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Rapport d'enquête maritime M96W0100

Échouement
du bateau de pêche à la traîne « NIGEI ISLE »
et mort subséquente du patron de pêche
au cours de tentatives de renflouement
sur la côte ouest des
Îles de la Reine-Charlotte (Colombie-Britannique)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Vers 8 h 45 le 13 juin 1996, le petit bateau de pêche à la traîne « NIGEI ISLE » s'est échoué dans le Bottle Inlet à l'île Moresby pendant que le propriétaire/exploitant essayait de dégager la ligne d'un casier à crabes prise dans l'hélice du bateau. Le propriétaire/exploitant a essayé d'élonger une ligne de mouillage pour déhaler le bateau et, ce faisant, il est tombé de son esquif. Ses efforts pour regagner le bateau à la nage ont été vains. Sa mauvaise santé et l'effort de la nage ont contribué à son décès.

Renseignements de base

Fiche technique du navire

Nom « NIGEI ISLE »
Port d'immatriculation Vancouver (C.-B.)
Pavillon Canada
Numéro officiel 193521
Type Bateau de pêche à la traîne en bois
Jauge brute 15 tonneaux
Équipage 2
Longueur 12 m
Construction 1951, North Vancouver (C.-B.)
Propulsion Moteur diesel à une hélice, 100 BHP

Le « NIGEI ISLE » est un petit bateau de pêche à la traîne ponté à bordé à franc-bord. Il a une étrave droite et un arrière carré. Une petite cabine en bois se trouve au milieu. Une cuisine se trouve dans une petite cabine distincte à l'arrière de la timonerie. Un moteur diesel à deux temps entraîne une hélice à pas constant logée dans une tuyère orientable Kort.

Le bateau était muni d'une ancre qui pesait environ 36 kg, laquelle était reliée au treuil hydraulique par une chaîne en fer dont le poids est évalué à 45 kg. Le bateau transportait un esquif de trois mètres en fibre de verre et en bois qui a été abandonné dans le Bottle Inlet au cours de l'événement, et n'a pas été récupéré.

Aucune preuve indiquant que le bateau a été inspecté à des fins commerciales n'a été trouvée, et la régie interne du bateau a paru médiocre. Le bateau n'avait pas été contrôlé par les inspecteurs de la Sécurité maritime de Transports Canada, ni n'était tenu de l'être par la réglementation.

Le « NIGEI ISLE » avait appareillé de Port Hardy (Colombie-Britannique), à la fin de mai 1996 avec à son bord le propriétaire/exploitant et un matelot de pont. Ils ont pêché la morue-lingue en cours de route vers Massett dans les îles de la Reine-Charlotte (Colombie-Britannique), où le propriétaire a vendu sa prise. Le 9 juin 1996, ils ont appareillé de Massett vers l'île Moresby pour aller pêcher en retournant à Port Hardy. Le 12 juin, ils se trouvaient à l'extrémité sud de l'île Moresby, et ont pêché jusqu'au soir. Ils sont ensuite entrés dans le Bottle Inlet pour y passer la nuit. Pendant que le matelot de pont cuisinait, le propriétaire/exploitant a manoeuvré le bateau pour mouiller dans le Bottle Inlet vers 22 h 30Note de bas de page 1. Peu après avoir mouillé, ils ont posé un casier à crabes repliable du type utilisé pour la pêche sportive, relié à une ligne en nylon.

Après le déjeuner le matin du 13 juin, vers 8 h 45, le propriétaire/exploitant a commencé à manoeuvrer le « NIGEI ISLE » pour récupérer le casier à crabes qui se trouvait à environ 13 m du bateau dans la direction nord-est, en eau moins profonde. Pendant le processus de récupération, la ligne en nylon du casier à crabes s'est prise dans l'hélice du bateau, et l'équipage a essayé pendant un certain temps de manoeuvrer le bateau de façon à la dégager. Le matelot de pont regardait par-dessus bord et conseillait le propriétaire/exploitant, qui était à la barre et aux commandes du moteur. Au cours du processus, alors qu'il était cap à l'ouest, le bateau s'est échoué dans un haut-fond composé, semble-t-il, de vase et de roches à l'extrémité est de Bottle Inlet.

Le propriétaire/exploitant a décidé de renflouer le « NIGEI ISLE » en élongeant une ligne de mouillage, opération qui consistait à transporter l'ancre dans un esquif jusqu'à une eau plus profonde, puis à virer l'amarre pour dégager le « NIGEI ISLE ». Il a ramé en direction nord-ouest, l'ancre du « NIGEI ISLE » placée entre ses jambes dans l'esquif. Alors que le propriétaire/exploitant se trouvait à environ 45 m du « NIGEI ISLE », et qu'il essayait de hisser l'ancre par-dessus le côté bâbord de l'esquif, le poids combiné de l'ancre et du câble sur le plat-bord de l'esquif a fait chavirer ce dernier.

Le propriétaire/exploitant ne portait pas de vêtement de flottaison individuel, même si des vêtements de flottaison ont été trouvés plus tard dans le bateau. Aucun gilet de sauvetage n'a été trouvé, et il ne semble pas non plus qu'il y en ait eu à bord.

Se retrouvant dans l'eau alors que l'esquif s'éloignait rapidement de lui, le propriétaire/exploitant s'est mis à nager vers le « NIGEI ISLE ». Le matelot de pont, qui avait observé la scène depuis le « NIGEI ISLE », a essayé d'aider en cherchant une corde à lancer au propriétaire/exploitant, mais dans l'intervalle, le propriétaire/exploitant avait disparu. La dernière fois que le matelot de pont l'a vu, il se trouvait à environ 30 m du bateau.

Le matelot de pont a demandé de l'aide sur la voie 16 du radiotéléphone à très haute fréquence (VHF), et a attendu sur le « NIGEI ISLE ». L'appel a été intercepté par les Services de communications et de trafic maritimes de Prince Rupert, qui l'ont relayé. Un hélicoptère privé de l'île de Vancouver, envoyé par le Centre de coordination du sauvetage de Victoria est arrivé sur les lieux 20 minutes plus tard. Le membre d'équipage survivant a été hissé à bord de l'hélicoptère. Toutefois, dans l'intervalle, il avait manoeuvré le « NIGEI ISLE » hors du haut-fond en direction de l'ancre en eau plus profonde, à l'aide des moteurs. Finalement, le corps du propriétaire/exploitant a été retrouvé. Le « NIGEI ISLE » a été renfloué et amené à Queen Charlotte City (Colombie-Britannique).

Le propriétaire/exploitant du « NIGEI ISLE » était un homme massif de taille moyenne et qui pesait 94 kg. Il portait des vêtements de pluie de pêcheur, ainsi qu'un chapeau et des lunettes. On ne sait pas s'il était un bon nageur.

Le propriétaire/exploitant ne connaissait pas le matelot de pont avant de l'embaucher. Au cours des voyages antérieurs, il avait fait appel à ses fils pour l'aider sur le pont, mais ceux-ci n'étaient pas disponibles pour ce voyage. Le matelot de pont n'avait pas d'expérience récente de la pêche, ni de qualifications maritimes. Le propriétaire/exploitant avait beaucoup d'expérience de la pêche, mais n'avait pas, semble-t-il, de qualifications maritimes.

Le propriétaire/exploitant du « NIGEI ISLE » souffrait d'une affection pulmonaire appelée sarcoïdose, qui est une insuffisance respiratoire débilitante causée par une accumulation de tissu cicatriciel sur les poumons. En 1995, le propriétaire s'était rendu à une clinique de Vancouver, où on avait constaté que sa fonction respiratoire était considérablement réduite et se détériorait. Le propriétaire/exploitant prenait un médicament sous ordonnance pour cette insuffisance, et le médicament en question a été trouvé à bord du bateau.

Les conditions météorologiques au moment de l'événement étaient les suivantes : temps ensoleillé, vent de 15 noeuds soufflant en rafale à 270°, et vagues de 15 cm environ.

L'autopsie a révélé que le décès du propriétaire/exploitant est attribuable à une insuffisance coronaérienne aiguë due à une maladie cardio-vasculaire et qui aurait pu être causée par l'hypothermie. Le rapport d'autopsie indique également que le propriétaire/exploitant n'était pas en bonne santé et qu'il avait une hypertrophie du coeur, des poumons cicatriciels et un rétrécissement dégénératif des artères coronaériennes.

Analyse

À l'heure actuelle, au Canada, il n'y a pas d'examen médical périodique obligatoire pour le personnel servant à bord des bateaux de cette taille et de ce type. Le propriétaire/exploitant avait été informé de son état, mais vu qu'il n'y avait aucune exigence médicale, il a continué d'utiliser son bateau. Par conséquent, son état et l'effort de la nage expliquent qu'il ait eu une crise cardiaque ayant entraîné une défaillance cardiaque au moment où il essayait de regagner le bateau à la nage.

Les Tables des courants et marées du Canada n'indiquent pas les marées pour Bottle Inlet comme station de référence ou station secondaire, étant donné qu'il n'y a pas de trafic maritime à cet endroit. Toutefois, il a été confirmé que le courant de marée au nord (Skidegate Channel) et au sud (Tasu Sound) était un courant de flot, la pleine mer étant attendue aux environs de midi le 13 juin 1996. Vers 9 h, le courant de marée aurait atteint son maximum. Il est fort probable que des tourbillons et des contre-courants ont été causés à cause de l'étroitesse et de l'exiguïté de Bottle Inlet, qui a une forme cylindrique. Cela a dû rendre la manoeuvre du « NIGEI ISLE » difficile. Le secteur n'a pas fait l'objet d'un levé détaillé, et des avertissements à cet effet sont donnés dans les Instructions nautiques.

Le « NIGEI ISLE » a été renfloué grâce à la marée haute et à l'utilisation des moteurs par le matelot de pont avant que celui-ci ne soit hissé à bord de l'hélicoptère. On ne sait pas pourquoi le propriétaire/exploitant voulait instamment déhaler son bateau à un moment où le courant de marée était à son plus fort et où la marée n'avait pas commencé à monter. Le bateau n'était pas en danger lorsque le propriétaire/exploitant a essayé d'élonger une ligne de mouillage; il aurait pu attendre la marée montante avant d'essayer de renflouer le bateau. Le matelot de pont a indiqué que le propriétaire/exploitant avait décidé unilatéralement de déhaler le bateau à l'aide d'une ligne de mouillage et que lui, le matelot de pont, ne s'y connaissait pas suffisamment pour faire un commentaire à ce sujet.

Le « NIGEI ISLE » s'est échoué en partie à cause du manque d'expérience du matelot de pont et en partie à cause du manque de connaissances du propriétaire/exploitant et du matelot de pont. Étant donné qu'une personne ayant des troubles médicaux préexistants peut compromettre la sécurité du bateau et de l'équipage, on considère qu'un examen médical périodique pourrait contribuer largement à éliminer le problème.

Faits établis

  1. Le bateau s'est échoué pendant que le propriétaire/exploitant récupérait un casier à crabes.
  2. Pour aider à renflouer le bateau, le propriétaire/exploitant a décidé d'élonger une ligne de mouillage à l'aide de l'esquif du bateau.
  3. Pendant que le propriétaire/exploitant essayait de jeter l'ancre du bateau de pêche à l'écart de l'esquif, ce dernier a chaviré.
  4. Le propriétaire/exploitant, qui ne portait pas de vêtement de flottaison individuel, a été projeté dans l'eau.
  5. Le propriétaire/exploitant avait une maladie du coeur préexistante, et on l'avait averti de ne pas faire d'effort en raison d'une pneumopathie décelée auparavant.
  6. Il semble que le propriétaire/exploitant ait souffert d'une insuffisance cardio-respiratoire attribuable à une maladie du coeur et à une pneumopathie préexistantes qui ont été aggravées par l'effort de la nage.

Causes et facteurs contributifs

Le propriétaire/exploitant du « NIGEI ISLE » est mort d'une insuffisance coronaérienne provoquée par l'effort et l'hypothermie lorsque son esquif a chaviré à cause de l'instabilité latérale. La mauvaise santé et le manque d'entraînement du propriétaire/exploitant et du matelot de pont ont contribué à l'accident.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du président, Benoît Bouchard, et des membres, Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros.