Perte d'espacement
Secteur ouest du centre de contrôle régional
de Vancouver de Nav Canada
à 17 nm à l'est de Tofino (Colombie-Britannique)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le MD-80 (ASA131) de la compagnie aérienne Alaskan effectuait un vol entre Seattle (Washington) et Anchorage (Alaska) et il était en palier au niveau de vol (FL) 310. Au même moment, le Boeing 747-400 (CDN4) de la compagnie aérienne Canadien en provenance de Tokyo (Japon) était en rapprochement de Vancouver (Colombie-Britannique) au FL 350. Le contrôleur de la circulation aérienne a autorisé CDN4 à effectuer l'arrivée normalisée aux instruments en région terminale CASDY ONE et a ordonné au pilote de descendre à 17 000 pieds. Peu de temps après, une perte d'espacement s'est produite lorsque la distance entre les deux avions a été réduite à 700 pieds sur le plan vertical et à un mille marin sur le plan horizontal alors que les appareils se trouvaient dans une zone où l'espacement minimum permis est de 2 000 pieds sur le plan vertical ou de 5 milles marins sur le plan horizontal.
Renseignements de base
L'incident s'est produit dans l'espace aérien contrôlé par le secteur ouest du centre de contrôle régional de Vancouver. Au moment de l'incident, le contrôleur radar du secteur ouest occupait le poste regroupé de contrôleur radar et de contrôleur des données et s'occupait de quatre aéronefs (dont ASA131 et CDN4). Il avait pris son service à 6 h, heure avancée du Pacifique (HAP)Note de bas de page 1, et travaillait au poste de contrôle du secteur ouest depuis environ 45 minutes. Selon l'information recueillie, le trafic était léger et peu complexe. La piste 26 était utilisée pour les arrivées à Vancouver.
À 9 h 40, CDN4 a été autorisé à descendre du niveau de vol (FL) 350 à 17 000 pieds; à 9 h 41 min 35 sec, l'équipage a signalé qu'il libérait le FL 350. L'autorisation de descente ne faisait pas mention d'ASA131. À 9 h 42 min 27 sec, CDN4 se trouvait près de l'intersection INHAM et était en virage en descente vers la gauche pour emprunter la trajectoire d'arrivée CASDY ONE lorsque l'équipage a aperçu ASA131 (voir figure 1). Peu après, l'équipage de CDN4 a reçu un avis de circulation (TA) de son système anticollision (TCAS) ainsi qu'un avis de résolution (RA) qui lui indiquait de se mettre en montée. Le commandant de bord de CDN4 a choisi de ne pas se conformer au RA du TCAS et de poursuivre sa descente parce qu'il voyait l'avion en conflit et qu'il n'y avait aucun risque de collision. Cette façon de procéder est conforme au manuel d'exploitation de la compagnie aérienne Canadien. CDN4 a ensuite signalé la situation au contrôleur du secteur ouest. À peu près au même moment, l'équipage d'ASA131 a reçu un TA de son TCAS; il a alors confirmé visuellement que la trajectoire de descente du Boeing 747 croiserait sa trajectoire derrière son appareil et il n'a pris aucune autre mesure. Les données radar indiquent qu'à 9 h 43 min 20 s, CDN4 est passé à environ un mille marin derrière ASA131 et à 700 pieds au-dessus de ASA131.
En plus du radar, les contrôleurs utilisent un tableau de progression de vol pour surveiller les aéronefs dans leur secteur. Le tableau de progression de vol comporte habituellement des repères, qui correspondent à des points de repère fixes, et des fiches de progression de vol où sont consignés des renseignements sur les différents avions. Par mesure de sécurité pour pouvoir détecter les conflits plus facilement, la fiche de l'avion est placée sous le repère approprié à mesure que l'avion se déplace. Quand on procède ainsi, on a souvent besoin de plus d'une fiche par avion. Au moment de l'accident, seuls deux repères étaient utilisés dans le secteur ouest, soit soit Victoria et Tofino. Le secteur ouest utilise une seule fiche par avion.
Le contrôleur du secteur ouest a indiqué que même s'il examinait habituellement le tableau de progression de vol et le radar avant de délivrer une autorisation de descente, il ne l'a pas fait lorsqu'il a autorisé la descente de CDN4 à 17 000 pieds. De plus, il n'a pas marqué la fiche de CDN4 pour indiquer que l'appareil avait libéré le FL 350, comme l'exige le Manuel d'exploitation du contrôle de la circulation aérienne (MANOPS ATC). Le contrôleur du secteur ouest ne se rappelle pas s'il a remarqué l'évolution de CDN4 et d'ASA131 après avoir délivré l'autorisation de descente à CDN4. Pendant ce temps, le contrôleur du secteur ouest bavardait avec le contrôleur assis à côté de lui; la conversation n'était pas liée aux opérations.
Le contrôleur du secteur ouest utilisait un écran de situation du système de traitement des données radar. Il est possible de générer une droite représentant la trajectoire de vol prévue (PTL) pour les cibles qui apparaissent à l'écran et d'obtenir l'espacement prévu pour visualiser les conflits potentiels entre les avions. Le système de traitement des données radar du Programme de modernisation des radars (RAMP) n'est pas équipé d'un système automatique d'alerte en cas de conflit.
Analyse
Les études sur les facteurs humains révèlent que le risque d'erreur humaine est plus grand quand la charge de travail est plus lourde et quand elle est plus lègère que d'habitude. Au moment de l'accident, le trafic dans le secteur ouest était léger et peu complexe et il s'agissait d'itinéraires de vol réguliers. Il est donc possible qu'en raison du trafic plutôt calme, le contrôleur du secteur ouest était moins vigilant que d'habitude. Le contrôleur n'a pas procédé comme d'habitude en ce sens qu'il n'a pas examiné le tableau de progression de vol et n'a pas consulté le radar avant de délivrer l'autorisation de descente; il n'a pas non plus surveillé l'espacement entre CDN4 et ASA131 sur l'écran radar. En d'autres mots, le contrôleur du secteur ouest n'a pas utilisé les outils et les procédures de détection de conflit disponibles pour assurer l'espacement obligatoire entre les avions dont il avait la responsabilité.
Lorsque CDN4 a signalé qu'il était en descente à partir du FL 350, le contrôleur du secteur ouest n'a pas inscrit cette information sur la fiche de progression de vol de CDN4, contrairement à ce qu'exige le MANOPS ATC. De plus, la fiche d'ASA131 n'indiquait pas l'heure à laquelle l'appareil allait se trouver par le travers de Victoria, les contrôleurs du secteur ouest ayant pourtant l'habitude d'inscrire cette information sur les fiches. Ces oublis ont fait qu'il a été plus difficile d'interpréter le tableau de progression de vol puisque la position d'ASA131 et l'altitude de CDN4 étaient moins claires. La pratique du centre de contrôle régional de Vancouvert voulant qu'on utilise une seule fiche par avion peut avoir rendu le tableau de progression de vol moins utile. La fiche d'ASA131 se trouvait sous le repère Victoria, alors que la fiche de CDN4 était sous le repère Tofino; le conflit entre les deux avions était donc moins évident. Bref, le contrôleur du secteur ouest n'a pas marqué correctement les fiches de progression de vol de CDN4 et d'ASA131, et les chances de détecter un conflit en examinant le tableau de progression de vol étaient plus minces.
Pendant qu'il était responsable du secteur ouest, le contrôleur a bavardé avec le contrôleur assis à côté de lui; la conversation n'était pas liée aux opérations. Aucune politique ne limite les activités non essentielles au travail des contrôleurs quand les contrôleurs occupent des postes de contrôle, et le surveillant n'est pas intervenu pour mettre fin à la conversation entre les deux contrôleurs. Cependant, puisqu'une conversation sollicite les aptitudes cognitives d'une personne, il s'ensuit que le contrôleur du secteur ouest ne pouvait pas s'acquitter correctement de sa tâche principale. Fait important, le contrôleur du secteur ouest ne se rappelle pas s'il a remarqué l'évolution de CDN4 et d'ASA131 après avoir délivré l'autorisation de descente à CDN4. Par conséquent, il est probable que la conversation a distrait le contrôleur du secteur ouest de sa tâche principale et l'a gêné dans son travail qui consistait à surveiller l'évolution du trafic dont il avait la responsabilité.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Le contrôleur du secteur ouest n'a pas utilisé les outils et les procédures de détection de conflit disponibles pour assurer l'espacement minimum obligatoire entre les avions dont il avait le contrôle.
- Le contrôleur du secteur ouest n'a pas marqué correctement les fiches de progression de vol de CDN4 et d'ASA131; les chances de détecter un conflit en examinant le tableau de progression de vol étaient donc plus minces.
- Le contrôleur a bavardé avec le contrôleur assis à côté de lui, et la conversation n'était pas liée aux opérations; ceci a probablement distrait le contrôleur de sa tâche principale et l'a gêné dans son travail qui consistait à surveiller l'évolution du trafic dont il avait la responsabilité.
Faits établis quant aux risques
- Aucune politique ne stipule que les contrôleurs de la circulation aérienne n'ont pas le droit de faire des choses qui ne sont pas essentielles à leur travail et qui pourraient les déranger lorsqu'ils assurent le contrôle de la circulation aérienne.
Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet incident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .