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Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A22Q0116

Séparation en vol de l’aile gauche
Wag-Aero Sportsman 2+2 (hydravion de construction amateur), C-FFDA
Immatriculation privée
Aérodrome Rivière Bonnard (Québec), 13 NM WSW



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Déroulement du vol

Le 23 septembre 2022, vers 8 h 30Note de bas de page 1, l’hydravion de construction amateur Wag‑Aero Sportsman 2+2 (immatriculation C‑FFDA, numéro de série 792), avec à son bord le pilote et une passagère, a décollé du lac Mylène, situé à 12 milles marins à l’ouest de l’aérodrome de Rivière Bonnard (CRB4) (Québec), pour effectuer un vol local selon les règles de vol à vue.

À environ 4 milles marins au sud du lac Mylène, l'aile gauche de l'hydravion s'est complètement détachée, ce qui a provoqué une descente non contrôlée de l’hydravion, qui a ensuite percuté le relief. Les 2 occupants ont été mortellement blessés. L'hydravion a été détruit par la force de l'impact. Aucun incendie ne s’est déclaré. La radiobalise de repérage d'urgence de 406 MHz s'est déclenchée et le système de recherche et sauvetage par satellite Cospas-Sarsat a capté le signal à 8 h 46.

Renseignements météorologiques

Selon les observations d’Environnement et Changement climatique Canada pour la région de CRB4, situé à 13 NM à l’est-nord-est du lieu de l’accident, les vents soufflaient de l’ouest-nord-ouest entre 13 et 17 km/h (7 à 9 nœuds) entre 8 h et 9 h le jour de l’événement. La température était de 4 °C et le point de rosée était de 2 °C.

Les prévisions de zone graphique valides au moment de l’événement indiquaient une turbulence mécanique modérée entre la surface et 3000 pieds au-dessus du sol (AGL) et, occasionnellement, des cumulus bourgeonnants avec des sommets à 14 000 pieds au-dessus du niveau de la mer, des plafonds à 1200 pieds AGL et une visibilité de 2 à 5 milles terrestres dans de faibles averses de pluie et de neige et/ou dans de la brume.

Renseignements sur le pilote

Le pilote avait les qualifications nécessaires pour effectuer le vol à l’étude conformément à la réglementation en vigueur : il détenait une licence de pilote privé délivrée en 1989 et un certificat médical de catégorie 3 valide. Le pilote avait à son actif plus de 4400 heures de vol, pratiquement toutes sur l’aéronef de l’événement.

Selon l’information obtenue au cours de l’enquête, rien n’indique que des facteurs médicaux ou physiologiques ont nui à la performance du pilote.

Renseignements sur l’aéronef

L’aéronef, un hydravion de la catégorie construction amateur, avait été construit par le pilote de l’événement à l’étude en 1989. D’après le carnet de route en date du 4 septembre 2022, il avait accumulé 4422 heures de vol depuis sa construction.

L’hydravion était équipé d’un moteur Avco Lycoming IO-360-A1B6 (numéro de série L-59367A) dont la puissance était de 200 hp. Chaque aile était supportée par 2 haubans principaux et 2 haubans secondaires (figure 1).

Figure 1. Aéronef à l’étude (Source : propriétaire de l’hydravion, avec annotations du BST)
Aéronef à l’étude (Source : propriétaire de l’hydravion, avec annotations du BST)

Site de l’accident et examen de l’épave

L’aile gauche de l’hydravion a été retrouvée à environ 300 pieds en amont de l’épave. Elle était fortement endommagée. Le hauban principal arrière de l’aile était pratiquement intact et était toujours attaché, mais la fixation servant à le fixer au fuselage était corrodée et présentait une cassure nette. L’autre hauban principal (le hauban avant) normalement présent sur la même aile était manquant et n’a pas été retrouvé sur le site. Pratiquement tous les points d’attache, charnières et tringleries des commandes de vol de l’aile gauche présentaient d’importants signes de corrosionNote de bas de page 2.

L’épave de l’hydravion reposait à l’envers. Les dommages aux flotteurs et au moteur étaient symétriques, signe d’un contact avec le sol dans des conditions de roulis nul. Un petit arbre a été sectionné par l’aile droite. La distance entre cet arbre et l’épave suggère un angle de piqué d’environ 60° au moment de l’impact avec le sol. Tout comme pour l’aile gauche, pratiquement tous les points d’attache, charnières et tringleries des commandes de vol de l’aile droite, ainsi que la queue de l’aéronef, présentaient d’importants signes de corrosion (figure 2).

Figure 2. Exemple de corrosion observée sur la queue de l'aéronef à l'étude (Source : BST)
Exemple de corrosion observée sur la queue de l'aéronef à l'étude (Source : BST)

Examen technique

Dans le cadre de la présente enquête, les 2 haubans principaux de l’aile droite (avant et arrière), le hauban principal arrière de l’aile gauche et toutes les chapes de fixation au fuselage ont été envoyés au Laboratoire d'ingénierie du BST à Ottawa (Ontario) à des fins d'examen. L'examen a révélé que les chapes des haubans de droite et celle du hauban arrière gauche avaient rompu par surcharge. La chape du hauban avant gauche présentait des signes de fissures par fatigue.

La chape avant gauche a été examinée au macroscopeNote de bas de page 3; cet examen a révélé que la majorité de la surface de fracture était plate et comportait des ondulations de fatigue et qu’une petite portion était relevée et texturée (figure 3, image en haut à gauche). La chape a ensuite été examinée en utilisant un microscope électronique à balayageNote de bas de page 4. La texture de la portion plate de la surface de fracture s’était oblitérée, mais des stries de fatigue et des fissures secondaires (signe de fatigue) étaient apparentes (figure 3, images en bas). Aucun point de départ de fissures n’a été trouvé. La portion relevée et texturée présentait des fossettes ductiles (figure 3, en haut à droite), signe d’une surcharge ductile.

Figure 3. Surface de fracture de la chape avant gauche (image en haut à gauche), fossettes ductiles (en haut à droite) et micrographies montrant les stries et fissures secondaires (images en bas) (Source : BST)
Surface de fracture de la chape avant gauche (image en haut à gauche), fossettes ductiles (en haut à droite) et micrographies montrant les stries et fissures secondaires (images en bas) (Source : BST)

La défaillance de la chape avant gauche a probablement causé une surcharge de la chape arrière gauche, qui a causé à son tour la séparation de l'aile gauche. Une perte de maîtrise irrémédiable s’en est suivie, puis la collision avec le relief.

Maintenance des aéronefs

Tout aéronef doit faire l’objet de maintenance conformément à un calendrier de maintenanceNote de bas de page 5 qui énumère les inspections périodiques à effectuer. L’ampleur de ces inspections doit « tenir compte de l’état général et du type d’exploitation de l’aéronefNote de bas de page 6 ». Un calendrier de maintenance doit être approuvé par le Ministre sauf lorsque le propriétaire d’un petit aéronef n’étant pas exploité commercialement décide de se conformer aux appendices B et C de la norme 625 du Règlement de l’aviation canadien (RAC).

Exécution des tâches de maintenance

Selon une des exigences stipulées à l’appendice B qui vise l’exécution des tâches de maintenance, « [l]a méthode d’inspection pour chaque article doit être conforme aux recommandations du constructeur ou aux pratiques courantes de l’industrieNote de bas de page 7 ».

Dans le cas d’un aéronef de la catégorie construction amateur, tout comme de la catégorie de maintenance par le propriétaire, la personne qui effectue la maintenance n’est pas tenue de détenir une licence de technicien d’entretien d’aéronefs. Cependant, selon la note d’information de la norme 571 qui vient préciser l’article 571.02 du RAC, « [t]oute personne qui exécute des travaux de maintenance ou des travaux élémentaires doit respecter les recommandations du constructeur ou des techniques équivalentesNote de bas de page 8 ». Dans le cas d’un aéronef de la catégorie construction amateur, des consignes de maintenance peuvent avoir été publiées par le fournisseur du kitNote de bas de page 9. Ces consignes serviraient alors de base au constructeur (la personne qui construit l’aéronef) qui déciderait d’élaborer des recommandations spécifiques.

Lorsque le constructeur n’a pas fait de recommandations spécifiques, les techniques courantes de l’industrie doivent s’appliquer. Ces techniques comprennent, mais non exclusivement, les méthodes publiées par Transports Canada ou un organisme de l’aviation civile étranger ou le constructeur d’un produit semblableNote de bas de page [10], ou d’autres techniques qui peuvent ne pas être publiées à condition que l’industrie aéronautique canadienne les accepte en généralNote de bas de page 11.

Une des techniques courantes de l’industrie consiste à utiliser les méthodes publiées par la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis dans la circulaire d’information (AC) 43‑13Note de bas de page 12,Note de bas de page 13. Cette circulaire contient des méthodes et pratiques acceptables pour la maintenance des aéronefs lorsque le constructeur n’a pas fourni d’instructions.

D'après le carnet de route de l’hydravion, le pilote de l'événement à l'étude, qui était aussi le constructeur, effectuait des inspections de maintenance à intervalles annuels depuis la construction de l’hydravion. Rien n’indique que ces inspections étaient effectuées selon un calendrier de maintenance ni qu’elles suivaient des recommandations spécifiques ou des techniques courantes de l’industrie.

Au cours des 5 dernières années, le BST a enquêté sur 5 événementsNote de bas de page 14, dont celui-ci, qui ont fait ressortir des enjeux dans le domaine de la maintenance des aéronefs.

Rapports de laboratoire du BST

Le BST a produit les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

Message de sécurité

Il est important que les propriétaires d’aéronef de la catégorie construction amateur ou de la catégorie de maintenance par le propriétaire s’assurent que les travaux maintenance sont effectués selon les recommandations du constructeur ou, en l’absence de recommandations, selon des techniques équivalentes de maintenance telles que celles décrites dans l’AC 43-13 de la FAA.

Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .