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Rapport d'enquête ferroviaire R14Q0045

Déraillement en voie principale
Chemin de fer QNS&L
train de minerai BNL-212J
point milliaire 14,65, subdivision de Wacouna
près de Tellier (Québec)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 6 novembre 2014, vers 5 h 40, heure normale de l'Est, le train de minerai BNL-212J du Chemin de fer QNS&L roulait vers le nord quand il a heurté un éboulis de roc et de gravier. La collision a fait dérailler les 2 locomotives de tête et les 9 premiers wagons. La locomotive de tête a dévalé la pente et s'est immobilisée au fond de la rivière Moisie, complètement immergée. Le mécanicien de locomotive a été mortellement blessé. Environ 1000 litres de carburant diesel se sont échappés de la locomotive. La voie ferrée a été détruite sur une longueur d'environ 100 pieds.

1.0 Renseignements de base

1.1 L'accident

Le 6 novembre 2014, à 4 h 43Note de bas de page 1, le mécanicien de locomotive (ML) du train-bloc de minerai BNL‑212J (le train) du Chemin de fer QNS&L (QNSL) a obtenu du contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) la permission d'entrer sur la voie principale, au point milliaire 8,9 de la subdivision de Wacouna, en direction nord, à destination de Wabush (Terre-Neuve-et-Labrador) (figure 1). Le train comptait 3 locomotives (2 à la tête du train et 1 au deux tiers) et 240 wagons de minerai vides. Il mesurait 8544 pieds et pesait 6222 tonnes. Une seule personne était à bord du trainNote de bas de page 2, soit un ML, qui connaissait bien le territoire. Le ML se conformait aux normes de repos et de condition physique et répondait aux exigences du poste.

Figure 1. Lieu de l'accident (source : Association des chemins de fer du Canada, Atlas des chemins de fer canadiens, avec annotations du BST)
Lieu de l'accident

Vers 5 h, le ML a effectué une vérification du dispositif de veille automatique et a observé la continuité du système de freinage. Vers 5 h 20, le train a quitté le triage de Sept-Îles (Québec). Au point milliaire 10,1, le train a franchi un détecteur de boîtes chaudes et de pièces traînantes sans déclencher d'alarme. Vers 5 h 28, le train est entré dans le tunnel près du point milliaire 12, et le signal en provenance de l'appareil de détection de proximité (ADP)Note de bas de page 3 a été rompu pendant environ 2 minutes. À 5 h 35, le train a franchi le signal avancé 129Note de bas de page 4. Le train circulait à une vitesse de 21 mi/h et sortait d'une série de contrecourbes lorsque, vers 5 h 40, il a heurté un éboulis de roc, de gravier, de boue et d'arbres qui bloquait la voie principale. Les 2 locomotives formant le groupe de traction (locomotives QNSL 522 et QNSL 516) et les 9 premiers wagons de minerai vides ont déraillé, dévalé le talus et glissé vers la rivière. La locomotive de tête a été entièrement immergée. À la suite de l'accident, le ML a été mortellement blessé. La voie a été endommagée sur environ 100 pieds.

Après le départ du train BNL-212J et jusqu'à environ 6 h 35, le CCF s'est affairé à diverses tâches opérationnelles. Vers 6 h 30, le train BNL-212J était censé rencontrer le train PH-825S à Nicman, au point milliaire 35,1. Vers 6 h 35, le CCF a constaté que le train BNL-212J était toujours dans le canton précédant la gare de Tellier. Toutefois, la locomotive de tête n'apparaissait plus sur son écran de l'ADPNote de bas de page 5. Après quelques vérifications, le CCF a tenté de communiquer avec le ML du train par radio, sur plusieurs canaux, sans succès. Les mesures d'urgence du QNSL ont été mises en œuvre et un employé a été dépêché sur les lieux par hélicoptère et a survolé le secteur vers 7 h 20.

Au moment de l'accident, le ciel était généralement nuageux et la température était de 2 °C. Le soleil s'est levé à 6 h 25. Dans les 24 heures précédant l'accident, quelques précipitations sous forme de neige et de pluie ont eu lieu. La température s'est maintenue près du point de congélation et aucune activité sismique n'a été relevée.

1.2 Examen des lieux

Le train a déraillé à la sortie d'une courbe à gauche de 7 degrés, au point milliaire 14,65. La fin de cette courbe, située à environ 9250 pieds au nord du signal 129, est précédée d'une série de contrecourbes de 8 degrés, 7 degrés et 7 degrés.

La locomotive de tête (QNSL 522) s'est retrouvée au fond de la rivière Moisie. La deuxième locomotive s'est immobilisée sur la grève de la rivière, en contrebas de la voie et penchée à environ 60 degrés dans le talus du côté ouest de la voie principale, le bogie menant dans l'eau. Les 2 locomotives ont été examinées après avoir été extirpées de l'eau.

La locomotive de tête a passé 104 jours immergée dans la rivière Moisie. L'inspection a montré des signes d'impact sur l'avant de la cabine. La collision a été suffisante pour tordre le châssis à un point tel que la partie avant de la cabine s'est soulevée et a coincé les 2 portes d'accès. Toutefois, malgré la collision, la structure de la cabine est demeurée relativement intacte. Il y avait un amoncellement de pierres sur la passerelle latérale de la locomotive. Les 2 parebrises et plusieurs fenêtres ont été brisés et une grande quantité de roches s'est introduite à l'intérieur de la cabine par les ouvertures ainsi créées et s'est logée sur le banc du côté du chef de train. Quelques effets personnels du ML, dont une tablette numérique et un sac de voyage contenant des vêtements, ont été trouvés sous l'accumulation de pierres.

Outre ces dommages, l'examen de la locomotive déraillée n'a fait ressortir aucune défectuosité mécanique antérieure à l'accident. Le consignateur d'événements de la locomotive de tête a été récupéré et envoyé au Laboratoire du BST, à Ottawa (Ontario). Les données ont été extraites par les spécialistes du laboratoire.

L'extrémité arrière du groupe de traction (2e locomotive, QNSL 516) exhibait des dommages d'impacts avec d'autres wagons. Plusieurs composantes de sécurité, comme les marches et les garde-corps, étaient endommagées ou détruites. Certains panneaux latéraux étaient retirés, et le réservoir de carburant était bosselé. Aucune exception mécanique antérieure à l'accident n'a été observée.

Les 2 premiers wagons déraillés (positions 3 et 4) s'étaient détachés du groupe de traction et renversés sur le côté. Ils s'étaient immobilisés en portefeuille au bas du talus ouest. Les 7 wagons suivants (positions 5 à 11) étaient toujours attelés entre eux et s'étaient immobilisés dans le remblai de gravier (photo 1). Tous les autres wagons du train étaient demeurés sur la voie. L'examen des wagons déraillés n'a fait ressortir aucune défectuosité mécanique antérieure à l'accident.

Photo 1. Site de l'accident
Site de l'accident

La voie ferrée était couverte de blocs de roc et de gravier qui avaient glissé de la paroi rocheuse située du côté est et qui longe la voie ferrée. L'amoncellement de roches, d'une hauteur d'environ 10 pieds, s'étendait sur environ 50 pieds de longueur sur 20 pieds de largeur, représentant un volume d'approximativement 350 verges cubes.

Sous l'amas de blocs de roc, les traverses de bois étaient déplacées. Les rails qui se trouvaient près de l'empilement de roc et des wagons déraillés étaient brisés en plusieurs morceaux. Les rails présentaient des surfaces qui avaient été soumises à des efforts latéraux excessifs. La voie ferrée était entièrement détruite sur une distance d'environ 100 pieds.

Au droit de l'empilement, la paroi rocheuse était coupée verticalement et une surface plane à forte pente était suintante d'eau provenant du haut de la montagne. Le fossé du côté est de la voie était bloqué sur une distance d'environ 70 pieds.

Du côté ouest de la voie, la faible végétation avait été poussée sur une longueur approximative de 75 pieds. Le talus était aplani à partir de la voie ferrée jusqu'à la berge. Une rangée de poteaux bordant la voie ferrée et soutenant une ligne d'alimentation électrique n'a pas été endommagée.

Un déversement de carburant diesel a été signalé à la suite du déraillement. Une fine couche argentée sur la rivière a montré la présence du produit pétrolier. Environ 1000 litres de carburant ont fui de la locomotive immergée. Les mesures nécessaires ont été mises en place par le ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques du Québec afin d'assurer la sécurité de la population et la protection de l'environnement.

1.3 Renseignements sur la voie

La subdivision de Wacouna est constituée d'une voie principale simple qui relie Sept‑Îles (point milliaire 8,9) à Emeril Junction (point milliaire 225,30). Le mouvement des trains est régi par le système de commande centralisée de la circulation (CCC) en vertu du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF), sous la supervision d'un CCF posté à Sept-Îles.

Il s'agit d'une voie de catégorie 3, au sens du Règlement sur la sécurité de la voie (RSV) approuvé par Transports Canada (TC). La vitesse maximale autorisée sur la subdivision est de 40 mi/h pour les trains de minerai et de marchandises, et de 50 mi/h pour les trains de voyageurs. Une marche au ralenti permanente limitait la vitesse des trains à 30 mi/h, entre les points milliaires 11,7 et 16,0. Le bulletin de marche au ralenti temporaire 376, qui était en vigueur au moment de l'accident, limitait la vitesse à 20 mi/h en raison de l'état géométrique de la voie dans les courbes entre les points milliaires 10,4 et 13,0.

Le trafic ferroviaire est constitué de 9 trains par jour (minerai, marchandises et voyageurs), ce qui représente un tonnage annuel de près de 28 millions de tonnes brutes.

Le dernier train (CH-821A) ayant circulé sur ce tronçon de voie a quitté Sept-Îles Junction à 3 h 32. Au passage de ce train dans le secteur de l'accident, environ 1 heure 50 minutes avant l'événement, aucune situation préoccupante n'a été remarquée par le ML.

Un système de compteur de distance, enclenché par le ML, est utilisé afin de permettre de déterminer la position de la queue du train en fonction de sa longueur et de confirmer qu'elle est entièrement sortie de la zone de restriction de vitesse.

1.4 Renseignements consignés

Le tableau 1 indique le déroulement des événements principaux et les actions du ML travaillant seul à bord de la locomotive.

Tableau 1. Déroulement des événements
Heure Événement
2 h 46 min 50 s Le CCF reçoit l'information que le BNL-212J est prêt.
2 h 50 min 0 s Le CCF appelle le ML et lui confirme le départ du BNL-212J, à 4 h 50.
4 h 35 min 21 s Le CCF a préalablement orienté l'aiguillage au sud de Nicman pour que le BNL-212J puisse emprunter la voie d'évitement et rencontrer le train PH-825S.
4 h 43 min 0 s Le ML obtient la permission no 824 pour entrer sur la voie principale à Sept-Îles Junction.
5 h 0 min 4 s Le ML effectue la vérification du dispositif de veille automatique.
5 h 3 min 31 s Le ML exécute l'essai de continuité.
5 h 15 min 43 s Le ML relâche les freins des locomotives et met le train en marche.
5 h 16 min 30 s Le ML informe le CCF qu'il est prêt à partir.
5 h 20 min 0 s Le train BNL-212J atteint le point contrôlé à Sept-Îles Junction et entre sur la voie principale, en territoire de commande centralisée de la circulation (CCC).
5 h 25 min 0 s Les locomotives passent le point milliaire 10.
5 h 27 min 0 s Une inspection au défilé est effectuée par un employé qualifié à Sept-Îles Junction.
5 h 28 min 0 s Les locomotives de tête entrent dans le tunnel près du point milliaire 12 et perdent le signal de l'appareil de détection de proximité (ADP).
5 h 30 min 0 s Les locomotives de tête sortent du tunnel et la communication de l'ADP est rétablie.
5 h 31 min 28 s Le ML respecte la marche au ralenti de 20 mi/h en vigueur entre les points milliaires 11,7 et 13.
5 h 35 min 20 s Le train franchit le signal avancé 129 de Tellier sud.
5 h 38 min 19 s Le ML réarme le dispositif de veille automatique.
5 h 40 min 0 s La vitesse du train baisse à 17 mi/h.
5 h 40 min 3 s Un serrage d'urgence des freins provenant de la conduite générale se déclenche.
5 h 40 min 9 s Le train BNL-212J est immobilisé.
6 h 35 min 0 s En prévision de la rencontre prévue entre le train BNL-212J et le train PH‑825S à Nicman, le CCF constate que le train BNL-212J est toujours dans le canton précédant la gare de Tellier et n'apparaît plus sur son écran de l'ADP. Il fait quelques vérifications.
6 h 38 min 43 s Le CCF tente de communiquer avec le ML, sans succès.
6 h 49 min 50 s Le CCF communique avec le superviseur Transport pour l'informer des difficultés de communication avec le BNL-212J. Le superviseur propose d'utiliser d'autres canaux de communication.
6 h 51 min 44 s Le CCF tente à nouveau de communiquer avec le BNL-212J, sans succès.
6 h 53 min 37 s Le CCF communique avec le ML d'un autre train et lui demande de couper son train et de se diriger vers Tellier pour aller constater ce qui se passe.
6 h 55 min 21 s Le CCF communique avec le pilote de l'hélicoptère pour lui demander d'aller survoler la voie et constater ce qui se passe.
7 h 2 min 3 s Le CCF en chef informe le surintendant qu'il n'y a aucun signal de l'ADP du train BNL‑212J.
7 h 10 min 54 s Le CCF continue de tenter d'entrer en communication avec le BNL-212J.
7 h 19 min 38 s Le pilote de l'hélicoptère confirme qu'il y a eu déraillement.
7 h 19 min 53 s Le pilote de l'hélicoptère décrit la position d'une locomotive déraillée et qui est sur le bord de la rivière.
7 h 21 min 46 s Le pilote de l'hélicoptère confirme que la locomotive QNSL 516 est sur le bord de la grève et estime que la locomotive QNSL 522 est dans l'eau.
7 h 23 min 28 s Le pilote signale un éboulis d'environ 40 pieds de long et demande de l'aide et des plongeurs.

1.5 Particularités de la voie

La voie est composée de longs rails soudés de 136 livres, fabriqués en 2010. Dans le secteur du déraillement, les rails reposent sur des selles spéciales de 18 pouces à double épaulement et sont retenus par des crapaudsNote de bas de page 6. Les selles sont fixées aux traverses par 5 tirefonds à bout plat. Il y a environ 3250 traverses de bois dur par mille de voie. Le ballast a environ 12 pouces d'épaisseur, avec des épaulements variant de 12 à 16 pouces. Il est principalement constitué de pierre concassée de 1,5 à 3 pouces de diamètre.

Le profil de la voie principale pour un train circulant en direction nord, depuis Sept-Îles Junction (point milliaire 8,9) jusqu'à Saumon (point milliaire 26,7), est généralement descendant et les pentes peuvent atteindre jusqu'à 0,63 %. Dans les 3 milles précédant le site de l'accident, entre les points milliaires 11,65 et 14,65, il y a 24 courbes et contrecourbes ayant entre 4 degrés et 8 degrés de courbure. Treize de ces courbes tournent vers la droite et 11, vers la gauche. Les courbes totalisent 10 963 pieds, soit 69 % de ce tronçon. Dans le dernier mille, entre les points milliaires 13,65 et 14,65, il y a 7 courbes et contrecourbes ayant entre 6 degrés et 8 degrés de courbure. Trois de ces courbes tournent vers la droite et 4, vers la gauche (figure 2). Les courbes totalisent 4385 pieds ou 83 % de la distance.

Figure 2. Profil de la voie et disposition des signaux à proximité de Tellier (source : Profil de la voie ferrée, Chemin de fer QNS&L, 2013, avec annotation du BST)
Profil de la voie et disposition des signaux à proximité de Tellier

Un tunnel d'environ 2200 pieds est situé entre les points milliaires 11,3 et 11,7. Les communications radio sont interrompues lorsqu'un matériel roulant se trouve à l'intérieur du tunnel.

Au point milliaire 12,9, lorsqu'un train franchit le détecteur de pièces traînantes, dans les 2 directions, un automate vocal transmet une annonce. Les ML doivent éviter de se servir du système de radio pendant que leur train franchit tous les sites de détecteurs, et ce, jusqu'à ce qu'ils aient entendu le rapport de l'émetteur sur les résultats de l'inspection.

1.6 Inspections de la voie

Le programme d'inspection des voies comprend principalement des inspections de routine, l'auscultation des défauts internes des rails, l'inspection de l'état géométrique de la voie et des inspections spéciales lors de circonstances extrêmes. Dans le secteur de l'accident, les inspections ont été effectuées conformément aux dispositions du RSV et n'ont révélé aucun défaut nécessitant une correction urgente.

Les inspections suivantes ont été effectuées :

1.7 Inspection des parois rocheuses

1.7.1 Programme d'inspection des parois rocheuses du QNSL

Les parois rocheuses longeant la voie principale de la subdivision de Wacouna s'étendent approximativement entre les points milliaires 10 et 110. Au fil des années, ces parois ont fait l'objet d'inspections particulières par le personnel technique du QNSL.

À partir de 2008, un consultant a été mandaté pour réaliser des inspections détaillées des éléments longeant la voie ferrée qui pourraient avoir une incidence sur la stabilité de l'infrastructure de la voie ferrée et des parois rocheuses. Les éléments à observer comprenaientNote de bas de page 7 :

Pendant l'inspection, le consultant devait examiner les points suivants :

Le consultant devait fournir un rapport de ses observations et faire des recommandations pour des mesures correctives étalées sur les 5 prochaines années afin de minimiser les risques associés aux éboulis et aux glissements de sol. Le consultant utilisait des cotes entre 1 et 5 pour prioriser les mesures cernées (tableau 2).

Tableau 2. Code de priorité (source : Rapport « Inspection des parois rocheuses et des sols pour la stabilité du chemin de fer QNS&L, entre mile 11 et 110 – Inspection de juin 2013 pour la compagnie minière IOC », préparé par Gestion Expertise MV inc.)
CODE ACTION NIVEAU DE RISQUE
1 Action à court terme, roches détachées, roc fissuré - détachement imminent (durant l'année prochaine) Très élevé
2 Action à moyen terme (dans les prochaines deux années) Élevé
3 Action à moyen long terme (dans les prochaines trois années) Modéré
4 Action à long terme (dans les prochaines 4 années) Faible
5 Suivi des inspections et évolution de nos observations de 2013 Très faible

Selon plusieurs rapports d'inspection du consultant, des éboulis de roc, surtout du côté est de la voie ferrée, pourraient mener au déraillement d'un train et causer des dommages aux équipements et une perte de production; dans des cas plus graves, de tels éboulis pourraient entraîner la perte de vie humaine.

1.7.2 Dernière inspection des parois rocheuses

La dernière inspection des parois rocheuses et des sols a été effectuée en juin 2013. Le rapport d'inspection présenté au QNSL a révélé 3 types de possibilités distinctes de défaillance qui pourraient compromettre la stabilité du chemin de fer :

Le rapport a aussi précisé que toutes les zones qui avaient été antérieurement identifiées comme zones potentielles de chutes de roches s'étaient détériorées et posaient un risque accru. Le roc s'était altéré et les fissures s'étaient creusées en raison de racines d'arbres ou d'infiltration d'eau pendant les périodes de gel et dégel ou d'une combinaison de ces actions. Plus d'une dizaine d'endroits ont été identifiés comme ayant un niveau de risque « très élevé ».

Le rapport contenait les recommandations suivantes :

1.7.3 Parois rocheuses identifiées comme étant prioritaires

De 2008 à 2013, entre les points milliaires 10 et 20, plusieurs endroits ont été identifiés par le consultant, et le code de priorité « 1 » leur a été attribué sur les rapports d'inspections annuelles :

La paroi qui s'est écroulée n'avait pas été repérée, mais le niveau de risque d'une paroi adjacente à celle-ci avait été identifié comme étant « très élevé ».

1.7.4 Gestion des contrats d'inspection des parois rocheuses par le QNSL

Jusqu'en 2013, les contrats d'inspection étaient gérés par le service de l'Ingénierie du QNSL. Après avoir reçu les rapports du consultant et en avoir fait une première lecture, le chargé de projet les transmettait au personnel de l'exploitation ou à son représentant.

Au fil des années, des changements organisationnels ont entraîné un certain roulement du personnel responsable de la planification et du suivi des travaux relativement aux parois rocheuses et à la stabilisation des talus.

À la suite de la réception des rapports du consultant par le personnel du QNSL, aucune rencontre officielle entre les 2 parties n'était tenue afin de discuter des points critiques définis en vue de la préparation du programme annuel des travaux.

En 2014, aucune inspection particulière des parois rocheuses n'a été exécutée et aucun rapport spécifique n'a été produit.

1.8 Travaux exécutés au niveau des parois rocheuses

Depuis 2010, QNSL a exécuté des travaux d'ancrage et d'installation de grillage aux parois rocheuses, de stabilisation des talus et des tunnels ainsi que des travaux d'urgence.

En 2010, des travaux ont été entrepris au tunnel du point milliaire 65,02. En décembre 2010, l'infrastructure de la voie ferrée, qui avait été endommagée par un affouillement au point milliaire 32, a été réparée.

En 2011, à la suite d'une détérioration et d'une instabilité de la paroi rocheuse, il a été recommandé par le consultant de stabiliser la paroi entre les points milliaire 19,1 et 19,5. Un grillage de protection a été installé. Des ancrages ont été installés au point milliaire 52.5.

En 2012, des travaux d'urgence de stabilisation de la paroi ont été exécutés : on a installé du treillis métallique et des boulons d'ancrage près du point milliaire 16,7.

En 2013, la stabilisation des parois du tunnel près du point milliaire 12 a été achevée.

En 2014, la stabilisation des parois au nord du tunnel au point milliaire 65 a été complétée.

1.9 Système de gestion de la sécurité

1.9.1 Description générale

Un système de gestion de la sécurité (SGS) est un processus systématique pour la gestion des risques liés à la sécurité. Un SGS est fondé sur l'identification des dangers, l'analyse et l'évaluation des risques liés à ces dangers, l'identification de mesures de contrôle ou d'atténuation et la vérification de l'efficacité de ces mesures. Ces étapes doivent être documentées. La mise en œuvre des SGS reconnaît qu'il faut adopter une gestion proactive

afin d'éliminer ou de minimiser les risques associés aux activités opérationnelles. Pour ce faire, tout SGS doit répondre clairement aux 5 questions suivantesNote de bas de page 9 :

1.9.2 Gestion des risques des parois rocheuses

Certaines infrastructures ferroviaires, telles que ponceaux et ponts, et autres dangers comme les parois rocheuses nécessitent une attention particulière pour en déceler et atténuer les risques. Comme la réglementation en vigueur ne contient pas d'exigences spécifiques particulières par rapport à la gestion des risques de telles infrastructures et de tels dangers, la gestion de ces risques doit donc faire partie intégrante du SGS des compagnies ferroviaires.

Des documents de référence préparés par TC sont disponibles pour quelques-unes de ces infrastructures (ponceauxNote de bas de page 10 et pontsNote de bas de page 11). Ces documents ont pour objectif de fournir un cadre de référence à toutes les compagnies de chemin de fer afin qu'elles élaborent des programmes adaptés à leurs opérations. Il n'existe ni lignes directrices ni manuel de référence spécifiques aux risques associés aux parois rocheuses. Toutefois, TC mène un programme de surveillance des géorisques comme les chutes de roches, les glissements de terrain, les affaissements de sol, l'érosion, les avalanches et les problèmes liés au gel. Il a également entrepris des recherches sur ces géorisques en collaboration avec l'industrie ferroviaire et des universités canadiennes.

Dans l'Ouest canadien, le Canadien National et le Chemin de fer Canadien Pacifique ont établi des programmes de gestion des risques des parois rocheuses qui contiennent des répertoires détaillés de plusieurs centaines de parois identifiées comme étant « à risque ». Outre l'identification de mesures d'ingénierie pour la gestion des dangers identifiés, ces compagnies ferroviaires utilisent des mesures de contrôle additionnelles telles que l'inspection des parois par le personnel de l'entretien de la voie ainsi que des zones de réduction de vitesse. Des programmes de formation ont aussi été mis en œuvre pour que le personnel de la voie puisse faire des inspections de paroi. Ces programmes de gestion des risques des parois dans l'Ouest canadien ont évolué au cours des dernières années et résultent d'une sensibilisation aux dangers que posent les parois rocheuses à la suite d'éboulis ayant eu des conséquences graves.

Pour qu'un tel programme de gestion des risques soit efficace, il est nécessaire, dans un premier temps, d'effectuer une surveillance efficace des parois afin d'identifier toute perturbation préoccupante (tel que le déplacement des massifs rocheux ou des pentes instables). Dans un second temps, il est essentiel de pouvoir rapidement prendre les mesures correctives nécessaires afin de prévenir tout éboulis. Les technologies actuelles de surveillance incluent différents instruments tels que des extensomètres, des filets de détection d'éboulis et des capteurs de vibrations.

1.9.3 Système de gestion de la sécurité au QNSL

Le SGS du QNSL est encadré par les programmes de la compagnie d'appartenance (entreprise minière IOC), soit la Santé Sécurité Environnement (SSE) et Health Safety Environment Quality Safety Management (HSEQ SM). Le SGS du QNSL repose sur 17 éléments qui cadrent dans les 4 étapes de gestion des risques : planification, exécution, vérification et ajustement. Lors de l'étape 3 (vérification), les directives sont établies quant à l'identification des dangers et la gestion des risques associés à ces dangers, ainsi que les définitions suivantes :

L'analyse des risques du QNSL comporte 3 niveaux d'évaluation :

Les résultats des évaluations de niveaux 2 et 3 doivent être documentés dans le registre des risques SSE.

Figure 3. Évaluation qualitative des risques (source : Chemin de fer QNS&L)
Évaluation qualitative des risques

Les évaluations qualitatives des risques mènent à un classement selon les cotes suivantes :

1.10 Perception visuelle à partir de la locomotive

1.10.1 Essai de visibilité du BST

Dans la soirée du 3 février 2015, des enquêteurs du BST et une équipe du QNSL ont effectué un essai de visibilité avec une locomotive identique à la locomotive de tête en cause dans l'accident. Cet essai avait pour but d'établir la distance à partir de laquelle il aurait été possible de percevoir visuellement les débris de l'éboulis sur la voie ferrée à l'aide des phares depuis la cabine d'une locomotive en mouvement. Au moment de cet essai, la voie ferrée était dégagée, la neige couvrait le sol adjacent à la voie et la visibilité était bonne. La vitesse de la locomotive était de 20 mi/h. Les observations suivantes ont été retenues :

1.10.2 Phares avant de locomotive

Selon la réglementationNote de bas de page 12, les phares des locomotives devaient répondre aux exigences suivantes :

Selon le consignateur d'événements, les phares de la locomotive de tête ainsi que ses phares de fossé étaient allumés lors de l'accident.

1.11 Temps de réaction

Le temps de réaction se compose de la détection, l'identification, la décision et l'initiation d'une action. Plusieurs études ont été réalisées pour les conducteurs de véhicules routiers, mais ce n'est pas le cas pour les ML. Néanmoins, les résultats de ces études donnent des indications quant au rendement des conducteurs lorsque des stimuli visuels exigent une réaction, notamment pour le freinage. Dans le calcul des distances de visibilité et d'arrêt pour les véhicules routiers, un temps de réaction minimum de 2,5 secondes est recommandé pour ce qui est du positionnement des signaux routiers et des passages à niveaux publicsNote de bas de page 13. Il est reconnu que la complexité d'une situation et des stimuli inattendus génèrent des temps de réaction significativement plus longsNote de bas de page 14.

1.12 Distance de freinage

Selon les renseignements obtenus lors de l'enquête, pour un train de 240 wagons de minerai vides circulant à 20 mi/h sur une voie ferrée relativement plane et en utilisant les freins d'urgence, la distance de freinage jusqu'à l'arrêt complet du train était d'environ 250 pieds (excluant le temps de réaction).

1.13 Enjeu des enregistreurs à bord des locomotives

Dans l'accident à l'étude, une caméra vidéo orientée vers l'avant du train aurait permis de déterminer avec précision la distance de perception visuelle et les conditions de visibilité à partir de la locomotive et d'établir si l'éboulis s'est produit avant ou à l'approche du train. Également, une caméra vidéo à l'intérieur de la cabine aurait permis de déterminer à quel endroit le ML portait son attention visuelle. Certaines compagnies ferroviaires canadiennes ont installé des caméras vidéo orientées vers l'avant, mais aucune n'a installé des systèmes d'enregistrements audio ou vidéo dans les cabines. L'ensemble de ces enregistrements permettrait de mieux comprendre les éléments ayant mené à un accident. Le Bureau a déjà publié 2 recommandations sur les enregistrements de bord. Dans les rapports d'enquête R99T0017 et R12T0038, respectivement, le Bureau a recommandé que :

Le ministère des Transports, en collaboration avec l'industrie ferroviaire, établisse des normes nationales exhaustives en matière des enregistreurs de données de locomotive qui comprennent un dispositif d'enregistrement des conversations de cabine combiné aux systèmes de communication de bord.
Recommandation R03-02 du BST

Le ministère des Transports exige que toutes les locomotives de commande utilisées en voie principale soient pourvues de caméras vidéo dans la cabine.
Recommandation R13-02 du BST

Ces recommandations sont liée à l'enjeu « Enregistreurs vidéo et enregistreurs de la parole à bord » de la Liste de surveillance de 2014 du BST. Le Bureau reconnaît la participation de tous les intervenants aux études qui conduiront à la résolution de cette lacune en matière de sécurité. Cependant, en l'absence d'engagements et de plans fermes concernant l'installation, à bord des cabines, d'enregistreurs vidéo et de conversations qui seraient mis à contribution aux fins des enquêtes sur les accidents, le Bureau estime que les réponses aux recommandations R03-02 et R13-02 sont en partie satisfaisantes.

1.14 Capacité de survie

Bien que les blessures subies par une victime puissent être invalidantes et réduire sa capacité à s'extraire d'elle-même d'un habitacle endommagé, on analyse la capacité de survie dans le but d'améliorer la sécurité en répondant à certains critères fondamentaux dont :

Une étudeNote de bas de page 16 a identifié différentes options d'évacuation d'une équipe de locomotive à la suite d'un accident ferroviaire qui aurait endommagé la cabine de la locomotive. Trois options ont été étudiées :

Toutes ces propositions sont toujours à l'étude, et la cabine de la locomotive de tête n'en comportait aucune.

1.15 Rapports de laboratoire du BST

Le BST a complété le rapport de laboratoire suivant dans le cadre de la présente enquête :

2.0 Analyse

Aucun défaut de la voie ni du matériel roulant n'est considéré comme ayant contribué à l'accident. Par conséquent, l'analyse se concentrera sur la perception visuelle, la distance de freinage, l'exploitation des trains par un seul employé, l'inspection des parois rocheuses, la gestion des risques et les sorties d'urgence pour les locomotives.

2.1 L'accident

Le déraillement s'est produit quand le train est entré en collision avec un éboulis de pierres qui bloquait la voie ferrée.

Le train a franchi le signal avancé 129 à 21 mi/h, et sa vitesse est demeurée stable jusqu'au point milliaire 14,65, à environ 9250 pieds de distance. Cette conduite de train était conforme à une exploitation de vitesse normale. Les indications du tableau de commande centralisée de la circulation (CCC) du contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) indiquaient que le canton géré par le signal 129 était libre jusqu'à son occupation par le train. Si l'éboulis s'était produit avant que le train n'atteigne le signal 129 et qu'il y avait eu un bris de rail, le tableau du CCF aurait indiqué que le canton était occupé, et le signal 129 aurait alors affiché une indication de marche à vue.

Il est possible que l'éboulis se soit produit après que le train a franchi le signal 129. Dans un tel cas, même si l'éboulis avait causé une rupture de rail qui aurait été détectée par le système de signalisation (signal 129 affichant une restriction), le mécanicien de locomotive (ML) n'aurait pas été en mesure d'observer ce signal. Le ML n'a reçu aucune alarme ou indication préalable à la distance de perception visuelle qu'un obstacle barrait la voie ferrée.

L'accident à l'étude soulève la nécessité de moyens de défense additionnels car il est possible que des éboulis ne soient pas détectés par le système de signalisation (absence de bris de rail) ou qu'ils surviennent après que le train ait franchi le dernier signal. Des systèmes de détection d'éboulis peuvent être installés en sus du système de signalisation existant. Si des systèmes efficaces de détection d'éboulis ne sont pas mis en place, le système de signalisation existant pourrait s'avérer insuffisant pour prévenir à temps l'équipe de train que la voie est bloquée, ce qui fait augmenter les risques de collision et de déraillement.

Après le départ du train BNL-212J et jusqu'à environ 6 h 35, le CCF s'est affairé à diverses tâches opérationnelles. Le tableau de CCC du CCF n'avertit pas le CCF si une situation anormale se produit et que la voie n'est pas touchée; il n'est pas conçu pour l'en avertir.

Il a été impossible de déterminer avec exactitude si l'éboulis s'est produit avant l'arrivée du train au droit du signal 129 ou s'il a coïncidé avec l'approche du train. Selon le constat des dommages à la locomotive de tête, il y a eu collision frontale et non latérale, ce qui porte à croire que les débris étaient sur la voie avant l'arrivée du train. Il est donc plus que probable que l'éboulis de pierres bloquait la voie ferrée à l'approche du train.

2.2 Perception visuelle à partir de la locomotive

Selon l'essai effectué par le BST, il aurait été possible de percevoir les débris sur la voie ou un éboulis entre 8 et 10 secondes avant la collision. Le consignateur d'événements indique que le ML n'a fait aucune tentative de freinage. Ceci n'exclut pas la possibilité que le ML ait perçu les débris. Même si les phares de la locomotive permettaient de détecter des débris sur la voie, il pouvait être difficile d'identifier que l'amas de roches, de boue et d'arbres constituait un éboulis sur la voie ferrée. Comme la voie ferrée serpente les falaises rocheuses, l'amas de débris (événement inattendu) aurait pu être initialement perçu comme faisant partie de la falaise. En outre, l'obscurité périphérique au moment de l'accident limitait les repères visuels, rendant difficile l'identification d'une obstruction sur la voie. Étant donné la géométrie serpentine de la voie ferrée et l'obscurité présente, un ML voyageant à la vitesse permise peut difficilement prendre les mesures de protection requises contre un obstacle sur la voie lorsque ce dernier devient visible compte tenu du temps de réaction disponible et de la distance de freinage. Ceci dit, il est impossible de déterminer avec certitude si le ML a perçu les débris sur la voie ferrée.

Il est également possible que le ML n'ait pas perçu les débris sur la voie ferrée. L'analyse des différentes manipulations des contrôles de la locomotive avant la collision suggère que le ML contrôlait adéquatement le mouvement du train. De plus, la configuration du tronçon de voie où l'accident s'est produit, qui est situé dans un secteur reculé et inaccessible au public, demandait un minimum de surveillance. Il est donc plausible que l'attention visuelle du ML ait été portée ailleurs, notamment sur le compteur de distance du tableau de bord. Lorsque la locomotive de tête a franchi le panneau qui indiquait la fin de la zone de vitesse de 20 mi/h, le ML aurait dû initier le compteur de distance. Étant donné que le train mesurait 8544 pieds, la réinitialisation du compteur aurait alors été à environ 170 pieds avant les débris.

Compte tenu du fait que la présence de débris sur la voie est un événement inattendu, il faut escompter un temps de réaction de plusieurs secondes. Conséquemment, que le ML ait perçu ou non les débris, à la vitesse permise, la distance de perception visuelle à l'aide des phares de la locomotive permettait l'application des freins d'urgence, mais pas d'éviter la collision.

2.3 Freinage d'urgence

La distance de freinage jusqu'à l'arrêt complet pour un train similaire à celui en cause dans l'accident, en utilisant les freins d'urgence et en circulant à 20 mi/h, était d'environ 250 pieds.

Un serrage des freins d'urgence aurait réduit la vitesse du train au point de collision. Néanmoins, étant donné la topographie du site, il est probable qu'une locomotive déraillant à cet endroit aurait dévalé le talus jusqu'à la rivière.

2.4 Exploitation des trains par un seul employé

Le QNSL est la seule compagnie ferroviaire sous juridiction fédérale qui utilise un seul opérateur sur certains de ses trains. Bien que la présence d'un 2e membre d'équipe eut offert une possibilité additionnelle pour percevoir visuellement les débris sur la voie ferrée, il a été impossible de déterminer si la présence d'un 2e membre d'équipe aurait résulté en une tentative de freinage d'urgence. Même avec la présence d'un 2e membre d'équipe, les mêmes conditions de difficulté de perception et d'identification des débris sur la voie ferrée auraient été présentes.

2.5 Inspection des parois rocheuses

Les inspections de la voie étaient effectuées en conformité avec le Règlement sur la sécurité de la voie (RSV) et portaient surtout sur l'état de la voie. Aucune inspection périodique des parois rocheuses au-dessus de la voie ferrée n'est expressément exigée par le RSV.

Avant cet éboulis, le QNSL avait vécu des éboulis mineurs sans conséquence majeure. Il avait alors réagi en effectuant des travaux d'urgence (ancrage et grillage). Le QNSL avait également effectué des travaux de stabilisation de tunnels.

Les rapports d'inspection des parois rocheuses soumis au QNSL identifiaient des travaux d'ingénierie spécifiques pour chacune des parois à risque très élevé. Par contre, aucune autre mesure de contrôle de risque n'était identifiée et documentée.

Toutefois, ces rapports d'inspection n'incluaient pas de scénarios de conséquences raisonnables maximales spécifiques pour chaque paroi. On peut donc conclure que le QNSL n'effectuait pas une analyse de risque complète et documentée pour chacune des parois identifiées à risque élevée. Une analyse exhaustive et détaillée devrait répondre aux éléments suivants : la probabilité, la gravité, les mesures correctives de contrôle ou d'atténuation possibles et l'efficacité de ces mesures.

Des mesures de rechange aux travaux d'ingénierie peuvent inclure des inspections plus fréquentes effectuées par le personnel de la voie et des ordres de réduction de vitesse afin d'augmenter le temps disponible pour percevoir et réagir à un danger, tout en réduisant la distance de freinage. L'inclusion d'une conséquence raisonnable maximale spécifique à chaque danger peut invariablement augmenter la probabilité que des mesures immédiates soient prises pour une gestion proactive.

Au fil des années, les probabilités et conséquences potentielles d'événements liés aux parois rocheuses sont devenues moins saillantes dans la multitude d'autres risques gérés par le QNSL. Les travaux d'ingénierie recommandés pour les parois étaient régulièrement reportés jusqu'à la prochaine inspection.

La gestion des risques des parois est devenue réactive plutôt que proactive, et d'autres travaux d'ingénierie ont été priorisés aux dépends des travaux aux parois. Aucune attention immédiate n'était portée ou surveillance spécifique n'était effectuée pour les parois identifiées à risque très élevé. Si chaque paroi rocheuse significative n'est pas documentée et analysée en détail, ceci peut entraver la mise en œuvre de mesures pour la gestion proactive des risques, faisant ainsi augmenter les risques que d'autres éboulis mettent en danger l'exploitation des trains.

2.6 Gestion des risques des parois rocheuses

Le QNSL avait un programme d'inspection périodique pour les parois rocheuses qui comprenait des éléments de gestion de risque (par exemple, liste des parois, qualification des risques, mesures recommandées de contrôle d'ingénierie). Cependant, ce programme n'était pas exhaustif et ne contenait pas certains éléments, notamment :

Les compagnies ferroviaires ne sont pas tenues par la réglementation de mettre en place un programme de gestion de la sécurité des parois rocheuses proprement dit. Cependant, le système de gestion de la sécurité (SGS) que toute compagnie ferroviaire est tenue de mettre en place doit intégrer une gestion proactive des risques des parois rocheuses et autres dangers naturels.

Contrairement aux documents de référence publiés par Transports Canada (TC) relatifs à la gestion de la sécurité des ponceaux et des ponts, il n'existe ni lignes directrices ni manuel de référence spécifique à l'évaluation des risques des parois rocheuses. Si des lignes directrices adéquates concernant la gestion des risques des parois rocheuses ne sont pas disponibles, il se peut qu'un programme plus robuste de gestion des risques ne soit pas élaboré, ce qui fait augmenter les risques de collision et de déraillement mettant en cause des éboulis.

2.7 Sorties d'urgence à partir d'une locomotive accidentée

Cet accident a montré que les portes d'accès de la cabine des locomotives peuvent être bloquées et empêcher la sortie du personnel en cas d'urgence. Bien que sortir par la fenêtre de côté soit demeuré une option possible dans cet accident, il reste que, dans certaines circonstances, une telle sortie ne soit pas possible. De plus, certains modèles de locomotive n'offriraient même pas cette possibilité car les dimensions des fenêtres sont trop petites.

Dans l'éventualité où les issues de sorties principales sont endommagées lors d'un accident, un système d'évacuation d'urgence adéquat devrait pouvoir permettre à l'équipe de sortir de la cabine ou aux intervenants d'urgence d'entrer à l'intérieur de la cabine pour porter assistance aux personnes en difficulté.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le déraillement s'est produit quand le train est entré en collision avec un éboulis de pierres qui bloquait la voie ferrée.
  2. Le mécanicien de locomotive n'a reçu aucune alarme ou indication préalable à la distance de perception visuelle qu'un obstacle barrait la voie ferrée.
  3. La distance de perception visuelle à l'aide des phares de la locomotive permettait l'application des freins d'urgence, mais pas d'éviter la collision.

3.2 Faits établis quant aux risques

  1. Si des systèmes efficaces de détection d'éboulis ne sont pas mis en place, le système de signalisation existant pourrait s'avérer insuffisant pour prévenir à temps l'équipe de train que la voie est bloquée, ce qui fait augmenter les risques de collision et de déraillement.
  2. Si chaque paroi rocheuse significative n'est pas documentée et analysée en détail, ceci peut entraver la mise en œuvre de mesures pour la gestion proactive des risques, faisant ainsi augmenter les risques que d'autres éboulis mettent en danger l'exploitation des trains.
  3. Si des lignes directrices adéquates concernant la gestion des risques des parois rocheuses ne sont pas disponibles, il se peut qu'un programme plus robuste de gestion des risques ne soit pas élaboré, ce qui fait augmenter les risques de collision et de déraillement mettant en cause des éboulis.

3.3 Autres faits établis

  1. Si l'éboulis s'était produit avant que le train n'atteigne le signal 129 et qu'il y avait eu un bris de rail, le tableau du contrôleur de la circulation ferroviaire aurait indiqué que le canton était occupé, et le signal 129 aurait alors affiché une indication de marche à vue.
  2. Le tableau de commande centralisée de la circulation du contrôleur de la circulation ferroviaire n'avertit pas le contrôleur de la circulation ferroviaire si une situation anormale se produit et que la voie n'est pas touchée; il n'est pas conçu pour l'en avertir.
  3. Étant donné la géométrie serpentine de la voie ferrée et l'obscurité présente, un mécanicien de locomotive voyageant à la vitesse permise peut difficilement prendre les mesures de protection requises contre un obstacle sur la voie lorsque ce dernier devient visible.
  4. Étant donné la topographie du site, il est probable qu'une locomotive déraillant à cet endroit aurait dévalé le talus jusqu'à la rivière.
  5. Il a été impossible de déterminer si la présence d'un 2e membre d'équipe aurait résulté en une tentative de freinage d'urgence.
  6. Aucune inspection périodique des parois rocheuses au-dessus de la voie ferrée n'est expressément exigée par le Règlement sur la sécurité de la voie.
  7. Un système d'évacuation d'urgence adéquat devrait pouvoir permettre à l'équipe de sortir de la cabine ou aux intervenants d'urgence d'entrer à l'intérieur de la cabine pour porter assistance aux personnes en difficulté.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures de sécurité prises

4.1.1 Chemin de fer QNS&L

Le Chemin de fer QNS&L (QNSL) a mis en œuvre plusieurs mesures concernant spécifiquement la gestion des géorisques et visant à améliorer la sécurité de l'exploitation ferroviaire. Le QNSL a :

Un certain nombre de mesures de sécurité spécifiques ont été mises en œuvre à la hauteur du point milliaire 14,65. Le QNSL a :

Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le Le rapport a été officiellement publié le