour a donné l’instruction à l’élève-pilote de « rallonger le vent arrière », ce que l’élève-pilote a fait. Cinquante-quatre secondes plus tard, la tour l’a autorisé à virer pour intégrer l’étape de base. L’aéronef a franchi le seuil de la piste 24 à 9 h 20 à une hauteur d’environ 60 pieds au-dessus du sol (AGL) et s’est posé sur la piste à 550 pieds environ au-delà du seuil de piste. L’analyse des séquences vidéo enregistrées par les caméras de surveillance de l’aéroport suggère qu’au toucher des roues initial, la roue avant de l’aéronef a touché le sol en premier, faisant en sorte que l’aéronef a rebondiNote de bas de page 3 avant de retoucher le sol approximativement 350 pieds plus loin.

    Il s’en est suivi une déviation latérale non contrôlée de l’aéronef, qui a alors fait une sortie de piste du côté gauche. L’élève-pilote a alors remis les gaz. L’aéronef a décollé à nouveau, et l’élève-pilote a tenté de reprendre de l’altitude au-dessus de la zone gazonnée située entre la piste et la voie de circulation D, tout en virant graduellement vers l’aérogare. À ce moment-là, l’aéronef se trouvait en situation de vol lentNote de bas de page 4 toujours près du sol.

    L’aéronef a atteint la voie de circulation D, que l’élève-pilote a survolée à quelques pieds au-dessus du sol, tentant de reprendre de l’altitude. Voyant qu’il se dirigeait vers la tour de contrôle et l’aérogare, l’élève-pilote a effectué un virage vers la droite afin de s’en éloigner et de revenir vers la piste 24. Quand il a atteint la piste 24, l’aéronef a réussi à monter jusqu’à environ 45 pieds AGL en effectuant un virage vers la gauche. L’aile gauche a ensuite décroché et l’aéronef a alors roulé vers la gauche et a amorcé une vrille avant de s’écraser en bordure de piste (figure 1). L’aéronef est entré en collision avec le sol presque à la verticale, nez vers le bas, puis a basculé sur le dos.

    Figure 1. Carte montrant la séquence de l’accident à l’aéroport international Québec/Jean-Lesage (Québec). Toutes les annotations liées aux opérations de l’aéronef sont approximatives. (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
    Image
    Carte montrant la séquence de l’accident à l’aéroport international Québec/Jean-Lesage (Québec). Toutes les annotations liées aux opérations de l’aéronef sont approximatives. (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

    Les services de secours de l’aéroport sont rapidement intervenus et étaient sur place en moins de 4 minutes. Aucun incendie ne s’est déclaré. L’élève-pilote portait sa ceinture de sécurité composée d’une ceinture sous-abdominale et d’une ceinture-baudrier, mais il a néanmoins été grièvement blessé. La radiobalise de repérage d’urgence de type 406 MHz s’est déclenchée.

    Examen de l’épave

    L’aéronef est entré en collision avec le sol presque à la verticale, sur une surface gazonnée.

    Figure 2. Épave de l’aéronef à l’étude (Source : Service de la sûreté aéroportuaire de l’aéroport international Québec/Jean-Lesage, avec annotations du BST)
    Image
    Épave de l’aéronef à l’étude (Source : Service de la sûreté aéroportuaire de l’aéroport international Québec/Jean-Lesage, avec annotations du BST)

    Les dommages à l’hélice étaient caractéristiques d’un moteur en marche au moment de l’impact, mais il a été impossible d’en déterminer le niveau de puissance à ce moment-là. La continuité des câbles des commandes de vol a pu être confirmée à partir des gouvernes de profondeur jusqu’aux sièges, de la gouverne de direction jusqu’au palonnier, et des ailerons jusqu’au fuselage. La position du vérin des volets indiquait une extension de ceux-ci d’environ 13° au moment de l’impact.

    Les systèmes de bord ont été examinés dans la mesure du possible, et aucun signe de défaillance n’a été observé.

    Les séquences vidéo de l’événement enregistrées par les caméras de surveillance de l’aéroport ont été visionnées et démontrent que la pédale de direction gauche a été appliquée au moment de l’amorce de vrille.

    Renseignements sur l’aérodrome

    CYQB comporte 2 pistes asphaltées de 150 pieds de large, soit la piste 11/29 et la piste 06/24, d’une longueur respective de 5700 et 9000 pieds.

    L'aéronef de l'événement a été détecté sur les radars primaireNote de bas de page 5 et secondaireNote de bas de page 6 de NAV CANADA dès le début du vol. Cependant, l'aéronef a disparu de l’écran radar au moment de tourner en finale pour la piste 24. Selon l'analyse technique de NAV CANADA, l'aéronef aurait pris une pente d'approche finale inclinée, ce qui pourrait avoir momentanément fait disparaître l'antenne du transpondeur du champ de détection du radar secondaire. Par conséquent, les données nécessaires pour déterminer la vitesse et le taux de descente précis avant l'événement étaient insuffisantes.

    Renseignements météorologiques

    Les conditions météorologiques à CYQB étaient propices à un vol selon les règles de vol à vue et ne sont pas considérées comme un facteur contributif dans cet événement.

    Renseignements sur l’unité de formation au pilotage

    Orizon Aviation est une unité de formation au pilotage certifiée par Transports Canada (TC) depuis 2004 et basée à CYQB. Elle offre une variété de programmes de formation pour l’obtention de licences privées et professionnelles et de qualifications, sur des avions de types Cessna 152 et 172 et Piper PA31.

    Renseignements sur le cours intégré menant à la licence de pilote de ligne

    L’élève-pilote était inscrit au cours intégré menant à la licence de pilote de ligne avion ou ATP(A) offert par Orizon Aviation. Selon la Norme 426 du Règlement de l’aviation canadien (et le Manuel de formationNote de bas de page 7 d’Orizon Aviation approuvé par TC), ce cours

    a pour objet de former des pilotes pour les amener au niveau de compétence nécessaire pour travailler en équipage comme copilote à bord d’avions multimoteurs dans le cadre de services aériens commerciaux et pour leur permettre d’obtenir une licence de pilote professionnel avec une qualification de classe multimoteurs et une qualification de vol aux instruments – Groupe 1 (CPL(A)/IR)Note de bas de page 8.

    Renseignements sur l’élève-pilote

    L’élève-pilote détenait un certificat médical de catégorie 1 délivré le 28 septembre 2022, et un permis d’élève pilote délivré le 18 mai 2023.

    Il avait débuté la formation théorique de son cours intégré ATP(A) le 13 mars 2023, et sa formation en vol le 28 mars 2023 à CYQB sur un avion Cessna 152.

    Au moment de l'événement, soit 4 mois et 4 jours plus tard, le pilote avait accumulé 23,7 heures de vol en double-commande. Pendant sa formation, il avait été supervisé par 3 instructeurs différents. Après avoir réalisé 2 vols de suivi de progression, les 25 mai et 5 juillet 2023, il a effectué plusieurs vols avec un 3e instructeur, qui l'a recommandé pour un vol d'évaluation présolo. Lors de cette évaluation, le 26 juillet, l’instructeur-vérificateur a relevé certaines lacunes notamment en matière d’approche, de maintien de la vitesse, d’assiette et de mouvements. Trois vols de correction supplémentaires ont été nécessaires, le dernier ayant eu lieu le 1er août 2023. Suite à ces 3 vols, le pilote a été recommandé pour son premier vol en solo, et cette recommandation a été approuvée par l'instructeur-vérificateur qui avait fait le vol d’évaluation présolo du 26 juillet.

    Renseignements sur l’aéronef

    Selon les dossiers techniques, l’aéronef avait accumulé en tout 15 527,5 heures de temps dans les airs depuis sa construction. Le rapport de masse et centrage indique que l’aéronef se trouvait dans les limites prescrites au moment de l’événement.

    Rien n’indique que la défaillance d’un système ou d’un composant de l’aéronef a joué un rôle dans l’événement à l’étude.

    Atterrissages interrompus et procédures de remise des gaz

    Le pilote avait reçu une formation conforme au Manuel de formation d’Orizon Aviation, ainsi qu’au Guide de l’instructeur de volNote de bas de page 9 et au Manuel de pilotageNote de bas de page 10 de TC.

    Dans le cas à l’étude, la remise des gaz a eu lieu lorsque l’aéronef avait fait, ou était sur le point de faire, une sortie de piste. La tentative de décollage qui s’en est suivie a été infructueuse, l’aéronef étant en situation de vol lent et n’ayant plus suffisamment de vitesse pour réussir la remontée.

    Le choix entre une remise des gaz et la poursuite de l’atterrissage dépend de la vitesse et de la hauteur de l’aéronef et aussi de l’habileté du pilote. La technique générale de remise des gaz décrite dans le Manuel de pilotage suppose que l’aéronef a suffisamment de vitesse pour reprendre le volNote de bas de page 11.

    Dans son Guide de l’instructeur de vol, TC indique que l’instructeur doit expliquer à l’élève-pilote les techniques de remise des gaz en ce qui concerne la puissance, l’assiette, le réchauffage carburateur, la rentrée des volets et la trajectoire de vol par rapport à la pisteNote de bas de page 12 et doit en faire la démonstration à partir d’un atterrissage interrompu.

    Ni le Manuel de pilotage ni le Guide de l’instructeur de vol ne traitent des mesures à prendre en cas de sortie de piste de l’aéronef.

    De son côté, le manuel Entre ciel et terre précise que

    [l]a remise des gaz peut […] devenir une manœuvre très risquée si le pilote ne décide pas assez tôt de remonter, retardant sa décision jusqu’à ce que la situation devienne critiqueNote de bas de page 13.

    Comme l’explique le bulletin Sécurité aérienne – Nouvelles de TC, de nombreux accidents à l’atterrissage sont attribuables au fait que le pilote n’effectue pas une remise des gaz de façon préventive et au moment opportunNote de bas de page 14.

    Mesures de sécurité prises

    Dans les jours suivant l’événement, Orizon Aviation a mis en place une procédure stipulant que si un élève-pilote échoue sa première évaluation présolo, il devra être évalué à nouveau par un instructeur-vérificateur à la suite de ses vols de correction avant d’être autorisé à faire son premier vol en solo.