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Recommandations

Recommandations provisoires sur la sécurité aérienne

Date de publication : le 4 décembre 2000

Destinataires :

L'honorable David Michael Collenette, P.C., député
Ministre des Transports

M. Frank Hilldrup
Représentant accrédité pour l'enquête sur l'accident du vol 111 de Swissair
National Transportation Safety Board
États-Unis

M. Jean Overney, Chef inspecteur
Bureau d'enquête sur les accidents d'aviation
Suisse

Objet : Lutte contre les incendies en vol

Circonstances entourant l'accident du vol 111 de Swissair

Le 2 septembre 1998, un McDonnell Douglas MD-11 (vol 111 de Swissair) effectuait un vol entre New York et Genève avec 215 passagers et 14 membres d'équipage à son bord. Environ 53 minutes après le décollage, alors que l'avion se trouvait en croisière au niveau de vol 330, l'équipage a senti une odeur inhabituelle dans le poste de pilotage. Dans les trois minutes et demie environ qui ont suivi, l'équipage de conduite a noté la présence de fumée et a envoyé le signal d'urgence international « PAN, PAN, PAN » aux Services de la circulation aérienne (ATS) de Moncton. Le vol 111 de Swissair a été autorisé à se rendre à l'aéroport de Halifax à partir de sa position située à 58 milles marins au sud-ouest. Alors qu'il manoeuvrait pour se préparer à atterrir, l'équipage de conduite a avisé l'ATS qu'il devait se poser immédiatement et a déclaré une situation d'urgence. Environ 20 minutes après que l'équipage eut senti l'odeur inhabituelle, et environ 7 minutes après qu'il eut déclaré une « situation d'urgence », l'avion a heurté le plan d'eau près de Peggy's Cove, en Nouvelle-Écosse, tuant les 229 occupants.

Renseignements

L'avion s'est abîmé dans l'océan. Tous les dommages attribuables à un incendie se sont produits en vol. L'enquête (dossier A98H0003) a permis de relever des dommages considérables causés par un incendie au-dessus du plafond, dans la partie avant de l'avion et se prolongeant d'environ 1 mètre et demi devant et 5 mètres derrière la cloison du poste de pilotage. L'origine de l'incendie n'a pas été établie, mais l'enquête a révélé des lacunes concernant la conception, l'équipement et l'entraînement de l'équipage, la sensibilisation et les procédures relatives à la lutte contre les incendies en vol. L'élimination de ces lacunes permettrait d'augmenter les chances de détecter et d'éteindre rapidement les incendies en vol et, par le fait même, de réduire le nombre de pertes de vie.

Le BST se préoccupe de l'approche adoptée par la communauté aéronautique pour réduire les risques et fournir aux équipages les moyens de détecter et d'éteindre à coup sûr les incendies dans les parties pressurisées des avions.(1)

Quand un incendie se déclare en vol, l'équipage de l'aéronef doit être prêt à ne compter que sur son expérience, l'entraînement reçu et l'équipement de bord. Par conséquent, pour pouvoir lutter efficacement contre les incendies, les mesures de lutte contre les incendies doivent permettre à l'équipage de détecter, d'analyser et d'éteindre rapidement tout incendie en vol.(2) Il est difficile de prédire combien de temps il faut pour maîtriser un incendie en vol, mais il vaut mieux détecter l'incendie tôt.

De l'information anecdotique laisse croire que la présence d'odeurs, d'émanations et de fumée qui ne se traduit pas par des incendies en vol n'est pas inhabituelle, mais que si un incendie se déclare réellement en vol, on dispose de très peu de temps pour le maîtriser. Le BST a examiné un certain nombre de bases de données en vue de confirmer cette information. Cet examen a confirmé qu'il y a de nombreux cas de présence d'odeurs, d'émanations ou de fumée; par contre, les cas qui se traduisent par des incendies non maîtrisés, semblables à celui du vol 111 de Swissair, sont rares. L'annexe A présente les données de l'examen fait par le BST. Ces cas d'incendie en vol ont été choisis parce qu'ils présentent des similitudes avec l'accident du vol 111 de Swissair. Les données indiquent que, dans les cas d'incendie en vol qui se propage, il peut s'écouler de 5 à 35 minutes entre le moment où l'incendie est détecté et le moment où l'avion s'écrase.

De plus, le BST a examiné de nombreux cas d'incendie en vol qui n'ont pas été inclus dans le processus parce qu'ils présentaient des variantes par rapport aux critères établis pour l'examen. Bon nombre de ces accidents ont causé des pertes de vie, et chaque cas renferme des exemples où un composant ou plus du système de lutte contre les incendies n'a pas fourni une protection suffisante. Ces cas sont présentés à l'annexe B.

Lacunes

Le BST a relevé des lacunes à plusieurs égards dans les exigences gouvernementales et les normes de l'industrie en vigueur relatives à la lutte contre les incendies. Ces lacunes augmentent le temps nécessaire à l'évaluation et à la maîtrise d'une situation qui risque de s'aggraver rapidement. Prises dans leur ensemble, ces lacunes révèlent un problème au niveau des efforts faits par les gouvernements et par l'industrie pour reconnaître la nécessité de traiter un incendie en vol d'une façon systématique et efficace.

Les recommandations provisoires sur la sécurité aérienne formulées par le Bureau portent sur des lacunes relevées dans les domaines suivants :

Mesures intégrées de lutte contre les incendies

Un aspect important de la mission du Bureau en ce qui concerne la promotion de la sécurité des transports consiste à regarder au-delà des circonstances immédiates d'un accident donné afin de déceler s'il y a des manquements systémiques à la sécurité. Au fil des ans, les enseignements qui se sont dégagés de certains accidents ont permis de modifier certains avions, certains systèmes et certaines procédures en vue de corriger des défaillances spécifiques.(3) Toutefois, les modifications de conception apportées à l'équipement et aux aéronefs qui avaient pour objet de fournir de meilleurs moyens de lutte contre les incendies ont parfois été faits sans tenir compte les unes des autres. Bien que de très grands efforts aient été faits pour préparer les équipages et leur donner les moyens nécessaires pour lutter contre les incendies en vol, ces efforts n'ont pas réussi à préparer les équipages à détecter et à repérer les incendies en vol, à y avoir accès, à les évaluer et à les éteindre d'une manière coordonnée et cohérente.

Les « systèmes » de lutte contre les incendies en vol devraient comprendre toutes les procédures et tout l'équipement nécessaires à la prévention, à la détection, à la maîtrise et à l'extinction des incendies d'aéronef. Cette approche systémique comprendrait les normes sur l'inflammabilité des matériaux, l'accessibilité, la détection de la fumée et des incendies ainsi que le matériel d'extinction, les procédures d'urgence et l'entraînement. Tous ces éléments devraient être examinés ensemble, et il faudrait réévaluer les relations entre chaque mesure individuelle de lutte contre les incendies en ayant à l'esprit l'élaboration de moyens détaillés et efficaces pour lutter contre les incendies. Le Bureau croit qu'on pourra lutter plus efficacement contre les incendies en vol lorsqu'on disposera d'un système de lutte contre les incendies comprenant des éléments intégrés et complémentaires. En conséquence, le Bureau recommande que :

A00-16

Détection et suppression de la fumée et des incendies

Zones désignées comme des zones de feu

À l'heure actuelle, les exigences relatives aux systèmes intégrés de détection et de suppression de la fumée et des incendies se limitent aux endroits difficiles d'accès et qui demandent un grand nombre de précautions.(4) Ces endroits, qu'ils soient à l'intérieur ou à l'extérieur des parties pressurisées de l'avion, sont désignées comme des « zones de feu », en raison de la présence de sources d'inflammation et de matières inflammables. C'est pourquoi les avionneurs doivent prévoir des circuits de détection et d'extinction intégrés dans les groupes motopropulseurs (y compris les groupes auxiliaires de bord (APU)), les toilettes, les soutes et les compartiments à bagages.(5) Ces dispositifs d'extinction intégrés sont soit automatiques, comme dans les toilettes, soit commandés du poste de pilotage, comme dans les groupes motopropulseurs. Dans chaque cas, l'agent extincteur doit être fourni en quantité suffisante et convenir aux types d'incendie le plus susceptibles de se déclarer dans la zone où l'extincteur est utilisé.(6)

Rien n'exige que les autres zones de la partie pressurisée de l'aéronef soient équipées de systèmes intégrés de détection et de suppression de la fumée et des incendies. Pour ce qui est de la détection et de la suppression de la fumée et des incendies dans les zones non désignées comme des zones de feu, comme le poste de pilotage, la cabine, les offices, les compartiments du matériel électrique et électronique et les espaces inoccupés, il faut s'en remettre principalement à l'intervention humaine.(7)

Zones non désignées comme des zones de feu

La détection de la fumée et des incendies dans des zones non désignées comme des zones de feu dépend de la vue, de l'ouïe et de l'odorat des membres d'équipage et des passagers. Il est à peu près certain qu'il y aura une présence humaine dans certaines zones de l'avion pendant une bonne partie du vol, toutefois d'autres endroits, comme les compartiments de matériel électrique et électronique et les espaces inoccupés, sont moins faciles d'accès. Un incendie risque de se déclarer et de se propager dans ces zones, là où il n'est pas facile pour l'être humain de détecter un incendie. Le rapport du National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis sur un incendie en vol à bord d'un DC-9 d'Air Canada, qui s'est produit près de Cincinnati le 2 juin 1983, indique que l'équipage a décelé pour la première fois la présence de fumée environ 11 minutes après le déclenchement des disjoncteurs connexes.(8) La situation est d'autant plus compliquée que dans la plupart des avions de transport, les zones occupées sont isolées des zones difficiles d'accès par des systèmes de filtration et de ventilation très efficaces pouvant évacuer les produits de combustion des petits incendies. À cause de la présence de ces systèmes, de petits incendies peuvent continuer à faire rage sans être détectés par les occupants de la cabine.(9)

On a jugé que certaines zones non désignées comme des zones de feu présentaient « peu » de danger d'incendie. L'industrie de l'aviation n'a pas jugé que ces zones nécessitaient du matériel intégré de détection et d'extinction d'incendie. En outre, on n'a pas reconnu la nécessité de donner de la formation aux équipages pour qu'ils puissent lutter contre les incendies dans les zones non désignées comme des zones de feu. On n'a pas reconnu non plus la nécessité de construire les avions de façon à permettre d'accéder facilement et rapidement à ces zones pour lutter contre un incendie.

Les matériaux utilisés dans les avions doivent être conformes aux normes relatives aux incendies. Ces normes exigent que les matériaux utilisés à l'intérieur de la cabine et dans les soutes et compartiments à bagages répondent aux critères d'essai connexes.(10) Dans la recommandation provisoire sur la sécurité aérienne A99-08, datée du 11 août 1999, le BST a cerné les limites de ces critères d'essai qui permettent la certification pour utilisation à bord des avions d'un matériau inflammable pour les matelas d'isolation thermique et acoustique. La Federal Aviation Administration (FAA) travaille activement à un programme de remplacement d'un matériau de matelas d'isolation spécifique (le Mylar métallisé), lequel semble présenter les plus grands risques. De plus, un essai plus efficace est en train d'être mis au point. Les Notices of Proposed Rulemaking (NPRM) (avis public concernant l'établissement de règlements) connexes de la FAA indiquent qu'il y a d'autres matériaux de matelas d'isolation qui, une fois enflammés, présentent des propriétés de propagation des flammes semblables à celles du Mylar métallisé.(11) Par conséquent, malgré les mesures prises par la FAA pour remplacer le Mylar métallisé, il restera de nombreuses zones difficiles d'accès contenant des matières combustibles, mais qui se trouvent à bonne distance des systèmes de détection de la fumée et des incendies. Enfin, ces matières, situées dans les endroits difficiles d'accès, sont sujettes à la contamination en surface qui pourrait alimenter l'incendie et le propager.

Beaucoup de zones, dont certaines sont assez grandes à l'intérieur d'un avion de transport, sont rarement inspectées et elles peuvent être contaminées par de la saleté, des débris et des rognures de métal. Des inspections exécutées en vertu du Aging Transport Non-Structural Systems Plan (plan des systèmes non structuraux vieillissants) de la FAA ont révélé que la contamination en surface des faisceaux de fils constituait un risque.(12) L'équipe d'enquête du vol 111 de Swissair a observé, sur divers types d'avion, une contamination semblable du matériau des matelas d'isolation et des faisceaux de fils. L'importance de cette contamination n'a pas encore été déterminée, mais avec le temps, des débris comme des rognures de métal pourraient endommager l'isolant des fils et causer des courts-circuits et des arcs électriques. De plus, de la saleté et des débris combustibles pourraient alimenter l'incendie et permettre qu'il se propage. Des programmes de maintenance bien conçus et bien exécutés peuvent limiter cette contamination, mais il est peu probable qu'on puisse l'éliminer complètement.

Au cours des dernières années, des modifications ont été apportées aux exigences relatives à la détection et à l'extinction des incendies dans des zones non désignées auparavant comme des zones de feu. Par exemple, on a désigné les toilettes comme une zone de feu, en grande partie en raison des enseignements qui se sont dégagés de l'accident du DC-9, près de Cincinnati. L'accident du vol 111 de Swissair et d'autres accidents démontrent clairement qu'il faut absolument détecter et lutter rapidement contre tout incendie en vol pour arriver à le maîtriser. La situation actuelle n'est pas satisfaisante, et il faut prendre des mesures supplémentaires pour améliorer les moyens de détection et d'extinction des incendies dans certaines parties pressurisées des avions. Il y a des zones importantes dans les parties pressurisées des avions et qui ne sont pas désignées comme des zones de feu à l'heure actuelle; ces zones sont très difficiles d'accès et il pourrait s'y trouver des sources d'inflammation et des matières combustibles.

Le Bureau croit qu'on pourrait réduire les risques pour le public voyageur grâce à un nouvel examen des désignations des zones de feu en vue de déterminer quelles autres zones de l'avion devraient être équipées de systèmes de détection et de suppression de la fumée et des incendies. En conséquence, le Bureau recommande que :

A00-17

Le danger de poursuivre le vol et l'atterrissage d'urgence

Tant l'examen du BST que l'étude de la FAA indiquent que la présence d'odeurs ou de fumée se traduit rarement par des incendies en vol non maîtrisés.(13) Il y a eu tout un débat dans l'industrie de l'aviation au sujet des décisions à prendre quand un équipage de conduite détecte la présence d'odeurs ou de fumée. Bien des gens dans l'industrie croient qu'en général ces situations s'avèrent « sans conséquences ». Résultat, on s'inquiète moins des « petites » odeurs. Au sein de la communauté aéronautique, l'expérience laisse supposer que la source de ces odeurs sera découverte rapidement et que les procédures d'évaluation permettront de « régler le problème ». L'examen du BST révèle également que si l'incendie en vol n'est pas éteint, l'équipage a peu de temps pour poser l'avion en toute sécurité. Par conséquent, dans les cas où l'origine des odeurs ou de la fumée est inconnue, la décision de se dérouter et de se préparer à faire un atterrissage d'urgence doit être prise rapidement.

Un certain nombre de facteurs peuvent empêcher les équipages de conduite d'entreprendre immédiatement un déroutement et de se poser, entre autres la culture de l'entreprise, des considérations commerciales, si cela pose beaucoup d'inconvénients aux occupants, le confort des passagers, les préoccupations de sécurité liées à l'exécution d'une descente d'urgence, les complications liées à un déroutement vers un aéroport moins connu, et les limites d'utilisation de l'avion.

L'accident du vol 111 de Swissair a sensibilisé les gens aux odeurs et à la fumée et à leurs conséquences. Depuis lors, le nombre de déroutements a augmenté. Le niveau de conscientisation va sûrement diminuer avec le temps. Récemment, quelques lignes aériennes ont modifié leurs listes de vérifications et leurs procédures pour assurer que les équipages de conduite disposent des politiques, des procédures et de l'entraînement nécessaires pour se dérouter et se poser immédiatement si de la fumée de source inconnue est décelée et qu'on n'arrive pas à l'évacuer facilement. Parmi d'autres initiatives, la société Swissair a modifié sa liste de vérifications pour le MD-11 relativement à la rubrique « Fumée ou émanations d'origine inconnue »; elle y a ajouté « Atterrir à l'aérodrome d'urgence le plus proche » comme première mesure à prendre.

La société Boeing a publié le bulletin no MD-11-99-04 qui stipule : « Boeing recommande que chaque fois que de la fumée est détectée et que son origine ne peut être déterminée AVEC CERTITUDE ni éliminée, il faut atterrir le plus tôt possible. »

Bien que ces mesures permettent de réduire les risques d'accident, le Bureau croit qu'il faut faire plus à l'échelle de l'industrie. En plus de mettre en oeuvre d'autres éléments d'un plan d'ensemble de lutte contre les incendies, il est essentiel que les équipages de conduite se préoccupent sans tarder de préparer l'avion à atterrir à l'aéroport convenable le plus proche. En conséquence, le Bureau recommande que :

A00-18

Temps nécessaire pour évaluer la situation une fois que des odeurs ou de la fumée ont été décelées

Si la source des odeurs ou de la fumée n'est pas évidente, les équipages de conduite sont entraînés à suivre les procédures d'évaluation figurant sur les listes de vérifications afin d'éliminer la source des odeurs ou de la fumée. Dans le cadre de certaines procédures, il faut couper l'alimentation électrique ou isoler un système de ventilation. Un certain temps doit s'écouler avant de pouvoir évaluer les répercussions de chaque mesure prise. L'exécution de la liste de vérifications peut prendre beaucoup de temps, y compris les mesures d'évaluation. Par exemple, l'exécution de la liste des vérifications du MD-11 relativement à la fumée et aux émanations d'origine inconnue peut prendre jusqu'à 30 minutes.(14) Aucune directive réglementaire ni aucune norme de l'industrie ne précise combien de temps doit prendre l'exécution de ces listes de vérifications. Plus l'on prend de temps à exécuter les listes de vérifications prescrites, plus il y a de risques que l'incendie devienne incontrôlable.

Les procédures d'évaluation sont plus efficaces si les mesures prises par l'équipage de conduite permettent d'éliminer les odeurs ou la fumée avant qu'un incendie se déclare. Ces procédures peuvent aussi permettre d'éteindre un début d'incendie si l'équipage découvre la source de l'incendie suffisamment tôt. Toutefois, une fois qu'un incendie est capable de se propager sans être continuellement alimenté à la source, toute autre mesure d'évaluation visant à éliminer la source ne permettra pas de venir à bout de l'incendie.

Les données sur les accidents d'aviation révèlent qu'un incendie qui se propage de lui-même peut gagner en intensité en peu de temps. Par conséquent, les listes de vérifications relatives aux odeurs et à la fumée doivent être conçues de sorte que les procédures d'évaluation puissent être exécutées rapidement et de façon efficace. Le Bureau s'inquiète que ce ne soit pas le cas à l'heure actuelle et recommande donc que :

A00-19

Efficacité de la lutte contre les incendies dans les parties pressurisées des avions

On utilise des extincteurs portatifs pour lutter contre les incendies dans les parties pressurisées des avions. Le nombre et la répartition des extincteurs à bord varient selon le nombre de passagers que l'avion est autorisé à transporter.(15) Le poste de pilotage et les offices doivent obligatoirement être équipés d'extincteurs portatifs. L'efficacité du matériel portatif de lutte contre les incendies dépend de l'importance, du type et du lieu de l'incendie, de son accessibilité et de l'entraînement de l'équipage. De par leur conception, les extincteurs portatifs sont plus efficaces pour lutter contre les petits incendies et à faible distance (jusqu'à trois mètres). Les extincteurs portatifs ont donné de bons résultats lorsque l'incendie était petit et dans un endroit facile d'accès. Dans un gros avion commercial comme le MD-11, il y a des endroits qui ne sont pas faciles d'accès pour l'équipage, et certains sont même très difficiles d'accès. Par exemple, il est difficile pour l'équipage d'un gros avion commercial d'éteindre certains incendies avec des extincteurs portatifs, notamment dans les espaces inoccupés ou les compartiments de matériel électrique et électronique.

Dans les endroits d'accès relativement facile comme les offices non protégées, on a constaté que les procédures en vigueur et l'entraînement des équipages à utiliser des extincteurs portatifs étaient satisfaisants. Par contre, dans les cas où la source de la fumée ou de l'incendie n'est pas évidente, ou que l'endroit est difficile d'accès, la situation peut devenir dangereuse très rapidement. Les zones difficiles d'accès n'ont pas été prises en compte lors de la planification de la lutte contre les incendies en vol. Par conséquent, peu ou pas d'entraînement n'a été dispensé aux équipages sur la façon d'accéder aux endroits situés derrière les panneaux électriques ou derrière d'autres panneaux, les espaces inoccupés ou les compartiments de matériel électrique et électronique. En général, les avions en service à l'heure actuelle n'ont pas d'ouvertures à accès rapide ni d'autre moyens du genre pour permettre d'accéder facilement à ces endroits.

L'enquête du BST sur l'incendie en vol du vol 111 de Swissair et l'examen d'autres cas d'incendie en vol ont montré que lorsqu'un incendie en vol gagne en intensité, on a peu de temps entre le moment où l'incendie est détecté et celui où l'on perd la maîtrise de l'avion. Il faut prévoir que les systèmes de l'avion seront touchés, que ce soit directement par l'incendie ou à la suite des procédures d'urgence, comme la coupure de l'alimentation électrique des bus. Il est impératif que les procédures de lutte contre les incendies soient bien définies et que les équipages soient bien entraînés à combattre tous les types d'incendie en vol.

Les équipages sont entraînés à lutter contre les incendies en vol; cependant, rien n'exige que l'équipage de conduite et le personnel de cabine s'entraînent ensemble, ni qu'ils s'entraînent à suivre un plan de lutte contre les incendies et une procédure de liste de vérifications intégrés.(16) Par exemple, ni les équipages de conduite ni le personnel de cabine ne sont entraînés à combattre des incendies en vol dans le poste de pilotage. Plusieurs exploitants contactés par le BST ont indiqué que les équipages de conduite et le personnel de cabine ne recevaient pas un entraînement spécifique à la lutte contre les incendies dans le poste de pilotage. La répartition des rôles et des responsabilitéés entre les équipages de conduite et le personnel de cabine, à savoir qui doit combattre un incendie en vol dans le poste de pilotage, n'est pas clairement indiquée dans les manuels et les procédures des compagnies.

Un incendie en vol qui n'est pas maîtrisé est une situation d'urgence complexe et très grave. L'incendie peut provenir de diverses sources et peut se propager très rapidement. Chaque seconde compte. Les équipages doivent bien connaître l'avion et ses systèmes, et ils doivent être entraînés à combattre n'importe quel type d'incendie rapidement et efficacement dans toutes les parties de l'avion, y compris celles qui ne sont pas faciles d'accès. Le Bureau croit que le manque de procédures détaillées de lutte contre les incendies en vol et le manque de coordination dans l'entraînement des équipages pouvant leur permettre d'utiliser ces procédures constituent un manquement à la sécurité. En conséquence, le Bureau recommande que :

A00-20

Si d'autres manquements à la sécurité devant faire l'objet de mesures immédiates sont relevés à mesure que l'enquête se poursuit, le Bureau s'empressera de faire d'autres recommandations en matière de sécurité aérienne.

Benoît Bouchard
Président
Au nom du Bureau

Annexe A

Le BST a examiné les données relatives aux incendies en vol qui se sont produits entre janvier 1967 et septembre 1998 en vue d'établir un temps moyen entre le moment où l'on détecte l'incendie et celui où l'on effectue un amerrissage ou un atterrissage forcé ou que l'aéronef s'écrase. Pour représenter plus précisément le scénario du vol 111 de Swissair, les cas où l'avion s'est posé sans encombre n'ont pas été inclus dans l'échantillon. L'examen a été limité aux incendies à bord d'avions de transport commerciaux dont la masse maximale au décollage (MTOW) était supérieure à 50 000 livres. L'examen comprend tous les incendies qui se sont déclarés à l'intérieur du fuselage (soute, cabine ou poste de pilotage). Sont exclus tous les incendies de moteur, les incendies de logement de train d'atterrissage et les explosions (bombes).

Les données proviennent de l'OACI, du NTSB, du Aviation Safety Reporting System, du BST, des AirClaims et du Aviation Safety Network. Comme on peut s'y attendre, certains accidents figurent dans plus d'une base de données.

On s'est servi des 15 cas suivants pour calculer la moyenne qui a été établie à environ 17 minutes :

Type Date Temps écoulé après la détection
AN-12 14 janvier 1967 <10 minutes
BAC-111 23 juin 1967 <10 minutes
Caravelle 26 juillet 1969 26 minutes
Viscount 6 mai 1970 <10 minutes
IL-62 14 août 1972 <15 minutes
IL-18 31 août 1972 <20 minutes
B-707 11 juillet 1973 -7 minutes
B-707 3 novembre 1973 35 minutes
B-707 26 novembre 1979 17 minutes
B-737 23 septembre 1983 <20 minutes
Tu-134 2 juillet 1986 <20 minutes
B-747 26 novembre 1987 19 minutes
DC-9 11 mai 1996 <5 minutes
AN-32 7 mai 1998 <20 minutes
MD-11 2 septembre 1998 20 minutes

La recherche du BST révèle que, pour un avion dont la masse maximale au décollage est supérieure à 50 000 livres, il est plutôt rare qu'un incendie dans le fuselage cause un accident. Les quelques exemples pertinents dans ces cas sont répartis sur près de 31 ans.

Annexe B

Les cas suivants ont été choisis parce qu'il s'agit d'accidents où il s'est produit un incendie à bord :

1. Dans le présent document, les parties pressurisées de l'avion sont le poste de pilotage, la cabine, les compartiments avioniques, les soutes, etc.

2. Dans le présent document, l'expression « lutte contre les incendies en vol » s'entend de toutes les procédures et du matériel destinés à prévenir, à détecter, à maîtriser ou à éteindre les incendies dans un aéronef. Ils comprennent, sans s'y limiter, les normes d'inflammabilité des matériaux, l'accessibilité, les dispositifs de détection et de suppression de la fumée et des incendies, les procédures d'urgence et l'entraînement.

3. Des améliorations spécifiques ont été apportées aux moyens de détection et d'extinction des incendies dans les toilettes et les soutes à la suite d'un accident survenu à un avion d'Air Canada près de Cincinnati et d'un accident survenu en Floride à un avion de ValuJet.

4. Chaque autorité de l'aviation civile établit ses propres exigences en matière de lutte contre les incendies en vol. Du fait que le MD-11 a été certifié aux États-Unis, on fait référence aux Federal Aviation Regulations (FAR) dans le présent document.

5. Voir les FAR 25.854, 25.855, 25.858, 25.1181, 25.1195, 25.1197, 25.1199, 25,1201, 25.1203 et 121.308.

6. Voir la FAR 25.851(a).

7. Dans le présent document, quand il est question des espaces inoccupés, il s'agit de l'espace entre le sommet de l'avion et le plafond suspendu.

8. Voir le rapport DCA83AA028 du National Transportation Safety Board relatif à l'accident du 2 juin 1983 mettant en cause un DC-9 d'Air Canada, près de Cincinnati, en Ohio.

9. Development and Growth of Inaccessible Aircraft Fires Under Inflight Airflow Conditions (DOT/FAA/CT-91/2, daté de février 1991).

10. Voir les FAR 25.853, 25.855 et la Partie I de l'Appendice F de la Partie 25.

11. Voir les NPRM A99-NM-161-AD et A99-NM-162-AD.

12. FAA Aging Transport Non-Structural Systems Plan, daté de juillet 1998.

13. Smoke in the Cockpit Among Airline Aircraft, Rapport de la FAA, 12 octobre 1998.

14. Boeing Flight Operations Bulletin no MD-11-99-04.

15. Voir la FAR 25.851(a).

16. Voir l'article 725.124 des normes du Règlement de l'aviation canadien (RAC), l'article 135.331 des Federal Aviation Regulations, l'article 1.965 des Joint Aviation Requirements (JAR), et l'article 9.3.1 de l'Annexe 6 de l'Organisation de l'Aviation civile internationale (OACI).