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Rapport d'enquête aéronautique A05P0103

Heurt du rotor de queue avec la charge externe
et perte de maîtrise
de l'hélicoptère MBB BO 105 C-GCHX
exploité par Transports Canada
à Bella Bella (Colombie-Britannique)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

L'hélicoptère Messerschmitt-Bolkow-Blohm (MBB) BO 105 de la Garde côtière canadienne immatriculé C-GCHX, numéro de série S695, exploité par Transports Canada sous l'indicatif CTG357, effectue du travail à l'élingue près de Bella Bella. Il a déjà transporté 27 charges et revient vers le navire de la Garde côtière canadienne (NGCC) Bartlett depuis le phare de Dryad Point avec une poche de transport vide.

Alors que l'hélicoptère est en croisière à quelque 200 pieds au-dessus de l'eau, la poche de transport passe par-dessus et derrière le rotor de queue. La longue élingue reste accrochée à l'arrière de l'hélicoptère. L'appareil ralentit, se met à descendre, vire à droite, puis s'abîme dans l'eau. Il coule aussitôt. Le pilote réussit à évacuer l'hélicoptère submergé, mais reste inerte le visage dans l'eau. Son gilet de sauvetage n'est pas gonflé. Le pilote est secouru en moins de trois minutes et ranimé, mais son état demeure critique pendant plusieurs jours. L'hélicoptère a été retrouvé à une profondeur de 26 mètres sur le fond marin en pente.

Renseignements de base

Les conditions météorologiques étaient les suivantes : nuages épars à 2000 pieds, visibilité d'environ 15 milles, vent calme et mer ridée.

Le matériel utilisé était une longue élingue en cordage synthétique de 33 mètres accrochée sous l'hélicoptère et dotée à son extrémité d'un crochet de charge auquel était accrochée une poche de transport (voir photo 1) contenant des cordages et du matériel d'élingage. La poche de transport était maintenue en position fermée par un cordage en polypropylène. La poche pesait moins de 10 kg, et le poids total de la charge externe était inférieur à 40 kg. La superficie de la charge externe était d'environ 2,6 mètres carrés. La photo 3 montre la configuration du matériel.

Photo 1. Poche de transport
Photo of Poche de transport

Le pilote était en place droite. La porte de droite avait été enlevée. Le pilote avait attaché sa ceinture sous-abdominale mais ne portait pas son baudrier, car cela l'empêchait de se pencher à l'extérieur de l'hélicoptère pour voir la charge.

L'hélicoptère se déplaçait à environ 60 noeuds lorsque le pilote a senti et vu que la poche de transport s'ouvrait. Le matériel d'élingage était toujours à l'intérieur de la poche, mais le bord de la poche était replié (voir photo 1) entre les positions une heure et deux heures. Environ deux secondes plus tard, la poche et la longue élingue se sont déplacées vers la gauche de l'hélicoptère et sont apparues dans le champ de vision du pilote, à dix heures, légèrement au-dessus du niveau de ses yeux. Elles se sont ensuite déplacées vers l'arrière où le pilote ne pouvait plus les voir, et c'est alors que le pilote a entendu un bruit violent suivi de bruits de fracas et que l'hélicoptère a commencé à virer vers la droite. Le pilote pouvait voir que la longue élingue était accrochée au haut de la queue de l'hélicoptère, qu'elle descendait vers l'arrière et qu'elle sortait à quatre heures, mais il ne voyait pas la poche de transport. Le pilote a alors ralenti l'hélicoptère et a réduit la puissance en abaissant le levier de pas collectif et en plaçant la manette des gaz à la position de ralenti. Juste avant l'impact, le pilote a remis pleins gaz et a tiré légèrement le levier de pas collectif. L'hélicoptère a heurté la surface de l'eau plus tôt que prévu, et le pilote n'avait pas actionné le dispositif de flottaison d'urgence (flotteurs à gonflage automatique).

L'hélicoptère a coulé immédiatement après avoir heurté la surface de l'eau. Le casque du pilote a été endommagé au moment de l'impact, mais le pilote n'a pas perdu conscience pendant que l'hélicoptère coulait. Il a détaché sa ceinture de sécurité et a nagé jusqu'à la surface. Il ne se rappelait pas qu'il portait un gilet de sauvetage et ne l'a pas gonflé. Une fois à la surface de l'eau, le pilote a essayé de s'agripper à des objets, mais aucun ne flottait, et il n'a pas pu garder la tête hors de l'eau. Un plaisancier qui avait été témoin de l'accident était en train de ramasser des débris lorsqu'il a aperçu le dessus du casque du pilote. Le casque était gris et le pilote portait une combinaison de vol bleu marine, ce qui était difficile à voir dans l'eau. Le gilet de sauvetage non gonflé du pilote était jaune et il était protégé par un revêtement bleu marine qui le rendait difficile à voir. Lorsque le plaisancier s'est approché, il a vu qu'il s'agissait d'un casque et qu'il se trouvait sur la tête du pilote. Il a réussi à maintenir la tête du pilote hors de l'eau jusqu'à l'arrivée des embarcations de sauvetage de la Garde côtière canadienne (GCC). Le pilote a été ranimé par les secouristes.

Photo 2. Brides et brides détachées de la poche de transport
Photo of Brides et brides détachées de la poche de transport

L'épave de l'hélicoptère a été photographiée, et le matériel d'élingage a été récupéré. La longue élingue était enroulée autour de l'arbre du rotor de queue, entre le rotor de queue et la boîte de transmission à 90°. L'élingue n'était plus accrochée sous l'hélicoptère et reposait à environ 2 mètres du crochet de l'hélicoptère. Elle s'était rompue à environ 8 mètres du crochet de charge. Toutes les brides de la poche de transport (voir photo 2) étaient reliées à une courte élingue qui était attachée au crochet de charge. Le cordage en polypropylène était toujours enroulé autour des brides, mais était desserré (voir photo 3). Deux des brides étaient partiellement détachées de la poche, dont une jusqu'à environ 23 cm du bord de la poche (voir photo 2). Un examen plus poussé de l'hélicoptère au sol a révélé que la longue élingue s'était décrochée avant que l'hélicoptère heurte la surface de l'eau.

Il a été établi que toute personne en place avant dans l'hélicoptère risquait de se heurter la tête contre le support du radeau de sauvetage situé entre les sièges avant et derrière ces sièges. Ce support est suffisamment proche des occupants en place avant pour qu'ils puissent s'y heurter la tête, même s'ils sont retenus à leur siège par des baudriers. Cette modification à l'hélicoptère a été apportée par l'exploitant en vertu d'un certificat de type supplémentaire restreint approuvé.

Le pilote possédait la formation et la licence nécessaires au vol. Il avait beaucoup d'expérience dans le transport de charges externes et il avait suivi la formation en évacuation sous-marine. Les dossiers indiquent que la maintenance de l'hélicoptère a été effectuée selon les normes.

Photo 3. Poche de transport et élingue
Photo of Poche de transport et élingue

En 1993, le BST a effectué une analyse technique de l'aérodynamique des opérations d'élingage par hélicoptère et a rédigé le rapport technique LP 51/93. À l'époque, suite à ce rapport technique et à un accident sur lequel le BST a fait enquête (rapport A92W0177 du BST), le Bureau a fait la recommandation A93-12 à Transports Canada. La recommandation soulevait le fait que, au sein de l'industrie, on dénombrait plusieurs accidents d'hélicoptère causés par des rotors de queue qui entrent en contact avec des élingues. Ces accidents ont fait plusieurs morts et plusieurs blessés graves et, dans la plupart des cas, ont causé d'importants dommages aux hélicoptères. Une grande partie de ces accidents se sont produits pendant des vols où on avait décidé volontairement de ne mettre aucune charge dans le matériel d'élingage, même si dans le milieu des hélicoptères cette pratique est reconnue comme dangereuse. Le Bureau avait alors recommandé que Transports Canada « coordonne l'élaboration et la mise en oeuvre de normes de navigabilité et de limites opérationnelles applicables au matériel d'élingage utilisé par les hélicoptères. »

Transports Canada a répondu que la responsabilité d'assurer la sécurité des opérations d'élingage revenait toujours aux exploitants, mais que les manuels d'exploitation des entreprises devaient fournir des instructions sur le type de matériel à utiliser pour des opérations précises, sur les procédures à suivre et sur l'inspection et la maintenance du matériel. Le matériel d'élingage continue pourtant d'être utilisé de façon dangereuse, comme le démontre le présent accident.

En 2001, le Directeur des enquêtes (Air) du BST a signalé à Transports Canada, par l'avis de sécurité A010006, que même si les sièges du poste de pilotage des hélicoptères étaient équipés de harnais de sécurité quatre points, les pilotes ne portaient que la ceinture sous-abdominale du harnais, qu'ils l'attachaient sans la serrer pendant les opérations d'élingage faisant appel à des techniques de référence verticale et que le matériel fourni ne convenait pas aux vols de transport de charges externes faisant appel à des techniques de référence verticale. Une analyse dynamique des accidents d'hélicoptère effectuée par ColtmanNote de bas de page 1 a aussi démontré que, parmi les victimes d'accident d'hélicoptère, 9 % des personnes qui portaient un baudrier ont été grièvement blessées, contre 34,3 % des personnes qui portaient uniquement la ceinture sous-abdominale. Transports Canada a répondu que c'était à l'industrie qu'il incombait de se conformer aux dispositions réglementaires et, s'il y avait lieu, de demander l'approbation d'une configuration qui réponde à ses besoins opérationnels. Comme le démontre le présent accident, les pilotes continuent d'effectuer des opérations sans utiliser de baudrier.

Les opérations d'élingage faisant appel à des techniques de référence verticale sont effectuées couramment dans le monde, et très couramment au Canada. La plupart des hélicoptères ne sont pas conçus pour ce genre d'opération, et la certification pour le transport de charges externes ne tient pas compte de ces techniques.

Analyse

Il est fort probable que le cordage en polypropylène utilisé pour refermer le haut de la poche de transport a remonté le long des brides et que la poche s'est ouverte en vol. Le pilote a indiqué qu'il avait vu que le bord avant droit de la poche était replié, probablement parce que la bride détachée avait donné une forme asymétrique à la poche. En raison de la forme prise par la poche, de la légèreté de la poche et de l'importante traînée, la poche est remontée jusque dans la trajectoire de vol de l'hélicoptère en entraînant la longue élingue avec elle. La longue élingue est ensuite entrée en contact avec le rotor de queue et l'a endommagé, rendant l'hélicoptère incontrôlable.

Il est probable que le haut du corps du pilote a bougé dans la cabine au moment de l'impact, puisque le pilote n'avait pas attaché son baudrier. Les dommages au casque du pilote tendent à le prouver. Comme le pilote portait un casque, il n'a pas subi de blessures graves à la tête et il a pu évacuer l'épave submergée. Toutefois, sur ce type d'hélicoptère, les personnes en place avant, même si elles sont bien attachées, risquent de se heurter la tête contre le support du radeau de sauvetage.

Le pilote portait un casque gris et une combinaison de vol bleu marine, ce qui le rendait difficile à voir dans l'océan et diminuait ses chances d'être repéré et secouru.

Faits établis

Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le cordage utilisé pour refermer le haut de la poche de transport a probablement remonté le long des brides, ce qui a permis à la poche de s'ouvrir et de remonter jusque dans la trajectoire de vol de l'hélicoptère en entraînant la longue élingue avec elle. La longue élingue est entrée en contact avec le rotor de queue et l'a endommagé, rendant l'hélicoptère incontrôlable.

Faits établis quant aux risques

  1. La plupart des hélicoptères ne sont pas conçus ni certifiés pour effectuer des opérations de transport de charges externes faisant appel à des techniques de référence verticale, mais les pilotes effectuent couramment ces opérations à risques élevés, et ce sans utiliser de dispositifs de retenue du torse adéquats.
  2. Il est probable que le haut du corps du pilote a bougé dans la cabine au moment de l'impact, puisque le pilote n'avait pas attaché son baudrier, augmentant ainsi les risques de blessures et, dans le cas présent, de noyade.
  3. Les personnes en place avant, même si elles sont bien attachées, risquent de se heurter la tête contre le support du radeau de sauvetage.
  4. Le pilote portait un casque gris, un gilet de sauvetage avec revêtement bleu marine et une combinaison de vol bleu marine, ce qui le rendait difficile à voir dans l'océan et diminuait ses chances d'être repéré et secouru.

Autre fait établi

  1. Comme le pilote portait un casque, il n'a pas subi de blessures graves à la tête et il a pu évacuer l'épave submergée.

Mesures de sécurité

Transports Canada

Le 9 mai 2005, la Direction générale des services des aéronefs de Transports Canada a émis un avis de sécurité interdisant le transport de charges externes avec du matériel d'élingage vide ou trop léger.

Le 25 mai 2005, la Direction générale des services des aéronefs de Transports Canada a présenté un projet de procédures d'utilisation normalisées (SOP) pour le transport de charges externes par hélicoptère. Ces SOP limitent l'utilisation des poches de transport et mettent les pilotes en garde contre les charges légères et instables.

Bureau de la sécurité des transports

Le 31 mai 2005, le Directeur des enquêtes (Air) du BST a envoyé une lettre d'information sur la sécurité à Transports Canada. Cette lettre décrivait les circonstances entourant le présent accident et qui révèlent que, malgré le Règlement de l'aviation canadien et l'avis de sécurité A010006 envoyé à Transports Canada, les pilotes d'hélicoptère continuent de faire du travail à l'élingue sans attacher leur baudrier.

Transports Canada a répondu ce qui suit :

Le 31 mai 2005, le Directeur des enquêtes (Air) du BST a envoyé un avis de sécurité à Transports Canada. Cet avis indiquait que l'enquête sur le présent accident avait révélé que les personnes qui occupent les sièges avant, même si elles sont bien attachées, peuvent se heurter la tête contre le support du radeau de sauvetage. L'avis suggérait à Transports Canada de modifier le support de radeau de sauvetage des hélicoptères Messerschmitt-Bolkow-Blohm (MBB) BO 105 pour éliminer les dangers ou de restreindre l'utilisation des sièges avant aux personnes qui portent un casque protecteur. L'avis suggérait également à Transports Canada de vérifier si des modifications apportées à d'autres appareils ne présentaient pas des risques semblables.

Transports Canada a répondu :

Le 1er juin 2005, le Directeur des enquêtes (Air) du BST a envoyé une lettre d'information sur la sécurité à Transports Canada. Cette lettre faisait état des circonstances entourant le présent accident et mentionnait que le transport de matériel d'élingage vide ou trop léger par hélicoptère n'avait pas cessé. La lettre précisait que le Bureau avait fait la recommandation A93-12 à Transports Canada en 1993 dans laquelle il recommandait à Transports Canada de coordonner « l'élaboration et la mise en oeuvre de normes de navigabilité et de limites opérationnelles applicables au matériel d'élingage utilisé par les hélicoptères. »

Transports Canada a répondu :

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .