Sky Lease Cargo
Boeing 747-412F, N908AR
Aéroport international Stanfield d’Halifax (Nouvelle-Écosse)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
L’aéronef Boeing 747-412F (immatriculation américaine N908AR, numéro de série 28026) exploité par Sky Lease Cargo effectuait le vol 4854 (KYE4854) entre l’aéroport international O’Hare de Chicago (Illinois, États-Unis) et l’aéroport international Stanfield d’Halifax (Nouvelle-Écosse) avec à son bord 3 membres d’équipage, 1 passager et aucune cargaison.
L’équipage de conduite a effectué une approche aux instruments vers la piste 14. Lorsque l’aéronef se trouvait à 1 minute et 21 secondes du seuil, l’équipage a constaté la présence d’un vent arrière, mais on n’a pas recalculé les données de performance pour confirmer que la distance d’atterrissage disponible était toujours acceptable, probablement en raison du temps limité avant l’atterrissage. Le vent arrière inattendu a exigé une plus grande distance d’atterrissage, mais cette distance n’était pas supérieure à la longueur de la piste.
L’aéronef s’est posé fermement vers 5 h 06 (heure normale de l’Atlantique) pendant les heures d’obscurité. Après le poser ferme, pour des raisons indéterminées, la manette de poussée du réacteur no 1 a été déplacée au-delà de la position de ralenti, ce qui a entraîné la rentrée des aérofreins et la désactivation du circuit de freinage automatique. La distance nécessaire pour immobiliser l’aéronef a ainsi été augmentée. De plus, l’angle de dérive vers la droite (4,5°) au point de poser initial, combiné à la composante vent de travers et à la sélection asymétrique des inverseurs, a fait dévier l’aéronef vers la droite par rapport à l’axe de piste.
Durant la course à l’atterrissage, l’attention du pilote surveillant était dirigée vers la dérive latérale et, par conséquent, les annonces requises liées à la position des dispositifs de décélération n’ont pas été effectuées.
Bien que l’application manuelle des freins ait commencé 8 secondes après le point de poser, l’effort de freinage maximal n’a eu lieu que 15 secondes plus tard, lorsque l’aéronef se trouvait à 800 pieds de l’extrémité de la piste. De cet emplacement, il n’était pas possible d’immobiliser l’aéronef sur la piste et, 5 secondes plus tard, l’aéronef a quitté l’extrémité de la piste à une vitesse de 77 nœuds. Il s’est immobilisé à 270 m (885 pieds) après l’extrémité de la piste.
L’aéronef a heurté les montants des feux d’approche et le réseau d’antennes de radioalignement de piste. Le réacteur no 2 s’est détaché de son pylône pendant l’impact et s’est immobilisé sous le stabilisateur horizontal gauche, ce qui a entraîné un incendie dans la section de l’empennage après l’impact. La radiobalise de repérage d’urgence s’est déclenchée. Le personnel de sauvetage et lutte contre les incendies d’aéronefs est intervenu. Les 3 membres de l’équipage ont subi des blessures légères et ont été transportés à l’hôpital. Le passager n’a pas été blessé.
Au moment de la sortie en bout de piste, l’aéronef a traversé une dénivellation importante de 2,8 m (9 pieds) située à près de 166 m (544 pieds) de l’extrémité de la piste, subissant des dommages irréparables. Même si ce relief inégal dépassait l’aire de sécurité d’extrémité de piste proposée par Transports Canada, qui est de 150 m (492 pieds), il se trouvait dans l’aire de sécurité d’extrémité de piste recommandée par l’Organisation de l’aviation civile internationale, qui est de 300 m (984 pieds). En 2007, le Bureau avait recommandé que :
le ministère des Transports exige que toutes les pistes de code 4 soient pourvues d’une aire de sécurité d’extrémité de piste (RESA) de 300 m ou d’un autre moyen d’immobilisation des aéronefs offrant un niveau de sécurité équivalent.
TSB Recommendation A07-06
De plus, les sorties en bout de piste sont l’un des enjeux de la Liste de surveillance 2020 du BST. La Liste de surveillance du BST énumère les principaux enjeux de sécurité qu’il faut s’employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr.
L’enquête comprenait une analyse approfondie des effets de la fatigue, qui a permis de déterminer la présence de 2 facteurs de risque associés à cette dernière qui auraient nui au rendement de l’équipage pendant l’approche et l’atterrissage : le moment du vol et le manque de sommeil réparateur pendant la période de 24 heures qui a précédé l’événement. La gestion de la fatigue est l’un des principaux enjeux de sécurité figurant sur la Liste de surveillance 2020 du BST.
1.0 Renseignements de base
Renseignements sur l’utilisation d’enregistrements de bord
L’annexe 13 de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) exige des États qui effectuent des enquêtes sur les accidents de protéger les enregistrements des conversations dans le poste de pilotage*. Le Canada se conforme à cette exigence en protégeant tous les enregistrements de bord en vertu de la Loi sur le Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports. Même si le BST peut faire usage de toute l’information que contiennent les enregistreurs de bord dans l’intérêt de la sécurité des transports, il n’est pas autorisé à divulguer sciemment toute partie d’un enregistrement de bord qui n’a aucun rapport avec les causes ou les facteurs contributifs d’un accident ou avec la détermination des lacunes de sécurité.
La raison pour laquelle on protège l’information que contiennent les CVR se fonde sur le principe selon lequel cette protection aide à assurer que les pilotes continuent de s’exprimer librement et que ces données essentielles sont mises à la disposition des enquêtes de sécurité. Le BST a toujours pris très au sérieux ses obligations en la matière et a rigoureusement limité l’usage des données des CVR dans ses rapports. À moins que le contenu du CVR soit requis pour étayer un fait établi et cerner un manquement important à la sécurité, il n’est pas inclus dans le rapport du BST.
Pour valider les enjeux de sécurité soulevés par la présente enquête, le BST s’est servi de l’information provenant du CVR dans son rapport. Dans chaque cas, nous avons soigneusement examiné ces renseignements pour nous assurer qu’ils étaient nécessaires pour promouvoir la sécurité des transports.
* Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), Annexe 13 à la Convention sur l’aviation civile internationale, Enquêtes sur les accidents et incidents d’aviation, 11e édition (juillet 2016), paragraphe 5.12.
1.1 Déroulement du vol
L’aéronef Boeing 747-412F (immatriculation américaine N908AR, numéro de série 28026) exploité par Sky Lease Cargo effectuait le vol 4854 (KYE4854), un vol en plusieurs étapes en partance de l’aéroport international O’Hare de Chicago (KORD) (Illinois, États-Unis) à destination de l’aéroport Huanghua de Changsha (ZGHA) (Hunan, Chine).
La première escale était un vol de mise en place à l’aéroport international Stanfield d’Halifax (CYHZ) (Nouvelle-Écosse), où la cargaison devait être montée à bord de l’aéronef. La seconde escale devait avoir lieu à l’aéroport international Ted Stevens d’Anchorage (PANC) (Alaska, États-Unis). Il s’agissait d’une escale technique dont l’objectif était l’avitaillement et la rotation d’équipage avant l’arrivée finale à ZGHA.
Le vol à l’étude devait quitter KORD à 12 h 30Note de bas de page 1 le 6 novembre 2018, avec un équipage renforcéNote de bas de page 2 composé d’un commandant de bord, d’un premier officier (P/O) et d’un pilote de relève en croisière (IRO)Note de bas de page 3. Cet équipage renforcé devait piloter l’aéronef au cours des 2 premières étapes du vol, de KORD à CYHZ, puis jusqu’à PANC. Le vol à l’étude comptait également à son bord un commandant de bord expérimenté effectuant un vol de mise en place. Ce dernier se trouvait dans la zone des passagers, sur le pont supérieur.
Le commandant de bord et le P/O sont arrivés à Chicago le soir du 5 novembre, et l’IRO est arrivé à Chicago le matin du 6 novembre.
Dans la matinée du 6 novembre, le commandant de bord a consulté le bureau des opérations de vol de la compagnie et a décidé conjointement de reporter le départ de 13,5 heures, soit jusqu’à 2 h le 7 novembre. La décision était fondée sur les prévisions météorologiques qui faisaient état de plafonds bas et de faible visibilité, qui étaient inférieures aux minimums d’approche exigés par la compagnie pour la piste en service à CYHZ. Le reste de l’équipage et le commandant de bord effectuant un vol de mise en place ont été informés du retard par téléphone et par courriel.
Conformément à la politique de la compagnie, le service de régulation des vols a appelé l’équipage à 23 h, 3 heures avant la nouvelle heure de départ. Les membres de l’équipage ont pris des dispositions pour qu’on vienne les chercher à l’hôtel à 0 h. Les documents opérationnels, notamment les documents concernant la planification du vol et les conditions météorologiques, ainsi que les NOTAM, ont été envoyés à l’équipage, qui les a imprimés à l’hôtel.
L’équipage a reçu un exposé téléphonique du service de régulation des vols au sujet de la route, des conditions météorologiques et des NOTAM applicables. Le pilote effectuant un vol de mise en place a été inclus dans la discussion sur la planification avant le départ parce qu’il avait plusieurs années d’expérience dans l’exploitation de ces vols au sein de la compagnie et parce qu’il avait piloté jusqu’à CYHZ la semaine précédente.
La planification avant vol comprenait la préparation du devis de masse et centrage qui indiquait les pistes de départ et d’arrivée. La section de ce devis relative à la masse brute maximale autorisée à l’atterrissage indiquait 302 092 kg et volets à 25° pour un atterrissage sur la piste 23, d’une longueur de 10 500 pieds (3200 m). Cependant, après avoir examiné les conditions météorologiques et les NOTAM, l’équipage prévoyait atterrir sur la piste 14, d’une longueur de 7700 pieds (2347 m). Après son arrivée à KORD, l’équipage a rencontré des membres du personnel de maintenance qui ont fait le point sur les travaux effectués sur l’aéronef à KORD.
Après un retard d’une heure en raison d’un problème lié à la documentation, l’aéronef a décollé de KORD à 3 h 02 (14,5 heures après l’heure de départ prévue à l’origine) pour effectuer le vol de 2 heures à destination de CYHZ. Le commandant de bord était le pilote aux commandes (PF) et occupait le siège gauche, tandis que le P/O était le pilote surveillant (PM) et occupait le siège de droite. L’IRO était assis dans le strapontin derrière le PM.
Au cours de la phase de croisière du vol, l’équipage a passé en revue les conditions météorologiques à CYHZ en fonction du message d’information SierraNote de bas de page 4 du service automatique d’information de région terminale (ATIS)Note de bas de page 5, diffusé à 4 h 03 par le système embarqué de communications, d’adressage et de compte rendu (ACARS). Le message d’information ATIS Sierra indiquait les conditions météorologiques suivantes à 4 h :
- vents du 230° magnétique (M) soufflant à 10 nœuds;
- visibilité de 7 milles terrestres (SM) dans de légères averses de pluie et dans la brume;
- plafond de nuages fragmentés à 500 pieds au-dessus du sol (AGL);
- couvert nuageux à 3600 pieds AGL;
- température et point de rosée de 15 °C;
- calage altimétrique à 29,68 pouces de mercure (inHg).
Le message d’information ATIS Sierra indiquait également ce qui suit :
- la piste d’atterrissage était la piste 14 et la piste de décollage la piste 23;
- les surfaces de la piste étaient nues et mouillées;
- le seuil de la piste 23 était décalé;
- le système d’atterrissage aux instruments (ILS) de la piste 23 et le radiophare d’alignement de la piste 05 étaient inutilisables;
- la voie de circulation B était fermée;
- les pilotes devaient indiquer au service de contrôle de la circulation aérienne (ATC) l’approche demandée au moment du contact initial.
L’équipage en avait déduit que la piste 23 n’était pas disponible pour l’atterrissage.
Après avoir consulté le message d’information ATIS Sierra, à 4 h 33, le PF a fait un exposé sur l’approche pour la piste 14. L’exposé comprenait la distance d’atterrissage requise et la vitesse d’approche en fonction de la masse à l’atterrissage indiquée dans le système de gestion des vols. L’exposé comprenait également la configuration prévue des volets à 25° et le réglage du freinage automatique à 4. Selon les données de la tour de contrôle de CYHZ, de 4 h 13 à 4 h 30, les vents soufflaient du 220° M au 230° M à 15 nœuds, avec des rafales à 21 nœuds. À 4 h 35, les vents soufflaient du 240° M à 15 nœuds, avec des rafales à 22 nœuds.
À 4 h 43, alors que l’aéronef à l’étude se trouvait à 153 milles marins (NM) de CYHZ, l’équipage a amorcé la descente à partir de l’altitude de croisière au niveau de vol (FL) 370Note de bas de page 6.
À 4 h 46, le centre de contrôle régional (ACC) de Moncton a demandé à l’équipage d’indiquer l’approche demandée pour CYHZ. L’équipage a demandé l’approche ILS vers la piste 14, et le contrôleur a autorisé le vol directement vers le repère d’approche intermédiaire TETAR (annexe A).
Peu avant l’atterrissage du vol à l’étude, 3 autres aéronefs s’étaient posés à CYHZ :
- un aéronef Boeing 757 avait atterri sur la piste 14 à 4 h 44;
- un aéronef Boeing 757 avait atterri sur la piste 23 à 4 h 52;
- un aéronef Learjet 35 avait atterri sur la piste 14 à 4 h 54Note de bas de page 7.
L’équipage de conduite dans l’événement à l’étude n’avait pas syntonisé la même fréquence radio que ces autres aéronefs. Par conséquent, ils n’ont entendu aucune communication concernant les arrivées et n’étaient toujours pas au courant que les atterrissages étaient possibles sur la piste 23. L’équipage n’a demandé aucun compte rendu météorologique de pilote (PIREP) à l’ATC pendant le vol, et l’ATC n’a fourni aucun renseignement sur les autres aéronefs qui avaient atterri.
À 4 h 54, le contrôleur tour à CYHZ a informé le contrôleur du centre de contrôle régional (ACC) de Moncton que la piste d’arrivée passait de la piste 14 à la piste 23 en raison d’un changement de direction des vents, et que l’approche vers l’aéroport était maintenant une approche en navigation de surface (RNAV) vers la piste 23. Au moment de cet échange de renseignements, l’aéronef à l’étude franchissait 13 000 pieds ASL en descente et se trouvait à quelque 52 NM de l’aéroport (figure 1). Les renseignements sur le changement de piste n’ont pas été communiqués à l’équipage.
À 4 h 58, l’équipage a reçu l’autorisation d’effectuer une approche ILS vers la piste 14. À peu près au même moment, l’ATIS a été mis à jour avec le message d’information Tango. Les seuls changements importants apportés concernaient la piste d’arrivée (à présent la piste 23) et l’approche utilisée (à présent une approche RNAV vers la piste 23).
À 5 h 01, le contrôleur de l’ACC de Moncton a ordonné à l’équipage dans l’événement à l’étude de passer à la fréquence de la tour de CYHZ. Au moment du contact initial, le contrôleur tour de CYHZ a informé l’équipage que les vents soufflaient du 260° M à 15 nœuds et a demandé si l’équipage avait le message d’information ATIS Tango. L’équipage a répondu qu’il avait le message d’information Tango, sans pour autant prendre connaissance du fait que la piste 23 était disponible.
À 5 h 02 min 46 s, alors que l’aéronef se trouvait à 8,6 NM de la piste 14, le contrôleur tour de CYHZ a informé l’équipage que les vents soufflaient du 260° M à 16 nœuds avec des rafales à 21 nœuds. Ces vents auraient engendré une composante vent arrière constante de 7 nœuds. Le contrôleur a demandé à l’équipage de confirmer si la piste 14 était toujours acceptable. Le PM a confirmé que la piste 14 était acceptable, et le contrôleur tour a répété que les vents soufflaient du 260° M à 16 nœuds avec des rafales à 21 nœuds, puis il a autorisé l’aéronef à atterrir sur la piste 14. La question du contrôleur tour quant au caractère acceptable de la piste 14 a suscité une brève discussion parmi les membres d’équipage au sujet du manque perçu d’options concernant le choix de piste. Cependant, l’équipage croyait que seule la piste 14 leur était disponible et il a donc poursuivi l’approche vers la piste 14.
À 5 h 04 min 10 s, l’aéronef a franchi le repère d’approche finale IMANO sur le faisceau du radiophare d’alignement et l’alignement de descente, puis s’est stabilisé à la vitesse indiquée (IAS) d’approche prévue de 164 nœuds, pour une vitesse sol de 185 nœuds. Tout juste après avoir franchi le repère d’approche finale, alors que l’aéronef se trouvait à 4,0 NM, ou à 1 minute et 21 secondes, du seuil de la piste 14, l’équipage a confirmé la présence d’un vent arrière et le PF a confirmé avec le PM la direction et la vitesse des vents. L’équipage n’a cependant pas modifié la vitesse d’approche. Lorsque l’aéronef franchissait 800 pieds AGL, le PF a examiné la procédure de remise des gaz avec l’équipage.
À 5 h 04 min 58 s, alors que l’aéronef se trouvait à 1,7 NM du seuil, son IAS était de 164 nœuds et sa vitesse sol était de 174 nœuds. Le contrôleur tour a signalé que les vents soufflaient du 250° M à 15 nœuds avec des rafales à 21 nœuds.
À 5 h 05 min 10 s, lorsque l’aéronef se trouvait à 400 pieds AGL, le PF a désactivé l’automanette et a débrayé le pilote automatique. L’IAS était de 167 nœuds et la vitesse sol était de 174 nœuds.
À 5 h 05 min 34 s, l’aéronef a franchi le seuil de la piste 14 à une hauteur de 62 pieds AGL, soit 12 pieds au-dessus de l’altitude de passage de seuil établie à 50 pieds, à 27 pieds à gauche de l’axe, à une IAS de 173 nœuds et une vitesse sol de 179 nœuds.
À 5 h 05 min 36 s, les manettes de poussée ont été mises au ralenti, l’assiette est passée de 0,9° à 2,6° en cabré, et l’aéronef a touché le sol fermement à 1350 pieds au-delà du seuil de la piste 14. À ce moment-là, l’IAS de l’aéronef était de 168 nœuds et sa vitesse sol était de 179 nœuds.
Au cours des 40 secondes qui ont suivi, un certain nombre d’événements se sont produits en succession rapide (annexe B).
L’aéronef a atterri sur l’axe de piste avec un angle de dérive de 4,5° vers la droite et à un taux moyen de déplacement latéral d’environ 6 pieds par seconde au cours des 4 secondes suivantes. L’atterrissage ferme (1,75 g) et l’écart subséquent vers la droite par rapport à l’axe de piste ont surpris le PM, dont l’attention était dirigée à l’extérieur de l’aéronef. L’équipage n’a pas ressenti la décélération attendue associée à la sélection 4 du freinage automatique.
Le levier aérofreins automatique a été placé en position UP [relever], et les panneaux déporteurs ont commencé à se déployer jusqu’à 30 %. La manette de poussée no 1 a été déplacée au-delà du niveau de ralenti; toutefois, cette action n’a pas été remarquée par l’équipage. Le déplacement de la manette de poussée a entraîné le retour des aérofreins en position DOWN [abaisser] et la rentrée des panneaux déporteurs. Alors que le PF plaçait les manettes de poussée no 2, no 3 et no 4 en position d’inversion de poussée, les commutateurs logiques air-sol du train d’atterrissage sont passés momentanément en mode AIR, ce qui signifie que les roues ne supportaient pas entièrement le poids de l’aéronef, avant de revenir au mode GROUND [sol].
À 5 h 05 min 44 s, la manette de poussée no 1 a été ramenée à une position juste au-dessus du niveau de ralenti de vol (6 secondes, environ 1700 pieds, après le point de poser), ce qui a permis le déploiement complet des aérofreins. Peu après, le sélecteur de freinage automatique s’est désarmé.
À 5 h 05 min 46 s, le PF s’est rendu compte que l’aéronef ne décélérait pas comme prévu et a amorcé le freinage manuel. À 5 h 05 min 53 s, le PF a fait l’annonce « Max braking » [freinage maximal], et le PM a tenté de réarmer le sélecteur du freinage automatique. Le PM n’a pas fait les annonces dans le cadre de la procédure de course à l’atterrissage.
En même temps, le PF a utilisé le palonnier, passant ainsi d’une déviation neutre à une déviation maximale vers la gauche pour retrouver l’axe de piste.
À 5 h 05 min 59 s, la vitesse sol de l’aéronef était de 100 nœuds et l’aéronef se trouvait à 800 pieds de l’extrémité de la piste. Une décélération nettement plus prononcée a eu lieu pendant les 7 secondes qui ont suivi; à ce moment-là, l’aéronef est sorti de la piste à une vitesse sol de 77 nœuds.
Après que l’aéronef eut quitté la surface revêtue, le train d’atterrissage a laissé des ornières (marques au sol) dans l’herbe (annexe C).
À 5 h 06 min 11 s, alors qu’il se déplaçait à une vitesse sol de 50 nœuds, l’aéronef a heurté l’antenne de radioalignement ILS située sur un talus. Lorsque l’aéronef a heurté l’antenne, les dispositifs d’évacuation d’urgence à l’intérieur du poste de pilotage ont été projetés depuis leur compartiment de rangement, blessant l’IRO dans leur course.
Le nez de l’aéronef s’est immobilisé à 270 m (885 pieds) au-delà du seuil de piste, 21 mètres à droite du prolongement de l’axe de piste et 47 m (155 pieds) d’une route publique (figure 2). L’aéronef se trouvait sur un cap de 166°M (23° à droite du cap de piste).
Le contrôleur tour de CYHZ a déclenché l’alarme d’écrasement à 5 h 06. Le personnel de sauvetage et lutte contre les incendies d’aéronefs (SLIA) de l’Administration de l’Aéroport international d’Halifax (AAIH) est intervenu; 5 véhicules sont arrivés sur le lieu de l’événement 1 minute et 40 secondes plus tard.
Le réacteur no 2 s’est séparé de l’aile et s’est logé sous le stabilisateur horizontal gauche et l’empennage, ce qui a provoqué un incendie dans la queue de l’aéronef après l’impact. Le personnel de SLIA a éteint l’incendie et a appliqué une couche de mousse pour éviter que le carburant déversé ne s’enflamme. La radiobalise de repérage d’urgence s’est déclenchée et le contrôleur tour a demandé au personnel de SLIA d’éteindre l’appareil. Avec l’aide du personnel de SLIA, l’équipage a évacué l’aéronef par une porte d’entrée du pont principal (1L) en utilisant une échelle.
1.2 Personnes blessées
Gravité des blessures | Membres d’équipage | Passagers | Personnes ne se trouvant pas à bord de l’aéronef | Total selon la gravité des blessures |
---|---|---|---|---|
Mortelles | 0 | 0 | 0 | 0 |
Graves | 0 | 0 | 0 | 0 |
Légères | 3 | 0 | 0 | 3 |
Total des personnes blessées | 3 | 0 | 0 | 3 |
1.3 Dommages à l’aéronef
L’aéronef a été subi des dommages irréparables.
1.4 Autres dommages
Le réseau d’antennes de radioalignement ILS a été détruit lorsque l’aéronef l’a heurté. Le carburant a contaminé le sol adjacent à l’endroit où l’aéronef s’est immobilisé, et l’aéronef a endommagé ou détruit plusieurs feux d’extrémité de piste et montants d’éclairage.
1.4.1 Nettoyage environnemental
En réponse à l’événement, l’AAIH a activé son plan d’intervention d’urgence, qui comprenait une évaluation environnementale immédiate du site et des environs. Le personnel de SLIA et d’entretien du terrain d’aviation de l’AAIH a creusé des tranchées et mis en œuvre des contrôles environnementaux et d’autres stratégies d’atténuation.
On estime que 136 600 L de carburant se trouvaient à bord de l’aéronef à l’atterrissage. Dans le cadre du nettoyage environnemental du site de l’événement à l’étude, l’assureur de l’exploitant de l’aéronef a embauché un entrepreneur tiers pour retirer le carburant restant de l’aéronef; 107 250 L de carburant ont été récupérés. On estime donc que 29 350 L de carburant se sont déversés.
L’AAIH a immédiatement amorcé les plans de nettoyage environnemental de la zone de l’événement à l’étude. L’assureur de l’exploitant d’aéronef a embauché un expert-conseil en environnement pour restaurer les lieux. L’AAIH a également embauché un autre expert-conseil en environnement pour superviser les travaux d’assainissement. Au cours de l’assainissement, 278 450 L d’un mélange de carburant et d’eau ont été retirés du site, traités, puis éliminés dans une installation approuvée de traitement des eaux. De plus, 4998 tonnes de terre ont été retirées du site, traitées, puis éliminées dans une installation approuvée d’élimination de la terre.
1.5 Renseignements sur le personnel
Commandant de bord | Premier officier | Pilote de relève en croisière | |
---|---|---|---|
Licence de pilote | Licence de pilote de ligne (ATPL) des États-Unis | ATPL des États-Unis | ATPL des États-Unis |
Date d’expiration du certificat médical | 28 février 2019 | 31 janvier 2019 | 31 janvier 2019 |
Heures de vol total | 21 134 | 7404 | 5005 |
Heures de vol sur type | 166 | 1239 | 1675 |
Heures de vol au cours des 7 jours précédant l’événement | 14 | 14 | 14 |
Heures de vol au cours des 30 jours précédant l’événement | 71,2 | 74,4 | 47,5 |
Heures de vol au cours des 90 jours précédant l’événement | 148 | 187 | 134 |
Heures de vol sur type au cours des 90 jours précédant l’événement | 148 | 187 | 134 |
Heures de service avant la période de travail | 5 | 5 | 5 |
Heures de repos avant la période de travail* | 13 heures | 13 heures | 13 heures |
Décollages de jour au cours des 90 jours précédant l’événement | 9 | 5 | 2 |
Décollages de nuit au cours des 90 jours précédant l’événement | 4 | 1 | 2 |
Atterrissages de jour au cours des 90 jours précédant l’événement | 9 | 4 | 2 |
Atterrissages de nuit au cours des 90 jours précédant l’événement | 4 | 1 | 2 |
* Ces heures représentent les heures de repos au cours de la journée du 6 novembre, entre le moment où la décision a été prise de reporter le vol en matinée jusqu’au début du travail cette nuit-là.
1.5.1 Commandant de bord
Le commandant de bord a été embauché en février 2018 par intégration directe. Au cours du mois de son embauche, il a suivi toute la formation requise de la compagnie, qui comprenait la gestion des ressources de l’équipage (CRM) et la formation sur la gestion des risques reliés à la fatigue. Le commandant de bord a effectué une vérification de compétence en août 2018 et il a été autorisé pour le vol de ligne en septembre. Au moment de l’événement, il détenait une licence de pilote de ligne (ATPL) des États-Unis et était titulaire d’une qualification de vol aux instruments.
L’article 121.436 du Federal Aviation Regulations (FAR) des États-Unis énonce les exigences relatives à l’expérience des pilotes qui volent en vertu de la partie 121. Le commandant de bord de l’événement à l’étude avait accumulé plus de 1000 heures d’expérience à titre de commandant de bord à l’échelle mondiale, mais il n’avait pas l’expérience requise aux États-Unis en ce qui a trait à l’alinéa 121.436(a)(3) du FARNote de bas de page 8, et il ne faisait pas non plus l’objet d’une exemption de la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis pour ces exigences. Le manque d’expérience requise aux États-Unis n’a pas été considéré comme un facteur contributif à l’événement à l’étude.
1.5.2 Premier officier
Le P/O a été embauché en juillet 2016. Il a terminé en octobre 2018 toutes les formations exigées par la compagnie, notamment la formation sur la CRM et la gestion des risques reliés à la fatigue, et avait effectué une vérification de compétence en septembre 2018. Au moment de l’événement, il détenait une ATPL des États-Unis et était titulaire d’une qualification de vol aux instruments. Il était qualifié et accrédité conformément à la partie 121 du FAR des États-Unis.
1.5.3 Pilote de relève en croisière
L’IRO a été embauché en septembre 2015. Il a terminé en octobre 2017 toutes les formations exigées par la compagnie, notamment la formation sur la CRM et la gestion des risques reliés à la fatigue, et a effectué une vérification de compétence en novembre 2017. Au moment de l’événement, il détenait une ATPL des États-Unis avec une qualification de vol aux instruments valide. Il était qualifié et accrédité conformément à la partie 121 du FAR des États-Unis.
1.6 Renseignements sur l’aéronef
1.6.1 Généralités
Constructeur | Boeing |
---|---|
Type, modèle et immatriculation | Boeing 747-412F, N908AR |
Année de construction | 1997 |
Numéro de série | 28026 |
Date d’émission du certificat de navigabilité/permis de vol | Délivré le 28 avril 2017 |
Total d’heures de vol cellule | 92 471 heures/16 948 cycles |
Type de moteur (nombre) | Pratt & Whitney PW4056 (4) |
Masse maximale autorisée au décollage | 394 625 kg |
Type(s) de carburant recommandé(s) | Jet A, Jet A-1, Jet B |
Type de carburant utilisé | Jet A-1 |
Le Boeing 747-412F est un aéronef gros porteur quadriréacteur de la catégorie transport. On peut aménager l’aéronef selon différentes configurations : aéronef de passagers, aéronef cargo et autres. L’aéronef en cause était en configuration d’avion de transport.
Les dossiers indiquent que l’aéronef dans l’événement à l’étude était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. La masse et le centre de gravité se trouvaient dans les limites prescrites pour l’aéronef. Un certain nombre de composants de l’aéronef ont été expédiés au Laboratoire d’ingénierie du BST à Ottawa (Ontario), où des examens n’ont révélé aucune défaillance d’un composant ou d’un système avant l’atterrissage.
1.6.2 Train d’atterrissage
Les aéronefs Boeing de la série 747-400 sont supportés par 4 trains d’atterrissage principaux et par 1 train d’atterrissage avant. Le train d’atterrissage principal est compte 2 ensembles sous le fuselage et 2 ensembles sous les ailes. Les 2 ensembles sous les ailes sont décalés d’environ 19 pieds (à gauche et à droite) du centre de l’aéronef.
1.6.3 Freins
Tous les freins de roues principales de l’aéronef sont de type multidisque et ont des garnitures remplaçables et des disques de frein rotor segmentés. Les freins sont dotés de dispositifs de réglage automatique pour compenser l’usure. Chaque bloc frein compte 2 goupilles d’indication d’usure pour donner une indication visuelle à mesure que l’usure approche des limites établies.
Lorsque les freins sont utilisés normalement, le circuit hydraulique no 4 assure la pression hydraulique. Dans le cas d’une utilisation autre, les circuits hydrauliques no 1 ou no 2 peuvent fournir une pression hydraulique aux freins.
Le système de commande des freins assure la commande du couple de freinage, la protection antidérapage et le freinage automatique pendant l’atterrissage, le décollage et la circulation au sol. La commande du couple de freinage gère le couple du frein pendant son utilisation et libère la pression du frein avant que le couple ne dépasse la limite maximale de sécurité.
L’enregistreur de données de vol (FDR) de l’aéronef à l’étude n’a pas consigné la pression de freinage et la position de la pédale des freins, et la réglementation ne l’exigeait pas. Le laboratoire du BST a déterminé que la répartition du poids latéral n’avait pas pour effet d’enclencher la commande de couple du frein ou d’empêcher une application de pression entière de freinage sur les freins.
Le laboratoire du BST a également examiné les dossiers d’entretien associés aux ensembles de roues du train d’atterrissage et aux prolongements des goupilles d’indication d’usure des freins. Les prolongements des goupilles d’indication d’usure des freins se situaient nettement sous les limites établies par le fabricant. Aucune anomalie existante n’a été constatée sur les blocs freins qui aurait empêché leur fonctionnement normal pendant le vol à l’étude.
1.6.3.1 Système d’antidérapage
Le système d’antidérapage empêche le verrouillage des roues en régularisant la pression des freins au moyen de robinets d’antidérapage.
Le système d’antidérapage compare de manière électronique la vitesse sol de l’aéronef, en employant le système de référence interne, à la vitesse de la roue relevée par les transducteurs de vitesse des roues pour assurer une protection au point de poser et une protection contre l’hydroplanage. S’il y a une différence entre la vitesse sol et la vitesse de la roue, des signaux d’erreur activent des robinets d’antidérapage qui relâchent la pression du frein et empêchent le verrouillage de la roue.
Les vitesses de roue (réelles et provenant des transducteurs) ne sont pas consignées dans le FDR. Dans ce cas, les données de la mémoire non volatile n’ont révélé aucune défaillance du système d’antidérapage et aucun message de panne n’a été indiqué sur le système d’affichage des paramètres réacteurs, de mise en garde et d’alarme (EICAS) concernant le système d’antidérapage. L’inspection des composants du système n’a révélé aucune anomalie.
Un examen physique de l’état des pneus sur les 16 roues principales a permis de constater que leur état d’usure était nettement inférieur aux spécifications indiquées. Il n’y avait aucune indication d’hydroplanage par dévulcanisation du caoutchouc (voir la section 1.16.2.3) sur les pneus examinés. Toutes les soupapes de surpression des roues et tous les bouchons fusibles étaient intacts.
1.6.3.2 Circuit de freinage automatique
Le circuit de freinage automatique assure le freinage à un taux de décélération constant sans apport manuel de la part de l’équipage de conduite.
Le panneau de commande du freinage automatique contient un sélecteur rotatif qui peut être placé à OFF [éteindre], DISARM [désactiver], 1, 2, 3, 4, MAX AUTO [maximum automatique] ou RTO (interrompre le décollage). Le taux de décélération dépend de la position du sélecteur. La sélection du niveau 1 de freinage automatique procure un taux de décélération de 4,0 pieds par seconde au carré, tandis que la sélection de MAX AUTO procure un taux de décélération de 11,0 pieds par seconde au carré.
Le freinage automatique est appliqué si le circuit est armé, toutes les manettes de poussée sont au ralenti, les relais air-sol à gauche et à droite sont en mode sol et la vitesse de rotation des roues a atteint au moins 60 nœuds. Au sol, le circuit de freinage automatique est désarmé si une manette de poussée est déplacée hors de la zone de ralenti pendant plus de 3 secondes ou si les freins manuels sont appliqués.
Le constructeur de l’aéronef recommande l’utilisation du circuit de freinage automatique lorsque la piste est courte et lorsque l’aéronef atterrit sur des surfaces glissantes ou avec un vent de travers. Cette mesure permet d’éviter la surchauffe des freins, de réduire l’usure des pneus et des freins, et de réduire les distances d’arrêt sur les surfaces glissantes. Le circuit de freinage automatique commande une pression de freinage pour atteindre le taux de décélération souhaité. Comme indiqué dans le manuel de formation des équipages de conduite, après le point de poser, les membres d’équipage doivent être à l’affût de la désactivation du circuit de freinage automatique et aviser le PF si cela se produitNote de bas de page 9.
Lors de l’événement à l’étude, la décélération moyenne au moment de la course à l’atterrissage était de 6,2 pieds par seconde au carré. Si le niveau 4 de freinage automatique avait été maintenu actif, le circuit aurait fourni, par défaut, une décélération cible de 7,5 pieds par seconde au carré.
1.6.3.3 Circuit d’aérofreins automatiques
Les aérofreins sont prévus pour augmenter la traînée et réduire la portance en vol et pendant la course à l’atterrissage. Lorsque l’aéronef est en vol, 8 des 12 déporteurs sont utilisés comme aérofreins. Lorsque l’aéronef est au sol, tous les déporteurs sont utilisés pour le ralentir. Lorsque les roues touchent le sol, les aérofreins peuvent être déployés manuellement ou automatiquement.
Les aérofreins sont normalement déployés automatiquement si les conditions suivantes sont remplies :
- le levier de commande des aérofreins est en position ARM [activer];
- les relais air-sol à gauche et à droite sont en mode sol;
- le circuit hydraulique no 1 ou no 4 est pressurisé;
- les manettes de poussée no 1 et no 3 se situent à peu près à 20° de l’angle des manettes des gazNote de bas de page 10.
Lorsque les aérofreins sont déployés automatiquement, le circuit d’aérofreins automatiques déplace le levier aérofreins vers l’arrière en position UP (figure 3), ce qui, à son tour, déploie les panneaux déporteurs sur les ailes. Cela réduit considérablement la portance générée par les ailes et transfère le poids de l’aéronef sur les roues. Si les aérofreins automatiques ne sont pas déployés correctement, la distance d’atterrissage nécessaire sur une piste sèche augmente d’une longueur pouvant atteindre 870 pieds additionnels. Le manuel de formation des équipages de conduite contient 2 phrases précisant l’importance du déploiement des aérofreins automatiques [traduction] :
- « Si les aérofreins ne sont pas déployés après le point de poser, l’efficacité du freinage peut être initialement réduite de quelque 60 % [...]Note de bas de page 11. »
- « Il est important que le pilote connaisse la position du levier aérofreins pendant la phase d’atterrissage pour prévenir une sortie en bout de pisteNote de bas de page 12. »
Le réglage des aérofreins en mode automatique permet à l’équipage de conduite de ne pas placer le levier aérofreins en position UP et de se concentrer sur d’autres tâches essentielles, comme le redressement de l’aéronef et l’élimination de l’angle de dérive de la correction pour compenser la dérive associée aux vents de travers, l’exécution de l’arrondi, la manœuvre de l’aéronef vers l’axe de piste et l’application de la poussée inverse.
Si le levier de commande n’est pas en position ARM, l’actionneur des aérofreins automatiques déplace le levier aérofreins vers l’arrière en position UP lorsque la manette d’inversion de poussée no 2 ou no 4 est actionnée et lorsque les autres conditions de déploiement automatique sont remplies.
Si le levier aérofreins commence à se déplacer vers l’arrière vers la position UP, mais que les conditions ne sont pas remplies, le levier aérofreins se remet automatiquement en position DN (rétracter), ce qui rétracte les panneaux déporteurs.
1.6.4 Inverseurs de poussée
La section de la soufflante de chaque réacteur est munie d’un inverseur de poussée en cascade actionné par circuit hydraulique. Les inverseurs de poussée ne doivent être utilisés qu’au sol et ne sont utilisés que pour réduire la vitesse de l’aéronef pendant les atterrissages ou les décollages interrompus.
Pour que les inverseurs de poussée fonctionnent, l’aéronef doit se trouver au sol pour fermer les relais air-sol et la manette de poussée avant doit être en position de ralenti. Lorsque la manette d’inversion de poussée est levée, les inverseurs de poussée sont déployés.
L’indication de poussée inversée est affichée sur l’écran EICAS principal (figure 4). Un indicateur de l’état de l’inverseur de poussée se trouve au-dessus de chaque indicateur numérique du rapport de pression d’échappement. L’indicateur d’inversion (REV) s’affiche en orange lorsque l’inverseur associé est déverrouillé ou en mouvement. L’indicateur devient vert lorsque l’inverseur est entièrement déployé. Lorsque l’inverseur est rentré et verrouillé, l’indicateur n’est plus visible.
Au cours de l’atterrissage lors de l’événement à l’étude, 1 seconde après le point de poser, la manette de poussée no 1 était en position avancée après la position de ralenti en vol, ce qui a empêché la manette d’inversion de poussée d’actionner l’inverseur sur ce réacteur. Les inverseurs de poussée des réacteurs no 2, no 3 et no 4 ont fonctionné comme prévu, sans anomalie.
1.6.5 Issues de secours
1.6.5.1 Généralités
L’aéronef Boeing 747-400F est doté d’une porte de service pour l’équipage sur le pont supérieur, de 2 portes d’entrée sur le pont principal et de 5 portes de soute. Il est également doté d’une trappe au plafond du poste de pilotage.
1.6.5.2 Porte de service pour l’équipage sur le pont supérieur
La porte de service pour l’équipage située sur le pont supérieur se trouve derrière le poste de pilotage, sur le côté droit de l’aéronef. Elle est utilisée comme entrée et sortie normales, ainsi qu’en tant qu’issue de secours.
Un paquetage glissière d’évacuation d’urgence est monté sur des rails à droite de la cloison et se déplace le long de ces rails. Il est placé à l’horizontale, parallèle à la porte. Pour déployer le paquetage glissière, la porte doit être ouverte. On place alors le paquetage glissière devant la porte, on l’incline et on tire sur la poignée d’activation de la glissière.
1.6.5.3 Portes d’entrées du pont principal
Les 2 portes d’entrée du pont principal sont situées sur le côté gauche de l’aéronef : 1 à l’avant de l’aéronef et 1 à l’arrière. Une corde d’évacuation, qui peut être utilisée en cas d’urgence, est rangée au-dessus de chacune des portes. La porte d’entrée avant, identifiée 1L peut être fermée de l’intérieur ou de l’extérieur de l’aéronef. Si la porte est réglée sur la position AUTOMATIC [automatique], la poignée de la porte active le système d’alimentation d’urgence et une glissière d’évacuation se déploie.
1.6.5.4 Trappe au plafond du poste de pilotage
Le poste de pilotage de l’aéronef est doté d’une trappe supérieure qui peut être utilisée par l’équipage se trouvant dans le poste de pilotage pour évacuer l’aéronef en cas d’urgence. Huit dispositifs d’évacuation d’urgence, constitués d’enrouleurs à inertie, sont situés dans un compartiment latéral, juste au-dessus du siège de l’IRO, encastrés et retenus par un couvercle en plastique. Les membres d’équipage utilisent ces enrouleurs pour limiter leur vitesse de descente lorsqu’ils évacuent l’aéronef.
1.6.6 Facteurs anthropométriques et ergonomiques relatifs aux pilotes
Les postes de pilotage dans les aéronefs modernes sont aménagés pour accueillir une vaste gamme de mesures anthropométriques. Le Boeing 747-400 peut accueillir des pilotes dont les tailles debout varient de 5 pieds 2 pouces (le 20e centile pour la taille des femmes) à 6 pieds 4 pouces (le 99,5e centile pour la taille des hommes). Les emplacements des localisateurs de point de référence visuelle sont conçus pour aider les pilotes à ajuster la position de leur siège afin de maximiser leur champ de vision au-delà du nez, comme prévu dans la conception de l’aéronef.
La modélisation tridimensionnelle assistée par ordinateur effectuée à la suite de l’événement a indiqué que, lorsqu’ils étaient correctement assis à l’aide des points de référence visuelle, les 2 pilotes auraient eu toute la marge de manœuvre nécessaire pour manipuler les manettes de poussée respectives et appuyer à fond sur les pédales du palonnier et des freins. L’enquête n’a pas permis de déterminer si les membres de l’équipage de conduite étaient assis correctement.
1.7 Renseignements météorologiques
1.7.1 Généralités
Au matin du 6 novembre 2018, plusieurs prévisions d’aérodrome (TAF)Note de bas de page 13 ont été publiées pour CYHZ. L’heure de départ initiale était prévue pour 12 h 30, ce qui signifie que l’heure d’arrivée à CYHZ aurait été 15 h. Les prévisions météorologiques à ce moment-là indiquaient des vents du 140° vrai (V) soufflant à 12 nœuds, une visibilité de ¾ SM dans de la bruine et de la brume légères, et un plafond couvert à 300 pieds AGL. À l’arrivée, les prévisions indiquaient une probabilité de 30 % de visibilité de ¼ SM dans du brouillard avec une visibilité verticale de 100 pieds AGL. Ces conditions météorologiques étaient inférieures aux minimums d’approche établis par la compagnie pour la piste en service et elles ont joué un rôle dans la décision de retarder le départ de 13,5 heures.
Le 6 novembre 2018, un message d’observation météorologique spéciale d’aérodrome (SPECI)Note de bas de page 14 a été publié pour CYHZ à 23 h 15. Le SPECI indiquait ce qui suit :
- vents du 210° V soufflant à 16 nœuds, avec des rafales à 26 nœuds;
- visibilité de ½ SM avec une portée visuelle de piste pour la piste 14 de plus de 6000 pieds avec une tendance à la baisse dans de la faible pluie et du brouillard;
- visibilité verticale de 200 pieds AGL;
- température et point de rosée de 15 °C;
- calage altimétrique à 29,74 inHg.
Une TAF a été publiée pour CYHZ le 6 novembre à 22 h 38 pour la période d’arrivée. Il indiquait ce qui suit :
- vents du 220° V soufflant à 12 nœuds, avec rafales à 22 nœuds;
- visibilité de 3 SM dans de la faible pluie et de la brume;
- plafond de nuages fragmentés à 400 pieds AGL;
- couvert nuageux à 1000 pieds AGL.
Le 7 novembre, une autre TAF a été publiée pour CYHZ à 4 h 42 pour la période d’arrivée. Elle indiquait ce qui suit :
- vents du 220° V soufflant à 12 nœuds, avec rafales à 22 nœuds;
- visibilité de 5 SM dans de la faible pluie et de la brume;
- plafond de nuages fragmentés à 400 pieds AGL;
- couvert nuageux à 3000 pieds AGL.
Entre 5 h et 7 h, on prévoyait les changements temporaires suivants à ces conditions :
- augmentation de la visibilité à 6 SM dans de la brume;
- nuages dispersés à 400 pieds AGL;
- plafond couvert à 3000 pieds AGL.
Un message d’observation météorologique régulière d’aérodrome (METAR)Note de bas de page 15 a été publié à 5 h. Il indiquait ce qui suit :
- vents du 230° V soufflant à 13 nœuds;
- visibilité de 7 SM dans de la faible pluie et de la brume;
- plafond de nuages fragmentés à 500 pieds AGL;
- couche de nuages fragmentés à 1300 pieds AGL;
- température et point de rosée de 14 °C;
- calage altimétrique à 29,67 inHg.
1.7.2 Évaluation des conditions météorologiques d’Environnement et Changement climatique Canada
Le BST a demandé à Environnement et Changement climatique Canada d’évaluer les conditions météorologiques qui étaient en vigueur à des moments précis avant et après l’événement. Compte tenu des données disponibles, le rapport d’évaluation météorologiqueNote de bas de page 16 a conclu que les conditions les plus probables au cours de la descente et de l’atterrissage de l’aéronef à l’étude étaient les suivantes :
- Aucune condition givrante n’a été décelée dans les nuages sous l’altitude de quelque 12 000 pieds ASL.
- Certaines turbulences mécaniques modérées marginales auraient pu être présentes sous l’altitude de quelque 1000 pieds ASL.
- La visibilité horizontale à l’aéroport aurait été de 7 SM; cependant, il se peut qu’une certaine quantité de brume se trouvât encore dans le secteur.
- Les vents de surface soufflaient du 230° V à 13 nœuds.
- La piste était mouillée en raison des fortes pluies des 6 heures précédentes; de la faible pluie tombait à l’arrivée de l’aéronef.
1.8 Aides à la navigation
1.8.1 NOTAM
Le Manuel des procédures canadiennes pour les NOTAM de NAV CANADA décrit les NOTAM comme suit :
un avis diffusé par télécommunication et donnant, sur l’établissement, l’état ou la modification d’un aménagement, d’un service, d’une procédure aéronautique, ou d’un danger pour la navigation aérienne, des renseignements qu’il est essentiel de communiquer à temps aux personnes dont les activités ou les intérêts ont un lien avec les opérations aériennesNote de bas de page 17.
Le manuel précise en outre que :
[l]es NOTAM visent principalement à fournir des renseignements sur des événements susceptibles de compromettre la sécurité et l’exploitation avant que ces événements se produisent sauf dans le cas de pannes ou d’activités imprévisibles. Pour atteindre son but, un NOTAM doit donc parvenir à son destinataire suffisamment à l’avance pour qu’il puisse agir en conséquence. La valeur d’un NOTAM réside dans son « contenu d’actualité » et sa valeur historique résiduelle est minimeNote de bas de page 18.
Les NOTAM pour les aéroports canadiens sont produits et publiés par NAV CANADA selon les renseignements fournis par les exploitants d’aérodromes.
Selon le Manuel des procédures canadiennes pour les NOTAM :
[l]es NOTAM sont le plus concis possible, indiquant les faits essentiels seulement4 et composés de telle manière que leur sens soit clair et non ambigu. La clarté de l’information est plus importante que sa brièveté.
4 On n’émet pas de NOTAM pour avoir une preuve aux dossiers après que les anomalies ont été corrigées. Par exemple, si aucun NOTAM n’est émis pendant une panne ou une fermeture, on ne doit pas émettre un NOTAM après coup pour démontrer qu’il y a eu suivi par NOTAMNote de bas de page 19.
Tous les NOTAM ont été envoyés à l’équipage par courriel, au moyen du système de planification de vol du centre d’exploitation (SOCC) de Sky Lease Cargo; l’équipage a imprimé ces renseignements à l’hôtel. Le courriel comprenait tous les NOTAM applicables à l’aéroport de départ, la phase en route du vol, l’aéroport de destination et l’aéroport de dégagement (aéroport international de Bangor [KBGR], Maine, États-Unis). L’équipage de conduite a examiné au total 98 NOTAM, dont 37 concernant CYHZ (annexe D). Parmi ces 37, 22 NOTAM fournissaient des renseignements sur la piste 05/23, comme le niveau réduit des services ou des aides à la navigation inutilisables, l’éclairage inutilisable de la piste et le seuil décalé. Seize des NOTAM relatifs à la piste 05/23 contenaient des renseignements modifiés; il fallait les comparer aux versions précédentes pour déceler les modifications.
En ce qui a trait à la longueur de piste disponible, les NOTAM indiquaient que les 1767 premiers pieds de la piste 23 avaient été fermés en raison de travaux de peinture et de réparations apportées à l’éclairage, et que le seuil avait été décalé et marqué de bannières et d’éclairage de seuil de piste. La distance d’atterrissage déclarée disponible pour les pistes 05 et 23 avait été réduite à 8733 pieds, alors que sa longueur normale est de 10 500 pieds.
Même si cette distance était suffisante, lorsque l’équipage dans l’événement à l’étude a examiné les NOTAM reliés à l’approche vers la piste 23, il a conclu que cette piste ne lui était pas disponible en raison des restrictions d’approche. L’utilisation du libellé « NOT AUTH » [non autorisé] dans le NOTAM A3261/18 (figure 5) a fait en sorte que l’équipage crut qu’il ne pouvait pas utiliser l’approche RNAV vers la piste 23. Toutefois, la partie LNAV (navigation latérale) de l’approche pouvait encore être utilisée dans certaines conditions.
De même, le NOTAM 1385/18 and 1386/18 pour la piste 23 (figure 6) indiquait que le balisage lumineux d’approche (ALS), les feux d’axe de piste (RCLL), les feux de seuil de piste (RTHL) et les feux de zone de poser (RTZL) étaient tous hors service. À partir de cette liste d’élément hors service, on peut conclure que les feux de bord de piste étaient toujours disponibles; ainsi, la piste aurait pu être utilisée, mais avec un éclairage limité.
L’examen des NOTAM a consisté à étudier plus de 7 pages de renseignements écrits, dont 3 pages consacrées à la piste 05/23, présentés exclusivement en lettres majuscules.
Une enquête menée en 2017 par le National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis au sujet d’une quasi-collision en raison d’une approche vers une voie de circulation à l’aéroport international de San Francisco (KSFO), en Californie (États-Unis), a conclu ce qui suit [traduction] :
Bien que le NOTAM sur la fermeture de la piste 28L ait été publié dans l’autorisation de vol et le message de l’ACARS [système embarqué de communications, d’adressage et de compte rendu] transmis à l’équipage de conduite, la présentation des renseignements n’a pas vraiment fait ressortir l’importance des informations sur la fermeture de la piste et n’a pas permis à l’équipage de conduite d’examiner le tout et de le retenirNote de bas de page 20.
Le format et la présentation des NOTAM, soit exclusivement en lettres majuscules, s’avèrent difficiles à lire et à interpréter parce que les lettres sont toutes de même tailleNote de bas de page 21,Note de bas de page 22. Cela peut avoir des incidences sur la capacité d’un lecteur à interpréter les services réduits offerts dans les aéroports. En outre, la priorité des NOTAM n’est pas établie en fonction de leur importance, mais plutôt par ordre chronologique de publication. Par conséquent, les pilotes doivent examiner tous les renseignements présentés et déterminer de quelle manière ils seront touchés par les réductions de services.
Le Manuel des procédures canadiennes pour les NOTAM de NAV CANADA est basé sur les normes de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI)Note de bas de page 23,Note de bas de page 24,Note de bas de page 25. Le 10 octobre 2019, NAV CANADA a commencé à utiliser le format de NOTAM de l’OACI pour tous les NOTAM, tant nationaux qu’internationaux. Selon NAV CANADA, [traduction] « [l]'adoption du format de NOTAM de l’OACI, déjà utilisé par la plupart des pays, assurera également la conformité aux normes internationales et éliminera la nécessité pour les pilotes qui empruntent des routes internationales de connaître plus d’un format de NOTAM. Il ouvrira également la voie à des fonctions de filtrage plus avancées, réduisant l’encombrement des NOTAM en aidant les pilotes à accéder uniquement aux NOTAM pertinents pour leur volNote de bas de page 26 ». Bien que le format de l’OACI puisse communiquer certains renseignements plus efficacement que le format précédent, la présentation du texte continuera d’être d’une efficacité limitée en raison de l’utilisation continue de lettres exclusivement majuscules.
1.8.1.1 Aides à la navigation et éclairage
Les procédures d’approche suivantes n’étaient pas autorisées en raison du seuil décalé :
- ILS de catégorie I et II pour la piste 23;
- performance d’alignement de piste avec guidage vertical (LPV) pour la piste 23;
- navigation latérale/navigation verticale (LNAV/VNAV) pour la piste 23;
- radiophare d’alignement avec la piste 05;
- qualité de navigation requise (RNP) Y pour la piste 23.
De plus, les dispositifs d’éclairage suivants pour la piste 23 étaient hors service :
- balisage lumineux d’approche;
- feux d’axe de piste;
- feux de seuil de piste;
- balisage lumineux de zone de poser.
Les procédures d’approche suivantes étaient disponibles à CYHZ au moment du vol à l’étude :
- RNAV (RNP) Y, piste 05;
- RNAV (système mondial de navigation par satellite [GNSS]) ZNote de bas de page 27, piste 05;
- ILS, piste 14;
- RNAV (GNSS) Z, piste 14;
- RNAV (RNP), piste 14;
- LPV, piste 32;
- LNAV/VNAV, piste 32;
- RNAV (RNP) Y, piste 32;
- NDB, piste 23;
- RNAV (GNSS) Z, piste 23 sans guidage vertical; minimums LNAV seulement.
L’aéronef était capable d’effectuer toutes les approches à CYHZ, à l’exception des approches RNP.
1.9 Communications
Toutes les communications entre l’aéronef et l’ATC se sont déroulées normalement.
1.10 Renseignements sur l’aérodrome
1.10.1 Généralités
CYHZ dispose de 2 pistes construites en asphalte et en béton (annexe E) : la piste 05/23 est d’une longueur de 10 500 pieds et la piste 14/32 est d’une longueur de 7700 pieds. Les 2 pistes ont une largeur de 200 pieds. Aucune des pistes n’est rainurée.
La piste 05 est dotée d’un balisage lumineux d’approche courte simplifiée avec feux indicateurs d’alignement de piste (SSALR) à haute intensité (AN), de feux de seuil et d’extrémité de piste, de feux d’axe de piste et d’un indicateur de trajectoire d’approche de précision (PAPI) P3, qui procure une hauteur entre les yeux et les roues de plus de 45 pieds.
La piste 23 est dotée de feux d’axe de piste, d’un dispositif lumineux d’approche de haute intensité avec feux à éclats séquentiels – CAT II ou III (ALSF-2), de feux de seuil et d’extrémité de piste, et d’un balisage lumineux de zone de poser.
La piste 14 est dotée d’un SSALR AN et de feux de seuil et d’extrémité de piste.
La piste 32 est dotée d’un SSALR AN, de feux de seuil et d’extrémité de piste et d’un PAPI P3.
1.10.2 Aire de sécurité d’extrémité de piste
En 2009, l’Australian Transport Safety Bureau (ATSB) a publié un rapport de sécurité sur les sorties de piste, qui mentionne entre autres [traduction] :
Les aires de sécurité d’extrémité de piste (RESA) sont conçues pour réduire les risques de dommages à un aéronef qui :
- atterrit trop court (pose les roues avant le seuil de la piste);
- interrompt un décollage et dépasse l’extrémité de la piste;
- ne parvient pas à s’arrêter après un atterrissage et sort en bout de piste.
Une RESA permet aux aéronefs de ralentir de façon contrôlée.
Les revêtements de surface des RESA varient considérablement, de la surface naturelle à la surface pavée. Dans les revêtements de surface usuels des RESA, on retrouve le gravier tassé, les cendres volantes (PFA), l’herbe, le béton de revêtement (PQC), la terre compactée, ou une combinaison de ces différents matériaux. Dans tous les cas, la force portante des RESA doit pouvoir soutenir le mouvement des véhicules de sauvetage et lutte contre les incendies d’aéronefs (SLIA) et résister à l’érosion due au souffle des gaz d’échappement des moteurs à réaction des aéronefs au cours des activités quotidiennesNote de bas de page 28.
Dans son annexe 14Note de bas de page 29, l’OACI exige que les pistes avec un numéro de code 3 ou 4Note de bas de page 30 disposent d’une aire de sécurité d’extrémité de piste (RESA) de 90 m (295 pieds) s’étendant de l’extrémité d’une bande de piste de 60 m (197 pieds), pour un total de 150 m (492 pieds). En outre, l’OACI recommande que la RESA « [d]ans la mesure du possible, l’aire de sécurité d’extrémité de piste devrait s’étendre à partir de l’extrémité de la bande de piste sur une distance d’au moins […] 240 m [787 pieds]Note de bas de page 31 », pour un total de 300 m (984 pieds). Les recommandations relatives à la pente longitudinale suggèrent que le relief ne devrait pas dépasser une pente descendante de 5 %. La pente doit être aussi progressive que possible et éviter tout changement brusque ou inversion soudaineNote de bas de page 32.
Avant 2015, au Canada, la RESA de 150 m (492 pieds) n’était pas une exigence réglementaire; ce n’était qu’une recommandation. En 2015, Transports Canada (TC) a publié une nouvelle édition de ses Normes et pratiques recommandées pour les aérodromes (TP 312)Note de bas de page 33, dans laquelle les recommandations précédentes en matière de RESA sont devenues des normes. Toutefois, comme un droit acquisNote de bas de page 34 a été inclus dans le Règlement de l’aviation canadien (RAC), les aéroports canadiens ne sont tenus d’adhérer aux normes en matière de RESA les plus récentes que lorsqu’une nouvelle piste est construite.
En 2016, TC a publié un avis de proposition de modification (APM) au RACNote de bas de page 35 qui mentionne que les exigences en matière de RESA de 150 m (492 pieds) sont fondées sur le volume de trafic aérien plutôt que sur la longueur de la piste.
Les caractéristiquesNote de bas de page 36 et la description des RESA dans le document TP 312 sont les suivantes :
3.2.1.7 L’aire de sécurité d’extrémité de piste :
a) est d’une largeur minimale égale à deux fois celle de la piste connexe;
b) s’étend à partir de l’extrémité de la piste;
c) est centrée sur le prolongement de l’axe de la piste;
d) [...] a une longueur minimale de 150 m jusqu’à l’extrémité de l’aire de sécurité d’extrémité de piste (RESA).
[…]
3.2.1.9 Le relief dans l’aire de sécurité d’extrémité de piste :
a) ne comporte ni changements de pente abrupts ni fossés ouverts;
b) présente une pente suffisante pour éviter l’accumulation d’eau;
c) au-delà de la bande de piste, a des pentes descendantes transversale et longitudinale maximales de 5 p. cent;
d) ne fait pas saillie dans la surface de limitation d’obstacles (OLS);
e) dans des conditions sèches, a une résistance suffisante pour réduire la gravité des dommages structuraux subis par l’aéronef critique sortant à l’extrémité de la piste ou faisant un atterrissage trop courtNote de bas de page 37.
La piste 14 à CYHZ est dotée d’une RESA qui fait 150 m (495 pieds) de longueur après l’extrémité de la piste avec une pente descendante moyenne de 0,2 %. Ces dimensions sont conformes aux normes de TC et de l’OACI pour une RESA de 150 m (492 pieds) (figure 7).
Environ 166 m (544 pieds) après l’extrémité de la piste 14, il y a une dénivellation importante de 2,8 m (9 pieds), avec une pente descendante de 73 %. Cette pente ne répond pas aux recommandations de l’OACI relatives à la pente longitudinale de 5 % pour une RESA qui s’étend jusqu’à 300 m (984 pieds) après l’extrémité de la piste (figure 8).
1.10.2.1 Recommandation antérieure du BST
Après l’enquête du BSTNote de bas de page 38 sur un événement mettant en cause une sortie en bout de piste d’un Airbus A340-313 en 2015 à l’aéroport international Lester B. Pearson de Toronto (CYYZ), le Bureau a recommandé que
le ministère des Transports exige que toutes les pistes de code 4 soient pourvues d’une aire de sécurité d’extrémité de piste (RESA) de 300 m ou d’un autre moyen d’immobilisation des aéronefs offrant un niveau de sécurité équivalent.
Recommandation A07-06 du BST
Cette recommandation était conforme à celles de l’OACI.
Depuis, TC a formulé plusieurs réponses, qui ont toutes été évaluées par le BST.
En février 2021, dans une mise à jour de sa plus récente réponse, TC a indiqué que des modifications au RAC avaient été publiées dans la Partie I de la Gazette du Canada le 7 mars 2020. TC compte publier ces modifications dans la Partie II de la Gazette du Canada en mai 2021.
En mars 2021, dans sa réévaluation de la dernière réponse de TC, le BST a pris note du fait que TC avait proposé un règlement pour aborder la question des RESA. Les modifications réglementaires proposées, dans leur version actuelle, réduiront les risques associés à une sortie en bout de piste, mais pas dans la mesure que permettrait une RESA de 300 m, comme l’a recommandé l’OACI. À tout le moins, le Bureau estime que le règlement proposé doit respecter la norme de l’OACI.
Le Bureau a maintenu l’enjeu des sorties en bout de piste sur sa Liste de surveillance 2020. Des sorties en bout de piste continuent de survenir et l’absence de mesures opportunes continuera d’exposer les voyageurs aériens commerciaux au Canada à des risques inutiles, tant et aussi longtemps que ne seront pas mises en œuvre ces modifications réglementaires.
Par conséquent, le Bureau a réévalué la plus récente réponse de TC à la recommandation A7-06 comme dénotant une attention en partie satisfaisanteNote de bas de page 39.
1.10.3 Coefficient de frottement sur piste et certification
TC exige que les exploitants d’aéroport mesurent périodiquement les caractéristiques de frottement de la surface de la piste. TC laisse aux exploitants d’aéroport le soin d’effectuer leurs propres essais de frottement sur piste et d’établir la fréquence des essais en fonction de l’historique et des circonstances spécifiques à leur site.
Le 19 octobre 2018, l’AAIH a engagé un entrepreneur indépendant pour effectuer un essai de frottement sur piste pour les 2 pistes. Les résultats des essais ont satisfait à toutes les normes requises, conformément à la 5e édition du TP 312Note de bas de page 40.
1.10.4 Pente transversale et drainage de la piste
Les canaux d’écoulement et la pente transversale ont été évalués par l’AAIH, et toutes les pistes répondaient à toutes les exigences établies dans la 5e édition du TP 312.
1.11 Enregistreurs de bord
L’aéronef était doté d’un FDR numérique à semi-conducteurs qui contenait environ 53,4 heures de données de vol sur le vol à l’étude et les 8 vols précédents. On a pu télécharger les données stockées dans le FDR.
L’aéronef disposait également d’un enregistreur de conversations de poste de pilotage (CVR) qui avait une capacité d’enregistrement de 120 minutes; les données qui y étaient stockées comprenaient celles du vol à l’étude. On a pu télécharger la mémoire du CVR, qui contenait des enregistrements audio de bonne qualité du vol à l’étude.
1.12 Renseignements sur l’épave et sur l’impact
L’aéronef a effectué une sortie au bout de la piste 14; il a heurté les montants des feux d’approche et le réseau d’antennes de radioalignement de piste ILS. L’aéronef a dépassé le seuil d’environ 270 m (885 pieds) et s’est immobilisé à 47 m (155 pieds) d’une route publique.
Durant l’impact, le train avant s’est affaissé vers l’arrière, le train d’atterrissage principal de l’aile gauche s’est séparé du fuselage et le train d’atterrissage principal du côté gauche du fuselage s’est affaissé vers l’arrière, les roues étant poussées vers le haut, dans le carénage du fuselage.
Le train d’atterrissage principal de l’aile droite s’est affaissé vers l’arrière et a pivoté de 45° avec le bogie des roues, se posant ainsi sous l’ensemble des volets de droite. Le train d’atterrissage principal du côté droit du fuselage s’est affaissé vers l’arrière et s’est encastré dans la zone de carénage du fuselage.
Tous les réacteurs ont été endommagés par les forces d’impact et par l’ingestion d’objets intrus. Les réacteurs no 1 et no 4 étaient toujours attachés aux pylônes des ailes. Le réacteur no 2 s’est détaché de son pylône pendant l’impact et s’est immobilisé sous le stabilisateur horizontal gauche. Le réacteur no 3 s’est détaché de son pylône pendant la séquence d’impact et s’est posé sur le côté droit du fuselage, derrière le volet extérieur droit.
Le fuselage a été déformé derrière le poste de pilotage et derrière l’emplanture d’aile.
1.13 Renseignements médicaux et pathologiques
1.13.1 Fatigue
Les êtres humains ont besoin de 7 à 9 heures consécutives de sommeil réparateur pendant la nuit pour atteindre un niveau de rendement optimalNote de bas de page 41. La fatigue reliée au sommeil, soit la fatigue liée à la quantité et à la qualité du sommeil obtenu, est de nature biologique. Par conséquent, des caractéristiques telles que la personnalité, l’intelligence, la scolarité, l’entraînement, les compétences, la rémunération, la motivation, la taille physique, la force et la pratique ne permettent pas de la prévenir. La fatigue reliée au sommeil peut résulter de 1 ou de plusieurs des 6 facteurs de risque suivants : perturbations aiguës du sommeil (soit au cours de la période de 24 à 72 heures précédente), perturbations chroniques du sommeil, état d’éveil continu, perturbations des rythmes circadiens, troubles du sommeil ou autres conditions médicales et psychologiques, et maladies ou prise de médicaments influant sur le sommeil ou induisant de la somnolence.
S’endormir par inadvertance aux commandes est le risque le plus connu associé à la fatigue. Des degrés de fatigue moins extrêmes sont toutefois associés à des baisses de rendement plus subtiles, comme une diminution des facultés cognitives et des aptitudes en résolution de problèmes. Ces baisses de rendement subtiles sont des facteurs de risque et des indicateurs prévisibles importants d’accidents et de blessures au travailNote de bas de page 42, d’accidents de la routeNote de bas de page 43 et d’événements aéronautiquesNote de bas de page 44.
La fatigue liée au sommeil entrave la mémoire de travail (la mémoire qui stocke temporairement l’information pendant qu’elle est manipulée pour des tâches telles que le raisonnement)Note de bas de page 45 et la capacité à résoudre des problèmesNote de bas de page 46. Elle réduit également la souplesse d’une personne à l’égard de la résolution de problèmes face à une situation qui est perçue comme différente de la routine, de sorte que la personne persévère et réagit continuellement d’une manière jusqu’alors inefficaceNote de bas de page 47. Une telle situation augmente la probabilité qu’une personne fatiguée maintienne la routine normale, et donc qu’elle ne réévalue pas le plan initial ou ne tente pas de trouver et d’appliquer une nouvelle solutionNote de bas de page 48. Cet effet connu de la fatigue reliée au sommeil sur les tendances cognitives de l’équipage de conduite a été relevé dans un rapport du NTSB sur un événement aérien récent et très médiatisé mettant en cause la perception et la prise de décisions de l’équipage de conduite au cours de l’approche finale et de l’atterrissage. L’enquête a révélé que [traduction] « la fatigue a probablement contribué à la mauvaise identification par les membres d’équipage de la surface d’atterrissage prévue, à leur tendance à l’anticipation constante et à leur décision tardive d’amorcer une remise des gazNote de bas de page 49 ».
1.13.2 Rythme circadien
La vigilance et le rendement d’une personne varient sensiblement selon le moment de la journée, en raison de changements physiologiques synchronisés avec le rythme circadien (quotidien). D’un point de vue physiologique, le corps est prêt à dormir la nuit et à être éveillé pendant le jour. De même, le rythme circadien fait en sorte que les fonctions cognitives et le rendement général sont à leur plus bas pendant la nuit, d’environ 22 h 30 à 4 h 30, lorsque la fatigue connaît une augmentation considérable. Même si une personne a dormi la nuit précédente et ne se sent pas fatiguéeNote de bas de page 50, le rendement général peut être dégradé pendant ce rythme circadien.
1.13.3 Formation de Sky Lease sur la gestion du risque de fatigue
La formation sur la gestion du risque de fatigue permet aux employés de savoir comment éviter, atténuer et signaler les problèmes de fatigue. Chez Sky Lease Cargo, tous les membres du personnel des opérations aériennes étaient tenus de suivre une formation annuelle récurrente sur la gestion du risque de fatigue. Cette formation a été dispensée sous la forme d’une conférence d’une heure à l’aide de diapositives et de vidéos, et couvrait les sujets suivants, entre autres :
- les effets de la fatigue sur le rendement des personnes (notamment ses effets sur le « ralentissement cognitif » et la mémoire à court terme);
- l’interaction entre la charge de travail et la fatigue au cours des différentes phases de vol;
- les sources de fatigue;
- les pratiques recommandées et à éviter;
- des stratégies personnelles visant à atténuer les effets de la fatigue;
- des renseignements sur la politique de Sky Lease en matière de signalement de la fatigue.
1.13.4 Cycle de veille-sommeil de l’équipage
Au minimum lors des 7 jours qui ont précédé le vol à l’étude, l’horaire de sommeil nocturne des 3 membres d’équipage avait été normal.
Le commandant de bord est arrivé à KORD le 5 novembre et a dormi 9,5 heures cette nuit-là. Le 6 novembre, à 11 h, la décision a été prise de reporter le départ vers CYHZ au 7 novembre, à 2 h. Après avoir été avisé de ce nouveau délai, le commandant de bord a eu l’occasion de se reposer sans interruption à 2 reprises (pendant moins de 2 heures chaque fois) pendant l’après-midi et en soirée. S’il avait dormi pendant ces périodes, il aurait eu un total d’environ 5,75 heures de sommeil au cours de la période de 24 heures précédant l’événement.
Le P/O est arrivé à KORD le 5 novembre et a dormi 8,5 heures cette nuit-là. Il a eu l’occasion de se reposer durant 3 heures consécutives pendant l’après-midi du 6 novembre. S’il avait dormi pendant cette période, il aurait eu un total d’environ 6 heures de sommeil au cours de la période de 24 heures précédant l’événement.
L’IRO a passé le 5 novembre chez lui et a dormi environ 7 heures cette nuit-là. Il est arrivé à KORD le matin du 6 novembre. Il a eu l’occasion de dormir 2 heures pendant l’après-midi. Il a dormi 3 heures dans la soirée. S’il avait dormi pendant ces 2 périodes, il aurait eu un total d’environ 5 heures de sommeil au cours de la période de 24 heures précédant l’événement.
L’analyse quantitative de l’historique de sommeil de l’équipage à l’aide du logiciel fatigue avoidance scheduling tool (FAST) a permis de déterminer qu’en raison d’une perturbation aiguë du sommeil et du synchronisme de l’événement avec le rythme circadien nocturne, le rendement de l’équipage de conduite au moment de l’accident a probablement été compromis par la fatigue. Cependant, l’équipage n’a pas déclaré qu’il se sentait fatigué au moment de l’événement.
1.14 Incendie
Le réacteur no 2 s’est détaché de son pylône durant l’impact et s’est immobilisé sous la section gauche du stabilisateur horizontal et l’empennage, ce qui a provoqué un incendie après impact dans la section arrière de l’aéronef. Cinq véhicules de secours de SLIA sont intervenus. Ils ont éteint l’incendie et ils ont appliqué une couche de mousse pour éviter que le carburant déversé ne s’enflamme.
1.15 Questions relatives à la survie des occupants
Lorsque l’aéronef a quitté la surface revêtue, des dispositifs d’évacuation d’urgence (voir 1.6.5.4, Trappe au plafond du poste de pilotage) ont été projetés du compartiment de stockage et ont frappé l’IRO à la tête.
La structure du poste de pilotage et de la cabine de passagers du pont supérieur n’a pas été compromise pendant la sortie en bout de piste.
L’équipage a amorcé une évacuation à partir de la porte de service de l’équipage du pont supérieur; toutefois, après avoir mis en place la glissière d’évacuation, ils ont éprouvé des difficultés à la déployer. Après que l’équipage eut évalué la situation et que le commandant de bord eut envoyé des signaux aux membres de SLIA à l’aide d’une lampe de poche, l’équipage a franchi la porte d’entrée du pont principal (1L) avec une échelle, avec l’aide de SLIA. Les services de santé d’urgence sont intervenus à 5 h 45; ils ont examiné les membres de l’équipage et les ont transportés à l’hôpital.
Lorsque les enquêteurs du BST se trouvaient sur les lieux de l’événement, ils ont mis le paquetage glissière en place sans problème. Ils n’ont toutefois pas tenté de le déployer. Il n’a pas été possible de déterminer pour quelle raison les membres d’équipage ont éprouvé des difficultés à déployer la glissière.
1.16 Essais et recherche
1.16.1 Analyse de l’enregistreur de données de vol
Le laboratoire du BST a téléchargé les données du FDR et il a été en mesure de fournir des tracés graphiques des données de vol. Les événements ont également pu être reconstitués (annexe F), de même que l’efficacité du freinage et les dispositifs de décélération ont été analysés, et la probabilité d’un impact du réacteur a été évaluée. Les données du FDR indiquent que, immédiatement après le point de poser, les manettes de poussée des moteurs no 2, 3, et 4 ont été mises en position d’inversion de poussée, et la manette de poussée du réacteur no 1 a été avancée plus loin que l’angle de 20° de la manette des gaz. Ce déplacement des manettes a désactivé les freins automatiques et les aérofreins automatiques.
Peu de temps après, la manette de poussée du réacteur no 1 a été ramenée à une position juste au-dessus de la position de ralenti, ce qui a permis d’établir les conditions propices à l’utilisation des aérofreins automatiques et au déploiement des déporteurs.
Les vidéos de surveillance de la télévision en circuit fermé (CCTV) de l’aéroport de CYHZ et les paramètres du FDR de l’avion ont été synchronisés. Lors de l’atterrissage, une source lumineuse est brièvement apparue en arrière-plan, se découpant sur le fuselage de l’avion. Cette source lumineuse coïncidait avec une inclinaison vers la gauche d’un angle maximal de 6°. Les vidéos de surveillance de la télévision en circuit fermé (CCTV) de l’aéroport de CYHZ, les paramètres du FDR, les données de relevé des lieux et l’analyse géométrique ont indiqué qu’il y avait eu un impact probable de la nacelle du réacteur no 1 ou no 2 avec la piste (heurt réacteur). Toutefois, après l’impact probable, les données du FDR ne montraient aucune anomalie de performance des réacteurs. Ces derniers ont continué de fonctionner selon les commandes de l’équipage de conduite.
1.16.1.1 Mouvements de lacet, efficacité de la gouverne de direction et freinage asymétrique
La composante vent de travers et la poussée asymétrique ont causé des mouvements de lacet défavorables au cours de l’atterrissage. Les données du FDR indiquent que le PF a effectué des braquages de la gouverne de direction entre la position neutre et la position maximale. L’analyse des mouvements de lacet a permis de déterminer que la gouverne de direction disposait d’une capacité de commande suffisante pour surmonter les mouvements de lacet défavorables. Le freinage asymétrique n’était pas nécessaire pour maintenir le contrôle directionnel.
1.16.2 Hydroplanage
1.16.2.1 Généralités
En aviation, le phénomène d’hydroplanage constitue une perte de frottement de freinage due à l’eau à l’état liquide. Il existe 3 formes principales d’hydroplanage aux caractéristiques très différentes : l’hydroplanage dynamique, par dévulcanisation du caoutchouc et visqueux.
1.16.2.2 Hydroplanage dynamique
Au cours d’un cas d’hydroplanage dynamique total, le pneu se soulève de la surface et glisse sur une couche d’eau, comme le feraient des skis nautiques. Étant donné que des conditions extrêmes sont requises pour amorcer et maintenir un hydroplanage dynamique, ce phénomène se produit rarement. Cependant, lorsqu’il se produit, il y a une perte de frottement si importante que la roue ne parvient plus à tourner.
Les conditions favorables à un hydroplanage dynamique sont la grande vitesse, l’eau stagnante et une macrotexture de surface en mauvais état. Ces conditions doivent se maintenir sans interruption pour que le pneu glisse sur la couche d’eau. En l’absence de l’une de ces conditions, l’hydroplanage dynamique ne se produit pas du tout ou n’affecte qu’une partie de l’empreinte du pneuNote de bas de page 51.
L’intensité des précipitations a été déterminée à partir des données météorologiques obtenues des services publics d’aqueduc, des eaux usées et pluviales de la municipalité régionale d’Halifax. On a établi que l’intensité moyenne des précipitations sur une heure, avant l’événement, était de 1,29 mm/heure. L’intensité des précipitations « instantanées » sur 5 minutes au moment de l’atterrissage était de 1,20 mm/heure. L’intensité des précipitations la plus élevée au cours de la fenêtre d’une heure avant l’événement s’est produite à 4 h 50 (plus de 15 minutes avant l’atterrissage), avec 4,8 mm/heure.
Le laboratoire du BST a utilisé une intensité des précipitations de 1,20 mm/heure pour estimer la profondeur maximale possible de l’eau sur la piste pendant l’atterrissage du vol à l’étude; on a estimé qu’elle était de 0,24 mm ou moins. Selon une estimation de la profondeur de l’eau, la vitesse de l’aéronef et la macrotexture de la piste, le laboratoire a établi que l’hydroplanage dynamique ne s’était fort probablement pas produit et n’a pas eu un impact significatif sur l’atterrissage.
1.16.2.3 Hydroplanage par dévulcanisation du caoutchouc
L’hydroplanage causé par la dévulcanisation du caoutchouc peut se produire lorsqu’un pneu dérape sur une piste très mouillée ou glacée sur une longueur suffisante pour générer de la chaleur par frottement dans la zone de l’empreinte. Cette chaleur génère de la vapeur, qui, quant à elle, prend de l’expansion et réduit la traction au point de contact. Cette vapeur peut également laisser des marques de vapeur surchauffée sur la piste où les dépôts de caoutchouc ont été retirés ou décolorés. Le phénomène provoque également une altération caractéristique de la semelle du pneu.
L’hydroplanage par dévulcanisation du caoutchouc peut se produire à n’importe quelle vitesse supérieure à environ 20 nœuds et peut entraîner un frottement des pneus comparable à celle des pistes glacéesNote de bas de page 52.
Dans le cas de l’événement à l’étude, le freinage ou la décélération étaient insuffisants pour créer la chaleur nécessaire à la formation de vapeur. Il n’y avait aucune preuve physique de dérapage, de marques de vapeur surchauffée ou d’altération de la semelle des pneus. Par conséquent, l’enquête a permis de déterminer qu’il n’y a pas eu d’hydroplanage par dévulcanisation du caoutchouc.
1.16.2.4 Hydroplanage visqueux
L’hydroplanage visqueux se produit sur toutes les pistes mouillées et le terme est employé pour décrire la glissance normale ou l’action lubrifiante de l’eau. Bien que l’hydroplanage visqueux réduise le frottement, il ne réduirait pas le frottement à un degré si bas que la roue ne puisse pas tourner peu après le point de poser pour lancer le système d’antidérapage. L’hydroplanage visqueux est la cause la plus fréquente de faible frottement sur les pistes humides, et ces cas sont souvent confondus avec l’hydroplanage dynamiqueNote de bas de page 53. Un certain degré d’hydroplanage visqueux se produit sur toutes les pistes mouillées.
Le coefficient de freinage de l’aéronef (ABC) théorique sur piste mouillée représente la capacité de l’aéronef à adhérer à la surface de la piste, en tenant compte de la valeur de l’effort de freinage maximal requis pour l’opération d’antidérapage dans des conditions particulières. Cet ABC théorique sur piste humide a été calculé pour la piste 14 dans les conditions qui prévalaient au moment de l’événement.
En utilisant les données du FDR, l’ABC réel pour le vol à l’étude a été calculé, et il a été possible de déterminer qu’au moment de la circulation au sol, avant l’application maximale des freins, le coefficient était inférieur à ce qui était prévu avec le niveau 4 du freinage automatique. Après l’effort de freinage maximal, l’ABC réel était conforme à l’ABC théorique pour la piste 14 dans les conditions de piste mouillée existantes.
1.16.3 Rapports de laboratoire du BST
Le BST a produit les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :
- LP248-2018 – Site Survey Halifax Stanfield International Airport [Relevé des lieux à l’aéroport international Stanfield d’Halifax]
- LP249-2018 – NVM Download [Téléchargement de la mémoire non volatile]
- LP252-2018 – FDR Report [Rapport relatif au FDR]
- LP265-2018 – Wheel and Brake Examination [Examen des roues et des freins]
1.17 Renseignements sur les organismes et sur la gestion
1.17.1 Sky Lease Cargo
1.17.1.1 Généralités
Sky Lease Cargo est une compagnie américaine qui offre des services non réguliers et ponctuels de transport de marchandises lourdes à l’échelle nationale et internationale. Elle détient un certificat d’exploitation complémentaire pour les opérations exclusives de transport de marchandises, délivré en vertu de la partie 121 du FAR aux États-Unis. La compagnie est établie à Miami, en Floride (États-Unis).
Au moment de l’événement à l’étude, la compagnie comptait 320 employés et sa flotte comptait 3 aéronefs Boeing 747-400 et 2 aéronefs MD-11. Comme l’exige le FAR, Sky Lease Cargo a mis en œuvre un système de gestion de la sécurité et un plan de gestion des risques associés à la fatigue, qui comprend des énoncés de politique pour la gestion de la fatigue, une exigence de formation pour les membres des équipages de conduite et un système de vérification pour évaluer les degrés de fatigue au sein de l’organisation.
La formation des pilotes de Sky Lease Cargo sur le 747-400 a lieu à Miami. La formation requise correspond à des cours en classe et par ordinateur, tous dispensés à l’interne, ainsi qu’à une formation sur simulateur de vol, qui est menée par l’entremise d’un fournisseur externe, mais à l’aide d’instructeurs de la compagnie et d’un pilote vérificateurNote de bas de page 54.
1.17.1.2 Planification avant le départ
La planification avant le départ joue un rôle important dans l’établissement d’un tableau clair destiné aux membres de l’équipage sur les influences (positives ou négatives) pouvant avoir des répercussions sur le vol. La planification veille également à ce que le vol respecte les exigences réglementaires.
Le SOCC de Sky Lease Cargo est situé à Miami (Floride) et comprend le centre de suivi des vols. Le centre d’exploitation assure la planification des vols, procure des exposés météorologiques et assure les autorisations de vol pour les flottes de Boeing 747 et de MD-11. Lorsque les équipages ne se trouvent pas à Miami, le service de régulation des vols fournit par courriel tous les documents requis concernant le vol à l’équipage et effectue tout exposé requis par téléphone. Avant le départ d’un vol, le commandant de bord doit communiquer avec le SOCC et obtenir l’autorisation de vol. Les documents suivants sont requis en double exemplaire pour le vol et des copies signées doivent être gardées à bord de l’aéronefNote de bas de page 55 :
- autorisation de vol;
- manifeste de chargement;
- plan de vol exploitation;
- certification de la route des pilotes;
- devis de masse et centrage;
- carnet de bord de l’aéronef (avec un certificat de navigabilité valide).
1.17.1.2.1 Limites applicables à l’atterrissage : aéroports de destination
Sky Lease Cargo procure des données sur les performances de ses aéronefs particuliers à un fournisseur indépendant qui, à son tour, fournit à Sky Lease Cargo des tableaux d’analyse des pistes à divers aéroports. Les tableaux indiquent des données précises sur les performances à l’atterrissage, y compris la masse maximale autorisée à l’atterrissage pour une piste donnée (annexe G). Les tableaux d’analyse de piste sont utilisés pour la planification avant le départ et ils ne peuvent pas être utilisés pour déterminer les distances d’atterrissage requises.
L’article 121.195 du FARNote de bas de page 56 interdit le décollage d’aéronefs de la catégorie transport à moins que leur poids à l’arrivée, selon une consommation normale de carburant et d’huile en vol, ne permette une escale entière à l’aéroport de destination prévu en utilisant 60 % de la longueur utilisable de la piste. Pour déterminer la masse à l’atterrissage admissible à l’aéroport de destination, les 3 hypothèses suivantes sont retenues :
- L’aéronef se pose sur la piste la plus favorable par vent nul.
- L’aéronef se pose sur la piste la plus adéquate, compte tenu du vent probable, des aides à l’atterrissage et du relief.
- Si on prévoit que la piste sera mouillée ou glissante au moment de l’arrivée, la longueur de piste requise est augmentée de 15 %.
Sky Lease Cargo et Boeing utilisent toutes 2 les exigences réglementaires et les lignes directrices de la FAA lorsqu’elles font référence à une piste mouillée, définie comme étant une piste dont plus de 25 % de la surface (dans les limites de la longueur et de la largeur déclarées utilisées) sont couverts par toute humidité visible ou par toute couche d’eau d’une profondeur inférieure à 1/8 pouce (3 mm)Note de bas de page 57,Note de bas de page 58.
Le General Operations Manual de Sky Lease Cargo contient une politique spécifique aux pistes mouillées et glissantes [traduction] :
La politique de Sky Lease Cargo consiste à autoriser tous les vols en présumant des pistes à destination mouillées, à moins que les conditions existantes dans le cadre d’un vol particulier ne limitent indûment le carburant ou la charge utile. Lorsqu’un vol donné semble ainsi restreint, le commandant de bord déterminera conjointement à l’avance la possibilité d’utiliser des longueurs de piste sèche à des fins de planification.
CFR 121.195(d) doit être mis en application lorsque les bulletins météorologiques, les prévisions ou une combinaison des deux indiquent que les pistes de l’aéroport de destination peuvent être mouillées ou glissantes à l’heure d’arrivée prévue. La longueur de piste requise doit alors être d’au moins 115 % [sic] supérieure à la longueur de piste normale (sèche) requise pour l’atterrissage. L’analyse de piste tabulaire utilisée par la compagnie est conforme à cette exigenceNote de bas de page 59.
On avait signalé toutes les pistes de CYHZ comme étant nues et mouillées, et de la faible pluie avait été signalée dans les 24 heures précédentes.
Sky Lease Cargo utilise des tableaux qui établissent la masse maximale à l’atterrissage qui satisfait aux exigences de l’article 121.195 du FAR, pour chaque piste de destination et pour chaque configuration d’atterrissage approuvée (volets à 25° et volets à 30°). Les masses maximales à l’atterrissage définies avant le départ avec les volets à 25° et à 30° ont été déterminées à l’aide de ce tableau (tableau 4).
Volets | Piste | Longueur (pieds) | Systèmes de bord | Conditions d’atterrissage | Masse maximale (kg) |
---|---|---|---|---|---|
25° | 14 | 7700 | Tous fonctionnels | Mouillée, vents nuls | 261 500 |
30° | 14 | 7700 | Tous fonctionnels | Mouillée, vents nuls | 279 400 |
La masse à l’atterrissage limitée par les performances pour la piste 14 n’a été consignée dans aucun document utilisé par l’équipage. D’après le plan de vol exploitation, la masse à l’atterrissage de l’aéronef à l’arrivée à CYHZ était estimée à 265 852 kg.
1.17.2 Critères d’approche stabilisée
1.17.2.1 Manuel de formation des équipages de conduite
Sky Lease Cargo fournit à ses pilotes des conseils et des directives sur les critères d’approche stabilisée au moyen de lettres concernant la sécurité en vol, d’exposés dans les cours au sol initiaux et récurrents, de formations sur simulateur et de documentation de la compagnie. Néanmoins, l’une des principales sources d’information pour les équipages demeure le manuel de formation des équipages de conduite.
Le manuel de formation des équipages de conduite de Boeing stipule ce qui suit [traduction] :
Le maintien d’une vitesse, d’un taux de descente et d’une trajectoire de vol verticale et latérale stables en configuration d’atterrissage est couramment nommé concept d’approche stabilisée.
Tout écart important de la trajectoire de vol, de la vitesse anémométrique ou du taux de descente prévu doit être déclaré. La décision d’effectuer une remise des gaz ne signifie pas un mauvais rendement.
Remarque : Ne tentez pas d’atterrir si l’approche n’est pas stabilisée.
Éléments recommandés en matière d’approche stabilisée
Les recommandations suivantes sont conformes aux critères élaborés par la Fondation pour la sécurité aérienne.
Toutes les approches doivent être stabilisées avant d’atteindre une hauteur de 1000 pieds AFE [au-dessus de l’altitude de l’aérodrome] dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC), et une hauteur de 500 pieds AFE dans des conditions météorologiques de vol à vue (VMC). On considère qu’une approche est stabilisée lorsqu’elle répond à tous les critères suivants :
- l’aéronef se trouve sur la bonne trajectoire de vol;
- seules des rectifications mineures au cap ou au tangage sont requises pour maintenir la bonne trajectoire de vol;
- l’aéronef doit maintenir la vitesse d’approche. Des écarts de + 10 nœuds à –5 nœuds sont acceptables si la vitesse anémométrique tend vers la vitesse d’approche;
- l’aéronef présente la bonne configuration d’atterrissage;
- la vitesse verticale de descente n’est pas supérieure à 1000 pi/min; si une approche exige une vitesse verticale de descente supérieure à 1000 pi/min, des instructions spéciales devraient être communiquées;
- le réglage de la poussée est approprié à la configuration de l’aéronef;
- tous les exposés ont été donnés, et tous les éléments des listes de vérification ont été exécutésNote de bas de page 60.
1.17.2.2 Circulaire d’information de la Federal Aviation Administration des États-Unis
La FAA a publié une circulaire d’information (AC) dans laquelle elle définissait une approche stabilisée comme [traduction] « l’une des caractéristiques principales des approches et des atterrissages sécuritaires dans les activités des transporteurs aériens, en particulier celles qui concernent les avions de la catégorie transport ». La FAA a également indiqué que [traduction] :
Une approche est dite stabilisée lorsque tous les critères suivants sont maintenus entre 1000 HAT [hauteur au-dessus du seuil] (ou 500 HAT dans des conditions météorologiques de vol à vue [VMC]) et l’atterrissage dans la zone de poser :
L’aéronef suit la bonne trajectoire1.
L’aéronef présente la configuration d’atterrissage appropriée. [...]
La vitesse de l’aéronef se situe dans la plage acceptable indiquée dans le manuel d’exploitation approuvé utilisé par le pilote.
Le taux de descente n’est pas supérieur à 1000 pieds par minute (fpm). [...]
Le réglage de puissance d’atterrissage est adéquat et se situe dans la plage de puissance admise pour une approche indiquée dans le manuel d’exploitation approuvé utilisé par le pilote.
Note 1 : La bonne trajectoire est la voie dans laquelle le localisateur, la radiale ou d’autres indications de trajectoire correcte ont été définis, réglés et relevés, et sont suivis par le pilote. Les critères pour suivre la bonne trajectoire sont examinés dans les circulaires d’information de la FAA relatives aux approches de catégorie II et III. Les critères de suivi dans le cadre d’activités autres que celles des catégories II et III sont en cours d’élaborationNote de bas de page 61.
1.17.3 Manuel de vol de la compagnie
Les listes de vérification et les procédures d’exploitation fournissent des conseils pour aider l’équipage de conduite pendant les activités d’exploitation normales, les activités d’exploitation anormales et les situations d’urgence. La principale référence de Sky Lease Cargo pour l’exploitation de l’aéronef Boeing 747-400 est le 747-400 Company Flight Manual. Un chapitre du manuel (chapitre L) fournit des renseignements détaillés sur les limitations, un autre chapitre (chapitre NP) indique les procédures normales et les procédures développées et un autre chapitre (chapitre SP) établit des procédures supplémentaires. Les procédures supplémentaires comprennent des procédures telles que les opérations par conditions météorologiques défavorables, les opérations hors norme, les essais des systèmes et d’autres procédures qui ne sont pas incluses dans le chapitre NP.
Le 747-400 Company Flight Manual contient des renseignements sur le système de vol automatique, y compris l’utilisation du pilote automatique. Bien qu’il ne précise pas quand le pilote automatique doit être débrayé à l’approche, il donne des indications sur les altitudes minimales pour le débrayer. Dans le cas d’une approche ILS, le pilote automatique doit être débrayé avant 150 pieds AGLNote de bas de page 62.
Le 747-400 Company Flight Manual contient également les procédures d’exploitation normalisées (SOP) pour les courses à l’atterrissageNote de bas de page 63 (tableau 5), y compris les mesures à prendre par les divers membres de l’équipage de conduite. Il indique les annonces verbales que doivent faire les membres de l’équipage de conduite afin qu’ils puissent prendre les mesures appropriées propres à chacun.
Pilote aux commandes | Pilote surveillant |
---|---|
Vérifier que les manettes de poussée sont en position fermée. Vérifier que le levier SPEEDBRAKE [aérofreins] est à UP. |
Vérifier que le levier SPEEDBRAKE est à UP. Faire l’annonce « SPEEDBRAKES UP » [aérofreins relevés]. Si le levier SPEEDBRAKE n’est pas à UP, faire l’annonce « SPEEDBRAKES NOT UP » [aérofreins non relevés]. |
Surveiller la progression de la course. | |
Vérifier que les freins automatiques sont utilisés correctement. | |
AVERTISSEMENT : Une fois que les manettes d’inversion de poussée sont déplacées, il faut effectuer un atterrissage avec immobilisation. Si la poussée d’un réacteur est maintenue inversée, un vol sécuritaire ne serait plus possible. | |
Sans tarder, déplacer les manettes d’inversion de poussée jusqu’au verrouillage et maintenir une légère pression jusqu’au dégagement du système de verrouillage. Appliquer l’inversion de poussée, s’il y a lieu. |
Vérifier que les manettes de poussée vers l’avant sont en position fermée. Lorsque toutes les indications REV sont vertes, faire l’annonce « REVERSERS NORMAL » [inverseurs à la normale]. S’il n’y a pas d’indications REV ou si les indications restent de couleur ambre, faire l’annonce « NO REVERSER(S) ENGINE NUMBER ___ » [pas d’inverseurs pour le réacteur numéro ___] ou « NO REVERSERS » [pas d’inverseurs]. |
À 60 nœuds, amorcer le déplacement des manettes d’inversion de poussée pour être en position de ralenti inversé avant d’atteindre la vitesse de circulation. | Annoncer « 60 KNOTS » [60 nœuds]. |
Une fois la mise au ralenti inversé des réacteurs, déplacer les manettes d’inversion de poussée entièrement vers le bas. | |
Avant d’atteindre la vitesse de circulation, désarmer les freins automatiques. Utiliser le freinage manuel si nécessaire. | |
Avant de prendre le virage hors de la piste, débrayer le pilote automatique. |
L’équipage a accès aux procédures de liste de vérification normale et aux procédures de liste de vérification hors norme au moyen du Quick Reference Handbook [Manuel de référence rapide] (QRH)Note de bas de page 64. Les éléments de la liste de vérification hors norme sont organisés par systèmes d’aéronefs et par l’identification du modèle d’ensemble spécifique des 3 aéronefs de la flotte.
1.17.4 Calcul des performances à l’atterrissage
1.17.4.1 Généralités
Les équipages de Sky Lease Cargo déterminent les données de performance d’atterrissage en fonction de la masse à l’atterrissage dans le système de gestion de vol. La section sur la performance de l’aéronef du QRH est référencée pour déterminer la vitesse de référence (VREF)Note de bas de page 65 et pour calculer la vitesse d’approcheNote de bas de page 66 (vitesse de commandeNote de bas de page 67) et la distance d’atterrissage requise. Ce document est à la disposition de l’équipage dans l’organiseur électronique de poste de pilotage et sous forme de documents papiers, tous deux situés dans le poste de pilotage.
Le réglage typique des volets pour les opérations de Sky Lease Cargo est à 25°; toutefois, le réglage des volets à 30° peut être exigé si la piste en courte ou en fonction des conditions météorologiques. L’équipage a effectué le calcul de la distance d’atterrissage au moment de l’exposé d’approche en se fondant sur des volets réglés à 25° et il a estimé que la distance d’atterrissage requise était d’environ 6000 pieds. Bien qu’il n’y ait pas eu de restrictions ou de limitations empêchant l’utilisation des volets à 30° à CYHZ, l’équipage n’a pas tenu compte de ce réglage parce que la distance d’atterrissage disponible de 7700 pieds était supérieure à ce que l’équipage croyait nécessaire.
1.17.4.2 Vitesse d’approche
Le manuel de formation des équipages de conduite de Boeing fournit des directives sur la façon de calculer la vitesse d’approche en fonction d’une estimation de la masse à l’atterrissage et de la vitesse du vent. D’après la pondération estimée de 265 800 kg pour CYHZ, l’équipage a calculé une VREF de 154 nœuds avec des volets à 25° pour l’atterrissage (figure 9).
Si l’automanette est désactivée ou si l’on prévoit la désactiver avant l’atterrissage, la méthode recommandée pour la correction de la vitesse d’approche consiste à ajouter à la vitesse de référence la moitié de la composante vent debout constante signalée ainsi que la valeur rafales totale au-dessus du vent constant. La vitesse de commande minimale est VREF + 5 nœudsNote de bas de page 68. Lorsque des ajustements sont apportés à la vitesse du vent, la vitesse maximale d’approche ne doit pas dépasser VREF + 20 nœuds. La figure 10 montre des exemples d’ajouts au vent lorsque le cap de piste est de 360°.
Dans l’événement à l’étude, selon les indications du manuel de formation des équipages de conduite, la vitesse d’approche est VREF plus tout ajout au vent, avec une vitesse d’approche minimale (commandée) de VREF + 5 nœuds, ou un minimum de 159 nœuds. Les vents fournis par le message d’information ATIS Sierra (230° M à 10 nœuds) auraient donné un vent de travers droit direct pour l’atterrissage sur la piste 14. Par conséquent, il n’y avait aucune composante vent debout. L’ajout à la vitesse du vent était de 0, ce qui a donné lieu à une vitesse d’approche (commandée) de 159 nœuds. Lorsque les vents sont passés à 260° M à 16 nœuds, avec des rafales à 21 nœuds, ce qui a donné lieu à une composante vent arrière constante de 7 nœuds, l’ajout au vent est demeuré à 0 nœud, étant donné qu’aucun ajout au vent n’est appliqué aux rafales de vent constant ou arrière (figure 10). La vitesse d’approche recommandée a donc été maintenue à 159 nœuds.
Au cours de la préparation à l’approche, l’équipage a utilisé le message d’information ATIS Sierra et a calculé l’ajout au vent à 5 nœuds (la moitié de 10 nœuds), puis a ajouté cette information à VREF+5 pour obtenir VREF + 10 nœuds, ou 164 nœuds, comme vitesse d’approche (commandée). Une enquête antérieure du BST sur une sortie en bout de piste survenue en 2015Note de bas de page 69 a permis de déterminer que les pilotes de cet événement ont ajouté la moitié du vent constant total, plutôt que la moitié de la composante vent debout. Le rapport indique également que les pilotes vérificateurs de la compagnie ont remarqué que cette erreur était fréquente.
1.17.4.3 Distances d’atterrissage non pondérées (réelles)
Les données sur la distance d’atterrissage en configuration normale, indiquées dans les tableaux de la section du QHR portant sur les modèles d’aéronefs associés aux performances définies, n’étaient pas pondérées; ainsi, ces données correspondaient à des distances réelles (sans ajout de marge de sécurité). Le QHR ne contenait aucun tableau de données pondérées spécifiques à l’aéronef à l’étude. Pendant la préparation à l’approche, l’équipage a utilisé les données du message d’information ATIS Sierra.
L’équipage a utilisé la configuration type de volets à 25° pour l’atterrissage et a calculé la vitesse d’approche en utilisant VREF + 10 nœuds, ou 164 nœuds. À l’aide des données du QRH (annexe H), l’équipage a calculé la distance d’atterrissage requise à environ 6000 pieds, avec un réglage des freins automatiques au niveau 4. Cette distance d’atterrissage n’a pas été consignée dans l’un ou l’autre des documents de vol.
Les calculs effectués après le vol en utilisant les indications du QRH dans les conditions existantes, avec les volets à 25°, les freins automatiques au niveau 4 et une vitesse d’approche de 159 nœuds (VREF + 5 nœuds), ont donné une distance d’atterrissage de 6375 pieds (annexe H). Toutefois, si la distance d’atterrissage réelle avait été corrigée pour la vitesse d’approche supérieure (VREF + 10 nœuds), elle serait passée à 6735 pieds. Le tableau 6 indique les distances réelles d’atterrissage en utilisant les volets à 25° et à 30°, en fonction des vents :
- comme discuté lors de l’exposé;
- lorsque l’ATC a demandé à l’équipage de confirmer que la piste 14 était toujours acceptable (lorsque l’aéronef se trouvait à 8,6 NM de l’atterrissage en approche finale);
- lorsque l’ATC a vérifié les vents à 1,7 NM en approche finale;
- lorsque l’aéronef a franchi le seuil de la piste.
Volets | Position | Direction et vitesse du vent | Composante vent (nœuds) | Vitesse d’approche | Distance d’atterrissage réelle (non pondérée) requise (pieds) | Longueur de piste additionnelle (pieds) |
---|---|---|---|---|---|---|
Volets à 25° | Exposé | 230°, 10 nœuds | Vent debout à 0,5 | VREF+10 (164 nœuds) | 6735 | 965 |
8,6 NM, finale | 260°, 16 nœuds, rafales à 21 nœuds | Vent arrière à 7,3 | VREF+10 (164 nœuds) | 7514 | 186 | |
1,7 NM, finale | 250°, 15 nœuds | Vent arrière à 4,4 | VREF+10 (164 nœuds) | 7211 | 489 | |
Seuil de piste* | 250°, 15 nœuds | Vent arrière à 4,4 | VREF+19 (173 nœuds) | 8088* | –388* | |
Volets à 30° | Exposé | 230°, 10 nœuds | Vent debout à 0,5 | VREF+10 (164 nœuds) | 6241 | 1459 |
8,6 NM, finale | 260°, 16 nœuds, rafales à 21 nœuds | Vent arrière à 7,3 | VREF+10 (164 nœuds) | 6991 | 709 | |
1,7 NM, finale | 250°, 15 nœuds | Vent arrière à 4,4 | VREF+10 (164 nœuds) | 6700 | 1000 | |
Seuil de piste* | 250°, 15 nœuds | Vent arrière à 4,4 | VREF+19 (167 nœuds) | 7541* | 159* |
* Cette distance d’atterrissage comprend le fait que la vitesse de l’aéronef était supérieure de 9 nœuds par rapport à la vitesse cible utilisée pour les autres calculs et à 12 pieds au-dessus de la hauteur de franchissement du seuil de référence de 50 pieds.
REMARQUE : La distance d’atterrissage non pondérée requise avec des volets à 25° était supérieure à la longueur de piste lorsque l’aéronef a franchi le seuil de piste.
1.17.4.4 Distance d’atterrissage pondérée
Les données sur la distance d’atterrissage en configuration normale relatives aux 2 autres aéronefs 747-400 de la compagnie, indiquées dans les tableaux de la section du QHR portant sur les modèles d’aéronefs associés aux performances définies, étaient pondérées (par 1.15). Au moment de l’événement à l’étude, la compagnie mettait à jour le manuel de l’aéronef en question afin de tenir compte des nombres pondérés.
Les calculs après le vol effectués à l’aide de la distance d’atterrissage (réelle) non pondérée, pondérée par 1,15, ont donné les valeurs indiquées au tableau 7.
Volets | Position | Direction et vitesse du vent | Composante vent (nœuds) | Distance d’atterrissage réelle (pondérée) requise (pieds) | Longueur de piste additionnelle (pieds) |
---|---|---|---|---|---|
Volets à 25° | Exposé | 230°, 10 nœuds | Vent debout à 0,5 | 7745 | −45 |
8,6 NM, finale | 260°, 16 nœuds, rafales à 21 nœuds | Vent arrière à 7,3 | 8641 | −941 | |
1,7 NM, finale | 250°, 15 nœuds | Vent arrière à 4,4 | 8293 | −593 | |
Seuil de piste* | 250°, 15 nœuds | Vent arrière à 4,4 | 9301* | −1601* | |
Volets à 30° | Exposé | 230°, 10 nœuds | Vent debout à 0,5 | 7177 | 523 |
8,6 NM, finale | 260°, 16 nœuds, rafales à 21 nœuds | Vent arrière à 7,3 | 8039 | −339 | |
1,7 NM, finale | 250°, 15 nœuds | Vent arrière à 4,4 | 7705 | −5 | |
Seuil de piste* | 250°, 15 nœuds | Vent arrière à 4,4 | 8672* | −972* |
* Cette distance d’atterrissage comprend le fait que la vitesse de l’aéronef était supérieure de 9 nœuds par rapport à la vitesse cible utilisée pour les autres calculs et à 12 pieds au-dessus de la hauteur de franchissement du seuil de référence de 50 pieds.
REMARQUE 1 : La distance d’atterrissage réelle requise avec des volets à 25° était supérieure à la longueur de piste lorsque l’aéronef se trouvait à 8,6 NM de l’atterrissage, lorsqu’il se trouvait à 1,7 NM de l’atterrissage et lorsqu’il a franchi le seuil de piste.
REMARQUE 2 : La distance d’atterrissage réelle requise avec des volets à 30° était supérieure à la longueur de piste lorsque l’aéronef a franchi le seuil de piste.
1.17.5 NAV CANADA
1.17.5.1 Généralités
NAV CANADA est une entreprise privée qui fournit des services de navigation aérienne à l’intention de l’aviation commerciale et générale dans l’espace aérien canadien. Les activités de NAV CANADA sont menées au titre de la sous-partie 8 du RAC et satisfont à l’exigence de disposer d’un système de gestion de la sécurité, comme énoncé à l’article 801.05.
1.17.5.2 Manuel d’exploitation d’unité de la tour de contrôle de la circulation aérienne d’Halifax
Le Manuel des services de la circulation aérienne – Tour de contrôle de NAV CANADA procure des directives sur l’attribution d’une piste en serviceNote de bas de page 70. Si les vents à l’aéroport sont de 5 nœuds ou plus, le manuel précise que la tour doit « [a]ssignez la piste la plus appropriée selon l’exploitation et la mieux alignée face au ventNote de bas de page 71 ».
Le choix de la piste adéquate est fondé sur la piste la mieux alignée avec la direction du vent. Le manuel précise qu’un contrôleur d’aéroport peut attribuer « une piste avec un vent arrièreNote de bas de page 72 » pourvu que :
- La piste soit sèche.
- Vous [le contrôleur] indiquiez au pilote la direction et la vitesse du vent.
- La composante vent arrière, avec rafales, ne soit pas supérieure à cinq (5) nœudsNote de bas de page 73.
Les contrôleurs de l’aéroport peuvent également attribuer une piste avec une composante vent de travers. Toutefois, le Manuel des services de la circulation aérienne – Tour de contrôle précise que, lorsque la piste est mouillée, la composante maximale vent de traversNote de bas de page 74, y compris les rafales, est de 15 nœuds et ajoute que « [lla décision finale quant à l’acceptabilité d’une piste en particulier revient au piloteNote de bas de page 75 ».
Un contrôleur d’aéroport est tenu de coordonner tout changement de piste en service avec tous les postes d’exploitation concernés. L’entente entre la tour de CYHZ et l’ACC de MonctonNote de bas de page 76 précise que le contrôleur de l’aéroport coordonne tout changement de piste en service à l’aéroport avec le contrôleur de l’ACC de Moncton verbalement, en plus de mettre à jour les renseignements au poste de travail du contrôleur.
Le Unit Operations Manual (UOM) de NAV CANADA pour la tour d’ATC d’HalifaxNote de bas de page 77 fournit aux contrôleurs des directives et des renseignements sur les procédures. Selon l’UOM, un contrôleur d’aéroport ne doit pas désigner une piste avec une composante vent arrière comme piste d’arrivée ni l’annoncer comme disponible au poste de travail du contrôleur si la composante vent dépasse les critères du Manuel des services de la circulation aérienne –Tour de contrôle de NAV CANADA. Toutefois, l’UOM indique également qu’un contrôleur d’aéroport peut attribuer une piste avec une composante vent arrière si elle est presque alignée avec la direction du vent ou si elle est la seule piste disponibleNote de bas de page 78.
L’UOM ajoute que [traduction] « si un pilote demande d’arriver sur une piste pour laquelle la composante vent arrière est dépassée, vous [un contrôleur] pouvez approuver cette demande à condition que vous avisiez le pilote de la direction et de la vitesse des ventsNote de bas de page 79 ».
Un contrôleur de l’ACC est tenu de diffuser des renseignements d’atterrissage avant ou peu après qu’un aéronef est autorisé à amorcer sa descente. Si les renseignements sont inclus dans le message ATIS en vigueur et qu’un équipage de conduite accuse réception de ce message, le contrôleur n’est pas tenu de diffuser le message une deuxième foisNote de bas de page 80.
Après avoir diffusé des renseignements sur l’atterrissage, si un contrôleur de l’ACC apprend que des renseignements peuvent avoir une incidence sur la descente, l’approche ou l’atterrissage d’un aéronef, le contrôleur est tenu d’en informer le piloteNote de bas de page 81. De plus, le contrôleur est tenu d’informer l’équipage de conduite de toute information nouvelle et pertinente qui diffère du message ATIS en vigueurNote de bas de page 82. À 4 h 54, le contrôleur tour de CYHZ a informé le contrôleur de l’ACC de Moncton que la piste d’arrivée désignée était passée de la piste 14 à la piste 23 et que l’approche vers l’aéroport était maintenant l’approche RNAV vers la piste 23. Les renseignements sur le changement de piste n’ont pas été communiqués à l’équipage dans l’événement à l’étude.
1.18 Renseignements supplémentaires
1.18.1 Prise de décision du pilote
1.18.1.1 Généralités
Un aspect important de la prise de décision du pilote est la capacité qu’il reconnaisse les changements dans une situation et qu’il relance le processus décisionnel afin de s’assurer que les changements nécessaires sont apportés et que les plans sont modifiés. En particulier, les décisions en cours de vol sont généralement motivées par des événements imprévus qui nécessitent un ajustement au plan d’action prévu. L’évaluation de la situation permet aux équipages de prendre des décisions plus efficaces en interprétant les tendances qui définissent un problème, en évaluant le niveau de risque et en déterminant le délai dont ils disposent pour trouver une solutionNote de bas de page 83.
Le fait de ne pas tenir adéquatement compte des répercussions possibles d’une situation au cours de la prise de décisions accroît le risque que lesdites décisions et les mesures connexes subséquentes entraînent des résultats néfastes.
1.18.1.2 Conscience situationnelle
La conscience situationnelle est [traduction] « la perception des éléments dans l’environnement à l’intérieur d’un volume de temps et d’espace, la compréhension de leur signification, et la projection de leur état à court termeNote de bas de page 84 ». Une connaissance exacte de la situation maximise l’efficacité et la sécurité de la prise de décisions dans le poste de pilotage. Pour maintenir une conscience situationnelle exacte, un pilote doit avant tout percevoir les informations découlant de son environnement, puis établir leur pertinence par rapport à l’atteinte des objectifs opérationnels et, enfin, les utiliser pour projeter et prédire les états et les événements futurs, ce qui lui permet de « planifier et de se préparer aux urgencesNote de bas de page 85 ». Le savoir, l’expérience et les attentes d’un pilote sont quelques-uns des facteurs individuels qui influent sur la conscience situationnelleNote de bas de page 86. Un concept proposéNote de bas de page 87 pour étayer la conscience situationnelle est appelé « affective awareness » (conscience affective) ou le « gut feeling » (sentiment instinctif) d’un pilote (pour les menaces à la sécurité), qui se caractérise par une expérience émotionnelle et sensorielle qui déclenche une analyse cognitive plus poussée.
Les erreurs au niveau le plus élémentaire de conscience situationnelle se produisent en raison de l’incapacité à percevoir correctement la situation, entre autres. Quant à cette incapacité, elle peut découler de l’inaccessibilité de renseignements essentiels pour la personne, soit parce qu’ils n’ont pas été présentés efficacement par le système, soit parce qu’ils n’ont pas été communiqués efficacement entre les personnes. Des recherchesNote de bas de page 88 sur les facteurs de causalité sous-jacents aux événements aéronautiques ont révélé que la plupart des accidents survenus, entre autres, en raison d’une erreur humaine importante et d’un facteur de conscience situationnelle peuvent être attribués à l’incapacité de percevoir correctement certains éléments d’information, soit parce que les données n’étaient pas disponibles, soit parce qu’elles étaient difficiles à détecter ou à comprendre.
La conscience situationnelle de l’équipe est le degré de connaissance de la situation requis par chaque membre de l’équipe pour s’acquitter de ses responsabilitésNote de bas de page 89 et le degré de compréhension commune parmi les membres d’équipageNote de bas de page 90. Bien qu’un commandant de bord soit responsable en dernier ressort de la prise de décisions et de la sécurité générale d’un aéronef, d’autres membres d’équipage assurent une redondance critique. En plus de leurs tâches individuelles, les membres de l’équipage se soutiennent mutuellement en surveillant à la fois la situation et le rendement des autres, ainsi qu’en intervenant si un problème est décelé. Les personnes à l’extérieur de l’aéronef (par exemple, les contrôleurs de la circulation aérienne et les agents de régulation des vols) jouent également un rôle dans l’établissement et l’étalonnage de la conscience situationnelle de l’équipe en fournissant aux équipages des renseignements exacts et opportuns sur les conditions météorologiques, le trafic et l’environnement de la piste.
L’exactitude de la conscience situationnelle de l’équipe est renforcée lorsque les membres de l’équipe possèdent une compréhension et une représentation uniformes communes (ou « modèle mental ») de la façon dont fonctionne un système. Les équipages de conduite qui possèdent un modèle mental commun sont plus susceptibles d’arriver à une compréhension commune d’une situation donnée sans avoir besoin d’autant de communication verbale que les équipages qui ne possèdent pas un tel modèle. Les équipes sans modèle mental commun ont tendance à avoir besoin de plus de coordination et de communication en temps réel pour s’assurer que leurs activités sont effectuées correctementNote de bas de page 91.
1.18.1.3 Facteurs ayant des incidences sur la prise de décision du pilote et la conscience situationnelle
1.18.1.3.1 Connaissances
Les connaissances acquises grâce à l’expérience et à la formation sur un type d’aéronef, ainsi qu’au moyen d’expérience acquise dans un environnement de piste, facilitent la prise de décisions par l’équipage de conduite en améliorant la précision de sa conscience situationnelleNote de bas de page 92. L’expertise peut faciliter la prise de décisions efficaces des pilotes : 1) en favorisant une perception rapide et précise de l’information ou des indices qui signalent un problème; 2) en estimant la probabilité de divers résultats; et 3) en favorisant l’établissement d’un modèle mental précis d’une situation de manière à ce que la meilleure option puisse être choisieNote de bas de page 93.
Le commandant de bord possédait une expérience sur divers gros aéronefs; cependant, son expérience à bord d’un Boeing 747 était limitée (166 heures de vol). Il comptait à son actif un total de 13 décollages et atterrissages, dont 4 décollages et atterrissages de nuit. L’équipage de conduite était déjà allé à CYHZ, mais il n’avait pas atterri sur la piste 14 et n’avait pas non plus effectué une approche de nuit vers CYHZ.
Au cours du vol, certaines conversations entre les membres de l’équipage ont porté sur les sentiments d’appréhension ou d’anxiété du commandant de bord à l’égard des conditions à CYHZ. Les autres membres de l’équipage de conduite étaient au courant de l’expérience limitée du commandant de bord sur le Boeing 747 et de ses sentiments d’anxiété à l’égard du vent de travers attendu pendant l’atterrissage imminent à CYHZ.
Au cours de la planification avant le vol à l’hôtel, l’équipage, y compris le pilote effectuant un vol de mise en place, a été informé par le service de régulation des vols des conditions météorologiques à CYHZ, ainsi que des NOTAM concernant les conditions d’atterrissage sur la piste. Le plan avait été élaboré dans l’optique d’atterrir sur la piste 14.
Même si le commandant de bord effectuant un vol de mise en place n’était pas membre de l’équipage de conduite, étant donné sa vaste expérience à bord du Boeing 747 et au sein de la compagnie, les membres d’équipage lui ont demandé de leur indiquer tout enjeu connu concernant un atterrissage à CYHZ, y compris la viabilité d’un atterrissage sur la piste 14. Le commandant de bord effectuant un vol de mise en place avait été commandant de bord lors d’un vol de jour à destination de CYHZ environ 1 semaine avant l’événement à l’étude. L’atterrissage avait été effectué sur la piste 23 pour ce vol. Au moment dudit atterrissage, le commandant de bord effectuant un vol de mise en place avait déterminé que la longueur utile de la piste 23 n’était pas clairement indiquée, même en plein jour.
1.18.1.3.2 Communications et gestion des ressources de l’équipage
Des communications efficaces, au sein du poste de pilotage et entre les membres de l’équipage de conduite et le personnel au sol, comme l’ATC et le service de régulation des vols, sont un élément important du processus décisionnel. Selon l’Agence européenne de la sécurité aérienne et Transports Canada, la gestion des ressources de l’équipage (CRM) est « [l]’utilisation efficace de toutes les ressources disponibles (p. ex., membres d’équipage, systèmes de l’aéronef, installations et personnes de soutien) pour assurer un fonctionnement sûr et efficientNote de bas de page 94 ».
L’un des principaux objectifs de la formation au CRM est « d’améliorer les compétences en matière de communication, de facteurs humains et de gestion des membres d’équipage concernésNote de bas de page 95 ». La formation classique en matière de CRM souligne l’importance d’utiliser un langage clair et affirmé pour communiquer dans le poste de pilotage. Le programme de formation sur la CRM de Sky Lease Cargo comprenait des modules sur les obstacles à la communication et sur l’affirmation de soi.
Des recherches sur la compréhension de la paroleNote de bas de page 96,Note de bas de page 97 ont démontré que certains éléments de la qualité de la parole, du ton et du contenu peuvent être interprétés par les auditeurs comme indiquant de l’incertitude ou de l’ambiguïté. Au cours du vol à l’étude, dans les minutes précédant le passage à la fréquence de la tour, les membres d’équipage ont communiqué entre eux 24 fois, annonces normalisées comprises, à propos de la configuration de l’aéronef. Le ton, le moment et le contenu de certaines communications vocales de l’équipage indiquent un certain niveau d’incertitude et d’ambiguïté et une confiance limitée dans leur capacité de gérer l’atterrissage imminent.
1.18.1.3.3 Charge de travail
La charge de travail dépend du nombre de tâches à accomplir dans un laps de temps donné. La charge de travail augmente lorsque le nombre de tâches à accomplir augmente ou lorsque le délai accordé diminue. Les personnes utilisent à la fois des ressources physiologiques (c’est-à-dire une fréquence cardiaque accrue) et cognitives (c’est-à-dire une concentration de l’attention) pour gérer des charges de travail élevées.
Une personne pourrait subir un stress aigu et une anxiété connexe si une charge de travail élevée atteint le point de la menace physique et si cette personne n’est pas certaine de sa capacité de gérer ladite menace. Cette anxiété est inadaptée, car elle perturbe la capacité de la personne de gérer une charge de travail élevée en dégradant l’attention et la capacité de mémoire de travailNote de bas de page 98.
Un niveau élevé de charge de travail mental peut donc nuire à la capacité d’un pilote de percevoir et d’évaluer des signaux provenant de l’environnement et peut nuire à la conscience situationnelle en provoquant un rétrécissement attentionnelNote de bas de page 99. Les personnes qui sont soumises à un stress aigu sont également [traduction] « plus susceptibles d’être distraites d’une tâche cruciale par des stimuli très saillants, comme une alarmeNote de bas de page 100 ». En conséquence, leur manière de gérer une charge de travail élevée [traduction] « peut devenir incohérente et chaotique »Note de bas de page 101. [Traduction] « Dans certains cas, la conscience situationnelle pourrait être problématique à cause d’une surcharge momentanée dans les tâches à accomplir ou dans l’information présentéeNote de bas de page 102 ».
[Traduction] Parce que les idées anxieuses tendent à anticiper la capacité de stockage limitée de la mémoire de travail, la personne peut avoir de la difficulté à effectuer des calculs qui sont normalement faciles, comprendre la situation globale, et actualiser son modèle mental de la situationNote de bas de page 103.
L’expression d’une charge de travail et d’un stress mentaux élevés chez une personne peut être transmise à d’autres membres de l’équipe, ce qui entraîne une augmentation de la charge de travail de l’équipe. Des recherches ont révélé que le stress aigu nuit au rendement de l’équipe en affaiblissant l’intégration de l’équipe et les modèles mentauxNote de bas de page 104.
1.18.1.3.4 Biais cognitifs
Les pilotes travaillent au sein d’un environnement complexe dans lequel ils sont tenus de surveiller plusieurs sources et types de renseignements. Pour les aider à faire face à la grande quantité d’informations disponible dans l’environnement à tout moment, les humains ont acquis des compétences cognitives ou « biais » qui peuvent faciliter le traitement de l’information. Ces biais normaux ont cependant une conséquence involontaire : tous les éléments potentiellement critiques de l’environnement ne seront pas pris en compte, ce qui peut conduire à des décisions non éclairées.
Lorsqu’il y a peu d’informations disponibles sur une situation, les gens ont tendance à s’appuyer sur la première information crédible dont ils disposent pour évaluer cette situation. Ce phénomène, appelé « biais d’ancrage », peut rendre difficile l’évaluation des situations en cours. De même, le fait de ne disposer que de renseignements limités sur une situation peut accroître la tendance d’une personne à rechercher des preuves qui confirment ou qui corroborent son évaluation ou sa décision actuelle, phénomène connu sous le nom de « biais de confirmation ». Ces biais peuvent réduire la probabilité qu’un membre d’équipage révise sa première évaluation et la mette à jour avec de nouveaux renseignements. Ils peuvent également le mener à se fier à des renseignements qui appuient sa décision actuelle, tout en rejetant les renseignements qui vont à l’encontre de ce qui était attenduNote de bas de page 105. Dans les 2 cas, le danger est que les autres résultats ne seront pas suffisamment pris en considération lorsqu’on décidera de la meilleure ligne de conduite possible.
Des recherches et des enquêtes sur des accidents antérieurs ont démontré qu’une fois qu’un plan a été élaboré et adopté, il devient de plus en plus difficile pour l’équipage de conduite de reconnaître les stimuli ou les conditions environnementales qui exigent que le plan en question soit modifiéNote de bas de page 106. La « tendance à s’en tenir au plan » se décrit comme suit [traduction] : « une tendance profondément enracinée des gens à poursuivre leur plan d’action initial même quand les circonstances changent et requièrent l’adoption d’un nouveau planNote de bas de page 107 ». Une condition ou un stimulus doit être perçu comme étant suffisamment important pour être reconnu et traité à temps. Si le fait de s’en tenir au plan réduit la capacité d’un équipage à détecter des indices importants, ou si l’équipage ne reconnaît pas les implications des indices disponibles, des failles dans sa conscience situationnelle peuvent se produireNote de bas de page 108,Note de bas de page 109. Ces failles peuvent entraîner la prise de décisions non optimales compromettant la sécurité.
1.18.1.4 Conditions et charge de travail anormales inattendues
Les capacités de mouvements physiques nécessaires au pilotage gagnent en vitesse, en précision et en coordination avec la pratique, ce qui permet à un pilote d’atteindre une commande ou de prendre une mesure correcte sans vérification visuelleNote de bas de page 110. L’exactitude des réponses dépend également de la rétroaction en temps opportun sur les conséquences des mouvements associés aux commandesNote de bas de page 111.
Les situations d’urgence ou les conditions anormales inattenduesNote de bas de page 112 peuvent générer une charge de travail et un stress élevés, et elles peuvent nuire au rendement dans les situations où les gens ont peu de temps pour traiter les informations critiques et apporter les correctifs pertinentsNote de bas de page 113. Les événements inattendus surprennent les pilotes parce que ce qui se passe dans l’environnement ne correspond pas au modèle mental de l’individu ou de l’équipe de la situation et de ce qui est censé se produireNote de bas de page 114. Les situations comprenant des charges de travail très élevées peuvent entraîner le retard ou l’omission d’étapes importantes, comme les annonces stipulées dans les SOP pendant la course à l’atterrissage.
Ces omissions constituent des erreurs d’inattention, et il s’agit du type d’erreur le plus souvent associé à l’exécution de tâches courantes pratiquées souvent dans des conditions inattendues ou inhabituelles. Une erreur d’inattention se produit lorsque la vérification de l’avancement d’une séquence de tâches n’est pas effectuée en temps opportun ou lorsqu’une telle vérification n’a pas lieu, car l’attention de la personne est portée sur autre chose. Tant les pilotes expérimentés qu’inexpérimentés peuvent faire des erreurs d’inattention, mais étant donné que les pilotes qui apprennent de nouveaux aspects d’une tâche familière doivent généralement y consacrer plus d’attention qu’un pilote plus expérimenté, de telles erreurs sont plus fréquentes chez ceux qui possèdent moins d’expérience dans l’exécution d’une tâche donnéeNote de bas de page 115.
1.18.2 Initiatives pour contrer les sorties en bout de piste
1.18.2.1 Fondation pour la sécurité aérienne
Une analyse des données sur les sorties en bout de piste survenues durant une période de 14 ans, menée par la Fondation pour la sécurité aérienne (FSF), a permis de déterminer que [traduction] « le risque de sortie en bout de piste augmente en présence de plus d’un facteur de risque. Les facteurs de risque multiples engendrent un effet synergique (c.-à-d. qu’on double le risque en présence de 2 facteurs)Note de bas de page 116 ». Ces facteurs comprennent les conditions météorologiques, les performances de l’aéronef, la technique et la prise de décisions de l’équipage, ou les systèmes de l’aéronef. Fait pertinent à l’événement à l’étude, l’examen a révélé que les facteurs suivants contribuaient fréquemment aux sorties en bout de piste :
- cisaillement du vent inattendu ou vent arrière;
- évaluation erronée de la distance d’atterrissage par rapport à l’état des vents et de la piste;
- atterrissage rapide;
- hauteur excessive au-dessus du seuil, ce qui augmente la distance de l’atterrissage;
- incapacité de détecter le non-déploiement des déporteurs sol (p. ex., annonce normalisée correspondante non effectuée);
- rebond et rétablissement incorrect après un rebond;
- freinage tardif (ou prise de contrôle tardive par le circuit de freinage automatique, si nécessaire);
- augmentation de la distance d’atterrissage résultant de l’utilisation du freinage différentiel ou de l’arrêt de l’utilisation de la poussée inversée pour maintenir le contrôle directionnel dans des conditions de vent de travers.
La FSF a proposé des mesures d’atténuation à cet égard. En voici quelques-unes :
- politiques définies pour un atterrissage interrompu (rétablissement après rebond);
- partage des tâches défini et annonces normalisées pour les phases de l’approche finale et du roulement à l’atterrissage dans les SOP;
- des procédures relatives à la gestion des états de pistes défavorables;
- des procédures relatives à l’optimisation du freinage automatique et de l’inversion de poussée sur piste contaminée.
1.18.2.2 Boeing
Boeing publiait chaque trimestre de 1998 à 2014 le magazine AERO, qui fournissait aux exploitants de l’information technique supplémentaire pour promouvoir la sécurité et l’efficacité continues dans les activités quotidiennes de leur flotte. Les données recueillies et analysées entre 2003 et 2010, publiées dans AERO en 2012, montraient que les facteurs contributifs à une sortie en bout de piste à l’atterrissage se produisent aux fréquences suivantes :
- 90 % des atterrissages ont eu lieu sur une piste qui n’était pas sèche;
- 68 % sont survenus après des approches stabilisées;
- 55 % des aéronefs se sont posés dans la zone de poser;
- 42 % des atterrissages ont eu lieu avec un vent arrière de 5 nœuds ou plus.
Cet examen a démontré que de manière générale, plusieurs facteurs sont à l’origine d’une sortie en bout de piste. Par conséquent, il faudrait élaborer une approche polyvalente pour réduire la fréquence de tels incidents.
Parmi les facteurs énumérés, les facteurs suivants s’appliquaient à l’événement à l’étude :
- vent arrière;
- vitesse de poser des roues élevée;
- aérofreins déployés tardivement ou non déployés;
- inverseurs de poussée déployés tardivement ou non déployés.
Les données sur ces événements laissent croire qu’un certain nombre de tels incidents pourrait être évités si l’équipage de conduite comprenait mieux les relations entre l’environnement d’atterrissage et les risques potentiels existant au moment des faits (p. ex., conditions météorologiques, vents, état de la piste, liste d’équipement minimal et masse de l’avion). Dans le cas de chaque vol, les pilotes doivent mieux comprendre les relations entre ces facteurs :
- approche stabilisée;
- contamination de piste connue et prise en compte;
- longueur de piste disponible par rapport à la longueur de piste requise;
- conditions déclarées par rapport aux conditions réelles;
- vitesse de l’approche du vol;
- énergie qui doit être dissipée après l’atterrissage;
- ajouts à la vitesse et effet sur les distances d’atterrissage;
- fiabilité du freinage sur la piste;
- utilisation appropriée et opportune de tous les dispositifs de décélération.
Une sortie en bout de piste peut survenir si ces facteurs ne sont pas pris en compte ou bien compris. Plusieurs des mesures d’atténuation recommandées par Boeing pour réduire les sorties en bout de piste mettent l’accent sur la sensibilisation de l’équipage.
1.18.3 Federal Aviation Administration des États-Unis
1.18.3.1.1 Atténuer les risques de sortie en bout de piste
Pour fournir aux pilotes et aux exploitants un moyen [traduction] « de déterminer, de comprendre et d’atténuer les risques associés aux sorties en bout de piste à l’atterrissage, » la FAA a émis l’AC 91-79A le 17 septembre 2014Note de bas de page 117. L’AC est destinée à être utilisée dans l’élaboration de SOP pour atténuer ces risques.
Selon l’AC 91-79A, des SOP précises constituent [traduction] « des outils fondamentaux d’atténuation des risques » et devraient « à tout le moins » aborder les dangers des sorties en bout de piste. En outre, il est « impératif » que l’équipage de conduite exécute fidèlement ces SOP. Un programme efficace de formation sur l’atténuation des risques associés aux sorties en bout de piste offert par les exploitants permet aussi de fournir aux équipages de conduite [traduction] « des connaissances théoriques et des compétences visant à sensibiliser les pilotes aux facteurs susceptibles de provoquer une sortie en bout de piste ».
1.18.3.1.2 Procédures d’exploitation normalisées pour les membres de l’équipage de conduite
La FAA a également publié une circulaire d’information sur les SOP à l’intention des membres d’équipage de conduite dans le poste de pilotage, qui précisait ce qui suit [traduction] :
Les procédures d’exploitation normalisées (SOP) sont universellement reconnues comme étant à la base des opérations aériennes sécuritaires. Une coordination efficace et un bon rendement des membres d’équipage, deux concepts essentiels de la gestion des ressources de l’équipage (CRM), ne sont possibles que si les membres de l’équipage possèdent un modèle mental commun de chaque tâche. Le modèle mental, à son tour, est fondé sur les SOPNote de bas de page 118.
L’AC souligne également [traduction] « que les SOP doivent être claires, exhaustives et facilement accessibles dans les manuels utilisés par les membres d’équipage du poste de pilotage ».
L’objectif des SOP est de fournir une communication efficace et efficiente à tous les membres d’équipage et de veiller à ce que des mesures précises soient prises dans les différentes phases du vol. La formation classique des pilotes en matière de CRM souligne l’importance d’utiliser un langage clair et affirmé pour communiquer dans le poste de pilotage.
1.18.3.1.3 Alertes à la sécurité à l’intention des exploitants aériens : distance d’atterrissage
La FAA publie également des alertes à la sécurité à l’intention des exploitants aériens (SAFO), [traduction] « un outil d’information qui alerte, informe et fait des recommandations aux intervenants dans le secteur aéronautique. [...] Chaque SAFO contient des renseignements importants sur la sécurité et peut contenir des mesures recommandées. Le contenu des SAFO est particulièrement précieux pour les transporteurs aériens dans l’exercice de leur obligation légale d’offrir un service avec le plus haut degré de sécurité possible dans l’intérêt du public. Les renseignements et les recommandations contenus dans une SAFO sont souvent de nature urgenteNote de bas de page 119. »
En 2006, la FAA a diffusé une SAFO relative à la distance d’atterrissage, dans laquelle la FAA [traduction] :
recommande vivement que les exploitants d’avions à turboréacteurs élaborent des procédures à l’intention des équipages de conduite sur l’évaluation des performances d’atterrissage basées sur les conditions existant à l’arrivée, plutôt que sur les conditions présumées au moment des activités de régulation du vol. Ces conditions comprennent les conditions météorologiques, l’état de la piste, la masse de l’avion et les circuits de freinage à utiliser. Une fois la distance d’atterrissage réelle déterminée, on devrait y ajouter une marge de sécurité supplémentaire d’au moins 15 %.
La FAA considère qu’une marge de 15 % entre la distance d’atterrissage réelle prévue de l’avion et la distance d’atterrissage disponible au moment de l’arrivée constitue la marge de sécurité minimale acceptable dans le cadre d’activités normalesNote de bas de page 120.
En 2019, la FAA a diffusé une SAFONote de bas de page 121 qui a remplacé cette ancienne SAFO [traduction] « afin d’aider les transporteurs aériens à mettre au point des méthodes permettant d’assurer une distance d’atterrissage suffisante pour effectuer un atterrissage avec arrêt complet en toute sécurité ».
Cette SAFO réitère ce qui suit [traduction] : « une fois que la distance d’atterrissage réelle est déterminée au moment de l’arrivée, une marge de sécurité additionnelle d’au moins 15 % devrait être ajoutée à la distance d’atterrissage réelle. Sauf dans des conditions d’urgence, les équipages de conduite ne doivent pas tenter d’atterrir sur des pistes qui ne satisfont pas aux critères d’évaluation et aux marges de sécurité indiquées dans la présente SAFO. »
1.18.4 Liste de surveillance du BST
La Liste de surveillance du BST énumère les principaux enjeux de sécurité qu’il faut s’employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr. Les sorties en bout de piste et la gestion de la fatigue dans le transport aérien sont 2 enjeux de la Liste de surveillance qui concernent l’événement à l’étude.
1.18.4.1 Sorties en bout de piste
Chaque année au Canada, malgré les millions de mouvements sans incident sur les pistes d’aéroports, des aéronefs dépassent parfois l’extrémité de la piste au moment de l’atterrissage ou d’un décollage interrompu. Ces situations, appelées « sorties en bout de piste », peuvent causer des dommages aux aéronefs, des blessures et même des pertes de vie, et les conséquences peuvent être particulièrement néfastes en l’absence d’une RESA adéquate à l’extrémité de la piste ou d’un dispositif d’arrêt approprié destiné à immobiliser un aéronef.
Depuis 2005, on enregistre en moyenne 9,7 sorties en bout de piste par année aux aéroports canadiens (tableau 1), dont 7,5 surviennent au cours de l’atterrissage. De plus, de 2005 à 2019, le BST a enquêté sur 19 événements de ce genre et a émis quatre recommandations auprès des autorités canadiennes. Trois de ces recommandations sont toujours actives Note de bas de page 122 et, pour l’une d’entre elles, le dossier a été ferméNote de bas de page 123.
En mars 2020, TC a proposé certaines dispositions qui :
- exigeraient une RESA de 150 m aux aéroports qui reçoivent annuellement plus de 325 000 passagers de vols commerciaux;
- exigeraient l’installation d’un dispositif d’arrêt sur les pistes où une RESA de 150 m ne peut pas être mise en place;
- viseraient uniquement les pistes qui servent aux services commerciaux pour passagers.
Selon TC, ce règlement, une fois mis en œuvre, rehaussera la protection des passagers en cas de sortie en bout de piste, protection qui passera de 75 % des passagers en 2017 à 95 % d’ici 2038. Toutefois, ce règlement ne porte que sur le risque auquel est exposée une majorité de passagers, mais pas tous, et ne tient pas compte du trafic aérien sans passagers ni du relief à l’extrémité de toutes les pistes. De plus, le BST estime que le règlement proposé ne satisfait peut-être pas entièrement à la norme de OACI, qui exige une RESA de 150 m pour toutes les pistes d’une longueur de 1200 m et plus, et des dispositions pour les autres types de pistesNote de bas de page 124. Par conséquent, le BST demeure préoccupé par le fait que, sans autre mesure, des risques subsistent pour les personnes, les biens et l’environnement.
Sorties en bout de piste : MESURES A PRENDRE
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1.18.4.2 Gestion de la fatigue dans le transport aérien
Dans l’industrie du transport, les équipages doivent souvent composer avec de longues heures de travail et des horaires irréguliers, parfois sur plusieurs fuseaux horaires ou dans des conditions difficiles, qui ne sont pas toujours propices à un sommeil réparateur. La fatigue pose un risque pour la sécurité dans le transport aérien vu l’incidence défavorable qu’elle peut avoir sur plusieurs aspects de la performance humaine.
MESURES A PRENDRE La gestion de la fatigue dans le transport aérien demeurera sur la Liste de surveillance du BST jusqu’à ce que les mesures suivantes soient prises :
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Bien que la Liste de surveillance du BST cible les transporteurs aériens canadiens, la question de la gestion de la fatigue est également mise en évidence sur la Most Wanted List du NTSB depuis 2016Note de bas de page 125.
1.19 Techniques d’enquête utiles ou efficaces
Sans objet.
2.0 Analyse
L’aéronef était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation existante, et aucune anomalie n’a été relevée qui aurait pu empêcher son fonctionnement normal pendant le vol à l’étude.
Afin de comprendre pourquoi cette sortie en bout de piste s’est produite, la présente analyse portera sur l’évaluation par l’équipage de l’approche et de l’atterrissage et sur les gestes qu’on a posés en fonction des renseignements disponibles, des facteurs contribuant aux sorties en bout de piste et de la gestion par l’équipage des menaces opérationnelles.
2.1 Planification avant le départ
La planification avant le départ joue un rôle important dans l’établissement d’un tableau clair destiné aux membres de l’équipage sur les influences (positives ou négatives) pouvant avoir des répercussions sur le vol. La planification veille également à ce que le vol respecte les exigences réglementaires.
2.1.1 Conditions météorologiques et NOTAM
Étant donné que les plafonds et la visibilité étaient inférieurs aux exigences minimales d’approche de la compagnie pour la piste en service à l’aéroport international Stanfield d’Halifax (CYHZ), le commandant de bord et les opérations de vol de Sky Lease Cargo ont décidé conjointement de retarder le vol de 13,5 heures.
Dans le cadre de la planification avant le départ à l’aéroport international O’Hare de Chicago (KORD), l’équipage et le service de régulation des vols ont examiné 98 NOTAM, dont 37 concernant CYHZ qui ont été présentés dans l’ordre de leur diffusion, dans un texte non hiérarchisé rédigé exclusivement en lettres majuscules. Parmi ces 37 NOTAM émis pour CYHZ, 22 concernaient la piste 05/23 et abordaient des aides à la navigation inutilisables ou avec des fonctionnalités en moins, des feux de piste et un seuil décalé. Parmi ces 22 NOTAM, 10 contenaient des renseignements répétés, avec des modifications, mais il fallait les comparer à la version précédente pour relever les différences.
Les NOTAM visent à présenter des renseignements essentiels de façon claire, concise et sans ambiguïté. Il est cependant difficile d’extraire de façon fiable de tels renseignements en raison du style de la présentation qui consiste en l’utilisation de lettres majuscules uniquement, et en raison de la séquence, selon laquelle les NOTAM importants sur l’approche et sur la piste ne sont pas prioritaires, mais enfouis parmi d’autres renseignements. Par conséquent, pour déterminer les approches et les pistes disponibles, les utilisateurs doivent extraire les éléments importants, faire des recherches pour comparer les renseignements répétés, dresser une liste des éléments non disponibles et comparer cette liste aux cartes d’approche. Ce processus d’extraction par élimination est habituellement effectué mentalement, ce qui augmente le risque d’interprétation erronée. Par conséquent, l’équipage établit un modèle mental inexact des dangers opérationnels qui affectent un vol et sa conscience situationnelle s’en voit réduite.
Par exemple, dans l’événement à l’étude, les 10 NOTAM reliés aux approches vers la piste 23 étaient enfouis dans la liste séquentielle des 37 NOTAM pour CYHZ. Grâce à un processus d’élimination par comparaison des renseignements, l’équipage croyait qu’il n’y avait pas d’approche ou de feux disponibles pour la piste 05/23. Toutefois, 2 approches étaient disponibles vers la piste 23 : L’approche avec le radiophare non directionnel (NDB) et le volet navigation latérale (LNAV) de l’approche avec la navigation de surface (RNAV), toutes 2 avec des restrictions sur l’utilisation des renseignements publiés sur les cartes d’approche.
Après avoir examiné les NOTAM, l’équipage a conclu que l’approche avec le système d’atterrissage aux instruments (ILS) de la piste 14 était la seule option.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
Le style de présentation et la séquence inefficaces des NOTAM mis à la disposition de l’équipage et du service de régulation des vols les ont amenés à croire que la piste 23 n’était pas disponible pour l’atterrissage à CYHZ.
2.1.2 Limites à l’atterrissage : aéroports de destination
Dans le cadre de chaque vol, la politique de Sky Lease Cargo consiste à effectuer les calculs en présumant que la piste est mouillée. Pour satisfaire aux exigences de l’article 121.195 du Federal Aviation Regulations (FAR) des États-Unis, Sky Lease Cargo utilise des tableaux d’analyse de piste pour déterminer la masse maximale à l’atterrissage pour la piste de destination prévue, en fonction des conditions météorologiques, de l’approche et des aides à l’atterrissage.
Ce calcul de la masse maximale à l’atterrissage avant le départ comprend des marges de sécurité additionnelles qui ne sont pas incluses dans les tableaux des distances d’atterrissage utilisés en vol.
La section relative à la masse brute maximale autorisée à l’atterrissage du devis de masse et centrage indiquait 302 092 kg et volets à 25° pour un atterrissage sur la piste 23. Cependant, l’interprétation des conditions météorologiques et des NOTAM a amené l’équipage à prévoir l’atterrissage sur la piste 14 à CYHZ. À l’aide des cartes d’analyse de piste et des conditions prévues à CYHZ au moment de l’arrivée, la masse maximale à l’atterrissage avant le départ pour la piste 14 était de 261 500 kg pour un atterrissage avec les volets à 25° et 279 400 kg pour un atterrissage avec les volets à 30°. Ces limites n’ont été consignées dans aucun document de vol.
En établissant un modèle mental précis et commun, et avec une conscience situationnelle des menaces qui pourraient peser sur un vol, il est essentiel que les équipages définissent des limites précises de performance à l’atterrissage avant le départ. En fonction du plan de vol exploitation, la masse à l’atterrissage estimée à l’arrivée à CYHZ était de 265 852 kg; par conséquent, le vol à l’étude ne satisfaisait aux exigences de masse maximale à l’atterrissage avant le départ qu’avec les volets réglés à 30°.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
L’équipage ignorait que l’aéronef ne satisfaisait pas aux exigences de masse à l’atterrissage avant le départ avec les volets réglés à 25° pour la piste 14.
2.2 Préparation à l’approche
Les segments de départ de KORD et de croisière du vol se sont déroulés sans incident. La préparation à l’approche a été effectuée avant la descente, conformément à la procédure d’exploitation normalisée (SOP). Au cours de cette préparation à l’approche, l’équipage a obtenu le message d’information Sierra du service automatique d’information de région terminale (ATIS); on a déterminé la vitesse d’approche et la distance d’atterrissage requise par rapport aux conditions existantes et procédé à un exposé d’approche pour une approche ILS vers la piste 14.
Une comparaison du carburant calculé selon le plan de vol exploitation et du carburant se trouvant réellement à bord au début de la descente indique que l’atterrissage à CYHZ serait près de la masse à l’atterrissage estimée initialement de 265 852 kg. À l’aide du Quick Reference Handbook [Manuel de référence rapide] (QRH), l’équipage a calculé la distance d’atterrissage non pondérée, avec une utilisation des freins automatiques réglés au niveau 4 et les volets réglés à 25°, à environ 6000 pieds. Étant donné que ce calcul a permis d’établir que la distance requise était nettement inférieure à la longueur de piste disponible de 7700 pieds, l’équipage a choisi de maintenir la configuration d’atterrissage typique avec les volets à 25°. D’après les calculs effectués après le vol en utilisant les indications du QRH selon les conditions réelles, avec les volets à 25°, les freins automatiques au niveau 4 et une vitesse d’approche de 159 nœuds, la distance d’atterrissage non pondérée était de 6375 pieds.
Au cours du vol à l’étude, l’équipage a calculé une VREF de 154 nœuds et avait l’intention de désactiver l’automanette avant l’atterrissage. Étant donné que la vitesse minimale (commandée) d’approche établie par Boeing correspond à VREF + 5 nœuds, l’équipage a donc calculé une vitesse de 159 nœuds. L’équipage a ensuite ajouté la moitié des vents de travers du 230° magnétique (M) à 10 nœuds pour une vitesse d’approche de 164 nœuds; cependant, les vents étaient, en réalité, de travers à 90°. Boeing recommande qu’aucun ajout au vent ne soit appliqué dans des conditions de vent de travers à 90° ou de vent arrière. Par conséquent, aucun ajout n’aurait dû être appliqué pour le vent, et la vitesse d’approche calculée aurait dû être VREF + 5 nœuds, ou 159 nœuds (voir la section 1.17.4.2, Vitesse d’approche).
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
Lors de la planification de l’approche, l’équipage a calculé une vitesse d’approche plus élevée de VREF + 10 nœuds au lieu du calcul recommandé de VREF + 5 nœuds, car il a mal interprété le fait qu’un ajout au vent était nécessaire pour répondre aux conditions qui prévalaient.
En se fondant sur cette vitesse d’approche plus élevée, soit de 164 nœuds, les calculs effectués lors de l’enquête après le vol ont révélé une plus grande distance d’atterrissage, soit 6735 pieds. La distance d’atterrissage disponible sur la piste 14 est de 7700 pieds, ce qui laisse une marge de sécurité de 965 pieds. Dans les conditions qui prévalaient à CYHZ au moment de l’événement, il n’y avait aucune limitation ou restriction quant à l’utilisation des volets à 30° pour l’atterrissage à l’étude. L’utilisation des données du QRH pour l’atterrissage avec les volets réglés à 30°, dans les mêmes conditions, également à l’aide du calcul VREF + 10 nœuds, donne une distance d’atterrissage requise de 6241 pieds par rapport à 6735 pieds pour un atterrissage avec les volets à 25°.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
Lors de l’approche, l’équipage a choisi le réglage type des volets à 25° plutôt que 30°, parce qu’il croyait avoir une marge de sécurité suffisante. Ce réglage a augmenté la distance d’atterrissage requise de 494 pieds.
2.3 Descente et approche
À 4 h 43, l’équipage a amorcé la descente à partir du niveau de vol (FL) 370 alors que l’aéronef se trouvait à 153 milles marins (NM) de CYHZ. À 4 h 46, le contrôleur du centre de contrôle régional (ACC) de Moncton a demandé à l’équipage de conduite l’approche envisagée, et le pilote surveillant (PM) a indiqué que le plan consistait en une approche ILS vers la piste 14. Le contrôleur de l’ACC de Moncton a ensuite autorisé le vol directement vers le repère d’approche intermédiaire TETAR (annexe A).
À 4 h 54, le contrôleur tour a informé le contrôleur de l’ACC de Moncton que la piste principale serait dorénavant la piste 23 avec l’approche RNAV 23. Ces nouvelles informations sur l’atterrissage (un changement dans l’approche utilisée) n’ont pas été transmises directement à l’équipage et allaient à l’encontre de la compréhension de l’équipage selon laquelle la piste 23 n’était pas disponible. L’accès à ces informations aurait permis d’améliorer la conscience situationnelle de l’équipage et, éventuellement, de relancer le processus décisionnel pour envisager d’utiliser la piste 23.
À 4 h 58, l’ATIS a été mis à jour avec le message d’information Tango, les seules modifications importantes étant le changement d’approche à RNAV 23 et l’atterrissage sur la piste 23. À ce moment-là, le contrôleur de l’ACC de Moncton a autorisé le vol à effectuer une approche ILS vers la piste 14.
À 5 h 01, l’aéronef se trouvant à 14 NM de la piste et étant sur le point d’intercepter l’axe d’approche finale, le vol a été transféré à la tour de CYHZ; le contrôleur tour a informé l’équipage que les vents soufflaient désormais du 260° M à 15 nœuds et que le message d’information ATIS était Tango. La réponse du PM à la tour était qu’ils avaient le message d’information Tango.
Pendant ce temps, l’aéronef approchait de l’axe d’approche final en présence d’un vent arrière, et l’équipage réduisait la vitesse de l’aéronef pour le configurer en fonction de l’ILS. Ainsi, dans les minutes précédant le passage à la fréquence de la tour, les membres d’équipage ont communiqué entre eux 24 fois, annonces normalisées comprises, à propos de la configuration de l’aéronef. Le ton de bon nombre des déclarations du commandant de bord faisait état d’une certaine appréhension, ce qui laisse croire qu’il cherchait à faire valider ses gestes. La fréquence et le ton de la communication étaient également révélateurs d’une charge de travail élevée, ce qui peut entraver la reconnaissance efficace et correcte des changements dans les conditions.
Étant donné la charge de travail élevée pendant cette période, il est peu probable que le contenu du message d’information ATIS Tango ait été examiné en détail. Quoi qu’il en soit, l’équipage n’avait toujours pas été mis au courant que l’approche avait été changée pour la piste 23. De plus, l’équipage n’a pas réalisé que les renseignements sur les vents qui venaient de leur être fournis par la tour avaient considérablement changé depuis la diffusion des messages d’information ATIS Sierra et Tango, et qu’ils comptaient à présent une composante vent arrière de 7 nœuds pour l’atterrissage.
À 5 h 02 min 46 s, alors que l’aéronef se trouvait sur son axe d’approche finale, à 8,6 NM du seuil de la piste, la tour de CYHZ a informé l’équipage que les vents soufflaient du 260° M à 16 nœuds avec des rafales à 21 nœuds. On a également demandé à l’équipage de confirmer que la piste 14 était toujours acceptable. Le PM a confirmé qu’elle l’était, et le contrôleur tour a répété les renseignements sur les vents, puis a autorisé l’atterrissage du vol sur la piste 14.
L’équipage ne s’était pas rendu compte que l’approche et la piste d’atterrissage étaient passées à la piste 23 et on n’avait pas encore réalisé que les renseignements fournis récemment sur les vents résultaient en une composante vent arrière de 7 nœuds pour la piste 14. Étant donné que l’équipage avait une conscience situationnelle limitée des conditions à CYHZ, on a conclu que le maintien de l’approche vers la piste 14 était la seule option.
Au cours des 20 secondes qui ont suivi, l’équipage a brièvement passé en revue les calculs relatifs à la force du vent et aux rafales afin de confirmer qu’on devrait maintenir la vitesse d’approche prévue de 164 nœuds, puis on a effectué la liste de vérification avant l’atterrissage. L’appréhension du commandant de bord à l’égard de l’approche à venir, dont les autres membres de l’équipage étaient conscients, les effets subtils de la fatigue sur le rendement et la charge de travail élevée ont probablement contribué à limiter la mémoire de travail de l’équipage et à l’empêcher d’effectuer des calculs de vitesse d’approche normalement faciles.
Étant donné la présence d’un vent arrière, la vitesse d’approche plus élevée de 164 nœuds a augmenté la distance d’atterrissage requise à 7514 pieds, ce qui a réduit la marge de sécurité à 186 pieds.
Juste après avoir franchi le repère d’approche finale, alors que l’aéronef se trouvait à 4,0 NM ou à 1 minute et 21 secondes du seuil, l’équipage a confirmé pour la première fois la présence d’un vent arrière (tableau 8).
Heure | Événement | Direction et vitesse du vent | Vitesse sol (nœuds) | Altitude (pieds) ou hauteur (AGL) |
Distance du seuil (NM) | Temps écoulé jusqu’au seuil |
---|---|---|---|---|---|---|
5 h 04 min 13 s | L’équipage confirme la présence du vent arrière. | 260° 16 nœuds, rafales à 21 nœuds |
185 | 1300 | 4,0 | 0 h 01 min 21 s |
5 h 04 min 46 s | L’équipage passe en revue les éléments de la remise des gaz. | s/o | 179 | 800 | 2,3 | 0 h 00 min 48 s |
5 h 04 min 58 s | La tour fournit les renseignements sur les vents. | 250° 15 nœuds, rafales à 21 nœuds |
176 | 600 | 1,7 | 0 h 00 min 36 s |
5 h 05 min 11 s | L’équipage débraye le pilote automatique. | s/o | 174 | 400 | 1,1 | 0 h 00 min 23 s |
5 h 05 min 34 s | L’aéronef se trouve au seuil de la piste 14. | s/o | 179 | 62 | 0 | 0 h 00 min 0 s |
Au moment où l’aéronef franchissait 800 pieds au-dessus du sol (AGL), le PF a examiné la procédure de remise des gaz avec l’équipage. Cet examen de la remise des gaz à ce stade tardif de l’approche indique que le PF savait que la présence d’un vent arrière avait encore réduit la marge sur la piste de 7700 pieds. Quelques secondes plus tard, la tour de CYHZ a transmis le message suivant [traduction] : « vérification des vents, 250° M à 15 nœuds, rafales à 21 nœuds ». Cela correspondait à une composante vent arrière constante de 4 nœuds et une distance d’atterrissage de 7211 pieds. Peu de temps après, l’équipage a eu un bref échange sur la question de savoir si le PF était à l’aise avec l’atterrissage, puis l’équipage a accepté de maintenir l’approche.
Le ton, le moment et le contenu des communications de l’équipage au cours du vol indiquaient un degré limité de confiance dans l’exécution de cet atterrissage. Ces communications, juste avant l’atterrissage et pendant un moment de charge de travail élevée du vol, indiquent une anxiété accrue au sein de l’équipage à l’égard de l’atterrissage imminent par vent de travers.
En dehors de la limitation de débrayage du pilote automatique avant 150 pieds AGL durant une approche ILS, il n’y avait aucune indication de la compagnie quant au moment de débrayer le pilote automatique durant une approche. Dans l’événement à l’étude, le commandant de bord a débrayé le pilote automatique et désactivé l’automanette à 400 pieds AGL et la vitesse a augmenté à VREF + 19 nœuds, l’aéronef ayant légèrement dévié à gauche du radiophare d’alignement de piste et légèrement au-dessus de l’alignement de descente. La vitesse a augmenté à 173 nœuds au moment où l’aéronef franchissait le seuil de piste à une vitesse sol de 179 nœuds, soit une vitesse plus élevée que prévu.
L’aéronef a franchi le seuil à une vitesse supérieure de 14 nœuds par rapport à la vitesse d’approche requise, avec un vent arrière de 4,4 nœuds et 12 pieds au-dessus de l’altitude de franchissement de seuil de 50 pieds sur la trajectoire de descente. Cela a augmenté la distance d’atterrissage requise de 1368 pieds, 460 pieds, et 229 pieds respectivement, pour porter la distance d’atterrissage à 8088 pieds.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
La vitesse d’approche plus élevée de l’aéronef, la présence d’une composante vent arrière et la légère déviation au-dessus de l’alignement de descente ont augmenté la distance d’atterrissage requise à une distance supérieure à la longueur de piste disponible.
Par conséquent, la vitesse plus élevée et l’écart par rapport à l’alignement de descente en présence d’un vent arrière ont entraîné l’atterrissage de l’aéronef dans des conditions où il était impossible de s’arrêter avant de quitter l’extrémité de la piste mouillée de 7700 pieds. Même si l’aéronef était piloté selon les critères d’approche stabilisée, cet événement démontre que, lorsqu’un aéronef est manœuvré aux limites de ses performances, toute déviation, aussi petite soit-elle, peut faire en sorte que l’aéronef ne puisse plus s’immobiliser dans les limites de la piste.
Dans des conditions de marge de piste réduite et de charge de travail et de stress élevés du PF, les annonces rapides et précises du PM quant aux déviations, notamment concernant l’augmentation de la vitesse d’approche, sont essentielles. Dans l’événement à l’étude, l’écart de 9 nœuds a augmenté davantage la distance d’atterrissage requise.
Fait établi quant aux risques
Si le PM n’annonce pas les conditions d’approche ou les augmentations de vitesse d’approche, le PF pourrait ne pas apporter de correctifs, ce qui augmenterait le risque d’une sortie en bout de piste.
2.4 Atterrissage
À 25 pieds au-dessus de la piste, les 4 manettes de poussée ont été replacées à la position de ralenti. Le poser ferme (1,75 g) de l’aéronef s’est produit à 1350 pieds du seuil (5 h 05 min 38 s), ce qui correspond à une descente à 3° à partir de 62 pieds jusqu’à la surface de la piste.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
Après le poser ferme, pour des raisons indéterminées, la manette de poussée du réacteur no 1 a été déplacée au-delà de la position de ralenti, ce qui a entraîné la rentrée des aérofreins et la désactivation du circuit de freinage automatique. La distance nécessaire pour immobiliser l’aéronef a ainsi été augmentée.
Une demie seconde plus tard, la poussée inversée a été sélectionnée pour les réacteurs no 2, no 3 et no 4. La manette de poussée du réacteur no 1 a ensuite été replacée près de la position de ralenti et la logique de l’aérofrein a permis de déployer les aérofreins. La poussée inversée du réacteur no 1 n’a pas été sélectionnée et le réacteur est resté en poussée avant pendant le reste de la course à l’atterrissage. L’enquête n’a pas permis de déterminer la cause directe du déplacement vers l’avant de la manette de poussée du réacteur no 1.
Étant donné que le train d’atterrissage principal est décalé d’environ 19 pieds (gauche et droite) du centre de l’aéronef, le poser ferme, d’abord du train principal droit, a provoqué un mouvement de roulis gauche qui a culminé à 6°, lorsque les bogies à gauche ont été compressés. Cette inclinaison à gauche, combinée au fléchissement vers le bas de l’aile après le poser ferme, a probablement fait en sorte que la partie inférieure de la nacelle du réacteur no 1 ou du réacteur no 2 a heurté la piste. Toutefois, ces moteurs ont continué à fonctionner normalement selon les commandes de l’équipage.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
L’angle de dérive vers la droite (4,5°) au point de poser initial, combiné à la composante vent de travers et à la sélection asymétrique des inverseurs, a fait dévier l’aéronef vers la droite par rapport à l’axe de piste.
Cette tendance combinée de lacet droit a augmenté l’effort requis sur palonnier pour regagner l’axe de piste. Le taux de déplacement latéral au cours des 4 premières secondes suivant le point de poser initial était d’environ 6 pieds par seconde. En fonction de ce taux, si ce déplacement n’avait pas été réduit, une sortie de piste latérale aurait eu lieu en quelque 10 secondes. L’analyse des données du FDR indique que le PF a braqué la gouverne de direction entre la position neutre et la position maximale à gauche. L’analyse du laboratoire du BST sur les mouvements de lacet et sur l’efficacité de la gouverne de direction a conclu que le freinage différentiel n’était pas nécessaire pour que le pilote regagne l’axe de piste.
La procédure de course à l’atterrissage dans la SOP de Sky Lease Cargo exige que les 2 pilotes vérifient que les manettes de poussée sont en position fermée et que le levier aérofreins est en position UP, et qu’ils surveillent l’avancement de la course et vérifient le fonctionnement des freins automatiques. De plus, la SOP indique que le PM annonce « speed brakes up » [aérofreins déployés] ou, s’ils ne se déploient pas, « speed brakes not up » [aérofreins non déployés], puis qu’il annonce « reversers normal » [fonctionnement normal des inverseurs] ou, si les inverseurs des réacteurs ne sont pas tous déployés, « no reverser(s) engine number ___ » [inverseur du réacteur no ___ non déployé]. L’équipage n’a cependant pas terminé les procédures de course à l’atterrissage de la compagnie durant l’événement à l’étude.
L’intensité inattendue de l’impact à l’atterrissage, associée au mouvement latéral de l’aéronef vers le bord droit de la piste, a surpris les membres de l’équipage de conduite. Ces derniers étaient déjà aux prises avec une charge de travail élevée; le stress situationnel aigu qui en est résulté a accru leur potentiel de distraction par des stimuli très saillants. L’attention de l’équipage de conduite a donc été captée par les stimuli visuels à l’extérieur et à l’avant de l’aéronef, et éviter une sortie de piste latérale était devenue leur priorité. Les membres d’équipage ont probablement subi un rétrécissement attentionnel, ce qui a limité leur capacité de détecter et de percevoir d’autres signaux dans l’environnement qui auraient indiqué que les dispositifs de décélération n’avaient pas été déployés.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
Durant la course à l’atterrissage, l’attention du PM était dirigée vers la dérive latérale et, par conséquent, les annonces requises liées à la position des dispositifs de décélération n’ont pas été effectuées.
Étant donné qu’aucune des annonces relatives aux SOP pour la course à l’atterrissage n’a été effectuée, aucun des 2 pilotes n’était au courant que :
- la manette de poussée du réacteur no 1 était au-delà de la position de ralenti;
- les aérofreins étaient rentrés momentanément;
- l’inverseur de poussée du réacteur no 1 n’était pas déployé.
Parce que les annonces stipulées dans les SOP visant à informer le PF que les aérofreins n’avaient pas été déployés comme prévu, que les freins automatiques s’étaient désactivés et que l’inverseur de poussée du réacteur no 1 n’avait pas été déployé n’avaient pas été effectuées, la distance nécessaire pour immobiliser l’aéronef a augmenté, ce qui a accentué la gravité de la sortie en bout de piste. L’application fautive par le commandant de bord de la manette d’inversion de poussée no 1 a été une erreur d’inattention : il avait l’intention de mettre la manette d’inversion de poussée à la bonne position. Cependant, comme son attention était portée sur la prévention de la sortie de piste latérale, il n’a pas remarqué que le mouvement de la manette de poussée no 1 vers la position inversée avait été interrompu.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
L’attention du PF était sur la maîtrise de la dérive latérale et, sans l’aide des annonces pour la course à l’atterrissage, il n’a pas reconnu que tous les dispositifs de décélération n’étaient pas entièrement déployés et que le freinage automatique était débrayé.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
Bien que l’application manuelle des freins ait commencé 8 secondes après le point de poser, le freinage maximal n’a été effectué que 15 secondes plus tard, lorsque l’aéronef se trouvait à 800 pieds de l’extrémité de la piste. De cet emplacement, il n’était pas possible d’immobiliser l’aéronef et, 5 secondes plus tard, l’aéronef a quitté l’extrémité de la piste à une vitesse de 77 nœuds et il s’est immobilisé à 270 m (885 pieds) après l’extrémité de la piste.
Comme le démontre l’événement à l’étude, poursuivre un atterrissage lorsque la marge de sécurité de la piste est réduite exige l’exécution précise de l’atterrissage et le déploiement des dispositifs de décélération, comme le prescrit le constructeur, étant donné que toute déviation augmente le risque de sortie en bout de piste.
Dans l’événement à l’étude, lorsque l’aéronef a franchi l’extrémité de la piste, il a subi des dommages irréparables. La piste 14 à CYHZ comporte une aire de sécurité d’extrémité de piste de 150 m (495 pieds) et une pente descendante de 0,2 %. Environ 166 m (544 pieds) après l’extrémité de la piste 14, il y a une dénivellation importante de 2,8 m (9 pieds), avec une pente descendante de 73 %. CYHZ répond à la norme de Transports Canada (TC), mais pas aux recommandations de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), en matière de pente longitudinale maximale de 5 %, et d’aire de sécurité d’extrémité de piste (RESA) totale de 300 m (984 pieds).
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
Au moment de la sortie en bout de piste, l’aéronef a traversé une dénivellation importante de 2,8 m (9 pieds) située à près de 166 m (544 pieds) après l’extrémité de la piste, subissant des dommages irréparables . Même si ce relief inégal était au-delà de la RESA de 150 m (492 pieds) proposée par TC, il se trouvait dans la RESA de 300 m (984 pieds) recommandée par l’OACI.
2.5 Freinage de l’aéronef
Pour déterminer si les efforts de freinage du pilote ont été entravés par des facteurs externes qui auraient pu réduire la capacité de décélération de l’aéronef, les éléments suivants ont été analysés dans le cadre de l’enquête :
- les marques, le frottement et le drainage sur la piste;
- la quantité de précipitations;
- l’hydroplanage dynamique et par dévulcanisation du caoutchouc;
- l’ergonomie du poste de pilotage et le freinage;
- les pneus, les freins, le système d’antidérapage, les aérofreins automatiques et les freins automatiques de l’aéronef;
- l’hydroplanage visqueux et le coefficient de freinage de l’aéronef.
L’examen physique et l’analyse de la piste n’ont révélé aucune preuve d’une entrave possible à la décélération de l’aéronef.
Il n’y avait pas de marques de dérapage des pneus. De plus, en utilisant la valeur interpolée de l’intensité des précipitations durant l’atterrissage dans l’événement à l’étude, on a estimé que la profondeur de l’eau sur la piste était inférieure à ce qui était jugé nécessaire pour causer l’hydroplanage dynamique.
Fait établi : Autre
L’enquête a permis de déterminer qu’il n’y a pas eu d’hydroplanage par dévulcanisation du caoutchouc et qu’il n’y a vraisemblablement pas eu d’hydroplanage dynamique au cours de cet événement.
L’analyse des facteurs ergonomiques a permis de conclure que, lorsqu’ils étaient correctement assis à l’aide de l’agencement des points de référence visuels, les 2 pilotes avaient toute la marge de manœuvre nécessaire pour manipuler les manettes de poussée respectives et appliquer le braquage maximal des pédales du palonnier et des freins. Cependant, l’enquête n’a pas permis de déterminer si l’équipage de conduite était assis correctement au moment des faits à l’étude.
L’examen de l’aéronef n’a révélé aucune anomalie qui aurait pu avoir une incidence sur les dispositifs de décélération, et l’analyse au laboratoire du BST des données du FDR relatives à ces dispositifs a indiqué qu’ils fonctionnaient comme prévu. L’examen physique des pneus, des freins et des limiteurs de couple de roue au laboratoire du BST n’a révélé aucune anomalie qui aurait pu réduire le freinage maximal.
Le FDR de l’aéronef à l’étude ne pouvait pas enregistrer la position de la pédale de frein ni la quantité de pression appliquée. Toutefois, comme l’enquête a permis de déterminer que le PF freinait à fond sur les 800 derniers pieds de piste restants, les données du FDR ont été utilisées pour déterminer le taux de décélération de l’aéronef en vue d’une comparaison avec la décélération théorique sur piste mouillée en employant le freinage maximal. Les données relatives au coefficient de freinage de l’aéronef (ABC) sur piste mouillée ont produit des valeurs d’un freinage maximal suffisant dans le cadre du fonctionnement du système d’antidérapage. Le laboratoire du BST a calculé l’ABC réel de l’événement et a constaté que, sur les 800 derniers pieds, il était conforme à l’ABC théorique sur piste mouillée. Après avoir établi que l’effort de freinage maximal correspondait aux données d’ABC sur piste mouillée, des données de références ont été établies à des fins de comparaison avec la course à l’atterrissage jusqu’à ce stade.
Le taux de décélération inférieur de l’aéronef entre le point de poser et ce stade indique un effort de freinage moindre. À partir de ces changements dans les taux de décélération, associés aux données des FDR et CVR, on a déterminé qu’un effort de freinage maximal n’avait pas été appliqué avant que l’aéronef n’atteigne 800 pieds avant l’extrémité de la piste, ce qui a accentué la gravité de la sortie en bout de piste.
Fait établi : Autre
Bien que l’on puisse s’attendre à un hydroplanage visqueux sur toutes les pistes mouillées, l’enquête a permis de déterminer que pendant le freinage maximal, le freinage de l’aéronef correspondait au freinage attendu sur la piste 14 dans les conditions de piste mouillée au moment des faits.
2.6 Facteurs contribuant aux sorties en bout de piste
La Fondation pour la sécurité aérienne (FSF), la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis et Boeing ont tous déterminé des facteurs qui contribuent aux sorties en bout de piste.
Boeing indique que les sorties en bout de piste sont généralement dues à plusieurs facteurs. La FSF a également déterminé que les sorties en bout de piste étaient occasionnées par au moins 1 des facteurs suivants : conditions météorologiques, performances de l’aéronef, technique et prise de décisions de l’équipage et systèmes de l’aéronef. Tous les facteurs relevés dans l’événement à l’étude ont été qualifiés comme contribuant aux sorties en bout de piste :
- atterrissage avec vent arrière;
- vitesse et hauteur excédentaires au seuil de piste;
- utilisation retardée des dispositifs de décélération.
Selon le QRH, avec les volets à 25°, le vent arrière au seuil a augmenté la distance d’atterrissage de 460 pieds. De plus, la vitesse d’approche plus élevée au seuil (VREF + 19 nœuds) a augmenté la distance d’atterrissage de 1368 pieds, et les 12 pieds de plus à la hauteur au seuil ont augmenté la distance d’atterrissage de 229 pieds. Tous ces facteurs réunis ont augmenté la distance d’atterrissage à 8088 pieds pour l’atterrissage sur cette piste de 7700 pieds.
Pendant la préparation de l’approche, l’équipage a utilisé les tableaux des distances réelles d’atterrissage pour déterminer que la performance d’atterrissage sur la piste 14 correspondait à environ 6000 pieds. L’équipage a peut-être eu l’impression qu’il disposait d’une marge de piste de 1700 pieds sur cette piste de 7700 pieds. Toutefois, ces tableaux sont fondés sur l’approche et l’atterrissage effectués à vitesse précise, sur le profil, avec un point de poser 4,22 secondes après le franchissement du seuil, et avec une utilisation des dispositifs de décélération immédiatement après l’atterrissage. En réalité, la distance d’atterrissage réelle initiale (VREF +10) était de 6735 pieds et elle augmentait à 7514 pieds avec le vent arrière. Il restait donc 186 pieds de piste, ce qui représente une marge de 2,4 %. La FAA considère qu’une marge de 15 % entre la distance d’atterrissage prévue de l’avion et la distance d’atterrissage disponible au moment de l’arrivée constitue la marge de sécurité minimale acceptable dans le cadre d’activités normales.
Dans l’événement à l’étude, si on avait utilisé les données de distance d’atterrissage réelles, l’aéronef aurait pu être immobilisé sur la surface de la piste, jusqu’au moment où il a dépassé le seuil à une vitesse et une altitude supérieures à ce qui était prévu. Toutefois, un atterrissage réussi sur la piste n’aurait été possible que l’approche et l’atterrissage avaient été exécutés en respectant à la lettre les conditions énoncées dans le QRH.
Si l’équipage de conduite avait utilisé la distance d’atterrissage pondérée recommandée par la FAA, il aurait appris à l’étape de l’exposé que la longueur de piste disponible mesurait 45 pieds de moins que la longueur requise, au lieu des 965 pieds supplémentaires disponibles selon les données de distance d’atterrissage réelles (tableau 9).
Position | Direction et vitesse du vent (nœuds) | Composante vent (nœuds) | Calculs réels (non pondérés) de la distance d’atterrissage (pieds) avec les volets à 25° | Distance d’atterrissage pondérée recommandée par la FAA (pieds) | ||
---|---|---|---|---|---|---|
Distance non pondérée selon le QRH | Longueur de piste additionnelle |
Distance pondérée par 1,15 | Longueur de piste additionnelle |
|||
Exposé | 230°, 10 nœuds | Vent debout à 0,5 | 6735 | 965 | 7745 | –45 |
8,6 NM, finale | 260°, 16 nœuds, rafales à 21 nœuds | Vent arrière à 7,3 | 7514 | 186 | 8641 | –941 |
1,7 NM, finale | 250°, 15 nœuds | Vent arrière à 4,4 | 7211 | 489 | 8293 | –593 |
Seuil de piste* | 250°, 15 nœuds | Vent arrière à 4,4 | 8088* | –388* | 9301* | –1601* |
* Cette distance d’atterrissage tient compte du fait que la vitesse de l’aéronef était supérieure de 9 nœuds par rapport à la vitesse cible utilisée pour les autres calculs et que l’aéronef se trouvait à 12 pieds au-dessus de la hauteur de franchissement du seuil de référence de 50 pieds.
REMARQUE 1 : La distance d’atterrissage non pondérée était supérieure à la longueur de la piste lorsque l’aéronef a franchi le seuil de piste.
REMARQUE 2 : Les distances d’atterrissage pondérées recommandées par la FAA étaient supérieures à la longueur de piste disponible lorsque l’aéronef se trouvait à 8,6 NM de l’atterrissage, lorsqu’il se trouvait à 1,7 NM de l’atterrissage et lorsqu’il a franchi le seuil de piste.
Au moment de l’événement à l’étude, la compagnie était en train de mettre à jour les QRH en tenant compte des distances d’atterrissage pondérées, mais elle ne l’avait pas fait pour l’aéronef à l’étude. Puisque les données du QRH sur la distance d’atterrissage de l’aéronef étaient non pondérées, elles peuvent avoir eu une incidence sur la conscience situationnelle de l’équipage à l’égard de l’atterrissage sur la piste 14.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
L’utilisation de tableaux de distances d’atterrissage non pondérées (réelles) peut avoir donné à l’équipage l’impression qu’un atterrissage sur la piste 14 leur aurait accordé une marge de sécurité considérable sur la piste, ce qui ultimement a influencé sa décision de maintenir l’atterrissage en présence d’un vent arrière.
2.7 Prise de décision du pilote
Un aspect important de la prise de décision du pilote est la capacité qu’il reconnaisse les changements dans une situation et qu’il relance le processus décisionnel afin de s’assurer que les changements nécessaires sont apportés et que les plans sont modifiés. Il est important de tenir compte du contexte dans lequel l’équipage a mené ses activités d’exploitation tout au long du vol pour comprendre les raisons justifiant la logique de poursuivre l’approche après avoir reconnu, à 1 minute 21 secondes du seuil, que les vents étaient maintenant arrières, plutôt que de prendre le temps nécessaire pour réviser le plan à la lumière des nouveaux renseignements.
2.7.1 Conscience situationnelle de l’équipe
Une conscience situationnelle exacte s’établit par la perception, la compréhension et la projection dans le temps d’une situation donnée. Les personnes à l’extérieur de l’aéronef (p. ex., le service de régulation des vols de la compagnie, le contrôle de la circulation aérienne et les autres membres d’équipage de l’aéronef) jouent un rôle dans l’établissement et l’étalonnage de la conscience situationnelle de l’équipe en fournissant aux équipages des renseignements exacts et opportuns.
Dans plusieurs cas lors du vol, des renseignements n’ont pas été communiqués à l’équipage de conduite, alors qu’ils auraient pu améliorer l’exactitude de la conscience situationnelle de l’équipe.
Pendant la préparation de l’approche, le message d’information ATIS Sierra indiquait que la piste 23 devait être utilisée pour le départ; toutefois, en raison de la mauvaise interprétation des NOTAM, l’équipage croyait que la piste 23 n’était pas disponible pour y atterrir. À mesure que l’aéronef à l’étude amorçait sa descente, un autre aéronef qui employait une fréquence radio différente a atterri sur la piste 23. Le contrôleur tour a informé le contrôleur de l’ACC de Moncton que la piste d’approche était maintenant la piste 23 et, alors que l’aéronef obtenait l’autorisation pour une approche ILS vers la piste 14, le message d’information ATIS Tango a été mis à jour pour inclure le changement concernant la piste 23. Cependant, l’équipage n’a pas été informé verbalement par l’ACC de Moncton que la piste d’approche était maintenant la piste 23.
Lorsque le vol a ensuite été transféré à la tour de CYHZ, le contrôleur a informé l’équipage que le message d’information ATIS était maintenant Tango. Le PM a répondu que l’équipage « avait » le message d’information ATIS Tango. Cependant, aucun des membres d’équipage n’était au courant du changement de piste d’atterrissage. Le fait que l’équipage n’était pas conscient que la piste d’atterrissage était maintenant la piste 23 a entravé l’exhaustivité et l’exactitude de la conscience situationnelle de l’équipe. De plus, cette lacune a accentué le malentendu selon lequel l’équipage croyait cette option non disponible. Par conséquent, on a maintenu l’approche vers la piste 14.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
L’ATC n’a pas communiqué directement à l’équipage de nouveaux renseignements concernant un changement de piste en service, bien que lesdits renseignements aient été contenus dans le message ATIS; l’équipage a ainsi continué de croire que l’approche et l’atterrissage sur la piste 14 étaient la seule possibilité.
2.7.2 Fatigue
L’un des volets de l’enquête consistait à effectuer une analyse approfondie de la fatigue, notamment en examinant l’horaire de travail de l’équipage de conduite, son historique de sommeil et son rythme circadien. L’analyse a permis de relever 2 facteurs de risque de fatigue qui auraient perturbé le rendement de l’équipage pendant le vol et au moment de l’événement. Premièrement, le moment du vol coïncidait avec la dépression circadienne nocturne (de 22 h 30 à 4 h 30), alors que les fonctions cognitives et le rendement général sont à leur plus bas. Deuxièmement, l’équipage n’avait pas accumulé suffisamment d’heures de sommeil réparateur au cours de la période de 24 heures qui a précédé l’événement, ce qui est considéré comme une perturbation aiguë du sommeil.
Des efforts ont été investis pour donner à l’équipage la possibilité de se reposer pendant le délai de 13,5 heures avant le départ. Cependant, comme il aurait été difficile pour l’équipage, qui avait l’habitude de dormir la nuit, de dormir l’après-midi et le soir, il n’a pas pu obtenir un sommeil réparateur suffisant au cours de la période de 24 heures précédant l’événement pour éviter la fatigue.
Comme l’exige le plan de gestion des risques associés à la fatigue de Sky Lease, les membres de l’équipage de conduite de l’événement à l’étude ont suivi une formation annuelle périodique en gestion des risques liés à la fatigue, qui comprenait des documents décrivant certaines des baisses de rendement les plus subtiles causées par la fatigue. Toutefois, pour le vol à l’étude, cette formation n’était pas suffisamment prégnante pour que l’équipage reconnaisse les effets plus subtils de la fatigue sur le rendement dans le cadre d’un vol qui a lieu tôt le matin, et en tienne compte.
La fatigue associée au sommeil altère la mémoire de travail, qui est utilisée pour résoudre les problèmes, et réduit la souplesse dans la méthode de résolution de problèmes d’une personne à l’égard d’une situation donnée. De plus, elle rend difficiles l’élaboration et l’essai d’une nouvelle solution par la personne fatiguée, ce qui accentue la probabilité que le cours normal des activités soit maintenu et conduit donc à omettre la révision du plan initial.
Un test de l’influence de la fatigue permet de comprendre si les actions des membres de l’équipage correspondent à ce que l’on connaît à propos du rendement humain en état de fatigue. En ce qui concerne les influences, des aspects du rendement et du fonctionnement cognitif de l’équipage étaient caractéristiques des effets connus de la fatigue sur le rendement : par exemple, les défis dans l’exécution des calculs de vitesse d’approche normalement faciles, les limitations dans leur capacité à déterminer l’effet d’un vent arrière et le manque de souplesse pour remettre en question le plan d’atterrissage en cours sur la piste 14 malgré l’existence de renseignements nouveaux et pertinents.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
En raison de la synchronisation du vol pendant la dépression circadienne nocturne et du fait que l’équipage avait eu un sommeil réparateur insuffisant au cours des 24 heures précédentes, l’équipage éprouvait de la fatigue liée à un manque de sommeil, ce qui a nui à son rendement et son fonctionnement cognitif pendant l’approche et l’atterrissage.
Le stress et la charge de travail peuvent également limiter la capacité de la mémoire de travail et la capacité d’effectuer des calculs qui autrement seraient simples. Ils peuvent aussi avoir une incidence négative sur le rendement de l’équipage en nuisant à l’intégration et aux modèles mentaux de l’équipe.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
Une charge de travail et un niveau de stress élevés en courte finale ont probablement aggravé les effets d’une fatigue nuisible au rendement, ce qui a réduit la capacité de l’équipage à déterminer l’effet du vent arrière et eu une influence sur sa décision de maintenir l’approche.
2.7.3 Biais cognitifs
Pour faire face à la grande quantité d’informations sensorielles présente dans l’environnement à un moment donné, les humains ont acquis des capacités cognitives normales d’adaptation pour faciliter le traitement de l’information, comme le fait de s’appuyer sur le premier élément d’information crédible (biais d’ancrage) ou rechercher des informations qui confirment l’évaluation ou la décision actuelle (biais de confirmation). L’inexpérience relative du commandant de bord avec le type d’aéronef et la conscience situationnelle erronée de l’équipage en ce qui avait trait à l’autre option d’atterrissage sur la piste 23 ont engendré des conditions qui peuvent faciliter le développement de biais cognitifs. Au cours de la planification avant le vol, l’équipage a consulté le commandant de bord effectuant un vol de mise en place. Ce dernier possédait une grande expérience à bord du type d’aéronef et avait récemment effectué une approche vers la piste 23 qu’il avait jugée difficile. Le commandant de bord effectuant un vol de mise en place a confirmé que l’équipage comprenait que la piste 14 était adéquate, compte tenu des conditions météorologiques et des conditions de l’aéronef, et que la piste 23 n’était pas disponible. Le modèle mental de l’équipage en ce qui a trait au plan d’atterrissage à CYHZ a donc été renforcé, et un biais d’ancrage s’est introduit au sein de l’équipage concernant cette information. Le commandant de bord effectuant un vol de mise en place n’était pas présent dans le poste de pilotage lors de l’approche et de l’atterrissage; il n’était donc pas présent au moment de la réception des nouveaux renseignements sur les vents.
Au cours du vol, le biais de confirmation et la tendance à s’en tenir au plan ont réduit la probabilité que l’équipage de conduite recherche, détecte et détermine des indices pertinents dans l’environnement qui auraient indiqué la nécessité de réviser le plan d’atterrissage sur la piste 14.
En dépit de ce biais et de cette tendance, en raison de son expérience globale importante dans le domaine de l’aviation, le commandant de bord était probablement conscient, à un niveau subconscient et affectif (c.-à-d. qu’il avait un sentiment instinctif), que la situation concernant la marge de la piste devenait critique à mesure que le vol se poursuivait. L’exposé du commandant de bord sur la remise des gaz en courte finale indique qu’il était préoccupé, à un certain degré, par le plan d’atterrissage. Toutefois, n’ayant qu’une expérience limitée sur le type d’aéronef et ne disposant que de données de performances fondées sur la distance d’atterrissage réelle, il ne savait pas exactement à quel point la marge de piste était limitée. La conscience situationnelle du commandant de bord manquait de précision quant aux calculs de la distance d’atterrissage; il était donc plus probable qu’il s’appuie sur les connaissances et les opinions des membres d’équipage les plus expérimentés (p. ex., le premier officier et le pilote de relève en croisière) pour confirmer l’intention de poursuivre l’atterrissage.
Ce maintien du plan, malgré une certaine anxiété de la part du PF et du PM, concorde avec la recherche menée sur la prise de décision qui indique que, dans certaines circonstances, les influences cognitives, comme le biais d’ancrage, le biais de confirmation et la tendance à s’en tenir au plan, peuvent rendre les personnes moins susceptibles de modifier une décision une fois que celle-ci est prise. Afin de changer le plan ou d’effectuer une remise des gaz, pour que l’équipage puisse prendre le temps nécessaire de reconsidérer l’approche, un indice aurait dû être suffisamment important pour que l’équipage puisse détecter, percevoir et comprendre ses conséquences (c.-à-d. que l’aéronef était susceptible d’effectuer une sortie en bout de piste).
Le manque de souplesse de l’équipage pour remettre en question le plan d’atterrissage en cours malgré l’existence de renseignements nouveaux et pertinents était caractéristique de certains effets connus de la fatigue sur le rendement.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
L’équipage pilotait dans un contexte cognitif de fatigue et de biais qui favorisaient l’ancrage et la confirmation d’information et, par conséquent, le maintien du plan initial, ce qui a augmenté la probabilité que l’approche se poursuive.
2.7.4 Vent arrière imprévu
Le style et la séquence des NOTAM ont poussé l’équipage et le service de régulation des vols à croire que la piste 23 n’était pas disponible pour l’atterrissage à CYHZ. Comme ils n’avaient pas examiné les plus récents messages d’information ATIS, les membres de l’équipage ne se sont pas rendu compte que la piste 23 était disponible. Cependant, le point critique de cette approche était le moment ou l’équipage s’est rendu compte, en courte finale, qu’il allait atterrir avec un vent arrière. Puisqu’il n’avait pas eu le temps de recalculer la distance d’atterrissage requise et d’évaluer les options à sa disposition, l’équipage a été confronté à la décision de maintenir plan ou de remettre les gaz. De son point de vue, et selon le tableau de distance d’atterrissage qu’il utilisait, l’atterrissage pouvait encore être effectué sur la surface de piste disponible. Par conséquent, l’équipage a convenu de maintenir le plan.
Même si l’aéronef était piloté selon les critères d’approche stabilisée, l’accident démontre comment plusieurs facteurs influant sur la distance d’atterrissage, même perçus comme étant mineurs individuellement, une fois combinés, peuvent réduire la marge de sécurité; dans une telle situation, tout facteur additionnel peut pousser l’approche à un point où l’aéronef ne peut plus être immobilisé sur la surface de piste disponible.
Pendant un atterrissage sur une courte piste, l’équipage a une sensibilité accrue au fait que la marge d’atterrissage est faible, de sorte que toute déviation ou tout changement de condition doit être immédiatement corrigé ou l’approche doit être interrompue. Toutefois, lorsque des activités sont menées sur une piste avec une plus grande marge, l’équipage n’a pas nécessairement cette sensibilité accrue. Bien qu’il y ait eu à l’origine une marge de sécurité raisonnable sur la piste pendant l’approche et l’atterrissage à l’étude, les conditions ont changé, et un vent arrière était présent, ce qui a entraîné une réduction importante de la longueur de piste disponible.
D’un point de vue de gestion opérationnelle des menaces et dans l’optique de la mise en application des mesures d’atténuation établies par bon nombre d’organisations, il semble évident, en rétrospective, qu’une remise des gaz aurait été la voie à suivre la plus sûre. Cependant, l’analyse de l’événement à l’étude démontre de quelle manière la fatigue, les biais cognitifs, la charge de travail et le stress peuvent entraver la prise de décisions de tout équipage. Étant donné que ces influences peuvent empêcher les équipages de voir que la marge de sécurité n’est plus acceptable pour l’atterrissage à venir, un déclencheur visant à réévaluer la situation devrait être un moyen de défense. Plus précisément, une composante vent arrière imprévue devrait être un déclencheur pour réviser les performances à l’atterrissage afin de déterminer si la marge de sécurité de la piste est toujours acceptable.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
L’équipage a reconnu la présence d’un vent arrière durant l’approche, à 1 minute et 21 secondes du seuil; probablement en raison de ce temps limité, l’équipage n’a pas pu recalculer les données de performance pour confirmer que la marge de sécurité de la piste était toujours acceptable.
3.0 Faits établis
3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.
- Le style de présentation et la séquence inefficaces des NOTAM mis à la disposition de l’équipage et du service de régulation des vols les ont amenés à croire que la piste 23 n’était pas disponible pour l’atterrissage à l’aéroport international Stanfield d’Halifax.
- L’équipage ignorait que l’aéronef ne satisfaisait pas aux exigences de masse à l’atterrissage avant le départ avec les volets étaient réglés à 25° pour la piste 14.
- En raison de la synchronisation du vol pendant la dépression circadienne nocturne et du fait que l’équipage avait eu un sommeil réparateur insuffisant au cours des 24 heures précédentes, l’équipage éprouvait de la fatigue liée à un manque de sommeil, ce qui a nui à son rendement et son fonctionnement cognitif pendant l’approche et l’atterrissage.
- L’utilisation de tableaux de distances d’atterrissage non pondérées (réelles) peut avoir donné à l’équipage l’impression qu’un atterrissage sur la piste 14 leur aurait accordé une marge de sécurité considérable sur la piste, ce qui ultimement a influencé sa décision de maintenir l’atterrissage en présence d’un vent arrière.
- Lors de la planification de l’approche, l’équipage a calculé une vitesse d’approche plus rapide d’une vitesse de référence + 10 nœuds au lieu du calcul recommandé de la vitesse de référence + 5 nœuds, car il a mal interprété le fait qu’un ajout au vent était nécessaire pour répondre aux conditions qui prévalaient.
- Le contrôle de la circulation aérienne n’a pas communiqué directement à l’équipage de nouveaux renseignements concernant un changement de piste en service, bien que lesdits renseignements aient été contenus dans le message du service automatique d’information de région terminale; l’équipage a ainsi continué de croire que l’approche et l’atterrissage sur la piste 14 étaient la seule possibilité.
- Pour l’approche, l’équipage a choisi le réglage type des volets à 25° plutôt que 30°, parce qu’il croyait avoir une marge de sécurité suffisante. Ce réglage a augmenté la distance d’atterrissage requise de 494 pieds.
- L’équipage pilotait dans un contexte cognitif de fatigue et de biais qui favorisaient l’ancrage et la confirmation d’information et, par conséquent, le maintien du plan initial, ce qui a augmenté la probabilité que l’approche se poursuive.
- L’équipage a reconnu la présence d’un vent arrière durant l’approche, à 1 minute et 21 secondes du seuil; probablement en raison de ce temps limité, l’équipage n’a pas pu recalculer les données de performance pour confirmer que la marge de sécurité de la piste était toujours acceptable.
- Une charge de travail et un niveau de stress élevés en courte finale a probablement aggravé les effets d’une fatigue nuisible au rendement, ce qui a réduit la capacité de l’équipage à déterminer l’effet du vent arrière et eu une influence sur sa décision de maintenir l’approche.
- La vitesse d’approche plus élevée de l’aéronef, la présence d’une composante vent arrière et la légère déviation au-dessus de l’alignement de descente ont augmenté la distance d’atterrissage requise à une distance supérieure à la longueur de piste disponible.
- Après le poser ferme, pour des raisons indéterminées, la manette de poussée du réacteur no 1 a été déplacée au-delà de la position de ralenti, ce qui a entraîné la rentrée des aérofreins et la désactivation du système de freinage automatique. La distance nécessaire pour immobiliser l’aéronef a ainsi été augmentée.
- L’angle de dérive vers la droite (4,5°) au point de poser initial, combiné à la composante vent de travers et à la sélection asymétrique des inverseurs, a fait dévier l’aéronef vers la droite par rapport à l’axe de piste.
- Durant la course à l’atterrissage, l’attention du pilote surveillant était dirigée vers la dérive latérale et, par conséquent, les annonces requises liées à la position des dispositifs de décélération n’ont pas été effectuées.
- L’attention du pilote aux commandes était sur la maîtrise de la dérive latérale et, sans l’aide des annonces pour la course à l’atterrissage, il n’a pas reconnu que tous les dispositifs de décélération n’étaient pas entièrement déployés et que le freinage automatique était débrayé.
- Bien que l’application manuelle des freins ait commencé 8 secondes après le point de poser, le freinage maximal n’a été effectué que 15 secondes plus tard, lorsque l’aéronef se trouvait à 800 pieds de l’extrémité de la piste. De cet emplacement, il n’était pas possible d’immobiliser l’aéronef et, 5 secondes plus tard, l’aéronef a quitté l’extrémité de la piste à une vitesse de 77 nœuds et il s’est immobilisé à 270 m (885 pieds) après l’extrémité de la piste.
- Au moment de la sortie en bout de piste, l’aéronef a traversé une dénivellation importante de 2,8 m (9 pieds) située à près de 166 m (544 pieds) après l’extrémité de la piste, subissant des dommages irréparables. Même si ce relief inégal dépassait l’aire de sécurité d’extrémité de piste proposée par Transports Canada, qui est de 150 m (492 pieds), il se trouvait dans l’aire de sécurité d’extrémité de piste de 300 m (984 pieds) recommandée par l’Organisation de l’aviation civile internationale.
3.2 Faits établis quant aux risques
Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements.
- Si le pilote surveillant n’annonce pas les conditions d’approche ou les augmentations de vitesse d’approche, le pilote aux commandes pourrait ne pas apporter de correctifs, ce qui augmenterait le risque d’une sortie en bout de piste.
3.3 Autres faits établis
Ces éléments pourraient permettre d’améliorer la sécurité, de régler une controverse ou de fournir un point de données pour de futures études sur la sécurité.
- L’enquête a permis de déterminer qu’il n’y avait pas eu d’hydroplanage par dévulcanisation du caoutchouc et qu’il n’y a vraisemblablement pas eu d’hydroplanage dynamique au cours de cet événement.
- Bien que l’on puisse s’attendre à un hydroplanage visqueux sur toutes les pistes mouillées, l’enquête a permis de déterminer que pendant le freinage maximal, le freinage de l’aéronef correspondait au freinage attendu sur la piste 14 dans les conditions de piste mouillée au moment des faits.
4.0 Mesures de sécurité
4.1 Mesures de sécurité prises
4.1.1 Sky Lease Cargo
Le Bureau est au courant de certaines mesures de sécurité qui ont été prises par le transporteur aérien à la suite de l’événement; cependant, le BST n’a pas reçu assez de documentation pour valider ces mesures.
4.1.2 NAV CANADA
NAV CANADA a publié un bulletin pour souligner l’importance de fournir des renseignements sur l’atterrissage aux pilotes et pour rappeler aux contrôleurs les procédures de la section Renseignements d’atterrissage du Manuel des services de la circulation aérienne.
Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .
Annexes
Annexe A – Carte d’approche ILS vers la piste 14 à l’aéroport international Stanfield d’Halifax (en anglais seulement)
Source: Jeppesen
Annexe B – Événements pendant la course à l’atterrissage
Position indiquée | Heure | Activité |
---|---|---|
1 | 5 h 05 min 37,95 s | L’aéronef effectue le poser initial. |
2 | 5 h 05 min 38,30 s | Le levier aérofreins automatique se place en position UP. |
3 | 5 h 05 min 38,56 s | La manette de poussée no 1 est déplacée au-delà de la position de ralenti. |
4 | 5 h 05 min 39,16 s | Le levier aérofreins automatique se place en position DOWN. |
5 | 5 h 05 min 39,31 s | Les manettes de poussée no 2, no 3 et no 4 sont replacées à la poussée inverse. |
6 | 5 h 05 min 40,42 s | Les commutateurs logiques air-sol indiquent une position logique momentanée en mode AIR. |
7 | 5 h 05 min 40,90 s | Les commutateurs logiques air-sol indiquent une position logique en mode GROUND. |
8 | 5 h 05 min 41,69 s | Les inverseurs de poussée no 2, no 3 et no 4 sont déployés. |
9 | 5 h 05 min 44,02 s | La manette de poussée no 1 est reculée; les aérofreins automatiques sont déployés à 100 %. |
10 | 5 h 05 min 49,54 s | Dérive latérale maximale vers la droite par rapport à l’axe de piste |
11 | 5 h 05 min 59 s | Le taux de décélération augmente de façon marquée. |
12 | 5 h 06 min 6 s | L’aéronef quitte la surface revêtue. |
13 | 5 h 06 min 16 s (estimation) | L’avion s’immobilise. |
Source : Google Earth, avec annotations du BST
Annexe C – Marques au sol
Annexe D – NOTAM pour l’aéroport international Stanfield d’Halifax (en anglais seulement)
Source: Sky Lease Cargo
Annexe E – Schéma d’aérodrome de l’aéroport international Stanfield d’Halifax (en anglais seulement)
Source: Jeppesen
Source: Jeppesen
Annexe F – Événements importants pendant l’approche et l’atterrissage
Tableau F1. Événements importants pendant l’approche et l’atterrissage
Heure | Événement | Direction et vitesse du vent | Vitesse sol (nœuds) | Altitude (pieds AGL) | Distance du seuil de piste (NM) | Temps écoulé jusqu’au seuil |
---|---|---|---|---|---|---|
4 h 00 min 0 s | Conditions météorologiques dans l’ATIS S | 230° 10 nœuds |
583 | FL370 | 562 | 1 h 05 min 34 s |
4 h 30 min 0 s | Exposé et préparation d’approche | s/o | 596 | FL370 | 265 | 0 h 35 min 34 s |
4 h 43 min 0 s | L’aéronef amorce la descente (FL370) | 230° 10 nœuds |
566 | 36 857 | 153,4 | 0 h 22 min 34 s |
4 h 54 min 0 s | La tour informe l’ACC que la piste en service est désormais la piste 23 | s/o | 455 | 15 000 | 57 | 0 h 11 min 34 s |
4 h 57 min 9 s | L’aéronef franchit les 10 000 pieds | s/o | 330 | 10161 | 34,8 | 0 h 08 min 25 s |
4 h 58 min 0 s | Diffusion de l’ATIS T | 230° 10 nœuds |
340 | 9000 | 30,3 | 0 h 07 min 34 s |
4 h 58 min 19 s | L’ACC autorise une approche ILS vers la piste 14 | s/o | 340 | 8481 | 28,6 | 0 h 07 min 15 s |
4 h 58 min 47 s | L’ATC autorise l’aéronef pour le TETAR (17 NM du seuil de piste) | s/o | 333 | 7774 | 26,1 | 0 h 06 min 47 s |
4 h 59 min 16 s | Volets 1 annoncés | s/o | 324 | 6740 | 23,4 | 0 h 06 min 18 s |
4 h 59 min 40 s | Volets 5 annoncés | s/o | 310 | 6567 | 21,4 | 0 h 05 min 54 s |
5 h 00 min 10 s | Volets 10 annoncés | s/o | 287 | 6036 | 18,9 | 0 h 05 min 24 s |
5 h 00 min 20 s | Alignement de descente saisi | s/o | 279 | 5871 | 18,2 | 0 h 05 min 14 s |
5 h 01 min 2 s | L’ACC transfère l’aéronef à la tour | s/o | 259 | 5242 | 15,3 | 0 h 04 min 32 s |
5 h 01 min 22 s | L’équipage communique avec la tour, reçoit la vérification des vents : vents soufflant du 260° à 15 nœuds selon l’ATIS T | 260° 15 nœuds |
257 | 4889 | 14,0 | 0 h 04 min 12 s |
5 h 01 min 33 s | Le PM confirme l’ATIS T | s/o | 256 | 4630 | 13,3 | 0 h 04 min 1 s |
5 h 02 min 15 s | Radiophare d’alignement de piste saisi (aéronef sur l’alignement de descente) | s/o | 264 | 3114 | 10,5 | 0 h 03 min 19 s |
5 h 02 min 29 s | Annonce GPWS : aéronef à 2500 pieds AGL | s/o | 245 | 2980 | 9,7 | 0 h 03 min 5 s |
5 h 02 min 46 s | La tour communique avec l’aéronef pour confirmer que la piste 14 est toujours acceptable | 260° 16 nœuds, rafales à 21 nœuds |
212 | 3008 | 8,6 | 0 h 02 min 48 s |
5 h 03 min 5 s | Le PM confirme que la piste 14 est toujours acceptable | s/o | 195 | 2921 | 7,5 | 0 h 02 min 29 s |
5 h 02 min 58 s | La tour autorise l’aéronef à atterrir | s/o | 198 | 2976 | 7,9 | 0 h 02 min 36 s |
5 h 03 min 30 s | L’équipage confirme la VREF | s/o | 188 | 2457 | 6,2 | 0 h 02 min 4 s |
5 h 03 min 37 s | L’équipage amorce les vérifications d’atterrissage | s/o | 184 | 2345 | 5,8 | 0 h 01 min 57 s |
5 h 04 min 3 s | L’équipage termine les vérifications d’atterrissage | s/o | 184 | 1930 | 4,5 | 0 h 01 min 31 s |
5 h 04 min 10 s | L’aéronef atteint le repère d’approche finale IMANO | s/o | 185 | 1817 | 4,1 | 0 h 01 min 24 s |
5 h 04 min 13 s | L’équipage confirme la présence d’un vent arrière | s/o | 185 | 1300 | 4,0 | 0 h 01 min 21 s |
5 h 04 min 46 s | L’équipage passe en revue les éléments de la remise des gaz | s/o | 179 | 800 | 2,3 | 0 h 00 min 48 s |
5 h 04 min 58 s | La tour communique à l’équipage les renseignements sur les vents | 250° 15 nœuds, rafales à 21 nœuds |
176 | 600 | 1,7 | 0 h 00 min 36 s |
5 h 05 min 11 s | L’équipage débraye le pilote automatique | s/o | 174 | 400 | 1,1 | 0 h 00 min 23 s |
5 h 05 min 34 s | L’aéronef se trouve au seuil de la piste 14 | s/o | 179 | 62 | 0 | 0 h 00 min 0 s |
Tableau F2. Séquence des événements à l’atterrissage, avec indication de la vitesse sol et de la longueur de piste restante
Heure | Événement | Vitesse sol (nœuds) | Piste restante (pieds) | Temps écoulé après le point de poser |
---|---|---|---|---|
5 h 05 min 34 s | L’aéronef se trouve au seuil de la piste 14 | 179 | 7700 | −0 h 00 min 4 s |
5 h 05 min 38 s | Point de poser | 179 | 6349 | 0 h 00 min 0 s |
5 h 05 min 40 s | Sélection de la poussée inverse pour les réacteurs 2, 3 et 4 | 177 | 5944 | +0 h 00 min 2 s |
5 h 05 min 46 s | Freinage manuel | 152 | 3596 | +0 h 00 min 8 s |
5 h 05 min 50 s | Dérive latérale maximale | 144 | 3069 | +0 h 00 min 12 s |
5 h 05 min 53 s | Freinage maximal annoncé | 130 | 2500 | +0 h 00 min 15 s |
5 h 06 min 1 s | Freinage maximal appliqué | 100 | 800 | +0 h 00 min 23 s |
5 h 06 min 6 s | Extrémité de piste | 77 | 0 | +0 h 00 min 28 s |
Annexe G – Limites d’atterrissage déterminées avant le départ; tableaux d’analyse de piste (en anglais seulement)
Source: Sky Lease Cargo
Source: Sky Lease Cargo
Annexe H – Tableaux des distances d’atterrissage réelles (non pondérées)
Tableau H1. Valeurs de référence utilisées par le BST pour les ajustements à la distance d'atterrissage
Poids | Altitude pression | Vents | Pente | Temp. | VREF | Poussée inverse | Hauteur additionnée au seuil |
---|---|---|---|---|---|---|---|
265 852 kg | 716 pieds | Voir le tableau ci-dessous (Position) | +0,54° | 15 °C | +5 nœuds* | Pleinement opérationnelle | +12 pieds |
* VREF + 14 nœuds (vitesse réelle indiquée) est utilisé à la position « RWY thrsld »
Tableau H2. Valeurs de référence utilisées par le BST pour les ajustements à la distance d’atterrissage
Poids | Altitude pression | Vents | Pente | Temp. | VREF | Poussée inverse | Hauteur additionnée au seuil |
---|---|---|---|---|---|---|---|
265 852 kg | 716 pieds | Voir le tableau ci-dessous (Position) | +0,54° | 15 °C | +5 nœuds* | 0 | +12 pieds |
* VREF + 14 nœuds (vitesse réelle indiquée) est utilisé à la position « RWY thrsld »
Glossaire
- AAIH
- Administration de l’Aéroport international d’Halifax
- ABC
- coefficient de freinage de l’aéronef
- AC
- circulaire d’information
- ACARS
- système embarqué de communications, d’adressage et de compte rendu
- ACC
- centre de contrôle régional
- AGL
- au-dessus du sol
- ALS
- balisage lumineux d’approche
- ALSF-2
- balisage lumineux d’approche de haute intensité avec feux à éclats séquentiels – CAT II ou III
- APM
- avis de proposition de modification
- ATC
- contrôle de la circulation aérienne
- ATIS
- service automatique d’information de région terminale
- ATPL
- licence de pilote de ligne
- ATSB
- Australian Transport Safety Bureau
- CRM
- gestion des ressources de l’équipage
- CVR
- enregistreur de conversations de poste de pilotage
- CYHZ
- aéroport international Stanfield d’Halifax (Nouvelle-Écosse)
- CYYZ
- aéroport international Lester B. Pearson de Toronto (Ontario)
- EICAS
- système d’affichage des paramètres réacteurs, de mise en garde et d’alarme
- FAA
- Federal Aviation Administration des États-Unis
- FAR
- Federal Aviation Regulations des États-Unis
- FAST
- fatigue avoidance scheduling tool
- FDR
- enregistreur de données de vol
- FL
- niveau de vol
- FSF
- Fondation pour la sécurité aérienne
- GNSS
- système mondial de navigation par satellite
- IAS
- vitesse indiquée
- ILS
- système d’atterrissage aux instruments
- inHg
- pouces de mercure
- IRO
- pilote de relève en croisière
- KBGR
- aéroport international de Bangor (Maine, États-Unis)
- KORD
- aéroport international O’Hare de Chicago (Illinois, États-Unis)
- KSFO
- aéroport international de San Francisco (Californie, États-Unis)
- LNAV
- navigation latérale
- LPV
- performance d’alignement de piste avec guidage vertical
- M
- magnétique
- METAR
- message d’observation météorologique régulière d’aérodrome
- NDB
- radiophare non directionnel
- NM
- mille marin
- NTSB
- National Transportation Safety Board (États-Unis)
- OACI
- Organisation de l’aviation civile internationale
- PANC
- aéroport international Ted Stevens d’Anchorage (Alaska, États-Unis)
- PAPI
- indicateur de trajectoire d’approche de précision
- PF
- pilote aux commandes
- PIREP
- compte rendu météorologique de pilote
- PM
- pilote surveillant
- P/O
- premier officier
- QRH
- Quick Reference Handbook [Manuel de référence rapide]
- RAC Règlement de l’aviation canadien
- RCLL
- feux d’axe de piste
- RESA
- aire de sécurité d’extrémité de piste
- REV
- indication lorsque l’inverseur est déverrouillé ou en mouvement
- RNAV
- navigation de surface
- RNP
- qualité de navigation requise
- RTHL
- feux de seuil de piste
- RTZL
- feux de zone de poser
- SAFO
- Safety Alert for Operators [alerte à la sécurité à l’intention des exploitants aériens]
- SLIA
- sauvetage et lutte contre les incendies d’aéronefs
- SM
- mille terrestre
- SOCC
- System Operations Control Center (système de planification de vol du centre d’exploitation)
- SOP
- procédure d’exploitation normalisée
- SPECI
- message d’observation météorologique spéciale d’aérodrome
- SSALR
- balisage lumineux d’approche courte simplifiée avec feux indicateurs d’alignement de piste
- TAF
- prévision d’aérodrome
- TC
- Transports Canada
- TP 312
- Normes et pratiques recommandées pour les aérodromes
- UOM
- Unit Operations Manual [Manuel d’exploitation d’unité]
- V
- vrai
- VREF
- vitesse de référence
- VNAV
- navigation verticale
- ZGHA
- aéroport Huanghua de Changsha (Hunan, Chine)