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Des bateaux plus sécuritaires et des eaux plus sécuritaires pour des équipages en sécurité

Par Marc-André Poisson
Directeur des enquêtes maritimes, Bureau de la sécurité des transports du Canada.

Cet article a été publié en ligne dans le numéro d’octobre 2013 de la revue Marine Matters.

Au cours de la soirée du 10 février 2012, le grand bateau de pêche Katsheshuk II se dirigeait vers Harbour Grace, à Terre-Neuve. Il était chargé de plus de 300 tonnes de crevettes et les membres de l'équipage travaillaient sur le pont de chalutage afin de nettoyer l’usine au terme d'un autre voyage fructueux.

C'est après le repas du soir que la tragédie est survenue. À sa sortie d'un réservoir à crevettes tout juste nettoyé et dont il venait de terminer l'inspection, un contremaître a été frappé par un volet obturateur qui s'est refermé sur son cou. Il est mort instantanément.

Lorsque les enquêteurs du Bureau de la sécurité des transports (BST) se déploient sur le terrain, ils cherchent des réponses à trois grandes questions : qu'est-il arrivé, pourquoi et que peut-on faire pour empêcher qu'un tel incident se reproduise? Dans le secteur de la marine, par exemple, nos enquêtes et nos recommandations ont incité les organismes de réglementation internationaux à exiger que les navires commerciaux soient munis d’habits de survie pour tous les membres d’équipage à bord. Au pays, les petits navires à passagers doivent désormais être dotés d’un radeau de sauvetage à dégagement libre, les grands exploitants se dotent de plus en plus d’enregistreurs des données du voyage, et tous les passagers à bord de traversiers au Canada reçoivent désormais un exposé sur la sécurité avant chaque voyage.

Aucune de ces améliorations n’aurait été possible sans nos professionnels compétents et dévoués. Les experts du BST proviennent de plusieurs milieux différents – pilotes de ligne aérienne, experts du rail et des pipelines, techniciens en informatique, journalistes, avocats, ingénieurs, pêcheurs, officiers mécaniciens et de navigation et des membres des Forces canadiennes, pour ne nommer que ceux-là! Qu’ils s’emploient à méticuleusement rassembler les pièces d’un avion de ligne détruit, à faire un modèle mathématique de l’intérieur du mécanisme de verrouillage d’une embarcation de sauvetage ou à formuler des arguments convaincants au profit du changement, ces femmes et ces hommes n’ont ménagé aucun effort pour que les conclusions du BST s’appuient sur des fondements scientifiques et des faits solides.

Voilà une grande responsabilité, et pour que nos enquêteurs s’en acquittent correctement, la Loi sur le Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports leur accorde des pouvoirs assez vastes, y compris la capacité d’arrêter les travaux sur les sites d’accidents, de limiter l’accès à ceux-ci, de réquisitionner les débris et de contraindre les témoins à les rencontrer en entrevue. Pourtant, nous ne cherchons pas à mettre en cause qui que ce soit, bien au contraire. Le BST n’attribue jamais la faute ni ne détermine la responsabilité civile ou criminelle. De plus, la confidentialité de nos entrevues est protégée par la loi et les témoins peuvent tout dire sans crainte de représailles ou de poursuites judiciaires.

Notre méthode enregistre un beau taux de succès puisque plus de 80 % des 147 recommandations maritimes que nous avons émises depuis 1990 ont obtenu notre cote la plus élevée de « pleinement satisfaisante ». Mais de grands progrès sont toujours nécessaires dans un domaine clé : les systèmes de gestion de la sécurité (SGS).

Mis en œuvre convenablement, les SGS permettent aux sociétés de transport maritime et aux navires de reconnaître les dangers, de gérer les risques ainsi que d’élaborer et de respecter des processus de sécurité efficaces. Autrement dit, un SGS vous permet de trouver les problèmes avant qu'ils surviennent.

Katsheshuk II
Katsheshuk II

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir.)

Heureusement, la communauté maritime reconnaît depuis longtemps la valeur des SGS. Depuis plus d'une décennie, tous les navires d'une jauge brute supérieure à 500 tonnes qui naviguent dans les eaux internationales doivent satisfaire les exigences du Code international de la gestion de la sécurité et mettre en place un SGS. Cependant, ces exigences ne visent pas encore tous les navires exploités au Canada, y compris les centaines de navires commerciaux et à passagers de plus de 500 tonnes.

Le propriétaire du Katsheshuk II avait pris certaines mesures en ce sens avant l'accident en mettant en place un SGS rudimentaire alors qu'il n'en avait techniquement pas l'obligation. L'enquête du BST a toutefois révélé de nombreuses préoccupations, notamment l'absence d'une formation en gestion efficace de la sécurité et d'une évaluation des risques documentée en rapport avec les opérations en milieu de travail.

Même si nombre de ces questions ont été réglées depuis — y compris l'amélioration de la sécurité du matériel, une évaluation détaillée des risques et de nouvelles procédures relatives à de nombreuses activités à bord, le Katsheshuk II n’est qu’un navire parmi toute la flotte canadienne. Transports Canada doit exiger que tous les navires commerciaux aient un SGS et que tous les SGS soient certifiés et vérifiés.

Cette initiative ne préviendra bien sûr pas tous les accidents, et ce n'est pas l'objectif visé puisque même les SGS les plus rigoureux doivent évoluer selon les changements constants qui caractérisent les lieux de travail modernes. Mais les SGS améliorent vraiment la sécurité, car ils fournissent aux membres d'équipage un processus formel et structuré qui les aide à résoudre les problèmes avant qu'il ne soit trop tard.

Le BST est un organisme indépendant qui mène des enquêtes sur des événements maritimes, de pipeline, ferroviaires et aéronautiques. Son seul but est de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Pour obtenir de plus amples renseignements, consultez notre site Web à l’adresse www.bst-tsb.gc.ca.