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Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A21Q0052

Collision avec un tracteur à gazon
Nanchang CJ6A, C-GYAC
Immatriculation privée
Aérodrome de St-Esprit (Québec)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Déroulement du vol

Le 5 juillet 2021, vers 11 h 30Note de bas de page 1 , l’aéronef monomoteur sous immatriculation privée Nanchang CJ6A (immatriculation C-GYAC, numéro de série 1232028) a décollé pour un vol local selon les règles de vol à vue (VFR) de l’aérodrome de Joliette (CSG3) (Québec) à destination de l'aérodrome de St-Esprit (CES2) (Québec). Le pilote, seul à bord, avait l’intention d’effectuer 2 vols d’entraînement de voltige aérienne : 1 le matin, et 1 l’après-midi après avoir déjeuné à CES2, aérodrome privé loué et exploité par le club Parachute Montréal pour lequel il travaillait occasionnellement en tant que pilote. En vol, il a tenté de communiquer, en vain, avec l’aéronef de largage du club (un DHC-6 Twin Otter, immatriculation N301CL) pour savoir si des sauts en parachute étaient en cours. Une fois à proximité de l’aérodrome, il a fait plusieurs tours pour vérifier. Ayant repéré des parachutistes, mais ne voyant pas le Twin Otter ni dans les airs ni au sol, il a retenté de communiquer avec celui-ci pour obtenir sa position et a réussi à le joindre. Le pilote du Twin Otter a confirmé que des sauts étaient en cours et qu’il était en approche finale pour la piste 20. Les 2 pilotes se sont entendus pour atterrir l’un derrière l’autre en gardant une minute d’espacement entre eux et ont décidé que le Twin Otter atterrirait en premier.

Suite à l’atterrissage du Twin Otter, ne voyant aucun trafic dans le circuit ni au sol, le pilote du Nanchang a intégré le circuit directement en étape de base gauche à une altitude approximative de 500 pieds au-dessus du sol (AGL), avant de tourner en étape finale, à environ 300 pieds AGL. La surface de la piste gazonnée étant en mauvais état au seuil de piste et dans le prolongement du seuil, le pilote a choisi un point cible à environ 800 pieds au-delà du seuil et a débuté l’arrondi aux alentours de 300 pieds avant ce point cible (figure 1). Environ au même moment, un tracteur à gazon effectuant l’entretien de l’aérodrome a traversé la piste 20 tout près du point cible visé par le pilote et a entamé un virage à gauche pour tondre le gazon parallèlement à la piste.

Figure 1. Photo aérienne de l’aérodrome de St-Esprit montrant le seuil de la piste 20, l’aire d’atterrissage des parachutistes, le point cible, le point de collision et la position finale de l’aéronef et du tracteur (Source : BST)
Photo aérienne de l’aérodrome de St-Esprit montrant le seuil de la piste 20, l’aire d’atterrissage des parachutistes, le point cible, le point de collision et la position finale de l’aéronef et du tracteur (Source : BST)

Durant la phase de l’arrondi, avec l’aéronef en configuration normale d’atterrissage, le pilote ne voyait plus la piste devant lui et a regardé sur la droite pour évaluer la hauteur à laquelle se trouvait l’aéronef. Au moment où il s’attendait à atteindre le point de poser, il a entendu un bruit et senti immédiatement après que l’aéronef déviait sur la droite. Il a réussi à immobiliser son aéronef sur le côté droit de la bande de piste. En voyant les dommages à l’aile de droite, le pilote a compris qu’il avait heurté quelque chose. Il est descendu de l’aéronef et a vu le tracteur à gazon à droite de la piste pas très loin de son point de poser. L’aéronef avait heurté le tracteur et la conductrice a été mortellement blessée. Le pilote n’a pas été blessé. L’aéronef a subi des dommages majeurs à l’aile de droite (figure 2).

Figure 2. Photo aérienne du lieu de la collision à l’aérodrome de St-Esprit montrant la trajectoire du tracteur et de l’aéronef et l’étendue des dommages en gros plan (Source : BST)
Photo aérienne du lieu de la collision à l’aérodrome de St-Esprit montrant la trajectoire du tracteur et de l’aéronef et l’étendue des dommages en gros plan (Source : BST)

Renseignements météorologiques

Selon le message d’observation météorologique régulière d’aérodrome (METAR) émis à 11 h 00 pour l’aéroport international de Montréal (Mirabel) (CYMX) au Québec, situé à 20 milles marins (NM) au sud-ouest du lieu de l’accident, les conditions météorologiques étaient propices pour effectuer ce vol VFR et n’ont pas été retenues comme facteur contributif à cet accident.

Renseignements sur le pilote

Le pilote avait la licence et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol à l’étude conformément à la réglementation en vigueur : il détenait une licence canadienne de pilote de ligne – avion et un certificat médical de catégorie 1, tous 2 valides. Il avait les qualifications suivantes : instructeur de vol de classe 3 – avion et vol aux instruments de groupe 1. Au moment de l’accident, il avait accumulé plus de 1300 heures sur le Nanchang. Il connaissait CES2 du fait qu’il pilotait occasionnellement le Twin Otter du club pour le largage de parachutistes et y venait de temps en temps avec son Nanchang.

Selon l’information obtenue au cours de l’enquête, rien n’indique que des facteurs médicaux, pathologiques ou physiologiques aient nui à la performance du pilote.

Renseignements sur l’aéronef

Le Nanchang CJ6A est un monomoteur démilitarisé de conception et de construction chinoises. L’aéronef à l’étude avait reçu un certificat spécial de navigabilité de Transports Canada le 1er juin 2006 et ne présentait aucune anomalie connue avant l’événement. De par sa configuration (long nez, moteur radial et position du pilote), cet aéronef est associé à une perte de visibilité temporaire vers l’avant pour le pilote à partir du moment où il amorce l’arrondi.

Renseignements sur l’aérodrome

CES2 est un aérodrome privé qui est loué et exploité par le club Parachute Montréal, qui dispose d’une unique piste en gazon (la piste 02/20) et qui est utilisé exclusivement pour les activités de parachutisme. En tant qu’aérodrome, CES2 est gouverné par la sous-partie 301 du Règlement de l’aviation canadien (RAC), beaucoup moins restrictive que la sous-partie 302, qui s’applique aux aéroportsNote de bas de page 2 . Selon le Supplément de vol — Canada, CES2 est un aérodrome enregistré et est associé à une autorisation préalable requise (PPR), ce qui signifie, qu’en tout temps, « l’autorisation du propriétaire ou de l’exploitant est requise avant l’utilisation, sauf en cas d’urgenceNote de bas de page 3  ». Comme le pilote dans l’événement à l’étude travaillait occasionnellement à cet aérodrome pour le club de parachutisme, il considérait qu’il pouvait s’y rendre sans PPR et n’a donc pas informé l’exploitant de ses intentions avant le vol.

Renseignements sur l’entretien estival de l’aérodrome

Les activités de parachutisme à CES2, qui débutent en mars et se terminent en novembre, nécessitent la tonte des aires de manœuvre et de l’aire d’atterrissage des parachutistes.

Pour cela, le gestionnaire de l’aérodrome fait appel à un sous-traitant, qui est le même depuis 2017. CES2 n’a pas établi de procédures écrites pour l’entretien de l’aérodrome, et le RAC n’en exige pas. Par contre, selon une entente verbale entre le gestionnaire de l’aérodrome et ce sous-traitant, la tonte doit se faire uniquement lorsque le Twin Otter est au sol à CES2 et qu’il n’y a aucun parachutiste dans les airs étant donné que l’aire d’atterrissage des parachutistes est attenante aux aires de manœuvre (figure 1).

Selon l’entente verbale, le sous-traitant décide quand la tonte sera effectuée et n’a pas à informer le gestionnaire de l’aérodrome au préalable ni à coordonner son activité avec lui. D’ailleurs, aucune coordination n’avait eu lieu entre le sous-traitant et l’exploitant de l’aérodrome le jour de l’événement.

L’enquête a permis de découvrir que l’équipe de tonte, composée généralement de 1 à 3 personnes, avait l’habitude de tondre le gazon à CES2 tôt le matin, avant que ne débutent les sauts en parachute. Le jour de l’événement, l’équipe habituelle n’étant pas disponible, une autre personne, seule, tondait le gazon. Elle n’était pas une employée du sous-traitant et le faisait pour dépanner celui-ci, comme elle l’avait fait à quelques reprises récemment.

Il n’a pas été possible de déterminer si la conductrice du tracteur avait connaissance de la présence du Nanchang.

Elle ne portait pas de veste de sécurité ni de casque et n’utilisait pas de radio.

Message de sécurité

Cet accident souligne combien il est important que les pilotes obtiennent l’autorisation d’utiliser un aérodrome lorsqu’une autorisation préalable y est requise afin que les exploitants d’aérodrome puissent coordonner les différentes activités qui y ont lieu de façon à ce qu’elles se déroulent en toute sécurité.

En outre, les personnes travaillant à proximité d’une piste doivent rester vigilantes et toujours balayer du regard la piste et ses 2 approches avant de s’y engager ou de la traverser.

Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le Le rapport a été officiellement publié le