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Rapport d'enquête ferroviaire R94D0033

Fuite d'une marchandise dangereuse
Canadien National Manoeuvre numéro 0703
Point milliaire 132,8,
subdivision Saint-Laurent
Montréal (Québec)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 27 janvier 1994 à 11 h 45, heure normale de l'Est (HNE), pendant qu'elle poussait une rame pour la faire entrer dans le triage Rivière-des-Prairies à Montréal (Québec), une équipe de manoeuvre du Canadien National (CN) a détecté une forte odeur d'essence. L'équipe a déterminé que le wagon-citerne no PROX 47917, chargé d'essence, laissait fuir son contenu par une fissure dans la paroi de la citerne, au bout «B» du wagon.

Le Bureau a déterminé que la paroi de la citerne s'est rompue après avoir été exposée à un choc excédant la résistance nominale du wagon.

1.0 Renseignements de base

1.1 Données de fait

Vers 11 h 45Note de bas de page 1 le 27 janvier 1994, au point milliaire 132,8 de la subdivision Saint-Laurent, l'équipe de la manoeuvre no 0703 du Canadien National (CN) détecte une forte odeur d'essence pendant qu'elle dételle le fourgon de queue au triage Rivière-des-Prairies, à Montréal (Québec). L'équipe découvre par la suite que de l'essence s'échappe du wagon-citerne no PROX 47917. Un agent des marchandises spéciales du CN, des représentants de Petro-Canada (l'expéditeur) et le service d'incendie local sont appelés sur les lieux. L'inspection du wagon-citerne permet de déterminer que la fuite est attribuable à une rupture de la paroi de la citerne au bout «B» du wagon, près de la longrine tronquée.

La rupture a pris naissance dans la soudure située entre la longrine tronquée et le triangle de stabilité, s'est propagée le long de cette soudure, a traversé la plaque d'appui et a atteint la tête de la citerne, d'oû elle s'est propagée à l'intérieur de la paroi de la citerne, des côtés droit et gauche du wagon-citerne.

Transports Canada délivre un certificat de préclusion pour le transbordement de l'essence et le retour du wagon endommagé à l'atelier de Procor, à Montréal, pour examen.

L'examen révèle :

  1. une fissure de 12 pouces le long de la soudure avant, entre la longrine tronquée et le triangle de stabilité;
  2. une fissure de huit pouces le long des deux soudures latérales, entre la longrine tronquée et le triangle de stabilité;
  3. une fissure en travers de la plaque d'appui et des soudures associées des deux côtés;
  4. une fissure diagonale dans la tête et la paroi de la citerne, de 41 pouces 3/8 du côté droit, et de 28 pouces 1/2 du côté gauche du wagon;
  5. quatre supports brisés d'une main courante, attachés entre eux;
  6. une bosse dans le réservoir des freins à air;
  7. des traces d'abrasion du métal et de rouille de surface à l'endroit oû la saillie d'arrêt de la tête d'attelage fait contact avec le pylône de choc moulé (bout «B»);
  8. une main courante de sécurité brisée (bout «A»);
  9. des écaillures et des rainures au sommet d'une cheville ouvrière (bout «B»);
  10. deux ressorts de bogie manquants (bout «A», du côté gauche du wagon);
  11. une fixation brisée de l'échelle centrale (côté droit du wagon);
  12. une distorsion du métal de base autour des traverses pivots, aux quatre coins.

Lorsque le wagon-citerne no PROX 47917 est arrivé au triage Taschereau le 25 janvier 1994, les conditions météorologiques étaient les suivantes : temps nuageux, vents de 11 à 15 km/h et température de moins 17 ° C. Quand, le 26 janvier 1994, le wagon-citerne no PROX 47917 a été envoyé sur la voie de triage à butte, au triage Taschereau de Montréal, le temps était nuageux, la température était de moins 30 ° C et le vent soufflait à une vitesse de 20 à 28 km/h. Le 27 janvier 1994, lorsqu'on a détecté la fuite, la température était de moins 25 ° C, le temps était ensoleillé et le vent soufflait à 20 km/h.

1.2 Renseignements sur le wagon-citerne

Le wagon-citerne no PROX 47917 a été construit en juin 1969, d'après la spécification CTC-111A. Les wagons-citernes désignés DOT-111A aux États-Unis et CTC-111A au Canada sont des wagons-citernes polyvalents à basse pression, qui servent au transport de liquides. Tous les wagons-citernes sont des appareils sous pression, mais on dit que les wagons-citernes dont la pression d'essai est de 100 livres au pouce carré (lb/po²) et moins sont des «wagons-citernes sans pression» pour fins de classification. Les autres wagons-citernes, dont la pression d'essai est supérieure à 100 lb/po², sont décrits comme étant des «wagons-citernes sous pression». Les wagons-citernes répondant à la spécification 111A appartiennent à la catégorie des wagons sans pression. Le wagon-citerne no PROX 47917, un wagon-citerne sans pression servant au transport de liquides inflammables, avait une citerne faite d'acier de qualité C répondant à la spécification A-285 de l'American Society for Testing and Materials (ASTM). La pression d'essai du wagon était de 60 lb/po². Le wagon était équipé d'attelages à double plateau, n'était pas chemisé et était muni d'une longrine tronquée à chaque bout de la citerne.

1.3 Marchandises dangereuses

Le wagon-citerne contenait 75 207 litres (17 000 gallons) d'essence, qui est un liquide inflammable, no UN 1203, classe 3.1. L'essence laisse échapper des vapeurs qui sont explosives lorsque mélangées à l'air dans des proportions de 1,3 p. 100 à 6,0 p. 100. Cette marchandise est dangereuse pour l'environnement; elle pose aussi un risque pour la santé si elle est inhalée ou ingérée et si elle vient en contact avec la peau.

1.4 Confinement des marchandises dangereuses

Après la découverte de la fuite, un centre de commande sur place s'est chargé de confiner la fuite et d'isoler les lieux. On a limité le trafic dans le secteur et on a installé des bacs récepteurs sous le wagon pour recueillir le produit qui s'échappait. On a fait venir un camion-vidange pour aspirer le contenu des bacs récepteurs. On a éliminé toutes les sources d'inflammation et on a assuré une surveillance constante du secteur pour déterminer la présence de vapeurs explosives. D'après les estimations, quelque 1 125 litres (250 gallons) d'essence ont fui.

1.5 Renseignements consignés

Les dossiers des activités du triage à butte montrent que le wagon avait été libéré sur la voie de triage à butte de Montréal, le 26 janvier 1994 vers 5 h 25, et qu'il a roulé à une vitesse de 2,8 mi/h avec 27 wagons pour aller s'atteler. Des dossiers additionnels indiquent que le wagon-citerne no PROX 47917 avait été pesé le 26 janvier 1994, et qu'on avait alors confirmé qu'il était vide (contenait des résidus). Le wagon a été envoyé sur la butte, en direction de la voie de classification no 80. Par la suite, une manoeuvre a ramassé des wagons de la voie de classification no 80 et les a regroupés pour former le train no 591, lequel a pris la direction du triage Rivière-des-Prairies. À partir de ce triage, une manoeuvre a amené le wagon jusqu'à la plate-forme de chargement de Petro-Canada, dans l'est de Montréal.

1.6 Autres renseignements

1.6.1 Fabricant du wagon

Le wagon-citerne no PROX 47917 a été construit en juin 1969 par la Procor Limited, établie à Oakville (Ontario). Les dossiers de réparation montrent que le wagon n'avait fait l'objet que de réparations mineures depuis sa construction. Une copie de son certificat de construction (no 23263) a révélé que 20 wagons ont été construits en vertu de ce certificat. Rien n'indique que les 19 autres wagons aient subi des ruptures de la longrine tronquée ou de la citerne. La dernière inspection de la longrine tronquée du wagon-citerne no PROX 47917 remontait au mois d'août 1992 et n'avait révélé aucune anomalie.

1.6.2 Exigences relatives à la construction des wagons

Au Canada, tous les wagons-citernes affectés au transport de marchandises dangereuses doivent satisfaire aux exigences de la norme CAN/CGSB-43.167-94 de l'Office des normes générales du Canada, qui fait référence à la spécification de l'Association of American Railroads (AAR), service de l'exploitation et de l'entretien, division de la mécanique, intitulée Specifications For Tank Cars M-1002 . Tous les wagons doivent satisfaire à des exigences de structure et d'essai. Ces spécifications ont trait aux matériaux, au soudage, aux réparations, aux modifications, aux revêtements intérieurs et aux marques. Les spécifications relèvent de la responsabilité du comité des wagons-citernes de la division de la mécanique de l'AAR. Conformément aux exigences relatives aux matériaux contenues dans ces spécifications, la paroi et la plaque de tête doivent avoir une épaisseur minimale de 7/16 de pouce. On a pu utiliser la spécification de l'ASTM relative à l'acier de qualité C répondant à la spécification A-285 lors de la construction du wagon-citerne. L'utilisation d'acier de cette qualité n'est plus autorisée dans la construction des citernes de wagons-citernes.

Les spécifications relatives au soudage comprennent des exigences quant à la taille et au contour du cordon de soudure ainsi qu'à la pénétration et à la fusion de la soudure avec les métaux de base. Dès qu'une soudure mesurant plus de trois pouces de longueur ou de largeur est faite directement sur la paroi de la citerne, un traitement thermique postérieur doit être fait.

1.6.3 Mouvements précédents du wagon

Le wagon avait été amené jusqu'à la plate-forme de chargement de Petro-Canada à 16 h le 26 janvier 1994. Le chargement s'est terminé le lendemain à 8 h et, à 11 h, la manoeuvre no 0703 a ramassé le wagon-citerne no PROX 47917 à la voie d'évitement. L'expéditeur avait signalé des dommages aux supports d'une main courante, que les employés du CN avaient attachés avant le départ vers Rivière-des-Prairies. À l'arrivée au triage Rivière-des-Prairies, à 11 h 45, on a découvert que le wagon fuyait.

1.6.4 Inspections

Le wagon-citerne no PROX 47917 est arrivé au triage Taschereau avec le train no 302 le 25 janvier 1994. On a procédé à une inspection autorisée du wagon juste avant midi la même journée. Une inspection au départ a été faite le lendemain, après avoir fait passer le wagon sur la bosse et l'avoir placé en vue d'un mouvement avec le train no 591.

La première inspection, du 25 janvier 1994, a été faite conformément au Règlement sur l'inspection de sécurité des wagons marchandises de Transports Canada, au Field Manual de l'AAR et à la norme relative aux inspections de sécurité des marchandises dangereuses. La seconde inspection, du 26 janvier 1994, a consisté en des essais des freins à air du train et en une inspection avant le départ. Aucune anomalie n'a été signalée quant à l'état mécanique du wagon lors de l'une ou l'autre de ces inspections.

Sept jours après qu'on a détecté la fuite du wagon-citerne no PROX 47917, des inspecteurs des chemins de fer ont détecté une fissure dans la longrine tronquée du wagon no PROX 40540, à Senneterre (Québec). Après avoir fait le relevé des mouvements précédents du wagon, on a appris qu'il avait fait l'objet d'une inspection autorisée au triage Taschereau en même temps que le wagon no PROX 47917. On a aussi découvert que le wagon no PROX 40540 était le deuxième après le wagon no PROX 47917 dans le train no 591, le 26 janvier 1994. On a relevé sur d'autres wagons qui étaient attelés au wagon no PROX 47917, à savoir les wagons nos PROX 40611, 40327, 46397 et CGTX 21124, 21235, 21218, divers dommages, relativement mineurs, entre mars 1994 et mai 1995. Certaines des défaillances relevées concordaient avec celles que laisserait un choc important.

1.7 Essais et recherche

1.7.1 Laboratoire technique du Bureau de la sécurité des transports

Une partie du wagon-citerne no PROX 47917, oû se trouvaient les plans de rupture, a été découpée et envoyée pour examen au Laboratoire technique du BST.

Le Laboratoire (rapport no LP 56/94) a conclu que :

  1. la rupture a pris naissance en deux points dans des soudures, entre la longrine tronquée et le triangle de stabilité, de part et d'autre du triangle de stabilité, près des coins avant;
  2. les fissures se sont propagées de façon symétrique et ont progressé vers la plaque d'appui de la citerne en suivant les points de concentration des contraintes;
  3. les fissures se sont propagées à cause d'une fragilisation du métal; il n'y avait aucun signe de fissuration préalable;
  4. le plan de rupture a révélé une fusion imparfaite de la soudure transversale, entre le triangle de stabilité et la longrine tronquée, ce qui a causé un retrait de la soudure; et
  5. les résultats du test de Charpy ont montré que la capacité d'absorption d'énergie de la plaque de tête avait diminué de façon linéaire, passant de 62 pieds-livres à 22 ° C, à 5 pieds-livres à une température de moins 30 ° C.

1.7.2 Programmes d'inspection

En 1992, l'AAR, Transports Canada et le Department of Transportation des États-Unis ont approuvé un programme d'inspection des longrines tronquées. Ce programme visait l'inspection des longrines tronquées sur tous les wagons-citernes en service en Amérique du Nord selon un horaire défini et la réparation de toutes les fissures relevées. Les résultats devaient être signalés à l'AAR.

En 1993, SIMS Professional Engineers a entrepris, à la demande de l'AAR, une étude sur la fissuration des wagons-citernes dans le secteur de la longrine tronquée. Aux fins de l'étude, on a inspecté 34 403 wagons-citernes. Les résultats ont été les suivants : 16 500 wagons (soit 48 p. 100) montraient des défaillances, dont 5 529 (16,1 p. 100) montraient des défaillances relatives aux métaux de base, et 5 948 wagons (17,3 p. 100) montraient des défaillances marquées de soudure.

Le travail d'inspection s'est poursuivi, et en date du 28 février 1995, on avait inspecté au total 63 478 wagons-citernes. À cette date, 46,6 p. 100 des wagons inspectés montraient des défaillances, 16,9 p. 100 montraient des défaillances relatives aux métaux de base, et 17,2 p. 100 montraient des défaillances marquées de soudure. Un nombre considérable de wagons montraient plus d'une défaillance.

1.7.3 CANAC - Technologies ferroviaires

CANAC - Technologies ferroviaires (CANAC), de Montréal, a procédé à une analyse des contraintes exercées sur le wagon-citerne no PROX 47917, afin de déterminer l'effort d'attelage nécessaire pour causer une fissure.

Le rapport de CANAC explique notamment que les dossiers du triage Taschereau montrent que le wagon no PROX 47917 est passé sur la butte à 5 h 25 le 26 janvier, par une température de moins 30 ° C, et qu'il a roulé à une vitesse relativement normale de 2,8 mi/h avec 27 wagons pour aller s'atteler. CANAC croit que les wagons qui suivaient ont retenu les autres (des freins ou des roulements ont pu rester serrés) et que la locomotive de manoeuvre a rassemblé les wagons par la suite. Le wagon no PROX 47917 a donc pu subir un tamponnement.

Auparavant, on n'avait pas entendu parler des renseignements relatifs aux wagons qui suivaient à la butte et à l'utilisation d'une locomotive de manoeuvre pour rassembler les wagons.

CANAC a conclu que :

  1. Les analyses des éléments finis ont indiqué que les contraintes maximales de Von Mises se sont manifestées au point oû le triangle de stabilité et la longrine tronquée se rejoignent, au coin avant. Il semble que ce soit à cet endroit du wagon no PROX 47917 que la rupture fragile a pris naissance.
  2. En supposant que la rupture fragile ait été le résultat d'une contrainte limite due à une faible ductilité de l'acier à basse température, et qu'il n'y ait pas eu de défaut visible auparavant, on croit qu'un effort de choc supérieur à 6 670 kN (1 500 kips) a été nécessaire pour causer des dommages tels que ceux qui ont été relevés, sur un wagon soudé correctement. S'il y avait eu mauvaise fusion de la soudure le long de l'avant du triangle de stabilité, l'effort de choc nécessaire aurait été moins grand. Il faudrait en savoir beaucoup plus sur la mauvaise soudure pour faire une estimation de cette réduction.
  3. On croit que, si c'est le wagon-citerne vide qui a heurté les autres, il aurait fallu une vitesse de choc d'environ 20 mi/h (33 km/h) pour causer les dommages constatés. Si, par contre, c'est un groupe de wagons qui a heurté le wagon-citerne, il aurait suffi qu'ils roulent à 10 mi/h (16 km/h) pour avoir une énergie équivalente. Pareil événement (que ce soit l'un ou l'autre) est considéré comme étant rare.
  4. L'information indiquerait une résistance aux chocs de 2 240 kN (500 kips) en compression. Les wagons de ce modèle auraient dû résister à un effort de compression de 3 580 kN (800 kips). On croit que la résistance ponctuelle à des températures normales aurait pu compenser les contraintes très concentrées, et que la redistribution des contraintes permettrait de conserver la capacité de charge sans aucun signe visible de distorsion. S'il y avait une faiblesse inhérente dans la conception du wagon, elle se serait manifestée depuis longtemps, car des wagons de ce type sont en service depuis 25 ans.
  5. La rupture a été le résultat d'un incident anormal survenu pendant une période de grand froid (moins 30 ° C). Si le même incident s'était produit pendant une journée chaude (22 ° C), l'acier aurait pu subir une rupture ductile ponctuelle tout en absorbant environ 12 fois plus d'énergie. Il n'y avait peut-être pas de déchirure visible et, le cas échéant, elle n'aurait certainement pas progressé au delà du secteur du triangle de stabilité.
  6. Les essais de matériaux du BST et de CANAC n'ont révélé rien d'anormal dans l'acier lui-même.
  7. Les techniques d'analyse des éléments finis, exécutées par un opérateur compétent, sont très utiles lorsqu'on fait des analyses complexes de contraintes. Il faut toutefois interpréter les données avec beaucoup de soin pour s'assurer qu'elles sont compatibles avec les situations réelles.

1.7.4 Autres ruptures et dommages documentés survenus aux longrines

Au cours des 10 dernières années, on a signalé de nombreux problèmes associés au secteur de la longrine tronquée de wagons-citernes. Certains ont occasionné des fuites de marchandises dangereuses, alors que d'autres ont entraîné une diminution de l'intégrité de la structure des wagons-citernes touchés.

Dans certains cas, la rupture a pris naissance dans des fissures qui existaient déjà, alors que dans d'autres, il y a eu rupture sans fissuration préalable. Certains wagons-citernes ont subi une rupture fragile, alors que d'autres ont subi une rupture due à la fatigue.

On trouvera ci-après un résumé des cas consignés dans les dossiers du BST :

1.7.5 Autres renseignements connexes

Le 1er octobre 1993, au triage Alyth de Calgary (Alberta), on a découvert que le wagon no BN 875146 laissait fuir du gazole par des fissures dans la paroi de la citerne. Ces fissures s'étaient formées par suite d'un choc important, comme le montraient les dommages matériels et métallurgiques relevés. À la suite de cet incident, le personnel de Transports Canada, pendant une inspection de wagons à Coutts (Alberta), le 9 novembre 1993, a découvert trois autres wagons-citernes de type BN (nos 875064, 875023 et 875072) qui montraient des fissures similaires.

Le 20 août 1993, des inspecteurs des chemins de fer à Brantford (Ontario) ont découvert sur le wagon-citerne no CITX 35805 une fissure de 37 pouces qui avait pris naissance dans une soudure imparfaite dans la butée avant et s'était propagée à travers la longrine tronquée et les plaques d'appui.

Le 28 janvier 1994, à Brantford, des inspecteurs des chemins de fer ont constaté que le wagon-citerne no PROX 81631 montrait une fissure de 30 pouces dans le secteur de la longrine tronquée. L'examen de ce wagon a révélé qu'un déraillement précédent avait causé des dommages à la longrine tronquée, à la chemise de la citerne et aux roulements à rouleaux. On a déterminé que la rupture avait pris naissance à l'endroit oû la longrine tronquée avait été endommagée auparavant et s'était propagée vers le haut, à travers la longrine.

Le 4 février 1994, à Sarnia (Ontario), on a découvert que du styrolène fuyait du wagon-citerne no PROX 24017. Une inspection et des essais ont révélé une fissure de 79 pouces qui avait pris naissance dans une soudure imparfaite faite dans le triangle de stabilité, avait progressé à travers la longrine tronquée, avait traversé les plaques d'appui et avait atteint la paroi de la citerne. Les dommages à ce wagon semblaient avoir été causés par un choc important.

Le 15 mars 1994, à Sarnia, des inspecteurs de Transports Canada ont découvert que des fissures s'étaient formées dans les longrines tronquées des bouts «A» et «B» et au point de fixation de la traverse pivot (aux bouts «A» et «B» et des côtés droit et gauche du wagon) du wagon-citerne no GATX 13147. Les agents de sécurité de Transports Canada ont découvert cinq autres wagons (nos GATX 97920, 96475, 18569, 13082, et CGTX 64158) qui montraient des fissures de taille variable à la longrine tronquée. Les renseignements portant sur ces wagons ont révélé qu'ils avaient tous fait l'objet d'une inspection de la longrine tronquée au cours de l'année précédente, dans le cadre de l'étude menée par SIMS Professional Engineers.

Le 26 mars 1994, à Edmonton (Alberta), une rame de wagons partis à la dérive est entrée en collision avec six wagons-citernes immobilisés sur une voie privée d'un expéditeur. On s'est aperçu que deux wagons avaient des fissures dans la longrine tronquée (nos CELX 23050 et 23016). Il a été établi que la fissure du wagon no CELX 23016 existait auparavant; on a toutefois déterminé que les fissures des deux wagons avaient pris naissance dans des soudures imparfaites.

Le 28 juin 1994, à Toronto (Ontario), une collision est survenue dans un triage à butte entre deux wagons-citernes (nos PROX 91519 et 91522) et d'autres wagons qu'on avait fait passer sur la butte. Ces wagons étaient munis d'une longrine centrale complète, et aucune fissure n'a été découverte; toutefois, les deux wagons avaient subi un choc suffisamment important pour courber la longrine, de sorte qu'il a fallu retirer les wagons du service.

1.8 Renseignements divers

Tous les wagons-citernes qui sont en service en Amérique du Nord sont faits de métal, surtout d'acier. À une certaine température, les aciers ordinaires et les aciers alliés connaissent une transition, passant de caractéristiques de ductilité à celles de fragilité. Ils montrent habituellement une capacité réduite d'absorption de l'énergie lorsque les températures sont basses. Dans certains cas, la relation est linéaire et il n'existe pas de plateau correspondant clairement à la température de ductilité nulle. Cette relation est bien connue et a incité le comité des wagons-citernes de l'AAR à modifier ses spécifications et à exiger, à partir du 1er janvier 1989, la normalisation des tôles d'acier utilisées dans la construction de wagons affectés au transport des gaz comprimés ou des liquides les plus dangereux (qui ne comprennent pas l'essence). La normalisation de l'acier permettra l'uniformisation de la structure et des propriétés ainsi qu'une réduction de la taille du grain. Un grain plus fin améliore la dureté et la ductilité.

2.0 Analyse

2.1 Introduction

Une fissure qui a pris naissance dans la soudure entre le triangle de stabilité et la longrine tronquée s'est propagée dans la plaque d'appui, et a ensuite atteint la tête et la paroi de la citerne du wagon-citerne no PROX 47917. La rupture a occasionné une fuite du contenu. Il est évident que le wagon-citerne no PROX 47917 a subi une rupture fragile. Le processus de rupture s'est amorcé lorsqu'une forte contrainte de traction a été appliquée sur la soudure, à une température à laquelle la capacité d'absorption de l'énergie de l'acier est très faible. La soudure représentait une zone de concentration accrue des contraintes, qui correspondait avec le point d'origine de la rupture. L'analyse discutera de la façon dont le wagon no PROX 47917 a été endommagé, et portera sur la question plus générale de l'intégrité des wagons-citernes.

2.2 Examen des faits

2.2.1 Manutention du wagon

Le wagon-citerne no PROX 47917 a pu être tamponné pendant ou après son passage sur le triage à butte au triage Taschereau. L'effort nécessaire pour causer les dommages relevés sur le wagon-citerne no PROX 47917 aurait été présent s'il y avait eu attelage entre ce dernier wagon et d'autres wagons sur la voie no 80, à une vitesse de 20 mi/h. Si, par contre, le wagon-citerne no PROX 47917 a été tamponné (alors qu'il était attelé à d'autres wagons et a été heurté par une rame de wagons), il aurait suffi d'une vitesse de 10 mi/h pour occasionner un effort identique. La vitesse du wagon lorsque ce dernier est passé par le triage à butte le 26 janvier a été consignée comme étant 2,8 mi/h. Donc, il est raisonnable de dire que le triage à butte du wagon no PROX 47917 n'a pas causé la rupture. Il semble que les dommages aient été causés au wagon après que celui-ci a été immobilisé sur la voie no 80 et qu'un tamponnement ait causé l'apparition de la fissure, probablement lorsque la locomotive de manoeuvre a poussé une rame de wagons attelés ensemble pour les atteler au wagon-citerne no PROX 47917.

2.2.2 Exigences relatives à la construction des wagons

Le métal de la paroi de la citerne satisfaisait aux exigences des spécifications qui étaient en vigueur à l'époque oû le wagon-citerne a été construit.

Le Laboratoire technique du BST a découvert que l'acier de la paroi de la citerne était fragile aux températures de janvier. À partir des résultats de son analyse des contraintes, CANAC a conclu que, si l'acier n'avait pas été fragile, le wagon-citerne aurait été capable d'absorber une énergie environ 12 fois plus élevée sans qu'il y ait rupture.

Toutefois, il est aussi évident qu'un wagon-citerne fait d'un matériau fragile peut très bien avoir des performances satisfaisantes par basse température, et ce tout au long de sa durée de vie utile. Dans le cas du wagon no PROX 47917, ce wagon-citerne était en service depuis 25 ans et avait parcouru plus de 750 000 kilomètres sans problème apparent.

Pour qu'une rupture fragile se produise dans un matériau qui, par ailleurs, serait ductile, trois conditions doivent exister : forte contrainte de traction comme un choc, le fait qu'une zone du wagon soit sujette à des contraintes plus élevées, comme dans le cas d'une soudure, et une température suffisamment basse pour réduire considérablement la capacité d'absorption d'énergie de l'acier.

D'après le rapport de CANAC, le wagon-citerne no PROX 47917 a dû, en théorie, être exposé à un effort de plus de 6 670 kilonewtons (kN), si sa soudure était bonne et s'il ne présentait pas de défauts préalables visibles. Rien n'indique que le wagon avait une fissure avant l'incident, mais la soudure transversale entre le triangle de stabilité et la longrine tronquée était imparfaite, ce qui a causé le retrait de la soudure. On en déduit que le wagon n'avait jamais été exposé à un tel effort par le passé puisqu'il aurait fui. De plus, en Amérique du Nord, il y a des dizaines de milliers de wagons-citernes qui sont affectés au transport de produits réglementés et dont le métal pourrait devenir fragile à des températures hivernales, mais qui ne seront jamais exposés à un tel effort. Par conséquent, il semblerait que ces wagons-citernes, s'ils sont bien soudés et s'ils ne présentent pas de défauts préalables visibles, ne présentent pas de danger à la sécurité, à moins qu'ils ne soient soumis à des efforts extraordinaires.

2.2.3 Inspections de l'état mécanique et construction des wagons

On peut dire que le wagon-citerne no PROX 47917 n'était pas endommagé lorsqu'il a été inspecté pour la première fois le 25 janvier 1994, et que, selon les faits, il a été endommagé avant qu'il parte du triage avec le train no 591, le 26 janvier 1994. Donc, les dommages au wagon-citerne no PROX 47917 n'ont pas été constatés au cours de la seconde inspection autorisée, faite le 26 janvier 1994.

De plus, l'inspection faite par les employés de Petro-Canada n'a pas permis de détecter la rupture dans la soudure entre le triangle de stabilité et la longrine tronquée, ainsi que dans la tête et la paroi de la citerne. De même, l'équipe du train qui a réparé temporairement les pièces brisées le 27 janvier 1994 n'a pas remarqué la rupture.

Il convient de noter que, même s'il était rompu, le wagon-citerne no PROX 47917 ne laissait pas fuir de produit immédiatement après avoir été chargé. Tout comme une fissure capillaire, une telle rupture est bien visible sur toute sa longueur, à condition toutefois qu'on la cherche. Au moment de l'accident, les employés de l'expéditeur n'avaient pas reçu d'instructions particulières voulant qu'on recherche des ruptures dans le secteur de la longrine tronquée des wagons-citernes.

Dans le cas d'une rupture fragile, il n'y a habituellement pas de déformation plastique. Toutefois, il se forme une fissure capillaire par laquelle le contenu finit par s'échapper.

Les défaillances décrites aux paragraphes a) à d) de la section 1.1 du présent rapport concernent la rupture et auraient été visibles lors d'un examen attentif. Les défaillances décrites aux paragraphes f), h), j) et l) de la section 1.1 auraient été visibles lors d'une inspection de routine. Pour un observateur averti, ces défaillances auraient concordé avec les dommages causés par un choc important. Ce fait remet en question la qualité de l'inspection faite au moment du départ du train no 591, le 26 janvier 1994.

2.2.4 Comparaison entre la rupture du wagon no PROX 47917 et d'autres ruptures

La rupture du wagon no PROX 47917 a été causée par une rupture fragile.

Un grand nombre des autres ruptures et événements décrits précédemment ont aussi été causés par des ruptures fragiles. Tous les wagons en cause étaient faits d'acier ASTM 285, 515, 516, et TC128. D'un point de vue théorique, l'acier TC128 devrait avoir des performances supérieures pour ce qui est de la température de transition ductilité-fragilité. Toutefois, en au moins une occasion par le passé, on a découvert que cette température de transition ductilité-fragilité était de moins 37 ° C dans le cas de la citerne d'un wagon-citerne fait d'acier TC128. L'exigence de l'AAR quant à la normalisation des tôles utilisées dans la construction des wagons-citernes «sous pression» devrait empêcher que de tels incidents se produisent sur les nouveaux wagons destinés à transporter des produits sous pression.

2.2.5 Fissuration par fatigue

La normalisation réduira les risques de ruptures fragiles, mais elle n'empêchera pas que celles-ci se produisent de nouveau et n'empêchera pas non plus les ruptures dues à la fatigue. Cette rupture due à la fatigue est un mode de rupture progressive par lequel une fissure s'amorce et grandit à mesure que des contraintes sont appliquées et en fonction de la taille de la fissure qui existe déjà. Encore là, la fissure s'amorcera dans une zone de concentration des contraintes, mais contrairement à une rupture fragile, elle peut s'amorcer dans des conditions d'exploitation normales et à la température de la pièce ou à des températures supérieures.

Comme nous l'avons déjà mentionné, les facteurs de concentration des contraintes, qui occasionnent les ruptures fragiles dans certaines conditions d'exploitation, doivent être présents avant que la rupture fragile se produise. Chaque fissure, imperfection ou défaillance qui existe déjà jouerait le rôle de facteur de concentration des contraintes. Dans le cas d'une fissure qui existe déjà, plus celle-ci est grande, plus la charge nécessaire à la propagation de la rupture fragile sera faible. Étant donné qu'on signale qu'on a constaté que plus de 45 p. 100 des wagons-citernes en service en Amérique du Nord qui ont fait l'objet d'une inspection entre 1993 et le début de 1995 avaient des fissures ou des défaillances qui existaient déjà, on pourrait être préoccupé pour ce qui est de la sécurité.

De nouvelles fissures se sont amorcées sur la longrine tronquée de certains wagons au cours de l'année qui a suivi l'inspection et les réparations demandées par l'AAR.

2.2.6 Mesures préventives possibles

On peut dégager certaines mesures préventives des faits recueillis et des analyses effectuées. Des inspections attentives pourraient mener à une détection et réparation rapides des fissures et au retrait de wagons dangereux du service.

La rupture du wagon-citerne no PROX 47917 a été le résultat d'un choc très important. Dès que pareil choc se produit, les employés sont habituellement au courant des événements, qu'ils fassent du triage à la butte ou du triage en palier. Il devrait aller de soi que, si des employés sont témoins ou croient être témoins d'un choc plus important que la normale entre un wagon-citerne et d'autre matériel roulant au moment de l'attelage, ils devraient procéder à une inspection ou en faire faire une. Ces inspections devraient se concentrer sur les pièces de structure importantes du wagon.

Il serait aussi raisonnable de s'attendre à ce que, si un wagon subit des dommages, comme dans le cas du wagon no PROX 47917, les inspections, qu'il s'agisse d'inspections à l'arrivée ou d'avant départ, d'inspections des freins ou d'inspections relatives aux marchandises dangereuses, soient effectuées de façon que les dommages visibles ne passent pas inaperçus.

De plus, lorsqu'un wagon-citerne est sur une voie d'évitement d'un expéditeur, à l'écart du tumulte d'un triage, on devrait en profiter pour chercher les signes éventuels de dommages ou d'autres dégâts. Une éducation continue du personnel affecté aux plates-formes de chargement et une inspection complète de chaque wagon-citerne pourraient prévenir la plupart, voire la totalité, des situations dangereuses décrites dans le présent rapport.

Enfin, si les propriétaires de wagons-citernes étaient informés que leur matériel roulant a été mis en cause dans une situation inhabituelle comme un choc important, ils seraient en mesure de prendre les mesures correctives qui s'imposent. La plupart du temps, ils ignorent tout de ces situations ou n'en sont informés qu'au moment oû leurs wagons sont mis en cause dans un accident ou un incident.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis

  1. Le wagon-citerne no PROX 47917 a laissé fuir de l'essence par suite d'une rupture dans la tête et la paroi de la citerne.
  2. Le wagon-citerne no PROX 47917 a été soumis à un choc qui a été suffisamment important pour causer la propagation d'une rupture fragile.
  3. La rupture était présente avant que le produit soit chargé à bord du wagon-citerne. Quand le wagon a été transporté après le chargement, les efforts attribuables au déplacement ont causé la propagation de la rupture jusqu'à ce que le contenu commence à fuir.
  4. Une inspection faite par le personnel de la compagnie ferroviaire avant le chargement n'a pas permis de détecter la rupture et d'autres dommages subis par le wagon-citerne.
  5. L'inspection faite par l'expéditeur a permis de détecter et de consigner certaines défaillances du wagon-citerne; toutefois, elle n'a pas permis d'identifier la rupture de la tête et de la paroi de la citerne du wagon-citerne.
  6. Les wagons-citernes qui présentent des ruptures fragiles ont subi des contraintes de traction extraordinaires à cause d'un effort de choc à basse température.
  7. L'intégrité des citernes n'est pas compromise par les conditions normales d'exploitation.
  8. On a découvert que les facteurs de concentration des contraintes (fissures, défaillances ou imperfections qui existent déjà) desquels les ruptures fragiles prennent leur origine étaient présents dans plus de 45 p. 100 des wagons-citernes de l'Amérique du Nord inspectés entre 1993 et le début de 1995.
  9. La fissuration par fatigue dans des zones oû les contraintes sont très concentrées peut commencer dans des conditions normales d'exploitation par température modérée.
  10. De nouvelles fissures se sont amorcées sur la longrine tronquée de certains wagons au cours de l'année qui a suivi l'inspection et les réparations demandées par l'Association of American Railroads.
  11. Si l'on signalait tous les chocs plus importants que la normale mettant en cause des wagons-citernes, on pourrait probablement procéder par la suite à une inspection des pièces de structure importantes de tels wagons.

3.2 Causes

La paroi de la citerne s'est rompue après avoir été exposée à un choc excédant la résistance nominale du wagon.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures prises

En décembre 1994, le BST a fait parvenir à Transports Canada un Avis de sécurité ferroviaire signalant qu'à plusieurs reprises, des wagons-citernes qui présentaient des défaillances graves avaient subi un ensemble d'inspections du CN qui étaient destinées justement à identifier des défaillances de ce genre, notamment des fissures graves dans les longrines tronquées des wagons-citernes, mais qu'aucune défaillance n'avait été relevée. À la suite de cet avis, Transports Canada a effectué un sondage et mené des entrevues au hasard auprès d'inspecteurs de wagons autorisés du CN et du CP afin d'évaluer leur degré de connaissance des règles de sécurité, notamment les règles et les méthodes d'inspection relatives aux inspections des longrines tronquées des wagons-citernes. En conséquence, le CN a mis en oeuvre un programme de recyclage à l'intention de ses inspecteurs de wagons. De plus, Transports Canada a fait savoir que l'Association des chemins de fer du Canada avait été avisée d'informer toutes ses compagnies membres des problèmes liés aux inspections de wagons-citernes.

4.2 Mesures à prendre

Le Bureau reconnaît qu'on prend actuellement des mesures afin de régler certains des problèmes dus à la conception et aux spécifications actuelles des wagons-citernes à longrine tronquée qui sont en service dans l'industrie ferroviaire de l'Amérique du Nord. Le Bureau signale par exemple qu'au Transportation Test Center de Pueblo, au Colorado, des essais sont en cours qui détermineront les niveaux de tolérance aux dommages des wagons actuels et le taux de croissance des fissures existantes. En outre, pour la nouvelle génération de wagons-citernes, les conceptions doivent dorénavant être soumises à une analyse informatisée des éléments finis, qui examine un wagon-citerne comme étant un système complet afin de mettre en évidence les zones structurales qui sont sujettes aux concentrations de contraintes.

Les essais susmentionnés sur le parc existant de wagons-citernes devraient permettre aux compagnies ferroviaires de mettre au point des programmes améliorés d'entretien préventif relativement aux fissures qui apparaissent dans des conditions normales d'exploitation. Toutefois, le Bureau croit que, pour trouver une solution globale et efficace au problème de la fissuration des longrines tronquées, il faudra se concentrer sur deux points. Premièrement, le violent choc qu'a subi le wagon en cause a occasionné une rupture fragile, ce qui a entraîné une fissuration beaucoup plus étendue et beaucoup plus rapide que dans des conditions normales d'exploitation. En second lieu, l'inspection courante qui a été effectuée sur ce wagon n'a pas permis de détecter la fissure, même si celle-ci se trouvait en un point connu pour être sujet à la fissuration.

Le Bureau croit qu'il n'est pas inhabituel que des wagons-citernes à longrine tronquée subissent par inadvertance des contraintes ou des efforts structuraux supérieurs à la normale, et ce même pendant l'exploitation courante. Des contraintes ou des efforts de choc anormaux peuvent se produire pendant le triage à butte à haute vitesse, pendant le triage en palier, quand un wagon subit des «tamponnements» lorsqu'il pousse une rame ou passe au triage à butte, ou quand on enraille des wagons à l'aide d'élingues d'attelage. Comme nous l'avons noté relativement à l'accident, les températures très froides qui peuvent durer plusieurs mois au Canada ont dû accroître le risque de fissuration fragile du métal de la citerne. On reconnaît qu'il faut posséder des connaissances spécialisées sur la construction des wagons-citernes et sur la nature de la fissuration des longrines tronquées pour détecter certains types de fissures, surtout si ces dernières commencent tout juste à se former. On admet aussi qu'il est difficile de détecter certaines fissures sur des wagons-citernes munis d'une enveloppe isolante. À la lumière de la longue liste de problèmes de fissuration des longrines tronquées de wagons-citernes, le Bureau est préoccupé par le fait que les wagons-citernes à longrine tronquée qui servent au transport de marchandises dangereuses et qui ont subi des contraintes ou des efforts de choc anormaux ne font pas l'objet d'une inspection spéciale visant à confirmer leur intégrité structurale et à déterminer si les wagons peuvent rester en service. Par conséquent, afin de réduire davantage les risques que des dommages structuraux ou des fissures de la longrine tronquée se propagent à l'intérieur de l'enveloppe de la citerne des wagons-citernes affectés au transport de marchandises dangereuses, le Bureau recommande que :

Le ministère des Transports exige que les compagnies ferroviaires de compétence fédérale :

  1. mettent en oeuvre, à l'intention de tous les employés affectés aux mouvements des wagons de marchandises, un programme de sensibilisation sur le fait que les wagons-citernes à longrine tronquée sont sujets à la fissuration, particulièrement s'ils sont soumis à des contraintes ou des efforts de choc anormaux par temps froid;
  2. établissent une marche à suivre qui permettrait aux employés de signaler les wagons-citernes à longrine tronquée qu'ils soupçonnent d'avoir été soumis à des contraintes ou à des efforts de choc anormaux;
  3. procèdent à une inspection spéciale des wagons-citernes à longrine tronquée qui, d'après les rapports, ont subi des contraintes ou des efforts de choc anormaux, avant que ces derniers soient remis en service.

Recommandation R97-03 du BST

De plus, comme les compagnies ferroviaires des États-Unis et du Canada s'échangent fréquemment des wagons-citernes à longrine tronquée, le Bureau recommande que :

Le ministère des Transports, en consultation avec la Federal Railroad Administration des États-Unis, encourage les compagnies ferroviaires des États-Unis à adopter un programme d'inspections spéciales des wagons-citernes à longrine tronquée que l'on soupçonne d'avoir été exposés à des contraintes ou à des efforts de choc anormaux.
Recommandation R97-04 du BST

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros.