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Rapport d'enquête maritime M00W0005

Heurt violent d'un pont
Par le remorqueur Sea Cap XII Et le chaland T.L. Sharpe
Dans le bras nord du fleuve Fraser
(Colombie-Britannique)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

La flèche d'une grue mobile transportée sur le chaland T.L.Sharpe remorqué par le remorqueur Sea Cap XII a heurté la partie inférieure du pont de la rue Knight. Le pont et le matériel fixé sous le tablier ont été endommagés. La flèche de la grue s'est pliée sous le choc. La grue a glissé du chaland, est tombée à l'eau et a coulé.

Renseignements de base

Sea Cap XII T.L. Sharpe
Numéro officiel 348570 384121
Port d'immatriculation New Westminster (C.-B.) New Westminster
(C.-B.)
Pavillon Canada Canada
Type Remorqueur Chaland
Jauge bruteNote de bas de page 1 51 355,9
Longueur 13,77 m 32 m
Tirant d'eau 3,66 m 0,9 m
Construction 1979, Vancouver (C.-B.) 1979, Vancouver nord (C.-B.)
Groupe propulseur 1 diesel de 1 040 ch au frein entraînant deux hélices Sans moyen de propulsion
Équipage 2 personnes Aucun
Propriétaires enregistrés Valley Towing Ltd. Fraser River Pile & Dredge

Description des bâtiments

Photo 1. Le Sea Cap XII.
Le Sea Cap XII.

Le Sea Cap XII est un petit remorqueur en acier utilisé principalement sur le fleuve Fraser et, à l'occasion, employé pour certains travaux légers dans les eaux du détroit de Georgia. Il est muni de deux hélices placées dans des tuyères Kort ainsi que de quatre gouvernails reliés par un palonnier. Le rouf, placé au milieu du navire, abrite à l'avant un panneau regroupant les commandes de navigation, de gouverne et des machines, et à l'arrière, une cuisine. Avec des fenêtres sur les quatre côtés, le rouf offre une vue sur presque tout l'horizon.

La porte, qui donne sur l'arrière du remorqueur, est partiellement vitrée. Derrière le rouf, il y a deux cheminées mais, comme celles-ci ne se trouvent pas sur l'axe longitudinal, l'équipage peut observer en tout temps le chaland remorqué.

Le T.L.Sharpe est un chaland rectangulaire en acier à plat-pont; il est muni de deux bêches d'ancrage latérales (qui servent à ancrer le chaland au fond) placées à peu près au milieu du bâtiment ainsi que d'un rouf à l'avant. Sur le toit du rouf se trouvent les machines qui commandent les bêches d'ancrage ainsi que deux supports pour arrimer celles-ci.

Le chaland et la grue, qui appartiennent à la même compagnie, sont utilisés pour des opérations de dragage. Le chaland a été modifié pour recevoir une grue mobile sur le pont. À l'avant, face au rouf, un berceau formé d'une poutre en acier joignant deux poteaux métalliques est destiné à recevoir la flèche de la grue. Selon l'information recueillie, le berceau n'est utilisé que pour faciliter l'entretien de la flèche. Lorsque celle-ci repose dans le berceau, elle est soumise à des vibrations et à des efforts de flexion excessifs, ce qui explique qu'on laisse ordinairement la flèche en dehors du berceau pendant le transport de la grue. Habituellement, on laisse la flèche suspendue aux câbles de levage au-dessus du berceau lorsque le chaland est remorqué, et cette façon de faire est approuvée par les propriétaires.

La grue à bord du chaland était une grue Crawler Manitowoc 4000W. Sa flèche de 39,6 m de longueur pointait vers l'avant et était suspendue aux câbles de levage. Le chaland et la grue étaient gréés pour le remorquage. Les flèches d'ancrage étaient relevées et arrimées sur le toit du rouf. La grue et sa flèche étaient immobilisées et arrimées au pont du chaland par des câbles et des pitons à oeil conçus à cette fin.

L'entreprise de remorquage était l'un des sous-traitants auxquels avait régulièrement recours l'entreprise de dragage pour transporter son équipement (chalands, allèges, etc.) entre des points situés sur le fleuve Fraser et ailleurs.

Les ponts

Deux des ponts routiers et ferroviaires qui enjambent le bras nord du fleuve Fraser sont munis de travées pivotantes. Aux autres ponts, le trafic fluvial passe sous des travées fixes. Les hauteurs libres qu'offrent les ponts à travée fixe sur la route du Sea Cap XII sont indiquées sur les cartes du Service hydrographique du Canada (SHC), ainsi que dans les Instructions nautiques. Elles sont également publiées par l'administration portuaire. Toutes ces sources.d'information étaient à la disposition des personnes liées à l'opération de remorquage (voir le Tableau 1).

Tableau 1

Carte 3491 du SHC
Hauteur libre (en mètres)
Feuillet de la Commission du havre de North Fraser
Hauteur libre (en mètres)
Pont au-dessus de la pleine mer supérieure, grande marée au-dessus des basses eaux locales à une marée de 12 piedsNote de bas de page 2
Queensborough 22 m 26,0 m 24,4 m
Rue Knight, section sud 19 m
23,3 m
20,9 m
Rue Oak 18 m 22,9 m 20,2 m
Arthur Laing 19 m 23,3 m 20,6 m

Le pont de la rue Knight est un pont routier placé dans un axe nord-sud qui relie les deux rives du fleuve. À cet endroit, le fleuve a deux chenaux navigables (nord et sud) qui sont séparés par l'île Mitchell. La section comprise entre Vancouver et l'île Mitchell est connue sous le nom de Knight Street Bridge North (pont nord de la rue Knight), et celle comprise entre l'île Mitchell et Richmond, sous celui de Knight Street Bridge South (pont sud de la rue Knight). Le remorqueur et le chaland passaient sous le pont sud de la rue Knight quand la flèche a heurté le pont.

Le pont sud de la rue Knight est constitué de deux ouvrages parallèles séparés, à peu près identiques. Un des ouvrages sert aux véhicules qui se dirigent vers le nord; les véhicules qui se dirigent vers le sud empruntent l'autre ouvrage. Le tablier principal est constitué de longues travées en porte-à-faux comprises entre les appuis principaux de part et d'autre du chenal, ainsi que d'une travée suspendue qui enjambe le milieu du chenal, joignant les travées en porte-à-faux. La travée suspendue de chaque ouvrage est constituée d'une poutre en béton post-contraint, cambrée et reposant sur deux paliers amortisseurs à chaque extrémité. Chaque poutre est bloquée latéralement par une palplanche d'alignement en acier, laquelle est ancrée à chaque bout aux travées en porte-à-faux par quatre boulons en acier.

Chacun des deux ouvrages comporte un tablier en sections portant une voie asphaltée. Sous le tablier de l'ouvrage nord-sud est accrochée une passerelle d'entretien intégrant des supports destinés à des canalisations d'eau et de gaz, ainsi qu'à des lignes électriques. Les poutres et le tablier du pont forment autour des canalisations une sorte de cage en forme de U inversé fermée au bas par le treillis métallique de la passerelle. Les hauteurs libres indiquées au tableau 1 sont mesurées directement sous le point le plus haut des poutres cambrées. Le bas du treillis métallique se trouve à environ 1 m au-dessus de ce point.

Le voyage

Le 14 janvier 2000, le chaland T.L.Sharpe, avec la grue sur le pont, est amarré à une rampe de Richmond Landfill sur la rive nord du bras sud du Fraser, à environ 12 milles en amont de Sand Heads, l'estuaire principal du fleuve. Les propriétaires du chaland ont l'intention d'envoyer le chaland à Secret Cove (futur lieu de dragage) qui se trouve du côté nord du détroit de Georgia, à environ 38 milles au nord-ouest de Sand Heads.

De l'endroit où le chaland est mouillé, le remorqueur peut emprunter deux routes pour se rendre au détroit de Georgia : il peut descendre le bras sud et déboucher à Sand Heads, ou le remonter jusqu'à Queensborough, pour ensuite redescendre le bras nord du Fraser jusqu'au poste d'amarrage de Sea Island (Sea Island Tie-up) (voir l'Annexe A). On ne rencontre pas de pont quand on emprunte la première route. Quand on emprunte la seconde route, la voie navigable est généralement plus étroite et il faut passer sous plusieurs ponts et lignes électriques.

Photo 2. Un inclinomètre qui avait été fixé au bras de la grue.
Un inclinomètre qui avait été fixé au bras de la grue.

Même si un inclinomètre, attaché à la flèche, est visible du poste du grutier et du pont du chaland, ni le grutier ni son superviseur ne pensent à l'angle d'inclinaison de la flèche au moment de préparer la grue pour le remorquage. Le grutier reçoit de son superviseur l'ordre de préparer la grue et le chaland pour un remorquage vers l'aval du bras sud du Fraser. Lors des préparatifs, il faut procéder au relevage des bêches d'ancrage, à leur arrimage sur le toit du rouf et à l'arrimage de la grue et de la flèche. Le superviseur ne donne pas d'instructions particulières sur l'angle de repos de la flèche ni sur la hauteur de la tête de la flèche.

Dans la première semaine de janvier, les propriétaires du chaland demandent que le T.L.Sharpe ainsi que deux allèges vides qui se trouvent au poste d'amarrage de Sea Island soient remorqués à Secret Cove avant midi, le lundi 17 janvier 2000. Les propriétaires du chaland ont déclaré que l'entente avec l'entreprise de remorquage prévoyait que le chaland serait remorqué depuis son point de départ directement vers l'aval via Sand Heads. Pour eux, la hauteur de la flèche n'est donc pas très importante étant donné l'absence d'obstacles aériens sur cette route. Le nom du remorqueur n'est jamais mentionné au cours de cette démarche ni pendant les communications précédentes entre les entreprises.

L'entreprise de remorquage, pour sa part, estimait que l'équipement transporté par le chaland pouvait être acheminé par l'une ou l'autre route et elle soutient qu'elle était entièrement libre du choix de la route à suivre. Selon elle, il était convenu que le remorquage aurait lieu le dimanche 16 janvier 2000. L'entreprise de remorquage aurait apparemment été confortée dans son impression - qu'elle pouvait opter pour l'une ou l'autre des deux routes - lorsque les propriétaires du chaland ont téléphoné le vendredi 14 janvier 2000 pour confirmer que les bêches d'ancrage du chaland avaient été sorties de l'eau.

Le samedi 15 janvier au petit matin, les propriétaires du remorqueur reçoivent un appel de l'entreprise de dragage leur demandant d'enlever le T.L.Sharpe de la rampe de Richmond Landfill pour faire de la place pour un autre chaland qui doit arriver à 9 h 30. Le gérant de l'entreprise de remorquage communique avec le patron du Sea Cap XII, qui s'occupe alors d'un autre remorquage, pour lui ordonner d'aller prendre en remorque le T.L.Sharpe à Richmond Landfill.

Apparemment, comme les deux allèges et le T.L.Sharpe sont destinés au même lieu de dragage, situé à l'extérieur du fleuve Fraser, l'entreprise de remorquage compte faire appel à un gros remorqueur, capable de tirer les trois bâtiments à la fois. Le petit Sea Cap XII n'est chargé que de conduire le T.L.Sharpe au poste d'amarrage de Sea Island où les allèges attendent.

Le Sea Cap XII arrive à Richmond Landfill vers 10 h. Le patron a l'intention de remorquer le chaland via le bras nord du Fraser. À une trentaine de mètres de distance, il évalue visuellement la hauteur libre et estime que la flèche passe sous les ponts.

Le patron a à sa disposition un feuillet préparé par la Commission du havre de North-Fraser indiquant les hauteurs libres sous le pont en fonction d'une marée de 12 pieds. Le remorqueur et le chaland doivent aussi franchir les travées ouvertes de deux ponts ferroviaires qui enjambent le bras nord du Fraser.

Ni le patron ni le matelot ne regardent l'inclinomètre de la flèche de la grue, ni ne se renseignent sur la hauteur de la tête de la flèche. Par le passé, lorsqu'il passait sous un pont, le patron s'inquiétait surtout de la hauteur des bêches d'ancrage relevées. Lorsque celles-ci étaient à la verticale, le patron pouvait se guider sur les repères (en pieds) qui y étaient gravés pour évaluer la hauteur des autres objets verticaux. Dans le cas à l'étude, comme les bêches d'ancrage étaient arrimées, presque à l'horizontale, sur leur support, on n'avait pas à se préoccuper de leur hauteur, et le patron ne pouvait pas se servir de cette information pour évaluer la hauteur de la flèche.

Vers 10 h 20, le Sea Cap XII quitte Richmond Landfill avec le T.L.Sharpe en remorque. Quelques minutes après le départ, les propriétaires ordonnent au Sea Cap XII d'interrompre le voyage et d'amarrer temporairement le chaland pour exécuter un autre bref remorquage autour de l'île Annacis. À 10 h 55, le patron amarre le chaland à l'île Annacis pour s'acquitter de l'autre remorquage. À 12 h 25, il reprend le remorquage du T.L.Sharpe.

Vers 12 h 50, le remorqueur et le chaland passent sous le pont Queensborough. Ni le patron ni le matelot ne surveillent le haut de la flèche pendant que le convoi passe sous le pont. Par la suite, après avoir raccourci la touée pour franchir le chenal nord du pont ferroviaire du CN, ils la rallongent à environ 30 mètres. Vers 13 h 40, le remorqueur et le chaland doublent la pointe est de l'île Mitchell, environ 700 mètres en amont de la travée sud du pont de la rue Knight.

Jusqu'alors, il s'agit d'un voyage de routine et l'équipage du Sea Cap XII ne prévoit aucun problème. Le temps est clair et frais, la visibilité est bonne et un vent du sud-est souffle à environ 30 noeuds. La marée descend. Ni le vent ni le courant de surface n'influencent le cours des événements. Selon l'horaire des marées, la pleine mer à Sand Heads est survenue à 11h 23; au moment de l'accident, la hauteur calculée de la marée à Sand Heads est de 3,72 m (12,2 pieds).

Photo 3.Vue du pont sud de la rue Knight à partir de l'ouest immédiatement après l'accident. On voit le chaland T.L.Sharpe, avec ses bêches d'ancrage dans le berceau et pointant vers l'avant, alors qu'il est « ancré » sous le pont par la grue qui a été engloutie à l'arrière. De l'eau fuit de la canalisation rompue.
Vue du pont sud de la rue Knight à partir de l'ouest immédiatement après l'accident. On voit le chaland T.L.Sharpe, avec ses bêches d'ancrage dans le berceau et pointant vers l'avant, alors qu'il est ancré sous le pont par la grue qui a été engloutie à l'arrière. De l'eau fuit de la canalisation rompue.

À 13 h 45, le remorqueur passe sous le pont de la rue Knight; le patron a la conduite du remorqueur tandis que le matelot se trouve dans la timonerie, dos tourné au chaland. Alors que le remorqueur se trouve juste à l'ouest du pont, les membres d'équipage entendent un grand bruit. Ils regardant en arrière et voient la flèche vaciller et plier. Le bout de la flèche frotte contre le dessous de la travée en béton. Des morceaux de béton tombent sur le chaland qui est éclaboussé par l'eau d'une canalisation suspendue. Le patron ralentit les machines pour réduire la traction; toutefois, le chaland conserve son erre et la grue, dont la tête de la flèche est coincée sous le pont, glisse du chaland vers l'arrière et coule.

Le patron fait aussitôt le 911 pour signaler l'accident. Quelques minutes plus tard, la sûreté municipale de Vancouver le rappelle sur son téléphone cellulaire pour l'informer que toutes les personnes concernées ont été prévenues. Le patron dételle le remorqueur du chaland qui est en partie submergé et fermement « ancré » sous le pont par la grue qui a été engloutie. Le remorqueur restera dans les parages pendant plusieurs heures.

Dommages

La police a interdit toute circulation sur le pont pendant que les autorités inspectaient la travée et évaluaient les dommages au tablier du pont et aux deux canalisations au-dessous. De l'eau fuyait de la canalisation d'eau qui s'est rompue. La canalisation de gaz n'a pas subi de dommages importants, mais elle est sortie de son collier et plusieurs ferrures de support du tuyau ont été légèrement déformées. Les boulons d'ancrage des palplanches d'alignement des poutres à l'extrémité nord de la travée suspendue nord-sud ont été cisaillés et la sablière inférieure s'est déplacée d'environ 6 cm vers l'ouest.

Le rapport préparé après l'accident par le ministre des Transports et de la Voirie de la Colombie-Britannique contient une évaluation circonstanciée des dommages. Le pont a été fermé à la circulation pendant environ 48 heures.

Photo 4. La grue a glissé du chaland et a coulé sous le pont. À la surface de l'eau, on voit la flèche de la grue qui a plié sous le choc.
La grue a glissé du chaland et a coulé sous le pont. À la surface de l'eau, on voit la flèche de la grue qui a plié sous le choc.

L'enquête a démontré que le réa au bout de la flèche a d'abord heurté le côté de la poutre en béton du côté est au-dessus du point le plus élevé de la cambrure; la flèche a alors glissé sous la poutre et heurté le treillis métallique et les canalisations. Sous le choc, la flèche a été pliée et tordue et les dispositifs d'assujettissement de la grue au chaland ont été endommagés. La machinerie de la grue a été endommagée par l'eau parce que la grue a été immergée.

Personnel du remorqueur et procédures d'exploitation

Le patron du remorqueur était titulaire d'un brevet de capitaine pour navire de 350 tonneaux délivré en 1972. Il possédait environ 35 ans d'expérience du remorquage, expérience qu'il avait entièrement acquise dans les eaux côtières de la Colombie-Britannique et sur le fleuve Fraser. Il était le patron du Sea Cap XII depuis 1980. Il travaillait sept jours de suite avant de prendre sept jours de congé. L'accident s'est produit le sixième jour de son cycle de sept jours. Le 15 janvier, le patron a quitté son domicile vers 4 h 15. Avant de remorquer le T.L.Sharpe, il a exécuté deux remorquages; il s'agissait de tâches courantes qui n'exigeaient pas d'effort particulier.

Le matelot du Sea Cap XII avait environ 11 ans d'expérience sur des remorqueurs de la Colombie-Britannique. Il travaillait depuis six ans pour les propriétaires du Sea Cap XII. Auparavant, il avait conduit un petit remorqueur dans le bras de mer Burrard. Il avait suivi un cours élémentaire de survie d'une durée de trois jours offert par un centre de formation local.

Ni le patron ni le matelot n'avaient reçu de formation en bonne et due forme au travail d'équipe ou à la gestion des ressources à la passerelle. L'entreprise n'avait pas organisé de rencontre formelle ni de formation pour ses équipages, même si la situation du quai de la compagnie à New Westminster ainsi que la nature des opérations (remorquage sur courte distance) donnaient lieu à de fréquentes communications et à de nombreux échanges d'information entre les équipages et la direction.

L'entreprise de remorquage à qui appartenait le Sea Cap XII n'avait pas établi de règles ni de lignes directrices écrites - à l'intention des patrons - concernant les procédures d'exploitation, notamment la nécessité de déterminer le tirant d'air des chalands. Selon l'information recueillie, les tâches de remorquage sont la plupart du temps des tâches courantes et l'organisation est basée sur des méthodes et des procédures élaborées et adaptées au fil des ans.

Il arrivait que les patrons des remorqueurs affectés à une tâche particulière fassent part de certaines exigences au moment de leur arrivée au lieu de prise en charge, et celles-ci étaient toujours prises en considération avant le début du remorquage. Le patron du Sea Cap XII savait que s'il avait eu des exigences, y compris s'il avait refusé d'entreprendre le remorquage, la direction se serait pliée à ses demandes.

Un accident similaireNote de bas de page 3 est survenu le 8 mars 1993 au remorqueurNote de bas de page 4 Ingenika qui tirait le chaland T.L.Sharpe (mêmes propriétaires) transportant une grue du même modèle, sous le pont de la rue Cambie, False Creek, Vancouver. La flèche relevée, fixée au chaland à peu près de la même façon, a heurté le dessous du pont routier, et la grue a glissé du chaland.

Analyse

Il était logique que le Sea Cap XII, de faible tonnage, suive la route intérieure. Il y a plusieurs ponts sur cette route, mais le remorqueur et le chaland n'ont pas à quitter le fleuve pour naviguer dans les eaux non abritées du détroit de Georgia avant de revenir dans le fleuve à la pointe Grey. Étant donné que le tonnage et la nature du bâtiment remorqué ne semblaient présenter aucune contrainte, et que le remorqueur était conduit par un patron chevronné qui avait maintes fois circulé sur le fleuve avec ce convoi et avec d'autres, le gérant de l'entreprise de remorquage n'a pas hésité à envoyer le Sea Cap XII exécuter ce remorquage de courte durée.

Les propriétaires du chaland croyaient que le remorquage se ferait vers l'aval, sur le bras sud du fleuve; toutefois, il a été impossible de déterminer si les propriétaires s'étaient clairement entendus avec l'entreprise de remorquage sur la route à suivre. S'il y avait eu une entente sans équivoque, les deux parties auraient peut-être examiné de plus près tous les aspects du plan de transit.

La décision finale relative au début du remorquage a été laissée au patron du Sea Cap XII. Celui-ci était conscient de ses responsabilités et savait qu'il pouvait refuser le remorquage, mais l'absence de consignes écrites et le fait que les deux entreprises ne s'étaient pas entendues clairement sur les points essentiels, notamment sur la route à suivre, ont contribué à réduire la sécurité de l'opération.

Compte tenu de la hauteur de marée calculée à Sand Heads (12,2 pieds), on estime que la hauteur libre sous le pont de la rue Knight au moment du heurt violent devait être de 20,84 m, soit environ 6 cm (0,2 pied) de moins que la hauteur libre indiquée sur le feuillet de la Commission du havre de North-Fraser. Peu importe la hauteur exacte, aucune des personnes liées à l'opération ne l'a notée; la flèche n'a pas été placée en tenant compte du dégagement sous le pont, et sa hauteur n'a pas été vérifiée par rapport aux données.

Pendant la descente du bras nord du fleuve Fraser, un dernier indice aurait pu permettre à l'équipage du remorqueur de se rendre compte que la hauteur libre sous le pont de la rue Knight serait peut-être insuffisante : la différence dans les hauteurs libres offertes par le pont Queensborough et le pont de la rue Knight. Le remorqueur et le chaland sont passés sous le pont Queensborough moins d'une heure avant de heurter le pont de la rue Knight. La hauteur libre sous le pont Queensborough est d'environ 3 m de plus que la hauteur libre sous le pont de la rue Knight. La flèche a d'abord touché le côté du pont de la rue Knight; on peut donc en déduire que la tête de la flèche doit avoir passé à moins de 3 m de la partie inférieure du pont Queensborough. Une telle condition, si elle avait été notée à bord du remorqueur, aurait fort probablement amené l'équipage à réévaluer la situation. Cependant, ni le patron ni le matelot n'étaient attentifs à cet aspect de la situation, et cet indice leur a échappé. Le patron était concentré sur la conduite du remorqueur, tandis que le matelot n'estimait pas qu'il lui incombait d'observer l'extrémité de la flèche et d'alerter le patron en cas de besoin.

La politique de l'entreprise de remorquage et, plus particulièrement l'absence de description des tâches et de règles claires, laissaient à l'équipage du remorqueur la liberté d'appliquer ses propres méthodes, nées de l'habitude. Dans la plupart des cas, l'expérience des membres et la formation sur le tas reçue donnaient des résultats satisfaisants. Toutefois, pareil système peut échouer - et causer un accident - lorsque des tâches inhabituelles se présentent ou lorsque l'une des personnes en cause néglige d'examiner tous les aspects de la tâche. Dans le cas à l'étude, les propriétaires du chaland, ceux de l'entreprise de remorquage ainsi que l'équipage du remorqueur se fiaient les uns sur les autres pour vérifier que le chaland avait un tirant d'air suffisant p our accomplir le voyage en toute sécurité.

Faits établis

  1. Le bout de la flèche de la grue transportée à bord du chaland T.L.Sharpe a heurté la travée du pont de la rue Knight.
  2. La grue a glissé et est tombé du chaland avant de couler sous le pont.
  3. Le pont a été endommagé par la grue et a dû être fermé à la circulation pendant deux jours.
  4. Aucune des personnes liées au transport de la grue n'a pensé à la hauteur de la flèche avant l'opération de remorquage.
  5. L'équipage du remorqueur n'a pas prêté attention à la hauteur de la flèche lors du passage sous le pont Queensborough.
  6. L'entreprise de remorquage n'avait pas établi de consignes écrites pour les équipages de remorqueur.
  7. Il n'y avait pas eu d'entente entre le propriétaire du remorqueur, le conducteur du remorqueur et le propriétaire du chaland sur la route que le convoi devait suivre.

Causes et facteurs contributifs

La flèche de la grue a heurté la travée du pont de la rue Knight parce qu'on n'a pas évalué le tirant d'air du bâtiment remorqué avant le début du remorquage. Le fait que le propriétaire du remorqueur, le conducteur du remorqueur et le propriétaire du chaland ne se sont pas entendus sur la route à suivre a également contribué à l'accident.

Mesures de sécurité

Mesures de sécurité prises

Après l'accident en mars 1993, les propriétaires du chaland ont mis en place des procédures de communication normalisées avec les entreprises de remorquage contractuelles. Cela s'est fait verbalement. Après ce deuxième accident, les propriétaires du chaland et de la grue ont pris des mesures pour élaborer des consignes écrites plus formelles touchant les communications avec les entreprises de remorquage. Lorsqu'une commande de remorquage sera donnée, les dimensions du bâtiment remorqué, y compris sa hauteur, seront dorénavant expressément communiquées à l'entreprise de remorquage.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

Annexes

Annexe A - Croquis du secteur de l'accident

Annexe A. Croquis du secteur de l'accident.
Croquis du secteur de l'accident.