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Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A20W0046

Perte de maîtrise et collision avec le relief
Murphy Aircraft Mfg Ltd. SR3500 (Moose), C-GATR
Immatriculation privée
Rolly View (Alberta), 2 NM NE



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Déroulement du vol

Le 3 juillet 2020, à 10 h 40Note de bas de page 1, l’aéronef SR3500 (Moose) de Murphy Aircraft Mfg Ltd. de construction amateur et sous immatriculation privée (immatriculation C-GATR, numéro de série 258SR), muni de flotteurs amphibies, a quitté l’aérodrome de Cooking Lake (CEZ3) (Alberta) pour un vol de formation sur hydravion vers le lac Hastings (Alberta), puis vers le lac Coal (Alberta), pour enfin revenir à CEZ3. L’aéronef comptait à son bord 3 personnes : le pilote propriétaire, 1 pilote instructeur (qui était le commandant de bord) et 1 passager.

Les détails de la trajectoire de vol (figure 1, image principale) ont été enregistrés par un appareil GPS (système de positionnement mondial) portatif à bord de l’aéronef. Après un décollage sur roues à partir de la piste 10 à CEZ3, l’aéronef a parcouru 6 milles marins (NM) vers l’est en direction du lac Hastings, puis il a amerri à 10 h 45. Ensuite, l’avion a quitté le lac et a effectué un virage ascendant vers la gauche avant de se diriger vers la localité de Rolly View (Alberta).

À 10 h 47, l’aéronef a amorcé un vol de croisière en direction sud-ouest sur une distance de 12,5 NM. Au cours du vol de croisière, l’aéronef a maintenu une vitesse sol moyenne de 118 mi/h et une altitude moyenne de 486 pieds au-dessus du sol (AGL).

À 10 h 56, l’aéronef a commencé à descendre à partir d’une hauteur de 550 pieds AGL et a effectué un virage vers la gauche pour poursuivre sa route sur une trajectoire sud à 161° magnétiques durant environ 1 minute. Alors qu’il se trouvait à 2 NM au nord-est de Rolly View, l’aéronef a amorcé un virage vers la droite à 300 pieds AGL autour de la propriété d’une connaissance du pilote instructeur.

Au cours de l’arc sud du virage, la vitesse sol de l’aéronef a diminué, passant de 117 mi/h à 93 mi/h, tandis que l’altitude de l’aéronef a augmenté à 400 pieds AGL. Le rayon du virage était d’environ 600 pieds (figure 1, image en médaillon). Pendant le virage, l’aéronef a décroché et est entré en vrille vers la gauche. À 10 h 57, l’aéronef a percuté le relief dans une assiette en piqué prononcé, l’aile gauche vers le bas, dans un pâturage agricole près de Rolly View, à environ 12 NM à l’est de l’aéroport international d’Edmonton (CYEG). L’enquête n’a pas permis de déterminer quel pilote était aux commandes au moment de l’accident.

Figure 1. Trajectoire du vol de l’événement à l’étude, avec virage final illustré en médaillon (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
Trajectoire du vol de l’événement à l’étude, avec virage final illustré en médaillon (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

La radiobalise de repérage d’urgence émettant sur une fréquence de 406 MHz s’est activée lors de l’impact et a transmis un signal. Le Centre canadien de contrôle des missions a reçu le signal, puis il en a informé le Centre conjoint de coordination de sauvetage de Trenton (Ontario).

Tous les occupants ont été mortellement blessés. L’aéronef a été détruit; il n’y a pas eu d’incendie après l’impact.

Renseignements météorologiques

Le message d’observation météorologique régulière d’aérodrome horaire émis à 11 h pour CYEG, soit l’aéroport le plus près du lieu de l’accident, indiquait des vents soufflant du 170° vrai à 10 nœuds. La visibilité était de 20 milles terrestres. Il y avait quelques nuages à 18 000 et 25 000 pieds AGL; la température était de 18 °C et le point de rosée était de 11 °C. Le calage altimétrique était de 29,92 pouces de mercure.

Renseignements sur les pilotes

Pilote propriétaire

Le pilote propriétaire détenait une licence de pilote privé – avion délivrée le 10 février 2017 avec annotation pour aéronef terrestre monomoteur. Il détenait également un certificat médical de catégorie 3 valide sans restriction qui avait été signé le 15 janvier 2019.

Le pilote propriétaire comptait au total 209,7 heures de vol, dont 137,4 heures à titre de commandant de bord et 72,3 heures d’instruction de vol en double commande. Il avait commencé sa formation au pilotage le 20 novembre 2014 et il avait obtenu sa licence de pilote privé – avion le 4 février 2016. Il avait piloté l’aéronef de l’événement à l’étude la première fois le 29 août 2016 et avait accumulé un total de 106 heures de vol à bord de cet aéronef, dont 43,5 heures avec le pilote instructeur, au cours des 4 années précédant l’événement. Étant donné que le pilote propriétaire n’était pas titulaire d’une qualification sur hydravion, il n’était pas autorisé à piloter un hydravion à titre de commandant de bord avec des passagers à bord.

Pilote instructeur

Le pilote instructeur détenait une licence de pilote de ligne (ATPL) – avion restreinte qui avait été délivrée le 17 mai 2017, avec une annotation pour aéronefs terrestres et hydravions monomoteurs et multimoteurs. Son ATPL avait été délivrée à l’origine le 31 mars 1981, et il était titulaire d’un certificat médical de catégorie 1 valide daté du 9 décembre 2019.

Une des restrictions auxquelles le pilote instructeur devait se conformer exigeait qu’il soit accompagné d’un autre pilote titulaire d’une licence de pilote sans restriction, avec la catégorie, la classe et la qualification appropriées pour le vol prévu, ainsi que d’un certificat médical valide. Pendant la formation sur hydravion, puisque le pilote propriétaire n’était pas titulaire d’une qualification sur hydravion, le pilote instructeur ne satisfaisait pas aux exigences de sa licence restreinte.

L’enquête n’a pas permis d’établir combien d’heures de vol au total le pilote instructeur avait à son actif au moment de l’événement. La dernière inscription dans son carnet personnel était datée du 23 juillet 2007. À cette date, il comptait quelque 20 000 heures de vol, dont 2100 sur hydravions. Après cette date, il a commencé à utiliser un carnet personnel électronique accessible sur son téléphone cellulaire, qui a été détruit pendant l’accident.

Un examen du carnet de route de l’aéronef de l’événement à l’étude, y compris au jour de l’accident, a permis de déterminer que le pilote instructeur avait effectué 8,1 heures de vol de formation pour la qualification sur hydravion avec le pilote propriétaire. Ces vols ont eu lieu le 16 juin 2020, le 18 juin 2020, le 19 juin 2020 et le 3 juillet 2020.

Renseignements concernant la qualification sur hydravion

La qualification sur hydravion est destinée aux pilotes qui sont déjà titulaires d’une licence. Le temps de vol minimum requis est de 7 heures, ce qui comprend au moins 5 heures d’instruction de vol en double commande et 5 décollages et atterrissages en solo.

Il n’est pas nécessaire de faire appel à un instructeur de vol pour la formation sur hydravion. La norme 425 du Règlement de l’aviation canadien exige que toute personne qui dispense de l’entraînement en vol en vue de l’annotation d’une qualification sur hydravions soit titulaire d’une licence de pilote professionnel ou d’une ATPL, et doit avoir accumulé au moins 50 heures de temps de vol à bord d’un avion de la même classe que celui utilisé pour l’entraînementNote de bas de page 2.

Renseignements sur l’aéronef

L’aéronef SR3500 (Moose) de Murphy Aircraft Mfg Ltd. est un aéronef de construction amateur à 6 sièges. L’aéronef dans l’événement à l’étude avait une configuration de 4 sièges. La construction de l’aéronef de l’événement à l’étude avait été achevée en 2004 et l’aéronef avait été immatriculé par Transports Canada (TC) le 21 décembre 2004. TC avait délivré un certificat spécial de navigabilité pour l’aéronef le 20 avril 2005. L’aéronef était muni d’un moteur à cylindres en étoile Vedeneyev M14P de 360 hp. L’enquête n’a pas permis de déterminer le nombre d’heures d’exploitation du moteur depuis sa fabrication.

Un examen des dossiers techniques de l’aéronef a permis de constater que des inspections annuelles avaient été effectuées conformément à la réglementation; la dernière inspection annuelle était datée du 2 mars 2020. Le dernier vol consigné dans le carnet de route était daté du 18 juin 2020. À ce moment-là, l’aéronef comptait au total 312,4 heures de vol depuis sa construction.

Des flotteurs amphibies Montana 3500 avaient été installés sur l’aéronef en juin 2020. Il n’y avait aucun document concernant la masse et le centre de gravité de l’aéronef avec les flotteurs amphibies. L’enquête a permis d’estimer que l’aéronef avait décollé de CEZ3 presque à sa masse brute et avec le centre de gravité dans les limites établies.

L’aéronef ne présentait aucune anomalie connue avant le vol à l’étude. Rien n’indique que le moteur n’était pas en mesure de produire de la puissance. De plus, les données récupérées sur le moteur indiquent que le régime moteur et la pression d’huile ont été maintenus jusqu’à l’impact. L’examen de l’aéronef après l’accident n’a révélé aucun défaut du système de commandes de vol. L’aéronef n’était muni d’aucun avertisseur de décrochage.

Décrochage aérodynamique pendant un virage

Un décrochage aérodynamique survient lorsque l’angle d’attaque de l’aile excède l’angle d’attaque critique auquel l’écoulement de l’air commence à se décoller de l’aile. Il y a décrochage de l’aile lorsque l’écoulement de l’air décolle de l’extrados et que la portance produite diminue sous le niveau nécessaire pour supporter l’aéronef.

La vitesse à laquelle se produit un décrochage varie en fonction du facteur de charge de la manœuvre en cours d’exécution. On définit le facteur de charge comme étant le rapport entre la force aérodynamique agissant sur les ailes et la masse brute de l’aéronef; le facteur de charge est une mesure des contraintes (ou de la charge) exercées sur la structure de l’aéronef. Par convention, on exprime le facteur de charge en gNote de bas de page 3.

En vol rectiligne en palier, la portance est égale au poids et le facteur de charge est de 1 g. Toutefois, dans un virage incliné en palier, il faut plus de portance. Pour augmenter la portance, on peut, entre autres, augmenter l’angle d’attaque (en tirant sur la commande de profondeur ou le manche), ce qui augmente le facteur de charge. Alors que le facteur de charge augmente avec l’angle d’inclinaison, la vitesse à laquelle le décrochage se produit augmente également. Par conséquent, un virage incliné en palier est souvent effectué avec une augmentation de la puissance moteur afin de maintenir la vitesse anémométrique. Un décrochage qui survient à une vitesse plus élevée en raison d’un facteur de charge élevé découlant, par exemple, d’un angle d’inclinaison supérieur à 30°, est appelé un décrochage accéléré.

Les décrochages accélérés sont généralement plus graves que les décrochages non accélérés, et ils se produisent souvent de façon inattendue. À titre d’exemple, un décrochage à un angle d’inclinaison prononcé (supérieur à 30°) peut entraîner le décrochage d’une aile avant l’autre, ce qui engendre une vrille au cours de laquelle l’aéronef perd rapidement de l’altitude.

Performances de l’aéronef

Les données GPS enregistrées ont été utilisées pour déterminer la vitesse sol de l’aéronef. Les données de performance contenues dans le manuel d’utilisation du pilote étaient fondées sur les vitesses indiquéesNote de bas de page 4. Le manuel ne contenait pas de tableau de conversion de la vitesse anémométrique permettant d’illustrer les différences entre la vitesse indiquée et la vitesse corrigée (CAS)Note de bas de page 5.

Le virage avant la perte de maîtrise a commencé sur une trajectoire en direction sud et s’est terminé sur une trajectoire en direction nord. Les vents de surface signalés à CYEG soufflaient du 170° vrai à 10 nœuds (12 mi/h). Pendant le virage, l’aéronef volait à une hauteur moyenne de 365 pieds AGL. En supposant que les vents à cette altitude étaient les mêmes que les vents de surface, l’aéronef aurait été vent debout au début du virage et vent arrière à la fin du virage.

La vitesse sol moyenne pendant le virage était de 96 mi/h et, lorsque calculée en tenant compte des vents, la vitesse vraie (TAS)Note de bas de page 6 de l’aéronef aurait été d’environ 91 mi/h, ou 87 mi/h CAS.

Le rayon du virage était de 600 pieds. Pour virer dans ce rayon à une altitude constante, sans glissement ni dérapage, à une TAS moyenne de 91 mi/h, l’avion devrait être à un angle de 43°.

Lorsque l’aéronef est configuré avec des roues, sa vitesse de décrochage sans volets, sans puissance et à l’horizontale est de 63 mi/hNote de bas de page 7 CAS. À un angle d’inclinaison de 43°, le facteur de charge est de 1,4 g. Dans un virage où l’altitude est maintenue, la vitesse de décrochage augmenterait à 75 mi/h CAS. Aucune vitesse de décrochage n’était publiée avec l’installation des flotteurs amphibies Montana.

Dans un virage ascendant coordonné, l’aile extérieure décroche généralement en premier, car son angle d’attaque est supérieur à celui de l’aile intérieure. Au cours du décrochage, l’aéronef entre d’abord en roulis et en lacet dans la direction opposée au virage ascendant, et une vrille dans la direction opposée du virage peut se manifester.

L’enquête n’a pas permis de déterminer quels étaient l’angle d’inclinaison, l’angle de tangage et la vitesse de l’aéronef lorsque la perte de maîtrise s’est produite. Toutefois, les décrochages accélérés sont souvent causés par des manipulations abruptes ou excessives des commandes, effectuées lors de remontées ou de virages prononcés.

Messages de sécurité

Les virages prononcés augmentent le risque de décrochage aérodynamique. En cas de décrochage près du sol, la possibilité d’un rétablissement réussi est réduite.

Une vigilance et une prudence accrues sont nécessaires lorsque des manœuvres sont effectuées près du sol, de même que pour éviter de perdre la maîtrise d’un aéronef en raison d’un décrochage lorsque celui-ci n’est pas muni d’un avertisseur de décrochage.

Bien que cet aspect n’était pas un facteur ayant contribué à l’événement à l’étude, les pilotes qui suivent des formations en vue d’obtenir des qualifications devraient s’assurer que la personne qui fournit la formation satisfait aux exigences réglementaires pour l’offrir.

Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .