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Rapport d'enquête aéronautique A01P0100

Désintégration en vol
BC Helicopters
Robinson R22B (hélicoptère) C-FHRL
10 NM à l'est d'Abbotsford (Colombie-Britannique)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

L'hélicoptère Robinson R22B, immatriculé C-FHRL et portant le numéro de série 1361, évoluait à environ 10 milles marins à l'est de l'aéroport d'Abbotsford avec un instructeur et un élève à bord lorsqu'on l'a vu se désintégrer en vol et tomber au sol. Personne n'a observé l'hélicoptère avant que l'accident se produise; cependant, plusieurs personnes ont vu l'hélicoptère effectuer une descente en assiette horizontale et ont pu voir des pièces tomber de l'appareil. Elles ont aussi remarqué que le rotor principal ne tournait pas et que les pales formaient un cône. Une bruine dégageant une forte odeur de carburant a été signalée par la première personne arrivée sur le lieu de l'accident. Il n'y a pas eu d'incendie. Les deux occupants ont subi des blessures mortelles.

Renseignements de base

L'instructeur effectuait son premier vol d'instruction avec un élève depuis l'obtention de sa qualification d'instructeur de vol de classe 4 - hélicoptères. Il était titulaire d'une licence de pilote professionnel - hélicoptères et d'une qualification de type sur Robinson R22. Il cumulait environ 2900 heures de vol à bord d'hélicoptères, dont environ 1600 avaient été effectuées à bord d'appareils Robinson R22 et R44. Il avait subi son dernier examen médical le 18 avril 2001, lequel avait compris un électrocardiogramme, et il avait obtenu une catégorie médicale de classe 1 sans restrictions.

L'élève effectuait son premier vol de familiarisation à titre d'élève-pilote d'hélicoptère. Il avait subi son examen médical le 25 avril 2001 et avait obtenu une catégorie médicale de classe 1 avec obligation de porter des verres correcteurs.

Les autopsies pratiquées sur le corps de l'instructeur et de l'élève, qui ont compris des examens toxicologiques complets, n'ont rien révélé qui aurait pu mener à l'accident ou qui aurait pu y contribuer.

Au moment de l'accident, les conditions météorologiques permettaient le vol selon les règles de vol à vue. À 14 h, heure avancée du PacifiqueFootnote 1, soit 37 minutes avant l'accident, les conditions météorologiques à l'aéroport d'Abbotsford, situé à 10 milles marins à l'ouest-sud-ouest du lieu de l'accident, étaient les suivantes : vents du 240° vrais à 12 noeuds avec des rafales à 18 noeuds; visibilité de 25 milles terrestres; quelques nuages à 2500 pieds et nuages fragmentés à 4500 et à 21 000 pieds; température de 14° C; point de rosée à 5° C. Les données météorologiques recueillies à partir d'un bureau agricole situé près du lieu de l'accident indiquaient que, à peu près au moment de l'accident, des vents soufflaient à 6 noeuds avec des rafales à 14 noeuds. La direction des vents n'a pas été enregistrée. Selon le diagramme de givrage du carburateur se trouvant à la section AIR 2.3 de la Publication d'information aéronautique, une température de 14° C et un point de rosée de 5° C correspond exactement à la jonction des zones « Givrage intense - à tout régime » et « Givrage modéré - régime de croisière ou givrage intense - gaz réduits (en descente) ». La commande de réchauffage carburateur a été trouvée en position OFF.

Les livrets techniques et les dossiers de maintenance indiquent que le Robinson R22B avait été certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. Des témoins ont signalé qu'au moment du départ d'Abbotsford, il y avait 50 litres de carburant à bord de l'hélicoptère, ce qui aurait permis une autonomie maximale d'environ deux heures. L'accident s'est produit environ 20 minutes après le décollage de l'hélicoptère. Il n'existait aucune anomalie connue avant le vol, et la masse et le centrage de l'hélicoptère se trouvaient dans les limites permises.

L'épave a d'abord été examinée sur le lieu de l'accident. L'hélicoptère a percuté le sol en assiette longitudinale nulle avec une légère inclinaison à droite. La zone où se trouvaient les débris indique que l'hélicoptère avait une vitesse de translation nulle ou qu'il se déplaçait très lentement vers le nord-nord-est. On a trouvé les pales du rotor principal pliées en forme de tulipe, ce qui indique que le rotor tournait à bas régime durant la descente vers le sol.

L'épave a été récupérée sur le lieu de l'accident pour être envoyée aux installations régionales d'examen des épaves du BST dans le but d'y subir un examen plus détaillé. Les marques de transfert de peinture indiquent que les pales du rotor principal ont percuté le fuselage au niveau du support du feu à éclats et qu'elles ont sectionné la poutre de queue. Cette constatation est renforcée par la déformation des deux cornes des paliers des pales du rotor principal, signe de battement excessif des pales vers le bas. Les fractures subies par l'arbre d'entraînement du rotor de queue correspondent à des dommages causés par des pales qui percutent la poutre de queue à bas régime.

Le moyeu du rotor principal présentait certains signes de cognement du mât. Le mât était plié juste au-dessous du moyeu, mais pas de façon importante. (Dans la plupart des cas de contact violent entre le rotor et le fuselage, la déformation est importante.) Les butées de basculement et d'affaissement ont été trouvées en place. Le moyeu du rotor principal comportait des marques en forme de « sourire » de chaque côté, résultat du contact avec la circonférence des guignols de pas du rotor principal. Ces marques sont compatibles avec le fait que les deux pales avaient pris la forme d'un cône vers le haut.

Le 29 mai 2001, un démontage et une inspection du moteur Lycoming (modèle O-320-B2C, numéro de série L-7020-39A) ont été effectués aux installations de révision de Lycoming, à Richmond (Colombie-Britannique). Les dommages constatés lors de ce démontage correspondaient au contact du moteur avec le sol et la cellule au cours de l'accident. D'un point de vue mécanique, le moteur semblait en mesure de fournir de la puissance avant l'accident, même s'il ne fonctionnait pas à l'impact. Rien n'indiquait qu'il y avait eu des défectuosités ou des dommages pré-existants qui auraient pu contribuer aux circonstances entourant l'accident.

Le moteur avait été équipé d'un régulateur de carburant électronique afin d'aider le pilote à maintenir un régime rotor constant et afin de réduire les risques de bas régime rotor menant à un décrochage. Le dispositif possédait un interrupteur ON/OFF au bout du levier de pas collectif de l'élève-pilote. Cet interrupteur de régulateur fixé sur le levier de pas collectif a été détruit dans l'accident. Tous les composants du régulateur, les deux magnétos et les ampoules des voyants d'alarme signalant l'arrêt du régulateur et le bas régime rotor ont été envoyés au Laboratoire technique du BST pour y être analysés. Il n'a pas été possible de déterminer si le régulateur était en marche lorsque l'accident a débuté, mais les renseignements tirés de l'analyse de laboratoire laissent croire que le régulateur n'était pas en marche au moment de l'impact.

Lorsqu'il y a deux personnes à bord et qu'on a fait le plein de carburant, la masse du R22 avoisine sa masse maximale totale de 1 370 livres. Cette situation fait en sorte que l'hélicoptère est souvent utilisé près de la limite supérieure de son domaine d'utilisation, ce qui, à son tour, signifie une utilisation qui s'approche de la capacité de portance maximale du rotor principal. Afin d'obtenir la portance nécessaire, l'angle d'attaque des pales du rotor principal du R22 sera, à l'occasion et en utilisation normale, près de l'angle d'attaque de décrochage. Une simulation effectuée au Georgia Institute of Technology a révélé que des déplacements de commandes brusques et à grande amplitude peuvent causer une diminution rapide du régime rotor en raison de la faible inertie du rotor principal. La technique la plus efficace pour rétablir une situation de bas régime rotor consiste à abaisser immédiatement le levier de pas collectif afin de diminuer l'angle d'attaque des pales, à relever le nez de l'hélicoptère à l'aide du cyclique afin de transférer l'énergie provenant de la vitesse en énergie utilisable par le rotor et à augmenter les gaz.

Dans le cas présent, les marques résultant du cognement du mât ainsi que les autres dommages subis par le moyeu du rotor principal correspondent à une situation de faible énergie, et donc, de décrochage à bas régime rotor.

Les décrochages de rotor causés par un bas régime rotor ont donné lieu à de nombreux accidents d'hélicoptère. À l'angle de décrochage, qui est habituellement autour de 15°, les filets d'air qui s'écoulent autour des pales du rotor se décollent brusquement, causant une perte soudaine de portance et une augmentation importante de la traînée. Un bas régime rotor provoque le décrochage du rotor. À mesure que le régime du rotor diminue, l'angle d'attaque des pales du rotor doit être augmenté dans le but de générer la portance nécessaire à la sustentation de l'hélicoptère, sinon, ce dernier se mettra à descendre. Une fois que les pales du rotor ont atteint l'angle d'attaque de décrochage, la portance diminue soudainement, et la traînée augmente de façon significative. Cette augmentation de traînée agit comme un énorme frein rotor, faisant diminuer de plus belle le régime du rotor et accentuant les effets du décrochage du rotor. Une fois que le régime rotor a grandement diminué, il est pratiquement impossible de faire un rétablissement, car, au moment où l'hélicoptère commence à descendre, le violent écoulement d'air dirigé vers le haut augmente encore davantage l'angle d'attaque des pales qui tournent à bas régime.

Le décrochage à bas régime rotor s'accompagne souvent du sectionnement de la poutre de queue en raison du décrochage asymétrique du rotor, c'est-à-dire la tendance de l'hélicoptère à piquer du nez à cause de l'écoulement d'air qui s'exerce vers le haut sous les surfaces arrières, et du fait que le pilote tire sur la commande cyclique dans le but d'empêcher le nez de piquer.

Une recherche dans la base de données du BST a révélé que, depuis 1993, neuf cas similaires impliquant des hélicoptères R22A dont on avait laissé diminuer le régime rotor, se sont produits au Canada. Une recherche dans la base de données du National Transportation Safety Board américain a permis de découvrir qu'il s'était produit 27 cas similaires aux États-Unis depuis 1983.

Analyse

Rien n'indique qu'une défaillance mécanique ait provoqué l'accident ou y ait contribué, et il y avait du carburant utilisable à bord. Par conséquent, cette analyse se concentre sur les aspects opérationnels du vol. Les conditions météorologiques ne sont pas considérées comme un facteur ayant contribué à l'accident, à l'exception des conditions qui étaient propices au givrage du carburateur.

Les renseignements recueillis sur le lieu de l'accident et l'examen de l'épave indiquent clairement que le régime rotor de l'hélicoptère a diminué, probablement jusqu'à l'arrêt, avant que l'appareil percute le sol. On ne sait pas exactement quel événement ou quelle manoeuvre a pu provoquer une situation de bas régime rotor. Cependant, l'épave et les traces laissées sur le lieu de l'accident, l'analyse des ampoules et la position de la commande du réchauffage carburateur (fermée) permettent d'envisager les deux scénarios suivants, lesquels auraient pu mener aux circonstances finales du présent accident :

Le premier scénario est une démonstration de descente, moteur réduit, avec l'intention d'effectuer une sortie au moteur à une altitude confortable au-dessus du sol, démonstration dont le déroulement est le suivant :

Le second scénario est le suivant. L'hélicoptère R22 a connu de nombreux accidents lors de vol avec des élèves ayant moins de quatre heures de vol de formation en double commandes, et particulièrement lors de vols de familiarisation. Il est possible que l'élève, au moment où il manipulait les commandes, ait sollicité brusquement et avec trop d'amplitude le levier de pas collectif, ce qui aurait causé la baisse du régime rotor, et que l'instructeur n'ait pas été en mesure de reprendre la maîtrise de l'hélicoptère. Ce scénario expliquerait le fait que le réchauffage carburateur ait été trouvé en position OFF et que, selon les renseignements recueillis, l'hélicoptère se déplaçait très lentement avant l'accident. Puisque la déformation du rotor et le contact violent entre le rotor et le fuselage ne correspondent pas aux faits connus, il est peu probable qu'une mauvaise manipulation de la commande cyclique fasse partie de ce scénario.

On ne sait pas très bien pourquoi l'instructeur n'a pas immédiatement rétabli le régime rotor lorsque celui-ci a commencé à diminuer. Le Robinson R22B est sujet aux baisses rapides de régime rotor s'il n'est piloté avec soin. Le pilote doit rapidement prendre des mesures de rétablissement. Il est aussi nécessaire d'avoir une vitesse propre considérable, laquelle peut être transformée en énergie utilisable par le rotor. Si le régime du rotor diminue de manière significative à une vitesse propre faible, un décrochage est alors quasiment inévitable.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le régime rotor a diminué, pour des raisons qu'il n'a pas été possible de déterminer, ce qui a mené au sectionnement de la poutre de queue par les pales du rotor principal et finalement, au décrochage du rotor.

Faits établis quant aux risques

  1. La conception du rotor à faible inertie de l'hélicoptère Robinson R22B rend ce dernier sujet aux pertes rapides de régime rotor si l'appareil n'est pas piloté avec soin. Si le régime du rotor diminue de manière significative à basse vitesse, un décrochage est alors quasiment inévitable.
  2. Le réchauffage carburateur était en position OFF, ce qui a augmenté la probabilité que le givrage du carburateur ait nui aux performances du moteur.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .