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Rapport d'enquête aéronautique A03O0088

Décrochage / vrille et collision avec le relief
du FBA-2C1 Bush Hawk C-GTUP
exploité par Found Aircraft Canada Inc.
au lac Temagami (Ontario)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le Found Aircraft Canada Inc. FBA-2C1 Bush Hawk XP (portant l'immatriculation C-GTUP et le numéro de série 37) est exploité à partir d'une bande d'atterrissage en glace ayant environ 1600 pieds de longueur sur 50 pieds de largeur, située à une longitude de 46° 57,8′ Nord et à une latitude de 080° 01,3′ Ouest, qui a été dégagée à la surface gelée du lac Temagami, à 20 kilomètres au sud-ouest du village de Temagami (Ontario). Le lundi 7 avril 2003, le pilote décolle à un cap d'environ 010° M pour effectuer un vol selon les règles de vol à vue (VFR) à destination de Parry Sound (Ontario). L'avion quitte le sol après avoir parcouru environ la moitié de la longueur de la bande, il monte dans l'axe jusqu'à ce qu'il se trouve entre 200 et 300 pieds au-dessus de la surface du lac, puis il amorce un virage incliné de près de 30° à gauche. Après avoir viré d'environ 120°, l'avion effectue un mouvement de roulis d'environ 90° vers la gauche, puis il pique du nez avant de décrocher et d'amorcer une vrille à gauche. La vrille cesse après environ un tour, puis l'avion pivote un court moment dans le sens opposé avant de heurter la surface gelée du lac dans une assiette presque verticale. L'accident survient vers 9 h 10, heure avancée de l'Est. L'avion est détruit, et les deux occupants subissent des blessures mortelles.

Renseignements de base

Le pilote était titulaire d'une licence de pilote de ligne valide pour les avions terrestres et hydravions monomoteurs et multimoteurs, d'une qualification d'instructeur de classe 1 et d'une qualification de vol aux instruments de groupe 1. Son certificat médical comportait une restriction selon laquelle il devait avoir des lunettes à sa disposition. D'après ses dossiers médicaux, il totalisait environ 2800 heures de vol, dont quelque 30 heures sur le type d'avion en question.

Le passager était un pilote titulaire d'une licence de pilote professionnel valide pour les avions terrestres et hydravions monomoteurs, et dont le certificat médical comportait une restriction selon laquelle cette personne devait porter des lunettes ou des verres de contact. D'après ses dossiers, le passager totalisait environ 200 heures de vol, mais aucune sur le type d'avion en question.

Les rapports d'autopsie indiquent que les deux occupants ont succombé aux multiples blessures qu'ils ont subies à l'impact. On n'a décelé aucune condition préexistante ayant pu contribuer à leur décès. Les deux occupants ont subi des blessures similaires aux extrémités, ce qui indique qu'à l'impact, ils tentaient tous deux de reprendre la maîtrise de l'avion. Les examens toxicologiques n'ont rien révélé de particulier sur l'un ou l'autre des occupants.

Le FBA-2C1 est certifié dans la catégorie normale en vertu du certificat de type A-67. C-GTUP avait été construit en 2002. Il était équipé d'un moteur Lycoming IO-540-L1C5 de 300 HP et d'une hélice tripale Hartzell HC-C3YR-1RF/F8068 à vitesse constante. L'avion avait été construit avec des ailes équipées de volets Fowler, conformément au certificat de type supplémentaire (CTS) SA01-105, lesquels autorisent une masse maximale totale au décollage de 3500 livres. Il possédait un certificat de navigabilité valide qui lui avait été délivré le 4 février 2003 et il avait été livré le 7 février 2003 dans une configuration sur roues munies de pneus ordinaires.

D'après les dossiers, l'avion avait été entretenu conformément à la réglementation. Le 3 avril 2003, à North Bay, on avait installé sur l'avion des pneus toundraNote de bas de page 1. Le vendredi 4 avril 2003, l'avion s'était rendu jusqu'au lac Temagami, soit son dernier vol avant l'accident. La cellule totalisait 35 heures de vol.

Du vendredi après-midi jusqu'au matin de l'accident, l'avion avait été stationné à l'extérieur, en face de la résidenceNote de bas de page 2 du pilote, près de l'extrémité sud de la bande d'atterrissage. Des housses pour les ailes de l'avion étaient disponibles mais n'ont probablement pas été installées. Samedi, il avait neigé toute la journée. Dimanche soir et lundi matin, le ciel avait été dégagé et, au cours de la nuit, la température était descendue sous les −20 °C et du givre avait été signalé. Le matin de l'accident, un vent du nord-est de 5 à 10 noeuds a soufflé. D'après les comptes rendus d'un aéroport se trouvant à proximité, au moment de l'accident, la température avait augmenté pour se situer entre −15 et −10 °C.

Le lundi, vers 8 h, heure avancée de l'Est (HAE)Note de bas de page 3, le pilote a fait rouler l'avion jusqu'à l'arrière de sa résidence en vue de la préparation avant vol et de l'avitaillement en carburant. Quelque temps avant 8 h 30, il est revenu à l'avant de sa résidence, où l'avion a été stationné jusque vers 9 h, heure à laquelle lui et son passager sont montés à bord pour effectuer le vol. À l'emplacement de ravitaillement, il y avait des échelles et des balais qui, on le savait, avaient en d'autres occasions été utilisés par le pilote pour retirer la neige et le givre de l'avion. Aucun liquide de dégivrage n'était disponible. D'après des observations effectuées deux jours plus tard, la lumière directe du soleil n'atteignait pas l'endroit où l'avion avait été stationné jusqu'à 9 h et elle n'aurait pas eu le temps de faire fondre le givre, à supposer qu'il y en ait eu.

Figure 1. Lieu de l'accident
Figure of Lieu de l'accident

La trajectoire de vol de l'avion est présentée à la figure 1. La piste et la trajectoire de montée initiale étaient abritées par des arbres sur la droite. Pendant la montée, lorsque l'avion est sorti au-dessus de la cime des arbres, il a été de plus en plus exposé au vent du nord-est. Lorsque l'avion a viré à gauche, le vent est passé d'un vent trois-quarts de face à un vent arrière. Le Guide de l'instructeur de volNote de bas de page 4 de Transports Canada décrit de nombreuses illusions que peut créer la dérive d'un avion volant à basse altitude. En particulier, un virage faisant passer l'avion d'un vent de face à un vent arrière produit une illusion de glissade vers l'intérieur du virage, suivie d'une illusion d'accélération.

D'après le manuel d'utilisation de l'avion (POH)Note de bas de page 5, la procédure normale de décollage consiste à sortir les volets à 10°, à soulever la roulette de queue à une vitesse indiquée en noeuds de 45 KIAS et à monter à une vitesse de 70 à 80 KIAS. À ces vitesses, on a calculé que le temps qui s'était écoulé entre le déjaugeage et la fin du vol contrôlé avait été de 32 à 40 secondes, que l'angle d'inclinaison avait été de 26 à 32° dans le virage et, d'après les performances de l'avion fournies par le constructeur, que l'appareil aurait atteint une altitude de 400 à 500 pieds au-dessus du sol (agl). Habituellement, les volets sont rentrés une fois que l'avion a atteint une vitesse et une altitude de sécurité; on ignore à quel moment les volets ont été rentrés. D'après le POH, la vitesse de décrochage prévue pendant le virage aurait été d'environ 60 KIAS.

Les enquêteurs sont arrivés sur les lieux de l'accident vers 18 h le jour de l'accident et ils n'ont observé aucune trace de givre sur l'avion. Pendant la journée, la température avait été de -1 à -2 degrés, et le ciel avait été dégagé et le temps très ensoleillé. L'épave se trouvait en plein soleil, et tout givre qui aurait pu le recouvrir aurait disparu pendant la journée.

Il a été établi que l'avion était intact lorsqu'il a heurté la glace; on n'a décelé aucune anomalie antérieur à l'impact au niveau de la structure et des circuits de commande. Les câbles de commande étaient fixés et se rendaient sans discontinuité jusqu'au poste de pilotage; toutes les gouvernes étaient fixées et libres de se déplacer sur la totalité de leur plage de débattement. De par sa position, le compensateur de la gouverne de profondeur était réglé en léger cabré, réglage plausible dans cette phase de vol. À l'impact, les volets, lesquels sont actionnés électriquement au moyen d'un vérin à vis, étaient rentrés. Le moteur et l'hélice présentaient tous deux des marques de rotation, ce qui montre que le moteur fournissait de la puissance à l'impact. Les instruments du poste de pilotage n'ont fourni aucun renseignement utile.

Les réservoirs carburant, qui avaient la forme de réservoirs structuraux d'aile, ont été endommagés à l'impact et, même s'il y avait des traces de carburant sur la glace, il a été impossible d'établir la quantité de carburant qu'il y avait à bord de l'avion. À l'intérieur de l'épave, on a retrouvé du fret non arrimé, notamment les skis de l'avion. Les dimensions et la position de ces skis à l'intérieur de l'avion ne laissaient à ces derniers qu'un espace minimal pour se déplacer pendant le vol, et la cloison arrière ne portait aucune marque qui aurait pu laisser croire que les skis l'avaient percutée en glissant vers l'arrière. Il est peu probable que le reste du fret ait pu se déplacer de façon importante, car il en aurait été empêché par le frottement et l'entrée en contact avec les skis.

En se basant sur la charge maximale de carburant et sur l'emplacement le plus défavorable du fret retrouvé à l'intérieur de l'épave, on a calculé qu'au moment de l'accident, la masse totale de l'avion était d'environ 3200 livres et le centrage se trouvait dans les limites prescrites. L'avion n'était pas équipé d'un enregistreur de données de vol ni d'un enregistreur de la parole dans le poste de pilotage. La réglementation en vigueur n'imposait pas l'emport d'enregistreurs de bord dans ce type d'avion.

Le FBA-2C1 de Found est équipé d'un avertisseur de décrochage à palette monté à l'intérieur du bord d'attaque de l'aile droite. Cet avertisseur est conçu pour déclencher une alarme sonore et faire allumer un voyant entre 5 et 10 noeuds au-dessus de la vitesse de décrochage, quelle que soit la configuration. L'aile arbore un profil intérieur NACA 23016Note de bas de page 6 et un profil extérieur NACA 23012. Le programme de tests en vol de certification a permis d'établir que ce type d'avion était conforme aux exigences que renferme la sous-partie 523 du RAC relativement aux caractéristiques de décrochage. Lors de décrochages pendant le vol en palier, il a été possible d'empêcher l'apparition d'un mouvement de plus de 15° de roulis ou de lacet grâce à une utilisation normale des commandes. Lors de décrochages en virage amorcés pendant un virage coordonné effectué sous une inclinaison de 30°, l'avion avait tendance à revenir les ailes à l'horizontale. L'examen des antécédents en service de ce type d'avion n'a permis de déceler aucun problème de pilotabilité permettant d'établir une relation avec cet accident.

C-GTUP avait été livré dans une configuration avec roues ordinaires. Des tests en vol de production effectués en janvier 2003 avaient permis de vérifier que ses caractéristiques de décrochage étaient représentatives de ce type d'avion et que le circuit d'avertissement de décrochage se déclenchait à la vitesse appropriée. Rien n'indiquait que des décrochages de l'avion dans sa configuration avec roues avaient été effectués depuis sa livraison. En février 2003, on avait procédé à des décrochages dans une configuration avec skis, afin d'obtenir un certificat de type supplémentaire restreint propre à ce genre d'installation. On avait attribué à la présence des skis la tendance de l'aile droite à s'enfoncer au moment du décrochage. On avait ensuite déposé les skis et installé les pneus toundra approuvés.

Le FBA-2C1 de Found n'est pas certifié pour le vol dans des conditions de givrage connues. D'après le POH, en raison de l'effet qu'elles pourraient avoir sur les performances et le pilotage de l'avion, même les petites quantités de givre, de glace ou de neige doivent être retirées des surfaces de l'avion avant le décollage. L'article 602.11 du Règlement de l'aviation canadien (RAC) interdit tout décollage d'un aéronef si du givre, de la glace ou de la neige adhèrent à toute surface critique de ce dernier.

L'effet néfaste de la contamination des surfaces critiques est bien documenté. La Publication d'information aéronautique (AIP) Canada mentionne ce qui suit concernant la contamination au sol par le givre, la glace et la neigeNote de bas de page 7:

La dégradation des performances de l'aéronef et les modifications de ses caractéristiques de vol lorsqu'il y a présence de givre sont nombreuses et imprévisibles. Des données expérimentales indiquent que les formations de givre, de glace ou de neige d'une épaisseur et d'une rugosité de surface semblables à celles d'un papier de verre moyen ou gros, qui se trouvent sur le bord d'attaque et l'extrados, peuvent réduire la portance de l'aile jusqu'à 30 % et accroître la traînée jusqu'à 40 %...La diminution de la portance provient en grande partie de la contamination du bord d'attaque. Les changements affectant la portance et la traînée augmentent de façon notable la vitesse de décrochage, réduisent la pilotabilité et modifient les caractéristiques de vol de l'aéronef. Des accumulations plus épaisses ou plus rugueuses de contaminants gelés peuvent avoir des effets encore plus néfastes sur la portance, la traînée, la vitesse de décrochage, la stabilité et la maîtrise de l'aéronef.

La section AIR 2.12.3, Contamination des aéronefs en vol - Givrage de cellule en vol de l'AIP stipule que l'accumulation de glace peut causer une augmentation de la vitesse de décrochage et une diminution de l'angle d'attaque critique. Par conséquent, le décrochage aérodynamique peut se produire avant même que se déclenche le système d'avertissement de décrochage. Une circulaire consultativeNote de bas de page 8 de la FAA concernant le givrage renferme un texte presque identique et souligne également que sur certains profils aérodynamiques, la rugosité de la surface située plus en arrière d'une aile peut avoir un effet aussi important que la rugosité du bord d'attaque.

Il y a eu plusieurs accidents qui ont impliqué des Cessna 208 Caravan, lesquels utilisent également des profils aérodynamiques NACA 230, et au cours desquels un décrochage après décollage a été attribué à la contamination des ailes. Dans le cas d'un accident n'ayant fait aucune victime, on sait que le circuit d'avertissement de décrochage ne s'est pas déclenché avant le décrochage de l'avionNote de bas de page 9. Un récent avis du National Transportation Safety BoardNote de bas de page 10 des États-Unis mentionnait un autre accident survenu récemment au moment du décollage d'un Cessna Caravan, et faisait état de préoccupations à l'effet que, même si la dégradation des performances associée à l'accumulation visible de glace est bien comprise, il semblait que de nombreux pilotes ne reconnaissaient pas l'effet que peuvent avoir de fines particules de givre ou de glace, de la taille d'un grain de sel , réparties de façon aussi clairsemée qu'une par centimètre carré sur l'extrados d'une aile. Une telle accumulation de givre ou de glace peut avoir les effets suivants :

La contamination d'une aile peut provoquer le décrochage du saumon d'aile avant celui de l'emplanture de l'aile, ce qui donne lieu à une perte de commande des ailerons. Habituellement, s'il n'y a pas de contamination, l'emplanture de l'aile décroche en premier; les ailerons demeurent donc efficaces lors du décrochage et ils contribuent au respect des exigences de la maîtrise en roulis en vue de la certification.

Il y a eu plusieurs études en soufflerie relatives à l'effet du givrage sur les profils aérodynamiques NACA 230. Dans le cadre de l'une de ces études, on a mesuré l'effet du givre sur un profil d'aile NACA 23012Note de bas de page 11. L'aile contaminée par le givre a subi une réduction de 19 % de son coefficient de portance maximal, ce qui correspond à une réduction légèrement supérieure à la réduction de portance d'une aile contaminée par de la glace ainsi qu'à une réduction de 4,5° de l'angle d'attaque de décrochage. Après sublimation d'une partie du givre, un deuxième test s'est traduit par une réduction de 9 % du coefficient de portance maximal et une réduction de 3,4° de l'angle d'attaque de décrochage. Lors des tests de givrage, l'aile prise isolément a également présenté une tendance à l'instabilité au niveau du coefficient de son moment de tangage.

Analyse

Cet accident est survenu lorsque l'avion a décroché et s'est mis en vrille à une altitude trop faible pour permettre tout rétablissement. La vrille a cessé en moins d'un tour et, à l'impact, les deux occupants avaient les mains sur les commandes, ce qui indique que l'incapacité du pilote n'a pas été un facteur contributif. On a concentré l'enquête sur la compréhension des facteurs qui, ensemble, ont contribué au décrochage de l'avion sans que le pilote ne prenne de mesures correctives, à l'enfoncement d'une aile d'une façon non caractéristique d'après la certification de ce type d'avion et à l'amorce d'une vrille.

Il n'y a eu aucune indication directe, comme l'observation par un témoin, de présence de givre sur les ailes de l'avion avant l'accident. On ignore si le pilote avait constaté des traces de givre et, dans l'affirmative, on ignore également les mesures qu'il aurait prises pour les éliminer. Le récent avis de sécurité du NTSB mentionne que des quantités « presque imperceptibles » de givre peuvent avoir un effet catastrophique sur les performances aérodynamiques. Cet avis mentionne également qu'il existe des circonstances qui rendent difficile de percevoir la présence de contaminants, et il comporte quelques commentaires sur les pilotes qui minimisent l'importance de quantités de givre bien inférieures à celles qu'ils ont vu s'accumuler en vol sur des avions qui ont par la suite atterri sans difficulté apparente.

Dans cet accident, rien n'indique que le pilote n'a pas effectué une inspection prévol normale, ni qu'il n'a pas décontaminé les surfaces avant le vol. Si le pilote a utilisé le balai dont il disposait pour dégivrer l'avion, il se peut qu'une certaine quantité de givre résiduel soit demeurée sur les surfaces de l'avion, car un balai ne suffit pas à enlever tout le givre qui adhère aux surfaces métalliques. On ne peut non plus exclure le fait qu'il y avait, sur certaines parties des ailes, du givre qui n'a pas été décelé malgré l'inspection prévol effectuée.

La contamination par le givre de l'extrados de l'aile a provoqué une réduction d'environ 19 % du coefficient de portance maximal, ce qui s'est traduit par une vitesse de décrochage en virage d'environ 67 KIAS au lieu de 60 KIAS. L'augmentation de la traînée qu'a provoquée la contamination par le givre a donné lieu à une réduction du taux de montée, ce qui explique pourquoi l'avion n'a atteint que 200 à 300 pieds alors que les calculs démontrent qu'il aurait dû atteindre 400 à 500 pieds agl. Le circuit d'avertissement de décrochage de l'avion, qui déclenche une alarme sonore et visuelle, aurait dû se déclencher de 5 à 10 noeuds au-dessus de la vitesse normale de décrochage. Comme les pilotes semblent ne pas avoir réagi à l'avertissement de décrochage afin de sortir d'un décrochage imminent, on peut présumer que l'avertisseur de décrochage ne s'est pas déclenché avant le décrochage de l'avion, ce qui indiquerait que l'avion aurait décroché avant que sa vitesse ne diminue entre 65 et 70 KIAS. Le givre sur les ailes s'est traduit par une vitesse de décrochage supérieure à la normale et il a également empêché aux indications normales de décrochage imminent, comme les tremblements, de se manifester. Lorsque l'avion a décroché, il s'est mis en vrille, comportement qui n'est pas caractéristique de cet avion. La présence de givre sur les ailes expliquerait la perte de maîtrise et les caractéristiques anormales après le décrochage de l'avion. Il y avait eu givrage au cours de la nuit précédente et, même si personne ne semble avoir vu de trace de givre sur les surfaces portantes de l'avion avant ou après l'accident, à part la contamination par le givrage, il n'existe aucune condition plausible pouvant expliquer cet accident. On en est donc venu à la conclusion qu'il y avait du givre sur les surfaces portantes de l'avion lorsque ce dernier a décollé.

La vitesse de montée normale de l'avion était de 70 à 80 KIAS; on a donc étudié les facteurs susceptibles d'avoir contribué au ralentissement de l'avion. Pendant le virage, l'avion s'est trouvé dans un vent arrière dont la vélocité augmentait en même temps que l'altitude, ce qui a occasionné un cisaillement du vent qui a eu des effets négatifs sur les performances de l'avion, d'où la tendance à une diminution de la vitesse propre. La présence de givre sur les ailes a créé une traînée supérieure à la normale et contribué au ralentissement de l'avion, lequel n'a pas gagné autant d'altitude que prévu dans le POH. L'altitude de l'avion était inférieure à la normale pour un virage après décollage et, à cause du virage dans la direction du vent arrière, il se peut qu'il y ait eu une illusion d'augmentation de la vitesse qui a masqué la réduction de cette dernière.

Comme les ailes étaient contaminées, l'angle d'attaque supérieur nécessaire à la génération de la portance requise a résulté en une assiette en tangage semblable à celle inhérente à une montée normale, situation qui a contribué à masquer davantage la perception de la réduction des performances. La réduction de la stabilité longitudinale en raison de la présence de givre sur les ailes a réduit la tendance au piqué normalement associée à une réduction de la vitesse, phénomène qui a contribué à priver le pilote d'un autre indice. Si, au décollage, les volets étaient sortis de 10°, comme le prescrit le POH, leur rentrée a créé un moment de tangage en cabré et réduit la marge par rapport au décrochage. Chacun de ces facteurs en soi est mineur, mais ils ont tous un effet négatif sur la vitesse de l'avion et sur la capacité du pilote à déceler une réduction de la vitesse. Ensemble, ces facteurs ont contribué à la réduction de la vitesse de l'avion, laquelle réduction de vitesse est passée inaperçue jusqu'à ce qu'il y ait décrochage.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Il y a eu contamination de l'extrados de l'aile par du givre, lequel n'avait pas été décelé ou n'avait pas été enlevé complètement, ce qui a entraîné une dégradation des performances aérodynamiques de l'aile ainsi qu'un décrochage sans avertissement à une vitesse supérieure à la normale.
  2. Les effets combinés de l'illusion de vitesse supérieure à la normale pendant un virage à basse altitude dans la direction du vent arrière et de la réduction de la stabilité longitudinale en raison de la présence de givre sur les ailes ont éliminé les indices qui indiquent habituellement au pilote qu'il vole à basse vitesse. Il semble donc que le pilote ignorait que l'avion ralentissait.
  3. L'avion a décroché et s'est mis en vrille à une altitude trop faible pour permettre un rétablissement.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .