Rapport d'enquête aéronautique A14W0177

Effondrement du train d’atterrissage principal droit
Jazz Aviation LP (sous la bannière Air Canada Express)
DHC-8-402, C-GGBF
Aéroport international d’Edmonton
Edmonton (Alberta)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le Bombardier DHC-8-402 (immatriculation C-GGBF, numéro de série 4433) effectuant le vol JZA8481 de Jazz Aviation LP (exploité sous la bannière Air Canada Express) a quitté l’aéroport international de Calgary (CYYC) pour assurer le vol prévu à destination de Grande Prairie (Alberta). Pendant la course au décollage, le pneu numéro 3 du train principal a éclaté. Le vol a été dérouté vers l’aéroport international d’Edmonton (CYEG); le service Sauvetage et lutte contre les incendies d’aéronefs attendait l’aéronef, qui devait atterrir sur la piste 02. Au toucher des roues, à 20 h 30, heure normale des Rocheuses, le train principal droit s’est effondré. Au moment du contact avec le sol, toutes les pales de l’hélice droite se sont détachées, et l’une d’elles a pénétré la paroi de la cabine. L’aéronef s’est immobilisé à l’extérieur de la piste, du côté droit (est) de celle-ci. Les passagers et l’équipage ont évacué l’aéronef par les 4 sorties. Trois passagers ont été légèrement blessés. Aucun incendie ne s’est déclaré après l’accident. L’accident est survenu pendant les heures d’obscurité.

    Renseignements de base

    Déroulement du vol

    Le 6 novembre 2014, le vol JZA8481 de Jazz Aviation LP (exploité sous la bannière Air Canada Express) a décollé de l'aéroport international de Calgary (CYYC) à 19 h 47Note de bas de page 1 pour effectuer un vol prévu vers l'aéroport de Grande Prairie (CYQU; Alberta).

    Pendant la course au décollage, juste avant que l'aéronef Bombardier DHC-8-402 (immatriculation C-GGBF, numéro de série 4433) atteigne la vitesse de rotation (Vr), des vibrations se sont fait sentir et ont cessé une fois que l'aéronef a quitté le sol. Après avoir rentré le train d'atterrissage et avoir entamé la montée, l'équipage de conduite a discuté de ces vibrations. L'équipage de cabine a avisé les pilotes qu'un pneu avait éclaté.

    Les pilotes ont communiqué avec les équipes d'entretien et d'exploitation de la compagnie sur les canaux de communication radio très haute fréquence de la compagnie. Compte tenu des forts vents traversiers à CYYC, on a écarté la possibilité d'y retourner et décidé d'atterrir à l'aéroport international d'Edmonton (CYEG) et de changer d'aéronef en raison du pneu éclaté. Le personnel d'entretien a recommandé d'éviter tout atterrissage brutal.

    Le contrôle de la circulation aérienne (ATC) a demandé à l'aéronef de maintenir une altitude de 13 000 pieds au-dessus du niveau de la mer. L'équipage de cabine a confirmé que le pneu numéro 3 avait éclaté et a mentionné que quelque chose avait heurté l'arrière du fuselage.

    Pendant la phase d'approche de l'atterrissage, le tableau de commande du train d'atterrissage indiquait que celui-ci était sorti et verrouillé. L'aéronef a touché en douceur la piste 02 à CYEG. Après la mise en rotation des roues, une forte vibration a secoué l'aéronef 2,4 secondes après le contact initial des roues avec la piste; alors que le train avant était toujours dans les airs, le train d'atterrissage principal de droite s'est effondré. Toutes les pales de l'hélice de droite ont touché la piste et se sont détachées. Une partie importante de l'une des pales a pénétré la cabine de l'aéronef près de la rangée 7. Au même moment où l'hélice a touché le sol, le train avant a heurté le sol violemment, et ses pneus ont éclaté. L'aéronef a glissé légèrement vers la droite et s'est immobilisé à l'extérieur de la piste, du côté droit de celle-ci, à environ 3200 pieds du point de toucher initial (photo 1).

    Photo 1. L'aéronef en cause sur les lieux de l'accident
    Image
    L'aéronef en cause sur les lieux de l'accident

    Enregistreur numérique de données de vol

    Les données de l'enregistreur numérique de données de vol (DFDR) de l'aéronef ont été analysées au laboratoire du BST. L'analyse a principalement porté sur la course au décollage, lorsque le pneu a éclaté, et l'effondrement subséquent du train principal au moment de l'atterrissage. Le DFDR a enregistré des accélérations dans les 3 axes et a fourni des renseignements sur les vibrations que l'aéronef a subies lorsque le pneu a éclaté. Les données sur le train d'atterrissage comprenaient un certain nombre de signaux discrets indiquant l'état des verrous train rentré et des verrous train sorti du train avant et des trains principaux, la position du levier de commande du train et la condition de la référence air-sol.

    L'équipage de conduite a sorti le train d'atterrissage au moment où l'aéronef passait en descente une altitude d'environ 7800 piedsNote de bas de page 2 au-dessus du niveau de la mer avant l'interception du système d'atterrissage aux instruments de la piste 02. À ce moment, l'aéronef se trouvait à environ 18 milles marins de CYEG. Les trains principaux et avant sont passés normalement de « rentrés et verrouillés » à « sortis et verrouillés ». Pendant l'approche, le système principal d'avertissement et d'alarme n'a rien affiché, et les instruments n'ont rien indiqué d'anormal quant à la pression du circuit hydraulique ou la quantité de fluide hydraulique.

    Selon des renseignements fournis par le fabricant du train d'atterrissage (Goodrich Aerospace Canada Ltd.), le signal de sortie discrète des verrous train sorti du train d'atterrissage principal s'active lorsque : (1) le capteur train sorti du système principal ou auxiliaire de chaque train principal détecte l'état « sorti et verrouillé »; et (2) au moins 1 capteur train sorti de chaque train principal n'est pas défectueuxNote de bas de page 3. En plus de ces conditions, si les verrous train sorti de l'un ou l'autre des trains principaux se libèrent, le signal de sortie discrète se désactive (c.-à-d., l'état du train principal passe à « non sorti et verrouillé »).

    À l'exception du pneu éclaté, aucune condition anormale n'était indiquée. Ainsi, l'équipage de conduite s'attendait à effectuer un atterrissage normal et a appliqué toutes les procédures adéquates pour un tel atterrissage. L'équipage de conduite n'a pas déclaré de situation d'urgence et n'a pas demandé à ce que le service Sauvetage et lutte contre les incendies d'aéronefs soit mis en alerte. Toutefois, on l'a quand même dépêché sur place pendant l'atterrissage de l'aéronef.

    Une référence air-sol du train principal a été momentanément enregistrée à une vitesse corrigée de 118 nœuds. Les manettes des gaz ont été placées à la position de ralenti de vol au moment de cette première référence air-sol du train principal, et on a enregistré un facteur de charge verticale d'environ +1,05 gNote de bas de page 4. Environ 1,5 seconde plus tard, une référence air-sol complète du train principal a été enregistrée à une vitesse corrigée de 114 nœuds, et on a enregistré un facteur de charge verticale de +1,07 g. Cela indique un toucher des roues très léger et un atterrissage en douceur. À ce moment, les manettes des gaz ont été placées en deçà de la position de ralenti de vol et les déporteurs sol ont été déployés. Le signal discret de la plage bêta de l'hélice a subséquemment enregistré un pas inverseNote de bas de page 5.

    L'aéronef a soudainement roulé vers la droite 2,3 secondes après la deuxième référence air-sol du train principal, ce qui est compatible avec l'effondrement du train principal droit. À ce moment, la vitesse corrigée de l'aéronef était d'environ 105 nœuds. Pendant l'effondrement du train, les manettes des gaz étaient placées à la position pas inverse. La référence air-sol du train principal est repassée à « air » et le signal discret « sorti et verrouillé » du train principal, lequel est échantillonné toutes les 4 secondes, passait de « sorti et verrouillé » à « non sorti et verrouillé ». Une alarme sonore a retenti, et plusieurs paramètres discrets du DFDR, y compris des signaux d'avertissement principal et d'alarme principale, et de « contact avec la piste », se sont activés. Une pointe d'accélération verticale de 2,68 g a été enregistrée lorsque l'aéronef a roulé vers la droite et a heurté le sol. Le DFDR n'avait enregistré au préalable ni avertissements, ni alarmes, ni indications anormales liées au circuit hydraulique ou au train d'atterrissage.

    Masse et centrage

    L'enquête a révélé que l'aéronef était exploité à l'intérieur de toutes les limites de masse et de centrage. L'équipage de conduite avait calculé une masse à l'atterrissage de 61 800 lb et utilisait des vitesses de référence correspondant à une masse maximale à l'atterrissage de 62 000 lb.

    Équipage de conduite

    Les dossiers indiquent que l'équipage de conduite possédait les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur.

    Le commandant de bord comptait 59 heures sur les aéronefs Dash 8 de série Q400 et 11 998 heures sur des modèles antérieurs de l'aéronef Dash 8, soit une expérience totale de 18 223 heures. Le commandant de bord avait effectué, au total, 16,1 heures de vol au cours des 7 jours précédents, et avait eu une journée complète de repos avant le vol au soir du 6 novembre 2014.

    Le copilote avait 1500 heures de vol sur les aéronefs de série Q400 et une expérience totale de 2800 heures. Le copilote avait effectué, au total, 16,6 heures de vol au cours des 7 jours précédents, et avait eu une journée complète de repos avant le vol au soir de l'événement à l'étude.

    L'équipage était suffisamment reposé, ayant obtenu assez de temps de repos durant son appariement.

    Le copilote agissait comme pilote aux commandes pour ce segment, et le commandant de bord agissait comme pilote surveillant.

    Renseignements sur l'exploitant

    Jazz Aviation LP (exploité sous la bannière Air Canada Express) effectue des activités assujetties à la sous-partie 705 du Règlement de l'aviation canadien (RAC). Cette compagnie se conforme depuis 2007 aux exigences relatives au système de gestion de la sécurité de la sous-partie 7 de la partie 1 du RAC. Elle exploite 125 aéronefs, dont des Dash 8, Regional Jet, et Q400 NextGen de Bombardier; sa flotte comprend 21 aéronefs Q400.

    Conditions météorologiques

    À 21 h 13 (17 minutes avant l'accident), un message spécial d'observation météorologique régulière pour l'aviation (SPECI METAR) a été émis, lequel indiquait ce qui suit : vents 290° vrais à 4 nœuds, direction variant de 270° à 340° vrais; visibilité 15 milles terrestres avec  quelques nuages à 1000 pieds au-dessus du sol (agl), nuages fragmentés à 5800 pieds agl, couvert nuageux à 11 000 pieds agl; température 5 °C; point de rosée 3 °C; calage altimétrique 29,61 pouces de mercure.

    À 21 h 34 (4 minutes après l'immobilisation de l'aéronef), un autre message SPECI METAR a été émis. Celui-ci indiquait ce qui suit : vents 320° vrais à 7 nœuds; visibilité 15 milles terrestres, faibles averses de pluie, quelques nuages à 100 et 3000 pieds agl, nuages fragmentés à 4800 pieds agl, et couvert nuageux à 7500 pieds agl.

    Entretien

    On a effectué un examen approfondi des dossiers d'entretien récents et des activités d'entretien dont les composants impliqués dans l'événement à l'étude ont fait l'objet. Tous les systèmes et composants directement impliqués ont été soumis à des inspections et des essais approfondis. Aucune anomalie n'a été relevée. Tous les dossiers indiquent que l'aéronef était homologué, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées.

    L'aéronef en cause était doté d'un pneu fabriqué par Dunlop Aircraft Tyres Ltd. qui avait été rechapé une fois. Immédiatement après l'accident, la direction de Jazz Aviation a décidé de réduire les risques futurs de dommages causés par les pneus du train d'atterrissage principal en n'utilisant plus de pneus rechapés sur les aéronefs DHC-8-Q400 de sa flotte; cette politique est en vigueur depuis le 10 novembre 2014.

    Lieu de l'accident et sillon laissé par l'épave

    L'hélice a laissé des marques d'impact à intervalles d'environ 2 pieds au sol sur une distance d'environ 40 pieds (figure 1). À une vitesse de rotation de l'hélice de 1020 tours par minute (tr/min), laquelle a été confirmée par l'équipage de conduite et enregistrée par le DFDR, ces marques d'impact indiquent une vitesse sol d'environ 120 nœuds. Toutefois, le DFDR a enregistré une vitesse corrigée de 105 nœuds au moment de l'effondrement du train, et une vitesse corrigée de 118 nœuds juste avant l'effondrement, au moment où la référence air-sol a été enregistrée.

    Figure 1. Trajectoire d'atterrissage du vol Jazz 8481 sur la piste 02
    Image
    Schéma du trajectoire d'atterrissage du vol Jazz 8481 sur la piste 02

    Le train avant a laissé des marques sur la piste indiquant qu'il a touché la piste brutalement au même moment où l'hélice a commencé à faire des marques au sol. La distance entre les marques faites par l'hélice et le point de contact du train avant équivalait à la distance entre le plan de rotation des hélices et l'emplacement du train avant sur l'aéronef.

    L'aéronef s'est posé légèrement à la droite de l'axe médian de la piste 02, à 2435 pieds du seuil de celle-ci. L'aéronef a conservé le cap de piste pendant toute la phase d'atterrissage, au moment de l'effondrement du train et pendant la glissade subséquente. Il s'est immobilisé 3190 pieds après avoir touché le sol. Les roues du train principal gauche étaient toujours sur la piste. Le côté gauche du fuselage reposait sur le bord droit de la surface asphaltée de la piste et était toujours parallèle à celle-ci. L'aile droite touchait le sol. Le train avant s'était effondré vers l'arrière pendant la glissade et se trouvait à environ 5 pieds du bord droit de la surface asphaltée de la piste.

    Blessures

    Les passagers prenant place dans les sièges 7F, 8F et 7C ont été blessés lorsqu'une partie d'une pale de l'hélice a percé le fuselage (figure 2); ils ont été blessés par des morceaux de plastique garnissant l'intérieur de la cabine (paroi murale, hublot, etc.) qui ont été projetés dans la section sièges. Les passagers ont également subi des traumatismes contondants, des abrasions et des plaies mineures par perforation. Personne n'a été blessé pendant l'évacuation.

    Figure 2. Plan de la cabine du vol Jazz 8481 montrant l'emplacement des passagers blessés
    Image
    Plan de la cabine du vol Jazz 8481 montrant l'emplacement des passagers blessés

    Évacuation

    Les sorties et les fenêtres d'évacuation d'urgence de l'aéronef étaient certifiées conformément à la Partie V – Navigabilité (sous-partie 525) du RACNote de bas de page 6. Une fumée brumeuse provenant d'une ou de plusieurs sources inconnues a envahi la cabine pendant l'évacuation, mais n'a pas réduit la visibilité. L'éclairage d'urgence était allumé.

    Le premier passager à évacuer l'aéronef a passé par la porte 2L, 23 secondes après l'immobilisation de l'aéronef. Les passagers ont évacué l'aéronef par les 4 sorties. La porte 1L (porte principale à escaliers escamotables) a été la dernière à être utilisée, car on a eu de la difficulté à l'ouvrir. Comme cette porte est dotée de contrepoids et que l'aéronef avait roulé du côté droit, les 2 membres de l'équipage de conduite ont dû combiner leurs efforts pour l'ouvrir. L'ouverture de la porte 2R a également nécessité des efforts considérables. Avant que soit autorisée l'évacuation des passagers par la porte 2R, l'agent de bord se trouvant à l'arrière a dû sortir de l'aéronef par la porte 2L et faire le tour de l'aéronef pour veiller depuis l'extérieur à ce que la porte soit maintenue ouverte par le dispositif de blocage de la porte 2R.

    Seize secondes après l'immobilisation de l'aéronef, les 2 agents de bord ont commencé à ordonner l'évacuation des passagers. Tous les passagers ont évacué l'aéronef en moins de 1 minute.

    Vingt-six secondes après l'immobilisation de l'aéronef, le commandant de bord a donné l'instruction d'évacuer l'aéronef du côté droit, mais les passagers et les agents de bord n'ont pas entendu cette instruction. Les enquêteurs du BST ont testé l'interphone et ont constaté que celui-ci fonctionnait normalement.

    Un passager se trouvant au milieu de la cabine a tenté de prendre un bagage à main avant de se rendre à l'arrière de l'aéronef. D'autres passagers l'ont convaincu de laisser son bagage dans l'aéronef. Cela a légèrement retardé les passagers tentant de se rendre aux sorties situées à l'arrière de l'aéronef.

    Un autre passager a eu de la difficulté à détacher sa ceinture de sécurité, car il n'arrivait pas à en trouver la boucle. Un autre passager a remarqué le passager en difficulté et l'a aidé à déboucler sa ceinture de sécurité.

    Une fois à l'extérieur, les passagers ont formé des groupes de chaque côté de l'aéronef.

    Intervention d'urgence à l'aéroport international d'Edmonton

    Dans le manuel des procédures d'urgenceNote de bas de page 7 de CYEG, on retrouve les procédures à suivre pour évacuer les passagers du lieu d'un accident ou d'un incident. L'autorité aéroportuaire possède un système d'appel qui mobilise tous les autobus à 30 sièges assurant le service de navette du stationnement pour qu'ils se rendent immédiatement sur place afin de participer à l'évacuation. Au besoin, elle peut aussi demander l'assistance de taxis. Le soir de l'événement à l'étude, 5 autobus et 3 ambulances se sont rendus sur les lieux de l'accident, et 10 autres ambulances ont été mises en alerte dans une zone de rassemblement. Les autobus ont été appelés environ 6 minutes après l'évacuation des derniers passagers de l'aéronef; 13 minutes plus tard, tous étaient arrivés sur les lieux de l'accident et faisaient monter les passagers à bord. Les autobus ont commencé à quitter le lieu de l'accident environ 31 minutes plus tard.

    Manuel de référence rapide de Jazz Aviation pour le Q400

    Le manuel de référence rapide (QRH)Note de bas de page 8 de Jazz Aviation pour le Q400 est conçu pour permettre aux pilotes formés de s'assurer que les bonnes procédures ont été appliquées dans les situations normales, anormales et d'urgence. Les renseignements figurant dans le QRH sont basés sur le manuel de vol de l'aéronef (MVA) de Bombardier, le manuel d'exploitation de l'aéronef et le Manuel d'information aéronautique de Transports CanadaNote de bas de page 9.

    Le QRH ne contient pas de procédures particulières relatives à un pneu endommagé.

    Manuel de vol de l'aéronef

    Le MVA comporte une section sur les atterrissages d'urgence, mais aucune procédure pour un atterrissage avec un pneu dégonflé. L'équipage de conduite a effectué un atterrissage normal en se référant aux renseignements fournis dans le QRH et le MVA et aux renseignements fournis par l'équipage de cabine et le personnel d'entretien.

    Manuel d'exploitation de la compagnie

    Dans le manuel d'exploitation de la compagnie, on fait référence à 3 types d'atterrissages : normal, anormal et d'urgence. Dans le cas d'un atterrissage normal, il n'est pas nécessaire de faire des préparatifs d'urgence, et l'on prépare la cabine en vue d'un atterrissage de routine. Un atterrissage anormal nécessite un niveau d'alerte élevé. L'équipage de cabine se prépare à une situation d'urgence possible en écoutant toutes les annonces publiques faites par l'interphone, en suivant les instructions du commandant de bord, etc. Un atterrissage d'urgence est une situation sérieuse pendant laquelle l'équipage de cabine doit suivre toutes les procédures d'urgence et les directives du commandant de bord. L'équipage de cabine doit utiliser la liste de vérification des procédures d'atterrissage d'urgence pour préparer les passagers et la cabine en vue de l'atterrissage.

    Le 17 juin 2014, Bombardier a publié la lettre de service sur les opérations aériennes (FOSL) DH8-400-SL-32-013B [traduction] :

    Note de bas de page 10

    Cette lettre de service comprend des mesures que les équipages de conduite peuvent prendre en considération dans l'éventualité d'une condition dangereuse du train d'atterrissage; celles-ci comprennent le déplacement des passagers occupant des sièges le long du plan de rotation des hélices. Pendant le vol à l'étude, les pilotes ont obtenu une indication « train sorti et verrouillé » parfaitement sécuritaire; ainsi, il n'était pas justifié ou nécessaire de déplacer les passagers comme le suggérait la FOSL à laquelle l'équipage de conduite s'est référé avant l'atterrissage.

    Hélices

    Au contact initial avec le sol, le bout des pales de l'hélice a éclaté en petits morceaux, puis les pales se sont cisaillées au niveau du moyeu lorsqu'elles se sont rapprochées du sol. Il s'agit d'un mode de défaillance attendu et normal lorsque des pales en matériau composite entrent en contact avec des objets solides. Une partie renforcée du fuselage (nommée le « bouclier antigivrage ») est conçue pour résister à la glace qui se détache des pales des hélices dans les conditions de givrage, mais n'est pas conçue pour résister aux impacts d'objets, dont les débris de pales d'hélices.

    Éclatement du pneu

    Le pneu numéro 3 du train d'atterrissage principal était dégonflé, mais toujours fixé à la roue; on l'a envoyé au laboratoire du BST aux fins d'examen. Les surfaces de rupture des fragments de l'enveloppe et de la bande de roulement montraient des signes caractéristiques d'une déchirure rapide, sauf à quelques endroits où l'on a observé des dommages par abrasion causés par le contact avec la piste. On n'a pas constaté de signes de coupures ou de trous dans les fragments de pneu récupérés. Le pneu numéro 3 du train d'atterrissage principal a subi un éclatement par choc; il est vraisemblable que l'aéronef ait roulé sur un objet solide à vitesse élevée pendant la course décollage.

    L'enquête a permis d'établir que certaines compagnies aériennes ont constaté que le pneu numéro 3 du train principal éclate plus souvent que les autres pneus sur les aéronefs de série Q400. Les aéronefs qui n'utilisent pas de passerelles d'embarquement effectuent parfois des virages à droite prononcés lorsqu'ils quittent la porte d'embarquement sans l'assistance d'un tracteur, et on utilise les freins du côté droit pour faciliter une telle manœuvre. Ce freinage intense et ces virages prononcés peuvent soumettre la bande de roulement et les flancs du pneu numéro 3 à des forces de cisaillement extrêmes, car il s'agit du point de pivotement.

    Description et fonctionnement du circuit du train d'atterrissage

    On fournit à l'annexe A des illustrations du train principal.

    Le levier de commande du train d'atterrissage et le module électronique des capteurs de proximité (en anglais, proximity sensor electronic unit, PSEU) commandent le fonctionnement du train d'atterrissage. Le circuit hydraulique numéro 2 actionne le train d'atterrissage.

    La rentrée et la sortie hydrauliques sont amorcées lorsque le levier de commande du train d'atterrissage est placé à la position voulue. Le PSEU vérifie l'état du train d'atterrissage principal et des trappes de celui-ci, et les compare à la commande sélectionnée. Le PSEU s'assure que le train est à l'état « sorti et verrouillé » à l'aide des 2 capteurs de proximité de chaque train principal, du capteur train rentré et d'un capteur de trappe. Lorsque ces capteurs et leurs cibles sont proches (lecture de la condition « NEAR » par le PSEUNote de bas de page 11), on obtient l'indication que le train d'atterrissage est sorti et verrouillé. Lorsque le train d'atterrissage n'est pas sorti et verrouillé ou est en transition, les capteurs de proximité transmettent la condition « FAR »Note de bas de page 12 au PSEU. Le PSEU commande également les séquences hydrauliques nécessaires pour sortir ou rentrer complètement le train d'atterrissage. Dans le poste de pilotage, l'état du train d'atterrissage et de ses trappes est affiché par des voyants du tableau de commande du train d'atterrissage. Un voyant d'avertissement de défectuosité du train d'atterrissage (landing gear inoperative, « LDG GEAR INOP ») du panneau d'avertissements et d'alarmes s'illumine lors de la détection d'une défectuosité du système de rentrée et de sortie du train d'atterrissage.

    • Le train d'atterrissage commence à sortir lorsque le levier de commande du train d'atterrissage est déverrouillé et placé à la position « down  » (DN).
    • Le solénoïde de sortie de la vanne sélectrice est alimenté en électricité.
    • La vanne sélectrice alimente le côté « sortie » du circuit hydraulique du train d'atterrissage en fluide hydraulique d'une pression et d'un débit adéquats.

    Sortie du train d'atterrissage principal

    Lorsque le levier de commande du train d'atterrissage est placé à la position « DN », les 2 vannes électromagnétiques de séquence (en anglais, solenoid sequence valves, SSV) du train d'atterrissage principal demeurent hors tension. Au début d'une séquence normale de sortie du train d'atterrissage principal, ces SSV hors tension alimentent le côté « rentrée » des vérins des trappes arrière du train d'atterrissage principal en fluide sous pression hydraulique, ce qui fait ouvrir les trappes arrière du train d'atterrissage principal. Lorsque les trappes arrière du train d'atterrissage principal sont ouvertes à environ 93 %, la tringlerie de ces trappes actionne les vannes de séquence mécanique. Ces vannes alimentent en fluide sous pression hydraulique les vérins de déverrouillage train rentré et le côté « train sorti » des vérins de rentrée du train d'atterrissage principal. Le train d'atterrissage principal commence ensuite à sortir jusqu'à la position « sorti et verrouillé ».

    Trois capteurs de proximité sont utilisés pour surveiller la séquence de sortie du train d'atterrissage principal. Chaque train d'atterrissage principal est doté de 2 capteurs train sorti et de 1 capteur de fermeture des trappes arrière. Lorsque le PSEU reçoit les signaux d'entrée indiquant que le train d'atterrissage est sorti et verrouillé, il met les SSV sous tension.

    Les vérins des trappes arrière du train d'atterrissage principal sont alors alimentés en fluide sous pression hydraulique, et ces trappes se ferment. À environ 7 % de la course inversée des trappes du train d'atterrissage principal, les vannes de séquence mécaniques se ferment. Cela isole les vérins de rentrée du train d'atterrissage principal du reste du système hydraulique. À la fin de la séquence de sortie, des restricteurs maintiennent une pression de 3000 livres par pouce carré (psi) sur le côté « train sorti » des vérins de rentrée du train d'atterrissage principal.

    Lorsque le train d'atterrissage est sorti et verrouillé, les SSV et le solénoïde de sortie de la vanne sélectrice sont continuellement sous tension. Cela maintient une pression hydraulique sur le côté « train sorti » des vérins de rentrée et des vérins de déverrouillage du train d'atterrissage principal, ce qui aide à maintenir les biellettes de verrouillage à la position de verrouillage de la contrefiche de stabilisation.

    Tableau de commande du train d'atterrissage

    On peut commander et surveiller le fonctionnement du train d'atterrissage depuis le tableau de commande du train d'atterrissage, lequel est situé sur le tableau de bord avant du poste de pilotage, à droite de l'écran des paramètres moteur. Sur ce tableau de commande, on retrouve le levier de commande du train d'atterrissage, le levier de déverrouillage du levier de commande, les voyants d'état du train d'atterrissage et un interrupteur de mise en sourdine/d'essai de l'avertisseur de train d'atterrissage. On peut sortir ou rentrer le train d'atterrissage à l'aide du levier de commande. Un voyant orange encastré dans ce levier de commande s'illumine lorsque la position du train d'atterrissage ne correspond pas à la position du levier de commande ou que l'une des trappes du train d'atterrissage n'est pas fermée.

    Vanne sélectrice du train d'atterrissage

    La vanne sélectrice du train d'atterrissage est un ensemble autonome composé de 2 vannes électromagnétiques. Elle utilise le fluide hydraulique sous pression pour régler la position d'un distributeur à ressort centré. Selon la position de la vanne, le circuit hydraulique de sortie ou de rentrée du train d'atterrissage est alimenté en fluide hydraulique sous pression. Le circuit du train d'atterrissage peut être configuré pour une sortie ou une rentrée normale.

    Vérin de déverrouillage du train d'atterrissage principal

    Le vérin de déverrouillage du train d'atterrissage principal est doté de 2 ports auxquels des conduites hydrauliques sont fixées et rendues étanches à l'aide de joints toriques. Le vérin de déverrouillage du train d'atterrissage principal est fixé à la contrefiche de stabilisation du train d'atterrissage principal. La principale fonction de ce vérin est de déverrouiller la contrefiche. Lorsque le train d'atterrissage principal est sorti et verrouillé, ce vérin fournit également une force descendante et aide à maintenir les biellettes de verrouillage en position d'arc-boutement.

    Contrefiche de stabilisation

    La contrefiche de stabilisation est un élément de structure composé de 2 pièces reliées par des charnières. La contrefiche de l'aéronef à l'étude portait le numéro de pièce 46400-29. Il s'agissait de la 3e version de cette contrefiche; celle-ci ayant été modifiée 2 fois pour corriger des problèmes de conception qui avaient été décelés. La contrefiche de stabilisation maintient l'étrier et l'amortisseur en place lorsque le train d'atterrissage principal est sorti ou rentré. La partie avant de la contrefiche de stabilisation est fixée à la structure de la cellule dans la section avant du puits de roues à l'aide de 2 charnières lubrifiées. La partie arrière de la contrefiche de stabilisation est fixée à l'étrier également à l'aide de 2 charnières lubrifiées.

    Entre les 2 parties de la contrefiche de stabilisation se trouve le sous-ensemble des biellettes de verrouillage, lesquelles verrouillent mécaniquement le train d'atterrissage principal lorsque celui-ci est sorti. Le vérin de déverrouillage libère ce verrou mécanique. Pendant la séquence de rentrée du train d'atterrissage principal, les 2 biellettes constituant ce sous-ensemble se plient vers le haut pour déplacer le bas de l'étrier vers l'avant. Les biellettes sont placées à la position de verrouillage mécanique par les ressorts de verrouillage train sorti pendant la séquence de sortie du train d'atterrissage principal. Deux ressorts de verrouillage maintiennent les biellettes à la position de verrouillage mécanique lorsque le train d'atterrissage principal est sorti. Lorsque le train d'atterrissage principal est sorti, il est possible d'insérer une goupille de sécurité sol dans la contrefiche de stabilisation.

    Essais de vibrations et examen du train d'atterrissage

    Sur les lieux de l'événement à l'étude, on a trouvé les trappes arrière du train d'atterrissage principal droit en position ouverte, ce qui signifie que les SSV en ont commandé l'ouverture.

    On a transporté l'aéronef dans un hangar aux fins d'inspection et de réparation, puis on a placé l'aéronef sur des chandelles pour inspecter les 2 trains d'atterrissage principaux et leurs systèmes connexes, et le fonctionnement de ceux-ci. On a constaté que les 2 amortisseurs avaient été correctement entretenus et tous leurs points de graissage étaient adéquatement lubrifiés. Le seul composant qui était visiblement endommagé était le vérin de rentrée (qui fait rentrer et sortir le train d'atterrissage). Celui-ci a été endommagé par la force de compression produite par le poids de l'aéronef lorsque le train d'atterrissage s'est déverrouillé. Le vérin de rentrée n'était pas conçu pour maintenir le train d'atterrissage en position sortie, mais seulement pour actionner celui-ci lorsque l'aéronef est en vol. On l'a remplacé par un vérin en bon état pour les besoins des essais. Avant d'effectuer ces essais, on a également nettoyé le train d'atterrissage avant et on y a apporté les réparations nécessaires, et l'aéronef a été muni de pneus neufs. On a rentré et sorti le train d'atterrissage à de nombreuses reprises en utilisant d'abord la pompe hydraulique auxiliaire de l'aéronef, puis un chariot hydraulique autonome. Les trains d'atterrissage principaux et le train d'atterrissage avant fonctionnaient correctement et respectaient les exigences des spécifications pertinentes.

    Des vérifications répétées ont permis de constater que l'écart entre les butées des biellettes de verrouillage de la contrefiche de stabilisation était de 0,041 pouce au point de transition entre une indication sécuritaire (verte) et dangereuse (rouge). Les 2 capteurs de proximité produisaient constamment une condition « FAR » à un écart de 0,067 pouce, ce qui illuminait le voyant désaccord train (rouge) dans le poste de pilotage. Les résultats des essais étaient pratiquement identiques pour les 2 trains d'atterrissage principaux; tous les écarts respectaient les spécifications et les tolérances pertinentes. On a déposé le train d'atterrissage et les composants connexes pour les envoyer au fabricant à des fins d'essais supplémentaires.

    On a vérifié le niveau de déséquilibre de la roue numéro 3 comportant le pneu éclaté au moment de l'événement à l'étude. Pour équilibrer l'ensemble roue-pneu, on a ajouté un contrepoids de 6,5 livres à 12 pouces du centre de la roue, à l'endroit où le pneu était percé. Cela correspondait à un déséquilibre de 1248 onces-pouces (6,5 livres × 16 onces par livre × 12 pouces) ou de 0,29 g.

    On a qualifié les SSV aux termes de la norme militaire américaine MIL-STD-810FNote de bas de page 13 à l'aide de vibrations aléatoires d'au moins 1,5 g et présentant des crêtes de 8 g. Les normes de qualification ne requièrent l'exécution de vérifications opérationnelles qu'après les essais dynamiques de vibrations, et non pendant ceux-ci.

    Dans le cadre de l'enquête sur l'événement à l'étude, on a soumis les SSV (pendant leur fonctionnement), la contrefiche de stabilisation et l'ensemble du train d'atterrissage à des essais de vibrations; on décrit ceux-ci à la présente section. De tels essais n'avaient jamais été effectués auparavant et n'étaient pas requis aux fins de certification. Le RAC ne comprend pas d'exigences sur les vibrations pour la certification des aéronefs, à l'exception des références au tremblement en vol de la norme 525.251, intitulée « Vibrations et tremblement », de la partie V. À l'article 525.1309 du Manuel de navigabilité et dans les circulaires consultatives connexes, on exige du fabricant de chaque composant qu'il effectue des essais pour s'assurer que le composant remplit la ou les fonctions pour lesquelles il a été conçu, et ce, dans toutes les conditions de fonctionnement possibles. On exige également que toute défaillance du composant qui pourrait compromettre la sécurité du vol, de l'atterrissage et de l'exploitation de l'aéronef dans des conditions défavorables soit peu probable. Dans le Manuel de navigabilité, on ne fait pas référence à des essais dynamiques de vibrations.

    Dans le cadre de l'enquête sur l'événement à l'étude, on a soumis les SSV à des essais de vibrations maximales de 2,26 g, conformément à la norme DO160F de la RTCANote de bas de page 14 (Radio Technical Commission for Aeronautics); spectre « T » (spectre de réponse aux vibrations) de 35 Hz (limité à une plage de fréquence de 10 Hz à 35 Hz, ce qui correspond aux vitesses d'atterrissage normal de l'aéronef); à la charge calculée à laquelle les SSV de l'aéronef de l'événement à l'étude ont été assujettis. Pendant ces essais, on n'a pas tenu compte de la résonance du train d'atterrissage découverte plus tard, lors des essais complets du train d'atterrissage. Pendant les essais de vibrations, on a réduit progressivement la tension des SSV jusqu'à ce que la pression du fluide hydraulique à l'intérieur de celles-ci tombe, ce qui s'est produit à 4 volts. On a effectué un essai au banc à l'aide d'un protocole d'essai d'acceptation, et les SSV l'ont réussi. Les SSV ont fonctionné conformément à leur homologation et de la manière attendue pour qu'elles remplissent leur fonction au sein du circuit de sortie/rentrée du train d'atterrissage principal.

    Après l'accident, on a vérifié si le PSEU contenait des codes de défaillance; plus tard, on l'a soumis à un protocole complet d'essai d'acceptation dans les installations du fabricant, sous la supervision du personnel du laboratoire du BST. Aucune anomalie n'a été relevée.

    On a inspecté la contrefiche de stabilisation du train d'atterrissage et on l'a soumise à un protocole d'essai d'acceptation dans les installations du fabricant. Cette inspection a permis de constater qu'il n'y avait aucune anomalie, à l'exception d'une mesure d'arc-boutement légèrement supérieure à la normale, ce qui est normal et causé par l'usure opérationnelle. La contrefiche de stabilisation a également été soumise à des essais de vibrations rigoureux dont le plan consistait à la soumettre à des vibrations maximales de 0,29 g dans l'axe vertical (ce qui correspond à la charge à laquelle la contrefiche de stabilisation était assujettie avec le déséquilibre de 1248 onces-pouces du pneu à une résonance de 35 Hz). On a également effectué quelques balayages de résonance et un certain nombre de tests de résonance à une fréquence donnée, utilisant différentes fréquences d'au plus 0,4 g. À la fréquence de résonance, on a constaté des vibrations verticales très prononcées au centre de la contrefiche à ce niveau de force g. Ensuite, on a effectué les spectres d'essais, conformément au plan. En plus d'effectuer le plan d'essais, on a tenté de forcer le déverrouillage de la contrefiche de stabilisation en la soumettant à des scénarios supplémentaires ne correspondant pas aux charges auxquelles elle a été soumise pendant l'incident à l'étude. On a mis le vérin de déverrouillage en pression, puis on a soumis la contrefiche à des accélérations d'un maximum de 2 g. Aucun des scénarios d'essai mis en œuvre ne s'est traduit par un déverrouillage de la contrefiche; toutefois, les pièces de fixation du bâti d'essai pressurisé empêchaient ce déverrouillage dans tous les cas.

    On a fixé un train principal complet doté de nombreux capteurs et accéléromètres à un support fabriqué aux installations du fabricant du train d'atterrissage. Au cours de quelques semaines, on a soumis le pneu numéro 3 à une gamme complète d'essais; on l'a fait tourner à différentes vitesses et avec différents contrepoids pour obtenir des données aux fins de modélisation mathématique et d'analyse des vibrations. On a constaté que lorsqu'il est fixé au support, le train d'atterrissage est considérablement plus rigide que lorsqu'il est fixé dans une nacelle sur l'aile de l'aéronef.

    On a effectué des essais avec l'amortisseur du train d'atterrissage :

    • à la position d'extension complète (sa position approximative lorsque l'aéronef est toujours dans les airs ou au moment du toucher des roues);
    • à 4 pouces de compression (à proximité de la position d'indication de la référence air-sol);
    • à 8 pouces de compression (la compression attendue lorsque le train d'atterrissage s'est effondré pendant l'événement à l'étude); et
    • à 11,8 pouces de compression (sa position approximative lorsque le poids complet de l'aéronef repose sur le train).

    On a fait tourner les roues à différentes vitesses jusqu'à atteindre la vitesse de rotation des roues pendant l'atterrissage de l'aéronef à l'étude (1350 tr/min, ce qui correspond à une vitesse d'environ 118 nœuds).

    À une compression de 8 pouces de l'amortisseur, un poids de déséquilibre identique et une vitesse de rotation du pneu de 1215 tr/min (ce qui correspond aux conditions lors de l'atterrissage de l'aéronef à l'étude), on a observé une résonance causant de fortes vibrations. Lorsqu'ils étaient soumis à ces vibrations, l'inductance des capteurs de proximité des verrous train sorti oscillait et passait momentanément sous le point de consigne entre les états « NEAR » et « FAR ». Dans une telle situation, le PSEU aurait interprété que le train d'atterrissage était en phase de transition et aurait subséquemment actionné les SSV de manière à libérer la pression hydraulique du côté verrouillage train sorti du vérin de déverrouillage. Lorsqu'on a réalisé cet essai en soumettant les vérins de rentrée et de verrouillage train sorti à la pression de retour (environ 50 psi) seulement, celui-ci s'est traduit par un déverrouillage de la contrefiche de stabilisation, puis une rentrée partielle du train d'atterrissage. Dans des conditions identiques, mais à une pression de 3000 psi (pression normale du circuit de l'aéronef) dans les 2 vérins, on a constaté des mouvements importants de la contrefiche de stabilisation vers la position de déverrouillage, mais la pression dans le vérin de déverrouillage a empêché tout déverrouillage. Cela a encore une fois produit des oscillations suffisantes dans l'écart cible du capteur train sorti pour qu'une indication « FAR » soit transmise au PSEU.

    Autres renseignements

    Le 14 mars 2015, le pneu numéro 2Note de bas de page 15 du train d'atterrissage principal d'un aéronef Bombardier DHC-8-Q400 (immatriculation N191WQ, numéro de série 4191) de Republic Airways effectuant un vol prévu entre l'aéroport international de Denver (KDEN) et l'aéroport international de Kansas City (KMCI) a éclaté pendant la course au décollage. Une inspection a permis de confirmer la présence de débris de pneu sur la piste. L'équipage de conduite a décidé de déclarer une urgence et de retourner à Denver, où l'aéronef s'est posé sans problème. Les données de l'enregistreur de données de vol ont été mises à la disposition du BST, et le pneu éclaté a été examiné au laboratoire du BST. On a utilisé les données du décollage et de l'atterrissage pour effectuer une analyse comparative dans le cadre de l'enquête sur l'événement à l'étude. Les données de vol enregistrées étaient très semblables tout au long du roulement à l'atterrissage. Un examen du pneu a permis de constater un déséquilibre plus important (mesuré à 8,4 livres, ou un équivalent de 1613 onces-pouces) que dans le cas de l'aéronef de Jazz Aviation. L'incident de Republic Airways ne s'est toutefois pas traduit par un déverrouillage et un effondrement du train d'atterrissage.

    Le 8 mars 2015, un aéronef Bombardier DHC-8-Q400 (immatriculation VT-SUA) de Spice Jet effectuant un vol prévu entre les aéroports de Bangalore (VOBG) et de Hubli (VOHB), en Inde, a heurté un feu de piste pendant sa course au décollage, ce qui a entraîné l'éclatement du pneu numéro 1, une sortie de piste et un effondrement du train d'atterrissage gauche. Dans ce cas, le pneu de l'aéronef a été coupé, mais aucune partie de celui-ci ne s'est détachée, ce qui n'a pas causé de déséquilibre considérable. Le train d'atterrissage a été partiellement examiné sur les lieux de l'accident, mais la raison de l'effondrement n'a pas été établie avec certitude. Un examen des données de vol enregistrées pendant cet événement a permis de constater des vibrations et des conditions pratiquement identiques à celles de l'aéronef de Jazz Aviation dont fait l'objet le présent rapport, mais ces vibrations ont probablement été produites par l'impact. La fréquence de résonance du train d'atterrissage était identique à celle de l'aéronef de Jazz Aviation.

    Rapports du laboratoire du BST

    Le BST a complété les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

    • LP237/2014 – DFDR QAR Download and Analysis [téléchargement et analyse du QAR du DFDR]
    • LP238/2014 – CVR Download and Transcription [téléchargement et transcription des données de l'enregistreur de conversations dans le poste de pilotage]
    • LP239/2014 – Recovery, Remote Data Concentrator [récupération du concentrateur de données à distance]
    • LP242/2014 – Examination of MLG and Tire [examen du train d'atterrissage principal et du pneu]
    • LP261/2014 – Landing Gear System Examination [examen du circuit de train d'atterrissage]
    • LP074/2015 – Examination of Failed Tire (Republic Airways Tire) [examen du pneu éclaté de l'aéronef de Republic Airways]

    Analyse

    L'équipage de conduite possédait les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur. Les équipages de conduite et de cabine ont exécuté leurs tâches respectives conformément aux manuels pertinents, et les problèmes opérationnels n'ont pas été considérés comme une cause de l'événement à l'étude. Tous les membres de l'équipage étaient reposés; la fatigue et les autres facteurs humains n'ont donc pas été considérés comme une cause de l'événement à l'étude.

    Comme les conditions météorologiques étaient favorables au vol à vue et que la surface de la piste était dégagée et sèche, les facteurs météorologiques n'ont pas été considérés comme une cause de l'événement à l'étude.

    Tous les dossiers indiquent que l'aéronef était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées.

    Un déséquilibre rotationnel élevé inattendu du pneu numéro 3 s'est produit lorsque celui-ci a éclaté pendant le décollage. Pendant l'atterrissage, le pneu numéro 3 éclaté s'est mis à tourner au contact avec le sol et a conservé une vitesse de rotation équivalant à l'une des fréquences naturelles du train d'atterrissage principal, ou très près de celle-ci. Les biellettes de verrouillage (par l'intermédiaire de l'écart entre les capteurs de proximité) ont donc forcé le module électronique des capteurs de proximité (PSEU) à mettre les vannes électromagnétiques de séquence (SSV) hors tension, ce qui a libéré la pression appliquée au port de déploiement du vérin de déverrouillage. Dans une telle condition, les vibrations excessives ont ensuite permis aux biellettes de verrouillage de contrer la force des ressorts de verrouillage train sorti et, en raison de la dynamique du train d'atterrissage, de déverrouiller la contrefiche de stabilisation, ce qui s'est traduit par l'effondrement du train d'atterrissage principal droit.

    S'il n'existe pas d'exigences précises relatives aux essais dynamiques de vibrations pour les composants ou les cellules assemblées, les autres systèmes de l'aéronef risquent de faire l'objet de défaillances dans les situations de vibrations élevées.

    Les pales de l'hélice se sont brisées lorsqu'elles ont touché la piste. Une partie du fuselage a été renforcée pour résister à la glace expulsée par les pales des hélices, mais celle-ci n'est pas conçue pour empêcher les composants d'une hélice ayant fait l'objet d'une défaillance de pénétrer dans la cabine.

    L'évacuation a été effectuée de manière efficace. Le délai d'ouverture de la sortie 1L et le court délai occasionné lorsqu'un passager a essayé d'emporter un bagage à main n'ont pas eu de répercussions considérables sur la durée de l'évacuation. Après l'évacuation rapide, il y a eu une période d'attente au sol pendant que les équipages de conduite et de cabine tentaient de rassembler les passagers et les garder en groupe. L'équipage ne disposait pas d'un accès immédiat à des véhicules ou à des infrastructures qui leur auraient facilité la tâche. Les passagers sont montés à bord d'autobus environ 13 minutes après l'évacuation; aucune blessure n'a été attribuée à cette période d'attente, et aucune blessure antérieure ne s'est aggravée pendant celle-ci.

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. Le pneu numéro 3 a éclaté pendant le décollage, probablement en raison d'un impact avec un objet solide.
    2. Pendant l'atterrissage, le pneu numéro 3 éclaté s'est mis à tourner au contact avec le sol et a conservé une vitesse de rotation équivalant à l'une des fréquences naturelles du train d'atterrissage principal, ou très près de celle-ci. Les biellettes de verrouillage ont donc forcé le module électronique des capteurs de proximité à mettre les vannes électromagnétiques de séquence hors tension, ce qui a libéré la pression appliquée au port de déploiement du vérin de déverrouillage.
    3. Les vibrations excessives ont permis aux biellettes de verrouillage de contrer la force des ressorts de verrouillage train sorti et, en raison de la dynamique du train d'atterrissage, de déverrouiller la contrefiche de stabilisation, ce qui s'est traduit par l'effondrement du train d'atterrissage principal droit.

    Faits établis quant aux risques

    1. S'il n'existe pas d'exigences précises relatives aux essais dynamiques de vibrations pour les composants ou les cellules assemblées, les autres systèmes de l'aéronef risquent de faire l'objet de défaillances dans les situations de vibrations élevées.

    Autres faits établis

    1. Les virages prononcés accompagnés d'un freinage intense peuvent soumettre la bande de roulement et les flancs du pneu numéro 3 à des forces de cisaillement extrêmes, car il s'agit du point de pivotement.

    Mesures de sécurité

    Mesures de sécurité prises

    Jazz Aviation

    • Immédiatement après l'accident, la direction de Jazz Aviation a décidé de réduire les risques futurs de dommages causés par les pneus du train d'atterrissage principal en n'utilisant plus de pneus rechapés sur les aéronefs DHC-8-Q400 de sa flotte; cette politique est en vigueur depuis le 10 novembre 2014.
    • Jazz Aviation a apporté des modifications aux articles 14 et 30 de son guide de formation préparatoire au vol de ligne destiné aux pilotes d'aéronefs DHC-8-Q400, et ce, pour leur demander d'éviter autant que possible de serrer les freins et d'utiliser le point de pivotement sur les pneus et pour effectuer des virages. Pour réduire les contraintes auxquelles les pneus des trains d'atterrissage principaux sont soumis, la compagnie a également modifié le volume 2 du manuel de vol de l'aéronef et a publié une note de service (intitulée « Q400 Memo 2014-131 »), laquelle porte notamment sur les techniques d'arrivée à la porte d'embarquement et de circulation en vue du décollage pour les aéronefs Q400.

    Autre

    • D'autres exploitants qui utilisent cet aéronef ont modifié leurs procédures opérationnelles pour atténuer les effets des virages à droite prononcés effectués sur les aires de trafic, et ce, pour réduire les forces de cisaillement extrêmes touchant principalement le pneu numéro 3.

    Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .

    Annexes

    Annexe A – Train d'atterrissage principal et sous-ensembles principaux de l'aéronef DHC-8-Q400

    Source : UTC Aerospace Systems [traduction superposée par le BST]
    Image
    Schéma du train d'atterrissage principal de l'aéronef DHC-8-Q400
    Vue rapprochée de la contrefiche de stabilisation du train d'atterrissage principal (no de pièce 46400-27/-29; source : UTC Aerospace Systems) [traduction superposée par le BST]
    Image
    Vue rapprochée de la contrefiche de stabilisation du train d'atterrissage principal (no de pièce 46400-27/-29; source : UTC Aerospace Systems) [traduction superposée par le BST]

    La contrefiche de stabilisation est un mécanisme relativement complexe comprenant les composants principaux suivants :

    • Les contrefiches avant et arrière, qui sont les 2 plus gros composants de l'ensemble. Lorsque le train d'atterrissage principal est sorti et verrouillé, ces 2 composants sont maintenus en position de léger arc-boutement par l'ensemble des biellettes de verrouillage, ce qui stabilise le train d'atterrissage (qui est un mécanisme à part entière).
    • Les biellettes de verrouillage avant et arrière, qui sont les 2 plus petits composants de l'ensemble. Lorsque le train d'atterrissage principal est sorti et verrouillé, ces 2 composants, en raison de leur position l'un par rapport à l'autre, forment un verrou qui maintient les contrefiches de stabilisation avant et arrière dans un alignement approximatif.
    • Deux ressorts de verrouillage train sorti destinés à  placer et à maintenir les biellettes de verrouillage à la position de verrouillage sans assistance hydraulique.
    • Le vérin de déverrouillage, lequel déverrouille les biellettes de verrouillage et tire sur la contrefiche de stabilisation pour la faire sortir de la position d'arc-boutement. Cela permet à la contrefiche de stabilisation de se plier, ce qui permet ensuite la rentrée du train d'atterrissage principalNote de bas de page 16.