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Rapport d'enquête aéronautique A07A0056

Défaillance du boîtier réducteur
de l'hélicoptère Bell 407 C-GOFL
exploité par Universal Helicopters
Newfoundland Limited
à 7 nm au sud de Postville
(Terre-Neuve-et-Labrador)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

L'hélicoptère Bell 407 (immatriculation C-GOFL, numéro de série 53130) de Universal Helicopters Newfoundland Limited Bell est en route vers Potsville (Terre-Neuve-et-Labrador) en provenance du lieu de forage du lac Jacques, le pilote étant le seul occupant et transportant un réservoir de carburant vide pesant environ 450 livres au bout d'une élingue de 75 pieds de longueur. À 500 pieds au-dessus du sol, le voyant du détecteur de particules du moteur s'allume, et des indications sonores de panne moteur se font entendre. Immédiatement après, deux indications apparaissent sur le régulateur automatique à pleine autorité redondante (FADEC) : FADEC Fail et FADEC Degrade, suivies par le klaxon de panne moteur. La puissance du moteur diminue, et le pilote entre en autorotation. À environ 200 pieds au-dessus du sol, le pilote largue l'élingue, se pose dans une tourbière et sort indemne de l'hélicoptère. L'hélicoptère n'est pas endommagé, et l'impact sur l'environnement est minime. L'accident se produit à 9 h, heure avancée de l'Atlantique.

Renseignements de base

Le personnel de maintenance de l'exploitant s'est rendu sur le lieu de l'incident et a retiré le moteur, le relais de puissance et d'accessoires (boîtier d'engrenages) ainsi que les fixations connexes sur l'hélicoptère. Ces composants ont été transportés pour examen à la base de l'exploitant, à Goose Bay (Terre-Neuve-et-Labrador). Lorsque le couvercle du boîtier d'engrenages a été ouvert, on a remarqué qu'une des roues dentées était brisée. Le couvercle a été remis en place, et le boîtier d'engrenages a été envoyé au fabricant pour un examen plus poussé. Le boîtier d'engrenages a été démonté à l'atelier du fabricant en présence d'un enquêteur du BST.

L'examen du boîtier d'engrenages a révélé qu'une partie de l'arbre porte-pignon hélicoïdal du couplemètre (appelée ici roue dentée du couplemètre), référence 6893673-W, numéro de série NN144767, s'était séparée et a été retrouvée détachée à l'intérieur du boîtier d'engrenages.

Les dossiers indiquent que l'hélicoptère était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. L'hélicoptère était équipé d'un turbomoteur Rolls-Royce 250-C47B (numéro de série CAE847124). Le moteur fournit de la puissance à la boîte de transmission par l'intermédiaire d'un boîtier d'engrenages. Le boîtier d'engrenages (numéro de série CAG47124) totalisait 6076,9 heures depuis sa mise en service initiale, et 4096,8 heures depuis les dernières réparations, le 8 novembre 2000, par un atelier de révision agréé par Rolls-Royce.

Roue dentée du couplemètre

Les dents de la roue dentée du couplemètre (voir Photo 1) étaient gravement endommagées (la flèche à deux têtes couvre un arc de 90 degrés). Un examen microscopique de la partie brisée de la roue dentée du couplemètre a permis d'identifier une crique de fatigue prenant naissance sur la surface entraînée d'une dent, près de l'extrémité avant (le cercle rouge indique l'emplacement de la crique de fatigue), à peu près au centre du profil actif. Les dommages subis par le faciès de rupture n'ont pas permis de réaliser un examen fractographique et métallurgique détaillé de la zone d'origine. L'usure de la dent a été mesurée à 0,004 pouce et, sauf pour les dommages causés après le bris de la roue dentée du couplemètre, aucun écaillage Note de bas de page 1 ni aucune piqûre n'ont été relevés. Une analyse du matériau a permis de déterminer que la roue dentée du couplemètre était conforme aux exigences du dessin technique.

Photo 1. Pignon de couplemètre brisé
Photo of Pignon de couplemètre brisé

La roue dentée du couplemètre fait l'objet d'une maintenance selon état; il n'y a donc aucune exigence qui oblige à inscrire sa durée en service dans les documents de certification ou dans le carnet technique du moteur. Même si le document de certification fourni par l'atelier de révision ne mentionnait pas la durée en service de la roue dentée du couplemètre, il était possible de déterminer cette donnée à partir de renseignements obtenus de Rolls-Royce, de l'atelier de révision et de l'exploitant de l'hélicoptère. La roue dentée du couplemètre en question avait été en service 4576 heures depuis sa mise en service initiale. À l'origine, elle avait été montée dans un autre boîtier d'engrenages (numéro de série CAG47247) et, à 479 heures depuis sa mise en service initiale, elle avait été retirée de ce boîtier et retournée à Rolls-Royce où elle avait fait l'objet de retouches de fabrication, avant d'être certifiée en bon état de service. La roue dentée du couplemètre a été remontée dans le boîtier d'engrenages de l'hélicoptère en question lors de la réparation de ce boîtier, le 8 novembre 2000.

Le carnet technique du moteur montre que le Commercial Engine Bulletin (CEB) 72-6028R1, daté du 3 décembre 1999, avait été respecté lors de la réparation du boîtier d'engrenages. Au cours de l'examen du boîtier d'engrenages après l'accident, on a remarqué que la roue dentée du couplemètre n'avait pas été ré-identifiée comme le demandait le CEB.

Antécédents de service de la roue dentée du couplemètre

Rolls-Royce a indiqué que, pour certains exploitants de ses turbomoteurs de la série 250-C47, la moyenne des temps entre déposes (MTED) pour la roue dentée du couplemètre est d'environ 650 heures. Une recherche dans la base de données des rapports de difficultés en service (RDS) de la Federal Aviation Administration (FAA) au sujet des inscriptions relatives à la roue dentée du couplemètre effectuées entre le 1er janvier 1998 et le 28 août 2007 a permis de retrouver 46 RDS à ce sujet, dont 45 concernaient le boîtier d'engrenages C47, et 1, le boîtier d'engrenages C30. La description du problème parlait d'écaillage, d'usure par frottement et d'un défaut d'alignement possible entre la roue dentée du couplemètre et le pignon hélicoïdal. Selon ce qui a été rapporté, certaines roues dentées de couplemètre auraient été retirées du service après seulement 154 heures.

Le 13 octobre 2004, Rolls-Royce a publié le CEB 72-6049, qui avisait les clients des turbomoteurs des séries 250-C30 et 250-C47 que le pignon et les roues dentées du couplemètre avaient été modifiés afin d'éliminer toute usure prématurée. Le CEB précisait que de nouvelles roues dentées devraient être montées lorsque les pièces touchées sont directement accessibles pour dépose et qu'elles ont été jugées hors service pour quelque raison.

Le 17 août 2007, Rolls-Royce a publié le CEB 72-6061, qui avisait les clients des turbomoteurs des séries 250-C30 et 250-C47 que les roues dentées transmettant le mouvement (pignon, roue dentée de couplemètre et pignon de la prise de mouvement) avaient été modifiées pour que leur fiabilité soit améliorée. Le CEB mentionne que la conformité au bulletin est laissée à la discrétion des clients.

Rolls-Royce a indiqué qu'elle ne fabrique plus la roue dentée de couplemètre, référence 6893673. Toutefois, l'utilisation de cette roue dentée de couplemètre est toujours approuvée du moment que celle-ci est en bon état de service et qu'elle est montée conformément au CEB 72-6061.

Le 2 février 2007, un hélicoptère sanitaire, modèle 407, de Bell Helicopter Company a quitté Tamworth, en Nouvelle-Galles du Sud (Australie) à destination du lieu d'un accident de voiture. Le pilote a signalé que le voyant d'indication du détecteur de particules du moteur s'était allumé sur le tableau principal des voyants d'avertissement. Environ cinq secondes plus tard, il a entendu une vibration en fréquence, suivie d'une panne complète de moteur. Un examen préliminaire a montré que la roue dentée du couplemètre s'était brisée du fait d'une crique de fatigue émanant de l'emplanture d'une dent de roue dentée périphérique (voir Photo 2). Un contrôle magnétoscopique a révélé des signes de criquage à l'emplanture de plusieurs autres dents de roue dentée près de l'endroit de la rupture. Un écaillage localisé des dents et des marques de contact inégales en surface ont également été relevées.

Photo 2. Roue dentée brisée de l'accident en Australie
Photo of Roue dentée brisée de l'accident en Australie

Instructions de maintien de la navigabilité aérienne

Le boîtier d'engrenages fait l'objet d'une maintenance selon état, et Rolls-Royce se fie au système de lubrification en circuit fermé et à deux bouchons de vidange magnétiques (détecteurs de particules) pour surveiller l'état des engrenages et des roulements internes. Les détecteurs de particules sont conçus pour capter les particules d'acier et fournir un avertissement visuel, au moyen d'un voyant lumineux, d'une défaillance imminente. Pour ce qui est de l'hélicoptère accidenté, on n'a signalé aucun avertissement du voyant de détecteur de particules, sauf immédiatement avant la perte de puissance qui a précipité l'accident.

Le manuel d'utilisation et de maintenance du 250-C47B de Rolls-Royce n'exige pas que le boîtier d'engrenages soit ouvert à un moment ou l'autre de sa durée en service. Toutefois, il précise que si le boîtier d'engrenages est ouvert pour quelque raison, il faut procéder à une inspection générale de l'ensemble en portant une attention particulière à l'état des engrenages et des cannelures d'entraînement de l'arbre porte-pignons du relais d'accessoires. Voici un extrait du manuel de maintenance :

[Traduction]
Effectuer une vérification visuelle de l'usure des cannelures d'entraînement et des dents des roues dentées. S'il y a le moindre doute sur l'usure excessive des cannelures d'entraînement ou sur une usure autre qu'un poli sur la surface de contact des dents des roues dentées, il faut vérifier l'usure au moyen d'une pointe à tracer dont le rayon équivaut à 0,020 pouce. Des éclats ou des piqûres localisées, de l'écaillage ou une usure par détalonnement qui peut être sentie au moyen de la pointe à tracer sont un motif de rejet et de remplacement de la roue dentée ou de l'arbre porte-pignon. Si les dossiers indiquent que plus de 3500 heures se sont écoulées depuis la mise en service initiale des roues dentées ou depuis qu'elles ont subi un contrôle magnétoscopique, toutes les roues dentées doivent alors subir un contrôle magnétoscopique.

Rolls-Royce a indiqué que la pointe à tracer d'un rayon de 0,020 pouce va permettre de déceler des usures par détalonnement comprises entre 0,001 et 0,002 pouce, ce qui suffit à rejeter les roues dentées. Elle indique aussi que le boîtier d'engrenages pourrait ne jamais être ouvert puisqu'il s'agit d'un module à maintenance selon état, sans exigence de révision spécifique (heures ou cycles). Par conséquent, les roues dentées pourraient dépasser de loin l'exigence imposant un contrôle magnétoscopique aux 3500 heures.

Analyse

Le manuel de maintenance du moteur précise que l'usure sentie au moyen de la pointe à tracer est un motif de rejet et de remplacement de la roue dentée du couplemètre, et Rolls-Royce a indiqué que la pointe à tracer peut permettre de déceler une usure comprise entre 0,001 et 0,002 pouce. Rolls-Royce a aussi précisé que comme le boîtier d'engrenages est soumis à une maintenance selon état, les roues dentées pourraient dépasser de loin l'exigence d'un contrôle magnétoscopique à 3500 heures. La roue dentée du couplemètre en question présentait une usure de 0,004 pouce, soit au moins deux fois la limite d'usure en service, et elle s'était brisée à 4576 heures de service, soit 1076 heures plus tard que le moment où un contrôle magnétoscopique aurait dû avoir lieu.

La roue dentée du couplemètre s'est rompue du fait de la progression d'une crique de fatigue non décelée. Le contrôle magnétoscopique est un moyen d'essai non destructif utilisé pour permettre de repérer visuellement des criques à la surface de composants en acier. Si un contrôle magnétoscopique avait été effectué sur la roue dentée du couplemètre avant sa rupture, il est alors probable que la crique aurait été décelée. Toutefois, la nécessité d'exécuter un contrôle magnétoscopique repose spécifiquement sur la durée en service de la roue dentée du couplemètre et encore, seulement si le boîtier d'engrenages est déjà ouvert. Rien n'oblige à tenir compte de la durée en service de la roue dentée du couplemètre, ni de toute autre roue dentée du boîtier d'engrenages. Par conséquent, si une roue dentée en bon état de service est montée pendant la maintenance du boîtier d'engrenages, il est possible que la durée en service de la roue dentée ne puisse être déterminée.

Rolls-Royce a indiqué que, pour certains exploitants, la MTED de la roue dentée du couplemètre est de 650 heures, et les données RDS indiquent que des roues dentées de couplemètre ont déjà été rejetées après seulement 154 heures. Plus une roue dentée demeure en service longtemps sans avoir été inspectée, plus grand est le risque de défaillance, comme dans le cas de la roue dentée de couplemètre en question.

En octobre 2004, Rolls-Royce a mis en service une roue dentée de couplemètre modifiée afin d'éliminer toute usure prématurée. En août 2007, Rolls-Royce a mis en service une autre roue dentée de couplemètre pour améliorer sa fiabilité. Comme les roues dentées mentionnées dans le CEB 72-6061 ne sont pas considérées comme des pièces de rechange obligatoires, les exploitants peuvent continuer à utiliser et à monter les roues dentées, réf. 6893673, de couplemètre, même s'il est possible que la durée en service de la roue dentée ne puisse être déterminée.

Faits établis

Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. La roue dentée hélicoïdale du couplemètre s'est rompue à la suite de la progression d'une crique de fatigue non décelée. La rupture de la roue dentée de couplemètre a causé une perte du transfert de la puissance du moteur à la boîte de transmission de l'hélicoptère.

Faits établis quant aux risques

  1. L'usure en service peut causer une usure prématurée de la roue dentée, réf. 6893673, de couplemètre.
  2. Comme il n'est pas obligatoire de remplacer la roue dentée, réf. 6893673, de couplemètre par la nouvelle roue dentée de couplemètre mise en service, il est possible que la roue dentée, réf. 6893673, de couplemètre s'use prématurément et se brise.
  3. Les exigences d'inspection du manuel d'utilisation et de maintenance du moteur 250-C47 de Rolls-Royce permettent à la roue dentée de couplemètre et à d'autres roues dentées montées dans le boîtier d'engrenages de dépasser potentiellement les 3500 heures en service avant qu'un contrôle magnétoscopique puisse être effectué.
  4. Les inspections visuelles et à la pointe à tracer actuelles pourraient ne pas permettre de déceler des criques sur les dents de roue dentée.
  5. Le manuel d'utilisation et de maintenance de Rolls-Royce prévoit un contrôle magnétoscopique de roue dentée de couplemètre et d'autres roues dentées en fonction de leur durée en service. Toutefois, rien n'oblige à suivre la durée en service d'aucune de ces pièces.

Mesures de sécurité prises

Le 17 août 2007, Rolls-Royce a publié le CEB 72-6061, qui avisait les clients des turbomoteurs des séries 250-C30 et 250-C47 que les roues dentées transmettant le mouvement (pignon, roue dentée de couplemètre et pignon de la prise de mouvement) avaient été modifiées pour que leur fiabilité soit améliorée. Le CEB mentionne que la conformité au bulletin est laissée à la discrétion des clients.

Le 26 mars 2008, Rolls-Royce a avisé qu'elle mettait au point une inspection visuelle à intégrer aux inspections aux 2000 heures du manuel d'utilisation et de maintenance. La mise en oeuvre est prévue au troisième trimestre de 2008.

Le 23 mai 2008, Transports Canada a avisé qu'une Alerte de difficultés en service relativement à cette question avait été approuvée et qu'elle serait publiée vers la fin de juillet 2008.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .