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Rapport d'enquête maritime M16P0062

Échouement de chalands
Remorqueur H.M. Scout remorquant les chalands
HM Blue Horizon et HM Tacoma
Victoria (Colombie-Britannique)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 2 mars 2016, à 17 h 30, heure normale du Pacifique, le remorqueur H.M. Scout a quitté Victoria (Colombie-Britannique) à destination de Bamberton (Colombie-Britannique), remorquant les chalands HM Tacoma et HM Blue Horizon en tandem. Pendant le voyage, le remorqueur a affronté du temps violent, le câble de remorquage entre les chalands s’est rompu, et le HM Blue Horizon s’est échoué près de la pointe Clover (Colombie-Britannique). Au cours de la tentative de récupération, un bout du câble de remorquage rompu s’est coincé dans l’hélice du remorqueur, mettant ce dernier partiellement en panne. Le HM Tacoma s’est par la suite échoué près de la pointe Finlayson (Colombie-Britannique), et le remorqueur, en panne, a largué le câble de remorquage et est rentré à Victoria (Colombie-Britannique). L’événement n’a fait aucun blessé, mais une partie des rebuts de construction qui se trouvaient sur le chaland HM Blue Horizon a été perdue en mer.

1.0 Renseignements de base

1.1 Fiche technique du navire

Tableau 1. Fiche technique des navires
Nom du navire* H.M. Scout HM Tacoma HM Blue Horizon
Numéro officiel 313915 839752 329198
Port d’immatriculation Vancouver (C.-B.) Vancouver (C.-B.) Vancouver (C.-B.)
Pavillon Canada Canada Canada
Type Tug Barge Barge
Jauge brute 13.88 532.39 818.82
Longueur 12.01 m 45.56 m 53.34 m
Construction 1961 1966 1968
Propulsion 1 moteur diesel V-12 (387,8 kW) entraînant une hélice à 3 pales à pas fixe Non propulsé Non propulsé
Cargaison Cargaison Matériel de levage et de construction Rebuts de construction et pieux d’un quai
Équipage 2 Aucun Aucun
Propriétaires enregistrés** Heavy Metal Marine Ltd., Victoria (C.-B.) Heavy Metal Marine Ltd., Victoria (C.-B.) Heavy Metal Marine Ltd., Victoria (C.-B.)
* Les noms des navires figurent dans le rapport exactement tels qu’ils sont enregistrés dans le Registre canadien d’immatriculation des bâtiments ou dans le Registre des petits bâtiments (commerciaux) de Transports Canada.
** Les entreprises sont détenues conjointement par une personne s’occupant du développement commercial et d’une personne agissant comme exploitant.

1.2 Description des navires

1.2.1 H.M. Scout

Le H.M. Scout (figure 1) est un remorqueur à coque d'acier pontéNote de bas de page 1, à une seule hélice, construit en 1961. Il est doté d'une étrave droiteNote de bas de page 2 et d'un tableau arrière arrondi. Sous le pont principal ouvert, 3 cloisons transversales étanches divisent la coque en 4 compartiments (à partir de la proue) : un espace mort, les quartiers de l'équipage, la salle des machines et la cambuse.

Figure 1. H.M. Scout
H.M. Scout

La timonerie est montée directement sur le pont principal, et on y accède par des portes sur tribord et sur bâbord. Elle abrite les commandes du moteur, un pilote automatique, un radar, un appareil GPS (système mondial de positionnement), un radiotéléphone très haute fréquence avec système d'appel sélectif numérique (VHF/ASN) et 2 appareils électroniques de visualisation des cartes marines. Il y a un poste de conduite sur le dessus de la timonerie, où est rangé l'équipement de sauvetage (radiobalise de localisation des sinistres [RLS] et radeau et bouées de sauvetage). On accède au poste de conduite par une échelle fixe à bâbord de la timonerie, ou par une échelle portative fixée à l'arrière de la timonerie.

La salle des machines est accessible par une écoutille, protégée par une hiloire, située à l'arrière de la timonerie au niveau du pont principal. Il est aussi possible d'y accéder par les quartiers de l'équipage grâce à une porte aménagée dans la cloison transversale. Dans la salle des machines se trouvent 2 réservoirs de carburant diesel, à bâbord et à tribord. Un réservoir d'expansion muni d'un clapet antiretour est monté au-dessus du moteur. Il contient du liquide de refroidissement supplémentaire pour le moteur. Le tableau d'alarme de la salle des machines, situé dans la timonerie, comprend des alarmes de niveau bas et de température élevée du liquide de refroidissement.

Le remorqueur est équipé d'un treuil de remorquage à un seul tambour et d'un guide-câble hydrauliques. Le treuil est actionné à partir du pont principal au moyen de leviers de commande situés à tribord du treuil. En cas d'urgence, il est possible de relâcher le frein du treuil à partir du pont principal, de la timonerie ou du poste de conduite situé au-dessus de la timonerie.

1.2.2 HM Tacoma

Le HM Tacoma (figure 2) est un chaland en acier soudé à pont plat à étrave et à poupe inclinées. Il est divisé en 11 compartiments séparés par des cloisons étanches : 2 longitudinales et 4 transversales. Une grue orientable de 37 tonnes à moteur diesel est installée à l'arrière. Le carburant du moteur diesel est stocké dans un réservoir intégré à même la grue.

Figure 2. HM Tacoma
HM Tacoma

Le chaland est muni de 2 bêches d'ancrage en acier, situées à bâbord et à tribord. Les coins avant du chaland sont munis de bittesNote de bas de page 3 de 12 pouces, chacune fixée à un angle de 45 degrés de l'axe longitudinal pour faciliter le remorquage. À l'extrémité arrière du chaland, des bittes sont installées à bâbord et à tribord. Les bittes à bâbord sont alignées parallèlement à l'axe longitudinal du bâtiment. La bitte située le plus à l'arrière à bâbord est à 25 cm de la poupe. Les bittes à tribord sont alignées perpendiculairement à l'axe longitudinal du bâtiment, et sont à 75 cm de la poupe

Au moment de l'événement, le tirant d'eau estimé du HM Tacoma était de 1,5 m, et le franc-bord, de 1,55 m. Puisque le chaland avait été exploité aux États-Unis, une échelle de tirant d'eau était peinte sur sa coque pour respecter la réglementation de la United States Coast Guard (USCG)Note de bas de page 4.

1.2.3 HM Blue Horizon

Le HM Blue Horizon (figure 3) est un chaland en acier soudé à pont plat à étrave et à poupe inclinées. Il est divisé en 8 compartiments par des cloisons étanches : 1 longitudinale et 4 transversales. À l'extrémité avant du chaland, des bittes de remorquage de 8 pouces sont installées à bâbord et à tribord. Elles sont soudées en angle (à 45 degrés de l'axe longitudinal) pour faciliter le remorquage. Une bitte de 8 pouces est installée de chaque côté de l'extrémité arrière du chaland. Des échelles sont fixées sur chaque côté du chaland pour l'embarquement et le débarquement du personnel.

Figure 3. HM Blue Horizon
HM Blue Horizon

Le tirant d'eau théorique du chaland est de 2,9 m; une échelle de tirant d'eau n'est pas peinte sur la coque, et la réglementation ne l'exige pas. Au moment de l'événement, le tirant d'eau estimé du chaland était de 0,6 m, et le franc-bord, de 2,69 m.

1.3 Activités de l'entreprise

Le H.M. Scout, le HM Tacoma et le HM Blue Horizon sont la propriété d'une entreprise de construction maritime et de battage de pieux qui exerce ses activités à Bamberton (Colombie-Britannique). L'entreprise, qui est en activité depuis 2004, possède aussi 6 autres navires.

Au moment de l'événement, l'entreprise achevait un contrat de rénovation du terminal d'une ligne de traversier dans l'arrière-port de Victoria, et transportait des matériaux et de l'équipement de construction de Victoria à Bamberton. Le HM Blue Horizon et le HM Tacoma avaient été amarrés au terminal pour servir à la construction et au stockage des rebuts. Le remorqueur H.M. Scout servait au remorquage de chalands entre Bamberton et le chantier. Le jour de l'événement, le H.M. Scout avait remorqué un chaland plus petit de l'entreprise depuis Bamberton jusqu'à la pointe Ogden, à Victoria, et retournait à Bamberton avec le HM Tacoma et le HM Blue Horizon.

1.4 Déroulement du voyage

Le 2 mars 2016, à 17 h 30Note de bas de page 5, le remorqueur H.M. Scout, avec à son bord un capitaine et un matelot de pont, a commencé le remorquage des 2 chalands, le HM Tacoma et le HM Blue Horizon,vers Bamberton. Les 2 membres de l'équipage portaient des vêtements de flottaison individuels.

Environ 1 heure après le début du voyage, le matelot de pont a remarqué que le HM Blue Horizon n'était plus aligné derrière le HM Tacoma, mais avait dévié en angle d'un côté. Le matelot de pont a alerté le capitaine et a commencé à surveiller continuellement le remorquage. À ce moment, le remorqueur faisait cap sur le sud-est en avant toute, et naviguait à environ 1 nœud sur le fond avec un courant arrière. Les vents sud-sud-est étaient de 37 nœudsNote de bas de page 6 (annexe A), et le remorqueur et les chalands remorqués affrontaient de hautes vagues d'environ 2 à 3 mètres.

Vers 18 h 58, les câbles reliant le HM Tacoma et le HM Blue Horizon se sont rompus. Le HM Blue Horizon a commencé à dériver vers la rive à la pointe Clover, située à 0,1 mille marin (nm) (annexe B). Le capitaine a fait demi-tour avec le remorqueur et, en remorquant toujours le HM Tacoma, a poursuivi le HM Blue Horizon. Il a appelé le propriétaireNote de bas de page 7 avec son téléphone cellulaire pour l'informer qu'il avait perdu un des chalands. Le propriétaire a commencé à faire des appels pour trouver un remorqueur commercial capable de leur venir en aide. Vers 19 h 3, le HM Blue Horizon s'échouait du côté sud-ouest de la pointe Clover. À 19 h 5, les Services de communication et de trafic maritimes (SCTM) ont tenté de communiquer avec le H.M. Scout par radiotéléphone VHF, mais sans obtenir de réponse.

À 19 h 7, le H.M. Scout, qui remorquait toujours le HM Tacoma, rejoignait le chaland échoué. En raison des eaux peu profondes et des vagues qui déferlaient le long de la rive, le remorqueur oscillait violemment. Le matelot de pont a relié 2 attelages de réserveNote de bas de page 8 et est monté sur le  Blue Horizon pour relier le chaland avec ces attelages. Après que le matelot de pont fut remonté à bord du remorqueur et entré dans la timonerie, le capitaine a tenté de dégager le HM Blue Horizon de la plage, mais l'attelage s'est rompu pendant cette manœuvre. Le capitaine a appelé le propriétaire et l'a informé que la tentative de récupération du chaland avait échoué.

Vers 19 h 10, l'attelage rompu lors de la tentative de récupération est tombé par-dessus bord et s'est coincé dans l'hélice du remorqueur. Le matelot de pont a signalé la situation au capitaine qui a ensuite appelé le propriétaire avec son téléphone cellulaire pour l'en informer. Le remorqueur était alors partiellement en panne. Sa propulsion était réduite et il éprouvait des problèmes de gouverne. Peu après, l'alarme de température élevée du moteur s'est fait entendre dans la timonerie et de la fumée a commencé à émaner de la salle des machines. Le capitaine a demandé au matelot de pont d'entrer dans la salle des machines et d'ouvrir le clapet antiretour du réservoir d'expansion du liquide de refroidissement du moteur. Pendant ce temps, les vents soufflaient à plus de 40 nœuds, avec des rafales à 47 nœuds.

À 19 h 18, les SCTM ont communiqué avec le remorqueur par radiotéléphone VHFNote de bas de page 9. Le capitaine a demandé aux SCTM de rester à l'écoute et, pendant les quelque 30 minutes suivantes, le remorqueur et le HM Tacoma ont été poussés vers la côte à la pointe Finlayson à cause du mauvais temps. Entre 19 h 48 et 19 h 53, plusieurs transmissions par radiotéléphone VHF se sont succédé entre le capitaine et les SCTM. Les SCTM ont relayé les messages au Centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage; on a alors déterminé que le capitaine maintenait sa position au large de la pointe Clover en attendant l'arrivée d'un autre remorqueur pour l'aiderNote de bas de page 10, qu'un chaland était échoué, et que le capitaine maintenait la position de l'autre chaland.

À 19 h 53, le capitaine a demandé de l'aide aux SCTM. Le remorqueur et le chaland étaient très proches de la plage, et peu après, le HM Tacoma s'est échoué. Afin d'éviter que le remorqueur s'échoue également, le capitaine a largué le câble de remorquage du chaland. Le câble n'a pas filé sur toute sa longueur et le matelot de pont a dû intervenir pour que la partie restante puisse filer au complet. Le capitaine a appelé les SCTM pour signaler que le câble de remorquage du HM Tacoma avait été largué et que le deuxième chaland était échoué. Le capitaine a aussi signalé que le moteur du remorqueur surchauffait et qu'il prévoyait retourner à la pointe Ogden.

Entre-temps, le propriétaire,ne parvenant pas à trouver un remorqueur d'assistance,s'est dirigé vers la pointe Ogden pour porter assistance au H.M. Scout à bord d'un autre remorqueur de l'entreprise, le C07567BC. À 20 h 33, le propriétaire a rencontré le H.M. Scout à la pointe Ogden. À ce moment, le moteur du H.M. Scout est tombé en panne et le C07567BC a remorqué le H.M. Scout au quai Fisherman's Wharf de Victoria.

Le 3 mars, le HM Tacoma a été dégagé de la plage par un remorqueur commercial. La semaine suivante, le HM Blue Horizon a été allégé puis dégagé de la plage par un remorqueur commercial.

1.5 Avaries subies par les navires

1.5.1 H.M. Scout

Après l'événement, le moteur principal du remorqueur, qui avait surchauffé, était en panne et nécessitait une révision complète. L'arbre de l'hélice était plié et les extrémités des pales de l'hélice étaient endommagées.

1.5.2 HM Blue Horizon

La coque du chaland a été entaillée d'une brèche, et plusieurs compartiments ont été enfoncés et ont subi des perforations par lesquelles de l'eau s'infiltrait. L'aileronNote de bas de page 11 a aussi été endommagé.

1.5.3 HM Tacoma

Plusieurs compartiments du chaland ont été enfoncés et perforés, et l'aileron a été endommagé. Certaines cloisons transversales et longitudinales ont été déformées.

1.6 Conditions environnementales

À 10 h 19 et à 15 h 48 le jour de l'événement, Environnement et Changement climatique Canada avait émis un avertissement de temps violent [traduction] :

Système frontal traversant les eaux de C.-B. au cours de la nuit, précédé de coups de vent et vents de tempête du sud-est soufflant sur la majeure partie des eaux de C.-B. et suivi de coups de vent du sud-ouest.

À 19 h 30, la station météo du phare de l'île Trial, située à 1,8 mille marin à l'est-sud-est de la pointe Clover, enregistrait une vitesse maximale de vent de 48 nœuds et des vents soutenus de 40 nœuds.

L'Atlas des courants de marée indiquait que le courant suivant la côte de la pointe Clover débordait dans le sens est-nord-est à 1 nœud au moment de l'événement à l'étudeNote de bas de page 12.

L'atlas des cartes des îles Gulf et des voies navigables adjacentes contient l'avertissement suivant [traduction] :

La mer forte est dangereuse pour les petits bateaux quand les vents sont contraires à de forts courants de marée au sud de la pointe Clover, des îles Trial, de l'île Discovery, sur la côte est de l'île DiscoveryNote de bas de page 13.

L'information contenue dans cet avertissement ne figure pas sur la carte marine ni dans les instructions nautiques.

Le propriétaire et le capitaine du H.M. Scout avaient discuté des prévisions météorologiques le matin du 2 mars. Ils avaient conclu que vu la protection offerte par les îles Gulf au sud, les vents sud-ouest et le fait que le HM Blue Horizon était peu chargé, le remorqueur et les chalands pourraient naviguer à une bonne vitesse.

1.7 Brevets, certificats et expérience du personnel

Le capitaine était titulaire d'un brevet lui permettant de travailler comme capitaine de navires à passagers et de remorqueurs d'une jauge brute de moins de 60, naviguant dans les zones côtières de la Colombie-Britannique à 25 milles marins ou moins du littoral. Il avait reçu son brevet en 2008 après avoir cumulé 60 heures de service en mer comme matelot de pont à bord du remorqueur Donmarel, suivi un cours de 80 heures sur la sécurité de la navigation et réussi un examen oral. Il travaillait dans le secteur maritime sur la côte Ouest depuis 2007, et son expérience portait surtout sur le déhalageNote de bas de page 14 et le remorquage des billes sur le fleuve Fraser.

Le capitaine était entré au service de cette entreprise en novembre 2015.

Le matelot de pont travaillait dans le secteur du remorquage côtier depuis 2002, principalement au remorquage de billes sur le fleuve Fraser. Il était entré au service de cette entreprise environ 1 mois avant l'événement.

Le propriétaire-exploitant du C07567BC avait suivi des cours de navigation pour obtenir le brevet de capitaine, avec restrictions, bâtiment d'une jauge brute de moins de 60, mais n'avait pas terminé le processus de certification de Transports Canada (TC).

1.8 Certification et inspection du navire

Le H.M. Scout était équipé et certifié conformément à la réglementation en vigueur. Puisqu'il s'agissait d'un remorqueur d'une jauge brute de moins de 15, il n'avait pas été inspecté par TC, et la réglementation n'exigeait pas qu'il le soit.

Les chalands HM Blue Horizon et HM Tacoma n'avaient pas été inspectés par TC, et la réglementation n'exigeait pas qu'ils le soient.

Le remorqueur C07567BC n'avait pas été inspecté par TC, et la réglementation n'exigeait pas qu'il le soit. TC avait suspendu son immatriculation de petit bâtiment commercial en novembre 2009 en raison du changement de propriété résultant de la restructuration de l'entreprise, et l'entreprise ne l'avait pas renouvelée par la suite.

1.9 Effectif de sécurité

En vertu du Règlement sur le personnel maritime (RPM), le H.M. Scout devait avoir au moins 2 membres d'équipage à son bord pour assurer le quart à la passerelle. De plus, dans les situations d'urgence, il doit y avoir un nombre suffisant de personnes à bord pour intervenir simultanément dans les situations d'urgence, comme mettre à l'eau des bateaux de sauvetage, manœuvrer l'équipement d'extinction d'incendie, maintenir les communications et assurer le quart à la passerelle pendant que le navire navigueNote de bas de page 15.

En ce qui a trait aux heures de travail et de repos, le RPM exige du capitaine d'un navire canadien effectuant des voyages intérieurs qu'il veille à ce qui suit :

  1. que chaque membre d'équipage et lui disposent :
    1. d'une part, d'au moins 6 heures de repos consécutives pour chaque période de 24 heures,
    2. d'autre part, d'au moins 16 heures de repos pour chaque période de 48 heures;
  2. qu'au plus 18 heures, mais au moins 6 heures s'écoulent entre la fin d'une période de repos et le début de la prochaine période de reposNote de bas de page 16.

La publication de Transports Canada (TP) 14070F stipule également que : « Si le navire ne rentre pas au port à la tombée du jour pour accorder une période de repos à l'équipage, les exigences en matière de quart à la passerelle obligent qu'au moins deux personnes disposant des brevets et certificats requis pour manœuvrer le navire restent à bord, en plus de tout autre membre d'équipage requis pour satisfaire aux exigences minimales d'armement en équipageNote de bas de page 17. »

Le jour de l'événement, le matelot de pont avait commencé son service à 7 h, et le capitaine, à 9 h 30. Le remorqueur et les chalands ont quitté la pointe Ogden à 17 h 30, et le trajet de retour était d'environ 30 milles marins. Le remorqueur et les chalands faisant route à une vitesse de 1 à 3 nœuds, le temps de navigation restant a été estimé à au moins 10 heures.

1.10 Préparatifs et configuration de remorquage

Le propriétaire avait préparé le HM Blue Horizon et le HM Tacoma pour le remorquage. Il a utilisé 4 câbles synthétiques – 2 sur bâbord et 2 sur tribord – pour relier les bittes avant du HM Blue Horizon aux bittes arrière du HM Tacoma. La configuration des bittes du HM Tacoma était différente, l'une étant plus proche de l'extrémité arrière et du bord du chaland que l'autreNote de bas de page 18. La distance approximative entre les 2 chalands remorqués était de 1,2 m, le pont avant du HM Blue Horizon étant environ 1 m plus haut que le pont arrière du HM Tacoma (figure 1). Le propriétaire a ensuite remorqué les 2 chalands en tandem derrière le C07567BC dans des eaux abritées entre le terminal des traversiers à Victoria et la pointe Ogden. À la pointe Ogden, le remorquage a été confié au H.M. Scout. Le matelot de pont du H.M. Scout est monté à bord des chalands pour aider au changement de remorqueur.

Le HM Tacoma a été relié au remorqueur H.M. Scout par un câble de remorquage métallique et des câbles métalliques en pattes d'oie. Le câble de remorquage métallique à bord du H.M. Scout mesurait 198 m de long, dont une longueur inconnue avait été filée au moment du départ de la pointe Ogden. Dans les zones calmes et abritées, la société Det Norske Veritas – Germanischer Lloyd (DNV–GL), anciennement GL-Noble Denton, recommande que [traduction] « La longueur minimale pouvant être filée ne sera pas inférieure à 500 m, exclusion faite de la longueur minimale enroulée sur le tambour du treuil, et de la distance entre le tambour et le rail ou le rouleau à la poupeNote de bas de page 19. »

Figure 4. Configuration de remorquage
Configuration de remorquage

1.11 Directives pour la configuration du remorquage

TC a déterminé des normes sur les configurations de remorquage pour les chalands transportant du pétrole, mais pas pour les chalands transportant des marchandises générales, comme le HM Blue Horizon et le HM Tacoma. À titre indicatif, TC recommande aux exploitants canadiens de services de remorquage de se reporter aux recommandations de l'Organisation maritime internationale (OMI), s'il y a lieu, pour compléter les mesures canadiennesNote de bas de page 20. Cette indication porte sur le remorquage en mer, mais est aussi utile pour d'autres types d'opérations de remorquage. Dans le document de l'OMI intitulé Guidelines for Safe Ocean TowingNote de bas de page 21, plusieurs recommandations sont formulées à l'intention des exploitants, y compris les suivantes [traduction] :

Le document de l'OMI indique également que, si le navire remorqué part à la dérive et présente une menace pour la navigation ou pour la côte, le capitaine du remorqueur est tenu de communiquer l'information aux navires dans les environs et aux autorités compétentes par tous les moyens à sa disposition.

Des documents publiés par l'industrieNote de bas de page 22 présentent également aux exploitants de services de remorquage des pratiques exemplaires et des renseignements sur l'adéquation des éléments servant au remorquage et sur la meilleure façon de les disposer. Selon ces directives, dans les eaux exposées, il faut privilégier un long dispositif de remorquage entièrement fait de câbles d'acier. Afin de réduire au minimum le refoulement entre les bâtiments remorqués, les câbles de remorquage doivent être d'une longueur appropriée pour permettre l'effet de caténaireNote de bas de page 23. L'effet de caténaire d'un câble de remorquage d'une certaine longueur augmente la capacité du convoi à absorber les chocs causés par des conditions environnementales rudes en agissant comme un genre de ressort qui diminue les tensions dynamiques de pointeNote de bas de page 24. Les cordages synthétiques ne créent pas d'effet de caténaire et n'amortissent pas le mouvement du convoi, car ils flottent et ils sont relativement courts.

Il est possible d'utiliser différentes configurations quand un remorqueur remorque plusieurs chalands dans des eaux exposées; voir les 3 exemples à l'annexe C.

En ce qui a trait au tirant d'eau des chalands, le guide DNV–GL recommande qu'il soit suffisamment faible pour procurer une stabilité et un franc-bord adéquats, et suffisamment fort pour réduire les mouvements et le claquement. Généralement, pour le remorquage de chalands, le tirant d'eau se situe entre 35 % et 60 % de la profondeur de la coque. Les directives indiquent également que l'échelle de tirant d'eau doit être peinte de façon lisible à l'avant et à l'arrière.

Les directives DNV-GL recommandent en outre d'effectuer une évaluation des risques qui tient compte de la configuration réelle du remorquage, des objets remorqués, du trajet et de la saisonNote de bas de page 25.

Enfin, l'Association canadienne de normalisation (CSA) prévoit des normes et des directives sur les configurations des câbles de remorquage. Ces directives portent sur les diverses opérations en mer mettant en jeu des structures extracôtières fixes et flottantes, mais elles s'appliquent aussi à d'autres opérations de remorquageNote de bas de page 26.

Tandis que les directives de TC peuvent être consultées sur le site Web du ministère, les propriétaires exploitants doivent généralement acheter les éléments pertinents des directives de l'industrie. Il n'y a pas de directives canadiennes normalisées pour aider les exploitants de services de remorquage à évaluer si leur configuration de remorquage est adéquate.

1.12 Câbles de remorquage

Différents facteurs entrent en ligne de compte pour déterminer si un cordage convient ou non à une configuration de remorquage. Il faut tenir compte de l'âge du cordage, de son état, de l'utilisation prévue, de la résistance minimale à la ruptureNote de bas de page 27, de la charge maximale d'utilisationNote de bas de page 28 et du coefficient de sécuritéNote de bas de page 29. Une bonne pratique à adopter par les exploitants de services de remorquage est de vérifier régulièrement si les câbles présentent des signes de vieillissement et d'usure, et de tenir un registre de leur utilisationNote de bas de page 30.

Le guide américain Naval Ships Technical Manual donne certaines directives sur le choix de câble de remorquage. Il précise que des câbles antigiratoires, comme les câbles tressés à 12 ou à 8 torons, sont privilégiés pour le remorquage; les câbles à double tressage offrent une surface d'appui maximale qui procure une plus grande surface de saisie et la capacité de disperser la chaleur et l'abrasion sur une plus grande surface afin de réduire l'usureNote de bas de page 31. Le guide précise aussi que [traduction] « il est plus facile d'épisser les câbles à 3 torons, et ils résistent généralement mieux à l'étirement et à l'abrasion; toutefois, ils ont tendance à tourner sous la charge, ce qui provoque le vrillage et le cloquage. Ils ne sont donc pas recommandés comme aussières de remorquageNote de bas de page 32. » Il n'y a pas de directives canadiennes normalisées pour aider les exploitants de services de remorquage à choisir le câble de remorquage.

Deux types de câbles de remorquage ont été utilisés pour relier le HM Blue Horizon et le HM Tacoma. L'un d'eux était un câble torsadé en copolymère de 48 mm et l'autre était un câble torsadé en polypropylène de 36 mm. Les 2 étaient des câbles à 3 torons torsadés à droite.

1.12.1 Inspection des câbles de remorquage après l'événement

Après l'événement, on a récupéré les câbles en copolymère de 48 mm du HM Blue Horizon. Ils ont été envoyés à un laboratoire privé qui a testé leur résistance résiduelleNote de bas de page 33. Un des câbles s'est rompu à 16,9 tonnes, et l'autre, à 12,9 tonnes. Un câble neuf en copolymère de 48 mm a une résistance à la rupture de 35,3 tonnes.

Visuellement, les câbles semblaient abîmés et décolorés par suite d'une exposition prolongée au soleil. De nombreux brins étaient cassés sur toute la longueur du câble, ce qui dénote de l'abrasion et une usure par traction cycliqueNote de bas de page 34. Les fibres étaient par endroits rigides, cassantes et fondues, ce qui peut dénoter un effet de chocNote de bas de page 35 ou une forte charge soutenue. Les épissures à œillet affichaient des déformations circulaires semi-permanentes correspondant à la largeur des bittes et des signes d'usure, de fusion et de décoloration là où le câble était enroulé autour des bittes. Les épissures à œillet étaient intactes et les 4 câbles s'étaient rompus plus près de leur centre que de leurs épissures à œillet (annexe D).

Les câbles en polypropylène de 36 mm qui ont été récupérés n'étaient pas assez longs pour être mis à l'essai. Visuellement, les câbles de 36 mm montraient des signes de vieillissement et d'usure semblables à ceux des câbles en copolymère de 48 mm. L'œillet d'un des câbles de 36 mm était formé à l'aide d'un nœud.

1.13 Puissance de traction

La puissance de traction qui caractérise un remorqueur est la traction maximale soutenue obtenue lors d'un essai de traction statique. La puissance de traction fait partie intégrante du calcul servant à déterminer si un remorqueur est suffisamment puissant pour effectuer un remorquage particulier, et elle aide les exploitants à choisir les dispositifs de remorquage appropriés.

La puissance de traction du H.M. Scout n'avait pas été déterminée, et rien n'exigeait qu'elle le soit pour des opérations de remorquage de ce type. Après l'événement, l'enquête n'a pas permis de déterminer la puissance de traction du remorqueur en raison des dommages subis par le moteur et par l'arbre de l'hélice.

DNV-GL formule des recommandations sur la puissance de traction des remorqueurs. Si la puissance de traction est inconnue, DNV-GL recommande de l'estimer selon la formule 1 tonne/100 chevaux de puissance au frein (BHP) des moteurs. DNV-GL suggère ensuite de réduire la puissance de traction de 1 % par année pour un remorqueur de plus de 10 ansNote de bas de page 36.

Le moteur principal du H.M. Scout développait 520 BHP, ce qui donne une puissance de traction calculée de 5,2 tonnes. Le remorqueur avait été construit en 1961; par conséquent, comme la puissance de traction réelle était inconnue, les enquêteurs ont estimé la puissance de traction du H.M. Scout à 2,86 tonnes.

1.14 Surveillance réglementaire

1.14.1 Transports Canada

Il incombe à TC de s'assurer que les navires immatriculés au Canada sont inspectés conformément à la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada (LMMC 2001) et à la réglementation connexe. En vertu de la LMMC 2001Note de bas de page 37, le représentant autorisé d'un navire :

Les documents et dossiers justificatifs pertinents doivent être mis à la disposition de toute personne ou organisation autorisée à procéder à des inspections en vertu de la LMMC 2001. Actuellement, TC n'a pas de programme d'inspection des chalands transportant des marchandises générales ni des remorqueurs d'une jauge brute de moins de 15.

1.14.2 WorkSafeBC

L'exploitation des navires maritimes est assujettie à la fois à la compétence des provinces et à la compétence fédérale. WorkSafeBCNote de bas de page 39 a autorité sur la santé et la sécurité au travail chez les employeurs provinciaux exerçant des activités maritimes, y compris en ce qui concerne l'équipement et les procédures de sécurité en général sur ces navires, la supervision générale et la formation de l'équipage, et les dangers en général. Sa compétence ne s'étend pas aux questions relatives aux activités de transport et de navigation. Les agents de prévention de WorkSafeBC assurent la surveillance de la sécurité conformément au cadre législatif provincial de WorkSafeBC et sont affectés à des bureaux chargés de l'inspection des lieux de travail dans une région géographique donnée. Cette surveillance est planifiée en fonction des risques connus des activités de travail ou à la suite d'un accident ou de la réception de plaintes. Les agents rédigent un rapport d'inspection, émettent des ordonnances de conformitéNote de bas de page 40 s'il existe des problèmes de sécurité, et s'assurent que l'employeur soumet un rapport d'enquête.

WorkSafeBC fait également de la sensibilisation à la sécurité à l'aide d'alertes de sécurité, de livrets d'information et d'un programme volontaire, assorti d'incitatifs monétaires, de certificats de reconnaissance. Les employeurs, comme le propriétaire du H.M. Scout, peuvent obtenir un certificat de reconnaissance en mettant en œuvre et en maintenant un système de gestion de la santé et de la sécurité qui dépasse les exigences réglementaires et qui satisfait à un ensemble de normes vérifiées.

1.14.3 Exigences en matière d'inspection des remorqueurs et des chalands aux États-Unis et au Royaume-Uni

Au Royaume-Uni, les petits navires de travail (remorqueurs inclus) exploités dans le cadre d'activités commerciales sont réglementés par  les dispositions des Merchant Shipping (Small Workboats and Pilot Boats) Regulations, 1998 et du Workboat CodeNote de bas de page 41. Cette réglementation exige que les navires de moins de 24 m de long ou de jauge brute de moins de 150 soient inspectés par l'autorité chargée de la certification. Toute inspection réussie se traduit par l'émission d'un certificat dont la durée de validité n'excède pas 5 ans. Le Code informe également les propriétaires et les agents de gestion qu'à elle seule, la possession d'un certificat de compétence ne constitue pas une preuve de la capacité d'occuper un poste en particulier sur un navire donné. Les propriétaires ou les agents de gestion doivent s'assurer qu'il y a suffisamment de personnel formé pour travailler à bord du navire compte tenu de la nature et de la durée du voyage.

Les chalands et les autres objets flottants doivent être inspectés et obtenir un certificat de ligne de charge ou un certificat d'exemption lorsqu'ils sont remorqués.

Aux États-Unis, la Coast Guard and Marine Transportation Act de 2004 a reclassé les remorqueurs comme des navires assujettis aux inspections. En conséquence, l'USCG a adopté une réglementation détaillée sur la sécurité régissant les inspections, les normes et les systèmes de gestion de la sécurité (SGS) des remorqueurs de 26 pieds et plusNote de bas de page 42. La réglementation donne aux propriétaires et aux gestionnaires le choix entre 2 régimes d'inspection :

1.15 Gestion de la sécurité

Un système de gestion de la sécurité (SGS) à bord d'un navire vise principalement à assurer la sécurité en mer, à prévenir les blessures ou les décès, et à éviter les dommages aux biens et à l'environnement. La gestion de la sécurité nécessite la participation de personnes à tous les niveaux de l'organisation et exige le recours à une approche systématique relativement à la détermination et à l'atténuation des risques opérationnels.

Un SGS efficace prévoit notamment les éléments suivants :

L'entreprise en cause dans l'événement à l'étude avait une politique sur la santé et la sécurité s'appliquant à ses activités à terre et de battage de pieux, comme WorkSafeBC l'impose, mais non à ses activités maritimes comme le remorquage et le déhalage des chalands, aux heures de travail et de repos, à l'embauche et à la formation des employés, ni aux opérations. L'entreprise n'avait pas de procédures écrites pour l'exploitation sûre du navire ou les mesures à prendre face à des urgences.

En 2010, TC a entamé des consultations officielles sur un projet de règlement visant la gestion de la sécurité pour les navires canadiens hors convention, dont ceux de moins de 15 tonneaux de jauge brute. Toutefois, le secteur a soulevé des préoccupations, principalement en ce qui concerne les coûts et la faisabilité, et a indiqué que la mise en œuvre des nouveaux règlements serait trop coûteuse pour les petites entreprises exploitant de petits navires. En réponse aux préoccupations des intervenants, TC a amendé son projet de règlement en 2012 pour qu'il ne concerne que les navires de plus de 24 mètres de longueur et ceux transportant plus de 50 passagersNote de bas de page 43.

À la réunion du Conseil consultatif maritime canadien (CCMC) de novembre 2014, TC a présenté au secteur le projet de Règlement sur la gestion pour la sécurité de l'exploitation des navires.

Ces modifications proposées ne s'appliqueraient pas à des remorqueurs de la taille du H.M. Scout.

1.16 Déclaration obligatoire des navires

En vertu du Règlement sur les zones de services de trafic maritime, le capitaine d'un remorqueur doit déclarer des renseignements comme le nom, l'indicatif d'appel, la position, l'heure prévue d'entrée dans une zone de services de trafic maritime, la destination et l'heure prévue d'arrivée à destination, et aussi s'il y a des marchandises dangereuses ou un polluant à bordNote de bas de page 44. Les SCTM ont ainsi facilement accès aux renseignements en cas d'urgence.

Au moment du départ, le capitaine a appelé les SCTM pour les informer de son départ de Victoria et du trajet qu'il prévoyait suivre, mais il n'a pas informé les SCTM du prochain point de compte rendu ni du fait que le HM Tacoma avait à son bord 2000 litres de carburant pour la grue.

De plus, le Règlement sur les zones de services de trafic maritime prévoit qu'un rapport doit être fait aux SCTM dès que le navire est abordé, s'échoue ou frappe un obstacle, ou en cas de défectuosité dans les principaux systèmes de propulsion du navire. La Garde côtière canadienne (GCC) recommande que :

Afin d'assurer le niveau le plus élevé de sécurité, les navigateurs devraient immédiatement informer la Garde côtière canadienne, par l'entremise d'un centre de services de communications et de trafic maritimes, de toute situation grave ou qui risque de le devenir et qui nécessite l'aide des services de recherche et de sauvetage (SAR). On n'insistera jamais trop sur le besoin d'aviser le plus tôt possible les autorités de SAR sur les urgences maritimes possiblesNote de bas de page 45.

Dans l'événement à l'étude, le HM Blue Horizon s'est échoué vers 19 h 3, et le capitaine a informé les SCTM 48 minutes plus tard, après que les SCTM eurent tenté à plusieurs reprises de communiquer avec le remorqueur. Le H.M. Scout a éprouvé des problèmes de propulsion et de surchauffe du moteur à 19 h 10, mais en a informé les SCTM 47 minutes plus tard.

Les propriétaires ont commencé à faire des appels pour tenter de trouver un remorqueur d'assistance dès que le chaland HM Blue Horizon a été à la dérive. Ils ont fait plusieurs appels et ont pu entrer en contact avec 3 propriétaires exploitants ayant des remorqueurs dans la région, mais aucun ne pouvait immédiatement envoyer un remorqueur sur place pour porter assistance.

1.17 Exigences en matière de formation et de brevets pour les capitaines de remorqueurs

Pour travailler comme capitaine sur un remorqueur comme le H.M. Scout, un navigateur doit détenir, au minimum, un brevet de capitaine, avec restrictions, bâtiment d'une jauge brute de moins de 60, ainsi que d'autres certificatsNote de bas de page 46. Pour qu'un candidat obtienne son brevet de capitaine, TC exigeNote de bas de page 47 qu'il ait au moins 2 mois de service en mer à bord d'un ou de plusieurs navires ayant une jauge brute au moins équivalente à celle du navire pour lequel le brevet est demandé, lors de voyages correspondant à ceux permis par le brevet demandé.

Le programme de formation pour le brevet de capitaine, avec restrictions, navire d'une jauge brute de moins de 60 porte sur plusieurs sujets, dont les compétences en navigation, l'exploitation d'un navire et les situations d'urgence. En ce qui a trait aux opérations de remorquage, le programme porte sur les éléments suivants :

En plus de la période exigée de 2 mois de service en mer, le candidat doit réussir un examen écrit sur le sujet correspondant au domaine d'activité ainsi qu'au type et à la jauge brute du navire pour lequel le brevet est demandé, tel que prévu dans le document Examen des navigantsNote de bas de page 48. Les candidats doivent aussi réussir un examen pratique à bord d'un navire. En 2007 toutefois, les candidats avaient la possibilité soit de passer un examen écrit pour évaluer leur connaissance du programme, soit de suivre un cours approuvé de 80 heures couvrant le programme du brevet de capitaine, avec restrictions, navire d'une jauge brute de moins de 60.

Pendant la période exigée de 2 mois de service en mer, les candidats exécutent des fonctions de pont sous la supervision d'un capitaine breveté. Il n'y a aucune directive spécifique sur les tâches pratiques à accomplir pendant le service en mer, et le RPM ne précise pas non dans quelles fonctions les tâches de service en mer doivent être exécutées, seulement qu'il doit s'agir du service de pont. Le RPM stipule que les 2 mois de service en mer peuvent être ramenés à 1 mois si le candidat suit un programme approuvé de formation à bord.

Actuellement, aucun programme de formation à bord n'est approuvé à cette fin au Canada. TC prépare actuellement une publication du ministère sur la formation à bord approuvée, document qui décrira les tâches pratiques à exécuter et les critères d'évaluation des compétences. La signature du représentant du navire confirmant que les compétences exigées ont été acquises sera requise.

Le programme de formation à bord permettra au candidat de raccourcir son service en mer, mais ne l'exemptera pas des examens. Ce programme comprend des travaux pratiques à bord et un apprentissage théorique préparant les candidats aux examens de TC. Une fois la formation à bord terminée, les candidats pourraient avoir besoin de cours en classe pour réussir les examens exigés par TC.

Il existe déjà au Royaume-Uni un cadre permettant aux exploitants de donner de la formation en fonction des directives établies selon les compétences spécifiques exigées pour les remorqueurs. La British Tugowners Association, en accord avec la Maritime and Coastguard Agency du Royaume-Uni, a lancé un programme de formation par apprentissage et de registre de formation pour le travail à bord de remorqueursNote de bas de page 49. Ce programme exige que les candidats exécutent des tâches de remorquage spécifiques avant de devenir admissibles à l'obtention d'un certificat de remorqueur, et prévoit un registre de formation pour les capitaines de remorqueurs leur permettant d'attester leur expérience des opérations de remorquage.

1.18 Événements antérieurs

Depuis 2013, au moins 6 autres événementsNote de bas de page 50 dans lesquels la défaillance de dispositifs de remorquage s'est soldée par la perte de remorques ont été signalés au Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST). Le BST a fait enquête sur 2 de ces événements, mettant en cause les remorqueurs Andre H. et Charlene Hunt.

En décembre 2013, le remorqueur Andre H. remorquait un chaland et 2 navires de service – l'I.V. NO. 8, l'I.V. NO. 9 et l'I.V. NO. 10 – l'un derrière l'autre. Pendant le passage dans le golfe du Saint-Laurent, les conditions météorologiques se sont détériorées et les attelages reliant l'I.V. NO. 9 à poupe de l'I.V. NO. 8 se sont rompus. L'I.V. NO. 9 et l'I.V. NO. 10 se sont détachés et se sont ensuite échoués près de L'Anse-Pleureuse (Québec). Aucune blessure ou pollution n'ont été signalées. L'enquête du BSTNote de bas de page 51 a permis de constater que :

En janvier 2013, le remorqueur Charlene Hunt a perdu sa remorque au large du cap Race (Terre-Neuve-et-Labrador) lorsque le dispositif de remorquage s'est rompu par gros temps. L'enquête du BSTNote de bas de page 52 a permis de constater que :

Au cours de cette enquête, le BST a aussi constaté que Transports Canada avait ébauché une politique sur l'inspection des remorqueurs et leur remorque en partance du Canada pour un voyage international. La politique fournit aux inspecteurs de Transports Canada un cadre d'évaluation des remorqueurs et leur remorque, et précise que Transports Canada évaluerait chaque opération de remorquage pour s'assurer du respect des articles 111 et 189 de la LMMC 2001.

Un autre événement semblable s'est produit en Colombie-Britannique en novembre 2004, alors que le remorqueur Manson, avec un équipage de 2 personnes, remorquait la barge-grue McKenzie et la barge à plateforme M.B.D. 32. Durant la traversée du détroit de Géorgie (Colombie-Britannique), les attelages reliant le MBC 32 à l'arrière du McKenzie se sont détachés et le Manson n'a pas été capable de récupérer le MBC 32. Le Manson a chaviré et coulé, entraînant la perte des 2 membres d'équipage. L'enquête du BSTNote de bas de page 53 a permis de constater que :

1.19 Liste de surveillance du BST

La Liste de surveillance du BST énumère les principaux enjeux de sécurité qu'il faut régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr.

La surveillance et la gestion de la sécurité figurent sur la Liste de surveillance 2016. Comme l'événement à l'étude l'a démontré, certaines entreprises de transport ne gèrent pas leurs risques de façon efficace, et bon nombre d'entre elles ne sont pas tenues d'avoir des processus structurés de gestion de la sécurité en place. La surveillance et l'intervention de Transports Canada n'ont pas toujours réussi à provoquer des changements dans les pratiques d'exploitation non sécuritaires des entreprises. Pour résoudre ce problème, tous les exploitants du secteur maritime devront adopter des processus structurés de gestion de la sécurité, et Transports Canada devra en assurer une surveillance. Lorsque les entreprises ne peuvent pas gérer efficacement la sécurité, Transports Canada doit non seulement intervenir, mais le faire de façon à changer les pratiques d'exploitation non sécuritaires.

La surveillance et la gestion de la sécurité resteront sur la Liste de surveillance du BST jusqu'à ce que :

  • Transports Canada mette en œuvre des règlements obligeant tous les exploitants des secteurs du transport commercial aérien et maritime à adopter des processus structurés de gestion de la sécurité et supervise efficacement ces processus;
  • les entreprises de transport qui possèdent un système de gestion de la sécurité démontrent qu'il fonctionne bien, c'est-à-dire que les risques sont décelés et que des mesures de réduction des risques efficaces sont mises en œuvre;
  • Transports Canada intervienne lorsque des entreprises de transport ne peuvent pas assurer efficacement la gestion de la sécurité, et le fasse de façon à corriger les pratiques d'exploitation non sécuritaires.

2.0 Analyse

2.1 Facteurs ayant mené à l'échouement des chalands

Le H.M. Scout a quitté Victoria avec, en configuration de remorquage en tandem, les chalands HM Tacoma et HM Blue Horizon. Les 2 chalands étaient reliés par des câbles synthétiques courts et dégradés, de différents diamètres, longueurs et matériaux. Les câbles ont été amarrés à des bittes qui n'étaient pas correctement alignées pour le remorquage et qui n'étaient pas à équidistance de la coque du HM Tacoma. Le câble de remorquage entre le remorqueur et le premier chaland était aussi trop court et ne permettait pas un effet de caténaire pour amortir les mouvements dynamiques entre le remorqueur et le chaland.

Tôt le matin du 2 mars, la météo prévoyait des coups de vent et des vents de tempête du sud-est dans le secteur de l'événement, et la station météo de l'île Trial a enregistré des vents soutenus supérieurs à 30 nœuds pendant presque tout l'après-midi. Par ailleurs, le courant de marée était contraire à la direction des vents. L'effet des vents et du contre-courant a créé de hautes vagues que le remorqueur et les chalands ont dû affronter.

Plus tôt, pendant le trajet d'aller vers la pointe Ogden, le remorqueur remorquait uniquement 1 chaland plus petit, et il avait le vent en poupe, ce qui lui avait permis de maintenir une bonne vitesse. Puisque le remorqueur et les chalands faisaient alors route dans la même direction générale que se détériorait l'état de la mer, il se peut que l'équipage n'ait pas constaté que les conditions météorologiques empiraient. Pendant le trajet de retour toutefois, le remorqueur remorquait une charge plus lourde, contre les éléments, et il avançait lentement juste avant l'événement.

Bien que le capitaine et le propriétaire aient discuté de la faisabilité du trajet et aient évalué sommairement la météo avant le départ, ils n'ont pas recouru à une méthode structurée pour évaluer les risques associés à ce trajet. Par conséquent, ils n'ont pas bien appréhendé l'effet combiné des vents et des vagues sur les 2 chalands dont les dimensions, le port en lourd, le tirant d'eau et le franc-bord étaient différents, et ils n'ont pas constaté les carences du dispositif de remorquage qui ont provoqué le détachement et la dérive du HM Blue Horizon.

De plus, sans procédure d'urgence en cas de perte de la remorque, le capitaine a poursuivi le HM Blue Horizon et tenté de le récupérer alors qu'il remorquait toujours le HM Tacoma, sans bien évaluer les risques que cela comportait (comme les risques d'engagement, de chavirement, d'échouement). Parce qu'il n'y avait aucun équipement de remorquage d'urgence à bord, le matelot de pont a improvisé un dispositif de remorquage d'urgence qui était inadéquat pour l'opération de récupération. Du reste, les efforts déployés pour récupérer le chaland ont mis le matelot de pont en danger : il a dû grimper entre le remorqueur et le chaland dans une mer agitée pour attacher les 2 parties du dispositif de remorquage, et il a dû sortir sur le pont du remorqueur où se trouvait le câble de remorquage en acier du HM Tacoma. Sans plan d'urgence pour guider leurs interventions, les membres de l'équipage ont pris des décisions improvisées et se sont mis en danger en tentant de récupérer le HM Blue Horizon.

Le câble de remorquage rompu s'est coincé dans l'hélice du remorqueur, provoquant la surchauffe du moteur. Comme sa propulsion était réduite et qu'il remorquait toujours le HM Tacoma, l'état de la mer a poussé le remorqueur vers la rive à la pointe Finlayson. Trente minutes plus tard, le HM Tacoma s'échouait. Le H.M. Scout, partiellement en panne, a alors mis fin à la tentative de remorquage afin d'éviter de s'échouer à son tour, et il est rentré à Victoria en laissant les 2 chalands échoués.

Pendant ce temps, le capitaine faisait régulièrement le point avec le propriétaireNote de bas de page 54, mais aucun des 2 propriétaires ni le capitaine n'a informé les SCTM de l'évolution de la situation. Si les SCTM avaient été informés rapidement, la Garde côtière canadienne aurait pu envoyer de l'aide.

2.2 Adéquation de la configuration de remorquage

Les navires font face à différents mouvements, y compris tangage, roulis, lacets, refoulement, virages et embardées, quand ils naviguent en mer. Ces mouvements dynamiques sont accentués par grands vents ou vagues de hauteur et de fréquence changeantes. Dans une opération de remorquage, chacun des navires subit ces mouvements indépendamment des autres, ce qui exerce des forces de traction complexes sur les dispositifs de remorquage, en plus des tensions du remorquage lui-même. Les forces dynamiques peuvent être extrêmes et provoquer la rupture d'un câble de remorquage, même si la tension moyenne du remorquage respecte des limites acceptables au début du trajetNote de bas de page 55. Pour assurer la sécurité d'un trajet, le matériel utilisé pour relier un remorqueur au navire remorqué doit être solide tout en étant assez souple pour résister aux forces susceptibles de s'exercer durant un trajet.

Dans l'événement à l'étude, la configuration de remorquage présentait divers problèmes qui ont compromis la sécurité de l'opération de remorquage :

La configuration de remorquage a été déterminée par le propriétaire, qui ne possédait aucune certification maritime et qui n'a pas consulté les directives du secteur maritime pour les exploitants de services de remorquage. Bien que la configuration ait pu être adéquate pour effectuer le court trajet du terminal des traversiers dans le port intérieur de Victoria jusqu'à la pointe Ogden dans des eaux abritées, on n'a pas envisagé de la changer pour tenir compte des conditions environnementales et de l'état de la mer que le remorqueur et les chalands pourraient affronter pendant le trajet vers Bamberton, et l'entreprise n'avait en place aucune procédure exigeant que ce soit fait. Faute d'évaluation globale de l'adéquation de la configuration de remorquage aux conditions prévues pour le trajet, on a utilisé une configuration de remorquage inadéquate. Si les propriétaires et les exploitants de remorqueurs n'adoptent pas de procédures et de normes leur permettant de s'assurer de l'adéquation de leur configuration de remorquage et du bon état de leur matériel de remorquage, il y a un risque accru de défaillance du matériel de remorquage et de perte de remorque.

Depuis 2013, le BST a constaté dans au moins 6 autres événements que l'adéquation des configurations de remorquage était un facteur. Plus particulièrement, les enquêtes ont permis de déterminer que les configurations de remorquage n'étaient pas adaptées aux conditions environnementales et opérationnelles, et qu'elles utilisaient des éléments en mauvais état.

Si Transports Canada ne fournit pas de normes et de directives faciles à comprendre aux propriétaires et exploitants de remorqueurs leur permettant de s'assurer de l'adéquation de leurs configurations de remorquage et du bon état de leur équipement, y compris quant au choix des câbles de remorquage, il y a un risque accru de défaillance du matériel de remorquage et de perte de remorque.

2.3 Gestion du risque dans les opérations de remorquage

Les opérations de remorquage présentent des risques particuliers, qui doivent être gérés efficacement pour garantir la sécurité du navire, de l'équipage et de l'environnement. Pour faciliter la gestion des risques, il incombe à l'entreprise d'établir des pratiques d'exploitation sécuritaires et des procédures d'urgence, et de fournir à l'équipage les directives nécessaires pour évaluer les risques de chaque opération de remorquage. Comme le recommandent les directives du secteur maritime, cette évaluation doit tenir compte de la configuration de remorquage adoptée, des objets remorqués, du trajet et de la saisonNote de bas de page 56.

Dans l'événement à l'étude, l'entreprise n'avait pas préparé de procédures ou de directives documentées pour ses opérations maritimes, privant ainsi l'équipage :

Bien que le propriétaire et le capitaine aient pris en compte de façon informelle les effets possibles de la météo et du courant sur le remorqueur et les chalands pendant le trajet, une approche plus systématique de la gestion des risques aurait pu contribuer à mieux comprendre les risques. Une approche systématique nécessiterait la reconnaissance, l'analyse et la mise en corrélation des effets combinés de l'environnement d'exploitation, de l'état de la configuration de remorquage, de la disponibilité de services de secours et des conséquences possibles d'un accident. À ce stade, il y aurait lieu de recourir à des stratégies d'élimination ou d'atténuation des risques, comme de retarder le départ jusqu'à ce que la météo soit meilleure, de modifier la configuration de remorquage ou de remorquer un seul chaland.

Un système de gestion de la sécurité (SGS) est une des méthodes pour évaluer et gérer les risques des opérations maritimes. Bien que les SGS soient largement reconnus comme étant efficaces pour la gestion des risques, ils ne sont pas exigés pour tous les navires. Les exploitants de services de remorquage de chalands ne sont pas tenus actuellement d'utiliser un SGS, même si la taille et la jauge de ces convois peuvent être semblables à celles d'un navire de marchandises classique, et les risques qui y sont associés peuvent être plus grands compte tenu de la complexité du raccordement et de la conduite d'un ensemble remorqueur-chaland. Dans l'événement à l'étude, un SGS aurait pu être utile pour aider l'entreprise à repérer et à gérer les risques présents dans leurs opérations maritimes.

Sans une évaluation complète des risques inhérents aux opérations de remorquage, il est possible que des risques susceptibles de mettre en danger le remorqueur, les chalands, l'équipage et l'environnement passent inaperçus.

2.4 Effectif minimal de sécurité

Un document concernant l'effectif minimal de sécurité est fondé sur une évaluation du navire faite par TC, qui détermine les exigences d'armement, y compris l'effectif minimal requis et les compétences de base requises de chaque membre d'équipage. L'établissement de l'effectif minimal d'un navire est fondé sur les exigences du RPM. Les navires inspectés dont la jauge brute est supérieure à 15 doivent se conformer à un document concernant l'effectif minimal de sécuritéNote de bas de page 57.

En revanche, les remorqueurs dont la jauge brute est inférieure à 15 ne sont pas inspectés et n'ont pas à posséder un document concernant l'effectif minimal de sécurité. TC permet plutôt au représentant autorisé de déterminer combien de membres d'équipage supplémentaires doivent être à bord pour faire naviguer le navire en toute sécurité et pour composer avec une situation d'urgence. Toutefois, les directives existantes sur l'effectif minimal sont lourdes et difficiles à suivre pour les exploitants ayant une connaissance limitée du RPM et disposant de ressources limitées. Dans l'événement à l'étude, le RPM exigeait qu'au moins 2 personnes soient à bord du H.M. Scout, et la pratique voulait que le remorqueur et les chalands naviguent avec un équipage de 2 personnes : le capitaine et un matelot de pont.

Pour le trajet à l'étude, rien n'indique que l'entreprise ait évalué s'il fallait prévoir des membres d'équipage supplémentaires par rapport à l'effectif minimal pour l'exploitation d'un remorquage en tandem par très mauvais temps. Ainsi, le remorqueur et les chalands ont pris la mer avec l'effectif habituel de 2 personnes.

Pendant la tentative de récupération du HM Blue Horizon, le matelot de pont a quitté le remorqueur et est monté à bord du chaland en pleine noirceur, seul et dans des conditions météorologiques défavorables, pour fixer les attelages au chaland. Pendant ce temps, le capitaine était seul à bord du remorqueur pour manœuvrer sur une mer agitée à proximité de la côte, tout en surveillant le câble d'amarrage du HM Tacoma, qui était toujours remorqué. Si quelque chose avait mal tourné à bord du remorqueur ou du chaland, aucun des 2 membres d'équipage n'était en mesure de venir rapidement en aide à l'autre. De plus, on n'a pas tenu compte des heures de travail et de repos pour se conformer au RPM. Si le remorqueur et les chalands avaient pu poursuivre le trajet de retour vers Bamberton, évalué à 10 heures, le temps total de service depuis le début du quart de travail à Bamberton ce matin-là aurait été d'environ 22 heures, et il aurait fallu faire appel à d'autres membres d'équipage certifiés.

TC laisse l'effectif sécuritaire des remorqueurs dont la jauge brute est inférieure à 15 à la discrétion des représentants autorisés sans donner de directives claires sur la façon de déterminer l'effectif nécessaire. Par conséquent, il peut arriver que l'équipage minimal ne soit pas en mesure de gérer efficacement une situation d'urgence, particulièrement en présence de facteurs aggravants, comme du mauvais temps. De plus, il est toujours possible que des facteurs commerciaux ou d'autres considérations d'ordre opérationnel aient préséance sur la sécurité, et qu'il se présente des situations où les navires naviguent avec un équipage insuffisant.

Si les exigences relatives à un effectif sécuritaire ne sont pas exprimées simplement et clairement et dans un format utilisable par les usagers, particulièrement les exploitants de navires qui ne font pas l'objet d'inspections de routine, il y a risque qu'un navire prenne la mer avec un effectif insuffisant à bord.

2.5 Surveillance réglementaire

Les propriétaires et les exploitants de petits navires commerciaux naviguant en eaux canadiennes sont assujettis à la réglementation de différents organismes gouvernementaux de réglementation. Tous les organismes de réglementation incitent les exploitants à se conformer de leur propre chef à la réglementation, mais ils doivent aussi intervenir périodiquement pour faire en sorte que les propriétaires et les exploitants respectent la réglementation essentielle à la sécurité dans leurs domaines respectifs. TC et WorkSafeBC réglementent tous deux l'exploitation des navires maritimes dans leurs domaines de compétence respectifs, mais ni l'un ni l'autre ne possède un programme d'inspection qui permettrait de vérifier si les propriétaires et les exploitants de remorqueurs d'une jauge brute de moins de 15 se conforment à la réglementation essentielle à la sécurité.

Dans l'événement à l'étude, nous avons constaté diverses lacunes dans le respect des exigences réglementaires par l'entreprise. Par exemple :

Si les remorqueurs ayant une jauge brute de moins de 15 ne sont pas soumis à une surveillance réglementaire adéquate pour assurer la conformité à la réglementation, il est possible que des lacunes d'exploitation ne soient pas corrigées.

2.6 Formation pratique pour les capitaines de remorqueurs

L'enquête a permis de déterminer que le régime de formation à bord pour un détenteur de brevet de capitaine, avec restrictions, bâtiment d'une jauge brute de moins de 60 ne prévoit aucune structure de contenu à traiter pendant les 2 mois de service en mer d'un candidat. Quoique les candidats doivent aussi réussir des examens écrits et pratiques, le manque de structure pendant les 2 mois de service en mer signifie que les tâches effectuées pendant la formation pratique peuvent être très différentes d'un candidat à l'autre. En conséquence, certains candidats pourraient n'acquérir qu'un minimum d'expérience pratique dans l'exécution de certaines tâches, comme le remorquage.

Conscient des risques inhérents à une formation pratique non structurée, le Royaume-Uni a créé un programme de formation par apprentissage et de registre de formation pour le travail à bord de remorqueurs, dans le cadre duquel les candidats doivent exécuter des tâches spécifiques avant de recevoir le certificat de remorqueur. TC a également reconnu que cette lacune existe dans le régime de formation actuel et est en train d'élaborer un régime de formation semblable à celui du Royaume-Uni.

Si le régime de formation pour le personnel maritime n'exige pas des candidats qu'ils obtiennent une expérience pratique spécifique des activités qu'ils ont le droit d'exercer selon le certificat, et s'il ne permet pas de vérifier si les candidats ont acquis ces connaissances, il est possible que les connaissances des opérations d'un détenteur de certificat et ses capacités à les exécuter en toute sécurité soient limitées.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le capitaine et le propriétaire, qui assuraient l'exploitation sans procédures et sans évaluation systématique des risques, ont involontairement pris des décisions qui ont contribué à l'échouement des chalands.
  2. L'adéquation globale de la configuration de remorquage n'avait pas été évaluée pour les conditions du trajet, et une configuration de remorquage inadéquate a été utilisée.
  3. Le remorqueur et les chalands ont dû affronter les coups de vent, les vents de tempête et la mer agitée prévus par la météo, et les forces combinées de ces mouvements ont provoqué la rupture des câbles entre les chalands; le HM Blue Horizon a dérivé et s'est échoué.
  4. Sans plan d'urgence pour guider leurs actions, les membres de l'équipage ont pris des décisions improvisées et se sont mis en danger en tentant de récupérer le HM Blue Horizon.
  5. Pendant la tentative de récupération, un câble s'est coincé dans l'hélice du remorqueur et a causé une panne partielle; le remorqueur et le HM Tacoma ont dérivé vers la rive et le chaland s'est échoué.
  6. Le capitaine a demandé l'aide des Services de communication et de trafic maritimes quand le remorqueur risquait de s'échouer. Cependant, au moment où cette demande a été faite, l'intervention de ressources qui auraient éventuellement pu porter assistance n'était plus possible.
  7. Le H.M. Scout, alors partiellement en panne, a abandonné le remorquage du HM Tacoma échoué afin d'éviter de s'échouer à son tour.

3.2 Faits établis quant aux risques

  1. Si les propriétaires et les exploitants de remorqueurs n'adoptent pas de procédures et de normes leur permettant de s'assurer de l'adéquation de leur configuration de remorquage et du bon état de leur matériel de remorquage, il y a un risque accru de défaillance du matériel et de perte de remorque.
  2. Si Transports Canada ne fournit pas de normes et de directives faciles à comprendre aux propriétaires et exploitants de remorqueurs leur permettant de s'assurer de l'adéquation de leurs configurations de remorquage et du bon état de leur équipement, y compris quant au choix des câbles de remorquage, il y a un risque accru de défaillance du matériel de remorquage et de perte de remorque.
  3. Sans une évaluation complète des risques inhérents aux opérations de remorquage, il est possible que des risques pouvant mettre en danger le remorqueur, les chalands, l'équipage et l'environnement passent inaperçus.
  4. Si les exigences relatives à un effectif sécuritaire ne sont pas exprimées simplement et clairement et dans un format utilisable par les usagers, particulièrement les exploitants de navires qui ne font pas l'objet d'inspections de routine, il y a risque qu'un navire prenne la mer avec un effectif insuffisant à bord.
  5. Si les remorqueurs ayant une jauge brute de moins de 15 ne sont pas soumis à une surveillance réglementaire adéquate pour assurer la conformité à la réglementation, il est possible que des lacunes d'exploitation ne soient pas corrigées.
  6. Si le régime de formation pour le personnel maritime n'exige pas des candidats qu'ils obtiennent une expérience pratique spécifique des activités qu'ils ont le droit d'exercer selon le certificat, et s'il ne permet pas de vérifier si les candidats ont acquis ces connaissances, il est possible que les connaissances des opérations d'un détenteur de certificat et ses capacités à les exécuter en toute sécurité soient limitées.

Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .

Annexes

Annexe A – Vitesses des vents enregistrées le 2 mars 2016

Source : Capture d’écran sur Bigwavedave.ca, derniers rapports, île Trial, le mercredi 2 mars 2016, http://www.bigwavedave.ca/latest.php?site=31 (dernière consultation le 19 septembre 2016).
Remarque : L’ombrage plus pâle (jaune) indique les heures de clarté.
Vitesses des vents enregistrées le 2 mars 2016

Annexe B – Lieu de l’événement

Annexe C – Configurations de remorquage de plusieurs chalands

Annexe D – Morceaux de câbles récupérés

Morceaux de câbles de 48 mm en copolymère et de 36 mm en polypropylène utilisés pour les essais
Morceaux de câbles de 48 mm en copolymère et de 36 mm en polypropylène utilisés pour les essais
Câble de 48 mm en copolymère trouvé sur le HM Tacoma
Câble de 48 mm en copolymère trouvé sur le <em>HM Tacoma</em>
Épissure à œillet déformée d’un câble de 48 mm et nœud dans un câble de 36 mm
Épissure à œillet déformée d’un câble de 48 mm et nœud dans un câble de 36 mm
Câble rompu de 48 mm, en copolymère, dont l’extrémité est effilochée, trouvé sur le HM Tacoma
Câble rompu de 48 mm, en copolymère, dont l’extrémité est effilochée, trouvé sur le HM Tacoma