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Rapport d'enquête aéronautique A02Q0021

Blocage du levier de pas collectif en vol
de l'hélicoptère Eurocopter AS 350 BA C-FPOO
exploité par Héli-Inter inc.
à l'aéroport de Val-d'Or (Québec)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

L'AS 350 BA de Héli-Inter inc., immatriculé C-FPOO, numéro de série 2508, avec un pilote et deux techniciens d'entretien d'aéronef à son bord, effectue une série de vols afin d'ajuster l'alignement des pales et de régler la vitesse rotor en autorotation. Lors de la deuxième autorotation, la lame de verrouillage du levier de pas collectif s'engage accidentellement à l'insu du pilote et bloque la commande de vol en butée minimum. À environ 800 pieds au-dessus du sol, le pilote tente d'arrêter la descente et tire sur le levier de pas collectif qui est bloqué, mais il ne peut le dégager. L'appareil continue sa descente, le pilote exécute un arrondi et fait un atterrissage lourd. Le pilote sort indemne de l'accident, mais les techniciens subissent des blessures légères. L'appareil n'a pas pris feu, mais est lourdement endommagé. L'accident s'est produit à 13 h 48, heure normale de l'Est.

Renseignements de base

Déroulement du vol

Trois jours avant l'accident, le pilote et le pilote vérificateur de la compagnie avaient effectué plusieurs exercices d'autorotation. Ils avaient constaté que le régime rotor en autorotation était de 60 tours par minute (tr/min) plus lent que le régime rotor spécifié pour la masse de l'appareil à l'altitude choisie.

Le jour de l'accident, un technicien d'entretien d'aéronef (TEA), qui travaillait pour l'organisme de maintenance agréé (OMA) Héli Technik inc., a dévissé la vis de butée minimum du levier de pas collectif de six tours afin d'augmenter la vitesse rotor en autorotation. Il a également dû enlever, ajuster puis replacer la lame de verrouillage du levier de pas collectif située sur le plancher. Le pilote et un TEA ont ensuite effectué trois vols afin d'ajuster l'alignement des pales du rotor principal. Les vols se sont déroulés sans problème. Le quatrième vol, celui ayant mené à l'accident, avait pour objet de contrôler la vitesse du rotor en autorotation. Le pilote et deux TEA étaient à bord de l'appareil. À 1200 pieds au-dessus du sol (agl), le pilote a effectué une autorotation en butée minimale à une vitesse de 80 mi/h. Lors de cette vérification, il a diminué la puissance motrice jusqu'au régime ralenti. La vitesse rotor était de 365 tr/min. Après avoir remis les gaz, le pilote a ressenti une petite friction momentanée lorsqu'il a tiré sur le levier de pas collectif. Il s'est alors assuré du bon débattement du levier de pas collectif en le tirant et en l'abaissant à quelques reprises. Étant donné que la commande de vol se déplaçait normalement, le pilote est monté à 1400 pieds agl où il a effectué une deuxième autorotation. L'autorotation s'est déroulée normalement jusqu'à 800 pieds agl. Après la remise de puissance, le pilote a constaté que la lame de verrouillage du levier de pas collectif était engagée et bloquait la commande de vol. Le pilote a tenté de dégager la lame avec son pouce sans y parvenir.

À environ 40 pieds agl, le pilote a effectué un arrondi et exécuté un atterrissage à environ 20 mi/h sur la piste 36. Après avoir touché le sol, l'appareil a rebondi et est retombé brutalement sur le ventre. Étant donné que l'arbre de transmission de rotor de queue s'était sectionné après le second impact, l'hélicoptère s'est mis à tournoyer sur lui-même jusqu'à ce qu'un TEA coupe les gaz; craignant que le levier de pas collectif se libère inopinément et précipite l'appareil en vol, le pilote a préféré maintenir le levier abaissé avec sa main gauche plutôt que de couper lui-même les gaz. Une fois l'hélicoptère immobilisé, le pilote a complété l'arrêt des systèmes avant d'évacuer l'appareil.

Lorsque l'appareil s'est immobilisé, le pilote n'a pu aviser Val-d'Or radio parce que la radio de l'hélicoptère ne fonctionnait pas. La radiobalise de repérage d'urgence (ELT) s'est déclenchée à 13 h 48, heure normale de l'Est (HNE)Note de bas de page 1. L'agent de sécurité de l'aéroport est arrivé sur les lieux de l'accident à 13 h 50 min 50 s. Le camion Sauvetage 1 est arrivé sur les lieux à 13 h 56. Une ambulance est arrivée au centre de contrôle d'urgence à 14 h 5 avant d'être dirigée sur le site de l'accident 17 minutes après l'écrasement.

Le pilote

Le pilote possédait la licence et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur. Il totalisait environ 4500 heures de vol sur hélicoptère, dont quelque 900 heures sur l'AS 350.

Le manuel de vol de l'hélicoptère

La section 4.1 du manuel de vol de l'AS 350 BA spécifie que lors des vérifications avant décollage, on doit ajuster la friction du cyclique et du levier de pas collectif de manière à ce que les commandes ne bougent pas sans l'intervention du pilote pendant le vol. Lors de cette vérification avant le décollage, le pilote a déverrouillé la commande de collectif pour ajuster la friction et aurait pu observer si la languette de verrouillage interférait avec le collectif.

Étant donné que la vitesse du rotor principal était inférieure à celle publiée par le constructeur, le pilote devait effectuer des vérifications en autorotation. La plage en autorotation devait se situer entre 395 et 415 tr/min. La valeur cible était déterminée en fonction de l'altitude et de la masse de l'appareil.

La procédure suivie par le pilote, qui consistait à réduire la puissance lors de la vérification du régime rotor en autorotation, divergeait de celle publiée dans le manuel de vol de l'appareil. D'une part, la vérification devait s'effectuer à plein régime; d'autre part, dans le cas d'un exercice de panne moteur, la manette de contrôle de débit de carburant ne devait être remise en position pleins gaz en contrôlant la température T4, qu'après l'autorotation, une fois au sol. Le pilote a utilisé la procédure qui lui avait été enseignée lors des exercices d'autorotation sur ce type d'appareil.

L'hélicoptère

Le C-FPOO, un Eurocopter AS 350 BA, numéro de série 2508, certification de type H83, avait été réparé en utilisant des composantes provenant d'un hélicoptère AS 350D accidenté, numéro de série 1131. Suite à la demande de Héli-Expert, propriétaire des deux hélicoptères accidentés, Transports Canada avait autorisé la réparation du C-FPOO et sa transformation en un AS 350 BA. Héli Fix Services inc., un organisme de maintenance agréé (OMA), assurait en une seule étape l'achèvement du projet jusqu'à la remise en service.

Eurocopter avait émis le bulletin de service (SB) no 01-00-035 « Transformation d'un appareil AS 350 B en AS 350 BA ». Toutefois, ce bulletin n'était applicable que si l'AS 350 B était en état de navigabilité au moment de la transformation. Transports Canada a approuvé la transformation sans tenir compte du critère d'applicabilité stipulé par Eurocopter. Quatorze certifications de type complémentaire, dont un changement de motorisation, ont été exécutées lors des travaux. L'examen de l'appareil en cause dans le présent accident et de ses dossiers a révélé que la modification 350A07-1995 (fermeture de la cavité supérieure de la butée du levier de pas collectif) découlant du bulletin 01-00-035 n'avait pas été accomplie. De plus, la modification no 350A07-0679, qui consistait à remplacer le levier de pas collectif habituel par un levier de pas collectif muni d'une boîte de commande située à son extrémité, avait été partiellement exécutée; le renversement de la vis de réglage butée petit pas du levier de pas collectif n'avait pas été effectué.

Suite à la demande d'un certificat de navigabilité qui attestait que toutes les conditions de navigabilité applicables avaient été respectées et que l'appareil était conforme à sa certification de type, Transports Canada avait effectué une inspection de l'appareil converti avant de délivrer un certificat de navigabilité le 8 juin 2001. L'aéronef totalisait environ 300 heures au moment de l'accident.

Examen des dommages de l'hélicoptère

Lors de l'examen de l'aéronef en cause dans l'accident avant qu'il soit déplacé, un TEA a observé et signalé que la lame de verrouillage du levier de pas collectif n'était pas engagée et que la lame se déverrouillait normalement après avoir été engagée en appliquant une légère pression sur le levier de pas collectif; ces observations ont été corroborées par l'enquêteur du BST. Cependant, l'espace entre l'extrémité du levier de pas collectif et la console était d'environ 5 mm (voir la photo 1) soit 11 mm inférieurs à l'espace spécifié (16 mm +/- 0.5 mm) par Eurocopter (voir la photo 2).

Photo 1. Espace de 5 mm pour la lame de verrou
Photo of Espace de 5 mm pour la lame de verrou
Photo 2. Position normale avec espace de 16 mm
Photo of Position normale avec espace de 16 mm

Selon l'information recueillie, l'espace entre la console et l'extrémité du levier de pas collectif était supérieur à celui observé après l'accident, et la lame de verrouillage ne gênait pas le débattement du levier de pas collectif.

Le réglage de la vitesse rotor en autorotation est effectué en ajustant les biellettes et les bielles de la chaîne de commande rotor. Le gabarit de réglage spécifié par Eurocopter a permis d'établir que le réglage des biellettes de changement de pas, des pales au plateau cyclique, et des bielles d'attaque à l'entrée des servocommandes excédaient les dimensions du constructeur de 5 mm et 8.9 mm, respectivement. Par conséquent, le levier de pas collectif était plus bas qu'il aurait dû l'être pour un angle de pale donné, d'où un régime rotor bas en autorotation.

L'organisme de maintenance agréé

Héli Fix Services inc. était titulaire d'un certificat d'organisme de maintenance agréé (OMA) et avait été formé le 22 mars 2000. L'OMA était dirigé et exploité par son président qui cumulait aussi les fonctions de directeur de la maintenance et de TEA. Il offrait aussi un service d'importation et de reconstruction d'hélicoptères. Il possédait une licence de technicien d'entretien d'aéronef voilure tournante depuis 12 ans valide pour les AS 350, EC120, B 206 et R22. Il occupait également le poste de directeur de l'entretien chez trois exploitants aériens dont il entretenait les appareils.

Analyse

L'examen des dossiers a révélé que le pilote possédait les connaissances et les compétences pour effectuer le vol planifié. L'examen de l'appareil en cause dans l'accident a permis d'établir que la lame de verrouillage se désengageait sans peine quand on appuyait sur le levier de pas collectif. Toutefois, le pilote n'a pas réussi à repousser la lame. Le pilote s'est retrouvé dans une situation dramatique à quelque 800 pieds agl quand il a constaté que le levier de pas collectif était bloqué. En raison du taux de rapprochement élevé de l'hélicoptère avec le sol, le pilote avait peu de temps pour identifier la cause du problème et agir en conséquence. Le stress de la situation et une charge de travail élevée ont pu réduire sa concentration et limiter sa capacité de communiquer l'état d'urgence aux passagers. Le pilote devait appuyer sur le levier de pas collectif pour libérer la lame, puis le tirer pour arrêter la descente. Il est possible qu'un synchronisme imprécis des actions du pilote pour libérer le levier de pas collectif n'a pas permis de dégager la lame.

La vitesse rotor en autorotation était basse, et les vérifications en vol visaient à corriger le problème. Ce faisant, le pilote n'a pas suivi les procédures publiées lorsqu'il a réduit la puissance du moteur au lieu de la tenir à plein régime, tel que spécifié pour une descente de vérification du régime rotor. La procédure qu'il avait choisi d'accomplir demandait plus de manipulation et rendait la tâche plus compliquée.

L'examen de l'appareil en cause dans l'accident a aussi révélé que certains travaux n'avaient pas été complétés par l'OMA. La vis de butée, qui était en position inversée, et les bielles plus courtes que celles prescrites par le constructeur permettaient au collectif une course excessive vers le bas. Cette condition, combinée au réglage vers le bas du collectif et de la lame de verrouillage, a contribué au blocage du levier de pas collectif en diminuant l'espace entre la console et le collectif.

La surveillance exercée par Transports Canada avant, pendant et après les travaux de reconstruction et de transformation de C-FPOO était insuffisante. En effet, l'enquête a déterminé que Transports Canada a autorisé la transformation d'un AS 350 B en un AS 350 BA sans tenir compte du critère d'applicabilité stipulé par Eurocopter, que la surveillance exercée par Transports Canada n'a pas permis de déceler les irrégularités commises par l'OMA pendant les travaux et que, finalement, les documents d'acceptation de l'appareil par Transports Canada ne faisaient pas état des manquements mentionnés précédemment. Par conséquent, Transports Canada n'aurait pas dû délivrer de certificat de navigabilité pour l'appareil en question.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. La lame de verrouillage du levier de pas collectif s'est engagée accidentellement, et le pilote n'a pas pu libérer le levier de pas collectif et n'a pas pu réussir à ralentir suffisamment sa descente avant de toucher le sol.
  2. La vis de butée, qui était en position inversée, et les bielles plus courtes que celles prescrites par le constructeur, permettaient au collectif une course excessive vers le bas. Cette condition, combinée au réglage vers le bas du collectif et de la lame de verrouillage, a contribué au blocage du levier de pas collectif en diminuant l'espace entre la console et le collectif.

Faits établis quant aux risques

  1. Transports Canada a autorisé la transformation d'un hélicoptère AS 350 B en un AS 350 BA sans tenir compte du critère d'applicabilité du bulletin de service 01-00-35.
  2. Transports Canada n'a pas décelé les irrégularités de maintenance commises pendant les travaux de réparation et de transformation de l'appareil.
  3. Transports Canada a délivré un certificat de navigabilité alors que l'appareil n'était pas en état de navigabilité.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .