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Rapport d'enquête aéronautique A94W0155

Descente contrôlée et atterrissage forcé
Mooney M-20C CF-MBV
50 nm au sud-ouest de Ross River (Yukon)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le Mooney a été porté manquant au cours d'un vol à vue entre Dawson et Watson Lake (Territoire du Yukon). Le lendemain, les recherches lancées par le Centre de coordination de sauvetage ont permis de retrouver l'appareil à 50 milles marins au sud-ouest de Ross River (Territoire du Yukon). L'avion avait été lourdement endommagé pendant l'atterrissage forcé. Le pilote et le passager étaient légèrement blessés.

Le Bureau a déterminé que la perte de puissance est probablement attribuable au givrage du carburateur. La décision du pilote de poursuivre le vol à vue dans des conditions météorologiques de vol aux instruments a contribué à l'accident.

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

Le pilote du Mooney immatriculé CF-MBV avait prévu de se rendre directement de Dawson à Faro en VFR1 (vol à vue), puis de se rendre directement à Watson Lake. Avant le départ, le pilote a fait ravitailler l'avion en carburant, il a obtenu un exposé météo de la station d'information de vol (FSS) de Dawson, et il a déposé un plan de vol VFR sans préciser l'altitude du vol.

Le pilote a décollé de Dawson à 11 h 41, heure avancée du Pacifique (HAP)2 avec un passager. Après le décollage, le pilote est monté à 7 500 pieds-mer. À 11 h 47, il a appelé la FSS de Dawson pour signaler qu'il se trouvait à cinq milles marins (nm) au sud de l'aéroport. Auparavant, il avait survolé le sillon Tintina, une vallée montagneuse située entre Dawson et Watson Lake, et une route de navigation VFR importante. Cependant, comme la météo en route se dégradait, le pilote est monté à 11 500 pieds-mer dans des conditions de vol aux instruments (IMC).

1. Voir l'annexe B pour la signification des sigles et abréviations.

2. Les heures sont exprimées en HAP (temps universel coordonné [UTC] moins sept heures) sauf indication contraire.

Vers 13 h 15 pendant le vol en croisière, le moteur s'est mis à tourner irrégulièrement, à vibrer et à perdre de la puissance. Quand le pilote a mis le réchauffage carburateur, le moteur a perdu presque toute la puissance qui lui restait. Le pilote a aussitôt fermé le réchauffage carburateur, et il a effectué les autres vérifications d'urgence. Le moteur a continué à tourner irrégulièrement et à perdre de plus en plus de puissance.

À mesure que la vitesse diminuait, le pilote se préparait à un atterrissage forcé et il configurait l'avion pour une descente dans les nuages. Après avoir tourné irrégulièrement et perdu de la puissance pendant environ cinq minutes, le moteur s'est finalement arrêté. L'hélice tournait en moulinet, et toutes les tentatives du pilote pour redémarrer le moteur ont été infructueuses.

Le pilote a décidé de se poser d'urgence sur un ruisseau dans la vallée. Volets et train rentrés, il a plané à 80 noeuds environ jusqu'à l'endroit qu'il avait choisi.

Pendant l'approche finale à proximité du point de toucher prévu, l'aile droite a heurté une épinette sur le bord du ruisseau. L'avion a ensuite pivoté sur lui-même, s'est écrasé, queue première, dans le ruisseau peu profond, a dérapé vers l'arrière, et s'est immobilisé à l'endroit face à sa trajectoire d'arrivée.

Le pilote et le passager ont été légèrement blessés; l'avion a été lourdement endommagé. Le lendemain, les survivants ont été repérés par un aéronef de recherche et et ont été secourus.

3. Les unités correspondent à celles des manuels officiels, des documents, des rapports et des instructions utilisés ou reçus par l'équipage.

L'accident s'est produit de jour vers 13 h 25 par 61° 23′ de latitude Nord et 133° 17′ de longitude Ouest3, à 3 550 pieds-mer.

1.2 Victimes

Équipage Passagers Tiers Total
Tués - - - -
Blessés graves - - - -
Blessés légers/indemnes 1 1 - 2
Total 1 1 - 2

1.3 Dommages à l'aéronef

L'avion a été lourdement endommagé.

1.4 Autres dommages

Aucun.

1.5 Renseignements sur le personnel

1.5.1 Généralités

Pilote
Âge - 44 ans
Licence - pilote privé
Date d'expiration du certificat de validation - 1er fév 1995
Nombre d'heures de vol - 824 h
Nombre d'heures de vol sur type en cause - 691 h
Nombre d'heures de vol dans les 90 derniers jours - 17 h
Nombre d'heures de vol sur type en cause dans les 90 derniers jours - 17 h
Nombre d'heures de service avant l'accident - 1 h
Nombre d'heures libres avant la prise de service - 8 h

1.5.2 Renseignements sur le pilote

Le pilote a débuté sa formation en pilotage en 1970 et il a obtenu sa licence de pilote privé en novembre 1970. Au moment de l'accident, il possédait un certificat médical valide de catégorie 3 qui stipulait qu'il devait porter des verres correcteurs pour piloter. Il était également titulaire de l'annotation hydravion monomoteur et de l'annotation pour le vol de nuit. En 1986, le pilote avait commencé àsuivre un programme de formation en vue de l'obtention de la qualification de vol aux instruments, mais il n'a jamais terminé cette formation. Il totalisait alors une trentaine d'heures de vol aux instruments.

Il avait acheté le Mooney en juin 1983.

1.6 Renseignements sur l'aéronef

Constructeur - Mooney Aircraft Corporation
Type et modèle - M-20C
Année de construction - 1962
Numéro de série - 1953
Certificat de navigabilité (Permis de vol) - valide
Nombre d'heures de vol cellule - 3 461 h
Type de moteur (nombre) - Lycoming O-360-A1D (1)
Type d'hélice/de rotor (nombre) - Hartzell HC-C2YK-1B (1)
Masse maximale autorisée au décollage - 2 575 lb
Type(s) de carburant recommandé(s) - essence aviation 91-98 ou 100-130
Type de carburant utilisé - essence aviation 100 LL

1.6.1 Généralités

Pendant le vol, la masse et le centrage de l'avion se trouvaient dans les limites prescrites.

Les livrets d'entretien ne faisaient état d'aucune anomalie à corriger pouvant avoir un rapport avec l'accident. Au moment de l'accident, l'avion était en état de navigabilité. Les derniers travaux d'entretien consignés (inspection annuelle) avaient été effectués le 23 décembre 1993.

L'examen des documents de bord et des dossiers d'entretien a révélé que l'avion avait été importé au Canada le 4 août 1971 et qu'il avait reçu l'immatriculation CF-MBV. Les documents de bord indiquaient que, au moment de l'importation, le moteur totalisait environ 488 heures de fonctionement. Au moment de l'accident, ce moteur totalisait 1 707 heures de fonctionnement.

L'examen détaillé des documents de bord a en outre révélé que le moteur n'avait jamais fait l'objet d'une révision majeure depuis son importation au Canada, c'est-à-dire depuis au moins 23 ans.

Les instructions sur l'entretien du Lycoming no 1009AJ précisent que l'intervalle de révision recommandé est de 2 000 heures pour les moteurs de cette série (Lycoming O-360). Ces instructions précisent également que les moteurs qui n'accumulent pas le nombre d'heures recommandé pour l'intervalle de révision au cours de douze (12) années consécutives doivent subir une révision majeure la douzième année. La circulaire consultative au Manuel de navigabilité 571.103/1 fournit des consignes concernant le programme d'entretien pour remise en état des moteurs comme alternative aux programmes d'entretien à périodicité fixe recommandés par les motoristes. Les autorités de Transports Canada responsables de la navigabilité dans les régions signalent que les moteurs Lycoming doivent être remis en état, sur avion privé, si 12 années se sont écoulées depuis leur dernière révision. Rien dans les documents de bord n'indiquait que le moteur avait été entretenu conformément au programme de remise en état.

L'entrée dans le carnet de route du 12 janvier 1990 précisait que l'avion était entretenu conformément à l'annexe A du chapitre 571 du Manuel de navigabilit..

1.6.2 Équipement

L'avion était équipé de l'équipement de base pour le vol aux instruments comme l'exige l' Ordonnance concernant les instruments et équipements de bord requis pour le vol IFR, Ordonnance sur la navigation aérienne (ONA), série V, numéro 22. Il n'avait toutefois pas le matériel de radionavigation requis pour le vol aux instruments ni l'équipement pour voler dans des conditions de givrage.

1.7 Renseignements météorologiques

1.7.1 Situation météorologique

Le bulletin de prévision du Service de l'environnement atmosphérique (SEA) d'Environnement Canada indiquait qu'une masse d'air froid instable se trouvait dans la partie sud et centrale du Yukon le 22 août 1994. Cette masse d'air était accompagnée d'une immense étendue nuageuse qui couvrait la partie centrale et sud du Yukon.

1.7.2 Prévisions météorologiques

Les prévisions régionales (FACN1) de Whitehorse, qui couvrent la région où devait se dérouler le vol, ont été données par le SEA à 10 h 30 (17 h 30 UTC) le 22 août 1994. Elles étaient valables entre 11 h et 23 h. On prévoyait une couche de nuages fragmentés à partir de 5 000 à 6 000 pieds-mer, une autre couche de nuages à partir de 12 000 à 14 000 pieds-mer, et des nuages épars au-dessus de 16 000 pieds-mer. La visibilité associée au système météorologique devait varier de un à six milles dans des averses de pluie légère et de la fumée. Quelques altocumulus imbriqués jusqu'à 18 000 pieds étaient également annoncés. Du givrage léger à moyen était prévu dans les nuages au-dessus du niveau de congélation de 8 000 pieds.

Les dernières prévisions d'aérodrome (FT) fournies en route par le SEA à 9 h 30 le 22 août 1994 étaient les suivantes :

Les prévisions d'aérodrome pour Dawson, valides entre 10 h et 22 h, annonçaient un ciel couvert et un plafond de nuages fragmentés à 3 000 pieds et un ciel couvert à 5 000 pieds. La visibilité prévue était de six milles dans des averses de pluie légère.

Les prévisions d'aérodrome pour Mayo, valides entre 10 h et 22 h, annonçaient un plafond de nuages fragmentés à 4 000 pieds et un ciel couvert à 10 000 pieds. La visibilité prévue était de quatre milles dans des averses de pluie légère et de la fumée.

Les prévisions d'aérodrome pour Faro, valides entre 10 h et 16 h, annonçaient un ciel couvert et un plafond à 3 500 pieds et, à l'occasion, un plafond de nuages fragmentés à 1 000 pieds. La visibilité prévue était de six milles dans des averses de pluie légère.

Les prévisions d'aérodrome pour Watson Lake, valides entre 10 h et 22 h, annonçaient un plafond de nuages fragmentés à 5 000 pieds et, à l'occasion, un plafond de nuages fragmentés à 2 500 pieds et un ciel couvert à 5 000 pieds. La visibilité prévue était de six milles dans de légères averses de pluie.

Le SAE prévoyait des vents légers et variables à 12 000 pieds-mer et une température de moins neuf °C environ.

1.7.3 Observations météorologiques

L'observation météorologique spéciale du SEA pour Ross River, à peu près au moment de l'accident, indiquait un ciel couvert et un plafond évalué à 4 800 pieds, et une visibilité réduite à 15 milles dans des averses de pluie très légère.

1.7.4 Comptes rendus de pilote (PIREP)

Deux comptes rendus de pilotes ont été reçus : l'un de Carmacks (Territoire du Yukon, à 55 nm au nord-ouest de Whitehorse) à 10 h 20; l'autre de Frank Lake (Territoire du Yukon, à 60 nm au nord de Whitehorse) à 11 h 5. Les deux comptes rendus signalaient la présence de stratus bas et de brouillard dont les précipitations masquaient le sol. Un autre compte rendu de Carmacks à 15 h 47 indiquait des conditions similaires.

1.7.5 Photographies prises par satellite

La photographie prise par le satellite de la National Oceanic and Atmospheric Administration montre une très grande étendue de nuages sur la partie centrale et sud du Yukon, le long de la route de vol prévue.

1.7.6 Incendies de forêt

Plusieurs incendies de forêt faisaient rage au Yukon et le long de la route de vol prévue. Avant de partir de Dawson, le pilote avait reçu de l'information sur les effets obscurcissants et la visibilité réduite en route causés par ces incendies.

1.8 Aides à la navigation

Au moment de l'accident, la route aérienne située entre Dawson et Watson Lake était desservie par les aides à la navigation suivantes : un radiophare non directionnel (NDB) à Dawson, un NDB à Mayo, un NDB à Faro, et deux NDB à Watson Lake. Il y avait également à cet endroit un radiophare omnidirectionnel à très haute fréquence (VOR) et un équipement de mesure de distance (DME). Les NDB et le VOR/DME étaient en bon état et étaient utilisés pour la navigation. Le pilote s'est également servi du VOR/DME de Whitehorse pour sa navigation en route en suivant un arc de 75 nm au nord de Whitehorse.

1.9 Télécommunications

À l'heure du départ de Dawson, les communications VHF (très haute fréquence) entre le pilote, le spécialiste de la FSS, et les autres aéronefs sur la fréquence obligatoire (MF) (122,2 MHz) étaient établies et se déroulaient normalement. En outre, les aéroports en route de Mayo, de Faro et de Ross River sont dotés d'une station radio d'aéroport communautaire (CARS) utilisant la MF de 122,1 MHz et la fréquence d'urgence de 121,5 MHz.

Le compte rendu à 5 nm au sud de Dawson est la dernière communication que le pilote a faite. Aucun message de détresse n'a été transmis pendant l'atterrissage forcé.

1.10 Renseignements sur l'épave et sur l'impact

1.10.1 Lieu de l'accident

L'accident a eu lieu dans une région inhospitalière des monts Pelly du Yukon, à 50 nm au sud- ouest de Ross River, dans les eaux peu profondes du ruisseau Caribou.

Avant son premier contact avec l'épinette, l'avion volait au cap de 132 degrés magnétique environ, sous un angle de descente d'à peu près sept degrés et avec une légère inclinaison à droite.

Après le premier impact, l'avion a pivoté dans un plan horizontal vers la droite, a heurté l'eau, queue première, a glissé à reculons et s'est immobilisé à l'endroit, dans une dizaine de pouces d'eau, au cap de 342 degrés magnétique.

Lors du deuxième impact au fond du ruisseau, le moteur s'est séparé du fuselage au niveau des fixations de la cloison pare-feu. L'empennage, les ailes et le fuselage sont demeurés relativement intacts.

L'examen de l'épave a révélé que les volets et le train étaient rentrés pendant l'atterrissage forcé.

1.10.2 Sillon laissé par l'avion

La première partie importante de l'épave, l'aileron droit, a été trouvée à côté de l'épinette cassée,sur le flanc est du ruisseau. Le fuselage s'est immobilisé à 142 pieds environ du point d'impact initial. Le moteur, le capot et l'hélice ont été trouvés au même endroit, à 31 pieds environ au sud du fuselage. La longueur du sillon laissé par l'avion entre le point d'impact initial et l'endroit où le moteur a été trouvé mesurait 173 pieds.

Les éraflures sur l'arbre et les roches au fond du ruisseau correspondent à la décélération et à la direction de la course de l'avion avant l'immobilisation. L'hélice ne présentait aucune marque de rotation.

1.10.3 Circuits de la cellule

L'examen de la cellule effectué après l'accident n'a révélé aucun signe de défaillance structurale ou de perte de continuité des commandes avant l'impact.

L'examen des instruments de bord n'a pas permis de déterminer la vitesse de l'avion à l'impact.

L'examen visuel effectué sur place a révélé que les réservoirs de carburant étaient remplis aux deux tiers. Des échantillons de carburant ont été prélevés des deux réservoirs. Le carburant qui restait dans les réservoirs ne contenait pas d'impuretés et était de l'indice d'octane recommandée.

Le circuit carburant a été examiné aussi méticuleusement que possible, et rien n'indique qu'il y ait eu une défaillance ou un mauvais fonctionnement du circuit, que ce soit avant ou pendant le vol.

1.10.4 L'hélice

L'une des deux pales de l'hélice à vitesse constante était coudée vers l'arrière dans une position non symétrique. Aucune des pales ne semblait avoir subi de dommages en rotation, en torsion ou au bord d'attaque.

1.10.5 Le moteur

Le moteur a été transporté à l'atelier régional du BST où il a subi un essai de fonctionnement dans un atelier de révision local.

Les résultats des tests ont révélé que le moteur pouvait fournir de la puissance à l'impact. À cause d'une basse compression, le cylindre numéro 3 a été retiré du moteur pour être examiné visuellement. Le segment de piston supérieur (segment de compression) s'était rompu à peu près en son milieu. Le deuxième (segment de compression) et le troisième (segment d'étanchéité) étaient partiellement coincés dans la gorge du piston. L'usure adjacente à la fracture, sur le bord du segment en contact direct avec la paroi du cylindre, révèle que le segment était rompu depuis un certain temps. Il n'y avait aucune éraflure sur la paroi du cylindre.

Plusieurs des bougies d'allumage étaient encrassées de plomb. Dans l'ensemble, le moteur totalisait beaucoup d'heures de fonctionnement, et il était proche de la fin de sa durée de vie en service. Toutefois, aucune anomalie mécanique qui aurait pu causer une perte soudaine et complète de puissance n'a pu être décelée.

Après l'accident, le pilote n'est pas parvenu à se souvenir des lectures des instruments pendant la descente.

1.10.6 Circuit de réchauffage du carburateur

Le circuit de réchauffage du carburateur a été examiné, et rien n'indique que le circuit était défectueux ou fonctionnait mal, que ce soit avant ou pendant le vol. Les circuits de réchauffage de la cabine et du carburateur utilisent tous deux le collecteur d'échappement comme source de chaleur.

1.11 Questions relatives à la survie des occupants

Après être sortis par la porte principale de l'avion, le pilote et le passager ont monté une tente près du lieu de l'accident et ont allumé un feu pour se tenir au chaud et être à l'abri de la pluie. Selon le pilote, il faisait environ quatre °C au sol. Pour se nourrir, ils ont rationné leur seule source de nourriture : un grand sac à moitié vide de bonbons enrobés de chocolat.

L'accident offrait des chances de survie puisque les forces de décélération ont été atténuées pendant la trajectoire de vol finale. Ces forces ont été réduites et progressivement absorbées par l'eau peu profonde et les saules épais se trouvant sur les deux côtés du ruisseau. La cabine n'a pas été déformée pendant l'accident.

L'avion n'était pas équipé de baudriers, ce qui n'était pas contraire à la réglementation. Pendant que l'appareil glissait à reculons, le pilote et le passager ont été plaqués contre le dossier coussiné de leur siège.

L'avion ne transportait pas le matériel de secours exigé en vertu de l' Ordonnance sur les régions inhospitalières, ONA série V, numéro 12.

La radiobalise de détresse (ELT) (fabriquée par Emergency Beacon Corporation) a résisté à l'écrasement et a été déclenchée manuellement après l'impact.

1.12 Renseignements supplémentaires

1.12.1 Givrage du carburateur

Sur les moteurs à pistons, le givrage du carburateur se produit dans un air limpide lorsque l'humidité relative est élevée. Le pilote a déclaré que la température à l'altitude de croisière était d'environ moins cinq °C. Le givrage du carburateur risque de survenir dans les nuages ou dans des précipitations en vol.

La Publication d'information aéronautique.(AIP) de Transports Canada décrit ainsi les effets du givrage du carburateur :

Le givrage du carburateur est une cause courante d'accidents d'aviation (...) La plupart des accidents dus au givrage du carburateur sont causés par la formation de glace en croisière normale. Il est possible que ce fait provienne d'un relâchement de la vigilance du pilote qui pense moins au givrage aux régimes élevés que lors d'une descente à puissance réduite.

Pendant que le réchauffage carburateur est en marche, le pilote doit apprendre à accepter que le moteur tourne irrégulièrement pendant une minute ou deux, puis que la chaleur fait fondre et déloge la glace qui passe ensuite dans le moteur4.

1.12.2 Exigences relatives à l'oxygène

L'avion a volé à 11 500 pieds pendant plus de 30 minutes, sans équipement d'oxygène.

L'article 4 de l'ONA, série II, numéro 9, ( Arrêté sur l'équipement d'oxygène. précise ce qui suit à propos des exigences concernant les membres d'équipage de conduite :

Nul ne peut piloter un aéronef pendant plus de 30 minutes à une altitude comprise entre 10 000 et 13 000 pieds au-dessus du niveau moyen de la mer, à moins que chaque membre de l'équipage de conduite n'ait à sa disposition...

4 MacDONALD, Sandy A.F., From the Ground Up,.25e édition (Ottawa: Aviation Publishers Co. Ltd., 1987) 54.

...immédiate un masque à oxygène et une réserve d'oxygène suffisante pour une période de 2 heures, ou la période pendant laquelle le vol s'effectuera à des altitudes-pression de cabine supérieures à 10 000 pieds, si cette dernière période est plus longue.

L'article 8 de l'ONA, série II, numéro 9, précise ce qui suit à propos des exigences relatives à l'oxygène concernant les passagers :

Nul ne peut piloter un aéronef pendant plus de 30 minutes à une altitude comprise entre 10 000 et 13 000 pieds au-dessus du niveau moyen de la mer à moins que 10 pour cent des passagers, et dans tous les cas au moins un passager, n'aient à leur disposition immédiate des masques à oxygène et une réserve d'oxygène suffisante pour la durée du vol à cette altitude; dans le cas d'un aéronef sans pression rétablie, un masque à oxygène pour chaque passager et une réserve d'oxygène suffisante pour une période de 1 heure, ou pour la durée du vol à ladite altitude si cette dernière période est plus longue.

1.12.3 Radiobalise de détresse

L'avion était équipé d'une radiobalise de détresse EBC-102A (numéro de série 12254). Un commutateur à pendule inertiel déclenche automatiquement la radiobalise à l'impact. Toutefois, ce commutateur ne fonctionne que lorsque l'avion se déplace vers l'avant avec une force de décélération suffisante. La radiobalise ne s'est pas déclenchée automatiquement à l'impact parce que, pendant l'écrasement, l'avion s'est déplacé à reculons avant de s'immobiliser. Après être sorti de l'appareil, le pilote a déclenché la radiobalise manuellement. Le lendemain toutefois, se doutant que la radiobalise fonctionnait mal, il a coincé une brindille contre le commutateur à bascule pour le maintenir à la position TEST, ce qui a aussitôt déclenché un faible signal.

La radiobalise a été envoyée au fabricant pour faire l'objet d'un examen et d'une vérification. Les essais éélectroniques ont révélé que la radiobalise fonctionnait par intermittence lorsqu'elle était sur ON. La cause de ce mauvais fonctionnement est probablement attribuable au fonctionnement par intermittence d'un oscillateur.

1.12.4 Recherches et sauvetage

Vu que l'avion n'arrivait pas à Watson Lake comme prévu, le Centre de coordination de sauvetage (RCC) a été avisé, et un aéronef de recherche a été dépêché. Les premières recherches ont été gênées par les nuages bas, la pluie et la mauvaise visibilité. Un aéronef de recherche qui évoluait à haute altitude a été incapable de capter le signal de radiobalise de l'avion accidenté. Le lendemain toutefois, un faible signal a été capté, et un aéronef de recherche du RCC a déterminé que l'avion se trouvait à une cinquantaine de milles marins au sud de la trajectoire de vol prévue. Peu de temps après, les occupants ont été secourus et transportés par hélicoptère civil à Whitehorse (Yukon). Ils se sont ensuite rendus par taxi à l'hôpital d'où ils ont pu partir après avoir été examinés. Ils n'avaient subi que des blessures légères.

1.12.5 Ravitaillement en carburant

D'après les dossiers de ravitaillement en carburant de Dawson City Aviation, les réservoirs de l'avion avaient été remplis pour la dernière fois à l'aéroport Dawson le 22 août 1994. L'examen des deux bordereaux de carburant a révélé que le pilote avait demandé que les deux réservoirs soient remplis. L'avitailleur a déclaré qu'il avait fallu 78 litres d'essence aviation 100 LL pour remplir les réservoirs.

Les documents de ravitaillement de Dawson City Aviation ont été examinés dans le but d'identifier la source de carburant utilisée pour faire le plein de l'appareil. L'analyse des échantillons prélevés des citernes souterraines a révélé que l'indice d'octane et la qualité du carburant convenaient au moteur de l'avion et que le carburant ne contenait pas d'impuretés. Aucun rapport de mauvaise qualité n'a été reçu des pilotes des autres aéronefs qui ont fait le plein à partir de cette même source.

2.0 Analyse

2.1 Introduction

L'enquête a révélé que l'avion volait en IMC au-dessus du niveau de congélation. Il a également été déterminé que l'appareil avait volé dans une zone où l'humidité relative était élevée et que le moteur avait perdu de la puissance pendant le vol en croisière. Puisque la perte totale de puissance n'a pu être attribuée à une anomalie du moteur, il a fallu se pencher sur les effets combinés de la préparation du vol, des conditions météorologiques et des procédures de pilotage.

2.2 Préparation du vol

Les situations météorologiques horaires, les prévisions du temps, les PIREP et les photographies par satellite indiquent que la météo était à la limite de l'acceptable pour le vol VFR sur la route du sillon Tintina. Les PIREP en route avaient signalé des stratus bas accompagnés de précipitation, de fumée et de brouillard qui masquaient le relief montagneux. Le pilote a déclaré que rien ne l'obligeait à se rendre à Watson Lake le jour de l'accident.

2.3 Procédures de pilotage

Selon son plan de vol, le pilote devait se rendre directement de Dawson à Faro puis directement à Watson Lake en VFR. Il a toutefois dérogé à son plan en montant à 11 500 pieds-mer et en navigant aux instruments. Il n'a pas non plus suivi la route prévue au plan de vol car il a décrit un arc par rapport au VOR/DME de Whitehorse.

Le pilote n'était pas qualifié pour voler aux instruments, mais il avait reçu une trentaine d'heures de formation aux instruments quelque huit ans auparavant. Il avait donc les connaissances élémentaires pour garder la maîtrise de l'avion dans des conditions de vol aux instruments. Piloter un avion en panne moteur et en IMC, sans avoir la formation ni des qualifications à jour pour le vol aux instruments, augmente la charge de travail du pilote.

L'enquête a révélé que l'humidité élevée au moment du décollage, la montée, le vol en croisière en route, et la descente étaient propices à un givrage intense du carburateur.

La procédure qu'a suivie le pilote après avoir jugé qu'il y avait du givre dans le carburateur est contraire aux pratiques recommandées. Lorsque le pilote a mis le réchauffage carburateur en marche, l'air chaud d'admission a probablement fait fondre la glace accumulée dans le carburateur, glace qui une fois fondue serait entrée dans les cylindres, aggravant la perte de puissance.

Pendant la descente, le moteur a continué à perdre de la puissance jusqu'à ce qu'il tombe en panne. L'hélice a continué à tourner en moulinet jusqu'à l'impact.

Le SEA avait prévu que la température à 12 000 pieds-mer serait d'environ moins neuf °C. Puisqu'il faisait environ quatre °C au sol, il est probable que la glace dans le carburateur n'aurait pas fondu pendant la descente étant donné que les mêmes principes de givrage carburateur s'appliquent pendant qu'une hélice tourne en moulinet. Par conséquent, la chaleur résiduelle du moteur se serait dissipée pendant la descente, et la température au sol aurait été suffisamment fraîche pour prolonger la fonte de la glace.

Les circuits de réchauffage de la cabine et du carburateur utilisent tous deux le collecteur d'échappement comme source de chaleur. Au lieu d'être aspirée directement dans le carburateur pendant le fonctionnement du réchauffage carburateur, l'air passe autour du collecteur d'échappement pour se réchauffer. Cependant, compte tenu des températures basses en altitude, la cabine avait également besoin de chaleur, ce qui aurait diminué l'apport d'air chaud au carburateur.

Il est possible que la perte de puissance pendant le vol en croisière soit attribuable à plusieurs facteurs. La perte totale de puissance n'a cependant pu être attribuée à aucune anomalie moteur observée.

Des segments de piston grippés et rompus, des bougies d'allumage encrassées, et un moteur en mauvais état auraient réduit la puissance du moteur. En outre, puisque l'avion volait dans les nuages au-dessus du niveau de congélation, il est possible que le gel des orifices de mise à l'air libre carburant, le givrage de contact, et le givre sur l'hélice et dans le carburateur aient contribué à la perte de puissance. Tous ces facteurs réunis ont pu provoquer une perte de puissance suffisante pour empêcher la poursuite du vol.

3.0 Faits établis

  1. Le vol s'est déroulé dans des conditions d'humidité propices au givrage intense du carburateur.
  2. Le pilote a poursuivi le vol à vue dans des conditions IMC, sans être qualifié pour le vol aux instruments.
  3. Le pilote a volé dans une région inhospitalière sans transporter le matériel de secours obligatoire.
  4. Le pilote a volé à 11 500 pieds pendant plus de 30 minutes, sans équipement d'oxygène.
  5. Le pilote a volé dans des conditions de givrage prévues. L'avion n'était pas homologué pour le vol dans des conditions de givrage.
  6. Rien dans les documents de bord n'indiquait que le moteur avait été entretenu conformément au programme de remise en état.
  7. Le pilote s'est écarté de la route prévue à son plan de vol sans signaler ses intentions aux services de la circulation aérienne.
  8. Les premières recherches ont été gênés par le mauvais temps et l'absence de signal de radiobalise de détresse.
  9. Le pilote ne savait pas exactement comment fonctionnait la radiobalise de détresse. Celle-ci avait probablement un oscillateur qui fonctionnait par intermittence.
  10. Le pilote n'a pas déclaré d'urgence après la perte de puissance.
  11. L'examen du moteur a révélé que le moteur n'était plus en état et que les segments de piston du cylindre no 3 semblaient coincés et rompus, ce qui a pu contribuer à diminuer légèrement la puissance du moteur.

3.1 Causes

La perte de puissance est probablement attribuable au givrage du carburateur. La décision du pilote de poursuivre le vol à vue dans des conditions météorologiques de vol aux instruments a contribué à l'accident.

4.0 Mesures de sécurité

Le Bureau n'a, jusqu'ici, recommandé aucune mesure de sécurité.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du Président, John W. Stants, et des membres Zita Brunet et Hugh MacNeil.

Annexes

Annexe A - Liste des rapports pertinents

L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :

LP 150/94 : Analysis of Engine Components.(Analyse des composants du moteur).

On peut obtenir ce rapport en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

Annexe B - Sigles et abréviations

BST
Bureau de la sécurité des transports
h
heure(s)
HAP
heure avancée du Pacifique
CARS
station radio d'aéroport communautaire
DME
équipement de mesure de distance
ELT
radiobalise de détresse
FSS
station d'information de vol
FT
prévisions d'aérodrome
IFR
règles de vol aux instruments
IMC
conditions météorologiques de vol aux instruments
lb
livre(s)
LL
essence à basse teneur en plomb
MF
fréquence obligatoire
MHz
mégahertz
NDB
radiophare non directionnel
nm
mille(s) marin(s)
PIREP
compte rendu de pilote
RCC
Centre de coordination de sauvetage
SEA
Service de l'environnement atmosphérique
UTC
temps universel coordonné
VHF
très haute fréquence
VOR
radiophare omnidirectionnel