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Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A22C0058

Collision avec le relief
Rockwell International, Commander Aircraft Division S-2R, C-GOKD
Pembina Air 1999 Ltd.
Aérodrome de Treherne (aéroparc de South Norfolk) (Manitoba),12 NM NE



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Déroulement du vol

Vers 8 h 58Note de bas de page 1 le 2 août 2022, l’aéronef Rockwell International, Commander Aircraft DivisionNote de bas de page 2 S-2R (immatriculation C-GOKD, numéro de série 2084R) exploité par Pembina Air 1999 Ltd. a quitté l’aérodrome régional de Morden (CJA3) (Manitoba) pour se rendre à l’aérodrome de Treherne (aéroparc de South Norfolk) (CTN6) (Manitoba) afin d’effectuer une série d’épandages aériens d’un fongicide sur des cultures situées dans les environs de Treherne. Le pilote, qui était également le propriétaire de la compagnie, a décollé de CTN6 pour le reste de la journée et prévoyait retourner à CJA3 une fois les épandages aériens terminés.

Tout au long de la journée, après avoir appliqué un fongicide sur une culture, le pilote retournait à CTN6, qui disposait d’une station de mélange de produits chimiques. Des chargeurs mélangeaient le fongicide et le chargeaient dans l’aéronef. Les chargeurs sont restés à CTN6 pendant que le pilote effectuait les vols d’épandage aérien. Vers 11 h, le pilote s’est arrêté pour faire une pause. Il a repris le vol vers 12 h et a effectué 10 vols sans incident, le dernier se terminant vers 19 h 35.

Le vol à l’étude a quitté CTN6 vers 19 h 50 et l’aéronef est arrivé au champ à pulvériser, situé à environ 12 milles marins (NM) au nord-est de CTN6, à 20 h. Les conditions météorologiques étaient propices au vol selon les règles de vol à vue (VFR). Les données météorologiques enregistrées par une station météorologique automatiséeNote de bas de page 3 à St. Claude (Manitoba) (à 7 NM au sud-sud-est du lieu de l’événement) indiquaient qu’à 20 h, les vents soufflaient du 287° vrai à 13 nœuds, avec des rafales à 21 nœuds. L’aéronef a effectué 4 passages au-dessus du champ à environ 30 pieds au-dessus du sol et il effectuait un virage pour amorcer un 5e passage lorsqu’il est entré en collision avec le relief. Le GPS (système de positionnement mondial) installé à bord de l’aéronef n’a pas enregistré les derniers instants du vol (figure 1).

La radiobalise de repérage d’urgence s’est déclenchée à la suite de l’impact et le Centre conjoint de coordination de sauvetage à Trenton (Ontario) a reçu le signal à 20 h 05. La GRC (Gendarmerie royale du Canada), le service d’incendie de la municipalité rurale de Grey et les services médicaux d’urgence de la province sont intervenus sur les lieux. Le pilote a été mortellement blessé. L’aéronef a été détruit.

Figure 1. Trajectoire réelle (ligne continue) et trajectoire estimée (ligne pointillée) du vol à l’étude d’après les données du GPS (système de positionnement mondial) (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
Trajectoire réelle (ligne continue) et trajectoire estimée (ligne pointillée) du vol à l’étude d’après les données du GPS (système de positionnement mondial) (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

Renseignements sur le pilote

Le pilote était titulaire d’une licence de pilote professionnel – avion et son certificat médical de catégorie 1 était valide. Sa licence était annotée pour les avions monomoteurs (terrestres et hydravions). Le pilote avait accumulé environ 7000 heures de vol, dont 1850 aux commandes de l’aéronef à l’étude. Le 1er juin 2022, le pilote avait suivi sa formation annuelle sur les techniques d’épandage aérien, et il était certifié par la Province du Manitoba pour effectuer des vols d’épandage aérien.

Renseignements sur l’aéronef

La série S-2R de Rockwell International, Commander Aircraft Division, est un aéronef agricole monomoteur à train d’atterrissage fixe, à voilure basse et équipé d’une roue de queue, dont le fuselage est constitué de tubes en acier soudés.

L’aéronef à l’étude avait été construit aux États-Unis en 1974 et importé au Canada en 2012 en vertu d’un certificat spécial de navigabilitéNote de bas de page 4.

L’aéronef était muni d’équipement de pulvérisation permettant d’effectuer des travaux agricoles. La trémie était équipée d’un système de largage à manette qui permettait de larguer son contenu en cas d’urgence.

L’aéronef était à l’origine équipé d’un moteur à pistons en étoile. En 2012, avant d’être importé au Canada, l’aéronef avait été équipé d’un turbomoteurNote de bas de page 5 GarrettNote de bas de page 6 en vertu du certificat de type supplémentaire (CTS) SA5953NMNote de bas de page 7. Le moteur à l’étude a été installé dans l’aéronef le 6 juillet 2016Note de bas de page 8. Avant l’installation du moteur, son compresseur et sa partie chaude ont été inspectés et de nombreuses consignes de navigabilité (CN) ont été exécutées, y compris, mais sans s’y limiter, la CN 2015-18-03Note de bas de page 9, qui exigeait le remplacement de l’accouplement de l’arbre porte-hélice. Le moteur a été installé avec 2077 heures depuis sa dernière révision, et, avant le 2 août 2022, le moteur avait accumulé 3545,7 heures depuis sa dernière révision (1468,7 heures depuis l’installation). Le moteur entraînait une hélice à 4 pales réversibles à vitesse constante fabriquée par Hartzell Propeller IncNote de bas de page 10.

L’aéronef était équipé d’un GPSNote de bas de page 11 qui enregistrait la position et l’altitude de l’aéronef, ainsi que les indications de fonctionnement de la rampe d’épandage. L’aéronef était également équipé d’un multiplexeurNote de bas de page 12, qui a été envoyé au Laboratoire d’ingénierie du BST à Ottawa (Ontario) afin d’y être analysé. Le multiplexeur pouvait enregistrer plusieurs paramètres; toutefois, l’enregistreur était réglé pour n’enregistrer que la température de la turbine interétage du moteur.

Le 21 juillet 2022, une inspection de la cellule à intervalles de 200 heures a été effectuée conformément au calendrier de maintenance de Pembina Air Service et aux fiches de travail d’AlliedSignal/Honeywell et du S-2R. L’aéronef avait effectué 74 heures de vol depuis cette inspection, et aucune anomalie n’avait été signalée.

Avant le vol à l’étude, l’aéronef totalisait 7773,0 heures de temps dans les airs.

Le manuel de vol de l’aéronef indiquait que la masse maximale au décollage (MTOW) de l’aéronef à l’étude était de 6000 livres (2721 kg). Cependant, l’aéronef bénéficiait d’une exemption à l’alinéa 605.03(1)b) et à l’article 602.07 du Règlement de l’aviation canadien (RAC) qui lui permettait d’être utilisé à une masse brute plus élevée pour la dispersion aérienne. Conformément à l’exemption, l’aéronef pouvait être utilisé à une MTOW de 9120 livres (4137 kg).

Examen du lieu de l’accident et de l’épave

L’aéronef est entré en collision avec un relief meuble et plat à 49°46′14.80″ N, 098°23′58.98″ W, dans une assiette peu inclinée à droite et un cap vers l’est. Les traces d’impact indiquaient que les ailes, le train d’atterrissage et l’hélice sont entrés en contact avec le relief. L’aéronef a rebondi et a continué à glisser sur 57,04 m (figure 2) avant de s’immobiliser; le poste de pilotage, le fuselage et l’empennage se sont retrouvés renversés sur la trémie et l’ensemble moteur.

Figure 2. Photo du sillon laissé par l’épave (Source : GRC, avec annotations du BST)
Photo du sillon laissé par l’épave (Source : GRC, avec annotations du BST)

Tous les composants de l’aéronef ont été retrouvés sur le lieu de l’accident. Les enquêteurs du BST ont observé des signes que du carburant s’était déversé et que le moteur tournait au moment de l’impact. La traînée de débris comprenait la rampe d’épandage, l’hélice, le train d’atterrissage principal droit, des fragments de capot et de la fibre de verre. Aucun incendie n’est survenu. La continuité des commandes de vol a été vérifiée. Il n’y avait aucun signe de collision avec un oiseau ou un câble.

Le moteur est resté fixé à son support et connecté à l’aéronef. Les volets étaient rentrés. L’enquête n’a pas permis de déterminer si le fongicide avait été largué avant l’impact en raison de dommages structurels trop importants, notamment à la liaison de la manette de largage de la trémie.

Examen du moteur

Figure 3. Rouet du moteur (Source : BST)
Rouet du moteur (Source : BST)

Les enquêteurs du BST ont procédé à une inspection du moteur qui a révélé que le moteur produisait de la puissance au moment de l’impact. Le générateur-démarreur a été retiré et on a constaté que l’arbre d’entrée du générateur-démarreur avait été cisaillé sous l’effet d’une surcharge. Une inspection visuelle de l’entrée d’air du moteur a révélé que les pales du rouet du premier étage étaient pliées dans le sens inverse de la rotation (figure 3). Le moteur a ensuite été envoyé à Honeywell à Phoenix (Arizona), aux États-Unis, pour un démontage du moteur, auquel a assisté un enquêteur du BST. L’inspection a permis de confirmer que le moteur produisait de la puissance au moment de l’accident et n’a révélé aucune défaillance antérieure à l’impact.

Examen de l’hélice

L’hélice s’est détachée de la bride d’hélice du moteur et les 4 pales sont restées attachées au moyeu de l’hélice. Les 4 pales de l’hélice étaient pliées. L’hélice a été envoyée à Hartzell pour un examen approfondi. Aucune anomalie antérieure à l’impact qui aurait pu indiquer un fonctionnement anormal de l’hélice avant l’impact n’a été relevée. Des marques d’impact du piston du moyeu de l’hélice représentant un angle de pale de 21,5° ont été notées, ce qui laisse croire que l’hélice fonctionnait avec une puissance modérée au moment de l’impact.

Épandage aérien

Selon la fiche signalétique du fongicide appliqué, certaines précautions sont nécessaires lors de l’épandage aérien. Par exemple, le produit ne doit pas être pulvérisé lorsque les vents sont calmes, en rafales ou à une vitesse supérieure à 8,6 nœuds à la hauteur de vol. La fiche signalétique du produit comprend également des précautions à l’intention du personnel au sol, comme l’équipement de protection individuelle à utiliser et les vêtements à porter. Elle indique également qu’on ne doit pas permettre aux pilotes de mélanger les produits chimiques à charger dans l’aéronefNote de bas de page 13. Ce produit constitue un grave irritant oculaire.

L’enquête a permis de déterminer que les chargeurs avaient mélangé et chargé les produits chimiques pour l’aéronef; toutefois l’enquête n’a pas permis de déterminer si le pilote avait suivi les autres précautions énumérées dans la fiche signalétique du produit.

Rapports de laboratoire du BST

Le BST a produit les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

Messages de sécurité

L’enquête n’a pas permis de déterminer la séquence complète des événements qui ont conduit à la collision avec le relief. L’aéronef à l’étude était doté d’un système de surveillance du moteur, qui a permis de récupérer certaines données dans le cadre de l’enquête; toutefois, il n’était pas muni d’un enregistreur de données de vol léger, et la réglementation ne l’exigeait pas. Les renseignements enregistrés par ces dispositifs peuvent être utiles pour déterminer ce qui s’est passé dans le cas d’un accident.

Dans l’événement à l’étude, le pilote effectuait des vols d’épandage aérien d’un fongicide dont l’utilisation nécessite certaines précautions. On rappelle aux pilotes qu’il est important de suivre toutes les instructions fournies dans la fiche signalétique du produit chimique.

Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .