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Rapport d'enquête maritime M96L0148

Échouement
«FEDERAL CALUMET»
au départ du quai d'Uniforêt
Port-Cartier (Québec)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 14 décembre 1996, le «FEDERAL CALUMET» se déplaçait pour se rendre du quai d'Uniforêt à un mouillage où il devait attendre que le temps s'améliore pour terminer son chargement. Avec un pilote à bord et l'assistance de deux remorqueurs, le navire a appareillé vers 12 h 25. Les remorqueurs devaient placer rapidement le navire sur un cap à l'est pour lui permettre de faire face à la lame et à la houle. Une grosse mer confuse et des coups de vent du nord-est ont empêché le remorqueur arrière d'effectuer la manoeuvre prévue, et le navire a été drossé vers le sud. Vers 12 h 31, on a remarqué que le navire ne semblait plus se déplacer, ni obéir à la machine ni aux remorqueurs. On a constaté que le navire s'était échoué au droit du double-fond no 3 de tribord. Les remorqueurs l'ont maintenu dans la même position jusqu'à ce que la marée montante le remette à flot vers 14 h. Le navire s'est ensuite rendu, par ses propres moyens, à Sept-Îles (Québec) pour évaluation et réparation des avaries.

Renseignements de base

Fiche technique du navire

Nom « FEDERAL CALUMET »
Port d'immatriculation Bridgetown, Barbades
Pavillon Barbades
Numéro officiel 725425
Type Vraquier autonome
Construction 1996, Shanghai, Chine
Jauge brute 20 837 tonneaux
Longueur 200 m
Tirant d'eau Av.: 9.65 m
Ar.: 9.48 m
Équipage 21 personnes
Groupe propulseur Moteur diesel Mitsui B&W, 10 476 BHP, pas fixe, une seule hélice
Propriétaires Anglo-Eastern Ship Management Ltd.
Hong Kong, Chine

Le «FEDERAL CALUMET» arrive à la station de pilotage de Port-Cartier dans la matinée du 10 décembre 1996. Le pilote informe le capitaine que le navire accostera à l'arrivée au quai d'Uniforêt, à environ 1,3 mille à l'ouest-sud-ouest du port de Port-Cartier. (Le capitaine s'attendait à ce que son navire s'amarre à Port-Cartier plutôt qu'au quai d'Uniforêt.)

Le pilote avertit le capitaine que le quai d'Uniforêt peut être dangereux lorsque le vent et la houle viennent du nord-est ou de l'est vers le sud. Il lui demande d'utiliser des amarres supplémentaires. En l'occurrence, on devait placer six amarres à l'avant et six autres à l'arrière pour retenir le navire. Le pilote lui indique également que l'agent maritime, les pilotes et les capitaines des remorqueurs sont tous au courant que le «FEDERAL CALUMET» se dirigera vers le quai d'Uniforêt et qu'ils peuvent venir lui prêter main-forte à 30 minutes d'avis si on leur en fait la demande par radio très haute fréquence (VHF).

Deux remorqueurs Voith-Schneider s'attachent du côté tribord du navire, l'un à l'avant et l'autre à l'arrière. Le navire s'approche du quai par l'est, il évite de façon à déplacer l'avant vers le sud entre les bouées, et dès que l'arrière du navire pare le quai, le navire commence à se déplacer vers l'arrière le long du quai. Un croupiat est frappé sur le quai. Toutefois, à la vue de l'état de la mer près du quai, le pilote ordonne de larguer l'amarre. Le navire va mouiller l'ancre pour attendre que les conditions s'améliorent.

Le lendemain matin 11 décembre, le navire est conduit et amarré au quai d'Uniforêt à 2 hNote de bas de page 1. Le «FEDERAL CALUMET» s'amarre côté bâbord contre le quai, l'avant tourné vers l'extérieur; la partie avant du navire dépasse le quai d'environ 125 à 130 pieds (35 à 40 m).

La manutention de la cargaison se fait de 8 h à 22 h tous les jours. Le navire charge de la pâte de bois en unités de charge. Les opérations sont censées être achevées le 14 décembre.

Comme le «FEDERAL CALUMET» est un navire neuf et qu'il s'agit de sa visite inaugurale, une réception est organisée à bord dans la soirée du vendredi 13 décembre, à laquelle sont conviés des représentants des entreprises maritimes locales. Au cours de la soirée, le capitaine reçoit un bulletin météorologique qui prévoit des vents du nord-est. On lui rappelle à nouveau que le quai peut être dangereux lorsque la houle est défavorable, qu'il est nécessaire de partir en temps opportun et qu'il peut faire appel aux services de remorqueurs et d'un pilote à 30 minutes d'avis. On aperçoit par la suite le capitaine sur l'aileron de passerelle en train d'observer les conditions météorologiques.

Vers 22 h le 13 décembre, le vent fraîchit, tourne au nord-est et s'accompagne de neige intermittente. L'équipe de pont est mise en attente parce que le vent éloigne le navire du quai.

Vers 2 h le 14 décembre, l'autorité portuaire de Port-Cartier note que l'état de la mer empire, ce que confirme un pilote entrant. L'autorité portuaire ferme le port aux navires de charge et, au même moment, l'équipe de pont du «FEDERAL CALUMET» est libérée. (Le port a par la suite réouvert à 18 h.) Plus tard ce même matin du 14 décembre, alors que la marée baisse, le «FEDERAL CALUMET» se met à jouer sur ses amarres pour se retrouver à 6 à 10 pieds (2 à 3 m) de la façade du quai d'Uniforêt. En raison de la traction vers l'arrière exercée par les amarres debout de l'avant, les tentatives pour ramener le navire contre le quai ne réussissent qu'à le faire culer et à le rapprocher du mur de béton à l'arrière.

L'agent du navire, qui est aussi responsable des arrimeurs et du chargement des 1 330 tonnes de cargaison restantes, arrive vers 7 h 30. En voyant l'état de la mer, il demande un pilote et des remorqueurs, et il avertit le capitaine de se préparer à partir pour le mouillage.

Le pilote arrive vers 8 h 40. Toutefois, il est incapable de monter à bord du navire avant l'arrivée des remorqueurs qui poussent le navire contre le quai à 9 h 5. Le pilote n'a pas été prévenu que le navire a un tirant d'eau de 31,7 pieds (9,65 m). Comme la marée basse est vers 10 h, il juge qu'il lui est impossible d'appareiller en toute sécurité. Sa principale inquiétude est la profondeur d'eau sous quille qui n'est pas suffisante pour traverser une zone de 32 pieds (9,8 m) située 300 pieds (91 m) à l'ouest de l'extrémité du quai. On décide qu'un des remorqueurs continuera de pousser le navire pour réduire la tension des amarres et que le pilote et l'autre remorqueur reviendront plus tard lorsque la profondeur d'eau sous quille sera suffisante. Le pilote prévoit aussi avoir des problèmes avec un autre navire à Port-Cartier.

L'agent communique avec le pilote vers 11 h pour lui demander de conduire le navire au mouillage, pour réduire les coûts des services de remorqueurs. Le pilote remonte à bord vers 12 h 5 et, après avoir discuté avec le capitaine de la manoeuvre projetée, on dédouble les amarres. Les remorqueurs se placent un à l'avant et l'autre à l'arrière du navire afin de pousser tout d'abord le navire contre le quai. La remorque du remorqueur arrière est attachée au navire pour permettre au remorqueur d'éloigner rapidement l'arrière du «FEDERAL CALUMET» du quai une fois les amarres larguées. Lorsque la dernière amarre retenant le navire au quai est larguée à 12 h 25, le remorqueur arrière commence à tirer latéralement l'arrière du navire pour l'éloigner du quai. Au même moment, le remorqueur avant, avec l'aide du propulseur d'étrave du navire, manoeuvre pour retenir l'avant très près du coin du quai. Lorsqu'il y a suffisamment d'espace entre le quai et la hanche du navire, le remorqueur arrière récupère sa remorque et se déplace sur la hanche bâbord afin de pousser l'arrière du «FEDERAL CALUMET» encore plus loin du quai. Cependant, la houle sur la hanche bâbord empêche le remorqueur de pousser suffisamment, et il retourne sur la hanche tribord afin d'y rattacher sa remorque.

Pendant ce bref laps de temps, le «FEDERAL CALUMET», avec très peu d'erre, sans intervention du remorqueur arrière et sous l'effet des coups de vent du nord-est, est drossé vers le sud et s'échoue dans la partie nord du haut-fond rocheux, juste au sud du poste d'amarrage. Le capitaine, qui remarque le mouvement inhabituel du navire et constate qu'il n'obéit plus à la machine placée en avant toute, dit au pilote qu'il pense que le navire est échoué. L'heure, 12 h 31, est consignée.

On se sert des deux remorqueurs, de la machine principale et du propulseur d'étrave pour empêcher le «FEDERAL CALUMET» de s'engager davantage dans les rochers. Les sondages montrent que seul le ballast de double-fond no 3 est perforé, du côté tribord.

On demande l'assistance d'un remorqueur de Sept-Îles pour le «FEDERAL CALUMET», mais comme il lui faudra trois heures avant d'arriver sur les lieux, il ne peut venir immédiatement en aide au navire échoué. Les Services de communications et du trafic maritime (SCTM) sont prévenus de la situation vers 13 h 40. Cependant, sous l'effet de la marée montante, combinée à l'action des remorqueurs, de la machine principale et du propulseur d'étrave, le navire réussit à se dégager vers 13 h 59. De nouveaux sondages ayant confirmé l'intégrité des autres citernes, on procède à un équilibrage pour corriger la bande. Le pilote débarque à 14 h 25, et il retourne à Port-Cartier avec les remorqueurs.

Il n'y a eu aucune pollution par suite de cet accident.

Avaries

Les seules avaries au bordé et à la structure du fond étaient localisées au droit du ballast de double-fond no 3, du côté tribord. Le bordé était entaillé du couple 136 au couple 166, entre la quille de roulis et un point situé à 16,4 pieds (5 m) plus à l'intérieur. La profondeur maximale de l'entaille était d'environ 1,6 pied (0,5 m), et il y avait quelque 13 fissures et perforations à divers endroits. Les varangues transversales et longitudinales, les porques et les raidisseurs longitudinaux étaient tordus et détachés à divers endroits le long de l'entaille. L'intérieur et la structure du fond connexe n'étaient pas touchés. Des prises de vue sous-marines des avaries montrent que le navire se déplaçait davantage de côté que vers l'avant au moment de l'échouement.

Sur le conseil de l'agent maritime, rejoint par radio, le «FEDERAL CALUMET» s'est rendu à Sept-Îles, à faible allure (afin de réduire les sollicitations s'exerçant sur la coque), sans informer Transports Canada, Sécurité maritime, ni obtenir l'autorisation de se déplacer. Le «FEDERAL CALUMET» est arrivé dans la baie de Sept-Îles et y a mouillé sans encombre à 19 h 54 le 14 décembre. On lui a trouvé un poste d'amarrage, et des plongeurs ont procédé à l'évaluation des avaries. Les réparations ont été effectuées à la satisfaction de la société de classification, et le navire a appareillé le 28 décembre pour l'Extrême-Orient, sans avoir chargé le reste de la cargaison.

Services de pilotage et de remorqueurs

À Port-Cartier, le pilotage est obligatoire et il est assuré par la Compagnie minière Québec Cartier dans des conditions normales. Les modalités de ce service sont exposées dans la publication d'information destinée aux navires arrivant à Port-Cartier, entrée en vigueur le 1er avril 1996.

Les pilotes sont employés par la Compagnie minière Québec Cartier et ils n'ont pas à être titulaires d'un brevet fédéral puisqu'il s'agit d'un port privé. Néanmoins, les aspirants pilotes sont soumis à un apprentissage rigoureux, à une évaluation par les pairs et à un processus de sélection avant d'aller suivre le cours de manoeuvre des navires à Revel en France. Par la suite, ils reçoivent une formation supplémentaire et ils sont soumis à une nouvelle évaluation par les pairs avant de se présenter à un examen et d'être agréés comme pilotes de la Compagnie minière Québec Cartier. Des cours d'actualisation des connaissances et de perfectionnement sont donnés au besoin et tous les pilotes possèdent de l'expérience antérieure dans la marine marchande.

Les pilotes ont l'habitude d'informer le capitaine du navire et les remorqueurs de leurs intentions ainsi que des manoeuvres prévues avant d'amorcer le déplacement du navire. En outre, quand un navire se dirige vers le quai d'Uniforêt, son capitaine est systématiquement prévenu du risque supplémentaire que représentent la houle et le vent d'est. On le prévient aussi qu'il doit demander de l'aide en temps opportun pour empêcher le navire d'être immobilisé à marée basse à cause de son fort tirant d'eau. On lui fait aussi savoir que l'agent maritime est au courant des conditions spéciales qu'on retrouve à ce quai.

Les pilotes préfèrent conduire les navires au mouillage avant que le vent et la houle n'augmentent les risques, surtout si le navire dépasse le quai et est lourdement chargé, comme c'était le cas en l'occurrence. La méthode d'appareillage utilisée a été conçue par les pilotes, qui s'en servent depuis 1975. Le pilote du «FEDERAL CALUMET» possède neuf ans d'expérience du pilotage, et il a en outre été capitaine de remorqueurs dans ce port pendant huit ans.

Le service de remorqueurs est obligatoire et il est assuré en conformité avec les conditions de remorquage standard stipulées dans le document d'information précité. Les deux remorqueurs ont 108,4 pieds (33 m) de longueur; il s'agit de remorqueurs Voith-Schneider construits en 1973. Chaque remorqueur a deux machines principales développant une puissance totale de 3 600 BHP. Chaque remorqueur a deux équipages, comprenant chacun un capitaine, un matelot et un mécanicien, qui se relaient selon des quarts de 12 heures. Ces remorqueurs sont très manoeuvrables, mais ils ont un fort tirant d'eau à cause de leurs hélices cycloïdales. On convient généralement que leur poussée maximale est d'environ 25 p. 100 inférieure à celle d'un remorqueur à hélice sous tuyère de même puissance.

Au cours d'un appareillage typique au quai d'Uniforêt, le remorqueur avant maintient l'avant du navire très près du coin du quai, alors que le remorqueur arrière éloigne l'arrière du navire du quai, tout d'abord en tirant, puis en poussant. Les capitaines des remorqueurs placés à l'arrière estiment plus sûr de pousser dès que possible, en utilisant au maximum la puissance du remorqueur dans l'espace limité disponible. En outre, la mer peut être très grosse dans cet espace resserré, augmentant beaucoup le risque de rupture de la remorque. Le fort tirant d'eau du remorqueur limite aussi son rayon de manoeuvre en mode de traction. Le mouvement vers l'avant du navire en partance est très réduit; les remorqueurs doivent plutôt le faire éviter rapidement pour le placer sur un cap à l'est pour lui permettre de faire face à la lame et à la houle.

Selon les témoignages recueillis, ce n'était pas la première fois qu'on se servait de remorqueurs sur une base horaire pour maintenir des navires le long de ce quai. Les navires ont parfois besoin d'être maintenus en position en attendant que la profondeur d'eau sous quille soit suffisante pour appareiller. De plus, les agents se plaignent régulièrement du coût de cette opération.

Le quai d'Uniforêt

Le quai d'Uniforêt appartient à la ville de Port-Cartier, qui le loue à Uniforêt. La compagnie a, à son tour, signé un contrat avec les Terminus maritimes fédéraux Limitée, qui fournit les services d'arrimeurs à ce quai. Cette même compagnie agit aussi comme agent maritime pour les navires qui utilisent le quai d'Uniforêt ainsi que le port de Port-Cartier. L'agent est au courant des problèmes particuliers que présente ce quai et il sait qu'il est nécessaire de partir en temps opportun, avant que l'état de la mer empire.

Les défenses du quai laissent à désirer, spécialement au coin sud-ouest. Malgré de nombreuses plaintes des pilotes au fil des ans, la ville n'a pas amélioré de façon notable les défenses du quai. Le quai a été construit vers 1975 pour accueillir des navires d'environ 500 pieds (152 m) de longueur. Aujourd'hui, les navires sont généralement plus longs et leur tirant d'eau est supérieur.

Lors d'une réunion des utilisateurs du quai d'Uniforêt qui a eu lieu en octobre 1995 (avant l'accident), des pilotes ont déclaré qu'ils trouvent difficile de manoeuvrer des navires mesurant plus de 550 pieds (168 m) de long et dont le tirant d'eau à l'arrivée dépasse les 30 pieds (9,14 m). Le procès-verbal de la réunion indique qu'il est déjà arrivé que des navires attendent trop longtemps avant de quitter leur poste d'amarrage, ce qui les avait placés, ainsi que les pilotes et les remorqueurs, dans une situation très difficile. Le procès-verbal indique également qu'il faut tenir compte des marées pour déterminer l'heure d'appareillage des navires dont le tirant d'eau au départ dépasse les 30 pieds (9,14 m), comme c'était le cas du «FEDERAL CALUMET».

Analyse

La Compagnie minière Québec Cartier fournit des services de pilotage et de remorqueurs à Uniforêt uniquement sur une base contractuelle et à la demande. Les pilotes ont mis au point une procédure d'accostage et d'appareillage basée sur leur expérience de la manoeuvre des navires, et tenant compte des remorqueurs disponibles à Port-Cartier ainsi que du fait que des navires de plus en plus longs et au tirant d'eau de plus en plus important utilisent maintenant le quai d'Uniforêt.

À la réunion des utilisateurs du quai, les pilotes ont déclaré que la manoeuvre des navires ne dépassant pas 550 pieds (168 m) de longueur et 30 pieds (9,14 m) de tirant d'eau à l'arrivée ne leur causait aucun problème. Les pilotes informent systématiquement les capitaines des navires qui utilisent ce quai des dangers qu'il présente dans certaines conditions de vent et de mer. Ils leur soulignent l'importance de ne pas attendre trop longtemps pour demander de l'aide, afin d'éviter que le navire soit immobilisé jusqu'à ce que la marée leur assure une profondeur d'eau sous quille suffisante pour le tirant d'eau de leur navire. Les pilotes ont cité de nombreux exemples de navires à fort tirant d'eau qui ont été immobilisés par la marée descendante dans des conditions de mer et de houle très mauvaises. Souvent, le retard est motivé par le vain espoir que l'état de la mer s'améliorera et que le navire ne sera pas forcé de se rendre à un mouillage. On espère ainsi éviter de retarder la manutention de la cargaison et les frais supplémentaires que cela entraîne. Ces coûts sont le prix de la sécurité.

La plupart des navires qui utilisent le quai d'Uniforêt battent pavillon étranger et ils doivent s'en remettre à leurs agents pour les arrangements avec les remorqueurs, les pilotes et les douaniers et toutes les autres formalités dans les ports.

Le «FEDERAL CALUMET» transportait une cargaison relativement inerte et il n'y a eu aucune pollution par suite de l'accident, mais le quai est régulièrement utilisé par des navires-citernes transportant des produits chimiques.

Le capitaine du navire, l'agent maritime et les pilotes étaient tous au courant des conditions météorologiques prévues dès la veille de l'accident. On a même aperçu le capitaine sur la passerelle en train d'observer l'action du vent et de la mer sur son navire. En outre, il a mis l'équipage en attente jusqu'à ce que la position du navire se soit stabilisée vers 2 h le 14 décembre.

En raison de l'état de la mer, le port de Port-Cartier a été fermé à la navigation à 2 h le 14 décembre. Il était alors évident que le navire qui se trouvait au quai d'Uniforêt, plus exposé, aurait besoin d'assistance. Toutefois, la Compagnie minière Québec Cartier n'a aucune prise sur ce qui se passe au quai d'Uniforêt, où elle se limite à fournir des services de pilotage et de remorqueurs sur une base contractuelle et à la demande.

La marée haute était à 4 h, et comme le vent et la mer s'intensifient à marée montante, le «FEDERAL CALUMET» aurait pu quitter le quai ce matin-là.

Faits établis

  1. Comme d'autres navires à fort tirant d'eau qui utilisent le quai d'Uniforêt, le «FEDERAL CALUMET» a été immobilisé temporairement parce que la profondeur d'eau sous quille a diminué en raison de la marée descendante.
  2. L'agent maritime n'avait pas mentionné le tirant d'eau du navire au pilote à qui il a demandé de conduire le navire jusqu'au poste de mouillage. Le navire était chargé presque au maximum.
  3. Les pilotes ne sont pas dûment avisés et informés des heures de départ et des tirants d'eau des navires au quai d'Uniforêt, ce qui compromet inutilement la sécurité des navires.
  4. Le capitaine du navire et l'agent maritime étaient au courant du danger et des risques d'avaries à ce quai dans les conditions météorologiques qui régnaient; toutefois, ils n'ont pas fait conduire le navire à un poste de mouillage pendant que la profondeur d'eau sous quille était suffisante.
  5. Le port de Port-Cartier a été fermé à la navigation commerciale de 2 h à 18 h le 14 décembre à cause de l'état de la mer.
  6. Les pilotes ont mis au point une méthode de manoeuvre satisfaisante pour l'accostage et l'appareillage des navires plus longs et à fort tirant d'eau qui utilisent dorénavant le quai d'Uniforêt lorsque la marée, l'état de la mer et les conditions météo sont favorables.
  7. Le capitaine avait pris connaissance des prévisions météorologiques dans la soirée du vendredi 13 décembre, et il avait mis l'équipe de pont en attente.
  8. Après avoir quitté le «FEDERAL CALUMET», le pilote a reçu un appel de l'agent maritime qui insistait pour qu'il conduise le navire au poste de mouillage, pour réduire les frais de remorqueurs.
  9. L'agent maritime a conseillé au «FEDERAL CALUMET» de se rendre à Sept-Îles sans signaler à Transports Canada, Sécurité maritime, que le navire s'était échoué et qu'il avait subi des avaries.
  10. Des pilotes ont réclamé une amélioration des défenses aux extrémités du quai, mais aucune entente n'a été conclue entre la ville et l'exploitant pour établir qui sera responsable des coûts liés aux mesures qui devront être prises pour régler la situation.

Causes et facteurs contributifs

Le «FEDERAL CALUMET» s'est échoué parce que le remorqueur arrière a été incapable de manoeuvrer efficacement dans la grosse mer houleuse engendrée par les conditions météorologiques difficiles.

La pression exercée sur le pilote par l'agent maritime qui voulait faire déplacer le navire malgré les conditions difficiles de houle, et le fait qu'on a passé outre au conseil du pilote d'appareiller en temps opportun, avant que les conditions empirent, ont contribué à l'accident.

Mesures de sécurité

Procédure en cas d'appareillage urgent

Après cet accident, les pilotes ont, semble-t-il, rappelé à l'agence chargée de commander les remorqueurs et les pilotes qu'il est important de suivre les conseils du pilote quand le navire doit appareiller d'urgence à cause du mauvais temps.

Améliorations du quai et du port

La ville de Port-Cartier, l'exploitant du quai et Uniforêt examinent comment on pourrait améliorer le quai, les installations portuaires et les approches du port, mais jusqu'ici aucune entente n'a été conclue et aucune date limite n'a été fixée en ce qui concerne les améliorations.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros.

Annexes

Annexe A - Croquis du secteur de l'accident

Photo 1. Croquis du secteur de l'accident
Croquis du secteur de l'accident