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Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A19Q0073

Perte de maîtrise et collision avec le relief
ULM Québec Inc.
DTA Voyageur II 912S (ultra-léger de base), C-IULM
Aérodrome de St-Cuthbert (ULM Québec) (Québec)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Déroulement du vol

Le 24 mai 2019, l’aéronef ultra-léger de base DTA Voyageur II 912S (immatriculation C-IULM, numéro de série 284), exploité par ULM Québec Inc. (ULM Québec), a quitté l’aérodrome de St-Cuthbert (ULM Québec) (CCU2) (Québec) vers 19 hNote de bas de page 1, avec à son bord un élève assis à l’avant, et un pilote assis à l’arrière donnant des instructions. Pendant environ 1 heure, l’ultra-léger a volé dans les environs et effectué plusieurs circuits à CCU2 ainsi que des survols de la piste 10 à basse altitude.

Vers 20 h, l’aéronef a atterri. Le pilote instructeur et l’élève ont changé de siège pour le vol suivant. L’enquête n’a pas permis de déterminer la raison de ce changement, ou si c’était pratique courante.

Vers 20 h 08, le pilote a amorcé un décollage sur la piste 10. Plusieurs retours de flamme ont été entendusNote de bas de page 2 durant la montée initiale au-dessus de la piste. L’aéronef a ensuite effectué un virage serré vers la droite et s’est retrouvé en piqué avant de disparaître derrière une pile de balles de foin. Il a percuté le relief dans un champ agricole au sud de la piste (figure 1).

Le personnel d’ULM Québec s’est rapidement rendu sur les lieux de l’accident pour venir en aide aux occupants, tout en composant le 9-1-1, et a éteint le moteur, qui tournait toujours à régime élevé. Les forces d’impact ont gravement endommagé l’aéronef. Les 2 occupants ont subi des blessures mortelles.

Figure 1. Vue de l’aérodrome et de la trajectoire de vol observée de l’aéronef à l’étude (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
Vue de l’aérodrome et de la trajectoire de vol observée de l’aéronef à l’étude (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

Renseignements météorologiques

Le message d’observation météorologique régulière d’aérodrome (METAR) de 20 h pour l’aéroport de Trois-Rivières (CYRQ), situé à quelque 30 milles marins (NM) à l’est-nord-est du lieu de l’accident, faisait état de vents du 230° vrai à 5 nœuds, d’une visibilité de 9 milles terrestres (SM) et d’un plafond de nuages fragmentés à 9500 pieds au-dessus du sol. Les conditions météorologiques au moment de l’événement n’ont pas été retenues comme facteur dans cet accident.

Renseignements sur la compagnie et l’aérodrome

ULM Québec Inc. est une unité de formation au pilotage enregistrée auprès de Transports Canada (TC) aux termes de la sous-partie 406 du Règlement de l’aviation canadien (RAC) pour la catégorie des ultra-légers. L’entreprise effectue ses activités à CCU2, un aérodrome enregistré situé à 2,6 NM au nord-ouest de la municipalité de Saint-Cuthbert. CCU2 compte 1 piste gazonnée d’une longueur de 1352 pieds (piste 10/28) et principalement utilisée par des aéronefs ultra-légers.

Renseignements sur le pilote et sur l’élève

Les dossiers indiquent que le pilote instructeur avait obtenu une licence de pilote d’ultra-léger en novembre 2018 et détenait un certificat médical de catégorie 3 valide. Toutefois, il n’avait aucune qualification d’instructeur de vol – avion ultra-léger, comme l’exige l’alinéa 425.21(2)a) de la norme 425 du RAC, L’entraînement en vol. Il avait accumulé environ 100 heures de vol au total sur des ultra-légers. Rien n’indique que des facteurs physiologiques aient pu nuire au rendement du pilote.

L’élève avait commencé sa formation au pilotage d’ultra-léger en octobre 2018. Au moment de l’accident, il avait achevé la formation théorique et avait accumulé environ 10 heures de vol au total, toutes avec ULM Québec. L’élève avait effectué la plupart de ses vols d’instruction en double commande avec le pilote dans l’événement à l’étude.

Renseignements sur l’aéronef

Le DTA Voyageur II 912S est un aéronef ultra-léger monomoteur biplace à commande par transfert de poids et à train tricycle. Il est propulsé par un moteur 4 temps Rotax 912 ULS de 100 hp et une hélice à pas fixe et à 3 pales en fibre de carbone (figure 2). L’aéronef à l’étude était équipé de commandes doubles en option et d’une aile DTA Diva qui permettait une masse maximale au décollage de 472,5 kg. Les commandes doubles se font par des tiges boulonnées à l’arrière du manche, de manière à permettre au pilote instructeur qui occupe le siège arrière de prendre les commandes. Les élèves apprennent à piloter l’aéronef en occupant exclusivement le siège de pilotage avant. L‘aéronef était immatriculé dans la catégorie des ultra-légers de base.

Delta Trike Aviation (DTA), le fabricant de l’aéronef à l’étude, donne les directives suivantes dans son manuel d’instructions pour le DTA Voyageur II 912S [traduction] :

Limites du domaine de vol

CF MANUEL AILE

  • Inclinaison à ne pas dépasser 60°
  • Assiette à ne pas dépasser + ou - 45°

Le respect de cette enveloppe de vol est impératif. Cet ULM n’est en aucun cas conçu pour les vols acrobatiques. Le vol sous facteur de charge négatif est totalement interdit. […]

Au-delà des limites (inclinaison 60°; assiette ±45°), des pertes de stabilité ou de contrôle, des ruptures de structure, ou des passages dos (tumbling) peuvent intervenirFootnote 3

On retrouve les mêmes renseignements dans le manuel d’utilisation et de maintenance aile Diva de DTANote de bas de page 4.

Figure 2. Aéronef à l’étude (Source : pilote)
Aéronef à l’étude (Source : pilote)

Ultra-légers de base

Le RAC définit un ultra-léger de base comme étant un :

[a]vion ayant au plus deux places, qui est conçu et construit de façon à avoir :

  1. une masse maximale au décollage d’au plus 544 kg,
  2. une vitesse de décrochage en configuration d’atterrissage (Vso) de 39 nœuds (45 mi/h) ou moins de vitesse indiquée à la masse maximale au décollageNote de bas de page 5.

Au Canada, il est possible de piloter des ultra-légers à des fins récréatives conformément à l’article 602.29 du RAC. Le transport d’un passager est interditNote de bas de page 6. Les avions ultra-légers de base peuvent être utilisés contre rémunération uniquement pour des besoins d’entraînement des pilotes; toute autre activité commerciale ou tout travail aérien avec un avion ultra-léger de base est interditNote de bas de page 7. Les occupants doivent porter un casqueNote de bas de page 8.

Les ultra-légers de base sont exploités sans certificat de navigabilité, ce qui signifie que le concept, la construction et l’entretien de l’aéronef ne sont soumis à aucune forme de surveillance de la part de TC. Il incombe au propriétaire d’entretenir son ultra-léger de manière à assurer sa sécurité en volNote de bas de page 9.

Renseignements sur le lieu de l’accident et l’épave

La collision avec le relief s’est produite à CCU2, à environ 375 pieds au sud de l’axe de la piste 10/28, dans un champ agricole parallèle à la piste. La récente fonte des neiges avait laissé derrière plusieurs pouces d’eau et de boue à certains endroits (figure 3).

Figure 3. Épave de l’aéronef à l’étude (Source : BST)
Épave de l’aéronef à l’étude (Source : BST)

L’enquêteur du BST qui a été dépêché sur les lieux de l’accident a examiné le train tricycle, l’aile, le moteur et l’hélice. Les dommages constatés sur le train tricycle indiquaient qu’il a percuté le relief dans une glissade sur l’aile vers la droite et dans une forte assiette en piqué. Les forces d’impact ont plié de plusieurs degrés vers la gauche et le haut l’avant du cadre principal du tricycle. La roue avant et le mécanisme de direction ont été déplacés vers l’arrière et tordus de plusieurs degrés au-delà du braquage maximal normal de la gouverne. Sur l’aéronef à l’étude, la manette des gaz pouvait être contrôlée par la pédale droite pour le siège avant ou par un petit levier installé sur le repose-pied de droite pour le siège arrière. La pédale et le repose-pied de droite ont été déformés par le choc avec le relief, ce qui a tendu le câble des gaz et emballé le moteur. Le moteur a tourné à régime élevé pendant plusieurs minutes avant que le personnel d’ULM Québec puisse l’éteindre.

La structure tubulaire de l’aile comportait de nombreux composants déformés et rompus. L’examen sur place de l’aile a révélé qu’elle avait percuté le relief en son sommet et le long du bord d’attaque gauche. Le bord de fuite de l’aile gauche présentait des déchirures à la suite d’un contact avec l’hélice en rotation. Les dommages causés au manche, et la position dans laquelle il se trouvait, correspondaient à une tentative du pilote de sortir du piqué par un virage vers la gauche au moment de l’impact avec le relief. Tous les dommages causés à l’aile, y compris les dommages causés par l’hélice en rotation, ont été causés par l’impact avec le relief.

Le moteur présentait très peu de dommages causés par l’impact, mais les extrémités des pales d’hélice présentaient des marques d’impact. La toile de l’aile était enroulée autour de l’arbre de l’hélice. L’examen sur place du moteur, du circuit de carburant et du circuit d’allumage n’a révélé aucune anomalie. Le moteur et plusieurs autres composantsNote de bas de page 10 ont été retirés de l’épave et transportés à Rotech Flight Safety Inc. à Vernon (Colombie-Britannique), où ils ont fait l’objet d’un examen plus approfondi et d’essais en présence du constructeur et d’un enquêteur du BST. Le moteur a été installé sur un banc d’essai et démarré, puis on l’a fait fonctionner sous divers réglages. Tous les essais ont donné des résultats normaux. Le compte-tour du moteur a été examiné au Laboratoire d’ingénierie du BST à Ottawa (Ontario), mais aucune marque de l’aiguille sur la face du cadran n’a été relevée. Par conséquent, on n’a pu déterminer le régime du moteur au moment de la collision avec le relief. L’enquête n’a pas permis de déterminer la cause des retours de flamme entendus durant le décollage.

Décrochage aérodynamique durant un demi-tour

L’enquête a permis de déterminer que le moteur a connu des retours de flamme peu après le décollage. L’aéronef s’est ensuite retrouvé dans une forte inclinaison (entre 60° et 90°) durant le virage à droite, puis en piqué. D’après le scénario le plus plausible déterminé durant l’enquête, une perte de maîtrise serait survenue durant le virage, et l’altitude aurait été insuffisante pour permettre à l’aéronef de se rétablir avant de percuter le relief.

Au cours du décollage, tout aéronef traverse une période vulnérable de faible vitesse à basse altitude. Les pilotes doivent s’assurer de ne pas dépasser les angles d’attaque critiques dans ce régime.

Durant un virage, l’augmentation de l’angle d’inclinaison entraîne une augmentation du facteur de chargeNote de bas de page 11 et de la vitesse de décrochage. Dans un virage où l’angle d’inclinaison atteint 60°, le facteur de charge qui agit sur l’aéronef augmente de 100 %, et la vitesse de décrochage de 40 %Note de bas de page 12. Par conséquent, une manœuvre à facteur de charge élevé, comme un virage serré, amorcée au moment où l’aéronef est près de sa vitesse de décrochage, pourrait mener à un décrochage accidentel.

Dans le cas d’un aéronef ultra-léger à train tricycle, un virage effectué à vitesse trop basse ou à angle d’inclinaison trop prononcé entraîne une importante glissade, un piqué, un décrochage ou une combinaison des trois Note de bas de page 13. Dans tous les cas, on peut s’attendre à une forte perte d’altitude qui pourrait se terminer par une collision avec le relief si l’altitude est insuffisante pour permettre un rétablissement.

Messages de sécurité

Une perte de puissance moteur imprévue durant le décollage laisse au pilote très peu de temps pour prendre les mesures appropriées. Dans une telle situation, la meilleure option pourrait être de choisir un lieu pour effectuer un atterrissage forcé à l’intérieur d’un arc restreint devant l’aéronef.

Il est dangereux de tenter d’effectuer un virage serré lorsqu’un aéronef traverse une période vulnérable de faible vitesse à basse altitude après le décollage. À basse altitude, il peut être impossible de récupérer la maîtrise de l’aéronef à temps pour éviter un impact avec le relief. Les pilotes doivent être conscients de la dégradation de la performance de leur aéronef durant les manœuvres et doivent s’abstenir d’effectuer un virage serré durant la montée initiale.

Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Il a été officiellement publié le .