Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A22O0165

Collision avec le relief
Cessna 150G, C-FQCS
Immatriculation privée
Bainsville (Ontario)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Déroulement du vol

    Dans la soirée du 5 décembre 2022, l’aéronef Cessna 150G sous immatriculation privée (immatriculation C-FQCS, numéro de série 15066475) effectuait un vol selon les règles de vol à vue (VFR) de nuit de l’aérodrome de Salaberry-de-Valleyfield (CSD3) (Québec) à destination de l’aérodrome régional de Cornwall (CYCC) (Ontario), avec le pilote et 1 passager à bord. Le passager était le propriétaire de l’aéronef, mais il ne possédait pas de licence ou de permis de pilote. Il avait été à bord de nombreux vols effectués par le pilote dans l’événement à l’étudeNote de bas de page 1.

    L’aéronef a décollé de CSD3 à 19 h 52Note de bas de page 2, a effectué un virage vers le nord-ouest et est monté à 1500 pieds au-dessus du niveau de la mer. Après avoir traversé le fleuve Saint-Laurent, l’aéronef a effectué un virage vers le sud-ouest en direction de CYCC, volant au nord de la rive le long de l’autoroute provinciale A20 du Québec (figure 1).

    Figure 1. Image satellite montrant la route suivie (Source : Google Earth, avec annotations du BST selon les données du système de positionnement mondial de l’aéronef)
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    Image satellite montrant la route suivie (Source : Google Earth, avec annotations du BST selon les données du système de positionnement mondial de l’aéronef)

    Vers 20 h 01, peu après que l’aéronef a traversé la frontière provinciale entre l’Ontario et le Québec, le pilote a entendu un bruit et le moteur a subi une perte de puissance. Le pilote, assis dans le siège de droite, a effectué un virage à gauche de 180° en descente vers le nord-est et a aligné l’aéronef sur l’autoroute provinciale 401 de l’Ontario. À 20 h 03, l’aéronef a heurté un ensemble de 4 lignes de distribution électrique avant d’entrer en collision avec le relief dans le terre-plein herbeux entre les voies est et ouest de l’autoroute et de s’immobiliser en position renversée (figure 2). Il n’y a pas eu d’incendie. Le lieu de l’accident se trouvait à 0,1 mille marin (NM) au nord de l’aéroparc de Lancaster (CLA6) (Ontario). CLA6 n’est pas muni de balisage lumineux de piste.

    Figure 2. Vue aérienne du lieu de l’accident (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
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    Vue aérienne du lieu de l’accident (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

    La radiobalise de repérage d’urgence (ELT) de l’aéronef s’est déclenchée, mais aucun signal n’a été détecté par le système Cospas-Sarsat. Un témoin de l’accident l’a signalé à la Police provinciale de l’Ontario, qui a avisé le Centre conjoint de coordination de sauvetage à Trenton (Ontario), à 20 h 16. Le pilote et le passager, qui étaient grièvement blessés, ont été transportés à un hôpital à Ottawa (Ontario). L’aéronef a été lourdement endommagé.

    Renseignements sur le pilote

    Le pilote avait obtenu une licence de pilote – planeur en octobre 2014 et une licence de pilote professionnel – avion en juillet 2022. Son certificat médical de catégorie 1 était valide. Il détenait également 2 qualifications : il avait obtenu une qualification multimoteur en mai 2021 et une qualification d’instructeur de vol – planeur en juillet 2021. Il était en voie d’obtenir une qualification d’instructeur de vol – avion.

    Les dossiers indiquent que le pilote avait accumulé un total de 416,7 heures de vol à bord d’avions, dont 72,3 heures de vol la nuit. Il avait accumulé 278,1 heures dans des avions monomoteurs, et 50,7 de ces heures avaient été effectuées la nuit. Il avait accumulé 37,3 heures dans des aéronefs Cessna 150 et environ 220 heures dans des aéronefs Cessna 152. De plus, il avait accumulé 99,2 heures de vol dans des planeurs.

    Les dossiers indiquent que le pilote avait effectué 5 décollages de nuit et 5 atterrissages de nuit au cours des 6 derniers mois dans un avion multimoteur. Toutefois, il ne l’avait pas fait dans la même classe d’aéronefs que l’aéronef à l’étude (avion monomoteur). Par conséquent, il ne satisfaisait pas aux exigences de mise à jour des connaissances du Règlement de l’aviation canadien (RAC) pour transporter un passager la nuit à bord de l’aéronef à l’étude.

    La division 401.05(2)b)(i)(B) du RAC exige que le titulaire d’un permis ou d’une licence de membre d’équipage de conduite effectue « au moins cinq décollages et cinq atterrissages de nuit, si le vol est effectué en totalité ou en partie de nuitNote de bas de page 3 » dans la même catégorie et la même classe d’aéronef que l’aéronef utilisé.

    Dans l’article 101.01 du RAC, une catégorie s’entend : « en ce qui concerne la délivrance des licences du membre d’équipage de conduite, de la classification de l’aéronef par avion, ballon, planeur, autogire, hélicoptère ou avion ultra-légerNote de bas de page 4 ».

    Dans le même article du RAC, une classe s’entend, « [r]elativement à la classification des avions, [des] avions dont les caractéristiques d’utilisation sont similaires à celles des avions monomoteurs, des avions multimoteurs, des avions à moteurs en tandem, des avions terrestres ou des hydravionsNote de bas de page 5 ».

    Le pilote satisfaisait à toutes les autres exigences de mise à jour des connaissances énoncées à l’article 401.05 du RAC.

    Renseignements sur l’aéronef

    L’aéronef à l’étude a été construit en 1967. Selon le carnet de route de l’aéronef, l’appareil avait accumulé 5670 heures de vol depuis sa construction. La dernière inspection annuelle a été achevée le 4 mai 2021. L’aéronef avait fait l’objet de travaux de maintenance le 26 octobre 2022, puis de nouveau le 21 novembre 2022. La maintenance en question couvrait certains aspects, mais pas tous, de l’inspection annuelle qui sont exigés par les annexes B et C de la Norme 625 du RAC.

    En vertu de l’alinéa 605.86(1)a) du RAC, les aéronefs doivent être maintenus « conformément à un calendrier de maintenance qui est conforme aux Normes relatives à l’équipement et à la maintenance des aéronefsNote de bas de page 6 ». Pour l’aéronef à l’étude, ces normes exigeaient que l’aéronef soit maintenu « à des intervalles n’allant pas au-delà du dernier jour du 12e mois suivant l’inspection précédenteNote de bas de page 7 ». Même si, avant le vol à l’étude, il y avait eu des communications entre le propriétaire et le pilote indiquant que tous les travaux de maintenance requis pour l’inspection annuelle avaient été effectués, aucun dossier n’a été fourni pour indiquer qu’une inspection annuelle avait été réalisée.

    L’assurance responsabilité civile de l’aéronef était valide jusqu’au 24 septembre 2022. Par conséquent, l’aéronef n’était pas assuré au moment de l’événement, comme l’exige la réglementationNote de bas de page 8.

    L’aéronef à l’étude n’était pas muni d’un enregistreur de données de vol ni d’un enregistreur de conversations de poste de pilotage, et la réglementation ne l’exigeait pas. L’aéronef était équipé d’un système de positionnement mondial (GPS), plus particulièrement du modèle Garmin GPSMAP 295. Le GPS a été récupéré et les données de vol de l’aéronef pour le vol à l’étude ont pu être téléchargées.

    L’aéronef était également muni d’une ELT ARTEX (modèle 345) qui a été fabriquée en août 2022. Ce modèle d’ELT émet sur les fréquences 121,5 MHz et 406 MHz. Aucun signal d’ELT n’a été détecté par le système Cospas-Sarsat au moment de l’événement. Toutefois, pendant la récupération de l’aéronef après l’événement, il a été établi que l’ELT émettait des signaux. L’enquête n’a pas permis de déterminer pourquoi aucun signal n’avait été détecté.

    Renseignements sur l’épave et sur l’impact

    L’aéronef à l’étude a heurté un ensemble de lignes de distribution électrique avant d’entrer en collision avec le relief. Les dommages à l’appareil laissent croire que l’aéronef a percuté le sol alors qu’il était renversé sur son côté droit. L’aéronef a ensuite glissé et s’est immobilisé, toujours renversé, sur le terre-plein herbeux de l’autoroute provinciale 401 de l’Ontario, à environ 320 pieds du point d’impact avec les fils.

    L’aéronef a été lourdement endommagé et il y avait une forte odeur de carburant sur les lieux. Des restes d’une ligne électrique, qui avait été heurtée par le bord d’attaque de l’aile gauche, étaient coincés entre le volet et l’aileron.

    Le moteur a subi des dommages en raison de l’impact. Les dommages à l’hélice indiquaient qu’elle tournait au moment de l’impact; toutefois, il n’a pas été possible de déterminer la puissance produite par le moteur, le cas échéant.

    Le moteur a été démonté et examiné dans la mesure du possible à l’installation régionale du BST à Richmond Hill (Ontario). Il n’y avait aucun signe de panne moteur catastrophique ou de défaillance mécanique d’un composant moteur majeur. Le carburateur et les magnétos ont été examinés dans un centre de révision et on a jugé qu’ils étaient en bon état de service. Le système de chauffage du carburateur a été examiné, mais en raison de l’étendue des dommages, il n’a pas été possible de déterminer si le réchauffage du carburateur avait été activé ou si le système fonctionnait au moment de l’événement.

    Renseignements météorologiques

    Les conditions météorologiques étaient propices à un vol VFR de nuit. Le message d’observation météorologique régulière d’aérodrome (METAR) émis à 20 h pour l’aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau de Montréal (CYUL) (Québec), qui se trouve à 30 NM à l’est du lieu de l’événement, indiquait des vents du sud-est de 11 nœuds, une visibilité de 15 milles terrestres, un plafond de nuages fragmentés à 15 000 pieds au-dessus du sol (AGL), une température de 3 °C et un point de rosée de −5 °C.

    Le METAR automatique (METAR AUTO) émis à 19 h 53 pour l’aéroport international de Massena-Richards Field (KMSS), dans l’État de New York (États-Unis), qui se trouve à 26 NM au sud-ouest du lieu de l’événement, indiquait des vents généralement du sud de 6 nœuds, un ciel dégagé, une visibilité de 10 milles terrestres, une température de 6 °C et un point de rosée de −9 °C.

    Givrage du carburateur

    Le givrage du carburateur se produit lorsque la vapeur d’eau dans l’air gèle et adhère aux parois internes du carburateur. Ce phénomène se produit parce que l’effet de la vaporisation du carburant et la diminution de la pression d’air causée par l’effet Venturi abaissent la température de l’air entrant dans le carburateur. Si la température de l’air dans le carburateur chute sous le point de congélation, de la glace peut se former sur les parois internes du carburateur, y compris le robinet de débit.

    Pour remédier au givrage du carburateur, les constructeurs d’aéronefs fournissent un système visant à chauffer l’air entrant et à empêcher l’accumulation de glace. Si on laisse une importante accumulation de glace se former à l’intérieur du carburateur et qu’on applique la chaleur maximale pour la faire fondre, l’eau de la fonte s’écoulera dans le moteur. Ce dernier fonctionnera mal et perdra davantage de puissance, risquant même de s’arrêter. Si rien n’est fait, la glace peut rapidement entraîner une panne moteur complète.

    La glace qui se forme dans un carburateur pendant le vol est rarement présente après un écrasement. Ainsi il est difficile de déterminer si la perte de puissance a été causée par le givrage du carburateur. Néanmoins, les accidents et les incidents mettant en cause le givrage du carburateur, c’est-à-dire lorsque l’on soupçonne une perte de puissance moteur attribuable au givrage du carburateur, sont courants dans l’aviationNote de bas de page 9,Note de bas de page 10. Pour aider à déterminer si les conditions atmosphériques sont susceptibles d’entraîner le givrage du carburateur, des graphiques qui comparent la température ambiante extérieure, le point de rosée et l’humidité relative ont été produits (figure 3). Cependant, il est important de noter que le givrage dans le carburateur peut également se produire dans des conditions autres que celles représentées sur les graphiquesNote de bas de page 11.

    Figure 3. Potentiel de givrage du carburateur selon les conditions météorologiques au niveau du sol près de l’aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau de Montréal et de l’aéroport international de Massena-Richards Field (Source : Transports Canada, TP 14371, Manuel d’information aéronautique de Transports Canada [AIM de TC], AIR – Discipline aéronautique [6 octobre 2022], section 2.3, avec annotations du BST)
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    Potentiel de givrage du carburateur selon les conditions météorologiques au niveau du sol près de l’aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau de Montréal et de l’aéroport international de Massena-Richards Field (Source : Transports Canada, TP 14371, Manuel d’information aéronautique de Transports Canada [AIM de TC], AIR – Discipline aéronautique [6 octobre 2022], section 2.3, avec annotations du BST)

    Bien que le graphique indique que la température et le point de rosée à KMSS n’étaient pas propices au givrage du carburateur au moment de l’événement, il montre qu’il y avait un risque de givrage sévère du carburateur à la puissance de descente dans la région de CYUL.

    Balisage et éclairage des obstacles à la navigation aérienne

    Selon le RAC, le balisage et l’éclairage sont requis pour tout bâtiment, ouvrage ou objet qui constitue un obstacle à la navigation aérienneNote de bas de page 12. Les poteaux de distribution électrique installés le long de l’autoroute provinciale 401 de l’Ontario près du lieu de l’événement mesurent environ 15 m (50 pieds) de hauteur et les fils qui traversent l’autoroute sont plus bas que le sommet des pylônes. Bien qu’ils se trouvent dans un rayon de 6 km de CLA6, ils ne constituent pas des obstacles à la navigation aérienne selon le RACNote de bas de page 13, étant donné que leur hauteur ne dépasse pas 90 m (296 pieds) AGL. Par conséquent, ils ne doivent pas obligatoirement être balisés ou éclairés.

    Vol à vue la nuit

    Pour effectuer un vol VFR de jour et de nuit, le pilote doit utiliser des indices visuels (p. ex., horizon visuel, repères au sol) à l’extérieur de l’aéronef pour déterminer l’assiette de l’aéronef. Le vol VFR de nuit comporte de nombreux risques en raison du manque d’indices visuels. Le peu d’indices visuels, combiné à une capacité réduite de voir la nuit, rend difficile le repérage du relief et des obstacles à la navigation. Les conditions environnementales et d’éclairage environnantes doivent donc être suffisantes pour permettre au pilote de voir ces indices visuels.

    Les conditions présentes pendant le vol à l’étude étaient susceptibles d’offrir des repères visuels à la surface en raison de l’éclairage artificiel des autoroutes provinciales de l’Ontario et du Québec et des diverses villes le long de l’itinéraire prévu. Cependant, il aurait été difficile de voir les lignes électriques non éclairées qui traversaient l’autoroute 401 et de voir la piste gazonnée de CLA6 parallèle à cette autoroute.

    Rapport de laboratoire du BST

    Le BST a produit le rapport de laboratoire suivant dans le cadre de la présente enquête :

    • LP131/2022 – NVM Data Recovery – GPS [Récupération des données de la mémoire non volatile – GPS]

    Messages de sécurité

    On rappelle aux pilotes et aux propriétaires d’aéronefs que les exigences du RAC relatives aux inspections annuelles sont en place pour s’assurer que les aéronefs sont maintenus conformément aux normes de navigabilité et qu’ils sont ainsi sécuritaires pour l’exploitation.

    D’après les conditions au moment de l’événement, il y avait un risque de givrage sévère du carburateur à la puissance de descente. Même si l’enquête n’a pas permis de déterminer si le givrage du carburateur a été un facteur dans l’événement à l’étude, on rappelle aux pilotes que le givrage du carburateur peut se produire à diverses températures et à tous les réglages de puissance moteur.

    Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .