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Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A21P0124

Perte de maîtrise et collision avec le relief
Cessna R182, C-FBKJ
Immatriculation privée
Aérodrome de Hope (Colombie-Britannique), 18 NM NE



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Déroulement du vol

À 13 h 46Note de bas de page 1 le 15 novembre 2021, l’aéronef privé Cessna R182 (immatriculation C-FBKJ, numéro de série R18200149) est parti de l’aéroport de Nanaimo (CYCD) (Colombie-Britannique) pour effectuer un vol selon les règles de vol à vue (VFR), à destination de l’aéroport international de Glacier Park (KGPI) (Montana, États-Unis). Le pilote avait déposé un plan de vol, qui indiquait une route directe de CYCD à KGPI, effectuée à une altitude de 10 500 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL). Le pilote et 1 passagère étaient à bord.

L’aéronef a volé vers le sud-est de CYCD, traversant l’espace aérien américain au-dessus des îles San Juan à environ 4000 pieds ASL. L’aéronef a continué vers le sud-est, montant jusqu’à environ 10 700 pieds ASL avant d’entamer une série de virages et de descentes, pour finalement revenir vers le nord à une altitude approximative de 3000 pieds ASL. À 14 h 35, lorsque l’aéronef se trouvait à 16 milles marins (NM) à l’est de l’aéroport régional de Skajit (KBVS) (Washington, États-Unis), il a viré à nouveau vers le sud-est et a amorcé une montée, atteignant une altitude d’environ 9900 pieds ASL.

À 14 h 44, l’aéronef a entamé un virage de 90° vers le sud-ouest à une altitude approximative de 8400 pieds ASL. Trois minutes plus tard, l’aéronef a fait un virage serré vers le nord et a commencé une montée lente jusqu’à environ 10 000 pieds ASL. À 14 h 51, l’aéronef a changé de cap vers le nord-est; il se trouvait alors à une altitude approximative de 10 100 pieds ASL.

À 14 h 58, alors que l’aéronef se trouvait à 4 NM au sud-est du pic Bacon (Washington), il a entamé un virage serré vers l’ouest. À ce moment-là, l’aéronef se trouvait à environ 11 500 pieds ASL. L’aéronef a entamé une lente descente jusqu’à environ 10 100 pieds ASL avant de virer vers le nord à 15 h 04 et de remonter.

Alors que l’aéronef passait à 4 NM à l’est du sommet du mont Baker (Washington), il se trouvait à une altitude approximative de 12 000 pieds ASL avec une vitesse sol de 120 nœuds. L’aéronef a ensuite viré au nord-est et a continué sa montée jusqu’à environ 13 700 pieds ASL avant de virer au nord, puis au nord-ouest à 15 h 23. L’aéronef a ensuite tourné vers l’ouest avant d’entamer une lente descente.

À 15 h 26, l’aéronef a entamé une séquence de montées, de descentes et de changements de cap qui ont duré plusieurs minutes. L’aéronef est monté jusqu’à 12 300 pieds ASL, se déplaçant vers le sud-ouest, avant de descendre à environ 9300 pieds ASL et de se rétablir sur un cap nord-est.

Figure 1. Trajectoire de vol de l’aéronef à l’étude, avec la trajectoire de vol prévue en médaillon (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
Trajectoire de vol de l’aéronef à l’étude, avec la trajectoire de vol prévue en médaillon (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

L’aéronef a commencé à monter en se dirigeant vers le nord-est, atteignant environ 12 100 pieds ASL. Pendant ce temps, la vitesse au sol de l’aéronef a progressivement diminué, passant d’environ 150 nœuds à 40 nœuds. Après 47 minutes de vol à plus de 10 000 pieds ASLNote de bas de page 2, l’aéronef est entré dans une spirale descendante dont il ne s’est pas rétabli. La dernière cible radar enregistrée remontait à 15 h 41, lorsque l’aéronef se trouvait à une altitude d’environ 8700 pieds ASL et se dirigeait vers le pic Needle (Colombie-Britannique) (figure 1).

Le Centre canadien de contrôle des missions, à Trenton (Ontario), a reçu un signal émis par la radiobalise de repérage d’urgence de l’aéronef. Le Centre conjoint de coordination de sauvetage de Victoria (Colombie-Britannique) a lancé une recherche aérienne, mais les nuages à basse altitude, la mauvaise visibilité et les conditions de givrage des aéronefs dans la région ont entravé les efforts de recherche. Une recherche au sol n’a pas été possible en raison des fermetures de routes causées par les inondations dans la région.

Vers 1 h 40 le 16 novembre 2021, le lieu de l’écrasement a été découvert à 18 NM au nord-est de l’aérodrome de Hope (CYHE) (Colombie-Britannique), près du pic Needle, à une altitude d’environ 4400 pieds ASL. Les deux occupants de l’aéronef ont été mortellement blessés. L’aéronef a été détruit au moment de l’impact. Aucun incendie ne s’est déclaré après l’impact.

Vol précédent

L’enquête s’est penchée sur un vol précédent effectué par le pilote de l’événement à l’étude dans le même aéronef et avec la même passagère à bord. Le 13 novembre 2021, l’aéronef a décollé de l’aéroport de Lloydminster (CYLL) (Alberta), d’après un plan de vol VFR, à destination de CYCD. Le vol comprenait une escale de ravitaillement prévue à l’aéroport de Salmon Arm (CZAM) (Colombie-Britannique).

Pendant le trajet entre CYLL et CZAM, l’aéronef a volé au-dessus de 10 000 pieds ASL de façon continue pendant environ 1 heure et 34 minutes, atteignant une altitude maximale d’environ 20 100 pieds ASL.

Hypoxie

Le fait de voler à haute altitude à bord d’un aéronef non pressurisé sans utiliser d’oxygène peut entraîner l’hypoxieNote de bas de page 3.

L’article 605.31 du Règlement de l’aviation canadien (RAC) prévoit qu’un aéronef non pressurisé (comme celui dans l’événement à l’étude) doit être muni d’une unité distributrice d’oxygène pour l’équipage de conduite et au moins 1 passager lors de vols de plus de 30 minutes à une altitude-pression de cabine supérieure à 10 000 pieds ASL et qui ne dépasse pas 13 000 pieds ASL. Si l’aéronef est exploité à une altitude-pression de cabine supérieure à 13 000 pieds ASL, il doit y avoir une unité distributrice d’oxygène pour toutes les personnes à bord de l’aéronefNote de bas de page 4.

De plus, l’article 605.32 du RAC énonce ce qui suit à propos de l’utilisation d’oxygène :

(1)  Lorsqu’un aéronef est utilisé à une altitude-pression de cabine supérieure à 10 000 pieds ASL sans dépasser 13 000 pieds ASL, chaque membre d’équipage doit porter un masque à oxygène et utiliser de l’oxygène d’appoint au cours de toute partie du vol effectuée à ces altitudes qui dure plus de 30 minutes.

(2)  Lorsqu’un aéronef est utilisé à une altitude-pression de cabine supérieure à 13 000 pieds ASL, chaque personne à bord doit porter un masque à oxygène et utiliser de l’oxygène d’appoint au cours de la durée du vol à ces altitudes.Note de bas de page 5

Renseignements sur le pilote

Le pilote était titulaire d’une licence de pilote privé et son certificat médical de catégorie 3 était valide. Sa licence avait été délivrée en septembre 2021. Le pilote avait accumulé environ 116 heures de vol au total, dont environ 55 heures en tant que commandant de bord. Sur ce total, environ 42 heures ont été effectuées à bord de l’aéronef à l’étude.

En plus de sa formation menant à l’obtention de sa licence de pilote privé, le pilote avait suivi un cours de vol récréatif en montagne de 3,7 heures en septembre 2021. Le pilote ne possédait pas de qualification de vol aux instruments.

Renseignements sur l’aéronef

L’aéronef de l’événement à l’étude était un Cessna R182 fabriqué par la Cessna Aircraft Corporation en 1978. Il était équipé d’un moteur Avco Lycoming O-540-J3C5D de 235 HP. L’aéronef n’était pas équipé pour voler dans des conditions météorologiques de vol aux instruments ou dans des conditions de givrage connues, et il n’y avait pas de système d’oxygène d’appoint à bord. L’aéronef n’était pas équipé d’un enregistreur de données de vol ni d’un enregistreur de conversations de poste de pilotage, et la réglementation ne l’exigeait pas.

La dernière inspection annuelle de l’appareil avait eu lieu le 1er septembre 2021. Au moment de l’événement, l’aéronef avait accumulé environ 8575 heures de temps dans les airs. La dernière inscription dans le carnet de route de l’aéronef qui a été récupéré sur les lieux avait été effectuée le 30 octobre 2021. Au moins 2 vols avaient été effectués depuis cette inscription, mais ils n’avaient pas été consignés.

Les dossiers indiquent qu’il n’y avait aucune défectuosité non réglée au moment de l’événement. Rien n’indique qu’une défaillance d’un système ou d’un composant ait joué un rôle dans l’événement à l’étude.

Renseignements sur l’épave et sur l’impact

Figure 2. Lieu de l’accident (Source : Centre conjoint de coordination de sauvetage)
Lieu de l’accident (Source : Centre conjoint de coordination de sauvetage)

L’aéronef a été retrouvé à l’envers sur une pente boisée de 39° (figure 2). Les dommages subis par l’aéronef sont caractéristiques d’un impact avec des arbres dans une assiette en piqué. Les deux ailes et le moteur s’étaient détachés du fuselage principal. L’aéronef a percuté le sol à environ 40 pieds du premier point d’impact avec les arbres. Cet impact concorde avec une perte de maîtrise de l’aéronef.

L’enquête a permis de déterminer qu’il n’y avait aucun signe de défaillance mécanique ni de mauvais fonctionnement des systèmes avant l’impact. Les dommages au moteur et à l’hélice indiquent que de la puissance était générée pendant la séquence d’impact. L’épave ne présentait aucune trace d’incendie.

Renseignements météorologiques

L’enquête n’a pas permis de déterminer quels renseignements météorologiques le pilote avait vérifiés avant le départ. Un plan de vol VFR avait été déposé par voie électronique, mais rien n’indiquait que le pilote aurait reçu un exposé météorologique de NAV CANADA.

La prévision d’aérodrome (TAF) publiée à 9 h 41 indiquait que, à 13 h, les conditions à CYCD seraient les suivantes :

Temporairement, jusqu’à 18 h, le jour de l’événement, la TAF indiquait ce qui suit :

La TAF pour KGPI, émise à 12 h 33, indiquait les conditions suivantes jusqu’à 16 h :

La prévision de zone graphique (GFA) émise à 9 h 51, valide à partir de 10 h dans le secteur de l’événement, indiquait ce qui suit :

Le niveau de congélation prévu se situait entre 5000 et 7500 pieds ASL avec un givrage mixte modéré, du niveau de congélation jusqu’à 20 000 pieds ASL. Les ondes orographiques ou la turbulence mécanique devaient être modérées, avec des zones locales de forte turbulence.

Selon les prévisions de vents en altitude en vigueur au moment de l’événement, pour les altitudes comprises entre 9000 et 12 000 pieds ASL, les vents devaient souffler du 270°V à 37 nœuds, augmentant régulièrement à 38 nœuds, les températures devaient passer de −13 °C à −20 °C.

La station d’observation météorologique pour l’aviation la plus près du lieu de l’événement se trouve à CYHE, à 18 NM au sud-ouest. Le système automatisé d’observations météorologiques de CYHE a enregistré les renseignements suivants à 14 h 16, soit 84 minutes avant la perte du contact radar avec l’aéronef :

NAV CANADA exploite des caméras météorologiques automatisées à CYHE. La figure 3 montre la vue sud-est captée par les caméras par temps clair et le jour de l’événement.

Figure 3. Vue sud-est captée à l’aérodrome de Hope par temps clair (à gauche) et vers 15 h le jour de l’événement (à droite) (Source : NAV CANADA)
Vue sud-est captée à l’aérodrome de Hope par temps clair (à gauche) et vers 15 h le jour de l’événement (à droite) (Source : NAV CANADA)

L’aérodrome de Princeton (CYDC) (Colombie-Britannique) se trouve à 25 NM à l’est du lieu de l’événement. Les conditions météorologiques enregistrées à 16 h à l’aérodrome étaient les suivantes :

Relief le long de la trajectoire

Le jour de l’événement, l’aéronef a survolé la région de Puget Sound dans l’État de Washington. Cette région est une zone côtière de faible altitude relative caractérisée par un ensemble de baies, d’îles et de péninsules.

En se déplaçant vers l’est, l’aéronef a rapidement fait face à la chaîne de montagnes des Cascades, qui s’étend du nord de la Californie au sud de la Colombie-Britannique. Cette chaîne de montagnes est accidentée et comporte de nombreux pics élevés; plusieurs des pics du nord de la région des Cascades dépassent 9000 pieds. Le mont Baker est le plus haut sommet à proximité du vol à l’étude, à 10 786 pieds (3286 m).

Le jour de l’événement, de nombreux pics montagneux situés le long de la trajectoire se trouvaient au-dessus des couches nuageuses et auraient été cachés du pilote.

Rapports de laboratoire du BST

Le BST a produit le rapport de laboratoire suivant dans le cadre de la présente enquête :

Messages de sécurité

Dans l’événement à l’étude, l’aéronef volait dans une zone où l’on prévoyait du givrage et des conditions météorologiques de vol aux instruments à des altitudes nécessitant l’utilisation d’oxygène d’appoint; cependant, le pilote n’avait pas de qualification de vol aux instruments, l’aéronef n’était pas équipé pour voler dans des conditions givrantes connues, et il n’y avait pas de système d’oxygène d’appoint à bord.

Les enquêtes du BST continuent de démontrer que les vols VFR dans des conditions météorologiques de vol aux instruments aboutissent souvent à une collision mortelle avec le relief ou à une perte de maîtrise à cause d’une perte des repères visuels.

Il est important que les pilotes évaluent toutes les données météorologiques disponibles avant le départ, qu’ils planifient leur trajectoire de manière à éviter les dangers météorologiques et qu’ils prévoient d’autres trajectoires en cas de conditions météorologiques imprévues.

De plus, les pilotes doivent respecter en tout temps les limites de leur aéronef, les privilèges conférés par leurs licences et leurs limites en fonction de leur expérience.

Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .