Wilderness Seaplanes Ltd.
de Havilland DHC-2 Mk. I, C-FDSG
Hydroaérodrome de Port Hardy (Colombie-Britannique)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Déroulement du vol
Le 7 décembre 2020, le pilote de l’aéronef de Havilland DHC-2 Mk. INote de bas de page 1 (immatriculation C‑FDSG, numéro de série 892), exploité par Wilderness Seaplanes Ltd., prévoyait de transporter 3 passagers de l’hydroaérodrome de Port Hardy (CAW5), en Colombie-Britannique, à un camp forestier local.
Vers 7 h 45Note de bas de page 2, le pilote est arrivé sur le quai afin de commencer à préparer l’aéronef pour le départ à 8 h 30. Le pilote a mis sous tension l’interrupteur principal de la batterie, et le circuit électrique de l’aéronef a momentanément vacillé, mais n’est pas resté sous tension. Le pilote soupçonnait que la batterie était déchargée et, conformément au manuel d’exploitation de la compagnieNote de bas de page 3, il a avisé le répartiteur et la personne responsable de la maintenance (PRM).
Une caméra de télévision en circuit fermé d’un immeuble tout près, situé à environ 140 mètres au sud-sud-ouest de l’aéronef, a filmé le pilote se déplaçant vers l’avant de l’aéronef à 7 h 59. L’hélice a été tournée manuellement, ce qui a mis le moteur en marche momentanément et a fait accélérer l’hélice. Le pilote a été frappé par l’hélice et est ensuite tombé à l’eau à 7 h 59 min 35 s.
Entre 8 h et 8 h 06, les 3 passagers sont arrivés au stationnement de l’hydroaérodrome CAW5 et ont sorti leurs bagages. À 8 h 13, l’un des passagers s’est rendu sur le quai et a trouvé le pilote qui flottait sur le ventre dans l’eau. Les passagers ont sorti le pilote de l’eau, communiqué avec le service 911 et prodigué les premiers soins en suivant les directives du préposé du service 911. Une ambulance est arrivée à 8 h 23 et a transporté le pilote à l’hôpital. Le pilote est mort de ses blessures 32 heures plus tard.
Renseignements sur l’hydroaérodrome
L’hydroaérodrome CAW5 est situé à 5 milles marins à l’ouest-nord-ouest de l’aéroport de Port Hardy (CYZT), en Colombie-Britannique. Il s’agit d’un hydroaérodrome enregistré pour usage public. L’unique quai donne accès au carburant d’aviation, à de l’eau potable et à une alimentation électrique à quai.
L’aéronef était amarré du côté droit du quai avec une planche reliant l’avant des flotteurs (figure 1).
Il n’y avait pas d’autres personnes ni d’autres aéronefs à l’hydroaérodrome au moment de l’événement.
Renseignements sur le pilote
Le pilote avait travaillé au service de Wilderness Seaplanes Ltd. de juin 2019 à octobre 2019 et il était ensuite revenu en novembre 2020. Il était titulaire d’une licence de pilote professionnel – avion avec un certificat médical de catégorie 1 valide et il totalisait 2853,2 heures de vol, dont environ 1388,1 heures de vol dans un aéronef DHC-2.
Le pilote était aussi titulaire d’une licence de technicien d’entretien d’aéronefs délivrée par Transports Canada (TC); toutefois, il ne travaillait pas au service de la compagnie à ce titre et était seulement autorisé à effectuer des travaux élémentairesNote de bas de page 4 sur l’aéronef à l’étude.
Renseignements météorologiques
La station d’observation météorologique pour l’aviation la plus près du lieu de l’événement se trouve à CYZT. Le message d’observation météorologique régulière d’aérodrome émis à 8 h pour CYZT indiquait une température de 9 °C, un point de rosée de 8 °C, quelques nuages à 2000 pieds au-dessus du sol (AGL) et un plafond à 5300 pieds AGL. Le soleil s’est levé environ 18 minutes après l’événement, à 8 h 18.
Les conditions météorologiques n’ont pas été un facteur dans cet événement.
Renseignements sur l’aéronef
L’aéronef à l’étude a été construit par de Havilland Aircraft of Canada Ltd. en 1953 et il était équipé d’un moteur R-985-AN-14B de Pratt & Whitney USA et de flotteurs 679-4930 de EDO. Les dossiers indiquent que l’aéronef était équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur.
Le circuit d’allumage de l’aéronef fonctionne indépendamment de l’interrupteur principal de la batterie et du système de batterie. Le circuit d’allumage utilise 2 magnétos qui sont couplées au vilebrequin du moteur et un interrupteur d’allumage qui est installé dans le poste de pilotage. L’interrupteur d’allumage rotatif a quatre positions : « OFF » (les 2 magnétos sont hors tension), R (la magnéto de droite est sous tension), L (la magnéto de gauche est sous tension) et « BOTH » (les 2 magnétos sont sous tension). Dans des conditions d’exploitation normales, seulement 2 conditions doivent être respectées pour que l’une des magnétos ou les 2 magnétos fonctionnent :
- Le vilebrequin du moteur doit être en rotation.
- L’interrupteur d’allumage doit être à l’une des positions « ON ».
Lorsque l’interrupteur d’allumage est à l’une des positions « ON », la rotation du vilebrequin du moteur et, par conséquent, la rotation de la magnéto, permettent à une ou aux 2 magnétos de générer une haute tension et de créer l’étincelle nécessaire à l’allumage. Ainsi, le moteur peut être démarré par une rotation manuelle de l’hélice, peu importe la position de l’interrupteur principal de la batterie ou l’état de charge de la batterie.
Examen de l’aéronef
Environ 45 minutes après l’événement, la PRM a examiné l’aéronef et a découvert que l’interrupteur principal de la batterie était à la position « ON » et que les commandes du moteur de l’aéronef étaient configurées pour un démarrage normal du moteur, comme l’indique le manuel de vol de l’avion (AFM)Note de bas de page 5 : la manette des gaz était légèrement ouverte, la manette du mélange de carburant était en position avant maximale (plein riche)Note de bas de page 6, et l’interrupteur d’allumage était à la position « ON » pour les 2 magnétos (figure 2). L’enquête n’a pas pu déterminer l’heure exacte à laquelle le pilote avait configuré les commandes du moteur pour le départ.
Lors de cet examen, la PRM a aussi observé ce qui suit :
- Le manche et le volant étaient fixés en place au moyen de la ceinture de sécurité de gauche, tel qu’il est décrit dans l’AFMNote de bas de page 7.
- La housse du moteur avait été retiré et était posé sur le quai.
- Un gant se trouvait à l’intérieur de l’avant du capotage du moteur à la position de 6 heures.
La PRM a effectué un essai de fonctionnement de l’interrupteur principal de la batterie et a découvert que, lorsque l’interrupteur principal de la batterie était mis sous tension, le relais principal de ce circuit ne reliait pas la batterie au circuit électrique de l’aéronef pour l’alimenter en énergie électrique. Le lendemain, les responsables de la maintenance ont remplacé le relais, puis ont mis à l’essai le circuit électrique de l’aéronef, y compris l’interrupteur principal de la batterie et la batterie, et les résultats obtenus étaient satisfaisants.
Sécurité de l’hélice
Lors de l’inspection quotidienne de l’aéronef à l’étude, le pilote devait vérifier l’hélice pour s’assurer qu’il n’y avait aucun dommage causé par l’eau, conformément aux procédures d’utilisation normalisées (SOP)Note de bas de page 8,Note de bas de page 9 de la compagnie, mais la procédure ne définit pas les étapes ni les techniques utilisées pour effectuer l’inspection en question.
L’AFM de l’aéronef décrit 2 cas qui justifient la rotation manuelle de l’hélice :
- lorsque l’on veut s’assurer qu’il n’y a pas de blocage hydraulique dans les cylindres dû à un excédent d’huileNote de bas de page 10;
- lorsque l’on veut éliminer le carburant excédentaire du moteur en raison d’un enrichissement excessifNote de bas de page 11.
Dans les 2 cas, l’AFM indique que tous les interrupteurs doivent être mis hors tension et que la manette de mélange doit être réglée à « idle cut-off » (étouffoir) pour empêcher un démarrage involontaire lors de la rotation de l’hélice. Le Manuel de pilotage de TCNote de bas de page 12 et le document From the Ground UpNote de bas de page 13 indiquent aussi que les interrupteurs d’allumage de l’aéronef (magnétos) doivent être mis hors tension lors des inspections ou du mouvement manuel de l’hélice avant de démarrer le moteur.
Le lancement manuel de l’hélice, c'est-à-dire la procédure selon laquelle le moteur d’un aéronef est intentionnellement démarré en faisant tourner manuellement l’hélice, est le seul cas où les commandes du moteur sont réglées à la position de démarrage pendant que l’hélice est tournée manuellement. Le FAA Airplane Flying HandbookNote de bas de page 14 prévient qu’une hélice en mouvement peut être mortelle si elle frappe quelqu’unNote de bas de page 15 et que le lancement manuel devrait être le dernier recours pour démarrer un aéronef. Le manuel indique aussi qu’il est essentiel que cette procédure ne soit jamais tentée par une personne seuleNote de bas de page 16. Dans le cas d’un hydravion, le Manuel de pilotage de TCNote de bas de page 17 ajoute que l’hélice doit être tournée à partir de l’arrière en s’assurant que la personne est debout sur le flotteur droit et qu’elle est bien stable. Les SOP de la compagnie et l’AFM de l’aéronef n’ont pas de procédure de lancement manuel de l’hélice pour l’aéronef à l’étude.
Lors de cet événement, le pilote était debout sur une planche à l’avant de l’aéronef lorsque l’hélice a été tournée manuellement, avec les commandes du moteur configurées pour le démarrage. Toutefois, la résolution vidéo de la caméra de télévision en circuit fermé était insuffisante pour que l’enquête puisse déterminer si la rotation de l’hélice était intentionnelle (vidange d’huile, inspection ou lancement manuel) ou involontaire (le pilote s’est retenu parce qu’il a perdu l’équilibre ou qu’il est tombé).
Opérations au sol des aéronefs sur l’eau
Les opérations au sol aux hydroaérodromes exposent l’équipage de conduite et l’équipe au sol au risque de noyade. Ce risque peut être atténué grâce à la mise en œuvre de mesures de protection physiques. Le Manuel de pilotage de TCNote de bas de page 18 indique que la surface des flotteurs de l’aéronef est habituellement mouillée et suggère que « les pilotes d’hydravion seraient bien avisés de porter des chaussures ou des bottes dont la semelle offre une bonne adhérence ». De plus, le Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travailNote de bas de page 19 stipule que « si, dans le lieu de travail, il y a risque de blessure causée par une glissade, l’employeur doit veiller à ce que soient portées des chaussures antidérapantes ».
La compagnie n’a pas de politique sur les chaussures, et l’enquête n’a pas pu déterminer si le pilote a glissé en effectuant ses tâches avant le vol lors de cet événement.
Le port d’un vêtement de flottaison individuel (VFI) augmentera la probabilité de survie dans l’eau en maintenant la personne à la surface de l’eauNote de bas de page 20. Le Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travailNote de bas de page 21 exige que l’employeur fournisse un VFI à toutes les personnes qui pourraient être exposées à un risque de noyade dans le lieu de travail à moins qu’un dispositif individuel de protection contre les chutes soit en place.
La compagnie avait mis un VFI à la disposition des employés à l’hydroaérodrome CAW5 pour les opérations sur le quai. Le pilote ne portait pas le VFI, et il n’était pas tenu de le porter en vertu de la politique de la compagnie ou de la réglementation.
En raison de l’impact d’hélice et des blessures ainsi causées au pilote, il n’a pas pu être déterminé si le résultat de l’événement aurait été différent si le pilote avait porté un VFI.
Mesures de sécurité prises
En réponse à cet événement, Wilderness Seaplanes Ltd. exige maintenant que tous les employés de l’hydroaérodrome CAW5 portent un VFI lorsqu’ils travaillent sur le quai, et qu’ils suivent une formation sur la sécurité relative aux hélices.
Message de sécurité
Si une hélice d’aéronef est tournée manuellement, les exploitants et les équipages doivent être conscients qu’un allumage involontaire du moteur peut survenir et entraîner des blessures mortelles. On rappelle aux équipages de conduite et aux équipes au sol de faire preuve de grande prudence lorsqu’ils travaillent à proximité des hélices d’aéronefs.
Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .