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Rapport d'enquête aéronautique A01P0296

Accident
Cessna 152 C-GJKE exploité par
Pacific Professional Visual Flight Training
Aéroport de Boundary Bay (Colombie-Britannique)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

À 15 h 10, heure normale du Pacifique, le Cessna 152 C-GJKE portant le numéro de série 152-84864 à bord duquel se trouve un élève partant en solo avec l'intention de faire des circuits, décolle de la piste 12 de l'aéroport de Boundary Bay. L'avion vient tout juste de décoller quand il effectue un important mouvement de lacet intempestif vers la gauche. Dans les quelques brefs instants que dure le vol, le pilote ne parvient pas à mettre du pied à droite. La commande de direction gauche est quant à elle utilisable et semble fonctionner correctement. Le pilote ne réussit qu'à contrecarrer partiellement le lacet vers la gauche en s'aidant de la commande des ailerons. Alors que l'avion monte à quelque 80 pieds au-dessus du sol, il continue son virage à gauche sur approximativement 180 degrés. Le pilote déclare une situation d'urgence, informe la tour de contrôle de ses problèmes de direction et essaye de se poser sur la piste 25. L'avion atterrit obliquement sur la piste 25 et sort dans l'herbe à un cap nord-ouest. D'après les traces de pneu retrouvées dans l'herbe, la direction de l'avion était orientée à gauche au moment du toucher des roues. L'appareil passe dans une rigole de drainage présente sur le terrain, ce qui provoque un affaissement du train avant, si bien que l'appareil s'immobilise à l'endroit mais en reposant sur le nez. Les services d'incendie locaux interviennent, mais il n'y a ni blessé ni incendie. L'avion avait volé plus tôt cette même journée, mais aucune difficulté au niveau des commandes n'avait été signalée. Au moment du décollage, il y avait un léger vent variable.

Renseignements de base

L'élève pilote entreprenait son second vol en solo dans le cadre de sa formation devant le mener à l'obtention d'une licence de pilote privé. Il détenait un permis d'élève pilote (avion) valide et il avait effectué au total quelque 30 heures de vol. Si ce nombre d'heures d'expérience dépasse le nombre normalement accompli au début de l'étape des vols en solo dans le programme de formation d'un pilote privé, c'est qu'un retard administratif était à l'origine de ce nombre plus élevé d'heures de formation. Le pilote passait pour un élève pilote se situant au-dessus de la moyenne. Le type de chaussures que portait le pilote ainsi que la chute éventuelle d'objets se trouvant sur le siège inoccupé du passager ont été envisagés comme des explications possibles aux ennuis de direction éprouvés. Toutefois, en poussant plus loin l'enquête, les observations et les discussions, il est apparu que ces possibilités devaient être écartées.

Au moment de l'accident, les prévisions régionales d'ensemble étaient les suivantes : ciel couvert avec de multiples couches de nuages débutant à 2 500 pieds au-dessus du sol (agl), vent calme et visibilité de 20 milles. Au moment du départ, le vent à Boundary Bay soufflait du 070° magnétiques à 3 noeuds. Les conditions météorologiques n'ont pas été considérées comme ayant joué un rôle dans le présent accident.

Après un vol précédent ayant été accompli plus tôt le jour de l'accident, l'avion était resté stationné sur l'aire de trafic de l'aérogare. Il n'existe ni renseignement ni indication comme quoi l'avion aurait été soumis à des perturbations météorologiques anormales, et il n'avait été ni remorqué ni autrement déplacé au sol. Le pilote avait effectué une visite extérieure, avait procédé à un ravitaillement en carburant et avait accompli les vérifications au roulage et prévol. Rien d'anormal n'avait été constaté. Pendant la course au décollage, le pilote a mis du pied à droite pour rester dans l'axe de la piste, l'avion descendant la piste de façon rectiligne avant de décoller à quelque 60 noeuds. La course au décollage a été normale jusqu'au moment du décollage.

Depuis qu'il était en service, l'avion avait principalement servi à la formation au pilotage. Il était certifié, équipé et entretenu conformément aux règlements existants et aux procédures approuvées. D'après les dossiers, il avait accumulé quelque 15 120 heures de temps dans les airs. La dernière inspection de maintenance avait été une inspection aux 50 heures effectuée environ 25 heures de temps dans les airs avant l'accident. L'avion devait subir une inspection aux 200 heures après avoir accompli 25 autres heures. Dans les dossiers de maintenance figurent deux cas antérieurs de dommages au niveau du train avant. Il avait été consigné en 1992 (soit trois ans après le second incident) que l'ensemble de droite des tubes d'orientation du train avant (réf. 0543022-4) avait été remplacé par un ensemble d'occasion. Ces ensembles ne possèdent pas de numéro de série et leur maintenance se fait « selon état », ce qui veut dire qu'ils peuvent être utilisés tant et aussi longtemps qu'ils fonctionnement correctement. Il n'existe aucun moyen d'inspection permettant d'évaluer l'état interne des ensembles de tubes d'orientation du train avant. L'ensemble de remplacement de droite des tubes d'orientation du train avant provenait peut-être d'un avion accidenté, et un dommage interne constituant une situation dangereuse latente existait peut-être. Des essais ont confirmé que, même dans l'état d'endommagement constaté, le dispositif était en mesure de supporter les charges nominales.

L'avion est équipé de deux ensembles de tubes d'orientation du train avant, un à droite et un à gauche. Ces ensembles ont pour but de permettre à la gouverne de direction de continuer à fonctionner quand le train avant se centre et se verrouille lorsque la jambe oléopneumatique se détend au moment du décollage. Ces ensembles ressemblent à des amortisseurs et font appel à un ressort intégré précontraint qui entre en action lorsque le dispositif est soumis à une tension. Chaque ensemble est relié, de son côté respectif du collier d'orientation du train avant, au tube de conjugaison de la pédale de palonnier droite ou gauche. De plus, chaque tube de conjugaison des pédales du palonnier est relié vers l'arrière à la commande de direction par des câbles, ce qui constitue un système à boucle fermée (voir l'annexe A).

Après l'accident, un premier examen des systèmes de commande de vol de l'avion n'a révélé aucun problème de fonctionnement. En particulier, la commande de direction elle-même, ses butées de déplacement, les pédales qui permettent de l'actionner, les câbles de commande connexes et les butées d'orientation du train avant étaient tous intacts. Au cours d'un démontage et d'un examen ultérieurs, il est apparu que l'ensemble de droite des tubes d'orientation du train avant (référence 0543022-4) ne fonctionnait pas de la même façon que l'ensemble de gauche (référence 0543022-3).

Photo 1. Resort avec sa rondelle de retenue tordue sur la tige d'un des tubes de droite servant à l'orientation du train avant
Photo of Resort avec sa rondelle de retenue tordue sur la tige d'un des tubes de droite servant à l'orientation du train avant

Il a été noté qu'il était impossible de pousser l'ensemble de droite pour contrecarrer la pression de précontrainte du ressort interne, une mesure nécessaire pour pouvoir mettre du pied à droite en vol, une fois le train avant dans sa position normale centrée et verrouillée. Les deux ensembles de tubes d'orientation du train avant ont été sectionnés, ce qui a permis de constater que la rondelle de retenue du ressort interne placée à l'extrémité de la tige de l'ensemble de droite avait la forme d'une soucoupe et se trouvait du côté opposé à la sertissure annulaire du tube externe par comparaison avec la même pièce présente dans l'ensemble de gauche (voir la photo 1). Placée de cette façon, la rondelle ne pouvait ni reprendre sa bonne place ni jouer son rôle normal. Si cette situation avait préexistée, elle n'aurait pas empêché au dispositif d'orientation de fonctionner au sol, mais elle aurait empêché mécaniquement de commander la direction vers la droite quand la jambe oléopneumatique du train avant se serait détendue au décollage et aurait commandé l'enclenchement de la came de centrage et de verrouillage du train avant. La commande de direction vers la gauche aurait fonctionné normalement puisque l'ensemble de droite des tubes d'orientation du train avant pouvait toujours fonctionner en mode de compression. Qui plus est, dans une telle situation, le centrage automatique du train avant au moment du décollage aurait provoqué l'apparition d'un braquage de la direction de deux à quatre degrés vers la gauche. Ce phénomène est dû au fait que le ressort de centrage gauche de la direction a compensé pour le mou apparu dans le câble droit de la direction à la suite du déplacement de la pédale droite du palonnier en arrière de sa position normale à cause de la longueur moindre de l'ensemble de droite des tubes d'orientation du train avant.

La possibilité que la rondelle de l'ensemble de droite des tubes d'orientation du train avant ait été poussée au-delà de la sertissure pendant des opérations au sol, a été envisagée selon deux perspectives. Le premier scénario s'est penché sur une fausse manoeuvre effectuée par le pilote. Des recherches ont montré que, conformément aux spécifications de conception, une force induite par le pilote supérieure à 300 livres exercée sur la pédale gauche du palonnier pendant que le train avant était orienté à droite (comme s'il était pris dans une ornière) aurait été nécessaire pour forcer la rondelle de l'ensemble de droite des tubes d'orientation du train avant à passer au-delà de la sertissure sans dépassement des butées intégrées dans le système. Les ensembles des tubes d'orientation du train avant ont été testés et analysés au Laboratoire technique du BST et, même en présence d'une rondelle en forme de soucoupe, l'ensemble de droite a supporté les charges nominales pendant les essais. L'inspection des surfaces n'a révélé aucune trace d'usure inhabituelle. Des essais métallurgiques effectués par le Laboratoire technique du BST ont confirmé que toutes les pièces respectaient les spécifications de conception en ce qui avait trait au matériau, aux dimensions et à la dureté. De plus, l'état de la surface de la partie de l'aire de trafic sur laquelle avait été stationné l'avion ainsi que de certaines voies de circulation a été examinée, et aucune déformation importante n'a été constatée. De plus, rien n'indiquait que des forces excessives induites par le pilote auraient été exercées ou exigées pendant les opérations au sol effectuées après l'atterrissage ou ayant précédé le vol au cours duquel l'accident est survenu.

Le second scénario a envisagé la possibilité de dommages induits résultant d'un remorquage. Ce scénario a été éliminé pour deux raisons : premièrement, rien n'indiquait que l'avion avait été remorqué pendant la période de temps pertinente et, deuxièmement, les butées d'orientation du train avant ne présentaient aucun dommage, ce qui n'aurait évidemment pas été le cas si les limites avaient été dépassées.

Une recherche des références des pièces concernées dans les bases de données des Rapports de difficultés en service (RDS) de Transports Canada (TC) et de la Federal Aviation Administration des États-Unis a révélé la présence de trois rapports, dont l'un décrivait une situation similaire au niveau du fonctionnement des ensembles des tubes d'orientation du train avant (numéro de contrôle de TC : US1988022500012). Mais comme il n'y avait pas eu d'accident pendant le vol en cause, aucun autre renseignements n'était disponible. De plus, deux cent vingt et un événements reliés à des problème de maîtrise directionnelle de C152 retrouvés dans les bases de données du BST et du NTSB (des États-Unis) ont été examinés, dont quatre ont été jugés dignes d'intérêt; toutefois, aucun n'élaborait sur un examen des ensembles des tubes d'orientation du train avant pour voir s'ils fonctionnaient correctement.

Analyse

Il est peu probable qu'une personne de constitution moyenne puisse exercer, sur une pédale du palonnier (donc avec un pied), la force nécessaire pour pousser la rondelle de l'ensemble des tubes d'orientation du train avant au-delà de la sertissure. De plus, la voie de circulation ainsi que l'aire de trafic dans la partie où avait été stationné l'avion ne semblaient pas dans un état propice à un coincement du train avant.

Il a été pris comme hypothèse que l'état de l'ensemble de droite des tubes d'orientation du train avant aurait pu être préexistant. Si tel a été le cas, il a fallu que les dommages se produisent après l'atterrissage précédent (effectué deux heures plus tôt), puisque l'équipage du vol précédent n'a signalé aucun ennui au niveau des commandes. Une analyse mécanique a été effectuée afin de déterminer s'il était possible que l'état dans lequel l'ensemble de droite des tubes d'orientation du train avant a été retrouvé eût existé avant le décollage. Des essais ont été réalisés à l'aide d'un avion sur lequel l'ensemble de droite des tubes d'orientation du train avant avait été modifié de manière à simuler l'état de l'ensemble retrouvé sur l'avion accidenté. Les conditions des essais ont confirmé la description du fonctionnement des commandes de l'avion, tant au sol qu'en vol. Toutefois, cette hypothèse n'a pu expliquer la violence du lacet à gauche auquel a été confronté le pilote. Des manoeuvres de glissade contrôlées et pilotables au cours desquelles le braquage de la direction dépasse les deux à quatre degrés pris comme hypothèse sont effectuées régulièrement pendant la formation et le pilote aurait dû être en mesure de composer avec.

Compte tenu des connaissances et des renseignements actuels, il n'a pas été possible d'expliquer le pourquoi de cet état pris comme hypothèse. Par conséquent, il a été impossible de conclure comme quoi l'anomalie retrouvée dans l'ensemble de droite des tubes d'orientation du train avant aurait été le résultat des dommages survenus à l'impact, ou comme quoi il se serait agi d'un état préexistant.

L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Au moment du décollage, l'avion a présenté des caractéristiques de vol indésirables qui n'ont pu être contrecarrées à cause du déplacement limité de la direction vers la droite, une fois l'avion dans les airs. Le pilote n'a pas été en mesure de composer avec ces caractéristiques de vol.

Autres faits établis

  1. Même dans l'état dans lequel elle a été retrouvée, la rondelle de l'ensemble de droite des tubes d'orientation du train avant a supporté les charges nominales auxquelles elle a été soumise pendant les essais.
  2. Il n'a pas été possible de déterminer si l'anomalie présente dans l'ensemble de droite des tubes d'orientation du train avant était le résultat des dommages survenus à l'impact ou s'il s'agissait d'un état préexistant. Et s'il s'agissait d'un état préexistant, aucune explication entourant l'apparition de cette anomalie n'a pu être trouvée.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

Annexes

Annexe A

Schémas des ensembles de tubes d'orientation du train avant et des connexions à la jambe du train avant et aux tubes de conjugaison des pédales du palonnier.

Figure 1. Ensembles de tubes d'orientation du train avant en configuration normale
Figure of Ensembles de tubes d'orientation du train avant en configuration normale
Figure 2. Ensembles de tubes d'orientation du train avant tels qu'ils ont été trouvés
Figure of Ensembles de tubes d'orientation du train avant tels qu'ils ont été trouvés